:
Merci beaucoup de me donner l'occasion de venir vous parler un peu de l'eau et des projets d'exploitation des sables bitumineux et de répondre à vos questions à ce sujet.
Mes études ont porté plus particulièrement sur deux principaux aspects. L'un est la question des eaux souterraines. Je l'ai fait à titre de membre du comité d'experts sur les eaux souterraines au Canada, mis sur pied par le Conseil des académies canadiennes. Je crois que vous avez reçu à tout le moins des copie de sections du rapport. Si vous ne les avez pas reçues, nous serons heureux de vous fournir des copies des Points saillants du rapport — la version résumée du rapport — dans les deux langues officielles.
L'autre aspect dont j'aimerais discuter concerne des travaux précédents que j'ai faits de 2006 à 2008 pour le Fonds mondial pour la nature du Canada concernant les tendances en ce qui concerne le débit de la rivière Athabasca et ce que celles-ci signifient sur le plan de la disponibilité de l'eau pour l'exploitation des sables bitumineux.
Si vous m'accordez suffisamment de temps, je vais tenter d'aborder ces deux questions.
Je suis sûr que vous avez déjà assisté à quelques autres exposés; vous savez donc que, pour récupérer du bitume in situ à environ 75 mètres de profondeur, on injecte de la vapeur pour assouplir le bitume et être en mesure de le pomper jusqu'à la surface. Évidemment, pour injecter de la vapeur, il faut de l'eau, et on utilise habituellement de l'eau souterraine. En ce qui concerne la quantité d'eau, les exploitants des sables bitumineux ont d'abord espéré qu'il faudrait environ un demi-baril d'eau pour chaque baril de pétrole récupéré, mais il semble maintenant que ces quantités étaient nettement inférieures à la réalité. Il est très difficile d'obtenir une bonne estimation. Au départ, on espérait aussi pouvoir utiliser de l'eau souterraine salée, mais il semble y avoir certains problèmes concrets concernant l'utilisation du sel une fois que l'eau est extraite du sol. Les sociétés d'exploitation utilisent donc de grandes quantités d'eaux souterraines naturelles.
Dans le cadre de la réalisation de 11 études de cas — huit au Canada et trois aux États-Unis — visant à avoir une idée de la mesure dans laquelle notre gestion des eaux souterraines est durable, le comité a choisi un certain nombre d'emplacements un peu partout au pays. L'un d'eux était l'emplacement des sables bitumineux.
Pour tirer nos conclusions sur les sables bitumineux, nous nous sommes fortement appuyés sur les travaux du Conseil de recherches de l'Alberta. Des renseignements à ce sujet figurent à la page 148 de notre rapport. Les questions que le Conseil de recherches de l'Alberta a soulevées en 2007 n'ont pas encore obtenu des réponses satisfaisantes, même si, d'après ce que je comprends, on est en voie d'obtenir certaines réponses.
Laissez-moi résumer brièvement ce que disait le Conseil de recherches de l'Alberta. Il disait que de nombreuses questions demeuraient sans réponse.
Comment l'étiage de la rivière Athabasca affecte-t-il les eaux souterraines peu profondes, et comment l'assèchement des aquifères dû aux activités d'extraction affecte-t-il le régime des eaux de surface?
Quels sont les effets de l'augmentation de l'activité minière sur la modification de la couverture végétale ou les effets des détournements d'eaux souterraines vers l'extérieur des zones d'exploitation sur la recharge des eaux souterraines?
Comment les modifications de la qualité de l'eau résultant des perturbations des aquifères et des fuites à partir des bassins de résidus affectent-elles la qualité des ressources en eau souterraine et en eau de surface?
Quelles données sont nécessaires pour appuyer l'affirmation selon laquelle l'injection de vapeur en profondeur et les déchets n'a pas d'effet négatif sur les réseaux d'aquifères régionaux et locaux? Ces données sont-elles disponibles?
Quels sont les objectifs minimaux à l'échelle régionale pour assurer une gestion durable des eaux souterraines?
Enfin, les développements projetés ont-ils des répercussions négatives sur les ressources en eau des territoires voisins, soit les Territoires du Nord-Ouest ou la Saskatchewan, et sur les écosystèmes situés en aval?
Le comité avait conclu que ces projets avaient été mis de l'avant malgré une compréhension totalement erronée du régime des eaux souterraines dans la région et qu'ils avaient des répercussions importantes sur le régime des eaux souterraines.
