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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 mai 2000

• 1535

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte conformément au mandat que confère au comité le paragraphe 108(2) du Règlement, examen de la Loi sur la concurrence.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui M. Tom Kent. M. Kent est un véritable expert de la question que nous étudions.

Monsieur Kent, nous serons heureux d'entendre votre présentation et je suis certaine que nous aurons plusieurs questions à vous poser par la suite.

M. Tom Kent (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente. Je tiens à vous remercier ainsi que le comité de m'avoir invité à vous entretenir de—comment dire—la pertinence de la Loi sur la concurrence dans la situation actuelle de la presse quotidienne.

Il convient de bien comprendre les raisons pour lesquelles nous sommes ici. Au début de 1980, énormément de quotidiens ont changé de main, la chaîne FP ayant cédé le Globe and Mail, le Winnipeg Free Press, le Vancouver Sun, le Montreal Star et l'Ottawa Journal, ainsi que d'autres. En revanche, cette situation n'a pas favorisé une déconcentration de la presse. Au contraire, un nombre plus restreint de propriétaires allaient désormais posséder tous ces journaux. Moyennant quelques ententes particulières avec le groupe Southam, Thomson allait acquérir tous les journaux de FP si bien qu'au lieu d'avoir trois chaînes sur le marché, il n'y en avait désormais plus que deux très grosses.

En réaction, le gouvernement a nommé une commission royale qui est parvenue à la conclusion évidente que le phénomène de concentration dans la presse canadienne, qui était déjà particulièrement élevé pour un pays démocratique, ne serait qu'un début sauf si le Parlement adoptait des mesures préventives. Il ne l'a pas fait et l'inévitable s'est produit avec M. Black en tête de liste. Aujourd'hui, cependant, M. Black étant en difficulté et le groupe Thomson ayant modifié sa stratégie commerciale, on se trouve face à une nouvelle possibilité de déconcentration de la presse.

Le Bureau de la concurrence vous l'aura certainement dit, j'en suis sûr: les journaux sont les principaux supports de publicité, mais la publicité disposant d'autres moyens d'expression, on ne peut considérer que la concentration des quotidiens porte tort à l'intérêt commercial du public. Cependant, on ne peut pas en dire autant du rôle particulier des journaux, qui sont des moyens d'information et de circulation de l'opinion en matière d'affaires publiques.

Certes, il est vrai que sur ce plan également, il existe d'autres sources. De plus en plus, ceux qui disposent du temps et des ressources nécessaires peuvent trouver presque n'importe quelle information ailleurs, mais ce n'est pas le cas de la majorité. Nous continuons de dépendre principalement des quotidiens et des émissions horaires, ce qui revient à dire que le journalisme conserve son caractère distinct, qui consiste à sélectionner une toute petite partie du volume sans cesse croissant et complexe des informations en circulation, pour la filtrer et l'interpréter, sans parler de tout ce qui est spéculation, opinion, fausseté et manipulations en tout genre. Cette tâche est essentielle au jeu démocratique.

Cela étant, le rôle des quotidiens n'est plus ce qu'il a été. La télévision est maintenant une source directe de nouvelles pour la plupart des gens, mais il se trouve que les plus fidèles disciples de la presse quotidienne sont les journalistes de la télévision et de la radio. Les journaux continuent à fournir relativement plus de détails que les médias électroniques, sans compter que leur contenu est plus durable. On pourrait dire des journaux qu'ils sont les médias des leaders d'opinion moyens et qu'ils demeureront donc à la base des idées alimentant le débat politique dans les médias.

Il est important, je crois, de comprendre—même si ce n'est que par un survol—comment il se fait qu'une telle influence a pu être concentrée dans si peu de mains.

• 1540

Jadis, les quotidiens étaient des entreprises familiales. On en trouvait souvent deux dans la plupart des villes, jusqu'à ce que ce genre de saine concurrence soit entièrement détruite par les nouvelles règles économiques de l'entre-deux guerres. Après ce genre de destruction, les journaux sont devenus des entreprises très rentables mais qui ne conféraient plus à leurs propriétaires le même degré de stimulation. C'est ainsi qu'après trois ou quatre générations, les intérêts que ces familles possédaient dans la presse écrite furent dispersés et amoindris. Les filles, les fils, les nièces et les neveux des anciens magnats de la presse retirèrent le capital familial pour se lancer dans d'autres entreprises. Cela allait paver la voie au changement, même s'il n'y a pas grande économie d'échelle dans l'exploitation de plusieurs journaux.

D'ailleurs, l'apologie du changement la plus répandue consiste à dire que celui-ci ne modifiera pas grand chose. Les grands patrons prétendent qu'ils n'abusent pas de leurs pouvoirs, qu'ils ne s'ingèrent ni dans la nouvelle ni dans la communication des opinions.

Au jour le jour, c'est grandement le cas. Les patrons de presse sont trop occupés. Cependant, ce sont eux qui choisissent les responsables de leurs journaux. En fait, au sein d'une chaîne, le scénario est bien arrêté. On tolère un peu de dissidence d'un chroniqueur ou deux, mais pour l'essentiel, le groupe représente un point de vue unique. On ne pourrait certainement pas reproché à M. Black d'être moins le maître idéologique de ses journaux qu'un autre célèbre Canadien qui, lui, est devenu Lord... Lord Beaverbrook.

En toute honnêteté, je dois vous indiquer que le dernier grand groupe média qui s'est montré le moins directif a été le groupe Southam avant l'époque Black. Je crois même qu'à l'occasion d'une élection, un des journaux de Southam a conseillé à ses lecteurs de voter NPD quand quelques autres favorisaient le Parti libéral, alors qu'à l'extérieur d'Ottawa, le groupe a presque toujours été un fervent partisan des conservateurs.

Pour résumé, je dirais que la concentration de la presse entrave l'expression de la diversité politique. Je ne suggère pas que les éditoriaux ont une grande influence—et je peux en parler puisque j'ai moi-même été éditorialiste—mais le fait qu'un ensemble d'attitudes colore la nouvelle et les points de vue exprimés, pas dans un mais dans plusieurs journaux, va grandement à l'encontre de l'intérêt du public. Ainsi, la base sur laquelle les gens se fondent pour se forger une opinion penche en fait toujours dans la même direction, dans plusieurs collectivités différentes.

Autrement dit, les vertus de la concurrence ne sont pas uniquement économiques. Elles s'appliquent aussi aux moyens d'information, à l'alimentation de l'esprit, tout autant qu'aux moyens de production. Je pourrais même dire que la concurrence dans les médias est encore plus importante pour la santé d'une société démocratique libre que ne l'a été tout ce qu'on a pu obtenir jusqu'ici par le biais de la Loi sur la concurrence.

La commission royale de 1980 a dû se débattre avec l'argument selon lequel la concentration des médias échappait à la compétence du gouvernement fédéral et donc à la Loi sur la concurrence. Toutefois, après l'adoption, peu après, de la Loi constitutionnelle de 1982 et maintenant de la Charte, il est évident que le Parlement a pour devoir de protéger les Canadiens contre l'envahissement de leur liberté d'information et d'expression.

Bien que, telle qu'elle est rédigée, la Loi sur la concurrence ne couvre pas ce cas de figure, il conviendrait de l'élargir pour prévoir l'examen des acquisitions ou des fusions dans les médias, sur la foi des nouvelles interprétations données à la Charte. J'estime qu'il serait raisonnable de prévoir que, si à la suite d'une expansion, d'une fusion ou d'une acquisition, un groupe parvenait à posséder, disons, 10 p. 100 du tirage des quotidiens dans une langue ou dans une autre, l'opération envisagée ne serait autorisée que si le Tribunal de la concurrence avait la certitude qu'aucune autre solution viable sur un plan commercial permettrait de diversifier la propriété.

Par souci de concision, je n'ai pas parlé de la question de la propriété de plusieurs médias différents, parce que celle-ci relève du CRTC. Toutefois, la nouvelle récente faisant état du désir de CanWest d'acquérir, dans l'Ouest, des journaux canadiens appartenant au groupe Thomson, ne m'empêche pas de déclarer que la propriété commune de médias imprimés et électroniques dans une même collectivité constitue une énorme attaque à la liberté de l'information et d'opinion. J'estime que le Parlement d'un pays démocratique devrait juger cela intolérable.

