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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 novembre 1999

• 0912

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au mandat que nous confère le paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les pratiques anticoncurrentielles en matière de prix et la Loi sur la concurrence.

J'ai le grand plaisir d'accueillir aujourd'hui les témoins du Bureau de la concurrence: le commissaire à la concurrence, M. Konrad von Finckenstein; le sous-commissaire adjoint, M. Don Mercer; le sous-commissaire chargé des affaires criminelles, M. Harry Chandler; et le sous-commissaire chargé des affaires civiles, M. André Lafond.

Je suis très heureuse que vous soyez ici. En guise de préface, je voudrais d'abord vous présenter mes excuses, monsieur le commissaire, et vous dire à quel point je suis déçue qu'un des membres du comité ait choisi de ne pas tenir compte de la note de service que tous les membres avaient pourtant reçue le 22 novembre au sujet du caractère confidentiel de votre rapport, qui devait être déposé officiellement lors de la séance de ce matin. Malheureusement, le Citizen d'Ottawa a publié un article ce matin. On y cite certaines dispositions de la loi et on y rapporte un certain nombre de conversations avec des membres du comité; ils ne citent pas eux-mêmes le rapport, mais il y en a des extraits. Je m'en excuse. Nous allons devoir décider en comité si nous pouvons recevoir à l'avenir des informations confidentielles.

Cela dit, j'espère que le reste de la séance se passera sur une note plus positive. Je vous laisse la parole, monsieur von Finckenstein.

M. Konrad von Finckenstein (commissaire à la concurrence, Bureau de la concurrence): Merci, madame la présidente.

Vous vous souviendrez sûrement qu'en avril dernier, suite à vos délibérations concernant le projet de loi C-235, le comité de l'industrie avait adopté une résolution touchant la révision des dispositions de la Loi sur la concurrence relativement aux pratiques anticoncurrentielles en matière de prix, ainsi que les mécanismes d'application en vigueur au bureau. Comme contribution, j'avais promis de commander une évaluation indépendante de ces dispositions, et je vous avais fait part des paramètres de cette étude.

J'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui le rapport du professeur Anthony VanDuzer, de l'Université d'Ottawa, qui a réalisé une étude exhaustive de ces dispositions. Comme vous l'avez mentionné, des exemplaires de ce rapport ont déjà été distribués aux membres du comité; des exemplaires supplémentaires sont à votre disposition si vous en avez besoin.

Il s'agit d'une question très complexe. Comme vous le savez, les dispositions et les questions portant sur l'établissement des prix se rattachent à la discrimination par les prix, au maintien des prix, aux prix d'éviction et, dans la mesure où cela concerne l'établissement des prix puisqu'il s'agit d'une loi relative à la concurrence, à l'abus de position dominante.

[Français]

Nous avons posé quatre questions concernant les dispositions relatives à l'établissement de prix anticoncurrentiels au professeur VanDuzer de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Ces questions sont les suivantes:

1. Les dispositions de la Loi sur la concurrence sont-elles adéquates à la lumière des forces économiques actuelles?

2. En ce qui a trait à l'interprétation de ces dispositions par le bureau:

- l'interprétation du bureau est-elle adéquate?

- l'interprétation du bureau est-elle conforme à la pratique internationale?

- les lignes directrices du bureau pour la mise en application de la loi concernant la discrimination par les prix et le prix d'éviction sont-elles adéquates?

- est-il nécessaire de prévoir d'autres lignes directrices de mise en application?

3. Les méthodes, procédures et lignes directrices du bureau ont-elles conduit à une administration et à une application satisfaisantes de ces dispositions?

• 0915

4. Les critères de sélection des dossiers du bureau sont-ils suffisants pour qu'un nombre adéquat de dossiers donnent lieu à des poursuites?

Le professeur a eu un accès illimité à tout le matériel du bureau et à son personnel. Il a aussi fait des entrevues avec des intervenants afin d'avoir un bon échantillon de points de vue.

[Traduction]

Bref, nous n'avons rien à cacher. Le professeur VanDuzer a eu un accès illimité à notre bureau et il a produit un rapport exhaustif. Il a effectué son étude en collaboration avec son collègue, le professeur Gilles Paquet. Vous avez leur rapport en main.

Premièrement, et principalement, les auteurs du rapport établissent clairement que ce n'est pas un sujet facile et qu'il n'y a pas de réponse facile. Le principal problème, c'est qu'il est fondamentalement difficile de distinguer les pratiques de prix qui sont vraiment anticoncurrentielles de celles qui font normalement partie d'une saine concurrence.

De plus, même si l'on réussit à établir tous les critères permettant d'établir qu'un comportement en matière de prix est anticoncurrentiel, il demeure difficile d'appliquer la loi, et notamment de recueillir la preuve nécessaire et de prendre des mesures correctives appropriées, rapides et efficaces.

À partir de ces principes, le professeur VanDuzer dénonce un certain nombre de carences dans les dispositions actuelles de la Loi sur la concurrence en matière de prix—je dis bien «des carences», puisqu'il ne s'agit pas vraiment de problèmes sérieux dans la formulation de la loi. Le professeur VanDuzer suggère des options pour atténuer ces lacunes, mais il évite prudemment de s'étendre sur les difficultés que ces options soulèvent en elles- mêmes.

Passons maintenant aux résultats clés de ce rapport, dont l'étendue est vaste. J'aimerais profiter de l'occasion pour commenter six de ses principales recommandations, qui en sont les points saillants.

Il s'agit du choix entre les dispositions civiles et les dispositions pénales, de la possibilité d'ajouter de nouvelles lignes directrices et d'apporter des changements à celles qui existent déjà, du nombre de cas portés en justice par le bureau, des critères de sélection des cas et de la politique de communications du bureau.

Au sujet des dispositions relatives à l'établissement des prix, pour commencer, M. VanDuzer croit que le processus d'examen civil serait préférable à l'actuel processus pénal pour toutes les dispositions relatives à l'établissement des prix, à l'exception des accords de prix horizontaux. Il ne fait aucun doute que certaines de ces dispositions seraient plus efficaces dans un contexte civil, et c'est la position que nous appuyons dans le cas de la discrimination par les prix.

En effet, vous vous souviendrez que, lors de l'examen du projet de loi C-20, nous avions proposé au départ d'abroger les dispositions de la loi portant sur la discrimination par les prix. Cette proposition avait cependant suscité une vive opposition de la part des petites entreprises, et nous estimons que ces dispositions ne doivent pas être abrogées sans leur accord.

De façon générale, toutefois, nous ne sommes pas en faveur de l'élimination complète des dispositions à caractère criminel. À notre avis, il faut un mélange de lois civiles et de lois pénales au sujet des pratiques anticoncurrentielles en matière de prix; il y a un certain nombre de raisons à cela.

Premièrement, nous avons besoin de dispositions pénales pour les infractions les plus sérieuses. C'est ce que le professeur VanDuzer a en tête lorsqu'il fait la distinction entre les ententes horizontales et les ententes verticales touchant le maintien des prix. Si quelqu'un cherche délibérément à chasser un concurrent du marché et qu'il adopte des pratiques à cette fin, je suis d'avis que les infractions de ce genre doivent être visées par des dispositions pénales.

Deuxièmement, la preuve peut être plus difficile à établir dans le cas des dispositions pénales, mais celles-ci ont un plus grand pouvoir de dissuasion. Elles entraînent des amendes et des peines d'emprisonnement, tandis que des dispositions à caractère civil ne peuvent donner lieu qu'à des mesures de redressement par voie d'injonction.

Troisièmement, l'article 36 de la loi permet les actions privées visant des comportements criminels. S'il n'y avait que des dispositions civiles au sujet de l'établissement des prix, les parties privées n'auraient pas accès aux tribunaux pour obtenir des mesures correctives visant des pratiques anticoncurrentielles en matière de prix.

Pour ces trois raisons, nous croyons qu'il faut conserver certaines dispositions pénales.

[Français]

Deuxièmement, le professeur VanDuzer fait deux recommandations au sujet des lignes directrices.

Comme vous le savez, nous avons déjà des lignes directrices sur la discrimination par les prix et les prix d'éviction. Ce sont des outils de très grande valeur pour nous aider à clarifier la loi, surtout en l'absence d'une jurisprudence détaillée.

Le rapport recommande de nouvelles lignes directrices dans deux domaines. L'une servirait à nous guider dans la façon dont les pratiques de prix anticoncurrentiels s'appliquent aux dispositions relatives à l'abus de position dominantes. L'autre concerne la relation entre le maintien de prix horizontal et les dispositions sur les complots.

• 0920

Nous sommes d'accord sur ces recommandations. Nous avons déjà un projet de lignes directrices sur l'abus de position dominante et nous tiendrons compte des commentaires du professeur VanDuzer sur la relation entre le maintien de prix horizontal et les dispositions sur le complot.

