ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 26 novembre 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-311. C'est notre 40e séance.
Aujourd'hui, nous accueillons M. Yazid Dissou, professeur agrégé au Département de science économique de l'Université d'Ottawa, de même que M. André Plourde, professeur au Département de science économique de l'Université de l'Alberta, qui a fait tout ce chemin pour venir nous rencontrer.
Bienvenue à vous, messieurs.
Un rappel au Règlement.
Je me demande si la greffière pourrait faire le point sur une motion adoptée par le comité invitant le ministre à comparaître. Je ne suis pas sûr que nous ayons reçu une réponse officielle. Peut-être que le secrétaire parlementaire est au courant.
Merci.
J'ai transmis la demande du comité. Le ministre examine son agenda. Il est très occupé, mais il va voir s'il peut réaménager son emploi du temps afin de pouvoir venir.
Le comité a envoyé une invitation officielle au ministre au début de la semaine.
Maintenant, nous sommes prêts à entendre vos exposés préliminaires.
Monsieur Dissou, vous avez la parole.
Bonjour. Merci de m'avoir invité à comparaître.
Je vais faire mon exposé en français, puis je répondrai à vos questions dans les deux langues officielles.
[Français]
Tout d'abord, permettez-moi de me présenter très brièvement.
Je suis actuellement professeur au Département de science économique de l'Université d'Ottawa. Cela fait une dizaine d'années environ que je m'intéresse à l'analyse des impacts économiques potentiels des politiques de réduction des gaz à effet de serre au Canada.
Mes travaux dans ce domaine se sont concentrés principalement sur l'utilisation des modèles numériques pour simuler les impacts de différentes options de réduction des gaz à effet de serre. Ces travaux ont été publiés dans des revues savantes en science économique. C'est probablement mon engagement dans ce genre de recherche qui me doit d'être invité à témoigner devant vous aujourd'hui. C'est donc avec un réel plaisir que je répondrai, au mieux de mes connaissances, aux questions relatives aux impacts économiques de la politique de réduction des gaz à effet de serre.
De nos jours, les changements climatiques sont une évidence. Leurs effets se font sentir de plus en plus dans notre quotidien. Nul ne peut, de façon crédible, nier leur existence. De nombreux travaux scientifiques tendent maintenant à corroborer l'hypothèse d'une origine anthropique de ces changements, c'est-à-dire que les changements climatiques sont, dans une certaine mesure, causés par nos méthodes de production et nos habitudes de consommation. Ces mêmes travaux scientifiques notent la nécessité d'agir en prenant des mesures adéquates pour réduire l'accumulation de ces gaz dans l'atmosphère.
Si unanimité il y a quant à la nécessité de réduire ces gaz, des divergences semblent néanmoins exister sur le rythme à adopter et la méthode à utiliser. Cependant, une grande partie des analyses semble s'accorder sur la nécessité de prendre des mesures appropriées pour sauvegarder le futur tout en protégeant le présent. La réduction des gaz à effet de serre devrait, si possible, se faire tout en considérant les générations présentes.
Dans ces conditions, les divergences observées sont probablement liées à l'interprétation ou à la perception de l'équilibre entre les sacrifices requis aujourd'hui et les bénéfices à long terme des réformes à entreprendre. Cela m'amène à souligner que la lutte contre les changements climatiques ne peut se faire sans sacrifice, à court terme. Cette lutte impliquera nécessairement des choix pouvant être douloureux, ne serait-ce, encore une fois, qu'à court terme. Une bonne compréhension de ces implications par tous les acteurs ne peut que solidifier la détermination des uns et des autres à garder le cap.
C'est justement pour minimiser les impacts de ces choix que les économistes apportent leur contribution au débat pour suggérer les options les moins coûteuses. Répondre à la question visant à savoir ce qu'est le coût économique de la réduction des gaz à effet de serre n'est pas aisé. La réponse dépend de nombreux paramètres. Au-delà de la difficulté de prévoir avec exactitude les comportements humains, les impacts économiques d'une politique d'épuration des gaz à effet de serre dépendent non seulement de l'ampleur de la réduction des gaz, mais aussi, d'une part, des instruments de politique utilisés et, d'autre part, des mesures prises dans les pays avec lesquels nous entretenons des rapports économiques.
Pour le moment, je ne suis pas en mesure de vous faire part des résultats officiels d'une analyse des politiques suggérées dans le présent projet de loi. Je vais donc me contenter de rappeler très brièvement quelques enseignements majeurs appartenant à la littérature sur les impacts économiques potentiels des politiques de réduction des gaz à effet de serre.
L'utilisation des instruments de marché, tels que la taxe sur le carbone ou le permis échangeable, peut permettre d'atteindre l'objectif voulu au coût économique le plus bas. Contrairement aux instruments de politique généralement connus sous le vocable command and control, tels que les prescriptions technologiques, les instruments du marché visent à réduire les gaz à effet de serre par l'intermédiaire des signaux du marché. Ils permettent de tarifer les émissions. Ce faisant, leur utilisation permet de s'assurer que la réduction des gaz à effet de serre est faite par l'entité qui peut la réaliser au moindre coût.
La possibilité d'échange de permis entre diverses juridictions permet de s'assurer que la réduction des gaz à effet de serre est faite au plus bas coût économique possible. Alors que les résultats de nombreuses études suggèrent que les coûts économiques agrégés des réductions de gaz à effet de serre sont relativement faibles — l'impact sur le PIB, par exemple —, plusieurs études tendent aussi à signaler la grande hétérogénéité sectorielle, voire régionale, de ces coûts. Les industries à haute intensité énergétique seront probablement les plus affectées par les politiques de réduction des gaz à effet de serre. Il s'ensuit que les régions ayant une forte concentration de ces industries seront probablement les plus touchées. Néanmoins, certaines études montrent que, dans le cadre d'un système de permis échangeables, une allocation appropriée des droits d'émission peut atténuer l'hétérogénéité observée sur le plan des impacts sectoriels.
Naturellement, ces travaux font aussi ressortir l'augmentation du coût économique liée à l'instauration de ces mesures d'atténuation. Par ailleurs, la littérature économique suggère aussi que la mise en oeuvre des politiques de réduction des gaz à effet de serre peut avoir des incidences sur la compétitivité externe des industries à haute intensité énergétique. L'importance de ces impacts négatifs est liée à l'adoption ou non de mesures similaires par les partenaires économiques étrangers. Encore une fois, les résultats de nombreux travaux de recherche suggèrent que les impacts négatifs sur la compétitivité peuvent être atténués, sous réserve de l'égalité, par une judicieuse allocation des permis échangeables.
Finalement, je ne peux m'empêcher de mentionner qu'à long terme, la solution ultime aux changements climatiques réside dans le progrès technologique. Heureusement, l'utilisation des instruments de marché permettra de donner les signaux nécessaires aux agents économiques pour développer les nouvelles technologies appropriées. Toutefois, les échecs de marché liés à l'impossibilité d'une appropriation totale par les firmes des fruits de leurs efforts de recherche et développement pourront nécessiter, ne serait-ce qu'à court terme, l'utilisation de subventions destinées aux efforts d'innovation.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Il y a une coquille dans mon exposé et, fidèle à mes habitudes, je devrai vous la signaler.
[Français]
Merci, monsieur le président et honorables membres du comité. Je tiens à vous remercier de cette invitation qui me permet de vous adresser la parole aujourd'hui. Si vous me le permettez, je vais continuer mon exposé en anglais. Par contre, je répondrai volontiers à vos questions dans la langue officielle de votre choix.
[Traduction]
L'expérience des quelque douze dernières années nous montre très clairement que les défis stratégiques posés par les changements climatiques sont complexes et qu'il n'existe pas de solutions rapides et aisées. Cela étant dit, j'avancerais que le présent projet de loi est un pas important pour ce qui est de formuler de quelle manière le Canada prévoit s'attaquer à ces défis dans le cadre de l'après-Kyoto.
