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Merci, et bonjour, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle Michael Conway, et je suis heureux de présenter, au nom de Dirigeants financiers internationaux Canada, notre point de vue au sujet de votre étude sur le régime canadien de perception des recettes fédérales.
DFI Canada est une association professionnelle bénévole organisée en 11 sections régionales partout au pays représentant plus de 2 100 hauts dirigeants financiers canadiens.
Les recommandations que nous vous présentons sont le résultat des efforts collectifs de notre Comité sur les impôts, formé de hauts dirigeants financiers qui représentent les différents secteurs de l'économie canadienne, et présidé par Barry Gorman, qui m'accompagne aujourd'hui.
Notre mémoire porte principalement sur trois éléments clés jugés indispensables à la création d'un contexte économique viable: la compétitivité, l'efficacité et l'obligation de rendre compte des dépenses fédérales.
La compétitivité est essentielle à la prospérité à long terme et, dans certains cas, à la survie des entreprises canadiennes. Elle suppose l'utilisation la plus efficace possible des ressources, notamment le capital et la main-d'œuvre selon le degré souhaité de qualité du produit, l'accès au capital nécessaire pour investir dans des machines et de l'équipement modernes, des taux de productivité plus élevés ainsi que de meilleurs programmes de formation.
En raison des changements démographiques, le Canada fait face à une grave pénurie de main-d'œuvre. Nous devons attirer et garder les meilleurs et les plus brillants éléments qui possèdent le savoir-faire voulu pour accroître la productivité et la compétitivité. Par conséquent, nous prions instamment le gouvernement de prévoir des mécanismes pour appuyer les entreprises canadiennes qui créent des retombées économiques, d'encourager leur expansion à l'échelle mondiale et d'améliorer le climat commercial au pays.
Un régime fiscal favorable est indispensable pour accroître la compétitivité de l'économie canadienne. Cela dit, nous présentons des recommandations concernant trois sujets: l'imposition des sociétés, la formation et le perfectionnement des ressources humaines, et la libre circulation des capitaux.
Je commencerai par l'imposition des sociétés. Nous avons trois recommandations spécifiques à cet égard.
Premièrement, accélérer la réduction du taux d'imposition des sociétés. DFI Canada félicite le gouvernement d'avoir procédé à des réductions, mais il convient de noter que le taux d'imposition réel est encore trop élevé. DFI Canada est d'avis que l'impôt des sociétés au Canada doit permettre aux entreprises de chez nous de soutenir la concurrence internationale afin d'être davantage productives et d'attirer des investissements étrangers directs. Il nous suffit de prendre exemple sur de nombreux pays étrangers, notamment l'Irlande, qui ont réduit considérablement le taux d'imposition des sociétés depuis 1980 afin d'attirer des capitaux de plus en plus mobiles.
Deuxièmement, réduire les trop nombreux avantages fiscaux qui ne sont pas neutres. Certaines entreprises invoquent les divers incitatifs fiscaux comme moyen de réduire le fardeau du taux d'imposition prévu par la loi, ce qui se traduit par d'importants écarts entre les taux d'imposition des différentes industries au Canada. On constate une plus grande disparité lorsque les taux provinciaux d'imposition des sociétés et les crédits provinciaux sont pris en compte.
Troisièmement, encourager les provinces à normaliser leur structure de taux d'imposition des sociétés et à éliminer l'impôt sur le capital qu'elles appliquent encore.
Examinons maintenant la formation et le perfectionnement des ressources humaines. DFI Canada presse le gouvernement d'aider activement les entreprises canadiennes à rehausser les compétences et les qualifications de la main-d'œuvre de deux manières spécifiques: d'abord, en élargissant la définition des frais d'études et de formation admissibles; puis, en instaurant un crédit d'impôt remboursable pour les études et la formation menant à un diplôme.
Les entreprises répondent aux incitatifs fiscaux qui ont des retombées positives sur leurs activités. Un crédit pour la formation de la main-d'œuvre encouragera les entreprises à accroître leurs dépenses dans ce domaine crucial.
DFI Canada recommande aussi au gouvernement de mettre sur pied un centre de formation continue en milieu de travail, afin de favoriser la création d'un groupe de champions mondiaux et la formation continue. Vous trouverez de plus amples détails à ce sujet dans notre mémoire. Ce genre de programme profiterait particulièrement aux petites et moyennes entreprises.
