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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner à nouveau devant votre comité. Bien que je représente plusieurs intérêts de l'industrie canadienne dans le conflit du bois d'oeuvre résineux, je n'expose pas les opinions personnelles de mes clients.
Après avoir examiné mon témoignage du 31 juillet, j'ai décidé de réorienter les observations que je comptais faire. Au cours de la séance du 31 juillet, plusieurs membres du comité ont mis l'accent sur le fait que c'est en définitive l'industrie qui contrôle le sort de cet accord. D'une façon générale, j'ai constaté que le gouvernement et les membres, même les associations, essaient de faire un transfert de responsabilités ou de prendre d'une façon ou d'une autre leurs distances avec cet accord.
Honorables membres, la responsabilité de cet accord appartient en définitive au gouvernement et à vous-mêmes, et pas à l'industrie. Il a été imposé à l'industrie pour des motifs politiques. Personne dans l'industrie ne l'aime, mais beaucoup estiment ne pas avoir le choix et l'ont par conséquent déjà accepté.
La négociation de cet accord marque un tournant décisif et son adoption par la Chambre sera un moment historique, mais pas pour les raisons que vous pourriez soupçonner. L'Accord sonne le glas du chapitre 19 de l'ALENA et même de l'ALENA comme tel, à bien des égards. Je me ferais un plaisir de disserter sur ces deux points extrêmement importants que je comptais d'ailleurs aborder dans ces observations préliminaires, mais j'en ai réajusté l'orientation. Veuillez donc me poser des questions à leur sujet.
J'aimerais consacrer quelques minutes à la genèse de cet accord et à l'un de ses volets les plus importants, dont on a le moins discuté. Cette affaire ressemble quelque peu à celle du Watergate et, comme dans ce cas-là, il est essentiel de faire un suivi de l'argent.
Avant Noël, David Emerson, ministre d'un gouvernement libéral, et son ambassadeur à Washington, Frank McKenna, demandaient combien il en coûterait d'acheter la paix dans le conflit du bois d'oeuvre résineux. Ils adhéraient à toutes les prises de position canadiennes habituelles sur cette question: protéger le chapitre 19 de l'ALENA, écarter les clauses anti-contournement onéreuses et protéger les prérogatives canadiennes. Contrairement à tout différend antérieur, celui-ci se caractérise par l'accumulation de plus de 4 milliards et maintenant de 5 milliards de dollars. Il y a eu également l'amendement Byrd qui a amené l'industrie américaine à croire que, si elle pouvait atermoyer assez longtemps pour avoir les Canadiens à l'usure tout en réclamant le droit à la totalité de cette somme, elle pourrait en obtenir un important pourcentage. Elle savait que les Canadiens avaient porté devant les tribunaux américains une affaire qui pourrait lui interdire de réclamer la plus petite portion des droits perçus en vertu de l'amendement Byrd. Elle exigeait un partage dans une proportion de 60 p. 100 à 40 p. 100 à Noël.
MM. Emerson et McKenna ont négocié un partage égal et ont demandé à l'industrie américaine d'accepter. L'industrie a calculé la valeur actuelle nette par rapport aux perspectives d'un litige et a refusé, mais MM. McKenna et Emerson ont demandé quel pourcentage pourrait être suffisant. On leur a répondu alors dans ce contexte que ce serait 70 p. 100. M. Emerson était donc très impressionné par sa performance lorsqu'en avril, il a pu annoncer à l'industrie qu'il avait obtenu 80 p. 100, mais au moins quatre problèmes d'envergure se posaient et il les avait négligés tous les quatre.
Premièrement, le 7 avril, le Tribunal de commerce international des États-Unis a rendu une décision indiquant que l'industrie américaine n'avait légalement aucun droit à cet argent. Il n'était dès lors pas étonnant que 20 jours plus tard, la coalition américaine ait déclaré qu'elle accepterait 500 millions de dollars. Ce n'était pas vraiment une victoire de la persuader d'accepter 500 millions de dollars alors que légalement, elle n'avait plus droit à un sou.
Deuxièmement, la valeur actuelle nette à la fin d'avril n'était plus la même qu'à Noël, surtout parce que la cagnotte ne cessait de grossir. L'industrie canadienne pensait à une somme forfaitaire pour la coalition, environ 150 millions, mais certainement pas un demi-milliard de dollars.
Troisièmement, d'après le document du 27 avril de deux pages et demie concernant les modalités, il n'était pas clair que le Canada céderait sur tous les points que le gouvernement antérieur avait défendus pour conclure un accord, parce que les priorités politiques avaient changé de façon radicale.
Quatrièmement, le document concernant les modalités promettait une initiative conjointe majeure pour améliorer la compétitivité nord-américaine. Le «reste» — c'est le terme qui a été employé — serait consacré à des initiatives méritoires menées aux États-Unis.
L'industrie était troublée par ce dernier changement. Elle se demandait pourquoi elle fournissait de l'aide étrangère aux États-Unis mais était par ailleurs rassurée parce que la somme serait peu importante. Ce qui est plus impressionnant, c'est que le ministre Emerson a dit aux p.d.-g. des entreprises que pour autant qu'il récupérait 80 p. 100 des droits qu'elles avaient versés, ce que l'on ferait du reste de l'argent ne les regardait pas. Il a été en tous points très direct à ce sujet.
