Le comité tient sa deuxième réunion sur l'appréciation rapide du dollar canadien et sur son incidence sur le Canada.
Bienvenue à nos témoins. Nous avons prévu deux séances. Nous sommes quelque peu pressés par le temps en raison de la sonnerie qui nous appellera à voter cet après-midi de sorte que nous allons procéder le plus rapidement possible.
Nous accueillons aujourd'hui l'Institut C.D. Howe, le Centre canadien de politiques alternatives, le Centre for Spatial Economics, la Centrale des syndicats démocratiques et la Confédération des syndicats nationaux.
Nous vous remercions tous d'être venus cet après-midi. Nous vous donnerons la parole à tour de rôle en vous présentant.
Nous allons commencer par Finn Poschmann. La parole est à vous. Vous avez cinq minutes.
Merci.
:
Bonjour, monsieur le président, et bonjour à tous les membres du comité.
[Traduction]
Je suis ravi de comparaître en cette nouvelle session de la législature. Merci de m'avoir invité.
[Français]
Je vais m'adresser à vous en anglais,
[Traduction]
... à l'avenir.
Ainsi, le dollar a pris son envol, a stoppé sa progression et s'est déprécié, mais il est maintenant reparti à la hausse et les Canadiens ne cessent de demander, et de me demander, ce qui cause cette appréciation, s'il y a lieu de s'inquiéter et, si oui, ce que nous devons faire.
Ce sont des questions importantes et névralgiques pour les manufacturiers et pour tous ceux qui vendent sur les marchés mondiaux et dont les coûts s'expriment en dollars canadiens mais dont le pouvoir d'achat au pays n'a pas réellement augmenté. C'est l'étau coût-prix qui touche les exportateurs et il ne fait que se resserrer pendant la durée des contrats de couverture, du moins jusqu'à ce que ces derniers puissent être renégociés.
Qu'est-ce qui explique donc l'appréciation du dollar? La première réponse c'est bien entendu le dollar américain qui a atteint son sommet, pondéré selon le volume des échanges, c'est-à-dire du point de vue de la perspective américaine, en 2002. Je vous propose un chiffre et je crois que le document vous a été distribué. J'en remercie le personnel. Le pouvoir d'achat du dollar américain a atteint son sommet au printemps de 2002 pour ce qui est des marchandises vendues sur le marché mondial. Depuis, le dollar américain s'est déprécié graduellement jusqu'en octobre 2007, perdant environ un sixième de son pouvoir d'achat sur les marchés mondiaux.
De nombreux observateurs l'avaient prédit et ces prédictions se sont avérées juste quand les épargnants et les investisseurs ont décidé récemment qu'ils étaient moins enclins à détenir des valeurs libellées en dollars américains. Dans le passé, c'est leur volonté de détenir ces valeurs qui a soutenu cette devise malgré les lourdes pressions qui s'exerçaient dans l'économie américaine. Songez qu'en 2007, le déficit commercial sur marchandises des États-Unis s'établira à près de 800 milliards de dollars. S'agissant donc de la balance des paiements, cela signifie que les épargnants du reste du monde doivent envoyer environ 2 milliards de dollars de capitaux par jour aux États-Unis sous forme d'achat de valeurs de portefeuille ou d'obligations ou d'investissements directs. Aux fins des calculs de la balance des paiements, cela signifie donc que les flux doivent être équilibrés, et en régime de taux de change flottant, la monnaie fluctuera jusqu'à ce que le niveau d'équilibre soit atteint. Voilà donc la première explication, c'est-à-dire la tenue du dollar américain.
Étant donné l'étroite relation commerciale entre le Canada et les États-Unis, personne ne s'étonnera donc d'apprendre que nos producteurs sont exposés au risque de change sur le dollar américain. Ce qui est nouveau, c'est la pression sur la demande de produits de base au Canada et dans le monde, particulièrement en énergie. J'ai ici un graphique qui illustre la situation qui prévaut sur les marchés de l'énergie et des produits de base, énergie exclue, et vous pouvez constater qu'il y a eu récemment de fortes pressions à la hausse sur le secteur de l'énergie comparativement à toutes les autres marchandises. L'analyste de politiques de l'Institut, Robin Banerjee, a fait une estimation de ce que nous nous plaisons à appeler l'équation de la Banque du Canada, qui montre que nous avons incontestablement un pétrodollar. Cela signifie que, après avoir tenu compte de l'écart des taux d'intérêt entre le Canada et les États-Unis et le prix des autres produits de base, les variations du cours mondial de l'énergie expliquent en grande partie l'appréciation du dollar canadien.
Donc, les cours de l'énergie et les craintes des investisseurs quant aux perspectives de l'économie américaine expliquent en grande partie l'appréciation de notre dollar. Ce ne sont toutefois pas les seuls facteurs, bien entendu. Les investisseurs américains qui sont pessimistes quant aux perspectives du dollar américain pourraient choisir de miser sur le cours du pétrole comme instrument de couverture, n'est-ce pas? Ils achèteront des contrats à terme sur pétrole. Cela aviverait la pression à la hausse sur le cours du pétrole et sur le dollar canadien en particulier.
Dans quelle mesure l'économie canadienne s'en trouvera-t-elle malmenée? Eh bien, pour de nombreux Canadiens, la situation est réjouissante, mais pas pour les entreprises qui vendent sur le marché américain. Les conséquences ne sont pas toutes négatives; notamment, les échanges commerciaux avec d'autres pays ont affiché un taux de croissance soutenu. Statistique Canada a publié il y a quelques semaines des chiffres qui révèlent que le commerce du Canada avec des économies autres que celle des États-Unis connaît un fort taux de croissance. Il n'y a donc pas que des mauvaises nouvelles. Bien sûr, nous exportons énormément aux États-Unis et, de ce fait, la situation reste très préoccupante.
L'autre bonne nouvelle que j'ai mentionnée, c'est que la hausse du cours du pétrole permet de couvrir les risques de change sur le dollar américain. Cela avantage les manufacturiers canadiens pour qui l'énergie est un intrant important. L'appréciation du dollar canadien contribue à réduire ou à annuler l'impact de la hausse des coûts de l'énergie pour les producteurs canadiens. Sans cela, la vie aurait été un peu plus difficile pour eux qu'elle ne l'est maintenant.
Autre avantage, c'est que l'augmentation du pouvoir d'achat à l'étranger rend plus abordables les achats de biens d'équipement et rend plus attrayants les investissements dans les installations de fabrication et les ressources grâce à quoi notre main-d'oeuvre sera plus productive, ce qui favorisera à l'avenir la création d'emplois et l'augmentation des salaires dans un environnement non inflationniste.
Cela m'amène à mon dernier sujet, c'est-à-dire quelles mesures prendre à l'égard du dollar. L'entente entre le gouvernement et la Banque du Canada pour ce qui est de la fourchette cible pour l'inflation est un outil extrêmement précieux. L'annonce d'objectifs clairs à cet égard a favorisé la stabilité des marchés financiers, sans toutefois rendre leur évolution prévisible, quand le dollar valait environ 60 ¢ américains. Cette même politique très claire nous aidera à nous adapter à une situation de quasi-parité. Notre secteur des exportations a énormément de ressort de sorte que malgré les tensions sur de nombreux marchés, il dispose des compétences et des outils voulus pour s'adapter à ces tensions. Je suis convaincu qu'il y parviendra et que nous réussirons au Canada à nous adapter à la nouvelle donne.
Je suis vraiment content de pouvoir parler en mon propre nom. J'ai été invité par le Centre canadien de politiques alternatives, qui a constaté que j'avais travaillé dans ce domaine. J'ai en effet fait une étude sur l'intégration monétaire avec un collègue de l'Université américaine à Washington, qui n'est toutefois pas directement liée à la situation du secteur manufacturier. Dans ce contexte, j'aimerais vous dire quelques mots au sujet de la situation actuelle.
D'abord, il est clair que des facteurs sous-jacents gonflent le dollar canadien. Certains de ceux-là ont été présentés par mon collègue. Il va de soi que l'un des plus importants facteurs, c'est le prix du pétrole.
Par ailleurs, on voit beaucoup de volatilité. La Banque du Canada a plus ou moins suivi une politique de taux flottant, si l'on peut dire. En effet, elle n'est pas intervenue sur le marché des devises étrangères depuis environ 10 ans. Il y a peut-être de bonnes raisons à cela, mais je pense que nous avons maintenant une situation qui devient préoccupante.
Comme je l'ai dit, les facteurs sous-jacents sont notamment les prix du pétrole, mais il faut aussi s'inquiéter de la spéculation. Je ne suis pas pour un taux de change flottant. Je ne préconise pas pour autant un taux fixe, à parité ou une plus grande intégration monétaire, quel qu'il soit. Mais je crois vraiment que la volatilité actuelle est préoccupante. Elle a une incidence sur les décisions et sur le bilan financier de nombreuses entreprises canadiennes.
Pour ce qui est des solutions au problème qui inquiète au plus haut point le secteur manufacturier du centre du pays, j'ai des données. La part du secteur manufacturier pour les emplois au pays était à son sommet, en 2000, s'établissant à près de 15,5 p. 100; elle est maintenant à 12 p. 100. La baisse a été substantielle, sur une assez courte période. On peut s'inquiéter de ce que les économistes appellent traditionnellement le mal hollandais, et qui touche ce secteur.