Notre dernière recommandation en ce qui concerne la compétitivité est la nécessité d'établir la libre circulation des capitaux. Nous pressons le gouvernement de continuer à réduire la retenue à la source qui s'applique aux dividendes versés à des non-résidents, à tout le moins, suivant le modèle 5 p. 100 et 15 p. 100 privilégié dans la négociation de la plupart des nouveaux traités. Cette réduction entraînerait des pertes de revenus minimales, puisqu'elle s'adresse principalement aux économies émergentes, notamment à l'Inde et à la Chine, dont le taux de retenues à la source est encore élevé.
Par ailleurs, l'élimination complète des retenues d'impôt à la source offrirait aux entreprises canadiennes un meilleur accès aux marchés financiers internationaux, au coût le plus bas possible. Par conséquent, nous aimerions élargir notre proposition en suggérant au gouvernement d'étudier la possibilité d'éliminer l'ensemble des retenues d'impôt à la source.
J'aimerais maintenant passer à notre deuxième catégorie de recommandations, qui concernent l'efficacité. Une mesure fiscale est efficace lorsqu'elle atteint les objectifs visés d'une manière économique. DFI Canada est d'avis que plusieurs éléments du régime fiscal canadien ne sont pas efficaces, ne cadrent pas bien avec la politique fiscale globale, et ne tentent pas de nuire le moins possible à l'équité du régime.
Le régime fiscal canadien est un ensemble trop complexe de mesures fiscales, de règles disparates et de pratiques administratives qui se chevauchent. Par conséquent, les coûts d'observation du régime sont excessifs. Des investisseurs non résidents signalent que le Canada applique d'innombrables règles fiscales et compte de multiples compétences fiscales. Les contribuables ont besoin d'une stabilité et d'une cohérence plus grandes en ce qui a trait à l'élaboration et à l'administration des règles fiscales.
Pour faciliter la transition vers un régime fiscal simplifié, DFIC a deux recommandations à formuler. D'abord, il recommande au gouvernement fédéral de préconiser, de concert avec les provinces, l'adoption d'une taxe de vente nationale harmonisée. De nombreuses sociétés canadiennes font des affaires dans différentes provinces. Or, les taux des taxes de vente diffèrent d'une province à l'autre, et l'assiette fiscale de la TPS et de la TVP n'est pas la même. Les inscrits aux fins de la taxe de vente doivent soumettre des déclarations de taxes de vente à diverses autorités taxatrices et affecter des ressources à bon nombre d'examens, de demandes et de vérifications d'ordre fiscal. Dans les provinces où la taxe est harmonisée, les entreprises reçoivent la partie provinciale de la TVH appliquée sur les achats, qui est actuellement de 8 p. 100. Dans les provinces qui n'ont pas harmonisé leur taxe de vente, les entreprises peuvent recouvrer uniquement la TPS qu'elles paient sur leurs achats, ce qui n'est pas le cas pour la TVP. Le passage à une taxe de vente harmonisée permettrait aux entreprises situées dans ces provinces de recouvrer toutes les taxes de vente qu'elles paient.
Une plus grande harmonisation des taxes de vente provinciales avec la TPS accroîtrait la concurrence et réduirait les frais d'observation car les contribuables et le gouvernement auraient à traiter avec une seule autorité taxatrice. Une taxe de vente harmonisée contribue à l'efficacité du régime fiscal. Dans les provinces de l'Atlantique, l'harmonisation n'a apparemment pas occasionné une diminution des recettes fiscales provinciales ni une augmentation des prix à la consommation.
DFIC recommande de ne pas réduire la TPS en deça du niveau actuel, car il faudrait alors trouver d'autres sources de recettes ou réduire les dépenses pour combler le manque à gagner.
Notre deuxième recommandation visant l'efficacité consiste à presser le gouvernement de mettre en place les déclarations d'impôt unique pour les groupes ou un système de transfert des pertes fiscales. Le Canada est le seul pays du G7 qui n'autorise pas la déclaration d'impôt unique pour les groupes, que ce soit sous forme de consolidation des taxes ou de transfert des pertes. Une étude menée par DFIC montre que certaines sociétés consacrent chaque année plus de 1 000 personnes-heures ou plus de 500 000 $ en honoraires versés à des spécialistes, pour l'élaboration de stratégies fiscales complexes dont le seul objectif pourrait être atteint plus efficacement par une déclaration unique pour les groupes. La mise en oeuvre de la présente proposition réduira les coûts d'observation des groupes de sociétés. Ce sera particulièrement avantageux pour les petites et moyennes entreprises, qui ne peuvent se permettre une planification fiscale élaborée.