Dans l'intervalle, les négociateurs nous ont appris que la Maison-Blanche avait pris un intérêt direct et actif dans cet argent mais que l'industrie canadienne devait concentrer son attention sur d'autres questions; comme le ministre l'avait signalé, cela ne la regardait pas vraiment. Le reste de l'argent devint alors 450 millions sur les 500 millions de dollars. Honorables membres, cela représente une somme colossale. Le gouvernement américain et la coalition ont obtenu les 500 millions de dollars restants engagés en vertu de l'Accord. On est sidéré de constater que le gouvernement a obtenu si peu — et même rien, en fait — en échange.
Il faut bien comprendre qu'il s'agit des 500 millions de dollars et pas de l'argent de la coalition dont il a été question le 31 juillet, mais du reste. Pour situer le contexte, à l'apogée du scandale du Watergate, l'attention était axée principalement sur la caisse noire qui était à la disposition du comité pour la réélection du président qui devait, pensait-on, peser dans la balance de la politique américaine. La somme que cette caisse contenait n'a jamais dépassé 20 millions de dollars.
Un des articles de la procédure en destitution de Richard Nixon indiquait qu'il avait reçu des dons étrangers pour sa campagne totalisant peut-être 50 000 $. En vertu de la loi et de la Constitution des États-Unis, les dons d'argent aux États-Unis doivent être versés au département du Trésor et être répartis par le congrès. La seule exception déplorable qui fait toujours l'objet de controverses...
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Bonjour, monsieur le président, membres du comité.
C'est avec grand plaisir que nous vous transmettons notre point de vue à l'égard de l'entente intervenue sur la question du bois d'oeuvre résineux le 1er juillet dernier.
Les désaccords entre le Canada et les États-Unis relativement au commerce du bois d'oeuvre résineux ne datent pas d'hier. L'histoire nous apprend qu'ils remontent aussi loin qu'au XVIIIe siècle. Il n'est évidemment pas dans notre intention de refaire la chronologie des événements. Nous désirons simplement souligner que notre organisation a toujours suivi de très près ce dossier, particulièrement depuis les 20 dernières années.
Nous pouvons témoigner aujourd'hui du fait que ces nombreux désaccords entre le Canada et ses voisins du Sud ont des conséquences très négatives sur les travailleuses et les travailleurs, dans la mesure où ils provoquent de nombreuses pertes d'emplois. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question plus loin dans le présent document.
Même si cela va de soi, nous désirons rappeler que c'est essentiellement à titre de représentant de travailleurs que nous intervenons aujourd'hui. En ce sens, nous n'avons pas la prétention de connaître parfaitement ni la totalité des ramifications du commerce international du bois d'oeuvre résineux ni l'ensemble des discussions internes des entreprises en ce qui a trait à leur véritable situation et stratégie relativement à ce commerce.
Cependant, nous savons très bien ce que représente la misère des travailleurs et de leurs familles à la suite de la perte d'un emploi. Nous constatons tous les jours la faiblesse des programmes d'aide visant à appuyer ces gens et les communautés touchées par les ralentissements de production, voire les fermetures d'usines. C'est dans cet esprit ou sous cet angle que nous trouvons la légitimité d'intervenir dans le présent débat.
C'est pourquoi nous nous permettons d'analyser l'entente intervenue le 1er juillet dernier du point de vue d'un travailleur. Nous devons tenir compte, dans notre évaluation, du contexte particulier de l'industrie québécoise des produits forestiers, premièrement, en raison de la très forte régionalisation des activités forestières, et deuxièmement, en regard des décisions politiques du gouvernement du Québec qui ont suivi les conclusions du rapport Coulombe.
Il est essentiel de rappeler que l'économie du Québec et de ses régions ne peut se développer et être comprise sans l'apport d'une industrie des produits forestiers moderne, innovatrice et concurrentielle tant sur le plan de ses activités économiques que de ses responsabilités sociales.
Près de 150 000 Québécois et Québécoises participent directement ou indirectement à cette importante industrie, et ce, dans toutes les régions du Québec. Ce n'est pas rien. En 2003, la masse salariale versée par cette industrie s'élevait à 3 milliards de dollars et représentait 14,4 p. 100 de la masse salariale totale du secteur manufacturier québécois.
L'industrie joue un rôle majeur et déterminant tant en matière d'emploi que de production dans les régions du Saguenay—Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi-Témiscamingue, du Nord-du-Québec, de Chaudière-Appalaches, de la Côte-Nord, de la Mauricie, de l'Outaouais et de l'Estrie. Dans ces régions du Québec, l'emploi dans le domaine des produits forestiers représentait près de 8 p. 100 de l'emploi total du secteur manufacturier québécois en 2003. Plus d'un emploi sur trois dépend du secteur des produits forestiers au Saguenay—Lac-Saint-Jean et en Mauricie. En Abitibi-Témiscamingue, près de quatre emplois manufacturiers sur cinq se trouvent dans cette industrie.
C'est en gardant ces faits à l'esprit qu'il faut comprendre que la perte d'un emploi dans ces régions est une véritable catastrophe. En effet, il devient très difficile de redonner un nouveau travail aux travailleuses et aux travailleurs affectés par la crise forestière.