J'aimerais également attirer votre attention sur quatre facettes du projet de loi qui, à mon avis, s'avèrent particulièrement intéressantes. Premièrement, parce que le projet de loi prend des engagements précis en matière de réduction des émissions pour 2020 et 2050, et qu'il met en place un processus pour l'élaboration et la mise à jour des cibles quinquennales, il réduirait l'incertitude quant aux orientations stratégiques futures. Cela aurait pour effet de créer un climat d'investissement plus sûr, permettant aux émetteurs de mieux planifier la rotation du stock existant de capital physique et son élargissement. Une telle démarche comporte clairement des avantages, surtout du fait qu'il s'agit d'un stock de capital physique de longue durée.
Toutefois, dans ce contexte, on se demandera si les réductions d'émissions sont crédibles, autrement dit, si elles sont réalisables, et si le Canada est bel et bien prêt à agir de manière suffisamment audacieuse et à maintenir le cap — comme semblerait l'indiquer le présent projet de loi — indépendamment des mesures prises par les autres principaux pays émetteurs. Je reviendrai sur ces questions tout à l'heure.
Une deuxième facette intéressante a trait au fait que les engagements du Canada sont maintenant exprimés en termes de niveaux d'émissions de gaz à effet de serre — un virage par rapport aux discours des dernières années ou les cibles reposaient sur le volume des émissions. Ainsi, nos engagements sont beaucoup plus transparents, et, par conséquent, il est plus facile pour les Canadiens de les comprendre et de les évaluer. Cela signifie également que les objectifs du Canada sont maintenant présentés d'une manière qui concorde mieux avec la façon dont nos obligations sont définies dans le Protocole de Kyoto et avec la façon dont elles seront vraisemblablement définies dans le prochain accord.
Troisièmement, le projet de loi inclut expressément les mécanismes axés sur les conditions du marché dans la liste des mesures pouvant servir à assurer que le Canada respectera ses cibles et ses engagements. Cette inclusion est une reconnaissance que la souplesse est souhaitable et qu'il y aura des répercussions financières. En fait, un des avantages clés du recours à des mécanismes axés sur les conditions du marché est que ces mécanismes accordent une grande latitude aux intervenants les mieux placés pour faire ce choix — les émetteurs eux-mêmes — concernant le moyen de réduire leurs émissions. Dans l'ensemble, cette souplesse contribuera à atténuer les coûts associés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Même si je reviendrai sur cette question plus tard, permettez-moi de signaler maintenant qu'il aurait été utile que le projet de loi établisse expressément la nécessité non seulement d'assurer un suivi des réductions d'émissions associées à des mesures précises, mais aussi de tenir compte de la rentabilité de ces mesures. Vous pouvez concevoir la rentabilité en termes de dollars dépensés par tonne d'émissions réduites.
Enfin, en raison de l'attribution de rôles et responsabilités à différentes parties, les Canadiens auraient accès à des évaluations ou points de vue sur l'orientation et l'efficacité des politiques de diverses sources. Le ministre, la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie ainsi que le Commissaire à l'environnement et au développement durable ont des rôles clairement définis et doivent chacun préparer et remettre des documents précis à l'intérieur de délais donnés.
Le projet de loi prévoit aussi que ces documents seront publics. Par conséquent, tous les Canadiens pourront les consulter et les analyser. Toutefois, ce cadre de responsabilisation à l'égard du public ne portera fruit que dans la mesure où la Table ronde nationale et le commissaire ont accès aux ressources, financières et autres, requises pour mener à bien les rôles qui leur sont attribués. J'espère également qu'avec le temps, l'information générée par la Table ronde et le commissaire aura un effet sur l'établissement des cibles quinquennales révisées prévues au paragraphe 6(2) et sur le choix des mesures stratégiques prises par le gouvernement.
La lecture du projet de loi a aussi suscité quelques questions dans mon esprit. Premièrement, est-ce que les Canadiens comprennent l'ampleur de la tâche qui sous-tend les engagements en matière de réduction des émissions formulées à l'article 5? Par souci de concision, permettez-moi de mettre l'accent sur la cible à moyen terme de réduire les émissions annuelles à un niveau se situant à 25 p. 100 en dessous des émissions de 1990, d'ici 2020. Comment cette cible se compare-t-elle avec l'engagement du Canada aux termes du Protocole de Kyoto?
Comme nous le savons tous, en 1997, le Canada s'est engagé à réduire ses émissions annuelles à des niveaux 6 p. 100 inférieurs à ceux de 1990, des réductions qui seraient atteintes en moyenne entre 2008 et 2012. Cela signifiait une réduction d'environ 36 mégatonnes de gaz à effet de serre sur une période d'environ 11 ans. Comme vous le savez, nous n'atteindrons pas cet objectif.
En 2007, les émissions du Canada avaient augmenté d'environ 155 mégatonnes et se situaient à environ 125 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990. Le projet de loi nous obligerait donc à réduire nos émissions d'environ 40 p. 100 des niveaux de 2007 d'ici 2020: voilà ce qu'il faudrait pour atteindre la cible à moyen terme prévue à l'alinéa 5b).
Pour simplifier, supposons que les niveaux d'émissions en 2009 sont les mêmes qu'en 2007. Le projet de loi exigerait donc encore une réduction de 40 p. 100 des émissions annuelles sur une période d'environ 11 ans. Autrement dit, tous les ans entre 2010 et 2020, il faudrait que le Canada réduise, en moyenne, ses émissions de 75 p. 100 de la somme totale des réductions que nous avions convenu d'accomplir dans le cadre du Protocole de Kyoto, un objectif que nous allons rater de beaucoup.
Alors, la question se pose: Est-ce que les engagements prévus à l'article 5 sont crédibles, encore une fois, au sens où il est vraisemblable que nous les réaliserons? Sera-t-il possible de créer un consensus parmi les Canadiens à l'échelle du pays en vue de déployer les efforts requis pour respecter ces engagements?
Tel que signalé précédemment, le projet de loi fait rarement renvoi à la question des coûts, qu'il s'agisse du coût de respecter les cibles en matière de réduction des émissions, du rôle des coûts dans l'établissement de ces cibles ou des coûts des diverses mesures stratégiques visant à réduire les émissions.
Du point de vue économique, quelles que soient les cibles déterminées, les mesures stratégiques choisies devraient permettre de les atteindre au coût le plus bas possible. Tel que signalé précédemment, le fait d'inclure expressément au paragraphe 10(1) les mécanismes axés sur les conditions du marché nous permet d'espérer que les préoccupations financières sont implicites dans le projet de loi.
Toutefois, dans la mesure où l'application de telles mesures entraîne des effets secondaires jugés indésirables, tels que l'imposition de fardeaux inacceptables aux ménages à faible revenu, par exemple, alors il faudrait que les diverses mesures stratégiques visent à pallier ces effets. Autrement dit, il faudrait élaborer les mécanismes axés sur les conditions du marché de façon à régler le problème de la réduction des émissions, puis, au besoin, créer d'autres mesures stratégiques pour corriger tout effet secondaire indésirable.
Les craintes au sujet des répercussions possibles sur la compétitivité sont sans doute au nombre des facteurs qui ont entravé la réalisation des engagements du Canada dans le cadre du Protocole de Kyoto. En matière de politique sur les changements climatiques, certains observateurs ont soutenu que le Canada ne devait pas trop devancer ses principaux partenaires commerciaux de peur des effets néfastes qu'aurait une approche canadienne plus dynamique sur la compétitivité internationale de nos biens et services.