Notre troisième et dernière catégorie de recommandations concerne l'obligation de rendre compte des dépenses fédérales. Les dépenses du gouvernement fédéral ont certainement une incidence directe sur le régime fiscal car le gouvernement doit percevoir les fonds nécessaires pour payer les dépenses engagées au titre des programmes et rembourser la dette nationale. Nous approuvons les initiatives prises récemment par le gouvernement pour réduire les dépenses; cependant, nous avons constaté qu'en 2006-2007, les dépenses fédérales au chapitre des programmes sont revenues au niveau de 1997-1998, qui s'établissait à 13 p. 100 du PIB, et que les dépenses budgétaires ont atteint un sommet en 2006-2007. Une telle évolution ne favorise pas une gestion responsable des ressources financières du gouvernement fédéral. Une stratégie énergique de réduction de la dette abaissera les intérêts au cours des prochaines années, ce qui procurera plus de ressources pour des réductions d'impôt ou pour des augmentations nécessaires aux dépenses de programme.
N'oubliez pas une chose: un tiers de nos dépenses actuellement consacrées aux programmes est réservé à la sécurité de la vieillesse et aux soins de santé, deux domaines dont le coût continuera assurément d'augmenter au même rythme que le vieillissement de la population. Pour répondre à ces besoins grandissants, nous prions instamment le gouvernement de réduire ses dépenses et de maintenir en place la structure actuelle de réduction de la dette.
Nous invitons le gouvernement à réaffecter des fonds dans les secteurs qui stimuleront la croissance économique, notamment les dépenses au chapitre de l'infrastructure comme la recherche et le développement, les transports et l'éducation postsecondaire.
Enfin, DFIC encourage le gouvernement à envisager un examen régulier du régime fiscal, qui est nécessaire pour respecter le principe de transparence et qui permettra de moderniser les lois fiscales canadiennes à intervalles réguliers afin d'appuyer et de maintenir la compétitivité du Canada à l'échelle nationale et internationale.
Mesdames et messieurs, au nom de DFIC, je vous remercie du temps que vous avez bien voulu m'accorder pour présenter nos idées. Si vous avez des questions, M. Gorman et moi-même nous ferons un plaisir d'y répondre.
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Merci beaucoup. C'est avec grand plaisir que je suis ici aujourd'hui, et je remercie les membres du comité de m'avoir invité. Je vous souhaite d'ores et déjà bonne chance dans l'importante tâche que vous avez entreprise, dans l'examen du régime fiscal fédéral.
Je commencerai en expliquant brièvement les objectifs que sert le régime fiscal. Bien sûr, celui-ci n'est qu'un simple instrument stratégique dont dispose le gouvernement pour atteindre ses objectifs sociaux et économiques généraux. C'est pourquoi, peu importe le type d'examen que l'on entreprend, il faudrait selon toute logique commencer à réfléchir aux objectifs que sert et devrait servir le régime fiscal. Je suis donc prêt à faire quelques observations précises, même si elles seront de nature générale.
On entend couramment dire que le régime fiscal sert trois objectifs: premièrement, percevoir des recettes pour financer les dépenses de l'État; deuxièmement, permettre d'atténuer l'inégalité dans la répartition de la richesse et des revenus au sein de la société; et troisièmement, essayer d'influer sur les choix que font les citoyens sur le plan social et économique en ce qui a trait à leurs activités privées.
Le point important que j'aimerais essayer de graver dans l'esprit des membres du comité, c'est que le régime fiscal devrait être notamment mieux conçu pour servir les deux premiers objectifs, c'est-à-dire percevoir des recettes et permettre la répartition équitable des revenus au sein de la société. Il faudrait toutefois l'utiliser avec beaucoup de parcimonie, et bien plus qu'il ne l'a été jusqu'à présent, pour servir le troisième objectif, c'est-à-dire essayer de s'attaquer à diverses formes d'ingénierie sociale et économique.
Donc, l'objectif principal du régime fiscal consiste, bien sûr, à percevoir des recettes pour financer les dépenses du gouvernement. Dans les sociétés modernes, les gouvernements sont appelés à remplir des fonctions importantes et qui ne peuvent être remplacées. C'est pourquoi il est absolument crucial que le gouvernement dispose d'un régime fiscal qui lui permette de percevoir des recettes substantielles de manière équitable et efficace.
