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Je vous remercie de m'avoir invité à venir discuter de la fiscalité canadienne et de quelques comparaisons internationales avec le Comité permanent des finances. Je vais reprendre les thèmes exposés dans le communiqué du comité ainsi que ceux qui se trouvaient dans l'avis de motion du député M. Dysktra.
Évidemment, en 10 minutes, on n'aura pas le temps de couvrir toutes les comparaisons possibles, mais je vais faire quelques constats sur le régime fiscal canadien tel qu'on le connaît. Si j'ai bien compris le mandat du comité, je vais aussi, en deuxième partie, aborder la question des outils fiscaux qu'on pourrait créer pour tenir compte du contexte économique actuel.
La dernière année disponible pour comparer les recettes fiscales du Canada avec les autres pays du G7, lorsqu'elles sont mesurées en pourcentage du PIB, est 2005. Le Canada se situait alors sous la moyenne de ces pays. En tenant compte des modifications fiscales apportées par les gouvernements fédéral et provinciaux en 2006, 2007 et 2008, on constate que l'ensemble de la fiscalité canadienne sera encore réduite. On se compare avantageusement aux autres pays du G7. Cependant, au chapitre de l'impôt sur le revenu pris isolément en termes de pourcentage du PIB, notre performance est un peu moins bonne: l'impôt sur le revenu du Canada est le plus élevé de tous les pays du G7. Évidemment, on considère le fédéral et les provinces en totalité.
L'impôt sur le revenu est non seulement élevé, en termes de pourcentage du PIB, mais son poids est également très lourd pour certains contribuables dont l'augmentation du revenu est assez modeste. Trois éléments contribuent à cette situation. Quand on gagne un petit revenu additionnel, l'impôt sur le revenu augmente pour ce qui est des cotisations sociales, par exemple le Régime de rentes du Québec ou le Régime de pensions du Canada jumelé à l'assurance-emploi, tandis que les prestations qu'on reçoit de l'État, comme la Prestation fiscale canadienne pour enfants, diminuent.
Prenons l'exemple d'une famille monoparentale ou biparentale qui veut aller chercher 5 000 $ de revenu additionnel, c'est-à-dire passer de 35 000 $ à 40 000 $, ce qui est assez modeste en 2008. La fiscalité fédérale et provinciale, cotisations sociales et impôt sur le revenu combinés, fait en sorte qu'il ne lui resterait que 25 p. 100 dans ses poches, sur ces 5 000 $ de revenu additionnel. On pourrait dire qu'un taux implicite d'imposition de 75 p. 100 s'applique dans ce cas. Clairement, cela n'incite pas beaucoup au travail.
On s'aperçoit que le poids des impôts sur la consommation, en pourcentage du PIB, est plus faible au Canada que dans la moyenne des pays du G7. On a établi un indice pour voir comment on se compare aux autres pays. On a pris le poids des taxes à la consommation divisé par le poids des impôts sur le revenu. Si l'indice est supérieur à un, cela signifie que les taxes à la consommation sont plus élevées que l'impôt sur le revenu et, à l'inverse, s'il est plus petit que un, l'impôt sur le revenu est plus important que les taxes à la consommation. Par conséquent, le Canada se différencie par un ratio significativement plus faible que la moyenne des pays du G7. En fait, hormis les États-Unis, c'est au Canada que ce ratio est le plus faible.
Tous ces éléments militent en faveur d'une augmentation des taxes à la consommation qui se répercuterait par une diminution de l'impôt sur le revenu et qui serait sans incidence sur les recettes fiscales totales. Certains pourraient dire que c'est exactement le contraire de ce qu'on a fait récemment au Canada en diminuant le taux de la TPS, qui est passé de 7 à 6 p. 100, puis de 6 à 5 p. 100, et ils auraient raison.
Les sociétés sont imposées sur leurs profits, leur masse salariale et leur capital. Le Canada est sous la moyenne des pays du G7 en termes de poids du pourcentage du PIB. Lorsqu'on ajoute à cela le plan de réduction de l'impôt sur les profits du gouvernement canadien, en vertu duquel le taux passera de 22,12 p. 100, ce qu'il était en 2007, à 15 p. 100 en 2012, on constate que cet indicateur va continuer de diminuer en termes de pourcentage du PIB. Donc, le Canada va avoir une position enviable en regard des pays du G7.