Si, comme je le pense, le mal hollandais a un effet aussi négatif sur la plupart de notre secteur manufacturier, il faut prendre des mesures. Je propose une démarche en trois volets.
Premièrement, la politique monétaire est essentielle. J'entends par là qu'il faut se pencher sur la politique relative aux taux d'intérêt. C'est ce que demandent à cor et à cri bon nombre de gens, surtout dans le milieu manufacturier. C'est particulièrement inquiétant à la lumière de ce que je m'apprête à vous dire.
Si l'on prend certains indicateurs, par exemple le taux du financement à un jour au Canada, qui relève de la banque centrale, et qu'on tient compte de l'inflation, on constate qu'en 2006, l'IPC était à son plus bas. Cette situation s'est maintenue jusqu'à l'été dernier environ, avec un écart de 50 points de base, donc 0,5 p. 100, par rapport au taux de référence, soit le taux des fonds fédéraux américains rajustés en fonction de l'inflation.
Il est resté à ce niveau quelque temps, mais il a dépassé le taux de référence dans son ascension marquée. Il est maintenant supérieur au taux américain d'environ 87 points de base. Il doit certainement y avoir une marge de manoeuvre, surtout si l'on tient compte du taux d'inflation des deux pays. Aux États-Unis, l'IPC est annuellement autour de 3,5 p. 100. Le taux canadien était d'environ 2,4 p. 100 en octobre, par exemple, alors que le taux d'inflation fondamentale est d'environ 1,8 p. 100. Il y a donc certainement une marge de manoeuvre.
Il me semble qu'il faut agir. On peut certainement faire baisser ce chiffre, pour combler l'écart, qui est de près de 1 p. 100. C'est certainement une chose que je souhaite qu'on fasse.
Outre la politique sur les taux d'intérêt, on pourrait songer à intervenir sur le marché des changes. Je l'ai déjà dit, depuis 1998, la banque centrale ne l'a pas fait du tout. Dans ce cas-ci, étant donné les préoccupations, la Banque devrait au moins atténuer les fluctuations. Nous n'avons aucun contrôle sur le marché international du pétrole, par exemple, mais nous pouvons certainement atténuer l'incidence de l'appréciation du dollar sur les Canadiens, surtout quand elle est, comme maintenant, l'effet de la spéculation.
Troisièmement, et c'est la dernière mesure dont je parlerai, on peut intervenir du côté budgétaire. En effet, on pourrait d'abord prendre des mesures keynésiennes pour essayer de gonfler la demande intérieure, alors que les exportations ralentissent, mais aussi, parallèlement, rééquilibrer la formule de péréquation. Ces derniers temps, les discussions ont essentiellement porté sur l'exclusion des revenus pétroliers de cette formule. Terre-Neuve et la Saskatchewan se sont d'ailleurs tournées vers les tribunaux, à ce sujet. Il me semble nécessaire de trouver un mécanisme compensateur, car les revenus pétroliers suivent les prix du pétrole, avantageant l'Alberta, au détriment du centre du pays, dont le secteur manufacturier est paralysé. C'est ce que je tenais à dire.
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Pour ce qui concerne le dollar canadien et son incidence sur l'économie canadienne, il est important de situer son appréciation dans son contexte. Comme d'autres l'ont dit, les prix des produits de base ne cessent d'augmenter, et le dollar américain est à la baisse, deux facteurs qui ont catapulté le dollar canadien.
Il y a une raison de croire que le contexte actuel est pire pour l'économie canadienne qu'il l'a été la dernière fois qu'il y a eu une augmentation rapide de la valeur du dollar canadien. Cela tient, en partie, au fait qu'avec la montée des prix des produits de base par rapport à un niveau qui était déjà élevé, il y a eu une surchauffe des secteurs tributaires des ressources de l'économie canadienne, et il est donc peu probable qu'il en découle une croissance supplémentaire. De plus, le dollar canadien poursuivant son ascension, les pressions sur le secteur manufacturier vont en s'intensifiant.
S'il est vrai que le dollar américain a accusé un repli, son recul n'a néanmoins pas influencé de la même manière toutes les devises. En effet, le dollar canadien est une de ces devises s'étant le plus appréciées par rapport au dollar américain, et il s'ensuit que notre compétitivité relative dans d'autres marchés s'est détériorée au profit de tiers pays tel le Japon. Par conséquent, il est probable que les exportations canadiennes s'en ressentent plus durant ce cycle que durant le cycle dernier.
En outre, l'économie américaine est nettement plus faible durant ce cycle qu'elle l'était en 2002-2004, quand le dollar canadien avait affiché une remontée considérable. Il est communément admis que l'économie américaine est aux prises avec de nombreux problèmes cette fois-ci. La dernière fois, elle était très robuste, ce qui lui a permis d'absorber beaucoup d'importations du Canada et de contribuer à contrebalancer l'effet négatif sur les exportateurs canadiens de l'appréciation de la devise canadienne.
La donne est différente actuellement. En effet, l'économie de l'Alberta et les secteurs tributaires des ressources dans de nombreuses provinces sont déjà en surchauffe. La compensation est donc nettement inférieure cette fois-ci.
Cela dit, certains des changements survenus récemment se sont accompagnés de bonnes nouvelles. En effet, le mini-budget dévoilé récemment accordera des mesures de détente budgétaires, bien que cela ne soit pas suffisant pour compenser l'incidence négative de l'appréciation du dollar canadien, et ce, même après avoir pris en compte l'augmentation du coût du pétrole.
Un des grands aspects négatifs est la volatilité du dollar canadien. Si vous êtes en affaires, vous n'aurez alors aucune idée comment calculer les taux de change et les cours des ressources, puisque ceux-ci fluctuent en dents de scie. La volatilité a un effet négatif sur l'investissement, et des études économiques l'illustrent. Par conséquent, les sociétés canadiennes doivent composer avec cette pression supplémentaire causée par l'incertitude qu'entraîne la volatilité.
Plusieurs facteurs clés déterminent les conséquences économiques de l'appréciation du dollar canadien pour l'économie. Le premier est la politique monétaire. Si aucune mesure d'adaptation n'est prise, l'économie sera malmenée. Si la Banque du Canada baisse les taux d'intérêt, cela aura alors un effet compensatoire en stimulant l'économie intérieure à mesure que les exportations nettes se contracteront.
L'autre facteur clé est la flexibilité du système salaire-prix. Plus celui-ci est rigide, plus le choc sera dur et plus longtemps les répercussions se feront sentir à travers l'économie.
Une solution stratégique consisterait à fournir une aide à l'investissement aux entreprises. Il est clair que la réduction de l'impôt des sociétés est un avantage, bien que le dégrèvement se fasse en aval, puisque les mesures de détente budgétaires et les allègements fiscaux interviendront, pour l'essentiel, plus tard.
On peut plaider en faveur d'un crédit d'impôt à l'investissement ou d'un prolongement de l'exemption de la déduction pour amortissement pour aider les entreprises à investir et à profiter de l'appréciation du dollar canadien en favorisant l'entrée des capitaux.
Vous devriez également envisager les politiques susceptibles d'améliorer la flexibilité de l'économie. Ces politiques n'auront vraisemblablement pas une incidence majeure durant ce cycle, mais le taux de chômage étant à son niveau le plus bas en 33 ans, il est certain que toute mesure favorisant une baisse du taux de chômage à inflation stationnaire, le TCIS, nous aidera aujourd'hui et à terme.
Améliorer la flexibilité du système salaire-prix sera donc utile. On peut notamment favoriser la mobilité géographique, c'est-à-dire encourager les gens à se déplacer pour trouver un emploi, ainsi que la mobilité interprofessionnelle. Lors de certaines enquêtes que nous avons effectuées, nous avons constaté un certain degré de réticence chez les employeurs face à la double transition entre secteurs et professions. Compte tenu des pressions actuelles sur la main-d'oeuvre, toute mesure susceptible d'aider les sociétés à reconnaître les qualifications et les compétences des travailleurs et à amorcer les transitions qui s'imposent sera utile.
En Australie et en Nouvelle-Zélande, par exemple, il y a un système beaucoup plus développé de reconnaissance des compétences actuelles et de l'apprentissage préalable. Des actions en faveur de ce type d'approche, d'une part, et la reconnaissance des titres de compétences étrangers, d'autre part, donneraient un coup de pouce à l'économie canadienne à court, à moyen et à long terme.
Je vous remercie.
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Je vous remercie de permettre à la Centrale des syndicats démocratiques d'exprimer son point de vue sur l'effet de la valeur du dollar canadien sur l'économie, en particulier sur le secteur manufacturier au Québec.
On constate que la hausse du dollar depuis 2002, en particulier la hausse fulgurante qu'on connaît depuis quelques mois, a des conséquences majeures sur l'industrie manufacturière au Québec. Depuis 2002, plus de 120 000 emplois y ont été perdus. Au cours de cette année seulement, cette perte se chiffre à plus de 36 000 emplois. Nous pensons que c'est associé en partie à certains facteurs autres que la hausse du dollar, mais que c'est en bonne partie attribuable à cette hausse.