Quoi que l'on pense de ce genre d'argument, il est peu probable qu'il disparaisse dans les années à venir. Cela met en lumière l'importance, du point de vue de la politique nationale, de la réussite des négociations internationales visant un nouvel accord devant succéder au Protocole de Kyoto — et il faudrait que les dispositions de ce nouvel accord soit, de manière générale, compatible avec les engagements canadiens prévus dans le projet de loi.
Compte tenu des discussions et des débats des 12 dernières années, il devrait également être clair que la politique canadienne en matière de changement climatique devrait être étroitement alignée sur celle adoptée par les États-Unis, qui est de loin notre partenaire commercial le plus important. L'opportunité, du point de vue canadien, d'une approche nord-américaine coordonnée, sinon intégrée, en matière de politique sur les changements climatiques n'est pas reconnue expressément dans le projet de loi. Toutefois, je reconnais qu'une telle coordination est une des idées centrales du discours stratégique global du gouvernement du Canada dans ce domaine.
Tel que signalé précédemment, il faut de la clarté et de la crédibilité afin de réduire l'incertitude qui nuit aux investissements. Le projet de loi prévoit des engagements explicites en termes de réduction des émissions canadiennes et le fait sans renvoi aux mesures prises par les autres pays, y compris nos principaux partenaires commerciaux.
Pour éviter certains des problèmes qui ont caractérisé la période depuis la signature du Protocole de Kyoto, espérons que les négociations internationales en cours porteront fruit, que le nouvel accord sera compatible avec les engagements établis dans le projet de loi, et que les dispositions de ce nouvel accord seront étroitement alignées sur l'approche stratégique qu'adopteront les États-Unis.
Quant au « fonds de transition équitable pour l'industrie » signalé au sous-alinéa 10(1)a)(iii), on pourrait y voir la volonté de corriger, entre autres, les effets néfastes possibles sur la compétitivité associés aux mesures dans le cadre de ce projet de loi. Mais je suis clairement en train de lire entre les lignes ici, car le projet de loi ne renferme aucune description de ce fonds et ne précise ni ses objectifs, ni sa structure de gouvernance, ni quoi que ce soit d'autre concernant ce fonds.
L'alinéa 7(1)b) décrit une démarche possible pour l'allocation des réductions d'émissions entre les provinces, où l'engagement pancanadien pris aux termes de l'article 5 servirait de base aux allocations provinciales. Je ne parviens pas à cerner clairement les répercussions que pourrait avoir la déclaration à l'alinéa 7(1)b), étant donné que certaines provinces — l'Alberta, par exemple — ont déjà agi en se fondant sur le principe que la réglementation des émissions de gaz à effet de serre à l'intérieur d'une province relève de la compétence provinciale. Dans ce contexte, il est difficile de voir comment le gouvernement fédéral pourrait appliquer l'approche proposée pour ce qui est de l'allocation des réductions des émissions entre les provinces. En fin de compte, j'ai l'impression que même si le projet de loi est adopté, l'allocation provinciale des réductions des émissions canadiennes et, de manière plus générale, la question de la compatibilité des politiques fédérales et provinciales sur les changements climatiques demeureront des questions litigieuses dans les relations fédérales-provinciales-territoriales.
J'ai une dernière observation. L'alinéa 10(1)b) et le sous-alinéa 13(1)b)(i) signalent tous les deux la nécessité de cerner les réductions d'émissions qui devraient résulter des mesures adoptées. Il devrait être clair qu'il ne s'agit pas d'une simple procédure comptable puisqu'il est difficile de séparer les effets des mesures individuelles. Supposons par exemple la mise en oeuvre conjointe de droits d'émissions négociables et de normes technologiques obligatoires. Il est tout à fait possible que certains émetteurs réagissent à la mise en place de droits d'émissions négociables en adoptant une technologie conforme aux normes imposées. On ne pourrait pas attribuer pleinement les réductions obtenues aux deux mesures. Il faudrait plutôt déterminer leurs effets conjoints en termes de réductions d'émissions, puis, au besoin, répartir les effets positifs entre ces deux mesures. De manière plus générale, les interactions entre les mesures visant à réduire les émissions feront en sorte que le tout est moins grand que la somme de ses parties. Il faut tenir compte des interactions de ce genre lorsqu'on projette les effets éventuels des mesures stratégiques individuelles et qu'on évalue leur efficacité réelle.
Merci de votre attention. Mille excuses pour la coquille. Je serai heureux de répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.
Je veux m'assurer que nous parlons de la même coquille. C'est au moment où vous avez dit 40 p. 100 plutôt que 60 p. 100?
M. André Plourde: Oui.
Le président: Très bien, merci.
Nous passons maintenant aux séries de questions de sept minutes.
Monsieur McGuinty, vous avez la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie, messieurs les professeurs, d'être venus témoigner aujourd'hui.
Je pose toujours la même question à tous les témoins au début de mon tour: est-ce que vous avez en votre possession une copie du plan du gouvernement du Canada pour lutter à l'échelle nationale contre les changements climatiques? Avez-vous déjà vu ce plan? Si vous en avez obtenu copie, pourriez-vous nous la transmettre?
Je n'ai pas vu de plan qui explique en détail les mesures. Les objectifs ont été définis, mais pas de mesures précises.
Idem, je n'ai rien vu. Je sais que le gouvernement cible l'intensité des émissions, mais je n'ai pas vu de plan détaillé expliquant la façon de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Merci beaucoup.
Monsieur Plourde, je vous félicite pour votre mémoire. C'est probablement le mémoire le plus précis, ciblé et logique qu'il m'ait été donné de lire dans le cadre de ce comité depuis des années. Alors, je vous remercie beaucoup de votre effort de concision et d'exhaustivité malgré le peu de temps qui vous a été alloué.
Monsieur Plourde, j'aimerais que vous donniez des détails sur les mécanismes axés sur les conditions du marché dont vous avez fait mention explicitement.
Il y a quatre ans de cela, le gouvernement a rejeté le recours aux crédits internationaux. En toute opportunité, le gouvernement semblait avoir oublié le mécanisme des marchés, appelé « droits d'émissions négociables », qui avait été conçu dans le cadre de la Clean Air Act des États-Unis. Cela avait permis de réduire de façon considérable le coût de la diminution des émissions de produits chimiques à l'origine du smog. Au lieu de cela, le gouvernement s'est lui-même acculé au pied du mur en attaquant et en formulant des commentaires comme « Achetez des crédits d'air chaud » et « C'est un transfert de richesse ». Vous savez, le premier ministre a même dit qu'il s'agissait d'un complot socialiste.
Les spécialistes des États-Unis nous ont dit cette semaine que dans leur pays, grâce au projet de loi de 1 248 pages à l'étude au Sénat, on allait miser sur les crédits internationaux. Les Américains s'attendent donc à recourir aux mécanismes axés sur les conditions du marché pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en fonction de leurs cibles qui, bien sûr, présentent l'avantage connexe de favoriser les investissements dans les pays émergents, en développement, etc. Il s'agissait du principe sous-jacent au Protocole de Kyoto, qui misait sur les mécanismes axés sur les conditions du marché. Aucun pays au monde n'a atteint les objectifs du Protocole de Kyoto sans avoir recours aux crédits internationaux.
Peut-être pourriez-vous aider à faire comprendre au gouvernement l'importance de ne pas demeurer acculé au pied du mur. Il faut comprendre qu'à la conférence de Copenhague, qui commencera dans huit ou neuf jours seulement, le gouvernement du Canada devra appuyer le recours à des crédits internationaux et non pas seulement à un régime intérieur de compensations. Dans votre mémoire, vous indiquez que d'une certaine façon, nous devons collaborer avec notre partenaire commercial, les États-Unis. En termes économiques simples, pouvez-vous aider le gouvernement et les auditeurs qui nous écoutent à comprendre pourquoi nous devons avoir recours aux crédits internationaux pour atteindre nos objectifs en matière de réduction?