Nous nous sommes servi de ces travaux comme exemple pour illustrer le fait qu'il est très important de recueillir des renseignements de base sur les eaux souterraines avant de mettre en branle des projets qui peuvent avoir une grande incidence sur les eaux souterraines.
Nous considérons donc que la situation actuelle est plutôt non durable. Nous pourrons en parler plus tard, si vous le souhaitez.
Nous allons maintenant parler de la rivière Athabasca en tant que source d'eau essentiellement pour les activités minières de surface, ce qui suppose que l'on gratte le bitume, en même temps que la tourbe, les arbres et l'eau souterraine peu profonde, jusqu'à une profondeur d'environ 75 mètres, ce qui est beaucoup. Dans ce cas, nous savons que, pour produire un baril de bitume, il faut consommer en moyenne trois barils d'eau douce, provenant essentiellement de la rivière. Cette activité minière à ciel ouvert entraîne aussi une modification des échanges entre les eaux souterraines peu profondes et la rivière et a même anéanti certains petits bassins hydrographiques tributaires et la moitié du très grand bassin hydrographique de 1 500 kilomètres carrés de Muskeg Creek. On prévoit que, quand les projets entraîneront des dépôts d'argile encore plus lourde, il faudra utiliser encore plus d'eau pour récupérer le bitume.
Je vais commencer par aborder la question de la quantité de l'eau. La quantité et la qualité de l'eau sont deux enjeux distincts. Pour l'octroi de permis de prélèvement d'eau, on semble s'être appuyé — j'ai examiné quelques énoncés des incidences environnementales —, pour déterminer la quantité d'eau pouvant être prélevée pour les projets d'exploitation des sables bitumineux, sur un pourcentage du débit annuel moyen à long terme de la rivière, sans tenir compte du fait que le débit de la rivière a diminué depuis les 35 dernières années à cause d'une réduction de 25 p. 100 du glacier Athabasca et à cause d'une évapotranspiration accrue du bassin tout le long du périple effectué par l'eau qui s'écoule de l'Est de l'Alberta jusqu'à la région des sables bitumineux. On parle parfois, dans l'industrie, d'un débit moyen à long terme de 2,2 p. 100, mais ce chiffre n'a aucun intérêt. Des scientifiques de l'eau de partout dans le monde estiment maintenant que la stationnarité est nulle. Cela signifie que la quantité d'eau que contenaient les rivières et les lacs par le passé ne permet absolument pas de prévoir ce que nous verrons dans l'avenir à cause des changements climatiques.
Le fait d'utiliser un débit moyen à long terme présente donc deux importantes lacunes. D'abord, les débits sont beaucoup moins importants en hiver qu'en été puisqu'ils peuvent être 10 fois, et même plus, moins importants que pendant l'été et le printemps; en outre, ce sont les débits hivernaux qui sont essentiels à la protection des écosystèmes dans la rivière. Les tendances ont été vraiment frappantes, comme dans le cas d'autres rivières situées dans le Sud du Canada. Les débits moyens d'été ont diminué de 33 p. 100 depuis 1970, tandis que les débits minimaux d'hiver, qui sont ceux qui nous préoccupent le plus, ont diminué de 27 p. 100 au cours des 10 dernières années par rapport aux années 1970.
Ces tendances se poursuivront certainement et pourraient même s'accélérer en raison de la diminution de la taille du glacier qui alimente la rivière et les eaux d'amont, le glacier Athabasca, et d'une accélération des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Celles-ci ont augmenté d'environ 1,6 partie par million par année jusqu'à 2000 et, depuis 2000, l'augmentation est passée à 1,9 partie par million, par année.
Évidemment, il se peut que le ralentissement économique actuel ait une certaine incidence, mais je ne crois pas que cela durera très longtemps. Je crois que nous sommes sur la voie d'une augmentation encore plus rapide des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère puisque les émissions augmentent.
La sécheresse qui a eu lieu au début des années 2000 et qui a contribué à la diminution du débit était plutôt légère par rapport à des sécheresses passées, selon une analyse des anneaux de croissance des arbres, et devrait être très légère par rapport aux sécheresses qui nous attendent dans l'avenir si les prévisions en matière de changement climatique se révèlent essentiellement justes.