[Traduction]

Troisièmement, le professeur VanDuzer suggère des améliorations aux lignes directrices actuelles, en particulier celles qui portent sur la discrimination par les prix et les prix d'éviction. Nous avons déjà commencé à examiner ces lignes directrices et nous avons l'intention de les mettre à jour en tenant compte des observations contenues dans le rapport.

Les auteurs du rapport laissent entendre qu'il peut y avoir des divergences entre les lignes directrices et la loi, et ils suggèrent, pour corriger ces incohérences, que nous révisions les lignes directrices afin de les rapprocher davantage de la loi. Comment pourrions-nous nous opposer à cette suggestion? Il est évident que les lignes directrices doivent concorder avec la loi.

Dans nos efforts portant sur l'élaboration de politiques et de mesures législatives, nous allons tenter de corriger les incohérences possibles. Cependant, nous croyons aussi que, si c'est la loi qui est imparfaite, aucune ligne directrice ne pourra permettre de corriger le problème; notre premier choix serait donc, dans les cas de ce genre, de corriger les lacunes de la loi.

[Français]

Quatrièmement, le professeur VanDuzer nous suggère de poursuivre plus de cas. Il recommande une approche plus agressive lors de l'application des cas d'éviction même s'il reconnaît que les restrictions sur le plan des ressources sont un facteur dans l'établissement des priorités et que l'éviction est particulièrement difficile à prouver.

Je vous mettrais en garde de mesurer l'efficacité du bureau en fonction du nombre de cas portés devant les cours ou le Tribunal de la concurrence. Les cas formels sont seulement un des éléments du continuum des instruments utilisés afin d'encourager la conformité. Le succès se reflète au niveau de la concurrence dans l'économie et non dans le nombre de cas déposés devant les tribunaux.

Il est certain que si nous révisons nos lignes directrices sur les prix d'éviction, plus de cas pourront être soumis au procureur général. Nous reverrons nos critères de sélection afin de savoir si nous devrions porter plus d'attention aux cas de prix d'éviction. Voilà qui m'amène au cinquième point saillant du rapport.

[Traduction]

Le professeur VanDuzer a constaté que les pratiques d'établissement des prix n'ont pas une grande importance dans les critères de sélection. Bien sûr, comme tout organisme d'application de la loi, nous devons établir nos priorités afin d'utiliser de la meilleure façon possible nos ressources limitées.

En ce qui concerne les critères de sélection du bureau, les auteurs du rapport concluent que les pratiques d'établissement des prix arrivent généralement assez bas sur leur liste de priorités. Nous allons revoir nos critères de sélection des cas. Je tiens toutefois à souligner que les répercussions sur la concurrence continueront d'être un critère important. Nous partons du principe fondamental selon lequel nous devons nous attacher en priorité aux cas qui ont des répercussions importantes sur la concurrence. C'est exactement ce que prévoient nos critères de sélection des cas.

Enfin, les auteurs du rapport concluent que nous devrions élaborer une stratégie de communications plus efficace. Là encore, comment trouver à redire à une recommandation comme celle-là? Je peux vous assurer que je tiens beaucoup à améliorer nos communications. Par exemple, nous avons modifié le site Web du bureau, que vous trouverez à l'adresse www.competition.ic.gc.ca, afin de fournir les renseignements les plus récents sur toutes nos activités. Nous affichons également les résultats de nos enquêtes, qu'ils soient positifs ou négatifs.

Les explications sur les facteurs des enquêtes sont un excellent moyen de mieux faire comprendre la Loi sur la concurrence au grand public—comment elle fonctionne, pourquoi elle est nécessaire et ce qu'elle permet de faire. De plus, les entreprises qui comprennent bien la loi sont plus à même de la respecter.

Nous sommes également conscients du fait que les communications fonctionnent dans les deux sens. Nous devons écouter nos clients afin de comprendre leurs préoccupations, et nous devons travailler en collaboration avec d'autres organismes et d'autres agents économiques afin de relever de nouveaux défis. Nous allons demander aux divers intervenants, de même qu'au grand public, leurs points de vue sur les priorités à adopter en matière de réforme législative lors de la prochaine ronde de consultations.

[Français]

En conclusion, dans ce rapport, le professeur VanDuzer fournit une bonne étude des dispositions en matière de prix de la Loi sur la concurrence et indique les questions complexes qu'implique leur mise en application. Le problème fondamental est qu'il est difficile de distinguer entre une concurrence vigoureuse au niveau des prix et des pratiques de prix qui sont abusives. Il n'y a pas de réponse facile à ce problème. Quelle que soit la direction que nous prenions, cela impliquera des compromis que nous devons mesurer soigneusement.

• 0925

[Traduction]

Il est important de se rappeler que la Loi sur la concurrence vise à encourager la concurrence. Il est facile de faire l'erreur de s'intéresser uniquement aux répercussions sur les concurrents eux-mêmes, mais ce n'est pas toujours un bon indicateur de l'effet sur la concurrence en général.

Les communications font partie intégrante de nos efforts pour favoriser le respect de la Loi sur la concurrence. C'est en parlant aux intervenants, en informant le grand public et en écoutant les préoccupations des uns et des autres que nous serons en mesure de le faire.

Je suis heureux que vous vous penchiez sur la question et j'espère que cela contribuera à faire mieux comprendre le rôle de la concurrence sur le marché.

Bien sûr, si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre avec mes collègues; nous serons aussi très heureux de revenir vous rencontrer quand vous aurez eu l'occasion d'entendre les avis d'autres témoins au sujet du rapport.

Voilà qui termine ma déclaration préliminaire, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le commissaire.

Je vais d'abord laisser la parole à M. Schmidt.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci à vous aussi, M. von Finckenstein, ainsi qu'à vos collègues. C'est un plaisir de vous entendre et de vous rencontrer. Je suis très heureux également que ce rapport ait été rendu public. Je pense que c'est un bon rapport.

Je voudrais insister tout particulièrement sur la dernière observation que vous avez faite, monsieur von Finckenstein, au sujet du fait que vous vous intéressez aux effets de la concurrence sur l'ensemble de l'économie; ce qui vous intéresse, ce n'est pas surtout la situation des concurrents eux-mêmes, mais plutôt la concurrence en général et la nécessité d'avoir des règles du jeu qui soient les mêmes pour tout le monde, et qui soient équitables, ouvertes, transparentes et ainsi de suite.

Mes questions portent d'abord et avant tout sur vos affirmations au sujet de la distinction entre le droit criminel et le droit civil, et de leur application en ce qui concerne la concurrence. Vous avez dit très clairement que les sanctions pénales étaient probablement mieux adaptées aux cas les plus graves, et les recours civils aux autres. Donc, ma question est la suivante: comment feriez-vous la différence entre les cas graves et les autres?

M. Konrad von Finckenstein: Il faudrait tenir une enquête dans chaque cas et examiner non seulement la situation et ses répercussions économiques, mais également l'intention des parties. Les pratiques en cause visaient-elles expressément à acculer un concurrent à la faillite? Ou simplement à maximiser les profits de l'entreprise ou à augmenter sa part du marché, par exemple?

Quand nous effectuons une enquête, nous examinons tous les registres de l'entreprise et nous interrogeons les gens, parfois sous serment. Nous avons ainsi une assez bonne idée de leurs motifs. S'agit-il vraiment d'une concurrence honnête ou d'un cas où une entreprise cherche à en forcer une autre à cesser ses activités? Si c'est le cas, on peut s'imaginer que cette entreprise s'est demandé ce qu'elle allait faire après avoir réussi, parce qu'on peut supposer qu'elle agit de façon rationnelle et qu'elle veut récupérer les sommes qu'il lui a fallu investir pour acculer son concurrent à la faillite.

Ce sont les facteurs dont il faut tenir compte. Mais vous avez de la chance, parce que j'ai à mes côtés Harry Chandler, qui dirige les enquêtes criminelles; c'est lui qui fait ce travail. Je vais le laisser vous en parler plus en détail.

Harry.

M. Harry Chandler (sous-commissaire à la concurrence, Affaires criminelles, Bureau de la concurrence): Je ne vois pas très bien ce que je pourrais ajouter. Quand on regarde la Loi sur la concurrence telle qu'elle se présente actuellement, par exemple au sujet des pratiques commerciales trompeuses, il y a des recours civils et des recours pénaux. Les recours pénaux sont utilisés lorsqu'il y a une intention délibérée, comme M. von Finckenstein...