Parlons maintenant de la fiscalité qui aurait pu ou qui pourrait être un outil pour tenir compte du contexte économique changeant. Qu'est-ce que je veux dire par « contexte économique changeant »? Je veux dire que la croissance économique au Canada, l'année dernière, cette année et l'année prochaine, est répartie différemment selon que l'on se trouve au Québec, en Ontario ou dans le reste du Canada. Donc, cela s'explique par la crise ou les difficultés que connaît le secteur manufacturier, dans lequel, entre janvier 2005 et janvier 2008, 280 000 emplois ont été perdus au Canada. Par ailleurs, 92 p. 100 de ces emplois perdus l'ont été au Québec et en Ontario. Cela donne une croissance économique très différente ou nettement plus faible, selon qu'on se trouve en Ontario, au Québec ou dans le Canada hors Québec, incluant l'Ontario.
Si on veut intervenir, il faut d'abord bien cerner le problème auquel l'économie canadienne est confrontée. Pour ce faire, on va évaluer trois éléments: la productivité par heure travaillée, la croissance de cette productivité par heure travaillée et le niveau des investissements en équipement de production.
Si on commence par la productivité par heure travaillée, on s'aperçoit que le Canada est sous la moyenne des pays du G7. Donc, pour chaque heure travaillée, on est, au Canada, moins productifs que la moyenne des pays du G7. On est moins productifs que nos voisins américains. C'est la première constatation.
L'autre élément concerne la croissance de cette productivité, c'est-à-dire comment elle a évolué au fil des dernières années. On s'aperçoit qu'en ce qui a trait au taux de croissance annuel moyen de cette productivité, entre 2001 et 2006, le Canada occupe l'avant-dernier rang, après l'Italie, de tous les pays du G7. Cela veut dire que les écarts de productivité entre le Canada et les autres pays va en s'accroissant. Si on veut comprendre ce qui explique la croissance de cette productivité, c'est-à-dire quels sont les déterminants de la croissance de la productivité, on pourrait résumer cela en disant qu'il y en a trois: le progrès technologique, le capital humain et le capital physique. Si on considère seulement le dernier aspect, soit le capital physique, on observe le taux moyen d'investissement en équipement de production dans tous les pays du G7, soit la moyenne, de 2001 à 2005, en pourcentage du PIB. On constate que c'est ici que l'investissement en équipement de production dans les pays du G7 a été le plus faible, ce qui explique les éléments sur lesquels on devrait travailler si on veut accroître la productivité. Les trois derniers transparents sont assez éloquents à ce sujet.
Penchons-nous maintenant sur quelques choix gouvernementaux qui ont été faits récemment pour essayer d'aider le secteur industriel. On disait que le secteur industriel vit une crise. Une aide a été mise en place en janvier dernier pour les secteurs traditionnels. Ce que le transparent montre dans le moment, c'est le pourcentage des emplois perdus dans le secteur de la fabrication entre janvier 2005 et janvier 2008, réparti entre le Québec, l'Ontario et l'Alberta. À l'inverse, on illustre le pourcentage de l'aide offerte en janvier dernier, aide établie au prorata de la population. On s'aperçoit assez rapidement que l' Ontario a subi 57 p. 100 des pertes d'emplois et qu'elle va recevoir 36 p. 100 de l'aide destinée aux secteurs traditionnels. Quant au Québec, il a subi 34 p. 100 des pertes d'emplois entre janvier 2005 et janvier 2008 et il recevra 22 p. 100 de l'aide. Pour sa part, l'Alberta a subi seulement 2 p. 100 des pertes d'emplois entre 2005 et 2008, mais elle obtient 10 p. 100 de l'enveloppe offerte aux secteurs traditionnels. Si on convertit cela en dollars par emploi perdu, cela veut dire que l'Alberta reçoit, selon la façon d'attribuer l'aide au prorata de la population, environ neuf fois plus que le Québec et l'Ontario. Considérée de cette façon, on pourrait dire que la répartition au prorata de la population, pour aider le secteur industriel, est inadéquate.
D'autres moyens ont été mis en place pour faciliter la croissance économique et pour stimuler certaines activités. Il y a eu les baisses d'impôt des sociétés. Je ne crois pas que ça vaille la peine d'y revenir, mais je vous ai parlé plus tôt d'un plan de réduction de l'impôt sur les profits. Il y a également la prolongation de l'amortissement accéléré. Je ne vais pas m'attarder sur ces éléments, mais on pourra en discuter si vous le souhaitez. Je vais parler directement de ce qu'il pourrait être intéressant de faire, je crois, si on veut aider les entreprises à investir.