Les débits hivernaux sont les plus faibles de l'année, et l'Alberta a commencé à reconnaître l'importance de tenter de maintenir ces débits en hiver. Les allocations d'eau octroyées à ce jour n'en tenaient pas compte. On a maintenant élaboré un modèle visant à réduire la quantité d'eau requise pour les projets de sables bitumineux pendant les mois d'hiver dans le but de protéger les écosystèmes. Cependant, si vous observez les données, vous constaterez que cela signifie que, dernièrement, au cours d'une année type, les projets de sables bitumineux n'auraient eu que la moitié de l'eau dont ils affirment avoir besoin pour exploiter pleinement les sables bitumineux. C'est un très grave problème; les exploitants de sables bitumineux n'auraient qu'environ un tiers de l'eau dont ils prévoient avoir besoin dans l'avenir pour exploiter pleinement les sables bitumineux.
Il faut reconnaître que seulement environ 10 p. 100 de l'eau prélevée sont renvoyés dans la rivière puisque le reste a été trop pollué pendant le processus. L'eau usée est donc entreposée dans ces énormes bassins ou étangs de résidus, qui couvrent maintenant 50 kilomètres carrés ou plus. Ces bassins ont de fortes concentrations d'acides naphténiques toxiques et d'autres contaminants, comme ont pu le découvrir de nombreux oiseaux migrateurs. À cause des processus utilisés, ces bassins mobilisent aussi l'arsenic qui provient de sources naturelles, dans le bassin hydrographique.
Il est difficile d'obtenir des données fiables parce qu'il y a peu de surveillance indépendante qui s'effectue, mais un exposé présenté à Houston en 2007 révélait que ces contaminants pénétraient dans les eaux souterraines et se retrouvaient déjà dans les sédiments de la rivière.
Il faut reconnaître que la rivière Athabasca est l'affluent le plus au sud du bassin du fleuve Mackenzie et qu'il s'écoule vers le nord, dans l'Arctique. Les répercussions des prélèvements de sables bitumineux ou des prélèvements d'eau, que ce soit d'eau souterraine ou de surface, sur les débits de la rivière Athabasca vers le nord, jusqu'au fleuve Mackenzie, n'ont pas vraiment été pris en compte.
Je recommanderais, personnellement, que le gouvernement fédéral participe à l'effort visant à s'assurer que des négociations seront menées à terme dans le cadre de l'entente sur le bassin Mackenzie concernant une entente ayant force obligatoire en ce qui concerne le partage de l'eau et la protection de la qualité de l'eau, entente qui serait conclue par l'Alberta, les Territoires du Nord-Ouest, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et le Yukon.
Ensuite, le gouvernement de l'Alberta devrait envisager de suspendre l'approbation de tout projet supplémentaire d'exploitation des sables bitumineux et de tout permis connexe de prélèvement d'eau jusqu'à ce que les enjeux les plus critiques soulevés par le Conseil de recherches de l'Alberta soient véritablement dissipés et que des mesures importantes de conservation des eaux soient intégrées au projet. J'ai entendu dire que Suncor avait réduit ses besoins en eau d'environ 30 p. 100. Qu'attendons-nous, pour l'amour de Dieu, pour exiger qu'ils le fassent tous?
Il faut aussi s'assurer que les normes de débit minimal peuvent être respectées si l'on veut protéger les écosystèmes et la santé des personnes dans la région du cours inférieur de l'Athabasca face aux changements climatiques et à la diminution du débit de la rivière Athabasca. Les sociétés doivent réduire leurs besoins en eau grâce à un certain nombre de processus, qu'elles connaissent bien mieux que moi.
Étant donné que les projets d'exploitation de sables bitumineux seront probablement les plus touchés par les changements climatiques, les exploitants devraient redoubler d'efforts ou faire de grands efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de ne pas exacerber un problème qui les touchera très bientôt, et qui les touche même maintenant.
Un autre aspect à souligner, c'est que nous examinons la question de l'eau, mais les émissions dans l'atmosphère provenant de l'exploitation des sables bitumineux ont une incidence sur l'eau située dans le sens du vent, en Saskatchewan et dans les Territoires du Nord-Ouest, puisque les polluants sont transportés par voie aérienne et ont une incidence, entre autres, sur les pluies acides.