Je crois que ma réponse aura deux volets.
D'abord, comme M. Dissou l'a indiqué, essentiellement, plus l'ensemble des émissions potentielles envisagées est grand, plus les coûts liés à leurs réductions seront faibles. Si l'on voit les choses de cette façon — et ne parlons pas des questions de distribution, mais seulement du coût de l'intervention —, pour déterminer quels seront les droits d'émissions les moins coûteux, plus l'ensemble étudié est grand, moins les droits d'émissions seront chers. Tel est l'intérêt, fondamentalement. D'une perspective canadienne, si l'on envisage les droits d'émissions province par province ou territoire par territoire, ce n'est pas vraiment censé. C'est le même type d'argument qui est avancé lorsqu'il s'agit des frontières internationales. Si vous pouvez accéder, en tout ou en partie, à des crédits où les émissions sont moins coûteuses, vos efforts s'avéreront plus fructueux.
Toutefois, la différence, c'est le transfert de la richesse. En achetant des crédits ailleurs, le pouvoir d'achat est essentiellement transféré vers une autre administration ou vers les gens de cette autre administration. Par conséquent, c'est l'envers de la médaille.
J'imagine que d'autres intervenants de l'étranger achèteraient potentiellement des crédits du Canada et contribueraient à enrichir le pays, n'est-ce pas?
Ce n'est pas une certitude. Est-ce que nous sommes un importateur ou un exportateur net de crédits de réductions des émissions?
Alors, cela dépendra si nous avons un plan, n'est-ce pas? Je pense qu'il faut d'abord avoir un plan.
D'accord.
Monsieur Plourde, j'ai une autre question.
Cette semaine, nous avons reçu l'un des meilleurs économistes de l'Institut des ressources mondiales. Il a dit que le gouvernement a tort d'affirmer qu'il est possible de relier les cibles d'intensité canadienne aux cibles absolues des Américains dans le cadre d'échanges de crédits fongibles, pour employer un terme d'économie.
Pouvez-vous nous aider à comprendre comment on peut relier des cibles d'intensité à des cibles absolues?
On peut relier une approche fondée sur l'intensité à une approche fondée sur les niveaux si on s'entend sur les résultats finaux.
Il faut d'abord établir les niveaux. Pour ce faire, il faut employer une approche axée sur les niveaux et décider du niveau des émissions. Les cibles peuvent être précisées de n'importe quelle façon, tant que les résultats finaux sont les mêmes. Il faut ensuite utiliser les niveaux comme point de départ. Les niveaux qui correspondent aux cibles d'intensité devront être dérivés d'une hypothèse de base ou d'un élément de ce type.
Monsieur Plourde, vous avez parlé de crédits internationaux. Si nous tentions d'atteindre ne serait-ce que les cibles du gouvernement du Canada, quelles seraient les répercussions sur le prix du carbone? Les économistes parlent d'un marché du carbone aux liquidités suffisantes ou insuffisantes. On m'a dit que si nous essayions d'atteindre les cibles modestes du gouvernement à l'échelle nationale, le prix du carbone monterait en flèche parce que le marché serait si petit et manquerait tellement de liquidités que cela aurait des conséquences négatives sur la compétitivité des sociétés canadiennes qui exportent aux États-Unis.
C'est probablement une bonne idée de commencer avec un marché canadien, mais nous devons songer à un marché beaucoup plus grand. En tenant compte des États-Unis, les émissions du Canada sont environ 2 p. 100 du total des émissions mondiales. Nous représentons donc une partie relativement petite du marché des réductions de gaz à effet de serre. Pour trouver des droits d'émissions moins coûteux, il faut un marché plus grand, ce qui explique en partie pourquoi à d'autres occasions j'ai défendu l'approche nord-américaine.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai beaucoup de questions à poser, ce matin. Je vais essayer d'être bref.
D'abord, je suis un peu surpris de ce que vous dites à la page 2. Vous nous parlez beaucoup des coûts associés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais très peu des coûts reliés à l'augmentation de ces émissions. J'aimerais vous donner comme exemple la simple statistique suivante. Au Québec, on a vu le déficit commercial augmenter considérablement dans les dernières années, entre autres à cause du secteur de l'énergie. Une augmentation de 1 $ sur le prix du baril de pétrole représente en termes de dette, pour la balance commerciale du Québec, 160 millions de dollars par année. C'est donc dire que des coûts sont associés au statu quo et au maintien de notre dépendance à l'égard du pétrole.
De plus, je suis un peu surpris de vous entendre dire, M. Plourde, qu'une approche province par province ne devrait pas être privilégiée. Pourtant, les Européens ont décidé de négocier en 1997 un accord visant à réduire de - 8 p. 100 les gaz à effet de serre. Ils ont réparti de façon commune et différenciée, parmi les 15 pays membres de l'Union européenne, des cibles différentes associées à un marché du carbone. C'était fondé sur des cibles absolues et non sur des cibles d'intensité. Ils ont utilisé des outils de marché forts qui étaient à leur disposition et sont en voie, espérons-le, de se rapprocher des objectifs du Protocole de Kyoto. Ils le font passablement plus que le Canada.
Compte tenu du fait que les ressources naturelles relèvent des provinces et que le positionnement énergétique de chacune d'entre elles, par exemple le Québec, n'est pas le même que celui de l'Alberta, d'où vous venez, comment pouvons-nous éviter d'adopter une approche commune et différenciée ainsi qu'un modèle triptyque, comme l'a fait l'Europe jusqu'à ce jour?
Si mes propos n'ont pas été clairs, j'en suis désolé, d'autant plus que c'est exactement ce genre de situation que j'ai en tête. Il me semble que selon certaines conventions établies notamment par la Cour suprême du Canada, il est clair que le Parlement du Canada a la responsabilité de négocier et d'entériner des traités internationaux. Cependant, lorsque l'application ou la mise en œuvre de ces traités nécessite l'implication des provinces, le gouvernement fédéral ne peut pas s'ingérer dans ce processus, sauf en vertu de clauses assez particulières de la Constitution canadienne. Par conséquent, il faut que des approches ou des outils soient déterminés par les provinces, sur ce plan.
Je tiens à préciser deux points. D'abord, si l'on veut respecter les engagements internationaux du Canada, il faut que la somme totale de ces plans arrive à « livrer la marchandise ». Ensuite, concernant les bénéfices que vous avez mentionnés relativement à l'expérience européenne, pour échanger les permis d'un pays à l'autre, il faut garder ce genre de design à l'intérieur de la politique canadienne.
Si vous avez compris que je tenais à ce qu'il y ait une politique canadienne nationale, j'en suis désolé. L'idée est qu'il faut quand même penser à l'intégration des politiques provinciales et territoriales. Par ailleurs, si l'on opte pour un système de permis échangeables, il ne faut pas dresser des barrières qui empêchent ce genre d'échanges d'une province à l'autre.
Il y a plusieurs années, notre comité parlementaire avait reçu M. Luc Bertrand, qui est un peu l'instigateur du marché climatique de Montréal. Il faut savoir que les deux bourses s'étaient séparées il y a 10 ans en vertu d'une entente: les produits dérivés venaient à Montréal; les produits au comptant, à Toronto. M. Bertrand nous avait dit, à l'époque, que le système mis en place par le gouvernement, avec des cibles d'intensité, permettaient de créer un marché du carbone nord-américain, mais il est clair que cela complexifiait les mécanismes d'application même.