Je souhaite ajouter trois points secondaires à ce sujet. Tout d'abord, je ferai remarquer que selon les normes internationales, et je suis sûr que vous le savez aussi bien que moi, le Canada est un pays où les impôts sont relativement peu élevés, et il en a toujours été ainsi. Par exemple, en 2005, la dernière année pour laquelle il y a des statistiques que l'on peut comparer, les impôts moyens dans les pays de l'OCDE s'élevaient à environ 36,2 p. 100 du PIB. Au Canada, ceux-ci s'élevaient à seulement 33,4 p. 100 du PIB, soit presque trois points de pourcentage de moins que la moyenne des pays industrialisés et environ cinq points de pourcentage de moins que la moyenne des pays européens. Au Canada, le montant des taxes et impôts perçus s'est toujours situé bien en deçà de la moyenne internationale en pourcentage du PIB; cela signifie que le Canada a toujours été un pays où les impôts sont peu élevés. C'est pourquoi, si on devait chercher la cause d'un malaise quel qu'il soit dans l'économie ou la société canadienne, rien sur le plan international, ne lui permettrait de prouver que le malaise est attribuable à des impôts élevés.
De plus, je me permets de souligner que lorsqu'on compare les pays où les impôts sont élevés et ceux où ils ne le sont pas, on constate que dans le premier cas, les résultats sur le plan social sont bien meilleurs que dans le deuxième et que la qualité de vie du citoyen moyen y est meilleure aussi.
J'illustrerai mon propos en prenant l'exemple des États-Unis. Dans ce pays, où les impôts sont relativement peu élevés, 22 p. 100 des enfants vivent dans des familles dont le revenu se situe en deçà du seuil de la pauvreté, tandis que dans les pays nordiques, où les impôts sont relativement élevés, le pourcentage d'enfants qui vivent en deçà du seuil de la pauvreté se situe à 3 ou à 4 p. 100, c'est-à-dire un pourcentage minime. En comparaison, au Canada, pays où les impôts sont relativement peu élevés, mais qui se rapproche plus de la moyenne que ne le font les États-Unis, environ 13 p. 100 des enfants vivent dans des familles dont le revenu se situe en deçà du seuil de la pauvreté. De fait, il y a un rapport très étroit entre la pauvreté chez les enfants et le montant des impôts qui sont perçus dans un pays. On peut donc dire que nos impôts, ou plutôt que les impôts élevés, permettent d'acheter une chose, c'est-à-dire un niveau de pauvreté moins élevé.
D'ailleurs, on pourrait affirmer la même chose de presque tout autre indicateur social. Il est difficile de trouver un indicateur social, qu'il s'agisse de durabilité environnementale, d'égalité entre les sexes ou de répartition équitable des revenus, qui ne permette pas de démontrer avec une quasi-certitude le rapport entre les impôts et les bons résultats sur le plan social. En effet, les pays qui perçoivent des impôts élevés et qui obtiennent d'assez bons résultats sur plan social sont ceux où la croissance économique est relativement élevée et le bien-être matériel des citoyens aussi. Donc, si l'on observe la situation mondiale, il ne semble pas y avoir de contradiction entre le fait qu'une société soit équitable et le fait qu'elle connaisse un taux élevé de croissance économique. Dans l'ensemble, on constate sur le plan international que les politiques qui sont financées grâce à des impôts élevés contribuent non seulement à l'atteinte de meilleurs résultats sur le plan social et au renforcement de la démocratie, mais aussi à l'épanouissement d'une main-d'œuvre très éduquée, très productive et en santé.
Le deuxième point secondaire que je veux souligner au sujet de l'objectif du régime fiscal, c'est que pour percevoir des recettes suffisantes afin de financer les fonctions d'un gouvernement moderne, le gouvernement doit absolument pouvoir compter sur une large répartition des impôts. Qu'il s'agisse des taxes à la consommation, de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les traitements et salaires ou encore de l'impôt sur les sociétés, tous sont d'importantes sources de recettes, et doivent être conçus de manière à permettre de percevoir des recettes de la façon la plus équitable et la plus efficace possible.
Troisièmement, j'aimerais souligner un point évident, c'est-à-dire que les mesures fiscales récentes sembleraient inutilement nuire aux capacités de production de recettes du régime fiscal canadien — par exemple, la réduction de la TPS, qui a supprimé quelque treize milliards de dollars du régime fiscal fédéral; l'introduction d'une pléthore d'échappatoires additionnelles en matière d'impôt sur le revenu, y compris les régimes d'épargne à impôt prépayé, lesquels coûteront au gouvernement des milliards de dollars en recettes perdues dans les années à venir.