C'étaient mes suggestions pour améliorer l'engagement du gouvernement fédéral dans ce projet.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Comme vous l'avez mentionné, je suis Mark Corey, sous-ministre adjoint du Secteur des sciences de la Terre du ministère des Ressources naturelles. Je suis accompagné de M. David Boerner, qui est directeur général de la Commission géologique du Canada, et de M. Alfonso Rivera, qui est spécialiste et gestionnaire de notre Programme de cartographie des eaux souterraines.
[Traduction]
Je vais simplement vous donner un bref aperçu, puis David pourra vous présenter son exposé en détail.
Nous mettons l'accent véritablement sur l'eau et sur ses déplacements souterrains au Canada, plus particulièrement sur les aquifères importants. Nous aimerions vous donner un bref aperçu du programme géoscientifique des eaux souterraines afin de vous faire connaître le contexte dans lequel nous travaillons.
Pour commencer, nous estimons que les eaux souterraines constituent une ressource essentielle. C'est là notre point de départ. Nous comprenons les eaux souterraines. Quand l'eau se déplace sous terre, ce sont les géologues qui comprennent véritablement ce qui se passe. C'est ce que nous faisons à la Commission géologique. Nous étudions les déplacements de l'eau sous terre.
Au Canada, nous avons cerné 30 aquifères nationaux principaux. Il y en a beaucoup d'autres plus petits, mais ceux-ci sont les plus importants. Nous avons effectué ce que nous pourrions appeler une évaluation préliminaire de reconnaissance de tous ces aquifères. Nous en sommes maintenant à effectuer une analyse beaucoup plus détaillée et approfondie de chacun d'entre eux. Nous avons terminé l'analyse approfondie de 12 de ces 30 aquifères, et nous tentons d'accélérer les choses pour les aquifères restants.
Pour vous donner une idée, nous dépensions environ 3 millions de dollars par année. Nous avons maintenant procédé à une réaffectation de ressources à l'interne et dépensons actuellement environ 3,9 millions de dollars par année.
Ce que nous voulons, c'est établir un ensemble de données cohérent et détaillé qui couvrirait tout le Canada et qui permettrait de savoir de quelle façon fonctionnent ces aquifères et de quelle façon ils se comportent dans différentes conditions et selon divers scénarios. Nous collaborons très étroitement avec les provinces et les territoires, de même qu'avec d'autres intervenants provinciaux et le milieu universitaire. Il s'agit véritablement d'une responsabilité partagée. L'un de nos principaux rôles consiste à obtenir un point de vue national sur cet enjeu et à établir des normes à ce sujet.
[Français]
Je voudrais vous présenter M. David Boerner, qui va faire la présentation. Il va d'abord vous parler des eaux souterraines du Canada et il va ensuite vous donner un compte rendu de notre travail, surtout en Alberta.
:
Vous avez donc un document devant vous. La diapositive 2 montre ce que nous allons rapidement aborder aujourd'hui. Il s'agit d'un aperçu de ce que nous savons au sujet des aquifères du Canada, les principaux aquifères. Comme l'a dit Mark, il y a 30 aquifères qui font l'objet d'une étude approfondie mais, en fait, le Canada compte des centaines d'aquifères. Nous nous attarderons sur le tableau régional.
Nous expliquerons brièvement en quoi nous devons améliorer notre compréhension des aquifères en vue de gérer et d'utiliser de façon durable les eaux souterraines, puis nous vous donnerons une idée des études que nous menons actuellement sur les aquifères de l'Alberta. Vous avez déjà soulevé plusieurs des questions qui nous occupent. J'espère que nous reviendrons sur ce sujet.
La diapositive 3 montre une carte du Canada qui présente les principale régions hydrogéologiques du Canada. Ce sont les régimes de précipitations et la géographie qui définissent en partie la répartition de ces régions. Sur la carte, des cercles donnent l'emplacement approximatif de ce que nous considérons comme les 30 principaux aquifères.
Les 30 aquifères ont fait l'objet d'une évaluation préliminaire au cours de laquelle nous avons examiné toutes les données existantes à leur sujet et nous avons tenté d'évaluer les caractéristiques de ces aquifères. Bien sûr, ces données sont un peu inégales. Elles ont été recueillies par différentes personnes à différents moments, mais elles nous donnent une première idée de l'emplacement des aquifères, de la façon dont ils fonctionnent et de la géologie.