Il est acquis que la crise du bois d'oeuvre résineux avec les Américains a provoqué, comme nous l'avons dit précédemment, de nombreux ralentissements de production, voire même des fermetures permanentes d'unités de production. Les grands perdants sont assurément les milliers de travailleurs qui ont perdu leur emploi.
Notre organisation syndicale dénonce fortement le peu d'importance que l'on donne à l'aspect humain de cette crise et aux conséquences majeures que subissent les travailleurs et leurs familles, ainsi que les communautés. Compte tenu de ces faits, il est peu surprenant de constater que nulle part dans l'entente on fait allusion aux travailleurs de l'industrie ou à une quelconque mesure visant à les soutenir. À cet égard, il y a un manque flagrant d'intérêt et de volonté. Pourtant, les concessions que les travailleuses et travailleurs ont faites et les fermetures qu'ils ont subies ont grandement contribué à financer les quelque 5 milliards de dollars placés en fiducie en raison de la crise du bois d'oeuvre.
Au Québec, les travailleurs et leur association ont fait preuve d'une ouverture d'esprit peu commune afin de permettre aux compagnies de passer à travers cette crise. Nous sommes d'ailleurs convaincus que la plupart des compagnies oeuvrant dans le domaine forestier se relèveront de cette crise, retrouveront au terme de celle-ci le chemin de la rentabilité et seront encore mieux positionnées, étant donné que le ménage aura été fait.
Par ailleurs, tout cet exercice aura coûté cher aux milliers de travailleurs qui auront perdu leur emploi pendant cette crise et qui, de surcroît, n'auront pu bénéficier de la moindre mesure de soutien. Pis encore, les compagnies forestières présentes sur le sol québécois rejettent toute responsabilité à l'égard de la situation actuelle de l'industrie forestière et des pertes d'emplois qu'elle provoque. Dès lors, il devient très difficile, voire impossible, de négocier une contribution supplémentaire de leur part à des programmes d'aide, par exemple à des programmes de départs assistés à la retraite. Pourtant, elles reconnaissent l'utilité de telles mesures, mais refusent d'y participer.
Si l'entente qui a été négociée entre en vigueur et que des sommes sont remises aux compagnies, de quelle manière utiliseront-elles ces fonds? Ces entreprises réserveront-elles une partie des sommes en vue d'aider les travailleurs et travailleuses ainsi que leur famille à traverser cette crise?
Sincèrement, nous en doutons. Pourtant, ce ne serait là que simple bon sens. C'est pourquoi nous sommes d'avis que le gouvernement canadien doit assumer un leadership à cet égard en favorisant la création d'un fonds d'aide aux travailleurs et travailleuses à même les sommes récupérées au terme du conflit. Nous sommes également d'avis que l'ampleur de la crise de la main-d'oeuvre et les particularités propres à l'industrie forestière, que nous avons décrites plus tôt, nécessitent la mise en place d'un programme spécial mettant à contribution la caisse d'assurance-emploi.
L'industrie québécoise des produits forestiers traverse une phase cruciale de son histoire. Cette industrie, qui se situe au coeur du Québec industriel, est non seulement affectée par les conditions économiques propres au cycle économique de ses marchés d'exportation traditionnels, mais elle est aussi davantage soumise à des pressions structurelles d'une ampleur telle qu'un renforcement s'impose. Ces pressions renvoient autant aux changements observés ici même, au Québec, à l'égard de la nature et de l'usage des avantages comparatifs que notre industrie tire de l'exploitation des ressources naturelles inhérentes à cette filière qu'à l'émergence de nouveaux modèles industriels survenue à l'échelle internationale au cours des 20 dernières années environ.
Dans la foulée du rapport Coulombe, le gouvernement du Québec a mis en place des mesures pour assurer une meilleure gestion de la forêt publique québécoise. Cependant, il reste encore beaucoup de travail à faire, et nous sommes d'avis que les nombreux acteurs de l'industrie québécoise opteront pour une réforme structurelle de l'industrie des produits forestiers.
En ce sens, la partie de l'entente qui traite des mécanismes anticontournement nous inquiète beaucoup. Il semble que toutes les réformes qui seraient nécessaires pour assurer un avenir florissant à l'industrie québécoise soient scrutées de près par Washington.
De plus, les limites imposées par l'accord, qu'il s'agisse des volumes, d'un prix minimum ou, plus important encore, d'une procédure de fixation mensuelle, vont entraîner une restructuration du secteur du sciage qui aura beaucoup d'impact sur la main-d'oeuvre. Comment peut-on raisonnablement croire, dans une industrie aussi complexe que la nôtre, que les entreprises vont être en mesure de planifier mensuellement leurs activités?
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons appuyer l'entente sur le bois d'oeuvre qui a été négociée.
:
Merci, monsieur le président.
Au nom de ses 280 000 membres canadiens, dont 50 000 sont dans le secteur forestier, le Syndicat des métallos déplore amèrement que nous soyons ici aujourd'hui. C'est parce que nous estimons que l'accord que nous examinons est médiocre et que les Canadiens avaient déjà mis sur pied une stratégie efficace pour régler leurs problèmes avec l'industrie forestière américaine et l'imposition injuste et illégale par le gouvernement des États-Unis de droits tarifaires sur le bois d'oeuvre en mai 2002.