D'ailleurs, si vous regardez le plus récent exercice, toutes les taxes perçues par le gouvernement fédéral constituaient environ 13,7 p. 100 du PIB, ce qui est inférieur au niveau de taxes perçues par le gouvernement fédéral en pourcentage du PIB en 1960, malgré les nombreux besoins additionnels que semble avoir notre société aujourd'hui.
Voilà mon premier point. Le principal objectif du régime fiscal est de produire des recettes. Le comité devrait donc examiner le régime pour s'assurer qu'il permet de produire des recettes relativement importantes et qu'il le permettra dans l'avenir.
Deuxièmement, outre la production de recettes, la plupart des gens s'entendent pour dire que le régime fiscal est un instrument stratégique utile aux fins d'une distribution plus appropriée du revenu sur le plan social et moral que celle qui résulte uniquement des forces du marché.
Deux choses semblent indiquer que ce comité, dans son examen du régime fiscal canadien, devrait en particulier se préoccuper de cette fonction importante du régime fiscal.
Tout d'abord, le revenu est distribué de façon de plus en plus inégale au Canada. Chaque mesure de la distribution du revenu et de la richesse indique que le revenu réel de la famille moyenne stagne essentiellement depuis trente ans, tandis que les riches deviennent beaucoup plus riches. Par exemple, en 1980, les personnes comptant parmi le 1 p. 100 de la tranche de population touchant les plus gros revenus se sont attirées environ 7,5 p. 100 du revenu national; en 2000, cette proportion était de 13,5 p. 100. La concentration accrue de revenu et de richesse est stupéfiante, et elle aura de graves répercussions sociales et économiques pour le pays. Elle en viendra à menacer notre prospérité économique, à éroder la cohésion sociale, à augmenter l'insécurité économique, à dégrader la santé publique, à fausser l'affectation des ressources et des compétences, à éliminer les « acquis » de la vie publique, à miner les valeurs démocratiques et, au bout du compte, à freiner l'essor et la richesse de la société canadienne.
Parallèlement à cette distribution de plus en plus inégale du revenu, nous assistons à une baisse des taux réels d'imposition auxquels sont assujettis les personnes gagnant d'importants revenus. J'aimerais une fois de plus vous présenter des chiffres. En 1990, les personnes comptant parmi le 1 p. 100 de Canadiens gagnant les plus gros revenus se sont départies d'un pourcentage beaucoup plus important de leur revenu que ceux figurant parmi les derniers 10 p. 100, toutes taxes confondues. En 2005, les personnes comptant parmi le 1 p. 100 de la tranche de population touchant les plus importants revenus payaient moins de taxes en pourcentage de leur revenu que les personnes comptant parmi les derniers 10 p. 100. Cela est tout à fait scandaleux à mon avis, et je presserais les membres de ce comité, pendant leurs délibérations, d'envisager des moyens de rendre le régime fiscal plus progressif.
Enfin, la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit maintenant une diversité déconcertante de programmes implicites de dépenses, mesures par l'entremise desquelles le gouvernement tente d'influencer les choix sociaux et économiques des personnes. En effet, il en existe plus de 150 juste pour l'impôt sur le revenu, peu importe la façon dont on s'y prend pour les compter. Bien évidemment, au cours des deux dernières années, le gouvernement a grandement accru le nombre de ces programmes, que ce soit en contribuant davantage aux régimes enregistrés d'épargne-études, en déclarant les bourses d'études exemptes d'impôt, en offrant un crédit d'impôt pour le transport en commun et un crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, ou en éliminant les gains en capital sur les actions cotées en bourse faisant l'objet de dons à des fondations privées. Ces mesures — et, comme je l'ai dit, la Loi de l'impôt sur le revenu en prévoit plus de 150 — n'ont absolument rien à voir avec le régime fiscal. Elles sont des mesures de dépenses, même si le gouvernement ne cesse de les appeler des réductions d'impôt. Il ne s'agit pas de réductions d'impôt, il s'agit de mesures de dépenses.
Par exemple, en ce qui a trait au crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, ce que le gouvernement dit essentiellement, c'est qu'il s'acquittera d'un quart des frais payés par les familles qui, disons, dépensent 500 $ pour inscrire leur enfant à une école de hockey. Alors, dit-il, envoyez-nous vos reçus attestant des 500 $ qu'il vous a fallu payer pour envoyer votre enfant suivre un quelconque programme de conditionnement physique, et nous vous émettrons un chèque de 125 $. C'est un programme de dépenses. Mais au lieu d'émettre le chèque, ce que le gouvernement dit, c'est « Eh bien, au lieu de vous émettre un chèque, nous allons vous laisser déduire le montant de vos impôts en conséquence », et c'est ce que font les gens. Cela n'a rien à voir avec le régime fiscal, hormis le fait que ce montant est compensé par une obligation fiscale amoindrie; c'est ainsi qu'est versée la subvention. Cela n'en fait pas une mesure fiscale. C'est une mesure de dépenses qui s'adonne à être versée par l'entremise du régime fiscal, qui permet aux gens de réduire leurs impôts en conséquence.