M. Werner Schmidt: Puis-je vous interrompre tout de suite?

M. Harry Chandler: Bien sûr.

M. Werner Schmidt: J'ai l'impression que ce qui compte avant tout, c'est l'intention, et la possibilité de prouver cette intention. C'est ce que dit le professeur VanDuzer. Comment diable peut-on prouver cette intention? Qu'est-ce que vous examinez pour déterminer quelle était l'intention des parties? Comment faites- vous pour en arriver à la conclusion que c'était ceci plutôt que cela?

M. Harry Chandler: C'est difficile, bien sûr.

La Loi sur la concurrence nous accorde des pouvoirs extraordinaires, par exemple le pouvoir d'ordonner des perquisitions et le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître. Nous avons déjà prouvé dans certains cas qu'il y avait eu intention délibérée. Dans l'affaire Hoffmann-La Roche, qui portait sur l'établissement de prix d'éviction il y a quelques années, la cour a condamné les accusés parce qu'il a été possible de prouver qu'ils avaient agi délibérément. Mais vous avez raison de poser la question parce qu'il n'est pas simple de recueillir des preuves de ce genre.

• 0930

M. Konrad von Finckenstein: Dans toutes les affaires criminelles, la cour essaie de déterminer s'il y avait intention délibérée en se fondant sur deux sources: d'abord les déclarations des témoins et ensuite les conclusions qui se dégagent des circonstances. C'est la même chose dans ce cas-ci. Quand il existe des preuves directes, elles sont présentées. Quand il n'y en a pas, il faut faire des déductions d'après les faits, ce qui ne peut mener qu'à une seule conclusion.

M. Werner Schmidt: J'aimerais vous poser une autre question qui se rattache à celle-là, et à laquelle il vous sera peut-être plus facile de répondre. Je ne comprends pas très bien l'observation du professeur VanDuzer au sujet du fait que les entreprises semblent avoir du mal à savoir si elles respectent vraiment les dispositions de la Loi sur la concurrence. C'est la perspective de poursuites au criminel qui leur fait peur.

Est-ce qu'il leur serait plus facile de respecter la loi, et d'établir des politiques et des pratiques concurrentielles en matière de prix, s'il n'y avait pas cette menace d'enquêtes criminelles qui pèse sur eux? Est-ce la raison pour laquelle il y a aussi peu de poursuites? Qu'est-ce que le professeur VanDuzer voulait dire exactement à ce sujet-là? Il semble penser que ce serait plus facile pour les entreprises si elles étaient visées par des dispositions civiles plutôt que pénales, et si l'accent était mis non pas sur les poursuites, mais sur la conduite de leurs affaires. Je n'ai pas très bien compris où il venait en venir.

M. Konrad von Finckenstein: Je pense qu'il voulait parler surtout des dispositions touchant la discrimination par les prix...

M. Werner Schmidt: Oui, en effet.

M. Konrad von Finckenstein: ...à l'alinéa 50(1)a).

M. Werner Schmidt: C'est exact.

M. Konrad von Finckenstein: Comme vous le savez, et comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, nous sommes d'avis que cet alinéa est désuet et qu'il devrait être abrogé. S'il est difficile à interpréter, il est... Cette interprétation restrictive, au sujet de la discrimination par les prix... Évidemment, si une entreprise ne vend pas au même prix à tous ses clients... Mais si elle dit qu'il y aura des prix différents, alors... Cette disposition a obligé bien des entreprises à solliciter des avis juridiques parce qu'elles voulaient être certaines de ne pas se trouver en contravention. Du point de vue du professeur VanDuzer, et d'autres critiques également, elle impose un fardeau inutile à l'économie. Comme je l'ai dit, nous croyons qu'elle doit être abrogée.

M. VanDuzer va comparaître devant vous, et vous pourrez lui poser la question vous-même. Je ne peux pas me prononcer pour lui. Tout ce que je dis, c'est qu'il trouve, en gros, que les recours prévus en cas de discrimination par les prix doivent être des recours civils, ou alors que la disposition doit être supprimée. Je suis du même avis. Je ne pense pas que les sanctions pénales soient l'outil le plus approprié en cas de discrimination par les prix.

M. Werner Schmidt: M. von Finckenstein pourrait-il m'expliquer la distinction qu'il fait entre la discrimination par les prix et la vente liée? Quel est le rapport entre les deux?

M. Konrad von Finckenstein: La vente liée implique essentiellement la vente de deux produits, un qui est très populaire et l'autre qui se vend moins bien. Si quelqu'un veut acheter le premier produit—celui qui se vend bien—, le producteur l'oblige à acheter l'autre aussi. Les deux produits sont liés. On ne peut en avoir un qu'en achetant l'autre en même temps. Voilà essentiellement en quoi consiste la vente liée.

Dans le cas de la discrimination par les prix, il n'y a qu'un seul produit, mais les conditions de vente varient selon les clients. En fait, le vendeur exerce une discrimination entre ses différents clients. Il y a bien sûr des types de discrimination parfaitement légitimes, par exemple les escomptes de volume. Si quelqu'un achète cent articles plutôt qu'un seul, le vendeur peut être prêt à lui faire un meilleur prix. Ce que la loi doit chercher à corriger, c'est la discrimination par les prix qui n'a en fait aucun fondement légitime et qui vise uniquement à nuire à la concurrence.

M. Werner Schmidt: Donc, si on pousse plus loin ce raisonnement, on peut dire que la vente liée est un excellent camouflage pour éviter d'être accusé de discrimination par les prix?

M. Konrad von Finckenstein: La vente liée est une infraction à la loi. Un vendeur qui applique cette pratique est clairement en contravention et peut être poursuivi au civil.

M. Werner Schmidt: Donc, ça va dans les deux sens. Il me semble que cette partie de la loi doit être révisée en profondeur. Elle est peut-être désuète en un sens, comme vous dites, mais d'un autre côté, je ne suis pas du tout convaincu que la pratique qui consiste à brader un produit pour en vendre un autre, de manière à ce que l'ensemble soit rentable... C'est une question très importante à mon avis.

• 0935

M. Konrad von Finckenstein: La loi actuelle contient des dispositions sur la vente liée. Je ne vois pas très bien comment vous pouvez faire le rapprochement entre la vente liée et la discrimination par les prix. Il me semble que ce sont deux choses tout à fait différentes. Dans le cas de la discrimination par les prix, il y a un seul produit, tandis que dans le cas de la vente liée, il y en a deux; ce que le vendeur essaie de faire, c'est essentiellement d'écouler celui qui se vend mal.

M. Werner Schmidt: D'accord, mais on peut aussi exercer une discrimination par les prix en regroupant plusieurs produits. Il ne s'agit pas nécessairement d'un seul produit; il peut y en avoir un certain nombre, ou un certain nombre de services. Il peut s'agir d'escomptes de volume ou d'un tas d'autres choses.

La présidente: M. Chandler.

M. Harry Chandler: La disposition sur la discrimination par les prix est en fait assez particulière. Ce qu'elle dit—et c'est une disposition très longue, qui contient des termes parfois difficiles à définir—, c'est en gros qu'un fournisseur ne peut pas demander des prix différents à des acheteurs concurrents pour des articles de quantité et de qualité similaires. Il n'y est pas question de concurrence. Donc, c'est une disposition assez inhabituelle et, à certains égards, il n'est pas tout à fait justifié de parler de discrimination par les prix. Mais c'est la disposition qui a été adoptée en 1932.

M. Werner Schmidt: Je comprends. Mais nous devons vraiment nous pencher sur la question du groupement de produits si c'est un élément qui pose un problème.

M. Harry Chandler: J'aimerais ajouter que cette disposition vise uniquement les produits; elle n'inclut pas les services. Elle a donc une portée assez restreinte.

La présidente: Bien. Nous allons devoir laisser la parole à quelqu'un d'autre. Merci, monsieur Schmidt.

Monsieur Malhi, s'il vous plaît.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.

Est-ce qu'il ne serait pas possible de modifier la Loi sur la concurrence de manière à établir une distinction entre les régimes proconcurrentiels et les régimes anticoncurrentiels de maintien des prix?

M. Konrad von Finckenstein: Vous voulez savoir si la loi pourrait être modifiée? Il serait certainement possible de faire cette distinction, mais étant donné la façon dont les choses fonctionnent actuellement, sur quelles bases pourrions-nous intenter des poursuites dans le cas d'un régime proconcurrentiel de maintien des prix? Ce ne serait pas possible. Nous devons prouver que le maintien des prix a des effets négatifs sur la concurrence, ce qui ne serait évidemment pas le cas s'il s'agissait d'un régime proconcurrentiel.

La présidente: Merci, monsieur Malhi.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci à vous, messieurs, de votre témoignage. Madame la présidente, je vous remercie également de m'avoir permis de poser aux témoins des questions qui me préoccupent depuis quelque temps, même si je ne suis pas membre du comité.