[Français]
Depuis, nous avons montré aux Américains que de nombreuses scieries canadiennes pouvaient supplanter les leurs, même si elles devaient payer des droits exorbitants sur les exportations de bois d'oeuvre. Les problèmes économiques récents que doivent surmonter les entreprises ont davantage trait à la hausse du dollar canadien qu'aux mesures protectionnistes des États-Unis.
Entre-temps, en obtenant gain de cause devant le tribunal, nous avons démontré que la cause judiciaire des Américains était sans fondement et que leurs mesures protectionnistes étaient illégales.
[Traduction]
Après tout, le Canada était en train de remporter la victoire, que ce soit devant les tribunaux de l'Accord de libre-échange nord-américain, devant l'Organisation mondiale du commerce ou devant les cours américaines.
Le 14 juillet, le Tribunal de commerce international (CIT), a rendu un jugement indiquant que les droits tarifaires et les droits étaient illégaux, et ce jugement ne fait que confirmer notre opinion. Les États-Unis épuisent rapidement les voies légales qui lui sont ouvertes devant l'ALENA, comme en témoigne le rejet de leur appel par un Comité de contestation extraordinaire de l'ALENA. Les États-Unis essuient même un échec à l'OMC, le seul organisme qui avait antérieurement cautionné certaines de leurs revendications. Par conséquent, nous estimons qu'il est déplorable que notre gouvernement soit disposé à renoncer à l'avantage que nous avons acquis en droit et qu'il impose à l'industrie un accord négocié indéniablement très médiocre.
En acceptant les modalités de l'accord actuel, il semblerait que notre gouvernement soit tombé dans le piège décrit par Carl Grenier, porte-parole du Free Trade Lumber Council, quand il a signalé que le Canada a reconnu que nous sommes coupables, tel que nous en avons été accusés, de produire du bois d'oeuvre subventionné, de faire du dumping sur le marché américain et de causer un préjudice injuste à l'industrie américaine. Nous sommes par conséquent prêts à nous mettre à la merci des Américains, comme il l'a fait remarquer. Le Canada n'est toutefois coupable d'aucun des chefs d'accusation qui ont été portés contre lui. Les jugements successifs rendus par plusieurs tribunaux le prouvent.
Cependant, pour des motifs politiques, qui sont peut-être connus du gouvernement mais pas des Canadiens, le gouvernement s'est précipité dans cet accord catastrophique. Il l'a fait sans avoir tenu des consultations adéquates avec les gouvernements et les parties concernées. En dépit de sa promesse, il a même paraphé l'Accord à Genève avant que les représentants de l'industrie aient l'occasion de faire des commentaires.
En bref, il s'agit d'un accord conclu à la hâte. Les métallos estiment qu'on finira par le regretter. Après tout, il est clair que cet accord comporte de graves lacunes.
[Français]
Les conditions ne prévoient pas un accès libre au marché américain, et ce, malgré ce qu'a allégué le premier ministre à la Chambre des communes le 28 avril dernier. Les exportations canadiennes sont plafonnées à 34 p. 100 du marché du bois américain et sont davantage entravées par le soi-disant mécanisme empêchant le dépassement de la part du marché, une politique qui pénalise réellement les producteurs canadiens en termes d'efficacité. Entre-temps, les États-Unis continuent d'accéder librement aux billes brutes tandis que les producteurs des pays tiers jouissent d'un accès véritablement libre au marché américain.
La durée, qui a changé considérablement au cours des négociations, en l'occurrence depuis le 27 avril dernier, représente en définitive pour le Canada aussi peu que deux ans de répit plutôt que les sept à neuf ans qui avaient été offerts à l'origine. Nous avons appris que les États-Unis bénéficieraient maintenant de droits préférentiels leur permettant d'abroger l'accord. Pourtant, le coût s'élève toujours à un milliard de dollars.
Le moment est mal choisi. En effet, la plupart des analystes de l'industrie conviennent que le marché de l'habitation aux États-Unis, à la hausse jusqu'à récemment, est maintenant au ralenti. Cela signifie que dès l'entrée en vigueur de l'accord, les producteurs canadiens verseront probablement entre 10 et 15 p. 100 de taxes à l'exportation, ce qui représente un taux plus élevé que le niveau actuel des tarifs imposés par les États-Unis.
Quels sont les avantages de l'accord? Tel que précisé dans le mémoire que nous avons présenté à ce même comité le 19 juin dernier, nous croyons que pour le Canada, la seule raison de signer cet accord est la perspective de recevoir le remboursement d'une portion des fonds détenus illégalement, fonds que retient actuellement le département américain du Commerce.
De plus, nous avançons respectueusement que cette raison ne justifie tout simplement pas que le Canada adopte ce qui est véritablement une solution à court terme. Dans peu de temps, celle-ci aboutira à la reprise des mesures protectionnistes des États-Unis. La tournure des événements depuis juin a simplement confirmé ce raisonnement. Après tout, même si l'accord exige le remboursement de 80 p. 100 des remises recueillies illégalement auprès des entreprises canadiennes, il ne comporte toujours aucune disposition concernant l'investissement indispensable au secteur forestier canadien, et ce, même si nous avons été témoins au Canada d'un grand nombre de fermetures de centres attribuées au manque de formation d'un capital suffisant.