Nous procédons à l'examen systématique de ces données pour tenter d'obtenir une évaluation beaucoup plus détaillée. Je vous montrerai un résumé de deux ou trois pages du contenu de cette évaluation détaillée, mais les évaluations que nous avons terminées sont indiquées ici par un cercle vert. Celles que nous n'avons pas encore réalisées sont désignées par un cercle blanc.
Douze des aquifères ont subi une évaluation approfondie, et nous tentons de comprendre la disponibilité des eaux souterraines, la dynamique de l'aquifère — comme vous l'avez déjà entendu, l'eau est constamment en mouvement, et le véritable défi pour ce qui est de certains de ces aquifères, c'est de comprendre cette dynamique; il ne s'agit pas seulement d'en déterminer l'emplacement — et les vulnérabilités possibles de ces aquifères à la contamination, aux perturbations ou à la surutilisation.
Comme l'explique Mark, nous accélérons notre travail pour mener à bien ces évaluations. Nous pensions que nous pourrions peut-être terminer ces évaluations d'ici 2030, vu les ressources dont nous disposions. Nous avons maintenant devancé cette échéance de cinq ans en affectant davantage de ressources à cette activité; nous avons donc pris des mesures pour tenter d'activer les travaux parce que nous reconnaissons certainement combien ils sont importants pour les Canadiens. Les eaux souterraines servent à approvisionner environ 10 millions de Canadiens en eau potable.
La diapositive 4 mentionne le type d'information que nous avons obtenue sur les 30 aquifères grâce à l'évaluation préliminaire que nous avons réalisée. Nous avons maintenant des données sur l'environnement géologique de base. Nous avons aussi des données sur la profondeur et l'emplacement des aquifères. Cet aspect est intéressant. Beaucoup de personnes croient que les aquifères ressemblent à des rivières ou à des lacs souterrains. Ce n'est pas le cas. Ils s'apparentent probablement davantage à des éponges saturées d'eau. Il est parfois très difficile de déterminer les limites des aquifères et l'emplacement de l'eau.
En outre, nombre de personnes ignorent le temps qu'il faut pour que l'eau circule à travers un aquifère. Cela peut prendre de dix ans à des centaines d'années, voire des milliers d'années. Par conséquent, si on perturbe une partie de l'aquifère, cela peut prendre beaucoup de temps avant que l'on sache qu'il y a eu des répercussions à un autre endroit dans l'aquifère. Lorsqu'on se demande combien de temps il faut pour étudier un aquifère, si l'eau peut mettre des centaines d'années à le traverser d'un bout à l'autre, il est très difficile de savoir comment se comporte une aquifère quand on ne l'étudie que pendant deux ou trois années.
Par ailleurs, nous connaissons les taux de prélèvement parce que la plupart des données sur les aquifères dont nous disposons proviennent de l'étude de puits d'eau existants. Ces puits ont souvent été forés par des personnes, des sociétés ou des groupes d'entreprises. Ceux qui ont foré les puits n'ont pas des données convergentes ou n'ont pas régulièrement consigné les données, mais nous avons au moins des renseignements sur ce paramètre.
Dans nombre de cas, nous avons des données sur l'hydrochimie fondamentale. En fait, je crois que nous pouvons affirmer que le Canada est très chanceux, car, à bien des endroits, la qualité des eaux souterraines est excellente.
De plus, nous disposons de renseignements sur les zones d'alimentation et d'émergence probables. Nous avons donc une idée générale de la façon dont l'eau s'infiltre dans les aquifères et dont elle en émerge.
C'est à peu près tout. Il s'agit d'un aperçu.
Il est question ici d'une évaluation préliminaire, de sorte que nous en savons pas mal. Toutefois, si vous regardez la diapo 5, ce que nous souhaitons réellement faire, c'est d'essayer de comprendre comment fonctionne un aquifère. Il s'agit d'une tout autre affaire. Nous devons procéder de façon plus systématique pour comprendre les paramètres de l'aquifère, déterminer l'emplacement de l'eau et la façon dont elle circule et, enfin, découvrir en quoi pourraient consister les prélèvements d'eau aux différents endroits où des personnes s'approvisionnent en eau.
Voici une liste — je ne vais pas la passer en revue — qui révèle, si on la compare aux listes précédentes, que nous avons besoin de beaucoup d'autres données détaillées. Assurément, l'un des problèmes qui existe au Canada, c'est que, jusqu'à maintenant, les études portant sur les eaux souterraines ont été effectuées par différents ordres de gouvernement. Les gens font les choses différemment selon l'endroit où ils se trouvent, alors nous allons certainement tenter de regrouper et de coordonner certaines des données pour avoir des renseignements plus uniformes et plus exhaustifs.