Le rapport VanDuzer contient un certain nombre de choses. Mais comme nous avons ici des représentants des divisions chargées des affaires civiles et des affaires criminelles, je voudrais leur demander tout d'abord pourquoi on n'a pas examiné le bien-fondé de ne pas garder la discrimination par les prix et les prix d'éviction du côté criminel, mais d'en faire des infractions automatiques comme c'est le cas pour la collusion par des soumissionnaires et les ententes entre institutions financières, étant donné qu'il n'est pas toujours possible d'appliquer cette loi?

Je suppose que cette question s'adresse d'abord à vous, monsieur Chandler. J'aimerais savoir aussi, et surtout—et je comprends que nous ne parlons pas ici de fixation des prix, même s'il s'agit bel et bien de prix—, pourquoi le mot «indûment» n'a pas été supprimé, ou alors remplacé par quelque chose d'autre? Pourquoi employer des mots comme «pratique», dans le cas de la discrimination par les prix, et «réduire sensiblement la concurrence», dans les dispositions sur les recours civils? Je vais y revenir dans un moment.

Deuxièmement, en ce qui a trait aux recours civils, je trouve important que le comité comprenne que, quand on voit le mot «civil» dans la recommandation du rapport VanDuzer, il s'agit en fait uniquement d'un examen civil, autrement dit du transfert de certains éléments pour qu'ils puissent faire l'objet d'un examen civil et que le bureau puisse avoir recours au tribunal à un moment donné.

J'aimerais savoir, monsieur Mercer ou monsieur Lafond, si vous êtes d'accord pour dire que les pratiques commerciales examinables ne sont pas des pratiques interdites et passibles de sanctions civiles, qu'il n'y a pas d'effet d'injonction, qu'un particulier ou vous-mêmes devriez procéder au cas par cas, et qu'il pourrait être impossible d'en arriver à une application générale de la loi. Et surtout, se pourrait-il, puisque nous avons une économie continentale, que les lois canadiennes et les lois américaines soient inégales à certains égards? Je pense en particulier à la loi Clayton, qui accorde un droit privé d'action jusqu'à un certain point, alors que vous devez vous servir de vos propres ressources pour porter ce genre de choses à l'attention du tribunal?

• 0940

Je me rends compte que mon intervention englobe plusieurs questions importantes, mais je voulais vous les poser et aussi clarifier les termes utilisés; il est important à mon avis que les membres du comité comprennent que, quand on emploie le mot «civil», on veut parler en réalité de la possibilité d'un examen civil. C'est une distinction extrêmement importante qui prouve encore une fois, comme le démontrent les faits jusqu'ici, qu'il est presque impossible d'obtenir des condamnations.

Pourrais-je demander à plusieurs de nos témoins de répondre?

Merci, madame la présidente.

M. Konrad von Finckenstein: Je vais commencer par répondre à votre dernière question.

Premièrement, pour ce qui est des pratiques examinables au civil, vous avez tout à fait raison de dire que, si nous avons du succès dans un cas, il y aura une injonction concernant le comportement de la personne en cause; il n'y aura pas de dommages- intérêts ni de droit d'action contre cette personne. C'est un aspect de la loi qui a suscité de vives discussions.

Les dispositions à caractère civil ont été adoptées quand la loi a été promulguée, en 1986. Comme vous le savez, le fondement de ces dispositions, c'est que certaines activités peuvent tomber ou non sous le coup de la loi; tout dépend de leurs effets. Donc, dans bien des cas, il peut s'agir soit d'une concurrence vigoureuse, tout simplement, soit de quelque chose d'exagéré. Ce n'est pas toujours clair. C'est pourquoi il faut un examen. Il faut examiner le contrat, établir les faits et mesurer les conséquences. Si on se rend compte que le comportement était anticoncurrentiel, on a recours au tribunal, et le tribunal ordonne de mettre fin à ce comportement.

C'est le compromis qui a été fait en 1986, ce qui a eu pour effet de donner le monopole des poursuites civiles à la personne qu'on appelait alors le directeur du Bureau de la concurrence, et qui porte maintenant le titre de commissaire; les particuliers ne peuvent pas imposer de poursuites à titre privé.

Nous sommes d'avis que la loi doit être modifiée. J'ai déjà dit publiquement, à plusieurs reprises, qu'il devrait y avoir un droit privé d'action pour certains comportements comme la vente liée, le refus de vendre, et ainsi de suite. Ça ne devrait pas...

M. Dan McTeague: Devant le tribunal plutôt que devant la cour?

M. Konrad von Finckenstein: Oui, devant le tribunal; il me semble que ce sont essentiellement des litiges entre marchands, entre un producteur et un fournisseur, et ainsi de suite. Ça n'a vraiment rien à voir avec les intérêts supérieurs de l'État. C'est un différend entre deux personnes. Prenons par exemple le refus de vendre. Si je veux acheter un de vos produits et que vous refusez de me le vendre, même si je suis... Ça peut être pour une question de crédit ou parce que vous exercez de la discrimination contre moi, par exemple. Alors, nous pourrions porter l'affaire devant la cour et lui laisser le soin de trancher. Mais nous allons plus loin et nous disons qu'il ne devrait pas y avoir de dommages-intérêts, seulement une injonction. En fait, si je ne me trompe pas, la cour ordonnerait simplement au producteur de vendre son produit.

M. Dan McTeague: Madame la présidente, je voudrais demander à M. von Finckenstein...

La présidente: Vous avez déjà posé plusieurs questions.

M. Dan McTeague: Mais c'est sur le même sujet.

La présidente: Votre temps va être écoulé avant que vous puissiez avoir des réponses à vos autres questions.

M. Dan McTeague: Ce n'est pas grave. Je trouve les propos du témoin très intéressants et très révélateurs.

Monsieur von Finckenstein, j'ai une question à vous poser. Si un particulier vous soumet un cas et que vous portez l'affaire devant le tribunal, et si vous obtenez une ordonnance contre l'entreprise en cause, il n'y a rien qui empêche cette entreprise de continuer à faire ce qu'elle faisait, à moins que ce soit précisé expressément dans l'ordonnance, n'est-ce pas?

M. Konrad von Finckenstein: La cour ne peut statuer que sur les faits qui lui sont présentés, en l'occurrence un refus de fournir un produit à un acheteur. Bien sûr, une ordonnance de cette nature a toujours un effet dissuasif. Un fournisseur qui a fait l'objet d'une mesure de ce genre une fois va-t-il courir le risque de s'y exposer de nouveau? Je tiens pour acquis que les gens sont en affaires pour faire de l'argent, par pour se lancer dans des procès et payer des frais d'avocats. Donc, on peut supposer que le fournisseur aura eu sa leçon et que la fois suivante, si la même situation se reproduit, il fournira le produit sans que nous soyons obligés de l'amener en cour.

C'était un élément de votre question sur l'examen...

Pour ce qui est du droit d'action privé—il est dommage que vous ayez posé autant de questions—, il me semble qu'une de vos questions portait sur les actes criminels. Vous vouliez savoir pourquoi il n'y avait pas d'infraction automatique, et pourquoi nous ne faisions pas la distinction entre les sanctions pénales automatiques et les recours civils.

M. Dan McTeague: Et pourquoi on retrouve dans la loi les mots «indûment» et «pratique».

M. Konrad von Finckenstein: Harry, pourriez-vous répondre, s'il vous plaît?

M. Harry Chandler: Pour que ce soit bien clair, je vous dirai qu'on parle d'infraction «automatique» quand une pratique est interdite ou qu'elle constitue une infraction d'office, sans qu'il soit nécessaire de faire enquête ou de prouver à la cour que cette pratique a pour effet d'affaiblir la concurrence. C'est mon interprétation de l'expression «infraction automatique».

Donc, la Loi sur la concurrence interdit par exemple la collusion dans les soumissions, qui constitue une infraction automatique.

• 0945

La principale difficulté, en ce qui concerne les autres dispositions sur l'établissement de prix anticoncurrentiels dont il est question aujourd'hui, a été évoquée clairement par M. von Finckenstein au début et à la fin de sa déclaration. Le problème, c'est qu'il n'est pas facile de faire la distinction entre une concurrence vigoureuse, dans l'intérêt des consommateurs et de l'économie, et le genre de concurrence dans les prix qui devient abusive et qui nuit à la concurrence. Donc, comme il est malaisé de faire cette distinction, et de juger de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, si vous voulez, on peut difficilement avoir une infraction automatique.

M. Dan McTeague: Ce n'est pas un problème aux États-Unis, où il y a une politique d'application à trois volets qui permet de faire une distinction entre ce qui tombe sous le coup de la loi Robinson-Patman, de la loi Clayton et de la loi Sherman. Pour reprendre l'argument présenté par Microsoft, par exemple, il est vrai que cette entreprise est extrêmement compétitive, mais c'est une des réalités du commerce.