[Traduction]
Alors que nos usines et leur équipement ont grand besoin de capitaux, les entreprises forestières canadiennes ont continué à investir les bénéfices faits au Canada aux États-Unis et dans des acquisitions à l'étranger, des fusions, ou en dehors du secteur. Des entreprises canadiennes comme Canfor, Abitibi, Ainsworth et Interfor ont acheté des scieries aux États-Unis.
Les métallos exhortent par conséquent le gouvernement à s'assurer que les travailleurs, que les localités dont l'économie est fondée sur les ressources naturelles et les contribuables obtiennent quelque chose de concret en échange des centaines de millions de dollars avec lesquels ils ont soutenu les entreprises forestières tout au long de ce conflit. C'est pourquoi il est essentiel que le gouvernement s'engage à réinvestir dans la création d'emplois, dans la formation et le recyclage des travailleurs ainsi que dans l'infrastructure et l'adaptation des collectivités au Canada, un pourcentage important des sommes que les entreprises recevront à la suite d'un règlement du conflit du bois d'oeuvre.
C'est par exemple une pilule dure à avaler pour les travailleurs et les collectivités quand ils apprennent que cet accord prévoit des dépenses de 500 millions de dollars dans de telles initiatives aux États-Unis et pas un sou d'investissement au Canada. Ils se demandent comment les entreprises canadiennes peuvent continuer à investir dans des scieries en Caroline du Sud, dans l'État de Washington et dans l'Oregon, dans des usines de fabrication de panneaux de copeaux orientés (OSB), au Minnesota ou dans des usines au Maine, alors que des usines continuent de fermer leurs portes au Canada par manque de capitaux.
Le Globe and Mail a signalé qu'un investissement insuffisant dans le secteur des produits forestiers dans l'est du Canada est très chronique depuis un tel nombre d'années qu'il faudrait investir des milliards de dollars pour que les usines de pâtes et papiers du pays soient aussi modernes que les usines scandinaves ou sud-américaines.
Cependant, l'Accord, qui n'apportera en fait qu'un bref répit dans les mesures commerciales prises par les États-Unis, accorde même une récompense à l'industrie américaine et à la Coalition for Fair Lumber Imports pour parrainer des mesures commerciales dont le caractère illégal a été démontré de façon concluante. Un petit coussin de 500 millions de dollars financera les futures manoeuvres de harcèlement commercial pas plus tard que deux ans après la date de l'entrée en vigueur de cet accord.
En bref, il est maintenant évident que cet accord ne sert pas bien les intérêts canadiens, que ce soit ceux de l'industrie forestière, des travailleurs du secteur forestier, des collectivités dont l'activité économique est axée sur l'exploitation forestière ou des citoyens. Il ne représente pas une valeur suffisante pour le Canada tout en constituant une incitation dangereuse à de futures mesures de représailles commerciales américaines. Il ne représente pas un règlement satisfaisant du conflit du bois d'oeuvre.
Nous recommandons par conséquent le plan d'action suivant.
Le Canada doit renoncer à cet accord. Le gouvernement et les entreprises canadiennes devraient poursuivre leurs actions en justice. Nous exhortons les entreprises canadiennes à ne pas accepter de retirer leurs poursuites judiciaires ni de verser des fonds à l'industrie américaine. Le gouvernement devrait continuer d'appuyer les actions en justice nécessaires pour faire disparaître complètement toutes les voies légales américaines possibles en contrepartie de l'aide des contribuables pour remporter la cause juridique ou négocier un règlement intéressant. Le gouvernement devrait exiger qu'un certain pourcentage du remboursement soit affecté aux investissements indispensables dans l'industrie forestière canadienne.
[Français]
Le gouvernement devrait demeurer ouvert à la négociation d'un règlement, mais ne devrait accepter qu'un accord remplissant les conditions suivantes: fournir un véritable accès libre au marché du bois américain, sans tarifs, droits ou quotas; remettre toutes les remises imposées illégalement aux entreprises canadiennes; garantir aux producteurs canadiens qu'ils jouiront d'un accès au marché américain tout aussi libre que celui dont jouissent les producteurs des pays tiers; permettre à tous les producteurs de bois canadiens un accès égal au marché américain, quel que soit le secteur ou la région; mettre fin à la pénalisation injuste imposée aux fabricants canadiens et aux fabricants de bois à valeur ajoutée; ne pas récompenser l'industrie américaine pour avoir déclenché ce conflit; inclure la création d'un fonds d'investissement dans le secteur forestier afin de garantir un investissement destiné à l'emploi dans l'industrie forestière canadienne ainsi qu'à la formation et aux communautés. Enfin, l'accord doit s'appuyer sur une consultation sérieuse mettant à contribution tous les gouvernements et provinces touchés de même que l'industrie, les syndicats et les communautés tributaires de l'industrie forestière.