• 1545

Toutefois, ma proposition pose problème sur le plan pratique. Comme les deux groupes Thomson et Hollinger se trouvent en même temps sur le marché, la demande risque d'être stable par rapport à l'offre. Bien sûr, en réaction à cette situation, le milieu des affaires fait pression pour qu'on ouvre les quotidiens à un marché beaucoup plus vaste—c'est-à-dire à la prise de contrôle par les Américains—ce qui serait bien sûr nettement mieux que si la seule autre solution consistait à permettre à un nouveau géant canadien de dominer les médias. En revanche, cette solution serait nettement moins intéressante qu'un retour à la diversification de la propriété canadienne, ce qui ne sera peut-être possible que si l'élargissement de la Loi sur la concurrence devait être prolongé par des mesures destinées à favoriser la prise de contrôle par des Canadiens, notamment par le genre d'abri fiscal qui est consenti pour des fins souvent moins importantes.

Par exemple, on pourrait encourager la diversification de la propriété en permettant que des investissements correspondant à, disons, 10 p. 100 de l'avoir nécessaire à l'achat d'un journal donnent droit à une déduction pour amortissement accéléré. En contrepartie, on pourrait exiger que, durant la même période, les bénéfices dégagés au-dessus d'un certain niveau soient réinvestis dans le journal pour améliorer sa situation, ce qui souvent nécessaire.

Toute proposition du genre devrait bien sûr être affinée par des gens qui ont accès à des recherches plus récentes que celles dont je dispose. Je voulais simplement vous donner un exemple de ce qu'on pourrait envisager.

À l'heure où ils se sentent de plus en plus sous l'emprise de la mondialisation, où ils ont l'impression que leur vie est dominée par des sociétés tentaculaires et par des forces de moins en moins locales, les gens réclament plus de contrepoids, ils veulent une institution locale forte, ouverte à l'influence locale. Je pense que les résidents d'un grand nombre de villes canadiennes seraient enthousiasmés par l'idée de retrouver des journaux locaux qui, dans la mesure du possible, seraient des institutions communautaires. Cela ne coûterait que très peu au trésor et ce serait une mesure très bien accueillie. Par-dessus tout, il faut se rappeler que la situation actuelle dans le milieu des quotidiens nous donne l'occasion de renforcer et de diversifier les influences qui s'exercent sur la politique et sur l'opinion publique canadiennes.

Pour conclure, je me dois d'insister sur le fait que cette conjoncture favorable ne demeurera pas longtemps. Dans l'intérêt du public et en toute justice envers le milieu des affaires en général, notamment envers les actionnaires de Thomson et de Hollinger, il est nécessaire que le gouvernement arrête une politique claire et en fasse l'annonce sous peu. J'espère que nous ne nous retrouverons pas de nouveau dans une situation où l'on aura attendu trop longtemps de prendre une décision.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Kent.

Je précise simplement aux députés que la sonnerie qui résonne n'est pas un appel au vote, mais une vérification du quorum.

Nous allons ouvrir la série de questions par M. Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je souhaite la bienvenue à notre invité. Je sais que vous avez une longue expérience de la question et vous avez d'ailleurs fourni des renseignements de fond très importants au comité tout au long des années où vous avez pris part à ce débat.

J'aimerais savoir à quoi l'on doit aujourd'hui cet intérêt pour la concentration dans la presse quotidienne, car je n'ai pas l'impression que les choses sont très différentes de l'époque où Southam possédait la plus grande chaîne de journaux au Canada. À présent que Conrad Black est le principal propriétaire, on dirait que bien des gens s'intéressent à la nouvelle Loi sur la concurrence, pour limiter l'investissement potentiel que ces magnats pourraient réaliser... en quelque sorte pour leur couper le souffle.

Personnellement, j'ai l'impression que si le point de vue de ces propriétaires se retrouve dans leurs journaux, cela tient beaucoup plus à la politique qu'à n'importe quoi d'autre, comme vous-même l'avez suggéré. Soudain, de nos jours, le point de vue exprimé par ces gens-là est différent et il est possible que certains ne l'apprécient pas.

Quoi qu'il en soit, vous semblez dire que quelques-unes de ces grandes chaînes sont en voie de se départir de leurs journaux. J'ai l'impression que, ce faisant, des particuliers ou des entreprises pourraient profiter de les acheter. Or, les gens sont maintenant davantage intéressés à investir dans les nouvelles technologies, comme l'Internet et les technologies de convergence.

Dois-je comprendre que vous insistez tout autant sur la nécessité de revoir la Loi sur la concurrence dans tous ses aspects et pas uniquement pour les journaux, parce qu'on disait que, depuis toujours, la population semble imposer sa loi en choisissant différents instruments pour s'informer?

• 1550

M. Tom Kent: Malheureusement, la plupart des gens n'ont ni le temps ni les ressources suffisantes pour dénicher eux-mêmes les informations concernant les affaires publiques. Ce sont donc les mass-médias—la radio, la télévision et les journaux—qui présentent au public leur vue du monde en quelque sorte, leur vue sur ce qui est important pour le citoyen. Ni l'Internet ni le reste ne changent quoique ce soit à cette situation.

Telle est la situation aujourd'hui et telle sera la situation demain. Certes, les autres médias, comme Internet et le reste, finiront par prendre une place considérable. De plus en plus de gens s'abreuveront à ces sources d'informations. Mais il n'en demeure pas moins que l'information devra être issue d'une démarche journalistique. Quelqu'un devra aller puiser dans toute cette masse d'informations pour les digérer et les rendre accessibles au citoyen ordinaire. Cette forme de journalisme continuera d'être pratiquée surtout dans la presse écrite. Ensuite, la nouvelle sera répercutée par toutes sortes de moyens.

Les journalistes de la télévision s'approvisionnent quotidiennement dans le creuset de la presse écrite. Les réunions des équipes de nouvelles à la télévision consistent à décider de ce qu'il faudra couvrir le jour même, à la lumière de ce qui est paru dans les journaux du matin. C'est ainsi que les choses fonctionnent.

Je ne pense pas que l'importance des journaux et l'importance de la diversité dans ce domaine soient moindres qu'auparavant. J'ai même l'impression que... On accorde de plus en plus d'importance à l'intérêt du public dans les affaires publiques. Eh bien, j'ai également l'impression qu'on accorde davantage d'importance aux journaux et à leur diversité.

M. Charlie Penson: Monsieur Kent, compte tenu de ce que vous venez de dire et du fait que des chaînes de journaux envisagent de se départir de certains de leurs quotidiens, vous semblez penser qu'une solution constructive consisterait à adopter une politique fiscale favorable à l'acquisition de ces journaux par des Canadiens, mais vous écartez d'emblée la question du contenu ou de l'investissement étranger.

La ministre du Patrimoine canadien semble dire qu'on pourrait modifier les règles d'investissement ou notre politique fiscale, ou encore faire sauter tous les verrous empêchant les investissements étrangers, comme la règle de la position dominante. Comme vous le savez, la limite de propriété étrangère des compagnies aériennes canadiennes est de 25 p. 100. Ne pourrait-on pas utiliser ce genre de véhicule? Sinon, qui va se porter acquéreur de ces journaux ou comment ceux-ci vont-ils disposer de l'argent nécessaire pour réaliser ce que vous souhaitez vous-même?

M. Tom Kent: Je pense qu'il y a bien des gens qui, dans le genre de conditions que j'ai formulées et moyennant de solides encouragements fiscaux, aimeraient beaucoup acheter les journaux en tant que groupes mais pas nécessairement à titre de particuliers. Des coopératives de crédit, des fonds de travailleurs et toutes sortes d'autres institutions pourraient acheter des actions dans les journaux locaux. Le désir de posséder des journaux locaux a été ravivé.

Ouvrir la porte aux investissements étrangers reviendrait à se retrouver dans une situation dominée par les grandes sociétés. On s'éloignerait des intérêts de la communauté. Ce que je prétends, c'est qu'il faut rebâtir nos institutions communautaires dans la mesure du possible. Ce faisant, la propriété étrangère serait un mauvais deuxième choix. Premièrement, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour favoriser la propriété locale. Si nous n'y parvenions pas, si cela ne fonctionnait pas très bien, alors je serais d'accord pour qu'on ouvre la porte à une propriété étrangère diversifiée, ce qui serait préférable à la solution consistant à remettre les quotidiens dans les mains d'une seule grande société, sous prétexte qu'elle est canadienne.