La plupart de ces programmes implicites de dépenses dans le cadre du régime fiscal sont inéquitables, dans la mesure où ils servent l'une ou l'autre des fonctions légitimes du gouvernement. Ils entraînent un manque d'efficacité. Ils mènent à des abus. Ils ne sont pas transparents. Le gouvernement n'a aucun contrôle sur les dépenses. Il complique le régime fiscal, et le rend injuste.
Le véritable chemin menant à une réforme fiscale efficace et équitable consisterait, pour le présent comité, à revoir toutes ces dépenses fiscales prévues dans la Loi et à abolir celles qui ne remplissent aucune fonction gouvernementale utile, ou encore celles qui sont si mal conçues qu'elles constituent simplement un gaspillage des deniers publics.
Pour celles qui restent, celles que vous voulez garder, si vous avez toujours l'intention de garder ces programmes de dépenses et de comparer les recettes ou les dépenses des gens, retirez tous ces programmes du régime fiscal et regroupez-les sous une loi distincte. En réalité, dites aux particuliers qu'à partir du moment où ils sont admissibles à l'un de ces programmes de dépenses, s'ils veulent continuer à les appliquer de cette façon-là, ils peuvent défalquer le montant auquel ils ont droit de leurs impôts à payer. Regroupez ces programmes de dépenses dans une loi distincte et incorporez-les au processus budgétaire, comme dans le cas de tous les autres programmes de dépenses gouvernementaux, de sorte que les Canadiens puissent en connaître le coût véritable et voir quels sont ceux qui en bénéficient. Je crois que si vous faisiez cela, la plupart des Canadiens seraient consternés devant le coût de ces programmes et la mesure dans laquelle ceux-ci profitent surtout aux familles bien nanties.
Merci.
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Merci, merci beaucoup de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui.
Je veux tenter aujourd'hui d'établir une comparaison entre le régime fiscal canadien et ceux des autres pays de l'OCDE. Au cours de mon exposé, je me référerai à quelques-uns des diagrammes qui, je crois, vous ont été fournis.
Il y a tout d'abord un diagramme faisant état des recettes fiscales en pourcentage du PIB. Comme M. Brooks vient de l'indiquer, on peut voir qu'au Canada, les recettes fiscales exprimées en pourcentage du PIB sont légèrement inférieures à la moyenne des pays de l'OCDE. Et j'ajouterai qu'il s'agit des recettes fiscales provenant de tous les ordres de gouvernement, c'est-à-dire les impôts fédéraux, provinciaux et locaux.
Si l'on s'arrête maintenant à la répartition des impôts, on constate que, comparativement à la plupart des pays de l'OCDE, le Canada est un pays qui tire une part relativement élevée de ses recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers, une proportion relativement faible de ses recettes des cotisations à la sécurité sociale, et une part légèrement inférieure à la moyenne — mais très peu — de la taxe sur les produits et services.
Je crois que votre principal intérêt porte sur les taux d'imposition réels; je poursuivrai donc en parlant des tendances constatées en ce qui a trait aux principaux taux d'imposition des sociétés au cours des quelque 25 dernières années.
Ce que nous pouvons voir, c'est qu'au cours des 25 dernières années, les taux d'imposition des sociétés ont connu une diminution des plus spectaculaires dans l'ensemble des pays de l'OCDE, et je dois dire qu'en fait, cette tendance se poursuit. Par exemple, ce diagramme indique, comme chiffres les plus récents, les taux d'imposition des sociétés pour 2007; mais au début de 2008, l'Allemagne a ramené son taux d'imposition des sociétés de 38 ou 39 p. 100 à un peu moins de 30 p. 100. Alors si nous tenons compte de ce changement, le Canada présente en fait, aujourd'hui, le troisième taux d'imposition des sociétés le plus élevé parmi les pays de l'OCDE.