Le modèle européen, si je ne me trompe pas, compte à peu près six plateformes boursières. Aux États-Unis, le président Obama semble favoriser un système de plafonnement et échange. N'aurait-on pas intérêt à viser une plus grande compatibilité des systèmes afin que ce futur marché du carbone, auquel le Canada adhère maintenant, soit plus avantageux et efficace?
En effet, les coûts de transaction seraient beaucoup moins élevés si l'on avait des systèmes plus compatibles. Toutefois, parce qu'on a un système de permis échangeables, il faut décider, à un certain point, combien de permis on met sur le marché, même si l'on a un objectif d'intensité. D'une façon ou d'une autre, si l'on s'en va vers un marché de permis échangeables et que le gouvernement fédéral décide combien il y aura de permis, il s'agira d'un système où l'on aura déterminé un niveau. Que le niveau soit établi par suite d'un calcul compliqué basé sur des cibles d'intensité crée de l'incertitude, c'est clair. Si l'on commence à échanger des permis, il faudra qu'il y ait un nombre défini de permis sur le marché. À un certain stade, on a implicitement déterminé un niveau d'émissions même si le processus est compliqué.
Ce sera ma dernière question, monsieur le président.
Je me rappelle que le gouvernement fédéral avait déposé un plan qui proposait à certaines provinces ou à certaines entreprises d'investir dans un fonds technologique plutôt que de procéder à des réductions d'émissions de gaz à effet de serre. Tout cela était basé sur un prix de la tonne d'émission de gaz à effet de serre. Je me rappelle du témoignage de représentants de l'Institut Pembina qui disaient que cela créait des échappatoires pour certaines entreprises et risquait d'affaiblir un futur marché du carbone dans la mesure où les entreprises n'auraient peut-être pas besoin, pour faire des réductions, d'acheter sur le marché, mais plutôt d'investir dans un fonds technologique, dans un compte qui serait créé, disponible peut-être dans quelques années.
Croyez-vous qu'un tel outil pourrait créer des distorsions dans un futur marché du carbone?
On peut présenter cette contribution à un fonds technologique beaucoup plus comme une taxe sur les émissions de carbone. Selon la structure et la façon dont on met en place ce fonds, c'est une forme de taxe sur les émissions de carbone. On a déterminé comment les revenus de cette taxe seront dépensés, d'un point de vue quand même assez large. Ce n'est pas nécessaire, sur le plan de l'efficacité. Toutefois, il est un peu plus compliqué de savoir quelle structure, quelle forme devrait avoir ce genre de taxe.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs les professeurs, c'était très instructif.
Monsieur Dissou, dans vos exposés, vous ne parlez pas beaucoup du coût de l'inaction. Je suis certain que vous connaissez très bien le rapport de M. Stern qui a été publié il y a quelques années. Il essayait du mieux qu'il pouvait d'expliquer les coûts que représente l'inaction en ce qui a trait aux changements climatiques pour l'économie mondiale. Nous avons entendu des spécialistes de la modélisation des changements climatiques affirmés que bien que le Canada ne produit que 2 p. 100 des émissions globales, les conséquences seront beaucoup plus graves dans un pays comme le Canada.
Avez-vous mené des recherches fondamentales ou consulté des études sur le coût pour le Canada d'une hausse potentielle de 2 à 6 degrés celsius de la température planétaire? D'après tous les modèles qui nous ont été présentés jusqu'à maintenant, notre climat nordique serait un facteur aggravant?
Je dois admettre que mes études n'ont jamais porté sur le coût de l'inaction. Il importe de tenir compte que, dans une certaine mesure, l'inaction est un facteur aggravant. Le rapport Stern, auquel vous faites référence, établit ces coûts. Le problème dans le calcul de ces coûts, c'est qu'il y a des incertitudes à l'égard du coût exact de l'inaction. Supposons que nous sachions qu'à l'avenir, il y aura des coûts si nous agissons, quels seront les coûts associés à la mise en oeuvre des politiques d'aujourd'hui? Il est difficile d'établir un juste équilibre entre les coûts d'aujourd'hui, les coûts assumés actuellement et les coûts associés à une inaction future.
Nous sommes conscients que la hausse des températures va entraîner des dommages, mais nous ne savons pas exactement quels seront ces dommages. Or, nous en savons de plus en plus. Même les climatologues qui conçoivent des modèles modernes pour prédire l'avenir font des erreurs, parce qu'il y a des éléments qui nous sont inconnus et que nous sommes toujours en train de découvrir quelque chose de nouveau. Alors il est un peu difficile d'accepter le fait que quelqu'un affirme savoir quel sera le coût exact d'une inaction future.
Merci.
J'ai une question pour M. Plourde. J'essaie de comprendre la question dans un contexte d'affaires. J'ai rencontré des représentants de groupes de l'industrie lourde au cours des dernières années pour essayer de comprendre les répercussions de ce type de politiques sur leur industrie. Avez-vous fait des recherches ou consulté des études sur les industries qui ont tenté de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre? Je pense particulièrement aux fonderies, de grandes consommatrices, qui ont pris les devants et qui, dans certains cas, ont réduit considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre depuis 1997, moment où l'on pensait que le gouvernement allait imposer des réductions. Les économistes sont toujours aux prises avec la question de la productivité. Le Canada semble obsédé par la productivité et par son accroissement.
Ai-je tort de dire qu'il y a un lien entre la productivité d'une économie et le gaspillage généré par les processus industriels?
Bien sûr, moins il y a de gaspillage durant la production et plus vous serez productif. Ce principe s'applique à tous les facteurs de production. On peut accroître l'efficacité en n'employant qu'un seul facteur, mais cette efficacité diminuera tout aussi rapidement si l'on tient compte de tous les facteurs. Je crois qu'il est difficile de procéder au cas par cas.
Pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre, l'Office de l'efficacité énergétique de Ressources naturelles Canada a suivi, par exemple, le rendement en matière d'efficacité énergétique du secteur industriel. Il est donc possible de constater les mesures qui ont été adoptées par l'industrie depuis une assez longue période. On pourrait aussi tirer des conclusions sur leur profil conséquent d'émissions.
Ma question est la suivante. Qu'il s'agisse d'un coût pour les consommateurs ou pour l'industrie, pour des économistes comme vous, j'imagine qu'un accroissement de l'efficacité énergétique dans un marché signifierait une hausse des prix de la principale source d'énergie... Certains économistes prédisent que le coût du baril de pétrole dans 20 ans sera beaucoup moins élevé qu'en ce moment et qu'il en ira de même du kilowatt d'électricité ou du prix du gaz naturel. Si la consommation énergétique des Canadiens et de l'industrie était rationalisée, de même que notre utilisation en tant qu'économie, alors l'efficacité ne se traduirait plus en coûts générés par l'industrie ou par les Canadiens?
Bien entendu. Je pense qu'on dépenserait moins d'argent sur l'énergie, mais cela ne veut pas dire pour autant que l'on serait plus productif.
Pas nécessairement. Je ne parle que des coûts. Aujourd'hui, nous tentons d'aborder le thème des coûts.
Cela ne mènerait pas nécessairement à des coûts moins élevés, car, afin de remplacer cette énergie, il faudrait faire autre chose. Il faudrait alors voir si cette autre option est « moins coûteuse » que d'utiliser l'énergie.
Alors il s'agit en fait d'une question de certitude et de flexibilité. Vous avez déjà mentionné ces deux points. Je songe à certains des grands émetteurs, les pollueurs les plus importants du pays, qui ont demandé pendant des années au gouvernement de leur fournir une certaine certitude quant à ce que l'on s'attend d'eux. Je vous dirais même que l'incertitude a un prix.