En règle générale, les emplois du secteur manufacturier, du moins ceux qu'on connaît au Québec, étaient stables, relativement rémunérateurs et valorisants pour ceux qui les occupaient. On nous dit que l'économie se porte bien sur le plan macroéconomique, que le taux de chômage est bas, de même que le taux d'inflation. Bref, avec cette toile de fond, on laisse entendre que celles et ceux qui perdent leur emploi dans le secteur manufacturier pourraient demain matin, au pied levé, se trouver un emploi équivalent à celui qu'ils occupaient.
Pour la CSD, il s'agit là d'un discours de bureau. Il se défend peut-être sur le plan macroéconomique, mais c'est une autre histoire pour les femmes et les hommes touchés par cette situation. On n'a qu'à penser au secteur forestier, aux industries textiles et du vêtement. Dans des villes mono-industrielles comme Montmagny ou d'autres municipalités du Québec, lorsque l'entreprise ferme ses portes, les gens n'ont plus de ressources. On parle de gens qui ont travaillé pendant 30 ou 35 ans chez le même employeur et pour qui, dans bien des cas, il s'agissait du premier emploi obtenu au sortir de l'école. Ce sont des personnes qui ont contribué toute leur vie à l'avancement de la société en travaillant et en gagnant dignement leur vie, en payant leurs impôts, et qui, malgré toute leur bonne volonté, se retrouvent du jour au lendemain le bec à l'eau.
Il est faux de prétendre que ces gens vont être en mesure de se trouver un emploi demain matin. Pour ce qui est des emplois dans l'industrie, on parle de services. Je ne crois pas que travailler chez Wal-Mart soit très valorisant. Avant tout, ce n'est pas payant. La plupart des emplois qui se créent sont atypiques, à temps partiel, précaires. Ils ne procurent ni un revenu convenable ni une sécurité suffisante aux gens dont les perspectives sont plus humaines et qui veulent pouvoir faire face aux obligations de la vie courante.
Nous pensons que le gouvernement canadien et les provinces doivent accepter la proposition du Québec consistant à tenir une rencontre d'urgence pour discuter de la situation et faire un certain nombre de propositions. Il pourrait s'agir d'élaborer des mesures pour inciter la recherche et le développement, de favoriser le repositionnement stratégique des entreprises dans des créneaux porteurs d'avenir ou d'aider et inciter les entreprises à accepter de faire de la gestion participative dans les milieux de travail, une méthode en laquelle nous croyons fondamentalement. Une entreprise qui veut réussir sa relance ou assurer son avenir doit le faire de concert avec les personnes qui exécutent le travail. Nous sommes d'avis que dans la situation actuelle, les gens de ces milieux ne sont pas incités à adopter cette approche.
Nous croyons qu'il y a des pistes de solutions. Il faut développer des stratégies de création d'emplois, mais il faut aussi penser à ces milliers de femmes et d'hommes qui, au terme de leurs prestations d'assurance-emploi et en raison de l'écart entre la formation et l'expérience qu'ils ont acquises au fil des années dans leur milieu et ce qui est exigé par le marché du travail actuel, n'ont aucun espoir de se trouver un nouvel emploi. Certains d'entre eux doivent déménager, s'expatrier en quittant leur milieu, ou tout simplement faire face au fait qu'ils n'ont pas les connaissances et compétences voulues pour occuper les emplois disponibles dans leur région.
Nous pensons qu'il est urgent que le gouvernement établisse un programme de prestations de revenu pour les travailleurs âgés. D'ailleurs, le gouvernement du Québec a déjà donné son accord pour apporter sa contribution à un tel programme. Il ne manque que la participation d'Ottawa. Nous pensons qu'Ottawa a les moyens de le faire, et qu'il devrait le faire de toute urgence pour que ces gens puissent vivre dans la dignité.
C'est là l'essentiel de mon propos. Il faudrait que le gouvernement respecte aussi l'engagement qu'il a pris de venir en aide aux industries traditionnelles comme le secteur manufacturier et l'industrie forestière.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux d'abord vous signaler que la Confédération des syndicats nationaux est une organisation syndicale qui représente 300 000 personnes, principalement au Québec, dans tous les secteurs d'activité, y compris dans le secteur manufacturier, un secteur présentement durement touché par la hausse du dollar. Que ce soit dans le secteur du papier, de la forêt, de la métallurgie, de l'agroalimentaire ou du tourisme, la CSN représente des gens.
Nous tenons à remercier le comité de son invitation, bien qu'elle ne nous soit parvenue officiellement que lundi dernier. C'est un peu court pour préparer une analyse exhaustive de la situation. Cela étant dit, la CSN tient à apporter de l'eau au moulin du gouvernement sur cette question.
D'autres l'ont dit avant moi, si on examine globalement la situation macroéconomique, du point de vue strict des chiffres, l'emploi va bien. Son niveau est élevé et le taux de chômage est relativement bas. Par contre, si on creuse cette question secteur par secteur, on constate, en tout cas au Québec, que le secteur manufacturier est durement éprouvé. Il s'est perdu 135 000 emplois au Québec dans ce secteur depuis le 31 décembre 2002. Cela représente 20 p. 100 des emplois du secteur.
Dans le seul secteur de la foresterie, il s'est perdu 21 000 emplois. C'est dramatique considérant qu'au Québec, 100 000 personnes, dans 240 villes et villages, oeuvrent dans ce secteur. Bien souvent, ces villages ne possèdent qu'une industrie.
D'autre part, les importations chinoises au Canada sont passées de 12 milliards de dollars à 32 milliards de dollars sur une période de cinq ans. Le surplus commercial, qui était de sept milliards de dollars en 2003, est devenu un déficit commercial de 15 milliards de dollars en 2007. La situation n'est pas tout à fait rose, à la lumière de ces éléments.
Je vais parler rapidement de la politique monétaire. Notre principal dossier, comme c'était le cas pour l'intervenant précédent, est l'emploi et les répercussions qui peuvent l'affecter. Il est clair à nos yeux que la Banque du Canada doit agir, notamment en baissant les taux d'intérêt. C'est bien beau de vouloir contrer l'inflation, mais de toute façon, l'inflation est contrôlée à l'heure actuelle. Elle est même en deçà de ce qui existe aux États-Unis. Or, en maintenant les taux d'intérêt plus élevés, on favorise la hausse du dollar canadien. Cela a des répercussions sur le secteur manufacturier, et des milliers de personnes perdent leur emploi.
Nous pensons que le gouvernement, au moyen de politiques budgétaires, fiscales et financières, doit agir en même temps que la Banque du Canada. À cet égard, ce qui a été annoncé dans le dernier énoncé économique du gouvernement conservateur nous semble insuffisant. C'est bien beau d'abaisser les impôts des entreprises de 22 p. 100 à 15 p. 100 sur une certaine période, mais les entreprises qui ne font pas de profit ne paient pas d'impôt de toute façon. Globalement, mises à part les compagnies pharmaceutiques, le secteur manufacturier du Québec ne fait pas de profit.
Il faut plutôt aider les entreprises autrement, par des mesures de soutien à l'investissement et à l'emploi. Nous pensons notamment à des programmes de prêts et de garanties de prêts, qui pourraient être avantageux pour les entreprises. Présentement, le dollar élevé peut favoriser l'investissement d'entreprises si elles acquièrent de l'équipement à l'extérieur, mais encore leur faut-il avoir les fonds pour faire ces acquisitions.
Nous pensons que le gouvernement du Canada devrait soutenir et compléter ce que fait le Québec, par exemple. Celui-ci offre de l'aide fiscale aux régions ressources dans le but de les aider à favoriser la deuxième et la troisième transformations, ce qui se fait malheureusement trop peu au Québec.
Je veux aussi aborder la question de recherche et développement. Les statistiques sur cette question le démontrent, le Canada est derrière par rapport à la moyenne des pays membres de l'OCDE comparables. De plus, l'entreprise privée traîne la patte par rapport à ce qui se fait en recherche et développement dans les pays membres de l'OCDE. Le gouvernement fédéral devrait aider les entreprises pour qu'il se fasse plus de recherche et développement. Nous pensons notamment à des crédits d'impôt existants qui devraient être remboursables. Même les compagnies qui ne font pas de profit pourraient au moins en profiter. Nous souhaitons également que le gouvernement rende plus de dépenses admissibles aux crédits d'impôt, en incluant le coût d'obtention des brevets ainsi que les coûts de formation du personnel. Il s'agit là d'une donnée importante pour hausser la productivité et pour que les gens puissent maintenir leur emploi.
J'en ai parlé plus tôt, la CSN est particulièrement préoccupée par les pertes d'emplois dans le secteur manufacturier. L'industrie forestière est durement éprouvée par les pertes d'emplois. Chez nos membres, 20 p. 100 des gens oeuvrant au sein de cette industrie ont perdu leur emploi. Je vous ai fourni des chiffres plus globaux un peu plus tôt.
Enfin, j'aimerais aborder deux autres brèves questions. C'est bien de vouloir favoriser les transitions, de telle sorte que les gens puissent cheminer vers d'autres emplois, mais certains sont malheureusement laissés pour compte. Nous pensons que le gouvernement doit agir en bonifiant le régime d'assurance-emploi, en haussant les niveaux des prestations, en améliorant et rendant plus facile l'admissibilité à l'assurance-emploi et en augmentant la durée des prestations.