La diapositive 6 souligne ce point. Il faut sans aucun doute un effort concerté. Nous travaillons souvent en étroite collaboration avec les provinces et les municipalités pour tenter de mettre en commun toute l'information dont nous avons besoin. Bien souvent, le gouvernement fédéral ne détient pas beaucoup de renseignements à cet égard. Ce sont réellement les provinces qui doivent assumer les responsabilités en matière de gestion, et ce sont souvent les municipalités qui possèdent beaucoup d'information détaillée.
Donc, nous nous attachons à travailler en collaboration pour faire en sorte que tous échangent les renseignements et aient une compréhension commune de ce que les données signifient. En collaborant de cette façon, nous élaborons des approches communes.
L'une des forces de ce programme provient du travail de M. Rivera. En 2001, il s'est rendu compte que nous devions adopter un point de vue global et que tous devraient procéder à peu près de la même façon, car les eaux souterraines se déplacent. C'est la seule ressource naturelle du Canada qui traverse constamment les frontières. Si chaque province et territoire utilise sa propre méthode, on se retrouvera avec des données incompatibles, et il est alors presque impossible d'élaborer une politique.
Dans le cadre de ce programme, nous essayons également de créer un réseau d'information sur les eaux souterraines, initiative que j'estime essentielle. Il s'agirait d'une base de données réparties: personne ne détient toute l'information, mais elle est accessible à tous. Nous n'essayons pas de réunir toutes les données dans une immense base de données; nous tentons simplement d'affirmer que, si les données sont disponibles, alors tout le monde devrait être en mesure d'accéder à l'information chaque fois qu'il en a besoin. Il est réellement question de lier les choses entre elles.
Je crois savoir que la carte qui figure à la diapo 7 se rapporte à l'un de vos principaux intérêts — certains des aquifères de l'Alberta. Comme les aquifères ressemblent davantage à des éponges qu'à des lacs, il est en fait très difficile d'indiquer leur emplacement sur une carte, il s'agit plutôt ici d'un schéma qui montre l'emplacement général de certains des principaux aquifères de l'Alberta. Bien sûr, il y en a beaucoup plus que ceux qui apparaissent sur la diapo, mais ce sont certains des aquifères qui font partie de notre liste. Je vais passer la liste en revue en commençant par le haut.
La formation de Paskapoo est l'un des principaux aquifères de l'Alberta. Il s'étend à peu près de Calgary à Edmonton. Il est le point de mire de l'Alberta Geological Survey et du ministère de l'Environnement de l'Alberta, car c'est une source importante d'approvisionnement en eau des agglomérations de l'Alberta. Nous venons tout juste de terminer l'évaluation de cet aquifère en collaboration avec les organismes albertains, de sorte que nous avons maintenant des données assez exhaustives.
Nous nous concentrons également sur les aquifères de vallées enfouies, désignés par « BV » sur le schéma. Ce sont des paléovallées. Il s'agit en fait de vallées qui ont existé à une époque, mais qui depuis ont été remplies de sédiments. Étant donné que ces vallées sont recouvertes de sédiments — les sédiments sont plus poreux, de sorte que l'eau s'y infiltre —, elles renferment beaucoup d'eau, mais elles se trouvent sous le roc.
On peut se les représenter comme un ensemble de canaux qui traversent la région et qui couvrent un large territoire. Ces paléovallées revêtent une importance particulière parce qu'elles occupent en grande partie le même territoire que les sables bitumineux, comme vous pouvez le voir.
Actuellement, nous étudions ces paléovallées conjointement avec les gouvernements de l'Alberta et de la Saskatchewan, car ces vallées enfouies s'étendent jusqu'en Saskatchewan, et je crois même que certaines d'entre elles vont jusqu'au Manitoba. Elles couvrent de vastes superficies, et nous menons actuellement des discussions avec les gouvernements de l'Alberta et de la Saskatchewan pour déterminer quelle serait la meilleure façon de les étudier. Il s'agit d'immenses aquifères, et, faute de pouvoir les comprendre intégralement, nous tentons d'en comprendre les aspects essentiels. Nous prévoyons terminer l'évaluation de ce réseau d'aquifères d'ici 2012.
