Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, comme vous le savez, je comparais aujourd'hui à la demande du comité et je ne suis pas certaine de pouvoir vous aider dans vos délibérations. Vous avez reçu copie de mon curriculum vitae, mais on n'y décrit pas le travail que j'ai effectué dans l'affaire Schreiber-Mulroney-Airbus que vous examinez actuellement. Je pense qu'il serait utile de vous résumer brièvement ce que j'ai fait à cet égard et les raisons qui m'ont poussée à le faire.
J'ai commencé à couvrir la politique fédérale au milieu des années 1980, quand le Ottawa Citizen, où j'ai travaillé pendant six ans, a créé une petite unité d'enquête et que Paddy Sherman, qui était l'éditeur du journal à l'époque, m'a demandé d'en faire partie. C'était parce que j'avais publié en exclusivité l'histoire des nominations de favoritisme faites à la dernière minute par John Turner après que M. Pierre Trudeau ait quitté le pouvoir en 1984.
J'ai donc couvert le nouveau gouvernement conservateur pour le Citizen jusqu'en 1986, date à laquelle je suis passée au journal The Globe and Mail de Toronto à titre de chroniqueuse et de journaliste sur la scène nationale.
Après avoir vécu à Ottawa pendant plusieurs années, je connaissais beaucoup de gens ici dans tous les milieux, et Phyllis Bruce, qui est originaire d'Ottawa et qui était alors éditrice chez Key Porter Books de Toronto, m'a demandé d'écrire un guide de la vie politique à Ottawa vue de l'intérieur. Le résultat a été Ottawa Inside Out publié en 1989, livre qui documente entre autres choses la montée des cabinets de lobbyistes de la ville, en particulier celui de Frank Moores, appelé Government Consultants International et connu sous le sigle GCI.
À cette époque — enfin, pas en 1989, bien avant cela — je commençais à entendre de nombreuses rumeurs selon lesquelles Moores, qui était membre du conseil d'Air Canada, faisait du lobbying au nom d'Airbus en vue de l'achat par Air Canada de nouveaux appareils de transport de voyageurs.
J'ai également écrit un grand article sur ce cabinet pour le Report on Business Magazine du journal The Global and Mail, mais je n'ai pas réussi, à ce moment-là, à confirmer que Moores et ses associés travaillaient pour Airbus. Après la publication de l'article, j'ai reçu une intéressante lettre dans laquelle on disait que Moores s'apprêtait à faire une fortune grâce à ce contrat. Je n'ai toujours pas la moindre idée de l'identité de l'auteur de cette lettre. Ce tuyau est reproduit sur mon site Web.
Au cours des années suivantes, comme vous le verrez en lisant mon CV, j'ai travaillé pour l'émission The Fifth Estate du réseau CBC, pour le journal The Globe and Mail et pour le magazine Maclean's. Toutes ces publications m'ont demandé des articles sur la politique et le gouvernement conservateur, bien que j'aie également écrit beaucoup d'autres articles sur d'autres sujets.
En 1992, j'ai travaillé pour la maison d'édition Macfarlane Walter and Ross à la rédaction de l'ouvrage On the Take, après quoi je suis retournée chez Maclean's, où j'étais collaboratrice à la rédaction.
En 1994, je continuais d'entendre des rumeurs selon lesquelles d'importantes sommes et des commissions secrètes avaient été payées par des entreprises allemandes pour obtenir des contrats fédéraux au Canada. Parmi les compagnies visées par ces rumeurs, il y avait évidemment Thyssen, Airbus Industrie, et aussi MBB, Messerschmitt-Bölkow-Blohm. Le nom associé à ces transactions et rumeurs était celui de Karlheinz Schreiber. J'ai décidé d'essayer d'établir si des commissions secrètes avaient bel et bien été versées et, dans l'affirmative, qui avait reçu l'argent.
Mon éditeur, Macfarlane Walter and Ross, était intéressé à publier un livre sur ce sujet et j'ai décidé que les réponses à nos questions se trouvaient peut-être en Europe. Mes recherches m'ont conduit à Giorgio Pelossi et plusieurs autres personnes en Allemagne et en Suisse en 1995. Je réfléchis à cette date de 1995... Je m'excuse, je n'ai pas vérifié avant de venir, mais c'était peut-être en 1996.
Cela m'a également amenée à l'histoire de Bruce Verchere, l'avocat fiscaliste de Brian Mulroney et l'homme qui a géré sa fiducie sans droit de regard quand M. Mulroney était au Parlement.
Le résultat de tout cela a été une histoire de fraude, de mariage et de célébrités internationales. Macfarlane Walter and Ross a publié le livre en 1998. Il était intitulé Blue Trust.