Nous avons assisté à une rapide ascension du dollar canadien — je pense que vous êtes bien placés pour le savoir —, ce qui a effectivement nui aux exportations. Par contre, la rapide ascension du dollar canadien a un effet positif en ce sens que les entreprises peuvent faire l'acquisition d'équipement importé à meilleur coût. Donc, il faut tabler sur cette conjoncture pour aider les entreprises à se moderniser. Comment? Une des façons serait d'utiliser les surplus de l'année dernière pour aider les entreprises. Donc, au cours des 12 prochains mois, on pourrait leur dire que pour chaque dollar d'investissement, un pourcentage leur sera remis. J'ai illustré cela en mettant 20 ¢ par dollar d'investissement, mais cela pourrait se faire d'une autre façon. Donc, il s'agirait d'y aller directement, de prendre en compte la faiblesse des investissements des dernières années.
Qu'on le fasse ou non, il faut quand même noter qu'on se dirige dans la bonne direction. Donc, le plan de réduction de l'impôt sur les profits va faire en sorte qu'en 2012, on aura un taux effectif d'imposition des investissements intéressant, mais on aurait pu aller plus rapidement en aidant directement les entreprises à investir d'ici là.
En conclusion — je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps —, la fiscalité canadienne prise globalement se compare avantageusement, même si l'impôt sur le revenu, en pourcentage du PIB, est le plus élevé du G7. On a aussi, à l'égard de l'impôt sur le revenu dans certains cas, des taux implicites d'imposition qui font en sorte qu'on confisque 75 p. 100 du revenu additionnel gagné par certaines familles et on sous-utilise les taxes à la consommation en comparaison avec les pays du G7.
On peut également se servir de la fiscalité pour aider le secteur manufacturier à traverser la crise actuelle. On pourrait aussi se servir de la fiscalité lorsqu'on sait qu'il y a une faiblesse du côté de la croissance de la productivité. Il y a une faiblesse du côté des investissements en équipement de production et, donc, on pourrait dire qu'on va aider les entreprises si elles investissent à court terme.
Quoi qu'on fasse, même si on ne fait pas cela — mais je crois qu'il faudrait le faire —, la fiscalité canadienne à l'égard des entreprises et des investissements sera attrayante en 2012, selon les données que vous avons actuellement.
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Je vous remercie de me donner l'occasion d'intervenir sur une question très importante.
Je voudrais profiter de mon exposé pour aborder certains principes de base d'un régime d'imposition, plutôt que des détails précis du régime actuel, parce que je pense qu'il est temps de repenser complètement le régime d'imposition de base canadien. En effet, la nature de l'économie internationale a changé depuis qu'on s'est penché pour la dernière fois sur la question et il y a eu, ailleurs dans le monde, des initiatives de réforme majeures.
Une grande majorité de pays ont adopté la TVA, les États-Unis faisant figure d'exception à la règle, et en dépendent pour la perception d'une bonne part de leurs impôts.
Il y a eu des réformes majeures de l'impôt sur le revenu des particuliers dans de nombreux pays, y compris l'introduction du double régime d'imposition en Europe de l'Ouest et celle de l'impôt uniforme dans certaines économies de transition.
Ailleurs, d'importantes études de la réforme fiscale ont été réalisées ou sont en cours de réalisation, telles que la commission du président sur la réforme fiscale aux États-Unis, l'examen Mirrlees au Royaume-Uni ou encore le gros dossier de la réforme fiscale récemment publié par l'OCDE. Certaines de ces études suggèrent une nouvelle approche de l'imposition des particuliers et des entreprises, notamment, et nous devrions en tenir compte.
Il y a consensus sur les objectifs de base d'un bon régime d'imposition. L'idéal est de percevoir des recettes équitablement, efficacement et au moindre coût administratif possible tant pour le contribuable que pour l'entité percevant l'impôt. Dans une fédération décentralisée, l'atteinte de ces objectifs présente un grand défi. À mon sens, il y a des priorités particulièrement importantes qui nécessitent forcément une intervention des provinces.
Tout d'abord, la TPS fait bonne figure parmi les taxes de vente qui existent dans le monde: elle a une portée générale, elle est bien administrée et elle s'accompagne d'un crédit d'impôt remboursable efficace, ce qui en assure l'équité. C'est une structure qu'il faut protéger.