À la page suivante figure un tableau comparatif des taux d'imposition des sociétés. On peut constater que les pays de l'OCDE de grande taille sont en mesure de supporter un taux d'imposition des sociétés plus élevé que les petits pays membres de l'OCDE, et que ces derniers appliquent non seulement des taux d'imposition aux sociétés qui sont inférieurs, mais également qu'ils ont réduit ces taux plus rapidement. Considérant que le Canada est un pays de taille moyenne au sein de l'OCDE, on peut voir qu'en 2007, le taux moyen d'imposition des sociétés pour les pays de taille moyenne membres de l'OCDE s'établissait aux alentours de 30 p. 100, ce qui est nettement inférieur au taux actuel d'imposition des sociétés au Canada.
Le taux d'imposition sur le revenu de dividendes est un autre sujet de préoccupation pour la plupart des pays. Le graphique suivant fait donc état, pour les années 2000 et 2007, du taux d'imposition global sur le revenu de dividendes, l'impôt versé par les sociétés et l'impôt sur le revenu personnel en dividendes étant tous deux pris en compte. On peut voir ici, encore une fois, que presque tous les pays, du moins tous les pays figurant dans le tableau — presque tous — présentent une diminution substantielle de l'impôt perçu sur le revenu de dividendes. Certes, le Canada a suivi la tendance, mais on peut voir qu'il se situe au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE. C'était le cas en 2000, et c'est toujours le cas en 2007. Encore une fois, le Canada applique, en comparaison, un taux d'imposition élevé.
Les incitatifs consentis en matière de recherche et de développement constituent un autre volet du régime fiscal des sociétés, et le diagramme suivant nous montre où se situe le Canada par rapport aux autres pays de l'OCDE. Les bâtonnets noirs du diagramme montrent que le Canada consent aux grandes sociétés des incitatifs en matière de recherche et de développement qui, sans être extrêmement généreux, sont relativement attrayants. Mais le petit losange qui figure au-dessus indique que le Canada consent aux petites et moyennes entreprises un incitatif fiscal en matière de recherche et de développement qui est exceptionnellement élevé, soit le troisième plus important au sein de l'OCDE.
Passons maintenant à l'imposition du revenu provenant du travail. On peut voir que le Canada, à l'instar d'autres pays de l'OCDE, a réduit substantiellement son taux d'impôt sur le revenu des particuliers au cours des quelque 25 dernières années. Son taux d'impôt sur le revenu des particuliers le plus élevé se situe plus ou moins à mi-chemin de ceux qui sont appliqués dans les autres pays de l'OCDE. Toutefois, nous avons plus souvent recours à ce qu'il est convenu d'appeler l'écart dû à la fiscalité comme outil de mesure de l'imposition du revenu provenant du travail. Comme son nom l'indique, cet outil permet de mesurer l'écart entre ce qu'il en coûte à l'employeur pour faire travailler un employé et le chèque de paye qu'encaisse ce même employé.
On peut voir dans le graphique que le Canada se situe nettement sous la moyenne des pays de l'OCDE. Nous avons subdivisé chaque bâtonnet en impôt sur le revenu personnel, en cotisations aux contributions de l'employé à la sécurité sociale et en cotisations ou contributions de l'employeur à la sécurité sociale, et le graphique montre que ce n'est pas parce que le Canada applique un taux d'imposition particulièrement bas sur le revenu des particuliers que le fardeau fiscal dans son ensemble est peu élevé, mais plutôt parce que les cotisations ou contributions à la sécurité sociale sont nettement inférieures à la moyenne dans les pays de l'OCDE.
Le diagramme suivant illustre la situation d'un travailleur célibataire qui gagne le salaire moyen. On peut voir, dans le cas présent, que presque tous les pays de l'OCDE ont réduit l'écart dû à la fiscalité entre 2000 et 2006, et que le Canada a suivi cette tendance.
Le graphique suivant présente l'écart dû à la fiscalité pour un parent seul. Généralement, les parents seuls ne gagnent pas autant que le travailleur moyen, de sorte que nous nous sommes fondés sur un salaire correspondant environ aux deux tiers du salaire moyen. On peut voir que le Canada applique un taux d'imposition global très peu élevé sur le revenu salarial des parents seuls, environ le même qu'aux États-Unis, et nettement moindre que dans presque tous les autres pays de l'OCDE. Seules la Nouvelle-Zélande et l'Irlande se montrent nettement plus généreuses à l'endroit des parents seuls dont le revenu se situe à ce niveau. En fait, ces deux pays appliquent un impôt négatif.
Le dernier diagramme sur le revenu provenant du travail fournit un aperçu très simple de la progressivité du fardeau fiscal relatif à ce revenu. On peut voir que le régime fiscal canadien affiche une progressivité légèrement inférieure à la moyenne, et que cette progressivité a connu une baisse entre 2000 et 2006. Toutefois, je dois ajouter qu'à mon avis, ces chiffres montreraient une progressivité en hausse si l'année 2007 était prise en compte, en raison des changements apportés cette année-là à votre régime d'impôt sur le revenu des particuliers.