J'aimerais maintenant parler de l'intensité. Je ne suis pas encore satisfait de votre réponse en ce qui concerne l'interchangeabilité entre une cible d'intensité et une cible absolue. Le Congrès et l'Union européenne nous ont dit fermement que le fait de parler de l'intensité d'un pays revient à comparer des pommes et des oranges..., car c'est une évaluation qu'on ne peut faire qu'une fois le fait accompli. Une cible d'intensité signifie que l'on a utilisé moins d'énergie par unité de production. Mais on ne connaît cette consommation d'énergie par production qu'une fois que l'énergie a été consommée. Un plafond absolu peut se mesurer directement et au moment présent. Je ne vois pas comment l'on pourrait échanger à la bourse de Chicago ou de Montréal une unité d'émissions de gaz à effet de serre au Canada contre un cadre d'intensité similaire à ce qu'on retrouve aux États-Unis.
Monsieur Dissou, voulez-vous faire une observation à ce sujet?
Du point de vue technique, il ne s'agit pas de la même chose. Je ne vois pas comment on peut comparer le prix de l'intensité d'une émission avec celui de l'émission en tant que telle.
Ainsi, par exemple, j'ai examiné ceci dans une étude que j'ai effectuée dans le passé: comment est-ce que le gouvernement peut déterminer des cibles d'intensité d'émissions si l'on ne peut pas utiliser un mécanisme axé sur les conditions du marché? Du point de vue théorique, cela est possible. Mais, à mon avis, si l'on veut demander aux sociétés d'échanger des permis d'intensité d'émissions, cela sera impossible. Il sera très difficile d'évaluer qui fait quoi et ce que nous échangeons.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les deux témoins d'être venus.
Cette discussion a été très intéressante. J'ai écouté avec grand intérêt votre déclaration, monsieur Plourde.
Vous avez tous les deux parlé de la possibilité d'utiliser une approche harmonisée et continentale. M. Bigras a posé des questions en ce qui concerne l'approche européenne. Des représentants de l'Union européenne et du Royaume-Uni ont comparu au comité il y a une semaine. Je pense que l'Union européenne comprend 27 pays, dont le Royaume-Unis. Chaque pays a le droit d'avoir une approche différente en ce qui concerne son engagement, mais l'Union européenne en tant que telle a un engagement continental.
Depuis que le président Obama a été élu, le Canada négocie avec les États-Unis et tente de créer un dialogue sur l'énergie propre. Je suis convaincu que vous êtes au courant. Beaucoup de progrès ont été accomplis. Cela fait des années que le Canada négocie et travaille avec les provinces et les territoires. Hier, les ministres territoriaux et provinciaux de l'Environnement se sont rencontrés à Ottawa, avant que le ministre fédéral se rende à Copenhague, afin que nous y parlions d'une seule voix.
Le Canada s'est engagé à réduire de manière absolue les émissions de gaz à effet de serre de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 2006, d'ici 2020, et de 60 p. 100 à 70 p. 100, d'ici 2050. Aux États-Unis, le président Obama a annoncé qu'il déclarera à Copenhague qu'il réduira de 17 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005, d'ici 2020. Les témoins qui ont comparu à notre dernière réunion nous ont dit que les États-Unis ont beaucoup de pain sur la planche avant que leur projet de loi soit adopté. Ainsi, les pays qui iront à Copenhague prendront également des engagements soumis à des conditions. Cela dépendra de ce que les autres pays feront.
J'aimerais vous poser une question portant sur l'harmonisation et la sécurité — sur la certitude nécessaire à l'investissement. Si le Canada optait pour une cible autre que celle des États-Unis et que nous n'avions pas une approche continentale, est-ce que cela engendrerait de l'incertitude ou de la certitude? Je crois que cela créerait de l'incertitude.
J'aimerais que les deux témoins nous parlent de l'importance qu'aurait une approche continentale dans laquelle le Canada et les États-Unis négocieraient ensemble et créeraient un programme continental de plafonnement et d'échange — un marché de carbone continental que l'on pourrait échanger à l'échelle internationale. Il faudrait que cela soit une approche continentale, tout comme celle qu'a l'Union européenne.
Merci.
Les deux pays n'ont pas nécessairement besoin d'avoir exactement le même pourcentage cible de réduction. Ainsi, par exemple, l'Union européenne a une cible commune, mais les pays ont des cibles différentes qui varient en fonction de la structure de leur économie. Tant qu'il y a une cible connue pour chaque pays, le secteur financier saura à quoi s'en tenir en ce qui concerne ses investissements. Ainsi, je ne crois pas que le fait d'avoir des objectifs différents créera nécessairement de l'incertitude dans les investissements.
Vous avez tout à fait raison de dire que les conditions économiques des pays de l'Union européenne détermineront les engagements qu'ils pourront prendre. Cela dit, vous savez à quel point les économies des États-Unis et du Canada sont interreliées. Dans l'Union européenne, on s'attendra à ce que les économies similaires aient des cibles similaires. Le Canada et les États-Unis ont des économies semblables.
Je suis d'accord avec vous. Vous parlez du fait que des cibles différentes au Canada et aux États-Unis pourraient avoir une incidence sur la compétitivité. Ainsi, si nous tenons pour acquis que nous aurons une cible plus absolue, cela coûtera plus cher de réduire les émissions au Canada qu'aux États-Unis. Je suis tout à fait en accord avec vous sur ce point.
Mais, si vous êtes en train de dire que le fait d'avoir des cibles différentes dans les deux pays mènera à plus d'incertitude en ce qui concerne les investissements, je ne crois pas que ce sera le cas nécessairement.
J'essaie d'avoir une vue d'ensemble et de voir comment nous pouvons arriver à atteindre cette cible de réduction de 20 p. 100. Le projet de loi établit une cible de 25 p. 100 en dessous des seuils de 1990. Notre objectif, et celui du gouvernement américain, est d'arriver à une cible de réduction de 20 p. 100 d'ici 2020.
Monsieur Plourde, qu'en pensez-vous?
Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Dissou. Vous n'avez pas besoin d'avoir exactement les mêmes cibles pour réduire l'incertitude. Pour ce faire, vous aurez besoin de vous munir d'une cible crédible — et vous allez y arriver. Cela réduira l'incertitude.
Il faut ensuite parler des coûts. Il faut également parler des problèmes de compétitivité si, comme vous le dites, le Canada et les États-Unis ont des structures économiques similaires. Comme vous le savez, nous sommes plus énergivores que les États-Unis. Dans ce contexte-là, qu'en sera-t-il des coûts dans les deux pays?
Mais, si l'on veut parler de l'incertitude, il ne s'agit pas d'avoir une politique intégrée ou non avec les États-Unis, mais plutôt d'avoir une cible que nous pourrons atteindre. Une fois qu'elle est établie, il n'y aura plus d'incertitude. Il s'agit d'un contrat implicite. Ensuite, il faut examiner les coûts et la compétitivité. C'est là que les questions d'harmonisation et d'intégration joueront un rôle bien plus important.
En ce qui concerne l'harmonisation, il faut que les deux marchés soient interreliés afin de pouvoir échanger des émissions. Nous pouvons avoir une cible différente que celle des États-Unis, mais dès que nous laisserons les permis circuler entre les deux pays, cela égalisera les prix entre les deux pays.
Je suis également d'accord avec vous en ce qui concerne le fait de s'assurer que la cible que nous fixerons ne nuira pas à nos industries par rapport à ce qui se passe aux États-Unis, puisque la plupart de nos exportations vont vers les États-Unis. Nous devons nous assurer de ne pas trop pénaliser nos industries.
Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
Nous allons passer à un tour où les intervenants disposeront de cinq minutes. Nous commençons avec M. Scarpaleggia.
[Français]
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur la question soulevée par M. Warawa, de savoir quel serait l'impact sur les investissements, notamment, si les cibles canadienne et américaine n'étaient pas proches l'une de l'autre.