N'empêche qu'il y a beaucoup de travail à effectuer. Le taux d'imposition fédéral est à présent relativement faible, si bien que les recettes engendrées par la taxe de vente sont faibles, par rapport à ce qui se fait dans de nombreux pays.
Harmoniser la taxe de vente avec les provinces est absolument prioritaire — je suis sûr que je ne suis pas le premier à vous le dire —, mais très difficile dans une fédération. Selon moi, la seule réforme logique et applicable est d'adopter pour le Canada dans son ensemble quelque chose de similaire à la TVH, soit une TPS nationale s'accompagnant d'un partage des recettes avec les provinces. C'est un système utilisé très efficacement en Australie, ainsi qu'en Allemagne et dans d'autres pays.
L'autre possibilité, où on permet aux provinces d'administrer leurs propres taxes de vente harmonisées, comporte trop de lourdeurs administratives et trop peu d'avantages. Évidemment, l'harmonisation de la TPS nécessite l'accord des provinces, ce qui dépend surtout du leadership fédéral et de l'enjeu que représente le résultat pour le gouvernement fédéral. Or, la réduction de la TPS rend l'objectif plus difficile à atteindre.
La recommandation du rapport Séguin, soit de s'en remettre entièrement aux provinces pour gérer la taxe de vente, ne rimerait pas à grand-chose pour le reste du Canada, selon moi. Bien entendu, il serait difficile de remplacer la taxe de vente du Québec par une taxe de vente fédérale harmonisée. La meilleure solution est donc de permettre la coexistence de la TVQ au Québec avec une TPS harmonisée ailleurs au Canada, plutôt que d'essayer d'émuler la TVQ dans les autres provinces.
Pour ce qui est de l'imposition du revenu des particuliers, on enregistre, au fil des ans, une série de réformes partielles, certaines allant dans la bonne direction, d'autres non. Je pense qu'il est temps de poser la question de base: Quel type de régime d'imposition du revenu des particuliers souhaitons-nous avoir? Voici quelques aspects dont tenir compte.
Personnellement, je serais en faveur du passage à un régime d'imposition des particuliers pleinement axé sur la consommation. Il n'existe pas au Canada d'impôt sur les successions, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des pays, si bien qu'il nous faut, de ce fait même, une forme d'imposition du revenu des avoirs.
On suit avec beaucoup d'attention le double régime d'imposition adopté par les pays scandinaves et, de plus en plus, par les autres pays européens. Soit dit au passage, c'est aussi celui qu'a recommandé la commission du président sur la réforme fiscale aux États-Unis. Ce régime applique un taux d'imposition progressif au revenu du travail et un taux d'imposition uniforme au revenu des avoirs des particuliers, à un niveau correspondant à la tranche d'imposition la plus faible. C'est un régime qui réduit de façon importante les coûts administratifs et que l'on peut rendre pratiquement aussi équitable que notre régime actuel.
Dans le régime actuel, le problème majeur en matière d'équité touche les plus mal lotis dans la distribution du revenu. Or, il y a une mesure unique importante qui améliorerait l'équité et qui éliminerait les aléas du régime fiscal actuel: rendre remboursables tous les crédits d'impôt et pas seulement ceux pour la TPS et les enfants.
En principe, mieux vaut résister à la tentation d'utiliser le régime fiscal, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou de la TPS, pour atteindre des objectifs sociaux, à moins que n'entrent en jeu des objectifs clairs et convaincants. En effet, cela nuit à la simplicité, à l'efficacité et à l'équité du régime fiscal. Par exemple, on devrait s'abstenir, selon moi, d'offrir des mesures incitatives fiscales aux propriétaires de maison, d'essayer d'amener les gens à changer leur manière de dépenser, de subventionner les livres, etc. Par contre, l'égalité des chances est un objectif clair et convaincant qui peut justifier un traitement différencié et qui reste un mandat au titre de la Constitution. Cela pourrait donc justifier des mesures spéciales veillant à ce que tous les enfants aient les mêmes chances et le même accès aux études, autant dans la petite enfance que dans les établissements postsecondaires.