Trois autres aquifères figurent sur le schéma, mais nous ne prévoyons pas les étudier dans les trois prochaines années. Ils feront l'objet d'un autre degré de priorité. Nous croyons toujours qu'ils sont importants, mais ils ne le sont pas autant que les paléovallées enfouies dans le contexte de l'exploitation des sables bitumineux.
Nous manquerions à notre devoir si nous ne faisions pas mention de nos collègues de l'Alberta. En 2007, ils ont mis en place une stratégie assez proactive et prospective en matière de gestion des eaux souterraines. Ils se sont dotés d'un plan décennal pour comprendre les eaux souterraines de la province. La méthode qu'ils utilisent pour cartographier les aquifères et les progrès qu'ils accomplissent à cet égard sont tout à fait compatibles avec les travaux que nous menons. Pendant que nous terminons l'évaluation des 30 aquifères, les données qu'ils obtiennent dans le cadre de leur programme s'ajouteront aux nôtres et permettront peut-être d'accélérer notre programme d'évaluation des aquifères. Ils se concentrent d'abord sur le corridor Edmonton-Calgary, mais ils accomplissent également beaucoup de travail sur les sables bitumineux, comme vous devez sans doute le savoir.
Pour résumer où nous en sommes rendus dans notre programme, comme l'a expliqué Mark, nous croyons que les eaux souterraines constituent une ressource essentielle, et nous tentons de rendre l'information accessible aux gens pour qu'ils puissent prendre des décisions favorisant la gestion durable des eaux souterraines. Le vrai problème, c'est le manque d'information. Nous réalisons ce travail en collaboration avec toutes les personnes qui se préoccupent de la gestion des eaux souterraines au Canada parce que nous croyons réellement que le leadership collectif nous permettra d'obtenir des données exhaustives et cohérentes dans l'ensemble du pays. Nous avons comme objectif ultime d'inciter les gens qui évaluent les aquifères à consigner et à mettre en commun l'information. L'une des difficultés auxquelles nous faisons face, c'est que les eaux souterraines sont reliées aux eaux de surface. Elles traversent les frontières, y compris la frontière avec les États-Unis. Le fait de créer une base de données exhaustives nous permettrait de prendre des décisions beaucoup plus avisées en ce qui concerne les politiques.
Sur ce, nous serions très heureux de tenter de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis certainement très heureux d'avoir l'occasion de poser des questions aux témoins ici présents. J'ai bien apprécié les témoignages jusqu'à maintenant. Ils sont très instructifs.
J'ai travaillé quelques années pour Environnement Canada. J'ai également occupé un autre poste au ministère de l'Environnement de l'Alberta. Essentiellement, j'étais l'un des maillons de la chaîne qui prenait constamment des échantillons des eaux de surface. Nous avons donc beaucoup de ces échantillonnages. Je prenais des échantillons, que ce soit des échantillons d'eau potable dans un parc ou d'eau d'un lac près duquel je travaillais.
Vous avez mentionné la stratégie « Eau pour la vie » de l'Alberta, qui a été adoptée en 2007 et qui s'échelonnera sur 10 ans. J'ai siégé à un conseil municipal en Alberta, et lorsqu'on regarde ce qui se passe dans cette province, on observe une tendance importante qui consiste à délaisser l'utilisation des eaux souterraines et à opter plutôt pour les eaux régionales et les eaux provenant de stations de traitement. Par exemple, la ville où j'habite, de même que plusieurs autres collectivités participantes, s'approvisionnent maintenant en eau à partir de la rivière Red Deer, qui n'est pas alimentée par un glacier. Nous avons immédiatement constaté que les aquifères que nous exploitions — nous avions remarqué qu'ils s'épuisaient — s'étaient presque complètement rechargés en un an et demi, beaucoup plus rapidement que nous l'avions prévu ou que les ingénieurs ne l'avaient avancé. Je trouvais donc que c'était plutôt intéressant.
Lorsqu'on prend une situation semblable, où on formule une supposition au mieux de ses connaissances et on l'applique à ce qui se passe, disons, dans la région des sables bitumineux... Vous savez quelles sont les caractéristiques géologiques. Nous savons où se trouvent les formations. Nous savons où est l'eau et, dans une certaine mesure, comment l'eau circule à cet endroit. Alors, quand nous procédons à une étude complète, quelles sont les inconnues que nous devons déterminer? Nous allons mener cette étude — Mme Duncan en a fait mention —, et je crois qu'il faudra du temps pour comprendre ces paramètres.