D'autre part, nous pensons que des mesures particulières doivent être adoptées dans le cadre d'un programme de soutien du revenu pour les travailleurs âgés. Même si nous voulons favoriser la transition vers le marché du travail, comme visent à le faire les derniers programmes mis en place par le gouvernement fédéral, bon nombre de ces travailleurs manquent de formation pour pouvoir réussir cette transition. Un pont doit être créé entre ce que peut faire l'assurance-emploi et, éventuellement, les fonds de pension. Je tiens à souligner que cela ne coûterait que 75 millions de dollars par année au gouvernement fédéral, alors qu'il a des surplus annoncés de 10 milliards de dollars pour cette année. Le gouvernement fédéral a la capacité d'agir sur ces questions.
:
C'est bien, je vous remercie. Je suis tout à fait d'accord avec vous, il faut agir. J'essaie simplement d'établir que la situation va empirer si on ne fait rien.
[Traduction]
Je voudrais changer de sujet maintenant pour parler d'une question sur laquelle M. Poschmann et moi allons peut-être nous accorder.
En ce qui concerne la question du système monétaire actuel, qui est assorti de cibles d'inflation, par opposition à un taux de change fixe ou à une union monétaire, je vous dirais que l'alignement des deux devises n'est pas vraiment faisable. Il faut que l'alignement se fasse sur une devise plus forte, notamment l'euro. De temps à autre, quand le dollar est très faible ou volatile ou élevé, cet appel en faveur d'une union monétaire refait surface au Canada. Hier encore, une personne très respectée, nommément Roger Martin, a commencé à évoquer cette possibilité.
Monsieur Poschmann, que ce soit pour des raisons économiques, des raisons de souveraineté, ou les deux, quel système préférez-vous?
:
Il est clair, monsieur le président, que je devrai avoir une petite discussion avec Roger.
Le régime de changes flottants, ou de cibles d'inflation, est un ordre monétaire qui a assez bien réussi pour le Canada. Dès que l'on propose d'avoir un cours fixe pour le dollar canadien, on demande tout de suite « Mais à quel niveau? »
Cela nous ramène à la question que vous avez posée plus tôt, à savoir ce qui se passerait si le dollar demeurait au même niveau. Eh bien, la valeur du dollar changera. Si vous établissez vos modèles en fonction de ce qui se produira dans le secteur de l'emploi, voulez-vous qu'ils soient établis en fonction de la valeur du dollar canadien la semaine dernière, soit 1,10 $, cette semaine, hier ou cet après-midi, qui est d'un sou de moins?
Il faut bien se garder de faire toutes sortes de suppositions...
:
Comme je l'ai signalé un peu plus tôt, plus le système de prix et de salaires est rigide, plus l'impact économique négatif se fait sentir. Peu importe s'il y a un impact attribuable au taux de change, ou d'autres types de chocs économiques, il importe de favoriser la souplesse du système de prix et de salaires parce que cela permet d'atténuer l'importance de l'impact et permet à l'économie de se remettre plus rapidement. Ainsi, les mesures qui aident les gens à trouver des emplois, peu importe la région où ils vivent, seraient très utiles.
Pour ce qui est de la mobilité de la main-d'oeuvre, si vous perdez un emploi dans une région et qu'il existe un besoin de main-d'oeuvre ailleurs, soit dans votre propre province ou ailleurs au pays, il serait bon d'encourager les Canadiens à surmonter les obstacles non monétaires pour passer d'une région à une autre.
De plus, il existe toutes sortes d'autres obstacles qui empêchent les gens de passer d'un type d'emploi à un autre, des obstacles qui ne semblent pas être des obstacles économiques habituels. Il faudrait donc reconnaître les compétences et l'habileté de ces personnes pour les aider à passer d'un type d'emploi à un autre. Les employeurs hésitent à embaucher certains candidats parce qu'ils ne croient pas qu'ils ont les compétences nécessaires, quoique les analyses effectuées démontrent que bien des compétences sont peut-être adaptées d'un secteur à l'autre. Cependant, les employeurs jugent qu'un candidat ne peut pas faire le travail simplement parce qu'il a changé non seulement d'emploi mais également de secteur.
Certains employeurs canadiens qui recherchent des travailleurs n'arrivent pas à en trouver. Puis il y a des Canadiens qui ont les compétences nécessaires mais n'arrivent pas à trouver d'emploi. Il semble y avoir un problème de fonctionnement au niveau micro au sein de l'économie. Il existe des conseils sectoriels qui essaient d'améliorer la situation, mais il existe toujours un problème au niveau micro.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Poschmann, vous avez signalé tout à l'heure que même si nous parlons énormément du dollar canadien, l'élément le plus important dans cette affaire, c'est le dollar américain, la faiblesse du dollar américain. Vous avez parlé de la demande internationale en matière d'énergie. Vous avez mentionné le pétrodollar et l'impact qu'il a sur la situation économique. Vous avez également parlé des réussites de l'économie canadienne, comme une augmentation du commerce international.
J'ai appris aujourd'hui qu'il y avait des investissements de plus de 100 milliards de dollars dans 27 compagnies de l'Ontario grâce à l'augmentation des activités dans les sables bitumineux de l'Alberta. Grâce à la croissance que connaît le secteur énergétique, d'autres régions du pays bénéficient de retombées économiques importantes. Vous avez fait des commentaires sur la mise à jour économique et financière présentée le 30 octobre dernier.
On a parlé des incitatifs offerts par le gouvernement. D'aucuns emploieront peut-être l'expression « aide sociale aux entreprises parasites ». J'aimerais savoir si, à votre avis, les réductions importantes apportées par le gouvernement à l'impôt des sociétés, auxquelles viennent s'ajouter les déductions pour amortissement accéléré, assurent des avantages à long terme pour l'économie canadienne. Devrions-nous plutôt retenir cette idée des programmes d'aide sociale aux entreprises parasites?
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Merci. C'est une excellente question. En fait, toutes les questions posées sont excellentes.
Le gouvernement a pour rôle de s'assurer que les ressources, financières et humaines, sont orientées là où elles sont le plus nécessaires. Les marchés en fait jouent ce rôle. Le gouvernement peut les appuyer.
Avant de poursuivre, j'aimerais signaler qu'il y a des impacts réels qui se font ressentir sur des personnes réelles lorsqu'il se produit des changements économiques importants; il ne faudrait jamais l'oublier. Cependant, les gouvernements peuvent prendre les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que ces impacts ne soient pas pires qu'ils ne devraient l'être.
Ainsi, le gouvernement pourrait empirer les choses s'il empêchait le déplacement de la main-d'oeuvre par exemple en créant une situation où il serait peu intéressant d'investir dans les usines, dans la machinerie, dans la main-d'oeuvre ou dans la formation. Réduire le taux d'imposition réel des sociétés est une bonne façon d'aider les travailleurs de soutien, en assurant qu'il y aura un plus grand nombre d'usines et plus de matériel dans ces usines pour aider tous les travailleurs, ce qui permettra d'améliorer le milieu de travail et la productivité des employés et d'offrir de meilleures perspectives salariales pour chacun d'entre eux. Ce sont là des choses que peut faire le gouvernement.
Les mesures fiscales abordées dans la mise à jour économique et financière ne sont pas mauvaises, mais on pourrait faire beaucoup plus pour améliorer le climat d'investissement.
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Je comprends bien, monsieur. Je tentais tout simplement de souligner — et là vous le faites pour moi — la nature ridicule de la déclaration faite hier. Je vous en remercie, d'ailleurs.
Monsieur Faucher, 70 000 nouveaux emplois ont été créés l'année dernière au Québec. Au Canada, on a recensé le mois dernier 63 000 nouveaux emplois. Le taux de chômage est à son plus bas, soit à 5,8 p. 100, et le taux de croissance des revenus sur 12 mois s'élève à 4 p. 100. La main-d'oeuvre participe à l'économie d'une façon qui n'a pas de précédent.
Quelle que soit la mesure observée, on constate que le Canada affiche un très bon rendement dans bien des secteurs, n'est-ce pas? Il reste certes des défis à relever, mais en général, l'économie, y compris celle du Québec, se porte plutôt bien actuellement.
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J'aimerais simplement ajouter quelque chose parce que je trouve la question extrêmement intéressante.
On parle des impacts de la hausse du dollar, mais une des raisons principales à cela, c'est le boom pétrolier albertain, notamment. En effet, le boom pétrolier albertain a un impact en maintenant la valeur du dollar élevée, et si la Banque du Canada maintient les taux d'intérêt élevés, cela vient amplifier le phénomène. Cela maintient le dollar élevé. Cela n'a pas d'impact, ou cela en a moins dans les provinces qui ont des ressources naturelles. Mais dans les provinces où le secteur manufacturier est plus fort, comme au Québec et en Ontario, on subit doublement l'impact de la hausse des taux d'intérêt, en plus du fait que le prix du pétrole vient hausser la valeur du dollar. Ce n'est pas négligeable.