Permettez-moi finalement de passer aux graphiques établissant une comparaison en ce qui a trait aux taxes à la consommation.
À l'instar de tous les pays de l'OCDE sauf un, le Canada applique une taxe sur la valeur ajoutée que vous appelez taxe de vente générale. Les États-Unis font, bien entendu, exception. Le bâtonnet noir représente le taux standard de votre taxe de vente générale en 2007. Je dois préciser, ici, que le taux indiqué est le taux fédéral, et non le taux combiné des taxes fédérale et provinciale, alors que les recettes figurant dans le graphique proviennent à la fois de la taxe à valeur ajoutée ou taxe de vente générale du gouvernement fédéral et des provinces. On peut voir ici que le Canada tire une part relativement peu élevée de son revenu de la TPS.
Le dernier diagramme présente une comparaison des taxes liées à l'environnement. Dans la plupart des pays, il s'agit principalement des taxes sur les véhicules automobiles et sur les carburants, mais il existe également d'autres taxes de moindre importance. On peut voir que le Canada fait nettement partie du groupe des pays où l'application de taxes liées à l'environnement n'est pas systématique. Il s'inspire davantage du modèle nord-américain, avec des taux qui sont comparables à ceux du Mexique, légèrement supérieurs à ceux des États-Unis, et de beaucoup inférieurs à ceux que l'on rencontre dans la plupart des pays européens.
Ici se termine mon exposé. Je vous remercie beaucoup de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, j’utiliserai 10 à 20 secondes de mon temps de parole pour faire remarquer que, malgré tout le respect que je dois à ces quatre messieurs, la motion que M. Pacetti et moi avons présentée portait sur la politique fiscale et sur l’imposition par rapport aux dépenses.
Nous en sommes rendus là entre autres parce que nous faisons de notre mieux pour… Et je sais que nous sommes en politique et qu'il y a de la partisanerie, mais on peut voir que, lorsqu'on commence à parler de dépenses, les remarques partisanes fusent pour voir qui peut dépenser le plus efficacement l'argent des contribuables.
Ce n'est peut-être qu'un commentaire général, monsieur le président, pour dire que, si nous faisons un ajout à la motion, nous devrions le faire formellement et dire que nous allons aussi demander l'avis de nos spécialistes de la politique fiscale sur la manière de dépenser l'argent des contribuables. Autrement, il est très difficile de traiter la question, et je crois qu'il est très difficile pour nos recherchistes et nos analystes de nous fournir une bonne indication de la teneur des conseils que vous nous donnez, messieurs.
Je ne veux pas dire que vous ne nous donnez pas de bons conseils, mais plutôt qu'ils se perdent lorsqu'on s'embourbe dans le sujet.
Monsieur Brooks, vous avez parlé des difficultés relatives à la politique fiscale actuelle — qu'il s'agisse des dix, cinq ou deux dernières années — pour ce qui est de trouver un moyen d'aider ceux qui sont au bas de l'échelle salariale.
Ma question s'adresse à vous quatre. Elle porte sur certaines mesures que nous avons prises et vise à savoir si nous devrions continuer dans la même voie. Nous avons relevé le seuil d'exemption de l'imposition fédérale pour ceux qui sont au bas de l'échelle salariale. Par exemple, en 2006, environ 625 000 personnes à faible revenu ont cessé d'être imposées par le gouvernement fédéral et, en 2008, 300 000 personnes additionnelles ont été exonérées.
Cela m'amène à tous vos commentaires sur la taxe à la consommation. Nous devons, du point de vue politique, nous préoccuper des plus démunis, et non nous préoccuper seulement de la politique fiscale. J'aimerais donc que vous me parliez de cette perspective. Quand ceux qui sont au bas de l'échelle salariale ne sont plus imposés par le gouvernement fédéral, comment, selon vous, pouvons-nous faire bénéficier ces particuliers et ces familles?
Je connais votre opinion sur ce que nous avons proposé, mais je vous demande si vous pouvez suggérer quelque chose de mieux, à l'exception de la réduction de la taxe à la consommation, du maintien du crédit pour TPS et d'une forme de crédit pour ces gens. Ils ne sont plus imposés par le gouvernement fédéral, ce qui est positif, mais ils se situent tout de même dans la tranche de revenu la plus basse au pays.