Les charges sociales. Les charges sociales vont en principe aux programmes d'assurance sociale, mais il n'existe pas de véritable lien entre les impôts payés et les prestations reçues. C'est dans l'ordre des choses, vu qu'il s'agit de programmes d'assurance sociale. Toutefois, cela signifie que les cotisations s'approchent plus d'impôts que de versements en vue de transferts futurs. De ce fait, elles sont hautement régressives, même quand on les compare à la TPS. Je serais en faveur d'un assouplissement des limites aux cotisations afin de corriger ce problème et de rapprocher les cotisations des impôts proportionnels, avec des taux d'imposition plus faibles de ce fait.
L'imposition des sociétés. On est obnubilé par les taux d'imposition, au détriment des aspects structurels du régime d'imposition des sociétés, pourtant les plus importants, selon moi. Il faut commencer par se poser la question suivante: quel est l'objectif principal de l'impôt sur le revenu des sociétés? Traditionnellement, on y voit une retenue à la source en prévision des gains réalisés par les actionnaires canadiens comme par les propriétaires étrangers. C'est le point de vue qu'adoptait le rapport Carter, il y a bien des années. Toutefois, l'impôt sur les sociétés joue aussi un rôle important dans la perception de loyers, notamment dans le secteur des ressources, orientation qui a retenu l'attention dans les rapports sur le régime fiscal ailleurs, en particulier en Europe. Ceci étant, laissez-moi vous faire part de plusieurs problématiques majeures.
Comme l'indique le rapport Mintz, le régime fédéral d'imposition des sociétés privilégie depuis longtemps le secteur des ressources, aux dépens, notamment, de celui des services, en procédant, par exemple, à des déductions excessives. Il convient d'y remédier, pour une plus grande efficacité économique et pour garantir au gouvernement fédéral un certain accès aux loyers dans le domaine des ressources. Il existe différents modèles d'impôt permettant la perception efficace de loyers, dont l'impôt sur les flux nets de trésorerie ou la déduction pour les fonds propres des entreprises, que l'Union européenne a recommandés et que l'examen Mirrlees recommandera sans doute.
D'un point de vue plus général, il est important pour le gouvernement fédéral d'utiliser le régime d'imposition des sociétés comme moyen d'obtention d'une part du loyer des ressources, surtout étant donné l'engagement à la péréquation prévu par la Constitution. Traditionnellement, le gouvernement fédéral obtient depuis longtemps une partie importante des recettes des ressources naturelles par le biais du régime d'imposition du revenu. À cet égard, la tendance à réduire le taux d'imposition fédéral des sociétés est problématique. Cela aussi renforce l'idée que l'impôt sur les sociétés est aussi, en partie au moins, un outil de perception des loyers, ce dont il faut tenir compte dans sa conception.
Au passage, puisque les questions sont liées, j'en profite pour signaler l'absence de logique, selon moi, du caractère déductible de l'impôt fédéral des redevances. Il s'agit en bonne part d'un transfert des recettes des ressources du gouvernement fédéral aux provinces produisant ces ressources naturelles.
L'impôt sur les sociétés défavorise les petites entreprises en croissance et celles qui prennent de grands risques, soit précisément celles qui sont une source majeure de croissance de la productivité et de création d'emplois. Dans ce domaine, une mesure qui serait très utile et qui compenserait les difficultés financières qu'affrontent ces nouvelles sociétés serait de donner un caractère pleinement remboursable aux pertes fiscales.
Parlons maintenant de l'équilibre vertical. Le gouvernement fédéral perçoit plus de recettes fiscales qu'il ne lui en faut pour ses propres dépenses et transfère la différence aux provinces. C'est une bonne chose. Les transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces jouent un rôle essentiel dans notre fédération et il convient d'en protéger l'importance. D'ailleurs, la dominance fédérale dans la fiscalité est nécessaire pour maintenir un régime fiscal efficace et harmonisé. L'harmonisation du régime fiscal par le biais d'ententes de perception d'impôt repose sur cette dominance du gouvernement fédéral. L'harmonisation de la taxe de vente, qui, comme je l'ai dit, ferait intervenir logiquement une taxe de vente nationale avec partage des recettes, serait difficile sans une présence fédérale de poids dans la TPS.
Je conclurai avec les écotaxes. La plupart des économistes seraient d'accord pour dire que les écotaxes devraient constituer une partie importante du programme visant à remédier à la pollution de l'environnement. Ce type d'impôt est doublement payant: c'est une prime pour les coffres du gouvernement et cela corrige le problème de la pollution. J'aurais deux suggestions, pour exploiter ce fait. Tout d'abord, il serait bon d'envisager une taxe sur le carbone et, dans ce cadre, pour maintenir la compétitivité des industries canadiennes, d'imposer également le contenu en carbone des importations ainsi que l'usage du carbone au pays.