Dans l'économie, 21 p. 100 des revenus du travail sont liés au secteur manufacturier et 90 p. 100 des exportations à l'échelle internationale. Je ne sais pas ce qui peut être fait ailleurs dans le monde, mais il me semble qu'au Canada, le gouvernement peut agir sur certaines choses. La Banque du Canada devrait agir sur la politique monétaire, et le gouvernement devrait compléter en aidant les entreprises. Sinon, c'est le secteur manufacturier qui s'effondrera. Cela est dû en bonne partie au prix du pétrole qui vient gonfler la valeur du dollar canadien.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je remercie le comité de me fournir l'occasion de présenter le point de vue de la Chambre de commerce du Canada sur cette importante question.
La Chambre de commerce du Canada représente quelque 170 000 compagnies. Ses membres font face à de nombreux défis chaque jour. La grande majorité d'entre eux sont touchés par l'appréciation du dollar canadien.
[Traduction]
Dans une lettre que j'ai envoyée hier au premier ministre du Canada et aux premiers ministres des provinces, j'ai proposé de nombreuses mesures immédiates qui visent à renforcer l'économie du Canada et à aider nos entreprises à croître et à devenir plus prospères. Bon nombre de nos membres sont confrontés à des défis sans précédent, des défis qui prennent de l'ampleur tous les jours. Une concurrence soutenue de la part d'économies émergentes, telles que la Chine et l'Inde, l'assouplissement de la demande des États-Unis, où sont destinées 77 p. 100 des exportations de biens du Canada, et l'appréciation astronomique du dollar canadien depuis 2002 représentent une véritable catastrophe pour les entreprises exportatrices et celles qui doivent livrer une concurrence au Canada. Les entreprises manufacturières canadiennes sont bel et bien menacées.
Depuis la fin de 2002, plus de 330 000 emplois ont été perdus dans le secteur manufacturier, dont plus de 80 000 cette année. La perte de compétitivité est évidente à la lumière de la montée rapide du coût unitaire de la main-d'oeuvre, lequel correspond aux coûts des salaires et des avantages des travailleurs par unité de production économique. Malheureusement, la productivité du Canada avance trop lentement pour pallier cette perte de compétitivité, et d'autres défis s'annoncent. La Banque du Canada a prévu que le dollar canadien se situera en moyenne à 98 ¢ US en 2009 et que l'économie du Canada croîtra de 2,3 p. 100 en 2008 et de 2,5 p. 100 en 2009. Le ministère des Finances et la Banque du Canada ont indiqué que les risques pour l'économie canadienne sont orientés vers le bas.
[Français]
Compte tenu des défis que je viens de mentionner, il importe de mettre en place des politiques concurrentielles qui auront un impact direct sur la productivité et la prospérité de notre nation et de tous les Canadiens et Canadiennes.
[Traduction]
La Chambre de commerce du Canada demande des mesures immédiates. Le gouvernement doit appliquer des politiques qui favorisent la souplesse et l'adaptabilité et jettent les bases d'une économie plus concurrentielle. À notre avis, le gouvernement fédéral doit collaborer avec les gouvernements des provinces et des territoires sur un nombre de dossiers clés.
Tout d'abord, il faut alléger le fardeau réglementaire. Les chevauchements, les dédoublements et la fragmentation coûtent cher en temps et en argent et ils nuisent à la compétitivité du Canada.
Deuxièmement, nous devons supprimer les obstacles au commerce interprovincial. Des obstacles internes empêchent des entreprises de devenir suffisamment grandes afin d'être concurrentielles sur les marchés étrangers, désintéressent les investisseurs, engendrent une inflation artificielle et font augmenter le coût des affaires.
Troisièmement, notre pays doit mieux utiliser les immigrants qualifiés en reconnaissant les titres de compétences étrangers et en facilitant l'accès et l'intégration au marché du travail. Les employeurs du pays doivent composer avec de grandes pénuries de main-d'oeuvre. De nombreux professionnels et personnes de métier formés à l'étranger ne peuvent pas mettre leurs compétences à profit. Les employeurs font état de retards importants lors du traitement des dossiers des personnes qu'ils ont recrutées pour pourvoir des postes.
Quatrièmement, il faut s'assurer que la frontière canado-américaine reste ouverte aux voyageurs et au commerce légitimes. Les retards et les complications à la frontière nuisent à la productivité et menacent les emplois. De plus, la hausse rapide des droits douaniers et autres frais représente des pertes de centaines de millions de dollars chaque année, ce qui désavantage sérieusement les producteurs par rapport à la concurrence étrangère.
Finalement, il nous faut un régime fiscal concurrentiel. Le budget de 2007 et le dernier énoncé économique et mise à jour budgétaire renfermaient de nombreux éléments positifs qui favoriseront la compétitivité des entrepreneurs, mais il faut en faire plus. L'élimination de l'impôt sur le capital perçu par les provinces, l'harmonisation des taxes de vente provinciales avec la TPS fédérale et l'adoption permanente de la déduction pour amortissement accéléré visant les manufacturiers et transformateurs qui investissent dans la machinerie et l'équipement, représentent des avantages économiques considérables qui sont à notre portée.
Monsieur le président, la Chambre de commerce du Canada croit que ces mesures représentent un premier pas important vers un Canada plus concurrentiel. Il faut les appliquer dès maintenant pour aider les entreprises canadiennes à réagir à des pressions urgentes et croissantes. Tout retard mettrait en péril les emplois des travailleurs canadiens ainsi que la prospérité des collectivités de notre pays.
Monsieur le président, je remercie les membres du comité de m'avoir écouté. Je me ferai un plaisir de répondre à leurs questions ainsi qu'à leurs préoccupations.
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Bonjour et merci beaucoup.
Je m'appelle Ted Mallett et je suis vice-président à la recherche et économiste en chef de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Au nom des 105 000 propriétaires de PME que je représente dans tout le Canada, je vais vous présenter notre point de vue et nos recommandations au sujet de l'économie et plus particulièrement des répercussions de l'appréciation du dollar canadien sur le fonctionnement de ces PME.
Nous avons écrit aux députés le 31 octobre et nous vous ferons parvenir d'autres recommandations prébudgétaires au cours des prochaines semaines.
La valeur du dollar est évidemment un des principaux facteurs, mais ce n'est pas le seul, avec lesquels les entreprises doivent composer quotidiennement. Les plus touchées sont celles qui font affaire directement avec d'autres pays. D'après nos dernières estimations, environ le tiers des PME sont directement touchées par les fluctuations de notre devise, que ce soit à titre d'importateurs ou d'exportateurs directs.
Une autre tranche d'environ 15 p. 100 d'entre elles traitent avec des importateurs ou des exportateurs directs pour vendre leurs produits ou pour acheter les leurs. Ainsi, environ la moitié de nos membres sont touchés soit directement, ou dans la plupart des cas, indirectement par les effets du dollar sur les échanges commerciaux; l'autre moitié de nos membres sont par conséquent moins touchés ou sont protégés contre les fluctuations de notre devise.
Le dollar canadien gagne du terrain vis-à-vis du dollar américain depuis 2003, mais sa dernière envolée, en septembre et octobre, a pris tout le monde par surprise. Normalement, l'appréciation d'une devise est une bonne nouvelle, car elle signifie qu'on achète des dollars canadiens. Plusieurs facteurs ont contribué à ce phénomène, dont les solides fondements financiers au Canada, le fort cours de nos produits de base, notamment le pétrole, sans oublier la vigueur de la consommation et du commerce.
Cependant, en ce moment, il y a un autre élément qui vient s'ajouter au tableau, et c'est la faiblesse de l'économie américaine, qui contraste avec la force de l'économie canadienne. Cette situation ne sera toutefois peut-être pas permanente.
Notre fédération suit ce dossier expressément depuis 2001. Nous avons remis aux membres du comité un exemplaire de notre plus récent baromètre des milieux d'affaires. Il s'agit d'une étude que nous effectuons tous les trimestres depuis la fin de 2001. Dans une page de ce bulletin, nous demandons à nos membres quelle serait la valeur du dollar canadien qui serait la plus avantageuse pour leur entreprise. C'est la seule source d'information qui vise à déterminer de façon impartiale si l'appréciation du dollar est profitable pour les entreprises ou s'il s'agit, au contraire, d'un obstacle.
Vingt-sept pour cent de nos membres préféreraient une devise moins forte, 21 p. 100 voudraient un dollar plus fort et les autres, environ 52 p. 100, estiment que la valeur du dollar n'a pas d'importantes conséquences sur leur entreprise. Toutefois, si on examine les divers secteurs à tour de rôle, le tableau est très différent, ou du moins un peu plus clair.
Le secteur agricole et le secteur manufacturier sont manifestement en faveur d'un dollar plus faible. Quelques entreprises vendent surtout leurs produits au Canada, mais elles doivent également acheter aux États-Unis. Elles profitent donc de la force actuelle du dollar, mais ce n'est pas le cas de la plupart des fabricants. Dans le secteur du transport, par exemple, 25 p. 100 des gens veulent un dollar plus fort, 25 p. 100 souhaiteraient qu'il soit plus faible et les autres n'ont pas de préférence. Toutes les PME n'ont pas le même point de vue.