Si j'étais à la place de Mme Copps, plutôt que de favoriser l'acquisition des journaux mis en vente, je préférerais inciter une entreprise étrangère à venir lancer ici un nouveau journal. Il serait très bon pour l'industrie canadienne de subir un peu de concurrence. J'insisterai autant sur ce fait que sur l'acquisition des journaux existants.

M. Charlie Penson: C'est un concept intéressant.

• 1555

Comme vous le savez, monsieur Kent, les Canadiens ont toujours possédé des journaux dans d'autres pays. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela par rapport à la propriété étrangère au Canada. J'ai l'impression que les Canadiens qui possédaient des journaux en Grande-Bretagne, par exemple, n'ont pas particulièrement porté tort au public britannique parce qu'ils étaient des étrangers là-bas. Les lecteurs britanniques ont été très bien servis. Peut-être est-ce un modèle que nous pourrions retenir.

M. Tom Kent: Malheureusement, la situation de nos journaux est différente de celle qui règne en Grande-Bretagne. Là-bas, vous avez six ou sept journaux nationaux qui se complètent les uns les autres. Je ne me rappelle plus combien il y en a au juste. Il y en a peut-être plus que cela aujourd'hui. Et il y a aussi des journaux locaux, mais qui ne pèsent presque rien. Alors, ce n'est pas grave si deux ou trois journaux nationaux sont détenus par des intérêts étrangers. Il y a par ailleurs un grand nombre de propriétaires anglais ou écossais.

Nous devons beaucoup plus nous intéresser au problème que pose la concentration de la propriété. Nous n'avons pas beaucoup de quotidiens nationaux. La plupart des journaux que les gens lisent sont des quotidiens locaux, des quotidiens régionaux. Ces journaux sont en prise sur leur communauté. Quant à moi, le problème n'est pas tant de savoir si la grande entreprise qui va tout posséder est canadienne ou étrangère. Je ne vois pas là une grande différence. Ce qui est important, c'est de diversifier le plus possible la propriété locale, plutôt que de confier les journaux à une seule grande entreprise.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Je tiens à rappeler aux députés que nous sommes ici pour parler de la Loi sur la concurrence et de son effet sur la presse quotidienne. Il conviendrait donc de limiter sur ce sujet les questions que vous adressez à M. Kent. Par ailleurs, et afin de bien préciser les choses, je vous rappelle que nous avons convenu d'entreprendre cet examen de la Loi sur la concurrence bien avant que qui que ce soit ne décide de vendre ses journaux.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je suis honoré de vous accueillir aujourd'hui, monsieur Kent. Je fais partie des élèves en herbe d'un de vos collègues, Paul Rutherford, de l'Université de Toronto. J'aurais aimé avoir ici avec moi le grimoire du pouvoir victorien, parce que j'ai l'impression que ce genre de préoccupation en matière de représentation politique—que ce soit directement par les propriétaires des journaux ou à leur demande expresse—comme vous l'avez justement souligné, ne fait pas partie du paysage politique canadien. On peut voir notamment ce qui s'est passé dans le cas des propriétaires du Globe and Mail et ainsi de suite.

Pour en revenir à la question de la Loi sur la concurrence, j'aurais deux ou trois questions très simples à vous poser. Le National Post, par exemple, offre à ses lecteurs ce qu'on peut considérer comme étant une gamme de points de vue diversifiés, exhaustifs et relativement engagés allant du monde des affaires à celui du sport. On pourrait sans doute soutenir qu'il serait très coûteux, en plus des énormes coûts irrécupérables, de mettre en marché le genre de quotidiens qui pourraient soutenir la concurrence des autres journaux nationaux à grand tirage.

Il est devenu évident pour les actionnaires et les autres observateurs que le prix de 50 cents le numéro, semblable à celui pratiqué par l'autre chaîne, celle du Sun, ne revient pas du tout à la même chose pour le Globe and Mail ou le Toronto Star. C'est ce que je pense et je suis certain que les autres députés ici présents ont fait le même constat. Selon vous, est-ce que nous avons affaire à un prix abusivement faible ou est-ce dû au fait qu'un nouvel arrivant essaie de se tailler une place sur le marché et qu'une fois qu'il y parviendra, il pourra augmenter son prix de vente? Comment justifier l'existence d'un journal qui n'est pas rentable si l'on ne poursuit pas d'autres fins?

M. Tom Kent: Il est évident que dans le cas du National Post, le propriétaire a d'autres objectifs à coeur et que, tant qu'il parviendra à persuader ses actionnaires minoritaires de demeurer dans la course, il sera prêt à dépenser beaucoup d'argent. Je serais désolé qu'on voit là la preuve d'une tarification abusive, parce qu'on pourrait alors porter atteinte à la diversité d'opinion.

Ce que j'essaie de dire, au bout du compte, c'est que l'univers des quotidiens est différent de celui des autres entreprises. La question n'est pas celle des intérêts purement commerciaux, qui est au coeur de la loi actuelle sur la concurrence. On ne peut envisager le problème des journaux que si la loi est suffisamment élargie pour permettre la diversité des contenus, à la façon dont je l'ai recommandé.

D'ailleurs, veuillez m'excusez si j'ai fait diversion avec ma proposition de régime fiscal. Je ne l'ai formulée que pour une chose: vous montrer que le simple fait d'élargir la portée de la loi ne suffit pas. Je tiens cependant à recommander à votre comité de modifier la portée de la loi pour exiger que tout projet de fusion ou d'acquisition qui porterait la propriété à plus de 10 p. 100 du tirage global d'un quotidien, fasse l'objet d'un examen.

• 1600

M. Dan McTeague: Monsieur Kent, la formule que vous proposez est hybride et je crois savoir que ce comité n'est pas parfaitement adapté pour se pencher sur les questions commerciales. Si nous vous suivions dans votre idée de faire une exception ou d'instaurer un régime totalement différent—et il ne faut pas oublier que la question des impôts échappe au mandat du comité, de même que le CRTC—pour apporter à la Loi sur la concurrence des changements concernant une industrie en particulier, nous risquerions d'être la risée de tous les tribunaux de ce pays. Il n'est pas possible d'instaurer un ensemble de lignes directrices pour une industrie en particulier, pas plus pour les fusions que pour la reconnaissance d'un monopole ou d'un oligopole de fait, quel que soit le cas... Il n'est pas possible de faire cela pour un secteur à l'exclusion de tout autre. Donc, il faudrait que vos recommandations puissent s'appliquer aux autres secteurs d'activité.

Cela étant, si nous allions dans ce sens, pensez-vous que d'autres industries pourraient bénéficier d'une réorientation de la Loi sur la concurrence pour que celle-ci passer d'objectifs essentiellement commerciaux à des impératifs davantage culturels, c'est-à-dire aux impératifs nationaux dont vous parlez?

M. Tom Kent: En fait, nous établissons déjà la distinction entre les différents secteurs d'activité. Nous avons une loi sur les banques, par exemple, et ainsi de suite. La Commission royale a, par exemple, suggéré d'adopter une loi sur les quotidiens pour prendre acte de ce genre de problème. On semblait pressé de mettre cette idée en pratique à l'époque parce qu'on craignait que, dans ce domaine, tout ce que faisait le fédéral ne relevait pas forcément de sa compétence.

J'en suis venu à estimer—et croyez-moi, je suis conseillé par d'excellents juristes—que la Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte ont modifié cette situation. Il est maintenant tout à fait possible pour le gouvernement fédéral d'adopter des dispositions spéciales. Il pourrait aussi le faire en dehors de la Loi sur la concurrence, j'en conviens. Mais, justement pour éviter de ne pas ratisser très large—pourquoi, après tout, le ferait-on?—on pourrait s'attaquer à un problème en particulier, un problème concernant une partie des médias et pas l'ensemble de l'industrie des communications. Comme nous avons affaire aux médias de base qui traitent d'opinion et d'affaires publiques, il s'agit bien d'un cas d'espèce qui mérite des dispositions spéciales, que ce soit dans la loi ou ailleurs.