Je me demande simplement si nous devrions examiner d'abord la possibilité de modifier les éléments qui posent un problème dans les dispositions à caractère criminel, au lieu de prévoir non pas des recours civils, comme on pourrait le croire, mais bien la simple possibilité d'un examen civil, ce qui rend l'application de la loi à peu près impossible.

M. Konrad von Finckenstein: Comme je l'ai dit au départ, nous ne croyons pas qu'il faille tout envoyer du côté civil de toute façon. Certains comportements criminels doivent constituer des infractions automatiques. Nous n'avons pas parlé aujourd'hui de la fixation des prix, visée par l'article 45, mais il y a toute une école de pensée selon laquelle il ne devrait pas y avoir de pardon pour les entreprises qui fixent les prix et que ce devrait être une infraction automatique. C'est une opinion qui en vaut une autre.

Nous parlons ici de concurrence dans les prix, de discrimination par les prix, de prix d'exclusion et de maintien des prix. Sur tous ces points, il y a bien des possibilités, comme l'a dit Harry. Certains comportements peuvent être tout à fait proconcurrentiels parce qu'ils offrent plus de choix aux consommateurs, tout comme ils peuvent être monopolistiques et anticoncurrentiels. Je ne pense pas qu'on puisse en faire des infractions automatiques.

M. Dan McTeague: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci.

Je voulais vous poser quelques questions au sujet du mandat que vous avez confié au professeur VanDuzer. Par exemple, vous ne lui avez pas demandé d'examiner l'article 45, la question de la fixation des prix. Aussi, si je comprends bien,

[Français]

vous avez demandé au professeur VanDuzer de déterminer si les dispositions de la Loi sur la concurrence étaient adéquates à la lumière des forces économiques actuelles, en ce qui concerne le maintien des prix, la discrimination des prix, etc., mais vous ne lui avez pas demandé de regarder tout le débat qu'il y a eu, dans lequel le Bureau de la concurrence a pris parti, sur la question du droit de poursuite civile par une partie ou un particulier,

[Traduction]

le droit d'intenter une action privée.

Je me demande pourquoi. Je regarde son rapport et je regarde la déclaration que vous venez de faire à propos de la diminution des ressources au Bureau de la concurrence et de la nécessité dans laquelle vous vous trouvez d'établir des priorités pour utiliser au mieux votre argent et favoriser la concurrence.

M. VanDuzer dit aussi dans son rapport qu'il n'y a presque aucune jurisprudence pénale parce qu'aucune action n'a été intentée au criminel. Même si on voulait procéder à un examen civil, on aurait de la difficulté. Disons que le réservoir est vide.

Lorsque je regarde la question du droit privé d'accès, je me dis qu'en autorisant les actions au privé, on créerait en fait une banque de jurisprudence qui pourrait être utile. Ce serait au civil, bien sûr, mais certaines notions pourraient aussi s'appliquer au criminel. La seule différence, c'est que la norme de preuve serait beaucoup plus élevée au criminel.

• 0950

J'avais cru comprendre qu'une des modifications recommandées en 1995 par le Bureau de la concurrence avait trait au droit privé d'accès. Je crois savoir qu'elle a été retirée à un moment donné. Je ne sais pas trop pourquoi. Pourquoi aviez-vous recommandé cette modification? Si elle était fondée, pourquoi le Bureau de la concurrence a-t-il changé d'avis? J'aimerais que vous m'expliquiez.

Je serais vraiment curieuse de savoir pourquoi le mandat confié au professeur n'était pas assez vaste pour englober cette question. Je pense qu'elle est importante pour ce qui est de la promotion de la concurrence et de l'exercice de la difficile tâche pour le Bureau de s'attaquer aux pratiques anticoncurrentielles malgré une diminution de ses ressources.

M. Konrad von Finckenstein: Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il y a bien des questions...

Mme Marlene Jennings: C'est merveilleux.

Une voix: Tout va bien pour vous aujourd'hui.

M. Konrad von Finckenstein: ...sur lesquelles il faut se pencher, comme l'accès privé, nos ressources, etc.

Voyons voir comment tout a commencé. Vous avez été saisis du projet de loi C-235 qui devait faire échec à l'établissement d'un prix abusif et à l'abus de position dominante. À la fin de l'audience, le comité a adopté la résolution suivante:

    Que, dans les meilleurs délais, le Comité de l'industrie examine les pratiques anticoncurrentielles d'établissement des prix de la Loi sur la concurrence et les directives et activités connexes du Bureau de la concurrence.

C'étaient là les résultats et c'est la résolution que vous avez adoptée.

Mme Marlene Jennings: Oui.

M. Konrad von Finckenstein: J'ai ensuite défini le mandat du professeur VanDuzer pour vous aider dans votre étude. L'objectif était de savoir en quoi consistent les pratiques anticoncurrentielles en matière de prix au sens de la loi et des lignes directrices relatives à son application. J'ai fait part de ces lignes directrices au comité lorsque j'ai témoigné devant lui pour la deuxième fois à propos du projet de loi C-235.

Le projet de loi C-235 dont vous avez été saisis nous autorisait à penser que la loi ne renfermait pas les dispositions voulues au sujet de l'établissement de prix abusifs et de l'apparence de position dominante et que les pratiques du Bureau laissaient à désirer. Vous avez voulu examiner la question. C'est ce que vous avez dit et c'est pourquoi j'ai confié ce mandat au professeur.

Mme Marlene Jennings: Puis-je vous interrompre une seconde?

M. Konrad von Finckenstein: Bien sûr.

Mme Marlene Jennings: Je suis désolée, mais vous avez tout à fait raison. Je suis très heureuse que vous nous l'ayez signalé. En fait, le mandat que vous avez confié au professeur VanDuzer découlait d'une résolution adoptée par le comité.

Dois-je en conclure que si le comité adoptait une résolution portant examen de la Loi sur la concurrence, c'est-à-dire de l'infraction pénale en soi, d'un plus grand nombre de dispositions, de l'examen civil et de l'accès privé, le Bureau de la concurrence en serait heureux?

M. Konrad von Finckenstein: J'ai déjà dit qu'il s'agit d'une loi cadre. Elle doit être mise à jour de manière à tenir compte des changements dans l'économie. Nous avons mis en branle tout un processus qui englobe la consultation.

Vous m'avez demandé pourquoi l'accès privé avait été proposé avant le projet de loi C-20 et pourquoi il n'en faisait pas partie. Nous avons publié un document dans lequel nous faisions une suggestion en ce sens. Nous avons mis sur pied un groupe consultatif qui a eu de longues discussions avec des experts de toutes les régions du pays. Ils ont jugé en fait que la question de l'accès privé nécessitait un examen plus poussé.

Vous avez très éloquemment fait valoir le côté opposé de l'accès privé. Il y a un inconvénient. L'inconvénient, c'est que l'accès privé peut être utilisé pour un litige stratégique. Il peut être utilisé pour paralyser les entreprises. Il peut représenter un énorme fardeau pour les entreprises si elles doivent repousser tous les procès sans fondement qui leur font perdre du temps et de l'argent.

Aux États-Unis, on intente de nombreux procès à ceux qu'on accuse de vouloir restreindre la concurrence. Les Américains ont un terme pour cela. Ils parlent de «chantage au dollar». C'est bien simple, les gens intentent des poursuites pour qu'on les paye pour s'en débarrasser. C'est ce que nous ne voulons pas et c'est la raison pour laquelle nous avons adopté une approche très prudente de l'accès privé. Nous revoyons toutes les pratiques examinables. Soit dit en passant, nous estimons que nous devrions avoir le monopole de la surveillance d'un grand nombre de ces pratiques.

Mais il y a certains domaines, et nous en avons identifié quatre... Ce sont les ventes liées, le refus d'approvisionner, l'exclusivité et la fixation du prix de revente. Ce sont les quatre domaines pour lesquels nous estimons qu'il pourrait y avoir un droit privé. Je dois dire que j'aimerais que cette question fasse l'objet de consultations à la prochaine étape et qu'on en fasse aussi ressortir les avantages et les inconvénients.

• 0955

Je pense qu'il ne devrait pas y avoir de dommages-intérêts afin que les gens qui interviennent aient vraiment un problème. On n'intente pas un procès parce qu'on espère que ce sera payant. On intente un procès parce qu'on veut qu'une pratique cesse. Il faudrait peut-être aussi, pour qu'on ait le droit d'intenter des poursuites, que la prétention soit établie prima facies. C'est une question qu'il faudrait examiner, et nous l'examinerons.

Mais cela ne faisait pas partie de ce que le comité nous a demandé d'étudier et c'est à ce moment-là que nous avons retenu les services de M. VanDuzer. Il devait s'en tenir au mandat que vous avez devant vous.

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.