Enfin, en principe, il vaudrait mieux que les recettes d'une taxe sur le carbone aillent aux recettes générales, plutôt que d'être réservées à des subventions environnementales. Par exemple, les technologies de réduction ou les subventions visant à réduire la pollution ne devraient pas être financées par les recettes d'écotaxes.
C'est tout.
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Merci, monsieur le président.
Et merci au comité de m'avoir invité à intervenir aujourd'hui ainsi, d'ailleurs, que d'avoir entrepris une étude générale des questions fiscales au Canada. Il me semble que le moment est propice; il faut en effet penser à ces questions régulièrement. Le monde évolue, si bien que nous devons repenser notre régime fiscal périodiquement.
Comme le savent sans doute les membres du comité, la politique fiscale a d'importantes retombées sur la qualité de vie des Canadiens et des Canadiennes, à la fois par ses effets sur l'efficacité et la compétitivité de l'économie canadienne et par ses retombées sur la distribution des ressources économiques au Canada.
Dans mes commentaires aujourd'hui, j'aimerais aborder deux ensembles de questions: tout d'abord, les buts ou objectifs du régime fiscal, notamment au niveau fédéral au Canada; et, deuxièmement, certaines des implications de ces objectifs quant aux types d'impôts que devrait percevoir le gouvernement fédéral et quant à la conception précise de ces impôts.
Tout d'abord, laissez-moi parler des objectifs d'un régime d'imposition. Le préambule du mandat d'étude du comité cerne bien comme objectif important « prélever les impôts nécessaires pour pouvoir fournir les services indispensables au moindre coût possible ». En l'absence d'autres contraintes, bien sûr, un régime fiscal devrait être aussi efficace que possible, afin de ne pas influer de façon inefficace sur l'orientation du marché; il devrait être aussi simple que possible, afin de ne pas nécessiter inutilement des ressources d'administration et d'application; et, enfin , il devrait être aussi concurrentiel que possible, afin d'encourager l'activité économique au Canada plutôt que son déménagement sous d'autres cieux.
Ceci dit, nous savons aussi qu'un régime fiscal doit être équitable et doit être perçu comme tel. N'oublions pas que la capitation figure parmi les impôts les plus efficaces et les moins coûteux à percevoir. En effet, elle prélève le même montant d'impôt à chaque personne, quel que soit son comportement économique. Notons au passage que la tentative d'introduction d'un impôt de ce type au Royaume-Uni est directement responsable de la chute de Margaret Thatcher. C'est pourquoi les fiscalistes suggèrent généralement qu'un régime fiscal devrait générer des recettes de façon juste ou équitable, en plus d'être efficace, simple et concurrentiel.
Outre la production de recettes, le régime fiscal a deux autres buts importants, généralement qualifiés par les fiscalistes de « fonction d'attribution » et de « fonction de répartition ». Dans le cadre de la fonction d'attribution, il convient de concevoir certains impôts non seulement pour produire des recettes permettant de financer les biens et services publics, mais aussi pour corriger les prix du marché, quand ils ne reflètent pas le véritable coût social de la production d'un bien ou d'un service donné. Je vais vous donner un exemple classique d'une taxe correctrice, appelée aussi taxe de Pigou par les économistes: une écotaxe, comme une taxe sur le carbone, qui corrigerait le fait que les activités commerciales actuelles ne tiennent pas compte des coûts environnementaux des émissions carboniques. Bien qu'une taxe de ce type accroisse inévitablement les recettes — recettes qui pourraient, bien sûr, être utilisées pour réduire d'autres impôts, diminuer la dette publique ou financer des biens et services pour la population —, le but au départ d'une taxe sur le carbone ou d'une écotaxe n'est pas en fait d'accroître les recettes mais plutôt de corriger la lacune de marchés résultants de n'avoir pas attribué un prix à un effet environnemental.