M. Dan McTeague: Voici ma dernière question, monsieur Kent, parce que je ne sais pas si d'autres vont vouloir vous poser des questions toutes aussi importantes que les miennes dans le peu de temps qui vous est imparti. Craignez-vous la concentration dans le cas des agences de presse, comme la Presse canadienne qui, de temps en temps, apporte son appui à d'autres journaux? Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit relativement à la télévision, qui va puiser ses informations dans les journaux. Mais j'ai constaté, personnellement, que la Presse canadienne remplit aussi un rôle très important dans la diffusion d'informations 24 heures sur 24, pas uniquement pour la radio et la télévision, mais aussi pour la presse écrite. Qu'en pensez-vous? En avez-vous tenu compte dans votre réflexion?

M. Tom Kent: Bien sûr qu'il faut en tenir compte. La Presse canadienne est une institution qui a beaucoup contribué à la formation de ce pays. Elle a été mise sur pied par une coopérative de journaux communautaires, les mêmes journaux variés dont je parlais et qui se sont épaulés mutuellement dans le cadre d'accords de coopération. Ce fut une phase très importante pour eux et très importante aussi pour le pays.

Pour tout vous dire, depuis ces changements, le rôle de la Presse canadienne a diminué, ce que je trouve assez regrettable. Mais dans le genre de monde que j'envisage, la Presse canadienne aurait tout de même un rôle étendu. Ce serait très bien tant qu'elle demeurerait une coopérative de journaux communautaires.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

[Français]

Monsieur Dubé, est-ce que vous avez des questions?

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Oui.

• 1605

Bonjour, monsieur Kent. C'est à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. J'espère que la traduction française se rend à vous.

[Traduction]

M. Tom Kent: Vous savez, j'ai vécu trop longtemps en Nouvelle- Écosse avec le gaélique comme deuxième langue.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je vis souvent la situation inverse. Donc, je vous comprends.

Quand je vous écoute parler, j'ai l'impression que vous souhaitez qu'il y ait une loi spécifique pour le problème de la concentration de la propriété des médias.

Je partage le point de vue de M. McTeague: il est difficile, dans une loi, de prévoir des exceptions tout de suite. Il faut plutôt envisager une mesure législative qui couvre le tout. La solution ne serait-elle pas une loi qui, par exemple—et j'ai entendu d'autres témoins dire cela—ferait en sorte que le CRTC agisse de la même façon avec les journaux qu'il le fait avec les médias électroniques et les stations de radio et de télévision? Même la Société Radio-Canada, pour des stations régionales ou autres, doit comparaître tous les trois ans devant le CRTC pour demander des permis qui sont octroyés en fonction de certaines conditions, de certaines balises. Est-ce que vous seriez favorable à une telle mesure?

[Traduction]

M. Tom Kent: Je pense que tout le monde jugerait cette mesure draconienne. Le contrôle qu'exerce le CRTC sur les médias électroniques est très précis. On peut toujours se demander si c'est bon ou mauvais, mais c'est ainsi: le CRTC exerce un contrôle très précis. Eh bien, je crois que la plupart d'entre nous seraient inquiets de retrouver le même degré de contrôle dans le cas des médias en général.

Il est possible que les gens pensent qu'il faudrait moins de contrôle à certains égards—en matière de contenu—dans les médias électroniques. Je trouverais regrettable qu'on traite de la même façon tous les médias. Cela étant, j'estime important de disposer d'une loi distincte régissant la presse écrite, les quotidiens, et j'aimerais que cela se fasse autant que possible dans le cadre de la Loi sur la concurrence pour ne pas créer plus d'exceptions que nécessaire. En effet la presse écrite joue un rôle un peu différent puisque, comme je le disais, elle sert à alimenter la réflexion et à forger l'opinion publique. Il faudra reconnaître cet état de fait d'une façon ou d'une autre. J'ai déjà dit que les Pères de la Confédération ont pris acte de l'importance de l'opinion publique dans une société naissante et que, dans le contexte national de 1867, nous aurions adopté une loi sur les quotidiens en même temps qu'une loi sur les banques. Nous nous serions dotés de dispositions en la matière.

Je pense cependant qu'on pourrait s'en sortir en élargissant la portée de la loi, par le biais d'une disposition ne se limitant pas uniquement aux aspects commerciaux dans des situations importantes et particulières touchant à la circulation de l'information et de l'opinion. Ce serait mieux, je pense que de faire appel au CRTC. Vous savez, les interventions du CRTC n'ont pas été très heureuses.

[Français]

M. Antoine Dubé: Les autres députés poseront peut-être des questions sur d'autres aspects, mais je vais continuer sur le même sujet. Je réfléchis en vous écoutant et j'essaie de comprendre pourquoi les journaux, les médias écrits, devraient avoir en quelque sorte une totale liberté d'expression. Actuellement, c'est comme ça. Par ailleurs, les médias électroniques prennent de plus en plus d'importance. On pense aussi à l'Internet, qui prend de plus en plus d'importance. Est-ce un peu en vertu de considérations nostalgiques qu'on a ce que j'appellerais un préjugé favorable pour les médias écrits plutôt que pour les médias électroniques?

• 1610

Il faut reconnaître qu'aujourd'hui, et les politiciens le savent, il ne suffit pas de faire parler de soi des journaux. Il faut aussi avoir une présence dans les médias électroniques si on veut influencer l'opinion publique. Sinon, ça ne fonctionne pas.

On pourrait épiloguer longtemps, mais pourquoi cette différence existe-t-elle? Je vous pousse encore plus loin, non pas pour vous offenser, mais pour mieux réfléchir.

[Traduction]

M. Tom Kent: J'admets que la différence fondamentale est de nature historique. Les journaux ont pris de l'expansion à une époque où il y avait beaucoup moins de lois et de règlements que maintenant. Quand les médias électroniques sont apparus, les ondes appartenaient au domaine public, contrairement à ce qui avait été le cas pour les médias écrits, si bien que leur exploitation devait être soumise à un régime d'émission de licence. Ce n'est certainement pas ce genre de régime que nous souhaitons pour la presse écrite.

Il y a une grande différence à faire. À l'occasion du processus d'octroi des licences, nous avons commencé à réglementer le contenu de même que les médias électroniques en général; toutefois, il n'a pas été question de réglementer le contenu des informations ni le reste, mais plutôt la façon dont les choses fonctionnaient, le contenu canadien des émissions, etc. On pourrait trouver beaucoup de défauts à cette formule et je ne voudrais certainement pas qu'on l'applique à la presse écrite. C'est tout ce que je veux dire.

[Français]

La présidente: Merci, monsieur Dubé.

[Traduction]

Monsieur Murray, s'il vous plaît.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Kent, merci de vous être joint à nous aujourd'hui.

Dans vos remarques liminaires, vous disiez que le degré de concentration au Canada est très élevé pour un pays démocratique. Je suppose que vous avez examiné la situation des autres pays où la concentration n'est pas aussi forte. Dans ces autres pays, cette situation est-elle due au simple fait du hasard ou à une planification soigneuse ou encore à un public lecteur très exigeant?

M. Tom Kent: Dans les pays européens, cette situation tient au fait que le tirage des journaux nationaux couvre des régions géographiques beaucoup plus petites qu'ici. Même dans un petit pays comme le Danemark, la concurrence que se livrent les nombreux journaux est très vigoureuse. Par ailleurs, je crois que les gens ont beaucoup plus l'habitude de lire qu'ici.

On ne parle ici que de démocratie. La situation était très différente dans les dictatures. On peut affirmer qu'il n'y a pas d'autres pays dans le monde où la concentration de la presse soit comparable à celle du Canada, certainement pas dans les pays d'Europe... même pas, comme je le disais, dans les plus petits.

Tout à l'heure, un de vos collègues a fait allusion au fait que des Canadiens ont déjà possédé des journaux en Angleterre et aux États-Unis aussi, d'ailleurs. Mais aux États-Unis, tous les Thompson, les Black et les Hollinger de ce monde n'ont finalement conquis qu'une infime partie de ce marché. Des groupes comme ceux que nous avons au Canada nous paraissent énormes, mais sur le marché américain, on en trouve qui sont 10 ou 12 fois plus gros que ceux-là.