Des représentants de l'Association canadienne des producteurs pétroliers sont venus nous rencontrer il y a quelques semaines. Ils nous ont dit que si nous adoptions une cible de 25 p. 100, mais que la cible des Américains était beaucoup moins élevée, les compagnies canadiennes auraient tendance à acheter davantage de crédits aux États-Unis, ce qui donnerait lieu, en quelque sorte, à un exode de capitaux canadiens vers les États-Unis. Que pensez-vous de cette déclaration?
D'un point de vue économique, de façon stricte, si nous adoptons des cibles différentes, mais que nous permettions un échange de permis entre les deux pays, le prix du permis sera forcément le même pour les deux pays. Tant qu'il y aura une fluidité entre les deux marchés, la réduction d'émissions se fera là où elle sera la moins coûteuse. Sur les plans théorique et économique, c'est ce qui va se produire. Par contre, si les cibles sont différentes pour les deux pays, les revenus de permis vont eux aussi être différents, ce qui va avoir des répercussions sur la manière dont nous pourrons réduire les émissions.
Autrement dit, afin de rencontrer les cibles canadiennes, les pétrolières et les industries du Canada seraient obligées de dépenser deux ou trois fois plus que les entreprises américaines pour acheter des crédits.
Je n'en suis pas sûr. Supposons que nous adoptions une cible au Canada et que nous permettions aux firmes canadiennes d'acheter des permis qui coûtent moins cher, par exemple dans les pays en voie de développement. En fin de compte, ça serait passablement moins cher. Comme l'a dit plus tôt le professeur Plourde, ça permettrait une fluidité entre les deux marchés, ce qui est important pour la minimisation des coûts, dans ce cas-ci.
Mais d'après vous, si les deux cibles étaient très éloignées l'une de l'autre, n'y aurait-il pas des effets néfastes sur le niveau d'investissement au Canada?
Je suis d'accord pour dire que si les marchés étaient totalement séparés, le coût des affaires en matière d'énergie devrait être beaucoup plus élevé au Canada. Si nous permettons la fluidité des deux marchés, le coût des permis sera automatiquement égalisé dans les deux pays. Par conséquent, la réduction des émissions se fera là où ça coûtera le moins cher. Par exemple, si une pétrolière a besoin de réduire ses émissions et d'acheter des permis, elle peut permettre à une entreprise dont le coût des réductions est moins élevé au Canada de faire cette réduction et payer une prime à cet effet. Sur le plan économique, c'est le principe que nous avons.
Encore une fois, je répète que ce sera possible uniquement si nous permettons une fluidité entre les deux marchés, de façon à ce que les permis puissent être échangés. Comme le disait plus tôt le professeur Plourde, si les cibles varient d'une province canadienne à l'autre, il va falloir permettre aux entreprises d'échanger des permis.
Professeur Plourde, ce sont les provinces qui, pour la plupart, vont instaurer leurs propres mesures pour arriver à atteindre les cibles.
Selon vous, est-il efficace que chaque province ait sa propre cible en matière de réduction des gaz à effet de serre? Croyez-vous plutôt qu'il faudrait déterminer des cibles sectorielles à l'échelle du pays? Évidemment, les provinces appliqueraient leurs propres mesures pour aider leurs industries à atteindre leurs cibles. Je n'ai pas tout à fait compris votre position sur cette question.
Si l'on vend les permis aux enchères, il n'y a pas de problème parce que tout le monde peut les acheter n'importe où, mais si des politiques ciblent certaines industries ou certains secteurs et qu'on leur accorde une certaine portion des permis, il faut déterminer le niveau des émissions par industrie et accorder un certain montant de permis. Pour répondre à votre question, je dirais que ça dépend de la structure des mécanismes de politique qu'on veut mettre en œuvre. S'il s'agit de mécanismes dans le cadre desquels on établit des cibles pour certaines industries, il faut les appliquer d'un bout à l'autre du pays. Si l'on n'adopte pas ce genre d'approche, mais qu'on choisisse une perspective beaucoup plus globale, il n'est pas nécessaire que les industries ou les secteurs adoptent des cibles de façon individuelle parce que la répartition de l'effort pour réduire les émissions se fait en fonction des coûts de réduction de ces émissions, d'un secteur à l'autre.
Merci, monsieur le président. Merci aux deux témoins d'être venus. Vos compétences et vos parcours sont impressionnants. Ce que vous nous avez raconté était fort utile.
Monsieur Plourde, vous avez parlé de plusieurs points fort pertinents, et j'aimerais y revenir. Je joindrai ma voix à celle de M. McGuinty pour vous dire que j'ai trouvé que votre exposé était particulièrement exceptionnel et une bouffée de fraîcheur par rapport à certains des témoignages que nous avons entendus au cours des derniers mois.
J'aimerais commencer par une observation que vous avez faite à propos du Protocole de Kyoto, qui a préparé le terrain pour nous. Vous avez indiqué que les cibles de Kyoto auraient réduit les gaz à effet de serre d'environ 36 mégatonnes sur 11 ans. Comme nous le savons, nous n'atteindrons pas cette cible. En 2007, les émissions du Canada ont augmenté d'environ 155 mégatonnes et représentaient alors 125 p. 100 des niveaux de 1990. Dans cette déclaration, vous avez énoncé le noeud du problème.
Vous avez également indiqué que le projet de loi C-311 exigerait une réduction des émissions annuelles de 40 p. 100 sur 11 ans. En d'autres termes, chaque année, entre 2010 et 2020, le Canada devrait, en moyenne, réduire ses émissions de 75 p. 100 du montant total de réduction que nous avions promis d'atteindre en vertu du Protocole de Kyoto. Nous allons rater cette cible de beaucoup. De nouveau, cela permet de voir le noeud du problème. Il faut se demander si les engagements de l'article 5 sont crédibles et pourront être atteints.
J'ai reçu de l'information de la part du professeur Chris Green de l'Université McGill. Il ne fait aucun doute que les économistes du pays entretiennent des relations collégiales. Il a répondu précisément à cette question. Il m'a indiqué que, entre 1990 et 2006, il y a eu un taux annuel moyen de réduction de 1,1 p. 100 du carbone. Est-ce que cela vous semble exact?
Il utilisait une réduction de 38 p. 100 des niveaux actuels plutôt que les 40 p. 100 que vous mentionniez. Il a même indiqué que, si la croissance était nulle entre maintenant et 2020, le projet de loi C-311 exigerait quand même une réduction de 4,8 p. 100 annuellement de l'intensité des émissions de carbone. Est-ce que ce taux ressemble au vôtre?
Cela dépend de l'évaluation de l'intensité et des hypothèses que vous faites en ce qui concerne la croissance du PIB. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je souscris au fait qu'il faudra faire plus d'efforts qu'auparavant.
M. Green a dit que si la croissance annuelle était de 2,2 p. 100, il faudrait augmenter le taux de décarbonisation à 7,7 p. 100 par an. Il a indiqué qu'il s'agissait de taux de décarbonisation sans parallèle, même dans des économies défaillantes. Cela me semble une déclaration raisonnable. Je me demandais si vous connaissiez des économies défaillantes dotées de taux de décarbonisation semblables à ce que l'analyse économique du projet de loi C-311 propose.
Les cibles de 2050 sont semblables à ce que plusieurs pays ont suggéré de faire. Elles sont plus ou moins semblables à ce que les États-Unis, l'Europe ou le Royaume-Uni disent vouloir faire depuis un certain moment. Le problème c'est la transition à long terme.
Il est vrai que les cibles sont comparables. Mais le Canada accuse un retard dans la réduction de 40 p. 100 des émissions. Et je ne vous parle que des niveaux de 2020. Est-ce qu'un autre pays a tenté de fixer le même taux de réduction que celui proposé d'ici 2020 pour le Canada dans le projet de loi C-311?