La présidente: Merci, madame Jennings.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente. Je suis heureux, madame Jennings, que vous ayez posé cette question parce que je voulais la poser moi aussi. Je pense que c'est une bonne question. L'autre question que j'ai a trait à la manière dont vous vous y prenez pour décider à quel niveau, au civil ou au criminel, l'examen se fera et des accusations de fixation de prix abusifs, de discrimination par les prix ou de fixation du prix de revente seront portées. Je pense en particulier ici aux différentes façons dont les grosses sociétés fonctionnent. Il y a les entreprises à intégration verticale et les rapports qui existent entre elles à différents niveaux, c'est-à-dire au niveau de la production, du gros, de la distribution, de la vente et de la revente et, enfin, du détail. Il peut y avoir discrimination par les prix et fixation du prix de revente à n'importe lequel de ces niveaux. Auquel de ces niveaux choisissez-vous donc de procéder à un examen, d'intenter des poursuites, etc.? Comment décidez-vous de la façon dont vous allez vous y prendre?

M. Konrad von Finckenstein: Nous ne regardons pas les liens à l'intérieur d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises. Nous regardons les liens entre ce groupe d'entreprises, qu'il s'agisse d'entreprises à intégration verticale ou d'un groupe d'entreprises qui représentent ensemble le processus intégré, et la personne de l'extérieur. À un niveau—que ce soit au sommet, dans le milieu ou au bas—elles interagissent avec quelqu'un d'autre à qui elles vendent ou de qui elles achètent. C'est ce que nous regardons.

La loi nous oblige à traiter avec une entreprise qui interagit. Donc, s'il s'agit d'une entreprise qui produit, puis raffine et vend un produit et qui, au niveau du gros, le vend aussi à d'autres, alors, de toute évidence, c'est du côté du grossiste qu'il faut regarder. S'il s'agit d'une entreprise de détail qui a des rapports avec les consommateurs, alors c'est du côté du détaillant que nous regardons. Tout dépend du niveau où l'interaction avec la personne de l'extérieur a lieu. C'est le niveau auquel des poursuites seraient intentées.

M. Werner Schmidt: Et s'il y a interaction à tous ces niveaux avec la personne de l'extérieur?

M. Konrad von Finckenstein: Alors des poursuites multiples seraient intentées.

M. Werner Schmidt: Et c'est le Bureau qui les intenterait?

M. Konrad von Finckenstein: Oui, si nous avions suffisamment de preuves. Deux problèmes se posent habituellement. Le premier, c'est de toujours avoir des preuves. Bien des allégations sont faites sans preuves... ou il est impossible d'en trouver. L'autre problème a trait, bien sûr, aux ressources. Il faut choisir parmi plusieurs affaires celle qu'il conviendrait de porter devant un tribunal et décider des conséquences pour la concurrence. Cela en vaut-il la peine?

Je devrais vous mentionner que vous concentrez tous votre attention sur les poursuites. Le Bureau a toute une gamme d'activités qui s'inscrivent dans ce que nous appelons un continuum. Il y a l'éducation, les mises en garde, l'information, les efforts pour convaincre les gens de mettre un terme à leurs activités et d'adopter des codes sans caractère obligatoire, les avertissements, puis les enquêtes et, à la toute fin de la gamme, les poursuites et les condamnations. Je présume que les gens sont en affaires pour faire de l'argent, pas pour s'attirer des ennuis avec la justice. Nous essayons donc toujours de les convaincre de reprendre le droit chemin avant de les y forcer, à moins bien sûr, comme il arrive parfois, que l'enquête fasse clairement ressortir au départ qu'il s'agit bien d'une activité criminelle et qu'il ne servirait à rien d'essayer d'éduquer les coupables. Toutefois, dans la plupart des cas, nous essayons d'opter pour l'activité qui convient pour modifier le comportement.

• 1000

M. Werner Schmidt: Bien sûr. Je suis d'accord et je sais que les poursuites se situent à la fin du processus que vous venez de décrire ici. Il me semble que s'il y avait une intégration aussi poussée et un grand nombre d'avantages à l'extérieur et à l'intérieur de la compagnie, et que si des prix abusifs étaient imposés dans certains secteurs, mais pas dans d'autres, pourtant, à cause des multiples poursuites qui pourraient être intentées, des multiples activités d'éducation qui peuvent être mises en oeuvre ou des infractions multiples qui peuvent être commises... En raison simplement de la multiplicité de toutes ces choses d'un niveau au suivant, puis au suivant encore, des preuves qui auraient pu exister à un niveau ou à un autre peuvent disparaître.

Comment procédez-vous dans ces cas? Ils me semblent très compliqués.

M. Konrad von Finckenstein: Harry, voulez-vous répondre? Vous êtes responsable des enquêtes criminelles.

M. Harry Chandler: Je ne suis pas certain que les preuves disparaîtront, parce que ce que nous essaierons de voir, c'est l'impact de la concurrence sur des marchés particuliers, même s'il s'agit de plus d'un marché. Un grand nombre d'informations nous proviennent des acteurs, des autres entreprises qui évoluent sur ces marchés. Ils disposent de l'information qui nous permet de pousser plus loin notre enquête. Bien entendu, nous sommes aussi en mesure d'obtenir des renseignements internes.

Mais j'aimerais faire une autre observation. C'est que nous partons du principe que gros n'est pas nécessairement synonyme de mauvais. Il faut regarder tous les éléments de la situation. Les entreprises intégrées, par exemple, peuvent profiter d'économies qui leur permettent d'être plus efficaces sur un marché. On ne veut donc pas intervenir lorsque les consommateurs sont avantagés par une entreprise qui a de nouveaux produits, de nouvelles idées, et qui peut les leur offrir à un coût plus bas. C'est une question dont il faut également tenir compte.

M. Werner Schmidt: Absolument. L'autre élément, c'est que les économies fondées sur la taille peuvent en fait constituer un obstacle à la concurrence dans le secteur. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que la taille n'a aucune importance, mais il ne faudrait pas que des pratiques d'établissement de prix s'avèrent anticoncurrentielles. Je suis particulièrement préoccupé par le régime de prix imposé horizontal—même si vous l'avez laissé de côté—parce que c'est précisément ce qui a posé le problème le plus grave. Cela existe dans d'autres secteurs.

Je suppose que nous pourrions parler de cas individuels, mais ça nous prendrait toute la journée et peut-être même des mois ou des années.

Je m'interrogeais sur le principe qui entre en ligne de compte ici. Je me demandais si vous voyez un inconvénient aux dispositions actuelles de la loi.

M. Harry Chandler: Je crois que le commissaire a dit que la disposition relative à la discrimination par les prix est étrange et devrait probablement être abrogée—et c'est d'ailleurs ce que nous avons proposé la dernière fois. Ce que je veux dire, c'est que c'est ce que nous avons proposé lors de la dernière série de modifications. Des problèmes se posent. Certaines entreprises, certains secteurs d'activité, ressentent la nécessité d'avoir une disposition pénale dans ce domaine.

M. Konrad von Finckenstein: Madame la présidente, si vous me le permettez, je voudrais corriger la réponse que j'ai donnée à Mme Jennings.

Les articles que nous préconisons pour l'accès privé sont le refus de tenir compte des articles 75 et 77—les ventes liées, les restrictions de marché et l'exclusivité. J'aurais dû mentionner les restrictions de marché.

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Schmidt.

Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente. Permettez-moi moi aussi de souhaiter encore une fois la bienvenue au groupe. Je sais que notre réunion d'aujourd'hui devait porter sur le rapport VanDuzer et les questions relatives à la concurrence. Mais l'établissement des prix, surtout de l'essence, est vraiment ce dont on parle aujourd'hui dans tous les foyers canadiens. Je vais vous citer un article publié dans le journal d'aujourd'hui:

    Les entreprises pétrolières attribuent la hausse récente des prix de l'essence à l'augmentation des prix mondiaux du pétrole qui serait imputable à une diminution de l'offre et à une augmentation de l'activité économique mondiale.

• 1005

Nous nous montrerions injustes envers les nombreuses personnes qui nous ont parlé à tous, à titre de représentants, des prix de l'essence si nous ne posions pas au moins une question aujourd'hui.

Je sais que vous avez travaillé fort; à preuve, ce rapport. Madame la présidente, permettez-moi de profiter de l'occasion pour vous faire part de ma déception et vous appuyer puisque vous-même avez déploré ce matin la prématurité du rapport.

J'aimerais avoir vos commentaires, parce que tous les jours, lorsque nous sommes dans nos circonscriptions, des électeurs nous disent: «C'est votre responsabilité à Ottawa de vous occuper des prix.» Je dis peut-être cela aussi pour que certaines choses soient consignées au compte rendu.

Certains gouvernements provinciaux, notamment celui de l'Ontario aujourd'hui, s'empressent de blâmer le gouvernement fédéral.