M. Ian Murray: Il se peut que cela ne soit finalement qu'un problème de politique publique au Canada.

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. Tom Kent: Ce sont les médias électroniques qui se vengent par jalousie.

• 1615

La présidente: On peut réessayer?

M. Ian Murray: Oui, je crois que tout va bien.

Ce que je voulais dire c'est que tout cela ne semble tenir qu'à un problème de politique publique au Canada, par rapport à ce qui se passe dans d'autres démocraties que vous connaissez. En Europe, il se peut que cette situation soit due au fait que le public lecteur est très exigeant et que les gens lisent plus les journaux. Quel autre pays a dû adopter un régime législatif particulier pour encourager la diversité des quotidiens?

M. Tom Kent: Excusez-moi, mais les travaux de la Commission royale sont vieux de 20 ans, ma mémoire n'est plus aussi bonne et les événements ont changé depuis. Il est vrai que plusieurs pays européens ont délibérément—dans les limites de règles très strictes visant à éviter des dérapages—subventionner ce milieu pour continuer d'en assurer la diversification. C'est un fait.

Je vais me tourner vers un ami qui était attaché de recherche à la Commission. Tim, ai-je raison de dire que tel était le cas en Suède et aux Pays-Bas?

Une voix: C'est vrai, et la Grande-Bretagne, aussi, a des règles qui régissent la concurrence.

M. Tom Kent: Oui, mais c'est différent. Plusieurs pays ont adopté des mesures semblables à celles que j'ai recommandées en matière de fiscalité, mais je reconnais qu'on sort ici des cadres de la Loi sur la concurrence.

M. Ian Murray: Si le groupe Hollinger, plutôt que de poursuivre des intentions cachées, cherchait vraiment à défendre un point de vue, pensez-vous que nous aurions ce genre de discussion aujourd'hui? Comme je reçois tous les matins le National Post et le Citizen, moi qui réside à l'extérieur d'Ottawa, je suis forcé de constater que ce groupe a des visées particulières.

Je fais partie de ceux qui estiment que les propriétaires de journaux peuvent faire absolument ce qu'ils veulent d'un tel outil, outre qu'ils déforment souvent la vérité. Hier, un témoin m'a dit qu'on pouvait se livrer à des manipulations très simples, comme adopter un titre n'illustrant pas du tout le contenu de l'article. L'article peut être exact, mais porter un titre totalement faux ou injuste, sans compter que, plutôt que de paraître en première page, on peut l'imprimer en page 18.

C'est ce qui nous met en colère, nous les politiciens, qui sommes toujours prêts à blâmer la presse pour tout ce qui nous arrive. La plupart d'entre nous sommes néanmoins conscients que nous n'avons rien à gagner à agir ainsi. Comme je le disais, j'estime que les gens devraient être libres d'écrire ce...

La présidente: Monsieur Murray, en...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. Ian Murray: ...Monsieur Kent, je crois comprendre qu'on va me rappeler à l'ordre parce que je pose des questions de contenu. En fait, ce n'était pas vraiment mon intention.

M. Tom Kent: Puis-je faire un commentaire?

Quelqu'un a dit que tout ce débat—à propos de la concentration qui préoccupait beaucoup—a débuté quand M. Black ne possédait que quatre ou cinq petits journaux au Canada. Cela étant, on aurait tort d'associer toute cette question à la politique particulière de ce monsieur, même si elle n'est pas sans effet. Elle constitue simplement un autre volet du problème.

M. Ian Murray: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

Madame Lill.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup.

Je suis très honorée de vous rencontrer en personne.

Comme vous le savez, je vous ai appelé il y a quelque 18 mois, à votre maison de campagne, pour vous demander s'il y avait des chances que nous puissions légiférer en matière de concentration des médias à un moment donné. Vous m'avez beaucoup parler mais en fin de compte vous m'avez dit qu'aucun groupe n'envisageait de se départir de ses quotidiens. À cette époque-là, le marché était relativement fermé et personne n'espérait que les choses bougent.

Mais voilà que, soudain, on assiste à un véritable bouleversement. Comme vous le disiez, une fenêtre vient de s'entrouvrir et nous pourrions peut-être faire quelque chose.

Je siège au Comité du patrimoine qui a examiné la situation de l'édition du livre au Canada. Ce secteur a été énormément subventionné par le gouvernement. On envisage d'adopter une loi sur la concentration des médias parce qu'il faut protéger une certaine diversité de point de vue. Il existe maintenant d'énormes chaînes dans ce domaine. Cela a pour conséquence de détruire la base et les feuilles qui sont en fait toutes les petites entreprises du monde de l'édition, les petites librairies.

• 1620

Si je vous dis cela, c'est parce que vous soutenez qu'il faut réinventer le secteur des journaux au Canada. La base a été très endommagée. Il faut maintenant la consolider. Il faut modifier cette loi, y ajouter un article pour permettre aux journaux de souffler un peu, pour permettre aux collectivités de se réapproprier cet instrument de communication, éventuellement en concédant certains avantages fiscaux. Au stade où nous en sommes du processus, le travail de ce comité est très important.

Pensez-vous qu'on pourrait adopter des lois spectaculaires en la matière? La conjoncture est maintenant favorable. Notre comité veut faire ce qu'il faut pour favoriser la concurrence dans le milieu des journaux et permettre à d'autres voix de s'exprimer au Canada. Pourrait-on envisager un moratoire? En fin de compte, j'aimerais que vous raisonniez à haute voix pour nous.

M. Tom Kent: Un moratoire serait tout à fait injuste pour les groupes Hollinger et Thomson. Les difficultés soulignées par la Commission royale sont toujours très réelles. Le Parlement du Canada a permis à la presse écrite d'atteindre un degré de concentration qui n'est pas souhaitable, mais cela s'est fait en toute légalité. Il faut se garder de changer la loi et de l'appliquer rétroactivement d'une façon qui pourrait porter atteinte à des gens.

Voilà pourquoi, dans les entretiens auxquels vous avez fait allusion, je vous ai dit que je n'avais pas l'impression que nous pourrions faire beaucoup sur le plan de la propriété. Nous étions arrivés dans cette situation en toute légalité. Encore une fois, c'était trop tard. Comme je le disais au début, nous avons pris la décision trop tard, ce qui arrive très souvent. À cette époque, j'ai l'impression que ce que nous pouvions faire de plus efficace consistait à renforcer les nouvelles et les informations à Radio- Canada, pour faire contrepoids à la presse écrite.

Aujourd'hui, la situation économique a changé. Il est possible de défaire une partie de cette concentration, parce que les propriétaires y sont prêts. Nous devrions trouver une façon d'y parvenir pour retrouver la diversité du temps passé. Je pense qu'on pourrait y parvenir par le biais d'une disposition du genre de celle que j'ai recommandée dans la Loi sur la concurrence.

On pourrait donner au tribunal sur la concurrence le pouvoir de tenir des audiences à l'occasion de tout achat projeté. S'il devait conclure que cet achat correspond à une intensification de la concentration, d'une façon qui pourrait être évitée, il aurait alors la possibilité d'interdire la fusion ou l'acquisition projetée. Cette disposition ne serait fondamentalement pas différente de celle déjà contenue dans la loi à propos des intérêts commerciaux. On y reprendrait les mêmes principes fondamentaux voulant que la concurrence va dans l'intérêt du public, mais dans un domaine où la concurrence qui compte est celle de l'esprit, non pas celle de la publicité ou du reste.

Je crois qu'on est en présence d'une telle occasion, mais peu importe qu'on agisse par le biais de la Loi sur la concurrence ou d'une autre loi. Il se trouve, cependant, que vous êtes en train de revoir la Loi sur la concurrence. Vous avez donc la possibilité d'agir maintenant. Je pense que, si vous le vouliez, vous auriez la possibilité de modifier considérablement la nature des médias au Canada.

Mme Wendy Lill: Pour vous, la propriété multiple est une atteinte à la liberté d'expression dans la société. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à cet égard, parce qu'il est évident que tout cela est un problème de propriété multiple. Il y a des entreprises du secteur de l'information qui essaient de diversifier leurs activités et de pénétrer d'autres secteurs. Comment, selon vous, devrions-nous nous attaquer à ce problème?