[Traduction]
En bref, nous exhortons les entreprises canadiennes et le gouvernement du Canada à oublier leurs intérêts égoïstes et à prendre activement la défense du Canada et des intérêts canadiens. Il ne faut pas oublier que le secteur forestier canadien est notre principal secteur d'activité et qu'il est une importante source d'emplois, de revenus pour le gouvernement, de stabilité dans les collectivités et de recettes d'exportation. Les travailleurs du secteur forestier contribuent à générer les richesses qui financent l'assurance-maladie, les établissements scolaires et d'autres services de qualité fournis aux habitants de notre pays. Les fonds générés par le secteur forestier permettent à des enfants de faire des études, soutiennent nos collectivités et nous permettent de prendre notre retraite dans la dignité; notre secteur est toutefois actuellement confronté à des défis et à des obstacles majeurs.
Il est essentiel de surmonter la marée montante d'un protectionnisme injuste. Il est impératif de faire des investissements substantiels dans la productivité de nos scieries et de nos usines — là où nous travaillons —, de nos produits, de nos compétences et de nos collectivités. Il est impératif de mettre en place des politiques et de prendre des initiatives qui accordent la priorité aux intérêts canadiens et représentent un investissement dans notre avenir commun.
Avec des outils et des possibilités adéquates, nous savons que nous pouvons être concurrentiels à l'échelle mondiale. Il est essentiel que le Parlement et que le gouvernement aident à fournir ces outils et ces possibilités.
Je me suis dépêché pour pouvoir terminer et pour vous permettre de me poser quelques questions.
Je poserai toutes mes questions aux témoins, puis ils pourront y répondre en tenant compte du fait qu'ils disposent en tout de sept minutes.
La durée de l'Accord a été réduite de sept ans le 27 avril à un minimum de 18 mois. Pourquoi n'a-t-on pas prévu une durée fixe de sept ans ou plus? Le corollaire de cette question est, bien entendu, comment peut-on avoir confiance que les Américains n'iront pas jusqu'à faire fi de cette durée minimale de 18 mois? Cette question s'adresse à M. Feldman.
La deuxième question concerne le groupe chargé de régler les différends. Plus de 5 milliards de dollars ont été pris illégalement par le biais de droits tarifaires illégaux. Cet argent a été pris illégalement; c'est indiscutable. Par conséquent, pourquoi cautionnerions-nous maintenant cet acte illégal? C'est essentiellement un acte de piraterie.
Troisièmement, le Tribunal de commerce international a mentionné le 14 juillet que les Américains n'avaient pas le droit de percevoir ces droits, qu'ils devaient les rembourser, sauf si nous signions cet accord leur permettant de conserver cet argent. Par conséquent, si ce groupe, si ce tribunal — si cette cour supérieure — estime que c'est illégal et que l'industrie du bois d'oeuvre américaine n'a pas tenu compte des décisions des groupes chargés de régler les différends, cela signifie-t-il que l'ALENA n'est plus fonctionnel?
Ces trois questions sont adressées à M. Feldman.
Je m'adresse maintenant à M. Rivard. Votre représentant, Kim Pollock, a mis en garde contre les répercussions du mécanisme en cas de dépassement. Malgré la mise en place de cet accord, les pénalités futures pourraient être tellement répressives que la plupart des entreprises qui l'approuvent maintenant pourraient se trouver sous la contrainte si bien que, même si elles faisaient une erreur de calcul en ce qui concerne le remboursement de ces droits tarifaires, elles n'auraient même pas la possibilité de faire appel. Ce sont les deux questions que je voulais vous poser.
Je m'adresse maintenant à M. Parent. Les médias ont largement reconnu que le ministre a littéralement contraint les entreprises par la menace à accepter cet accord et les a en fait laissées pour compte. Est-ce qu'une entreprise malheureuse pourrait rendre les travailleurs et les collectivités heureux? C'est ce qui me préoccupe. Est-ce que cela pourrait être efficace à long terme?
Je vous remercie pour votre attention.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur Boshcoff.
Je répondrai à vos questions dans l'ordre inverse de celui dans lequel vous les avez posées. Vous avez demandé si cet accord marquait la fin de l'ALENA. L'autre système de règlement des différends proposé dans l'Accord est un abandon total du chapitre 19 et il le déclare par conséquent inopérant.
Ce qui est plus pernicieux, c'est qu'en abandonnant les procédures juridiques, nous avons laissé une question capitale sans réponse: est-ce que les groupes de règlement des différends de l'ALENA ont un pouvoir rétroactif? Le groupe du Tribunal de commerce international que vous avez mentionné a répondu à cette question le 14 juillet. Il s'agit d'un groupe composé de trois juges présidé par le juge en chef.
J'ai entendu M. Johnson poser la question suivante ce matin: comment peut-on savoir que l'on gagnera l'appel? Parce que la décision du groupe de trois juges présidé par le juge en chef ne peut être renversée. C'est pour cela qu'on le sait. La procédure en appel durera un an. Par conséquent, ce n'est pas la juridiction finale, mais c'est pratiquement le jugement final.