Nous posons la même question depuis 2001 et les chiffres n'ont pas beaucoup changé. En 2003, par exemple, 32 p. 100 des PME souhaitaient un dollar plus faible, 24 p. 100, un dollar plus fort, et 35 p. 100 ont dit que le cours du dollar n'avait aucun effet sur leurs activités, tandis que 8 p. 100 ont répondu « je ne sais pas ». Et cela, à l'époque où le dollar valait 76 ¢.
La bonne nouvelle, c'est que ce qu'on considère comme normal peut changer; il ne s'agit pas d'une mesure absolue, mais bien d'une mesure relative. Ce qui importe aux entreprises, grosses et petites, c'est la rapidité à laquelle notre devise fluctue et l'existence de signes les prévenant de ces fluctuations. Les petites entreprises ont été prises de court. Elles ont signé des contrats à long terme et ont déjà des stocks de produits dont le prix a déjà été établi, et elles doivent prévoir quelle sera la situation dans six mois. Elles se demandent quelle sera la valeur du dollar dans l'avenir. C'est la réalité à laquelle elles sont confrontées.
Nous appuyons sans réserve l'indépendance de la Banque du Canada; le gouvernement ne peut pas lui-même modifier la politique monétaire. La politique monétaire est un défi en soi parce que nous avons en réalité deux économies au Canada: une économie très forte dans l'Ouest du pays et une économie plus faible dans l'Est. Or, il faut trouver le juste milieu relativement à la politique monétaire, ce qui est un exercice fort délicat même dans le meilleur des cas.
Les recommandations que nous avons suivies sont les mêmes que celles que nous proposons depuis des années. Elles sont axées sur l'investissement, l'amélioration de la productivité de l'économie canadienne, la réduction de la réglementation et la diminution des impôts les plus élevés afin de donner à l'entreprise le sentiment que les choses vont désormais s'améliorer pour que ce soit le marché qui fasse qu'une entreprise réussisse ou non. Essentiellement donc, il faut que le gouvernement soit neutre, ou alors qu'il agisse comme facilitateur ou comme aidant, au lieu d'intervenir directement sur le marché.
C'est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du comité, que je remercie encore une fois de nous avoir invités.
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Merci, monsieur le président.
Même si le Conseil a déjà soumis au comité il y a quelque temps des recommandations prébudgétaires en matière de politiques, dont nous serions heureux de discuter ultérieurement de façon plus détaillée, j'ai préféré consacrer le temps qui nous est imparti aujourd'hui à parler du dollar canadien et de son impact sur le commerce de détail au Canada.
Le Conseil est le porte-parole d'une industrie essentielle dans le quotidien de tous les Canadiens, et les chiffres qu'on peut citer pour parler de notre industrie sont colossaux. Il y a en effet plus de 227 000 commerces de détail au Canada et ces commerces donnent du travail à plus de 2,1 millions de Canadiens.
Les reportages sur les prix de détail au Canada par rapport à ceux en vigueur aux États-Unis pour toute une gamme de produits ont donné aux consommateurs l'impression que la parité du dollar devait nécessairement entraîner la parité des prix. Or, il y a de très nombreux facteurs qui font qu'il y a des différences au niveau des prix de détail pratiqués dans les deux pays, facteurs qui tendent à produire des prix plus élevés au Canada, qu'on le veuille ou non. Certains sont le reflet de différences structurelles fondamentales entre les deux pays, d'autres des différences entre les politiques respectives des deux pays et d'autres encore tiennent à la concurrence. En revanche, comme vous le savez, la réalité est que la taille du marché canadien ne représente que le dixième de celle du marché américain. Il est plus coûteux de faire des affaires au Canada, étant donné que la main-d'oeuvre y est plus chère, de même que les frais de transport et de logistique, entre autres. Nous sommes très heureux que notre pays nous donne tous les avantages qu'il nous offre, mais ces avantages ont un prix.
En ce qui concerne la façon dont le commerce de détail fonctionne au Canada, il arrive souvent qu'un détaillant achète ses stocks 12 mois avant de mettre les produits sur les tablettes. Cela veut dire que de nombreux produits qu'on trouve dans les rayons ces temps-ci ont été achetés alors que le dollar canadien valait 85 ¢ américains. Cela pose évidemment problème pour nos détaillants, toujours soucieux d'offrir aux Canadiens des prix qui soient le juste reflet de leur prix d'achat.
Contrairement à ce qu'on croit généralement, la grande majorité des détaillants, qu'importe leur taille soit dit en passant, achètent leurs stocks auprès de fabricants canadiens qui sont eux-mêmes des filiales des grandes compagnies américaines, qui possèdent leur propre marque, de grossistes et de distributeurs aux États-Unis. Cela veut dire que ces achats s'effectuent en dollars canadiens. Ils n'ont donc pas pu profiter du taux de change, sauf bien sûr si les fabricants eux-mêmes les en ont fait profiter en modifiant en conséquence leur propre prix de vente.
En ce qui concerne les produits de consommation, les prix ont augmenté plus lentement que ceux des services et de nombreuses catégories de produits, comme l'électronique et les vêtements, ont même affiché une baisse de prix en termes absolus, et nous croyons que ce phénomène va se poursuivre en 2008.
La montée en puissance du dollar canadien et le fait que les détaillants s'approvisionnent maintenant à l'étranger ont joué pour beaucoup dans l'augmentation modeste des prix dans ces catégories. Nous avons le sentiment que, de plus en plus souvent, nos détaillants iront s'approvisionner à l'étranger. Par contre, les détaillants canadiens paient considérablement plus que les détaillants américains pour ce qu'ils achètent à l'étranger en raison des taxes à l'importation.
Les détaillants canadiens sont donc nombreux à s'approvisionner ailleurs, notamment en Asie, surtout en Chine, ou en Europe. Comme je viens de le mentionner, en ce qui concerne les droits de douane payés par les détaillants au Canada et aux États-Unis, il y a une énorme différence entre les deux. Ainsi, un détaillant canadien qui veut importer une paire de bottes de chantier fabriquées en Asie paie 17,5 p. 100 de droits de douane alors que son homologue américain n'en paiera que 8,5 p. 100. Un détaillant canadien qui importe un berceau paie 6 p. 100 de droits de douane alors qu'un détaillant américain n'en paiera aucun. Les jambières de hockey ou de soccer pour enfants coûtent au détaillant canadien 15,5 p. 100 de droits de douane alors que son concurrent américain ne paiera rien. Au Canada, le détaillant doit payer 5 p. 100 de droit de douane lorsqu'il importe un produit qui semble beaucoup attirer l'attention des médias récemment, à savoir ce lecteur MP3 qu'est le iPod. Le détaillant qui importe d'Asie un produit équivalent paiera 5 p. 100 de droits de douane au Canada alors qu'aux États-Unis, il ne paiera aucun droit d'importation.
Il y a des centaines et des centaines d'exemples du même genre, ce qui fait que les détaillants canadiens — et, dirais-je aussi, les importateurs et les fabricants canadiens — sont considérablement défavorisés par rapport à leurs concurrents américains.
Le Conseil tient à travailler de concert avec le gouvernement fédéral afin d'égaliser les chances pour tous les détaillants, peu importe leur taille. Nous exhortons le comité de même que le gouvernement à éliminer les droits qui défavorisent les entreprises canadiennes et qui, manifestement, défavorisent encore plus nos petits commerçants de partout au Canada qui sont également des importateurs.
Mesdames et messieurs, je répondrai maintenant avec plaisir à toutes vos questions.
Je vous remercie.
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Je veux bien commencer.
Pour répondre à votre première question, qui porte sur l'effet stimulant d'une baisse des taux d'intérêt, je dirai qu'une réduction des taux aura une incidence sur tous les aspects de l'économie, et pas seulement sur les salaires. Les salaires sont le résultat indirect d'autres activités comme, par exemple, l'investissement des entreprises. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la baisse des taux d'intérêt stimulerait l'investissement dans l'équipement, les installations fixes, ce qui entraînerait une augmentation de la capacité de production de l'économie qui, à son tour, engendrerait une hausse des salaires.
Toutes choses considérées, une baisse des taux d'intérêt aurait un effet stimulant et pas nécessairement dommageable pour l'économie. Dans l'ensemble, je crois que ce serait une mesure bénéfique. Le problème tient au fait que l'économie tourne à plein régime dans certaines régions du Canada, alors qu'elle tourne au ralenti ailleurs, mais le taux d'intérêt est le même partout. Il est très difficile de n'intervenir que sur un aspect de la situation, et le gouverneur de la Banque du Canada doit s'efforcer de trouver le point d'équilibre. Il existe effectivement des pressions, et compte tenu des récentes réductions de prix et de la baisse de l'inflation au Canada, la Banque serait plus en mesure d'abaisser les taux d'intérêt.
On arrive à la question de la TPS. Que l'on réduise la TPS d'un point de pourcentage ou qu'on réduise le taux d'imposition sur le revenu des particuliers dans la même mesure, on obtiendrait à peu près le même résultat. Une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers serait à notre avis tout aussi efficace qu'une baisse de la TPS parce que les intérêts des prêts hypothécaires sont généralement exempts d'impôt, tout comme les gains en capital et les cotisations à un REER.
Ainsi, une réduction de la TPS ou de l'impôt sur le revenu des particuliers a à peu près les mêmes effets sur l'économie. Ces mesures étaient nécessaires parce que le gouvernement fédéral a un excédent budgétaire considérable et donc, il est important que la décision émane de lui.