• 1625

M. Tom Kent: Il faudrait bien préciser qu'il existe deux types d'activité. On parle souvent d'industrie de l'information, alors qu'en fait il ne s'agit que d'une industrie acheminant l'information. Elle ne produit pas de nouvelles, elle ne fait qu'acheminer celle qui provient d'autres sources. La situation de ces gens-là est très différente et je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'adopter une loi spéciale.

Quand je parlais de deux sources d'information, de deux types d'organisations qui produisent des informations pour le public, je faisais référence à la télévision et aux journaux, et c'est dans ce cas que la propriété multiple est un affront... La concentration tient à une raison, mais il y a bien des raisons pour lesquelles il faudrait favoriser la liberté et la concurrence, pour lesquelles on devrait avoir des entreprises différentes, détenues par des intérêts également différents. Le fait qu'on ait permis d'énormes regroupements dans plusieurs villes me semble être une trahison du principe fondamental d'une société libre. Mais voilà, c'est ce qui se produit. Quoi qu'il en soit, de grâce, faisons en sorte de ne pas empirer la situation.

Mme Wendy Lill: J'aurais une autre question.

J'ai l'impression que vous prêchez en faveur d'une sorte de loi sur la diversification des médias, grâce à laquelle on pourrait régler différents problèmes de propriété relativement aux questions culturelles et de diversité de représentation.

M. Tom Kent: On pourrait en dire long à cet égard, mais attention, le mieux est l'ennemi du bien. Il est possible maintenant d'agir au niveau de la Loi sur la concurrence alors que je doute, par ailleurs, que le Parlement entreprenne, dans un proche avenir ou dans un avenir prévisible, de produire une loi entièrement nouvelle sur la diversification des médias.

Encore une fois, en toute équité envers les différents intérêts concernés, des intérêts qui se sont exercés en parfaite légalité, je crois qu'il faudrait très rapidement préciser la politique publique à cet égard, quelle qu'elle soit.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, madame Lill.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci.

Merci pour votre présentation, monsieur Kent. Je l'ai trouvée très intéressante et je peux vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites qu'il est très dangereux de se retrouver dans une situation où l'analyse des affaires publiques se fait par le trou d'une seule lorgnette.

Ce n'est certainement pas pour rien que, dans les États totalitaires, à l'occasion de coups d'État... Voyez ce qui se passe au Pakistan actuellement. Quand un gouvernement démocratiquement élu est renversé, les nouveaux détenteurs du pouvoir font systématiquement main basse sur les médias, écrits comme électroniques. Il y a donc une bonne raison pour laquelle, dans les médias, le contenu est tout aussi important que la forme.

Le problème que vous avez si bien énoncé consiste à se demander comment assurer la diversité des points de vue dans la presse écrite. La solution n'est peut-être pas de se doter de tout un appareil légal, bien que c'est ce que nous ayons fait dans le cas des télécommunications électroniques, avec le CRTC notamment.

Pour ce qui est des fusions, pour l'instant, il semble que les choses soient relativement établies car même si le commissaire à la concurrence a le pouvoir d'autoriser ou de refuser des fusions, dans un cas au moins, celui des banques—et nonobstant ce que le commissaire à la concurrence a pu dire—une disposition spéciale a donné le dernier mot au ministre des Finances. Pensez-vous qu'on pourrait se contenter de demander au ministre d'approuver ou de désapprouver une fusion ou un achat sur la base de l'intérêt public et de l'intérêt de la diversité?

• 1630

La présidente: Je tiens à préciser ici qu'il ne s'agit pas d'une disposition spéciale. Une loi donnant les pleins pouvoirs au ministre des Finances a en fait préséance sur un autre texte.

Mme Marlene Jennings: C'est cela.

La présidente: C'était juste pour préciser les choses.

M. Tom Kent: En fait, je crois que la présidente a essentiellement répondu à la question.

J'aillais vous dire que la Loi sur les banques est un cas d'espèce, et j'aurais été très inquiet qu'on transforme le processus que je recommande, ou tout autre processus du genre, en une démarche échappant au tribunal de la concurrence pour relever d'une décision ministérielle. Dans un tel cas, on ne pourrait éviter de donner l'impression que la décision pourrait être influencée parce qu'on n'aime pas M. Black ou quelqu'un d'autre. Ce n'est certainement pas ce que nous voulons.

À la façon dont je perçois la Loi sur la concurrence actuellement, j'estime que la force de ce texte réside dans le fait qu'il s'agit d'une démarche, d'un processus quasi-judiciaire. Il est très important de s'en tenir à cela dans le cas des médias. Ainsi, il serait beaucoup plus simple d'utiliser la Loi sur la concurrence que de mettre en oeuvre un processus entièrement nouveau qui, je le reconnais, a été proposé à la Commission royale, parce qu'à l'époque nous avions estimé que la Loi sur la concurrence ne pourrait pas s'appliquer, notamment à cause de questions de compétence et autres.

Mme Marlene Jennings: Dans ce cas, alors, il faudrait adopter une disposition où la diversité de contenu serait un des autres facteurs que le commissaire à la concurrence devrait analyser afin de déterminer si telle ou telle fusion est favorable à l'intérêt public ou si elle risque de donner lieu à une trop grande concentration. En cas de désaccord, c'est le tribunal de la concurrence qui trancherait.

M. Tom Kent: Tout à fait. En vertu de la loi telle qu'elle se présente actuellement, pour m'exprimer en néophyte, on dit essentiellement que ce qui est contraire à l'intérêt public est contraire aux intérêts commerciaux du public. Il est question des prix les plus bas possibles, etc. Moi, je soutiens que dans le cas des médias, c'est la perte de diversité d'information et d'opinion qui est contraire à l'intérêt public; par conséquent, il nous faut trouver une façon—et je pense le moyen le plus simple est la Loi sur la concurrence—de mettre en oeuvre le même genre de processus quasi-judiciaire pour garantir la diversité de la concurrence dans les médias.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson et Highland Valleys, NPD): Merci beaucoup, madame la présidente. Cette séance de questions est très intéressante.

Monsieur Kent, notre problème en matière de concentration dans les médias au Canada tient à notre géographie, au fait que nous sommes un grand pays ayant une petite population et que les journaux nationaux doivent pouvoir compter sur des poches importantes. En revenir à un passé nostalgique où l'on avait des journaux communautaires locaux est une chose, mais la situation est différente dans le cas des journaux nationaux. Vous avez bien indiqué qu'en Europe, en particulier, il est beaucoup plus facile de lancer un quotidien national.

En revanche, pourriez-vous nous parler un peu de ce qui se passe dans des pays semblables au Canada—je pense notamment à l'Australie, éventuellement au Brésil ou à d'autres grandes entités politiques du genre—pour nous dire comment ils s'en sont sortis sur ce plan? Éprouvent-ils le même genre de problèmes que nous, avec notre géographie plutôt unique?

M. Tom Kent: J'estime que, d'un certain côté, nos problèmes sont plus importants que ceux de l'Australie qui a de grandes villes beaucoup plus concentrées géographiquement qu'au Canada. Melbourne et Adélaïde ressemblent beaucoup plus à Sydney que Vancouver à Toronto.

D'ailleurs, je ne prétends pas être un expert dans les journaux australiens. Loin s'en faut. Toutefois, j'ai l'impression qu'il y a là-bas davantage de distribution croisée qu'ici. Ainsi, le Sydney Morning Herald est beaucoup plus lu à Melbourne que le Winnipeg Free Press peut l'être aujourd'hui à l'extérieur de Winnipeg.

• 1635

À l'évidence, plus il y a de journaux nationaux, même s'ils sont chers, et mieux c'est. Même si je ne suis pas d'accord avec le point de vue politique qu'il défend, j'ai été heureux de voir l'arrivée du National Post. C'est bien d'avoir une concurrence et je pense d'ailleurs que le Globe and Mail s'est quelque peu amélioré grâce à cela. En revanche, on peut douter qu'il soit un jour économiquement viable d'avoir plus d'un journal national.

Cela m'amène à recommander qu'on mette si possible l'accent sur la présence d'un journal à Vancouver, d'un autre à Winnipeg et un ainsi de suite, de même que dans les petites collectivités, comme Kingston. Pour prendre cette dernière ville à titre d'exemple, il faut savoir qu'elle avait un excellent petit journal local il y a une quinzaine d'années—en fait, elle l'a eu jusqu'à plus récemment que cela, mais je ne me rappelle pas exactement quand il a été vendu. Eh bien, je suis certain que la population serait tout à fait enthousiaste à l'idée d'avoir de nouveau un journal communautaire et qu'elle serait prête à y investir.