Nous attendons ce mois-ci une décision sur le pouvoir rétroactif du groupe. Si nous abandonnons la partie, aucune partie raisonnable n'invoquera plus jamais le chapitre 19 car on saura, grâce aux deux articles de l'Accord sans préjudice, que les États-Unis pourront dire qu'ils estiment avoir le droit de garder cet argent. Vous devrez recommencer à zéro les procédures juridiques — d'une durée de quatre ans — pour déterminer qu'un groupe de juges peut en fait vous octroyer le remboursement. Par conséquent, personne n'invoquera à nouveau le chapitre 19.
Votre deuxième question — à savoir pourquoi accepter l'acte de piraterie de 5 milliards de dollars — est liée à mon avis à la réponse que je viens de donner. En effet, comme l'a souvent fait remarquer M. Julian, il ne vous reste plus maintenant qu'à franchir les deux derniers obstacles d'une bataille juridique qui dure depuis quatre ans. Il ne reste plus deux ou trois ans, ni sept ans. Vous êtes au terme des procédures. En fin de compte, vous abandonneriez le processus et deviendriez en fait coupable des accusations qui ont été portées contre vous.
En ce qui concerne votre première question, à savoir pourquoi on ne prévoit pas un délai fixe de sept ans, tel qu'il a été mentionné au cours des présentes audiences et le 31 juillet, il est exact que c'est la Colombie-Britannique qui, la première, a estimé qu'il faudrait peut-être prévoir une porte de sortie. Il est nécessaire de prévoir une porte de sortie, puisque l'Accord n'en offre pas. Il n'existe pas de porte de sortie par la voie politique et on ne s'y attend pas. C'est le premier accord qui ait été passé par le Canada dans lequel aucune porte de sortie n'ait été prévue. Par conséquent, tout le monde a dit qu'il faudrait peut-être prévoir une possibilité de mettre fin à l'Accord prématurément — c'est du moins ce qu'a fait la Colombie-Britannique — car, compte tenu de l'impact qu'il aura probablement sur les activités de l'industrie, le Canada souhaitera peut-être se retirer de cet accord dans un délai de moins de sept ans.
La difficulté est qu'en fixant pour y mettre fin le délai à deux ans plus une année et en mettant 500 millions de dollars dans les poches de la coalition, on a non seulement démontré l'existence d'une récompense là où il n'y en avait pas — car la coalition n'avait pas droit à un sou — et on a non seulement financé la série suivante d'actions juridiques, mais on a confirmé à nouveau les avantages du dépôt d'une pétition. Par conséquent, si l'Accord ne lui apporte pas d'énormes avantages — alors qu'on a de bonnes raisons de penser qu'il le ferait —, la coalition sera encouragée à présenter une autre pétition.
C'est pourquoi il est essentiel d'opter pour un délai plus long, qui n'est toutefois plus prévu parce que la Colombie-Britannique a demandé un délai plus court et que les États-Unis se sont empressés de l'accepter.
En fait, tel qu'on l'a signalé ce matin, il ne s'agit plus d'un accord d'une durée de 24 mois, mais d'un accord d'une durée de 18 mois.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour vos témoignages. Je tiens à saluer Sylvain Parent, qui est de la circonscription de Joliette. Il a mentionné l'annonce faite il y a deux semaines à propos d'une fermeture à Saint-Michel-des-Saints. Ce sera, on l'espère, une fermeture temporaire. La scierie et l'usine de panneaux gaufrés ont fermé. Six cents emplois directs et indirects sont menacés.
Depuis le début, le Bloc québécois et les autres partis d'opposition demandent que de l'aide soit accordée dans le cadre de ce conflit avec les Américains. Dans le cas des entreprises, on a parlé de garanties de prêt, et dans celui des travailleurs, d'une modification à l'assurance-emploi. Dans ce dernier cas, nous avons non seulement proposé que le nombre d'heures requises pour avoir accès à l'assurance-emploi soit beaucoup moins élevé — nous avons suggéré 360 heures —, mais aussi que des programmes d'aide destinés aux travailleuses et travailleurs âgés, comme ceux ayant existé jusqu'en 1998, soient mis en oeuvre. À ce sujet, le gouvernement précédent n'a fait preuve d'aucune ouverture, sauf à la fin de son mandat, soit quelques semaines avant le déclenchement des élections. Il a alors annoncé l'allocation sur cinq ans de garanties de prêt totalisant 800 millions de dollars. Le nouveau gouvernement, pour sa part, n'a rien annoncé.
À votre avis — et ici je m'adresse à MM. Parent et Rivard —, s'il y avait eu des programmes d'aide, est-ce que la situation de l'industrie et des communautés serait différente? Il y a eu un programme pour les communautés visées. Cependant, j'ai vérifié ce qu'il en était pour la région de Lanaudière, et il s'avère qu'aucune somme n'a été allouée à l'industrie forestière. Rien n'a véritablement été fait pour aider cette industrie. L'argent a été consacré à des offices de tourisme ou à des activités récréotouristiques.
Peut-on supposer que dans cette situation difficile vécue par l'industrie — M. Parent l'a souligné: le dollar canadien et le coût de l'énergie sont élevés —, des liquidités supplémentaires auraient permis aux travailleurs et travailleuses de traverser cette crise en souffrant moins sur le plan économique? On aurait peut-être aujourd'hui la possibilité de poursuivre les négociations avec les Américains.