J'ai entendu diverses anecdotes. J'ai parlé à des gens qui sont allés dans la région de Paskapoo et qui ont versé de l'encre dans l'eau. Ils ont vérifié où l'eau colorée a abouti pour avoir une idée du trajet parcouru par l'eau dans l'aquifère.
À votre avis, que devons-nous savoir de plus avant d'être au moins rassurés, sachant que, lorsque nous délivrons des permis à des sociétés, nous pouvons être relativement persuadés que nous prenons la bonne décision? Dans combien de temps pourrons-nous en avoir la certitude?
:
Je ne peux parler au nom de l'Alberta, mais je peux vous répondre du point de vue de l'hydrogéologie, de la science et de l'expérience que nous avons acquise dans le cadre de notre programme.
Je crois que je peux diviser ma réponse en trois points.
Ce que je vais dire s'applique à la plupart des cas, mais particulièrement à l'exploitation des sables bitumineux dans la région de l'Athabasca. Nous devons, et ils doivent — nous devons tous — déterminer très clairement quelle est l'exploitation durable sans risque de ces aquifères. J'entends par là la quantité exacte d'eau qui peut être extraite d'un aquifère sans nuire à quoi que ce soit aux alentours.
Il s'agit d'un aspect très technique, mais imaginez un réservoir qui en même temps se remplit d'eau et se vide. On doit savoir quelle est la quantité exacte de la lame d'eau qui peut y être extraite sans causer d'effets indésirables. On l'ignore. Nous appelons cela l'exploitation durable sans risque.
Les mécanismes de transport constituent le deuxième paramètre qu'il est très important de comprendre. J'ai également entendu une question ce matin concernant la contamination des eaux souterraines jusqu'au Yukon. Il s'agit d'une question très difficile, mais, à cet égard, je peux dire que nous ignorons quel autre mécanisme de transport... Les eaux souterraines transportent les contaminants de diverses façons: par advection, par dispersion, par diffusion et par de nombreux autres phénomènes. Ce qui entre en ligne de compte, ce sont les échelles de temps. Il peut y avoir des contaminants dans les eaux souterraines qui sont immobiles, qui ne se déplacent pas, selon le type de dispersion mécanique, etc.
Le troisième aspect que nous ne comprenons pas encore très bien concerne les liens entre les eaux de surface et les eaux souterraines. Compte tenu de la nature géologique des vallées enfouies de la région de l'Athabasca, il arrive qu'elles traversent tout simplement la rivière. Elles « affleurent », si je puis dire. Cela signifie que ces segments de la rivière Athabasca et d'autres rivières mineures captent également les eaux souterraines. De fait, si on mesure le débit des rivières, une partie de cette variable est composée de ce que nous appelons le débit de base. Le débit de base — même en l'absence de pluie, la rivière continue de couler — résulte en fait des eaux souterraines. Une partie des eaux provenant des vallées enfouies émerge dans la rivière. Pas toutes: on a cartographié 27 canaux enfouis dans la région de l'Athabasca.
Donc, en ce qui a trait à l'interaction entre les eaux de surface et les eaux souterraines, on doit procéder à un examen rigoureux de cette interaction pour évaluer de façon précise quel est le taux d'émergence — non de recharge, mais d'émergence — dans la rivière.
Si je reviens au premier point, l'exploitation durable, la plupart des gens croient que l'exploitation durable des eaux souterraines se résume à ne pas pomper plus d'eau que le volume de recharge. Désolé, mais cela est faux. En fait, c'est le taux d'émergence qui compte, car le taux de recharge est très lent. Cela pourrait prendre 10 ans ou plus avant que l'aquifère se réapprovisionne complètement; n'oubliez pas, le cycle de l'eau est annuel. Toutefois, pour ce qui est de l'émergence, lorsqu'on pompe des eaux souterraines, on extrait en fait les eaux qui émergent. Autrement dit, si on extrait un volume d'eau supérieur à la quantité d'eau qui émerge à un endroit donné et qu'on ne veut causer aucun effet nuisible, alors on doit comprendre ce phénomène.
Donc, il n'est pas question de la recharge. La recharge est importante, bien sûr, mais on doit également comprendre que tant la recharge que...