Outre la fonction d'attribution, les impôts peuvent s'utiliser, et c'est d'ailleurs le cas, pour redistribuer les ressources économiques, atténuer les inégalités de résultats économiques à l'issue d'opérations de marché ou de transferts de biens d'une génération à l'autre. Certains fiscalistes suggèrent qu'il vaut mieux traiter la fonction de répartition du côté des dépenses, une fois que les impôts ont été perçus de la façon la plus efficace; d'autres, dont je suis, estiment que l'équité en matière de répartition est mieux servie par une combinaison d'une approche en bout de ligne, où on redistribue les recettes à ceux qui en ont le plus besoin après avoir constaté le résultat final, et d'une approche axée sur le processus, où on définit les droits de chaque personne à un revenu, à des cadeaux ou à des legs, en montants après impôts qui modèrent les inégalités extrêmes susceptibles autrement de se multiplier.
Quelles sont les implications de ces trois buts — un, une production de recettes efficaces, simples et concurrentielles; deux, la correction du marché; et trois, la redistribution — pour le régime fiscal, notamment au niveau fédéral?
Commençons par la production de recettes. L'expérience montre, bien sûr, que l'un des impôts les plus efficaces, les plus simples et les plus concurrentiels que puisse prélever un pays pour produire des recettes est une taxe à la valeur ajoutée comme la TPS. C'est un type d'impôt perçu par presque tous les pays développés dans le monde, qui vont généralement plus loin que le Canada, à l'exception, bien sûr, des États-Unis. C'est un impôt efficace pour les recettes. Il a peu de répercussions sur la compétitivité, si, comme au Canada, il est prélevé en fonction de la destination plutôt qu'en fonction de l'origine, si bien que l'on impose les importations et qu'on élimine l'impôt sur les exportations.
Ceci étant, je trouve regrettable que le gouvernement fédéral ait choisi de diminuer la TPS, tout en augmentant d'abord puis en laissant inchangé le taux d'imposition du revenu des particuliers, d'autant plus que l'effet de levier de la réduction du taux fédéral aurait pu être utilisé et plus efficacement pour encourager les provinces qui n'ont toujours par harmonisé leurs taxes de vente avec la TPS.
Il y a, à mon sens, toute une série d'arguments solides pour que les provinces abandonnent leurs taxes de vente au détail, le cas échéant. Il y a en effet toute une série de répercussions en cascade sur les entreprises qui achètent des intrants et n'obtiennent pas le crédit que leur assurerait la TPS. Il faut faire quelque chose de plus pour encourager les provinces qui n'ont pas encore harmonisé leurs taxes. Il est maintenant beaucoup plus difficile, hélas, d'y parvenir.
Pour ce qui est de la fonction d'attribution du régime fiscal, j'appuie les arguments du professeur Boadway, d'abord, mais aussi ceux des professeurs Kesselman et Davies, présentés lors d'une autre séance du comité: le Canada devrait mettre en place une taxe sur le carbone afin de fixer un prix aux émissions carboniques. Effectivement, on peut s'inquiéter des répercussions d'une taxe de ce type sur la compétitivité du pays; c'est même l'une des préoccupations essentielles. Notons toutefois qu'il est fort probable que les États-Unis se dirigent dans cette voie dans un avenir proche.
Qui plus est, il y a des façons de concevoir une taxe sur le carbone qui tiendrait compte des préoccupations liées à la compétitivité. Généralement parlant, il faut prélever cette taxe selon la destination, comme pour la TPS, exiger un tarif sur les importations, selon leur contenu en carbone et, hélas, essayer d'éliminer la taxe sur le carbone pour les exportations — c'est une étape à court terme qui est sans doute nécessaire, me semble-t-il. Sinon, bien sûr, c'est une porte ouverte à la fuite des industries vers d'autres pays, qui ne perçoivent pas de taxe sur le carbone. On pourrait donc prélever une taxe sur le carbone selon la destination, comme la TPS, ce qui réglerait une bonne partie des préoccupations liées à la compétitivité.
Enfin, en ce qui concerne la fonction de répartition, j'estime qu'elle est mieux servie par un impôt sur le revenu modérément progressif, comme l'impôt sur le revenu fédéral actuel, qui modère les résultats des recettes de vente et par la mise en place, selon moi, d'un impôt progressif sur les dons et les successions qui modérerait les inégalités de richesse et les occasions de richesse résultant du transfert de richesse d'une génération à l'autre.
Bien que le gouvernement fédéral perçoive un impôt sur le revenu progressif dont le taux ne diffère pas de façon majeure de celui appliqué par d'autres pays, comme les États-Unis, qui augmenteront probablement les taux de l'impôt sur le revenu après la prochaine élection présidentielle, nous n'imposons pas le transfert de richesse d'une génération à l'autre. Il en est ainsi depuis 1972, sauf dans la mesure où nous taxons les gains en capital par le biais d'une réalisation supposée au moment du décès. Selon moi, ce n'est pas une mesure de substitution adéquate à un impôt global sur les dons et les successions.