Mes questions s'adressent à Diane, la représentante du Conseil canadien du commerce de détail.
Chacun sait que le a récemment tenu une conférence de presse où il a souligné la différence entre le prix d'un livre de Harry Potter au Canada et aux États-Unis. Il a laissé entendre que les entreprises canadiennes arnaquent les consommateurs. Il a affirmé que les prix devaient et allaient baisser et qu'il appartenait aux entreprises d'y voir.
Le ministre des Finances a-t-il, en fait, aggravé le problème? Est-il en train de susciter des attentes chez les consommateurs, en les amenant à penser que si notre dollar s'apprécie, les prix devraient automatiquement baisser? Est-ce que ses propos nuisent à votre secteur?
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Merci, monsieur le président.
Je remplace Henri Massé, qui ne pouvait pas se présenter à cause d'une grippe assez sévère. La situation du secteur manufacturier étant ce qu'elle est, il aurait voulu être ici et vous parler en personne.
Au moment où on se parle, les répercussions de l'appréciation du dollar ont été majeures et plutôt dévastatrices. Hier, vous avez entendu d'autres témoins du mouvement syndical, et probablement aussi des manufacturiers exportateurs, qui corroborent cela. Je n'entrerai donc pas dans les détails, mais je tiens à souligner qu'au Québec, il s'est perdu pas moins de 130 000 emplois depuis que le dollar a commencé son appréciation. Cela a eu pour effet, depuis quatre ans, de faire disparaître un emploi sur cinq dans le secteur manufacturier. Il s'agit d'un impact plus important que celui des deux dernières récessions, où il y avait eu une crise assez importante du secteur manufacturier.
Comment nous situons-nous par rapport à cela? Même si c'était un peu à la dernière minute, nous sommes heureux que vous ayez provoqué cette discussion, parce qu'il nous apparaît que le fédéral a fait preuve de complaisance et même de négligence presque criminelle dans ce dossier. Il semble banaliser le problème parce que le taux de chômage est plutôt raisonnable d'un point de vue historique, mais il passe à côté de la vraie question, celle du caractère structurant du secteur manufacturier pour l'économie canadienne.
En ce moment, les entreprises hésitent énormément avant d'investir. Je peux l'affirmer du point de vue syndical et du point de vue d'une centrale syndicale associée à un fonds d'investissement majeur au Québec. Le Canada et le Québec avaient déjà un défi à relever avant même que le dollar n'atteigne le niveau qu'il connaît aujourd'hui. Ils devaient renouveler leur parc technologique et moderniser les équipements pour faire face à une concurrence accrue qui nous vient particulièrement de l'Asie.
L'appréciation du dollar nous a rendu la tâche quasi impossible. Notre devise est passée de 62 ¢ à plus d'un dollar face au dollar américain, et c'est là que réside une grande partie du problème. En effet, les gens ne voient plus la fin de cette volatilité et de cette croissance possible de la devise, ce qui rend toute planification raisonnable très difficile. Même si vous aviez toutes sortes de crédits d'impôt ou d'amortissements accélérés des biens d'investissement, mesures qui devraient aider en principe, cela resterait très difficile.
Le coeur du message que j'ai à vous livrer, c'est qu'il faut s'attaquer à la question du système monétaire et à la valeur du dollar. Le point d'ancrage de notre économie, du point de vue de la productivité et du coût unitaire de la main d'oeuvre, situe notre dollar à environ 70 ¢ ou 75 ¢ américains. Du point de vue de la parité des pouvoirs d'achat, il se situe à environ 80 ¢ à 85 ¢ américains. De toute évidence, notre dollar va continuer à valoir plus d'un dollar américain pendant un bon moment, et ce, principalement pour des raisons qui ont trait à l'industrie des ressources naturelles, plus particulièrement à celle du pétrole.
On n'en veut pas aux industries qui se portent bien. Par contre, il ne faut pas oublier que ce boom pétrolier cause ce qu'on appelle au Pentagone des collateral damages, et que le gouvernement canadien de même que la Banque du Canada ont la responsabilité directe de se donner les moyens pour endiguer ces hausses.
On a vu le gouvernement renvoyer la balle à la Banque du Canada, et cette dernière rétorquer qu'en vertu de son mandat, elle devait faire en sorte que l'inflation ne dépasse pas 2 p. 100. Le problème d'un taux d'inflation à 2 p. 100 ou 2,5 p. 100 est tout à fait mineur comparativement à celui d'une devise surévaluée. Il me ferait plaisir d'entrer dans les détails et de vous faire part des pistes de travail que nous entrevoyons à ce sujet.
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Merci, monsieur le président.
Je n'ai pas été avisé du fait que les travaux du comité avaient été devancés, ce qui explique mon retard. J'en suis vraiment désolé. On avait communiqué avec la mauvaise personne.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire part de nos commentaires sur l'impact de l'appréciation de la valeur du dollar canadien.
Option consommateurs est un organisme à but non lucratif qui a pour mission de promouvoir et de défendre les droits et les intérêts des consommateurs canadiens, et de veiller à ce qu'ils soient respectés. Notre organisme existe depuis 1983. Il comprend un service juridique, un service budgétaire et une agence de presse, et effectue en outre des recherches dans le domaine de l'agroalimentation, l'énergie et les services financiers, afin de bien comprendre les besoins des consommateurs et de défendre judicieusement leurs droits.
Nous intervenons depuis plusieurs années dans le domaine des services financiers. Nous avons entre autres participé aux discussions qui ont mené à l'adoption des dernières modifications législatives relatives aux banques. Nous participons actuellement à la modification de certaines règles administratives de l'Association canadienne des paiements, et nous interviendrons prochainement dans le cadre de l'élaboration du code de conduite relatif aux transferts de fonds électronique.
Comme vous le savez sans doute, le dollar canadien a augmenté de plus de 50 p. 100 comparativement à plusieurs autres devises. Qu'il s'agisse du dollar américain, du yen japonais, du dollar de Hong Kong, du peso mexicain ou d'autres monnaies échangées sur le marché des devises internationales, tous ont perdu de la valeur par rapport à notre dollar. Étant donné que ces pays sont nos plus grands partenaires commerciaux, les consommateurs canadiens devraient normalement payer moins cher que par le passé les chaussures importées de Chine, les voitures américaines, les pneus mexicains, les CD, DVD et livres importés, de même que les appareils électroniques. Or, selon nos recherches, il n'en est rien. En effet, la hausse continuelle du dollar canadien depuis cinq ans n'a pas été synonyme de baisse des prix pour les consommateurs, loin de là.
Selon l'économiste Douglas Porter, de la Banque de Montréal, la hausse de 50 p. 100 de la valeur du dollar canadien au cours des cinq dernières années n'a presque pas eu d'effet sur le prix au détail. Pour illustrer son propos, M. Porter a comparé le prix de divers produits identiques vendus au Canada et aux États-Unis. Il donne les exemples suivants: les cartes de souhait, la Honda Accord et le BlackBerry 8100. Ces articles coûtent respectivement 20 p. 100, 14 p. 100 et 10 p. 100 de plus au Canada.
À la suite de cet article, Option consommateurs a commencé à suivre également l'évolution des prix de certaines marchandises vendues au Canada et aux États-Unis. Nous le faisons depuis le mois de juin dernier. Nous observons qu'actuellement, le prix de certains produits est de 3 p. 100 à 40 p. 100 plus élevé au Canada. Paradoxalement, nous payons plus cher la Honda Civic Coupe 2008, alors qu'elle est construite et assemblée en Ontario. Nous observons également que le prix de ces articles a très peu varié depuis deux mois. Sur les 11 produits que nous avons étudiés, seulement deux ont affiché une baisse de prix. Celle-ci n'a toutefois pas été suffisante pour rendre le produit moins cher au Canada qu'aux États-Unis.
Dans ce contexte, les consommateurs s'impatientent et ont l'impression de se faire rouler. Dans une certaine mesure, ils peuvent comprendre que les produits importés soient légèrement plus cher que dans leur pays d'origine: il faut bien payer le transport de ces marchandises. Cependant, les consommateurs canadiens ne peuvent pas accepter de ne pas bénéficier de la hausse du dollar qui, pour sa part, réduit le prix relatif des produits. De plus, les consommateurs canadiens ne peuvent accepter le fait qu'un produit identique soit vendu jusqu'à 56 p. 100 plus cher au Canada, pour la seule raison qu'il est vendu au pays.
Une autre étude intéressante, cette fois américaine, la Federal Reserve Board study of cross-border consumer prices, conclut que la différence de prix entre les produits vendus au Canada et ceux vendus aux États-Unis est irrationnelle du point de vue économique. Selon l'étude, le coût du transport des marchandises ne pourrait expliquer à lui seul les différences de prix. Un mystérieux « effet frontière » ferait en sorte qu'un produit traversant la frontière canadienne prenne soudainement de la valeur. On observe également que le marché est de moins en moins concurrentiel sur le plan du commerce de détail, et que ce domaine est de plus en plus accaparé par les grandes surfaces.
Nous nous permettrons quand même trois recommandations. De toute façon, vous disposerez de mes notes d'allocution, qui compléteront et justifieront nos recommandations.