Pour reprendre un mot célèbre: Soyons une communauté de communautés. Il est très important, au Canada, de puiser le maximum dans notre diversité communautaire. C'est cet aspect qui a été considérablement affaibli à l'occasion de la concentration de la propriété dans les médias et il est donc important de retrouver cette diversité dans la mesure du possible.

M. Nelson Riis: Vous avez dit que nous étions peut-être maintenant face à une occasion unique à cet égard. Par ailleurs, il est possible que la nouvelle approche en matière de capital social dans le cadre du développement communautaire, dont il est question depuis quelques semaines, puisse justement s'inscrire en complément de ce que vous recommandez.

Pourriez-vous revenir sur que vous avez déclaré, à propos de la Charte qui nous ouvrirait une fenêtre jusque là fermée à cause d'un problème de compétence? Pourriez-vous me préciser un peu votre pensée?

M. Tom Kent: Je ne veux pas me faire passer pour un avocat. Je retiens des avis juridiques que j'estime comme étant valables, mais j'ai par ailleurs l'impression que tout cela relève du bon sens.

Auparavant, on estimait que les droits concernant la propriété et les droits civils relevaient entièrement des provinces et que, par conséquent, le gouvernement fédéral ne pouvait pas intervenir dans le domaine des quotidiens parce qu'on pensait que c'était ainsi que les pouvoirs et compétences étaient répartis. On soutenait alors que les journaux relevaient des droits de propriété et des droits civils. Mais plusieurs bon avocats et juges avaient déjà rejeté cet argument dans le cas de l'Alberta Press Act dans les années 30. Et pourtant, beaucoup demeuraient convaincus de cet état de fait.

Ce n'est pas ce que nous pensions à la commission... Les conseils juridiques qui nous avaient été donnés n'étaient pas aussi tranchés, mais nous nous disions qu'il était possible de faire quelque chose. En revanche, rien ne pouvait être fait de façon tranchée en vertu de la Constitution seule. Toutefois, en vertu de la Charte des droits et libertés, la liberté d'information et d'opinion est une responsabilité qui appartient très clairement à l'échelon national, au gouvernement fédéral. Ainsi, comme je le disais, il n'y aurait maintenant aucun problème, d'après les avis juridiques que j'ai recueillis, à ce que le gouvernement fédéral et le Parlement prennent des mesures sur la foi de la Charte.

M. Nelson Riis: J'aimerais poser une autre petite question, madame la présidente.

Parmi les stimulants que vous avez recommandés, la déduction pour amortissement accéléré serait un moyen d'encourager les Canadiens à acheter des journaux locaux. Nous avons ici l'avantage de compter sur un service de recherche. Avez-vous d'autres recommandations à faire d'après ce que d'autres pays ont fait pour encourager l'investissement national dans leurs journaux?

M. Tom Kent: La Suède et les Pays-Bas, je crois, ont adopté un mécanisme grâce auquel les journaux obtiennent une subvention directe, administrée par une commission indépendante, qui n'a rien à voir avec le gouvernement, et qui permet de maintenir la diversité locale. Cependant, je ne pense pas que cette solution puisse fonctionner.

J'estime que des dispositions fiscales portant sur un investissement ordinaire donneraient de biens meilleurs résultats que des stimulants fiscaux, à condition bien sûr qu'on puisse diversifier cette mesure pour encourager la propriété coopérative... Après tout, la loi actuelle comporte beaucoup d'incitatifs fiscaux pour les coopératives. À plusieurs égards, il serait sans doute mieux que vous puissiez favoriser la création de coopératives.

• 1640

Il faut se rendre à l'évidence. Ce sera beaucoup plus difficile à faire. Il est beaucoup plus probable que, pour agir rapidement, on puisse regrouper des investisseurs à Winnipeg ou à Kingston ou ailleurs.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Riis.

Monsieur McTeague, pour une dernière question.

M. Dan McTeague: Oui et je vais essayer d'être bref, madame la présidente.

J'ai été intéressé par ce que vous avez dit à propos de l'élargissement de la Loi sur la concurrence. S'agissant de la concentration dans les médias écrits et des importantes réserves exprimées par mes collègues de même que par les témoins que nous avons entendus auparavant à propos de la propriété multiple d'industries différentes, j'aimerais que vous me disiez si, selon vous, les définitions de marché pertinent et de substitution—dans le cadre des dispositions sur la fusion et de l'application générale de la Loi sur la concurrence—ont été, pardonnez-moi l'expression, interprétées de façon libérale.

Le Comité du patrimoine, par exemple, se penche sur toute la question de l'industrie du livre relativement à la prise de contrôle par Chapter's et à la position dominante de ses divisions de vente en gros.

Ne pensez-vous pas que la présence d'autres médias que les journaux pourrait amener le Bureau de la concurrence à approuver d'autres fusions ou regroupements dans l'industrie, sous prétexte que la presse écrite n'a plus la même importance et que la radio accapare maintenant 5 à 10 p. 100 du temps moyen des consommateurs de nouvelles? Cela est déjà prévu dans la loi et le Bureau pourrait de nouveau recourir à de ce genre de dispositions, sauf si des changements importants devaient être apportés.

Avez-vous une idée de la façon dont on pourrait mieux délimiter les fusions en fonction de l'importance qu'on attache—et je suis sûr que nous sommes tous d'accord à cet égard—à toute la question de la concentration dans les médias en général, mais surtout dans la presse écrite?

M. Tom Kent: Il est possible que je ne me sois pas bien exprimé à ce sujet, mais je pense qu'il est important d'établir une différence entre les moyens grâce auxquels l'information parvient à l'utilisateur et les sources d'informations. Malgré une diversité considérable, par rapport à la situation de mes jeunes années, dans la façon dont l'information est acheminée, le travail d'extraction de l'information—qui est en fait une démarche journalistique consistant à faire un tri dans tout le flot d'informations, de documents et autres—demeure essentiellement concentré au niveau des quotidiens. Ce sont eux qui établissent le contenu des débats de société.

De nos jours, la plupart d'entre nous—peut-être pas moi, mais bien d'autres—sommes plus consommateurs de télévision que de tout autre média, mais il demeure que la télévision continue de s'abreuver auprès de la presse écrite ce qui m'amène à soutenir que la véritable diversité passe par la presse écrite.

M. Dan McTeague: Excellente remarque, madame la présidente. Je pense, monsieur Kent, qu'on pourrait certainement retenir cette suggestion pour la mise en vigueur de lignes directrices.

Merci à vous deux.

La présidente: Monsieur Kent, au nom du comité, je tiens à vous remercier d'être venu nous rencontrer et, avant de vous laisser partir, je vais vous poser quelques petites questions rapides.

Nous sommes aux prises avec la question de la refonte de la Loi sur la concurrence et je trouve que certaines des suggestions que vous avez formulées aujourd'hui—suggestions propres à l'industrie—bouleversent quelque peu cette loi. Par ailleurs, l'année dernière, nous avons été saisis d'un projet de loi d'initiative privée à cet égard. Nous ne sommes pas arrivés à apporter à cette loi des changements qui soient particuliers à un secteur. Je ne vois pas comment nous pourrions arriver à contourner cette difficulté, parce que la Loi sur la concurrence est censée avoir une application beaucoup plus large, visant donc toutes les industries.

Selon vous, quand vous parlez d'intérêt public, vous parlez notamment de la fusion des quotidiens, de la question de la concentration, de la publicité, de l'efficacité des marchés et vous voulez savoir s'il y avait un journal avant ou s'il y en aura un après. Or, tant qu'il demeure un support pour la publicité, le niveau de concentration est inchangé.

Vous êtes-vous demander comment nous pourrions adopter des dispositions qui seraient propres à une industrie dans la Loi sur la concurrence.

Tout à l'heure, Mme Jennings, vous a posé une question à ce sujet et vous n'avez pas semblé estimer que c'était la chose à faire.