En outre, j'estime qu'une série de changements au fil des dernières années ont amené l'impôt sur le revenu fédéral à se rapprocher de plus en plus de ce que les spécialistes appellent un impôt sur la consommation personnelle, étant donné les augmentations de l'exemption pour les gains en capital, la réduction du taux d'inclusion des gains en capital, l'augmentation des limites de cotisation aux REER et, maintenant, la création du compte d'épargne libre d'impôt.
Nombreux sont les économistes qui prônent l'efficacité supposée des impôts à la consommation personnelle par rapport aux impôts sur le revenu des particuliers, mais j'estime qu'on exagère beaucoup leur caractère suffisant. L'expérience montre que, généralement parlant, l'épargne dépend du niveau de revenu plutôt que du niveau de rendement de l'épargne. On en voit la preuve dans le segment de population qui cotise aux REER: il y a beaucoup de personnes à faible revenu qui ont de la place dans leur REER mais qui n'y cotisent pas, simplement faute de capacité de le faire. Je pense que l'évolution en ce sens n'augmente pas nécessairement les épargnes; il s'agit plutôt d'un passage d'une épargne imposable à une épargne non imposée.
Je pense que ce sera également le résultat du compte d'épargne libre d'impôt, qui, soit dit au passage, crée un extraordinaire problème de transfert intergénérationnel de richesse. Admettons que vous commenciez à verser 5 000 $ par an dans le compte de vos enfants quand ils atteignent 18 ans et que vous le fassiez pendant 10 ans. Dans ce cas, d'après les calculs d'un de mes collègues, avec des taux de rendement moyens, ils pourraient avoir à leur disposition, quand ils atteindront 65 ans, une somme de 1,5 million de dollars non imposable. Et c'est simplement avec le taux de rendement du compte d'épargne libre d'impôt.
Je conclurai donc sur ce point que l'évolution vers un impôt sur la consommation personnelle n'est pas nécessairement requise par un souci d'efficacité mais qu'elle a des répercussions majeures sur l'équité et la fonction de redistribution du régime fiscal. C'est pour moi une orientation décevante.
Je vais partager mon temps de parole avec M. Wallace, car il meurt d'envie de poser des questions.
Je vois, sur le graphique qui porte sur les choix gouvernementaux, que 10 p. 100 des subventions étaient destinées à l'Alberta. Je trouve que cela induit terriblement en erreur et porte un peu trop facilement à confusion. Je ne crois pas qu'il soit utile d'opposer une province à une autre dans un tel domaine. Je crois que le faible taux de chômage en Alberta est probablement un facteur important. En Alberta, les seules personnes au chômage actuellement sont les libéraux après les dernières élections. Nous en tenons compte.
J'aimerais vous poser des questions sur plusieurs choses, mais je vais commencer par les investissements gouvernementaux dans le secteur privé... Nous sommes maintenant aux prises avec MDA, société dans laquelle le gouvernement a investi beaucoup d'argent des contribuables. Bref, nous nous demandons maintenant si nous allons perdre cet argent. Lorsqu'il est question d'investir des fonds gouvernementaux afin de rendre certaines industries concurrentielles et viables, comment s'assurer que les investissements ne quittent pas le pays? Nous avons une décision difficile à prendre: comment protéger l'argent des contribuables qui a été investi? Comment protéger un investissement canadien?
Je pense notamment à l'industrie forestière, qui ne voulait pas d'investissements gouvernementaux et qui voulait régler ses propres problèmes, sans que le gouvernement cause des distorsions supplémentaires sur le marché. Elle avait le même souci que , c'est-à-dire qu'elle ne voulait pas que ses produits soient frappés d'un tarif interventionniste.
Il est difficile pour le gouvernement de trouver un juste équilibre. Comment appuyer l'industrie? Nous avons proposé des réductions fiscales, des mesures comme une déduction pour amortissement accéléré, des investissements dans les collectivités afin d'aider les résidents. Moi, ce qui me préoccupe, c'est le fait de confier de l'argent à des sociétés qui n'ont pas de racines au Canada, qui ne sont pas tenues d'y rester.
Je vous demanderais à tous les trois de répondre à ma question.