J'aimerais avoir vos commentaires au sujet de la réglementation et du contrôle des prix. Je sais que la concurrence a fait l'objet de nombreux travaux et qu'il y en a d'autres en cours.

Le prix de nombreux produits vendus sur les marchés mondiaux, qu'il s'agisse des légumes, du café, du pétrole et j'en passe, montent et descendent et il y a d'autres pays qui doivent faire face comme nous aux augmentations des prix du pétrole par baril.

On m'a dit et j'ai moi-même constaté que les prix sont stables à la pompe. Y aurait-il moyen de s'assurer de cette stabilité pour l'avenir, ou les Canadiens sont-ils condamnés à toujours faire face aux fluctuations que connaît notre pays depuis deux ans, des fluctuations horaires, quotidiennes ou hebdomadaires qui sont la cause d'après moi—et c'est ce que d'autres disent aussi—de la colère des Canadiens?

M. Konrad von Finckenstein: Oui, je suis très conscient de leur colère et de leur frustration. Et, comme consommateur, je partage leur colère. Ces fluctuations du prix de l'essence sont très difficiles à comprendre.

Comme vous le savez, le pétrole est un produit qui fait l'objet d'échanges mondiaux. Il y a un cartel international du pétrole appelé l'OPEP qui parfois fonctionne et parfois ne fonctionne pas. Nous semblons traverser actuellement une période où il fonctionne relativement—à son point de vue, c'est-à-dire qu'il a réussi à contrôler la production, ce qui a pour effet de faire augmenter le prix du pétrole partout dans le monde. Bien entendu, cela a des répercussions sur le prix à la pompe. Les gens ont l'impression qu'il augmente constamment, qu'il ne diminue jamais. Ils ont l'impression aussi qu'il augmente immédiatement et qu'il lui faut des mois pour baisser.

Nous avons fait de nombreuses études sur le prix de l'essence au cours des vingt dernières années. La dernière a été effectuée au moment où je venais d'être nommé commissaire et elle a montré s'il y avait ce que les économistes appellent une «asymétrie» entre le prix du brut et le prix de détail. Vous pouvez voir qu'ils se suivent de très près. Ils ne s'alignent pas immédiatement, il peut y avoir un certain écart à un moment donné, mais ils sont en fait très tendus.

Les prix sont très instables et extrêmement visibles. Tous les Canadiens peuvent les voir chaque jour en lettres de trois pieds de haut lorsqu'ils sont sur la route. Ils ne peuvent pas les manquer. Je ne pense pas qu'il y ait au Canada un autre prix qui soit aussi bien annoncé de sorte qu'on est tout de suite au courant.

Nous suivons la situation de très près. Nous intervenons, quand nous le pouvons. Par exemple, comme vous le savez, l'an dernier, Petro-Canada a essayé d'acheter Ultramar. Nous l'en avons empêchée en lui disant que nous nous opposerions très vigoureusement à cette vente, parce que nous pensions qu'elle déboucherait sur la monopolisation des prix dans l'est du Canada.

Nous intentons des poursuites lorsque nous avons des preuves. Il est très difficile de prouver quoi que ce soit. Nous venons de porter des accusations contre Irving Oil au Québec qui fait actuellement l'objet de poursuites. Il s'agit dans la plupart des cas d'un complot local pour fixer les prix. Nous n'avons jamais pu prouver qu'il y a un complot entre les grandes pétrolières pour faire augmenter ou baisser les prix. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas un. Ce que je veux dire, c'est que nos enquêteurs, malgré tous les outils qu'ils ont à leur disposition, n'ont pas pu en découvrir un.

Nous surveillons ce marché de très près et, lorsque nous avons suffisamment de preuves, nous intentons des poursuites. Nous nous trouvons en fait en présence de ce que les économistes appellent le «parallélisme conscient». Nous avons un produit standard vendu par des entreprises concurrentes qui s'alignent les unes sur les autres pour ce qui est des prix, mais il n'y a pas d'accord entre elles. Lorsqu'elles s'aperçoivent qu'un concurrent augmente les prix, elles augmentent le leur. Si le concurrent baisse ses prix, elles font de même. Il reste que les prix sont toujours au même niveau, ce qui est très suspect et donne l'impression...

• 1010

La présidente: Monsieur le commissaire, monsieur Cannis, j'aimerais vraiment que nous discutions du rapport que nous avons devant nous aujourd'hui. Donc, si vous avez des questions concernant le prix de l'essence qui ont un lien avec le rapport, je serais prête à les prendre en considération. Cependant, je ne veux pas que nous discutions de choses qui débordent le cadre du rapport que nous avons devant nous aujourd'hui. Soit dit sans vouloir vous offenser, monsieur Cannis, je vous ai laissé aller, mais je ne veux pas que nous poursuivions la discussion.

M. John Cannis: En ce qui concerne les poursuites, ce que vous me dites, monsieur Finckenstein, d'après le rapport, c'est que si le comité établi par le gouvernement de l'Ontario vous présente des renseignements concrets, vous aurez alors les moyens et les outils qu'il vous faut pour entamer des poursuites.

M. Konrad von Finckenstein: Oui, si nous avons des preuves. Par exemple, j'ai mentionné les poursuites contre Irving. Elles ont été entamées conformément à l'article 61 qui est l'une des dispositions que M. VanDuzer examine, la fixation du prix de revente. Nous alléguons qu'Irving Oil a en réalité adopté un comportement contraire à l'article 61. Bien entendu, nous devons maintenant le prouver, mais c'est quand...

M. John Cannis: Merci.

La présidente: Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente.

J'ai une ou deux questions à poser au sujet de l'établissement des prix en général en m'appuyant sur le rapport VanDuzer. Il est évident que nous sommes en train de passer à l'étape suivante de la découverte quant à l'orientation que la concurrence prend. Je tenais à signaler, madame la présidente, pour aider les députés, que les notes commentées par Robert Nozick, que le conseiller de la présidence utilise assez souvent je crois, et sur lesquelles je suis tombé durant les délibérations sur le projet de loi C-235, renferment une note au bas de la page 126 qui dit:

    Cependant, il est respectueusement suggéré que pour les pratiques examinables qui par leur définition même seront presque toujours nuisibles pour la concurrence, l'avantage du fardeau de la preuve en matière civile ne dépasse pas l'inconvénient de la non-prohibition.

Cette note dit aussi:

    Une pratique qui caractérise la pratique commerciale examinable ne comporte pas la possibilité d'une action civile en dommages-intérêts en vertu de l'article 36. Cela minimise la vraisemblance de l'application privée de la Loi sur la concurrence, même si des modifications y étaient apportées, permettant l'introduction d'une instance au privé devant le tribunal.

Messieurs, j'ai un certain nombre de documents—que je vous ai fait partager—d'individus qui ont laissé entendre qu'il existe, à bien des égards, un parallèle dissimulateur entre les États-Unis et nous-mêmes et que:

    En bref, l'exigence relative au pouvoir sur le marché de l'article 45 a pour effet de légaliser au Canada une certaine conduite qui serait considérée comme criminelle aux États-Unis.

Je me demandais si nous ne pouvions pas examiner de plus près la question des lacunes au criminel avant de simplement passer au civil, ce qui est en quelque sorte une échappatoire.

Monsieur Chandler, vous avez dit que ce n'est pas nécessairement mauvais d'être gros. Je suis d'accord avec vous, à moins que la grosseur ait quelque chose à voir avec la création de la loi dans un premier temps, comme M. Newman l'a donné à entendre à la page 156 de son livre, Titans, et selon qui le Conseil canadien des chefs d'entreprises et d'autres ont participé à la création de la loi actuelle qui est de toute évidence inapplicable dans bien des cas.

Je crois que le problème, et c'est ce qui m'amène à vous poser la question, caractérise la façon dont la loi elle-même... si elle ne peut pas être mise en application au criminel, alors ne serait-il pas préférable de s'occuper de ses aspects à caractère pénal? Vous avez indiqué, monsieur von Finckenstein, à la fin de votre réponse à ma dernière question, que la fixation des prix pourrait peut-être être considérée comme une infraction en soi—si on éliminait certains mots, j'imagine, mais vous n'avez pas précisé.

Étant donné que le Conseil canadien des chefs d'entreprises, la Chambre de commerce et la communauté juridique se sont opposés à presque chaque modification à cette loi, pensez-vous, monsieur, que nous réussirons vraiment à avoir des règles du jeu un peu plus équitables ou à apporter un minimum de changements à une loi qu'ils ont créée en 1986 et qui a un effet dévastateur sur la monopolisation de notre pays? Elle ressemble à un plan détaillé pour la monopolisation du Canada à bien des égards.