Notre première recommandation veut que le gouvernement entreprenne la révision de la Loi sur la concurrence afin, entre autres, de rendre le Tribunal de la concurrence plus efficace.
Nous recommandons également au gouvernement d'aider davantage les PME dans le contexte de surconcentration du commerce de détail exercée par les grandes surfaces. La mission et le mandat de l'Agence du développement économique du Canada pour les régions du Québec pourraient être adaptés à cette dimension.
Finalement, nous recommandons au gouvernement de s'assurer que la concentration des institutions financières ne nuit pas à l'émergence de nouveaux commerces. Nos institutions doivent intervenir pour empêcher la grande majorité des Canadiens de perdre au change.
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Je vous remercie d'être présents. Je suis désolé pour ceux qui ont été avertis trop tard et qui n'ont pas su que nous avions un peu devancé l'ordre de nos travaux.
Je veux revenir à l'industrie manufacturière. Il y a une différence fondamentale de philosophie entre diverses parties et divers acteurs du milieu économique canadien. On ne pose pas souvent la question ainsi: laisse-t-on tomber l'industrie manufacturière? C'est un peu ce que l'on constate de la part du gouvernement. Aujourd'hui, certains acteurs d'un précédent panel nous ont dit que, s'il n'y avait plus d'emplois dans le secteur manufacturier, les gens n'avaient qu'a déménager en Alberta, puisqu'on y trouve des emplois.
D'une part, il existe la philosophie du laisser-faire. C'est celle que privilégie le gouvernement, qui décide de baisser les impôts. M. Laliberté a bien expliqué que le fait de baisser les impôts n'apporte rien à une compagnie qui ne fait pas de profit et qui éprouve des difficultés.
D'autre part, il existe la philosophie que privilégie le Bloc québécois, voulant que le domaine manufacturier reste au coeur de l'économie. Si nous ne voulons pas que notre économie se désagrège dans 10 ou 15 ans, une fois le boom pétrolier passé et les ressources naturelles épuisées, il faut prendre des moyens maintenant. Hier, les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec nous ont donné l'exemple du mal hollandais. C'est exactement ce qui s'est passé. Quand il y a eu la découverte de pétrole, on s'y est lancé tête baissée et on a laissé l'industrie manufacturière s'écraser.
À cet égard, monsieur Laliberté, vous avez dit que vous aviez peut-être des débuts de solutions à proposer aux véritables tenants de la défense, du développement et de la protection de notre industrie manufacturière. Que suggérez-vous aux membres du comité?
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Je crois qu'il faut agir sur plusieurs tableaux.
Premièrement, il faut absolument s'occuper de l'ajustement de la main-d'oeuvre. Il est vrai que certaines industries prennent de l'expansion. Il faut s'assurer que les gens qui seront déplacés recevront la formation nécessaire. Cela dit, nous constatons que les ressources n'existent pas. Même dans un contexte de croissance et d'excédent budgétaire, elles n'existent pas. Il n'y en a pas autant qu'il le devrait.
Deuxièmement, il faut développer des stratégies. Il est certain qu'un repositionnement de l'industrie manufacturière doit se faire au Canada. Nous ne pouvons pas faire des produits bas de gamme dans le contexte mondial actuel. Cela peut changer, mais en ce moment, cette stratégie n'est pas viable. Toutefois, il existe des créneaux prometteurs dans chaque industrie. Pour les développer, il faut avoir l'information et il faut que les entreprises, surtout les PME mal équipées pour la veille technologique et la veille au marché, aient accès à des services directs qui les aident à se repositionner et à moderniser leurs équipements.
Troisièmement, le Canada doit agir sur le plan macroéconomique. En ce moment, le fait que dollar vaille plus d'un dollar américain est une catastrophe ambulante. C'est en grande partie le résultat d'un boom des ressources et de spéculations sur la devise. Cela vient du fait que les gens veulent acheter des actifs associés à ce boom.
C'est exactement cela, le mal hollandais. Notre économie risque de s'écraser parce qu'un secteur va très bien. À cet égard, nous suggérons que l'obligation de s'occuper du niveau de notre devise fasse partie du mandat de la Banque du Canada. On ne peut pas se permettre une négligence comme celle qui a cours en ce moment. De plus...
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C'était la première chose.
Deuxièmement, il y a des mesures qui peuvent être adoptées. En fait, à partir du moment où on identifie les flux spéculatifs ou de capitaux à court terme comme étant une source du problème, il y a des choses que les autorités monétaires au Canada peuvent faire pour ralentir ou endiguer ce phénomène. Il faut seulement avoir la volonté et l'imagination pour les mettre en oeuvre. Il y a des pays asiatiques émergents qui ont utilisé beaucoup de ces mesures par le passé, précisément pour se donner une marge de manoeuvre pour leur politique macroéconomique.
Troisièmement — et je pense que c'est un des écueils les plus importants —, la Chine se donne un avantage concurrentiel qui est absolument déloyal, d'une part en manipulant son taux de change et, d'autre part, en l'associant avec le dollar américain qui tombe et qui tombe. En vertu des accords de libre-échange qu'on a signés à l'OMC, absolument rien ne nous empêche, monsieur le président, d'adopter des tarifs compensatoires pour endiguer cette concurrence déloyale. Les Américains en parlent, et nous, je dirais qu'on s'écrase comme d'habitude. Je pense qu'il faudra que le Canada et d'autres pays commencent à faire valoir que ce désordre monétaire ne peut pas fonctionner.
Merci.
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Merci beaucoup, j'apprécie votre éclaircissement.
Monsieur Beatty, il doit vous sembler qu'il y a longtemps que nous avons commencé cette réunion, mais vous avez soulevé quelque chose de très intéressant au sujet des obstacles au commerce interprovincial. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'Accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'oeuvre signé l'an dernier par la Colombie-Britannique et l'Alberta.
Un des objectifs auxquels nous souscrivons — et je pense que le gouvernement est sur la bonne voie, et le ministre l'a dit — c'est l'élimination des obstacles au commerce interprovincial. Les problèmes de ce genre doivent être réglés. Ce qui illustre bien l'effet de ces barrières, c'est le fait que les échanges commerciaux avec les États-Unis et le Mexique sont plus faciles, grâce à l'Accord de libre-échange nord-américain, que ceux entre les provinces.
Je voulais seulement connaître votre position du point de vue d'une petite entreprise.
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En fait, on est déjà concurrentiels en matière de taxation. Il y avait une petite différence au niveau de la taxation sur le capital, mais elle est en train de disparaître. Alors, si du soutien devait être offert, ce serait plutôt une aide ciblée. Sans être lui-même le producteur, le gouvernement pourrait à mon avis être un accompagnateur pour l'industrie. On a besoin de ce soutien. En effet, dans le monde réel, soit partout ailleurs sur la planète, c'est ce qui arrive. De nos jours, aucune industrie majeure ne se développe sans que le gouvernement en place lui offre un soutien très constant et procède à des achats publics. Ça viole les règles du manuel de base de l'économie, mais c'est la réalité. On ne parle pas ici d'une idéologie à l'intérieur de laquelle toutes les choses se règlent d'elles-mêmes.
Un effort de concertation serait nécessaire, mais nous observons qu'au Canada, la chose est difficile. Je ne sais pas pourquoi. Au Québec, on y arrive parfois plus facilement, mais au Canada, il semble plus difficile de faire en sorte que les gens s'assoient ensemble.
Contrairement à M. Beatty, je ne crois pas que les facteurs monétaires soient mineurs, malheureusement. J'aimerais bien qu'ils ne soient qu'une nuisance bénigne. Or, leur influence est majeure. La raison pour laquelle on semble énervé et excité relativement à cette question est qu'on n'a pas l'impression qu'à Ottawa, les gens se rendent compte de son caractère urgent. Nous ne sommes pas en récession. La planète vient de connaître ses cinq meilleures années de croissance depuis le début des années 1970. Ça s'est produit dans bien d'autres secteurs. Par contre si, comme bien des gens l'envisagent, les Américains ont à faire face à une récession au cours des prochains mois, ça va être très laid.
À ce sujet, je pense qu'il faut avoir suffisamment d'honnêteté intellectuelle pour admettre qu'il va falloir être plus créatifs et développer entre nous un esprit de concertation. C'est en effet ce qu'il va falloir faire pour être en mesure de faire face à cette situation. Je suis un peu désolé d'entendre que certains essaient encore de tirer la couverture de leur bord. Je pense qu'il va falloir mettre de côté ce genre de comportement.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je serai bref.
Nous avons entendu des déclarations fort troublantes. Je n'aime pas montrer un témoin du doigt, mais la première déclaration de M. Laliberté m'a beaucoup préoccupé.
Vous avez laissé entendre que nous devrions ramener le dollar à une valeur de 75 ¢ américains. Cela me préoccupe énormément. Cela sous-entend que les entreprises canadiennes ne peuvent pas être concurrentielles à moins que notre dollar ne vaille 75 ¢ américains. C'est inquiétant.
Vous avez parlé de la créativité et de la collaboration, mais vous n'avez fourni aucune proposition pour réaliser ces choses. Cela m'inquiète, le fait travailler plus efficacement sans s'attendre à des bénéfices.
Pourriez-vous préciser vos propos?