Cela nous est arrivé hier avec deux ou trois autres témoins. Voici ce que nous leur avons demandé: S'agissant de la situation financière et de la fusion des banques, la Loi sur la concurrence et le Bureau de la concurrence jouent effectivement un rôle, mais intervient également la Loi sur les banques. Tout à l'heure, Mme Jennings vous a demandé si le ministère du Patrimoine canadien ne pourrait pas jouer le même rôle.

• 1645

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Tom Kent: Ce que j'estime, d'une certaine façon, c'est que vous êtes devenus très ambitieux. La concurrence est un élément fondamental du genre de société dans laquelle nous évoluons. Elle est importante sur le plan économique, elle est importante quant aux moyens de production et à l'ensemble du système économique. Elle a toutes sortes de répercussions. Selon moi, certaines de ces répercussions sont exagérées. Elles donnent lieu à de fausses doctrines consistant à exclure les gouvernements. Mais dans ce cas, on met à côté de la plaque.

Fondamentalement, la concurrence est bonne. Telle qu'elle est appliquée dans l'actuelle Loi sur la concurrence, elle concerne uniquement l'aspect économique, au sens le plus strict du terme. Sur un plan économique, il est évident que les journaux sont surtout des supports publicitaires. Ils ne sont pas des médias d'information si vous ne les considérez que d'un point de vue commercial, parce qu'ils tirent la majorité de leurs recettes de la publicité. Ce que je veux dire, c'est que la publicité s'apparente à un mulet dont le bât contient quelque chose de beaucoup plus important, c'est-à-dire l'information, la diversité d'expression et ainsi de suite.

Je rajouterais qu'il est parfaitement logique, afin de favoriser ce genre de concurrence—ce qui rejoint l'objet même de la loi—de dire qu'on a surtout affaire à une concurrence de nature économique. Fort bien, mais il y a aussi des situations spéciales—et l'on en trouvera ailleurs que dans le cas des médias, bien que je ne vois pas où—où l'essentiel de la concurrence ne se joue pas au niveau de la vente, de la publicité et des finances, mais de ce que les médias en question font en matière de réflexion et d'ouverture sur les affaires publiques, l'essence même de la démocratie. Si l'on croit à la concurrence, il est donc tout à fait logique qu'on garantisse ce genre de diversité, dans toute la mesure du possible, par le biais de ce qu'on appelle la Loi sur la concurrence.

Je l'admets, je suis en train de sauter sur une occasion. Il y a 20 ans, je pensais que nous aurions dû adopter une loi distincte, mais aujourd'hui, vous avez la possibilité de faire tout cela dans le cadre de la Loi sur la concurrence. Si vous ne le faites pas, il se produira la même chose qu'en 1980, c'est-à-dire que ces journaux seront vendus à d'autres grandes sociétés et il n'y aura aucune amélioration sur les plan de la concurrence et de la diversité.

La Loi sur la concurrence est un instrument tout prêt que nous pourrions utiliser ici, maintenant, très vite—moyennant, je dois le préciser, un élargissement de la portée et des modifications mineures—pour profiter d'une conjoncture favorable à la diversification. Je pense surtout, ici, à des journaux communautaires. Il est important de favoriser la propriété par les collectivités plutôt que par les grandes sociétés, excentrées, dont les gens se méfient comme de bien d'autres choses.

La présidente: Notre comité est aux prises avec autre chose. Quand on analyse le passage à l'Internet au commerce électronique, on se demande si la Loi de la concurrence est adaptée et si elle pourra répondre à nos besoins. Sera-t-elle désuète en regard de tous les changements survenant dans les différents médias ou pourra-t-on continuer de l'appliquer, ne serait-ce que parce qu'elle existe? Que pensez-vous de cela pour l'avenir?

M. Tom Kent: Je ne me sens pas très à l'aise pour vous répondre à propos de l'Internet, si ce n'est pour insister sur le fait que, selon moi, il faut se préoccuper de la question des sources d'information et non des moyens utilisés pour retransmettre l'information. Il faut se poser la question des informations circulant sur l'Internet plutôt que de savoir comment réglementer cet outil.

• 1650

Je suis donc au regret de vous dire que je ne suis pas compétent pour vous faire part de réflexions à ce sujet.

Toutefois, dans une politique complète, il faudra effectivement reconnaître la question de la diversité des industries de l'information. Mais selon moi, les choses demeurent très claires: il faut viser la presse écrite par des dispositions particulières sur la concurrence, et le faire de façon logique. Nous avons la possibilité de le faire. Il n'est pas aussi urgent d'essayer de régler les autres problèmes. Personnellement, j'ai l'impression que la chance s'offre à nous et qu'il serait dommage de la rater.

Excusez-moi, ce n'est pas une bonne réponse.

La présidente: Merci pour vos remarques.

Je n'ai pas d'autres questions, mais je ne sais pas si les autres députés veulent vous en poser.

Avez-vous une dernière remarque à faire avant de nous quitter, monsieur Kent?

M. Tom Kent: Non, si ce n'est que je tiens à vous remercier pour ce qui a été, quant à moi, une discussion très intéressante ponctuée, je le crains, de questions par trop profondes.

La présidente: Je tiens à vous remercier, au nom du comité, de vous être rendu à notre invitation. Nous savons que vous devez prendre un train. Pendant que vous quittez la salle, nous allons suspendre la séance pour deux minutes environ. Ensuite nous devrons nous occuper d'une motion.

• 1652




• 1654

La présidente: Nous reprenons la séance.

Nous sommes saisis de deux motions. Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Madame la présidente, je souhaite proposer l'acceptation du budget des dépenses d'Industrie Canada pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2001.

MINISTÈRE DE L'INDUSTRIE

    Crédit 1—Dépenses de fonctionnement 493 846 000 $

    Crédit 5—Subventions et contributions 549 132 000 $

    Crédit L10—Paiements effectués conformément au paragraphe 14(2) de la Loi sur le ministère de l'Industrie 300 000 $

    Crédit L15—Prêts conformes à l'alinéa 14(1)a) de la Loi sur le ministère de l'Industrie 500 000 $

    Agence de promotion économique du Canada Atlantique

    Crédit 20—Dépenses de fonctionnement 50 309 000 $

    Crédit 25—Subventions et contributions 264 625 000 $

    Agence spatiale canadienne

    Crédit 30—Dépenses de fonctionnement 114 212 000 $

    Crédit 35—Dépenses en capital 188 239 000 $

    Crédit 40—Subventions et contributions 32 224 000 $

    Tribunal de la concurrence

    Crédit 45—Dépenses de programme 1 365 000 $

    Commission du droit d'auteur

    Crédit 50—Dépenses de programme 751 000 $

    Agence de développement économique du Canada, région du Québec

    Crédit 55—Dépenses de fonctionnement 30 036 000 $

    Crédit 60—Subventions et contributions 169 833 000 $

    Société d'expansion du Cap-Breton

    Crédit 65—Paiements à la Société d'expansion du Cap-Breton 10 536 000 $

    Conseil national de recherches du Canada

    Crédit 70—Dépenses de fonctionnement 264 139 000 $

    Crédit 75—Dépenses en capital 38 776 000 $

    Crédit 80—Subventions et contributions 136 302 000 $

    Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie

    Crédit 85—Dépenses de fonctionnement 19 786 000 $

    Crédit 90—Subventions 527 573 000 $

    Conseil de recherches en sciences humaines

    Crédit 95—Dépenses de fonctionnement 8 542 000 $

    Crédit 100—Subventions 112 042 000 $

    Conseil canadien des normes

    Crédit 105—Paiements au Conseil canadien des normes 5 266 000 $

    Statistique Canada

    Crédit 110—Dépenses de programme 351 691 000 $

    Diversification de l'Économie de l'Ouest

    Crédit 115—Dépenses de fonctionnement 36 778 000 $

    Crédit 120—Subventions et contributions 130 612 000 $

(Les crédits 1 à 120 inclusivement sont adoptés à la majorité des voix)

La présidente: Monsieur McTeague, vous avez une deuxième motion?

M. Dan McTeague: Je propose également qu'il soit demandé à la présidente de faire rapport à la Chambre des communes, dans les plus brefs délais, à propos du budget principal des dépenses pour le ministère de l'Industrie, pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2001.

(Motion adoptée à la majorité des voix)

La présidente: Merci.

La séance est levée.