M. Konrad von Finckenstein: Laissez-moi d'abord vous dire ceci.

Premièrement, nous n'avons pas convenu que tout devrait passer au civil. C'est l'un des compromis du professeur VanDuzer. Je dis clairement dans mes observations préliminaires que je n'y crois pas. Deuxièmement, vous dites que les dispositions à caractère pénal ne peuvent pas être appliquées. Ce n'est pas notre avis. Nous intentons des poursuites; nous avons des procès en cours. Cette année, nous avons recueilli plus de 80 millions d'amendes en vertu de l'article 45. Pour une loi qui ne peut pas être appliquée, c'est pas mal d'argent...

M. Dan McTeague: Grâce aux Américains qui ont fait le travail pour vous dans la même affaire—un complot international.

• 1015

M. Konrad von Finckenstein: Je suis désolé, c'est votre interprétation, pas la mienne. Nous avons intenté des poursuites sur la base des preuves que nous avons pu recueillir et que nous avons présentées aux coupables. Ils ont choisi de plaider coupables au lieu d'aller en justice et ils se sont vu imposer une amende très élevée.

Pour ce qui est des infractions en soi, j'ai dit qu'il y a une école de pensée selon laquelle ces dispositions à caractère pénal pourraient être reliées à l'article 45. Je ne peux pas vous faire part de l'opinion du Bureau pour le moment, parce que nous trouvons que c'est une question très controversée. Il y a des gens qui sont tout à fait pour et d'autres tout à fait contre. Il faudrait qu'il y ait des consultations à grande échelle.

La fixation des prix constitue un problème relativement précis, mais l'article 45 porte sur un plus grand nombre de questions que la simple fixation des prix. Ces questions deviennent rapidement beaucoup plus complexes. On en a beaucoup discuté. L'article a été modifié plusieurs fois. On essaie toujours de trouver un juste équilibre dans la loi. On veut encourager pleinement la concurrence—une concurrence très vigoureuse. On ne veut pas y nuire. Par ailleurs, on veut aussi s'occuper des abus, des gens qui vont trop loin et qui adoptent en fait un comportement qui est nuisible au lieu d'être concurrentiel.

Il n'est pas facile de faire la distinction. Nous allons continuellement modifier la loi. Je ne serais pas surpris qu'à un moment donné l'article 45 soit simplifié, mais je ne peux pas vous donner de réponse claire quant à la façon dont il devrait être modifié. Comme je l'ai dit, il doit être mis à jour.

N'oubliez pas que nous avons intenté d'importantes poursuites aux termes de la loi. Nous avons perçu plus d'amendes en vertu de cette loi l'année dernière qu'en vertu de n'importe quelle autre disposition à caractère pénal au Canada. Ne l'oublions pas. Personne n'avait jamais avant payé une amende de 28 millions de dollars pour un acte criminel au Canada. C'est ce que nous avons perçu l'année dernière. Je ne serais donc pas d'accord pour dire que la loi est inapplicable.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur von Finckenstein.

Marlene Jennings, vous avez une dernière question.

Mme Marlene Jennings: Oui. Je voudrais que nous revenions à la question de la criminalité en soi, du droit privé d'accès non examinable au civil, de sorte que le droit privé d'accès permettrait une justice corrective—des mesures punitives.

Vous avez dit que vous ne vouliez pas qu'il finisse par arriver au Canada ce qui se passe actuellement aux États-Unis où les actions frivoles sont chose courante. Les gens traînent les compagnies d'assurance en cour pour la seule raison qu'elles leur verseront de l'argent pour qu'ils laissent tomber parce que les procédures civiles coûtent très cher.

Ne pensez-vous pas que nous pourrions tirer une leçon de l'expérience américaine et nous doter de mécanismes qui feraient en sorte que s'il y avait des actions frivoles, le tribunal pourrait d'abord rendre un jugement sommaire s'il constatait que l'allégation n'est pas fondée et, s'il jugeait que l'action est vexatoire ou frivole, il pourrait imposer des dommages-intérêts exemplaires? J'aime l'idée d'une justice corrective.

Nous en avons déjà des exemples dans d'autres domaines qui relèvent du civil, comme la discrimination selon la Charte des droits et libertés. Un employeur peut, par exemple, refuser d'embaucher ou de promouvoir ou pourrait avoir des pratiques discriminatoires en vertu de l'article 15 de la Charte des droits et libertés. Il peut en réalité être condamné non seulement à verser des dommages-intérêts à l'individu qui a été lésé, si celui-ci peut prouver qu'il l'a été, mais aussi, si les actes commis sont particulièrement répréhensibles, se voir imposer des dommages-intérêts exemplaires susceptibles d'avoir un effet de dissuasion sur cet employeur et d'autres employeurs.

Si vous ne pouvez pas me répondre tout de suite, j'aimerais que vous réfléchissiez à la question et que vous nous en reparliez plus tard.

M. Konrad von Finckenstein: Nous y réfléchirons, c'est sûr. Vous faites un compromis ici et un compromis très difficile. Je suis d'accord avec vous et avec M. McTeague. Je pense que nous devrions avoir des droits privés d'accès. Ce serait utile et contribuerait à l'établissement d'une riche jurisprudence. Nous aurions ainsi une meilleure compréhension de la question.

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J'ai peur des abus. Je ne veux pas que nous nous retrouvions dans la même situation que les Américains. Une fois que des droits ont été accordés, on ne peut plus jamais les retirer. Il faut donc être très prudent.

M. McTeague a tout à fait raison. Nous devrions avoir plus de poursuites dans certaines de ces affaires, et le droit privé d'accès nous y aiderait.

Les quatre articles que j'ai mentionnés ne permettent pas, il me semble, d'invoquer des arguments très convaincants en faveur d'un monopole des poursuites pour le Bureau. Je proposerais donc qu'on opte pour une plus grande ouverture et que des seuils soient établis dès le départ.

Pour le moment, je suggérerais... dès qu'on impose des dommages-intérêts, ou des dommages-intérêts exemplaires, comme vous le proposez, on ouvre la porte aux abus. Bien sûr, on peut—et les gens essaieront de le faire—prévoir des mécanismes pour contenir les abus. C'est une question très difficile et il faudra à tout le moins demander aux tribunaux d'intervenir pour déterminer si les dispositions relatives aux dommages-intérêts s'appliquent. Les litiges entraînent des frais, ce qui constitue un fardeau pour l'économie, de sorte que nous devrions être très prudents.

À mon avis, la première étape consisterait, dans le cas de ces quatre dispositions, à avoir un accès privé et à adopter une loi en ce sens. Cela représenterait un changement assez important à la loi. Le climat serait différent et nous aurions une jurisprudence. Les fournisseurs et les marchands seraient plus sensibilisés et cela changerait les règles du jeu. Je pense que vous ne devriez pas aller plus loin pour le moment.

Forts de cette expérience, vous pourriez ensuite, à un moment donné, envisager des dommages-intérêts. Si ça ne fonctionne pas, on pourrait—je l'espère—en arriver à la conclusion que nous ne sommes pas aux États-Unis. Nous sommes au Canada et ça fonctionne de sorte que nous n'aurions pas besoin d'aller plus loin.

La présidente: Merci.

Merci, madame Jennings.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Madame la présidente, je voudrais simplement revenir aux observations de M. McTeague au sujet du CCCE et du livre de Peter C. Newman. Lorsqu'il en a parlé, vous n'avez rien répondu.

M. Konrad von Finckenstein: C'est le Parlement qui fait les lois. Vous-mêmes, les parlementaires, décidez après avoir consulté les intéressés au sujet d'un d'un projet présenté par le gouvernement. Le gouvernement a consulté tous les intervenants et, bien sûr, la CCCE était l'un d'entre eux, tout comme la FCEI. Les petites entreprises sont importantes. Les syndicats ont aussi été consultés.

C'était avant mon arrivée. C'était aux alentours de 1986. S'il y a eu d'autres consultations... Je n'en sais rien, mais la décision finale a été prise par le Parlement. Il a décidé que c'étaient là les dispositions qui devraient être adoptées. Je ne peux pas commenter le rôle que diverses organisations ont joué et dire s'il était à propos ou non.

M. Jim Jones: Merci.

La présidente: Y a-t-il d'autres questions?

Nous n'avons pas d'autres questions—aujourd'hui.

M. Konrad von Finckenstein: Merci. J'aime bien votre précision.

La présidente: Il se pourrait cependant que nous en ayons d'autres plus tard.

Je vous suis très reconnaissante, à vous, monsieur le commissaire, et à vos collègues d'être venus nous rencontrer aujourd'hui pour nous présenter le rapport. Nous avons invité le professeur VanDuzer à venir rencontrer le comité de sorte que nous pourrions de nouveau vouloir avoir vos commentaires. Merci beaucoup.

La séance est maintenant levée.