Il me semble que faute d'appui financier, beaucoup de gens acceptent l'entente le couteau sur la gorge, comme le mentionnait mon collègue Robert Vincent. On dit même à ces gens qu'ils n'obtiendront pas d'aide s'ils n'acceptent pas l'entente. À votre avis et selon les syndicats, s'il y avait eu un programme d'aide, est-ce qu'une marge de manoeuvre permettrait maintenant de poursuivre la négociation ou la bataille devant les tribunaux américains?
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Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Parent. Nous sommes tous d'accord que l'industrie et les travailleurs vivent présentement une crise. Cependant, revenons à l'accord proprement dit et à ce qu'il signifie pour l'industrie. Je présume que vous étiez présent dans la salle lors du témoignage de M. Johnson.
Selon ce dernier, un tel accord fournirait un cadre à l'industrie, ce qui apporterait la sécurité et permettrait de faire des gains, autant pour le Québec que pour le Canada. Il a été très clair à cet égard. Si on se réfère aux deux points de base, cet accord ferait en sorte d'assurer la survie des industries et des entreprises. De plus, le mécanisme de subrogation par le gouvernement fédéral en faveur de l'industrie amènerait certaines liquidités d'ici Noël et peut-être même d'ici l'Halloween, ce qui réglerait beaucoup de problèmes et permettrait de réinvestir dans l'entreprise, tel que demandé.
J'aimerais que vous me fassiez part de votre point de vue à cet égard. Je parle de l'accord. Je crois respectueusement qu'il permettrait de régler beaucoup de problèmes auxquels les travailleurs font face présentement.
Ma deuxième question s'adresse à M. Rivard. J'ai pris connaissance attentivement de votre témoignage et de votre document. Vous avez mentionné notamment que la crise qui sévit au sein de l'industrie ne relève pas seulement des droits compensatoires mais aussi de la hausse du dollar canadien. On en convient, il s'agit d'un problème. Cependant, le règlement du litige et le fait qu'il n'y ait plus de droits compensatoires ne viendraient-ils pas atténuer les effets négatifs de la hausse du dollar canadien sur l'industrie, d'une part?
D'autre part, vous soulevez beaucoup de points pour lesquels on dit qu'il faudrait telle et telle choses. Ces points sont fort louables en soi, mais un règlement hors cour ne sera jamais parfait ni pour l'une ni pour l'autre des parties, puisque le principe de base est de faire des concessions.
Comme M. Johnson le disait un peu plus tôt, il est possible que nous perdions les disputes juridiques n'importe quand, et ce, simplement pour des questions de procédures, et non pas pour des questions de fond. Si un des points ne fonctionnait pas et si on s'affaissait, quelle serait votre perspective dans ce cas? Ne se retrouverait-on pas dans un puits sans fond, dans un tel cas?
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Je vais tenter de répondre à l'ensemble de vos questions.
Je commenterai tout d'abord l'affirmation selon laquelle l'entente sur le bois d'oeuvre définit un cadre pour l'industrie. À première vue, on peut dire qu'un certain cadre est établi. Toutefois, nous avons de fortes réserves parce que par le passé, avec le système de quotas notamment, il y a toujours eu remise en cause de la situation, ce qui a directement influencé les opérations sur le terrain. Comme je le disais plus tôt, l'industrie, entre autres au Québec, vit une crise sans précédent. Il s'agit de la combinaison de plusieurs facteurs: le conflit du bois d'oeuvre est un facteur, l'énergie est un facteur, la question de l'approvisionnement en fibres est un facteur et le coût des fibres est un facteur. Le conflit du bois d'oeuvre fait partie d'un tout. L'ensemble de ces éléments fait en sorte qu'on a une recette très désastreuse au niveau de l'emploi. Cela procurera-t-il un gain à notre industrie? J'ai des doutes. Tout le monde a des préoccupations.
Nous avons beaucoup l'occasion d'échanger avec des industriels québécois. Ont-ils réellement le choix d'accepter l'entente actuelle? Les signaux qu'ils nous envoient portent davantage sur le contexte économique et le contexte industriel, qui est tellement fragile. On entend souvent dire qu'il s'agit du pire règlement, mais qu'on est dans l'obligation de l'accepter. C'est probablement le cas présentement. L'industrie a un problème structurel, et cela est lourd de conséquences. D'ailleurs, M. Wilson disait ce matin que la première raison pour entériner cet accord est qu'il permettra de protéger 300 000 emplois. Il reste beaucoup de travail pour protéger 300 000 emplois et pour rassurer l'ensemble des travailleurs québécois.
Au cours du dernier mois, quatorze usines de sciage de notre organisation ont cessé leurs activités de façon temporaire et indéterminée. Les pertes d'emplois se poursuivront. Je vous l'ai dit plus tôt, il est question de 7 700 emplois directs et indirects perdus au Québec, et on prévoit qu'on en perdra encore autant. C'est pourquoi, quand on essaie de me convaincre qu'il s'agit d'une entente qui garantira et qui consolidera l'industrie, j'ai des doutes.
Nous demandons que tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas sorti de cette crise, le gouvernement fédéral mette en place des mécanismes afin de mieux soutenir l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec pour passer à travers la situation à laquelle nous sommes confrontés présentement.