Mes éditeurs et moi-même avions l'impression que j'étais de plus en plus proche de résoudre le mystère Airbus et, en 1999, nous avons décidé de faire un livre sur le sujet. Après l'arrestation de Karlheinz Schreiber à Toronto plus tard cette année-là, j'ai commencé à travailler à ce projet à plein temps. J'ai invité Harvey Cashore, qui était producteur à l'émission The Fifth Estate, à partager le projet avec moi, parce qu'il s'intéressait à l'histoire tout autant que moi. Plusieurs mois après que j'aie commencé à y travailler, il s'est joint à moi à titre de partenaire officiel dans la rédaction du livre.
Macfarlane Walter and Ross étaient de nouveau mes éditeurs et j'ai travaillé à ce livre jusqu'en 2001. Il a été publié au printemps de cette année-là. Il était intitulé The Last Amigo. On peut trouver en ligne, sur le site Web du réseau CBC, certains éléments de recherche que nous avons réunis pour ce livre, ainsi qu'une excellente chronologie des événements. On trouvera aussi sur mon propre site Web quelques renseignements sur The Last Amigo.
Rien de ce qui a été écrit dans ces livres n'a jamais été contesté devant les tribunaux.
En conclusion, j'ajoute que je n'ai eu aucune nouvelle information depuis la publication de ces livres. Je travaille assidûment à deux livres sur l'affaire des meurtres en série commis par Robert Pickton en Colombie-Britannique. Je dépose ici les quatre livres que j'ai mentionnés aujourd'hui, ainsi que la transcription des entrevues que j'ai réalisées avec François Martin pour On the Take, de même que les notes manuscrites que j'ai prises à cette occasion.
Si vous me permettez une observation personnelle, j'aime beaucoup François Martin. Je le tiens en grande estime et je suis très mal à l'aise de vous remettre les notes de nos entrevues. Mais je pense que vous comprendrez tous pourquoi je me suis sentie obligée de le faire et pourquoi je me suis sentie obligée de vous remettre aussi les notes manuscrites, pour que vous puissiez voir d'où est tiré le compte rendu.
Merci.
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Merci, madame Cameron, d'être venue.
Je voudrais d'abord vous remercier pour votre contribution à nos travaux dans l'affaire qui nous occupe. Je sais que nous avons tous lu vos livres et nous les avons tous trouvés très utiles, tout au moins comme base d'information, comme point de départ valable.
Je sais aussi que tout cela a été très difficile pour vous au fil des années. Il existe aujourd'hui un site Web dirigé par le cabinet de relations publiques que Brian Mulroney a embauché. Quasiment en même temps que nous posons des questions, on y publie des réfutations pour essayer de vous discréditer et de vous attaquer de diverses manières. Je comprends que cela doit être stressant.
Brian Mulroney a dit très clairement qu'il n'avait absolument rien à voir avec l'achat d'appareils Airbus ou avec le choix d'Air Canada d'acheter des produits Airbus. En dépit du fait que vous n'avez pas de preuve probante, croyez-vous, au plus profond de vous-même, qu'il y a eu ingérence politique dans le choix d'acheter des appareils Airbus plutôt que les autres avions que l'on tentait alors de vendre à Air Canada?
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C'est bien notre avis aussi, monsieur le président.
Elle nous a expliqué tout à l'heure avoir travaillé avec Rod Macdonell, un journaliste que j'ai eu le plaisir de connaître et qui est, tout comme Mme Cameron, considéré comme un journaliste d'enquête extraordinaire. J'ai été surpris d'apprendre — parce que je ne le savais pas avant de venir ici aujourd'hui — que les notes qu'elle a déposées devant ce comité — qui devront sans doute être traduites avant d'être distribuées — contiennent non seulement ses propres notes de ses conversations avec François Martin, mais aussi les notes et la description de M. Macdonell. Cela me rassure beaucoup, car contrairement à ce que notre témoin pouvait penser, certaines personnes ont attaqué son travail très récemment à la suite de la comparution de M. Martin devant ce comité il y a une semaine exactement.
En terminant, monsieur le président, je tiens à dire que Mme Cameron fait preuve d'un courage rare et d'une droiture exemplaire. Les quelques journalistes que j'ai pu entendre exprimer des critiques parfois virulentes à l'égard de son travail étaient des gens qui ne faisaient pas l'essentiel de ce que nous tentons de faire depuis le début, c'est-à-dire entendre les deux côtés et arriver à la meilleure décision possible en fonction de la preuve dont nous disposons.
C'est ce qu'elle a tenté de faire comme journaliste, et je considère qu'il est important de la remercier pour ce qu'elle a fait. Tout ce que nous tentons de faire comme groupe est d'être la première ligne de défense de nos institutions parlementaires.
Merci, madame Cameron.