Pas à ma connaissance, et cela revient en partie au problème de crédibilité. Il se peut aussi que je ne sois pas à jour quant à ce qui se passe dans les autres pays. Mais il faut que je souligne que je crois que nous devons réduire les gaz à effet de serre au Canada. Nous sommes un des pays les plus énergivores au monde. Nous sommes un des pays qui émet le plus d'émissions dans le monde. Il faut prendre cela au sérieux. Nous avons une économie développée, riche. Nous devrions faire figure de proue en ce qui concerne la décarbonisation — ou, du moins, les réductions des émissions de gaz à effet de serre. Ces deux points ne vont pas nécessairement de pair, comme vous le savez, et ils ne représentent pas forcément la même chose.
Je m'excuse, monsieur Woodworth, mais votre temps est écoulé.
Nous allons passer au prochain intervenant.
[Français]
Monsieur Ouellet, c'est à vous.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être présents tous les deux aujourd'hui. Vous avez remis le sourire sur les visages de nos amis d'en face, particulièrement M. Woodworth. Je ne l'avais pas vu sourire depuis 15 jours ou trois semaines. Maintenant, il sourit, il a l'air heureux grâce à vous. Je vous remercie donc d'être venus.
J'aimerais reprendre une phrase de M. Woodworth. Vous voyez, il sourit. Je continue donc. Quel est le cœur même du problème? Pourquoi propose-t-on le projet de loi C-311? Est-ce pour trouver des cibles ou pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de façon à ne pas augmenter la température sur la Terre de plus de deux degrés?
Il me semble que c'est l'essentiel, ce n'est pas une question de cibles ou d'économie. Je me trompe peut-être. C'est peut-être pour maintenir le mode de vie du Canada, comme on l'a souvent entendu dire. C'est peut-être pour maintenir l'économie — vous êtes économiste — dans l'état actuel le plus longtemps possible. Votre extraordinaire exposé me semble être fait pour notre génération, pas pour les générations futures.
Il y a deux aspects. Premièrement, le problème des changements climatiques auxquels on fait face est global et mondial. Quelque action que prendra le Canada, indépendamment de ce que font tous les autres pays, n'aura à peu près aucun effet sur le problème en lui-même. Le Canada produit environ 2 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. C'est pourquoi il faut concevoir cette question comme un problème de relations internationales. Il faut une approche internationale où les grands émetteurs, comme le Canada, jouent un rôle tout à fait particulier.
Je comprends l'orientation de votre question, mais je pense qu'il faut des cibles claires pour permettre au Canada d'être un joueur sur le plan international. Lorsque tous les joueurs sur le plan international joueront ensemble, on aura un impact sur le problème. C'est pourquoi les cibles sont importantes. Il faut voir le niveau d'efforts.
Je vous arrête parce que le temps qui m'est imparti est court. En effet, on n'émet peut-être que 2 p. 100 des émissions, mais vous avez bien dit, un peu plus tôt, que par habitant on émet plus que n'importe où ailleurs. Il est donc important que l'on fasse quelque chose.
Vous êtes un économiste. Avez-vous évalué, compte tenu de la cible de 20 p. 100 que va peut-être se donner le Canada, quelles vont être les conséquences sur l'agriculture, particulièrement dans l'Ouest? Ce matin, j'assistais à une conférence où l'on disait à quel point on allait manquer d'eau partout. La sécurité de l'eau au Canada va être vitale d'ici quelques années. On va perdre nos forêts boréales. C'est de l'économie, monsieur Plourde. Avez-vous évalué cela?
Non, je n'ai pas évalué cela. Encore une fois, il s'agit d'un problème global. Tout le monde doit agir pour que ces conséquences n'aient pas lieu. Il ne s'agit pas simplement pour le Canada d'agir et de s'assurer que les problèmes auxquels fera face l'agriculture canadienne d'une province à l'autre à cause du manque d'eau n'existeront pas, que les possibilités de destruction de la forêt boréale disparaîtront. Il faut voir cela comme un problème international et s'assurer d'être un joueur important dans le cadre de l'effort international.
J'en conviens avec vous. Il reste quand même que plusieurs scientifiques disent que cela va avoir un effet local. Le Canada est tellement grand que cela va avoir un effet sur l'agriculture locale, particulièrement dans l'Ouest, dans votre province et en Saskatchewan.
Certainement. mais ce ne sont pas les émissions de l'Alberta, de la Saskatchewan ou de l'Ouest canadien qui auront un impact total sur les émissions. Lorsque l'on émet des gaz à effet de serre, ceux-ci se répandent partout dans l'atmosphère. Cela ne reste pas une concentration...
Monsieur Plourde, la hausse de la température va occasionner plus de vapeur d'eau, plus d'humidité, ce qui va avoir des conséquences directes sur nous. Ça ne va pas se passer seulement en Afrique ou ailleurs. Ça va se produire chez nous, et il va y avoir des surchauffes locales.
Certainement. Les impacts vont être locaux, mais la cause du problème est internationale. Il faut considérer le problème de cette façon.
Aux États-Unis actuellement, il y a trois projets sur la table. Un provient du Sénat, un autre de la Chambre des représentants, et un autre de l'agence. Dans le cadre de ces trois projets, on cherche à établir un tarif sur les émissions de carbone. En Europe, on pense également en établir un. Pour ce qui est du Canada, vous n'avez rien mentionné à ce sujet.
Pensez-vous que le Canada devrait établir un tarif sur les émissions de carbone?
D'après les conversations que j'ai entendues au sujet de l'approche américaine, on privilégierait une approche de permis échangeables. Il est certainement possible d'opter pour une taxe — ou appelez cela comme vous le voulez — sur les émissions de carbone. Les deux mesures auront des impacts semblables à certains égards et différents à d'autres égards. Il me semble que le fait de retirer d'office certains outils de notre appareillage sans d'abord les considérer n'est pas une bonne idée. On sait qu'en général, ce genre de mécanisme, par opposition à d'autres, va entraîner des coûts plus faibles en matière de réduction des émissions. Il faudrait considérer toutes ces options afin que la réduction des émissions se fasse à un coût raisonnable.
Merci, monsieur le président.
J'aime bien la discussion et le débat que nous avons. Monsieur Plourde, je suis un député de l'Alberta et j'aimerais, aux fins du compte rendu, que vous indiquiez la province canadienne qui a été la première à déposer une loi sur le changement climatique et à l'adopter.
Merci. Vous avez fourni une réponse excellente, intéressante et honnête.
J'aimerais maintenant parler des coûts associés à ce programme. Un représentant de l'Institut Pembina a comparu devant le comité et nous a indiqué qu'il ne prévoyait pas de fuite de capitaux du Canada. Il a signalé que, si nous donnions suite au projet de loi C-311 et qu'il n'y avait pas de fuite de capitaux du Canada ni de transfert de la richesse, la province de l'Alberta verrait son PIB réduire d'environ 12 p. 100. Étiez-vous au courant de ce rapport?
Compte tenu du témoignage fourni par Aldyen Donnelly, qui a comparu devant ce comité et qui a indiqué que la fuite de capitaux de l'Union européenne au Canada a augmenté de manière considérable nos avantages et notre rendement économique, croyez-vous que ce serait raisonnable? Avez-vous eu l'occasion de lire son témoignage?
Je pense qu'il faut souligner deux choses. D'abord, est-ce que nous voulons régler le problème? Ensuite, quels mécanismes voulons-nous utiliser pour nous attaquer au problème?
J'y arrive, monsieur Plourde. Mais êtes-vous d'accord avec moi pour dire que si un pays fixe des cibles trop ambitieuses, déraisonnables et intenables, cela mènera à une fuite de capitaux du pays?
Ne convenez-vous pas que c'est pourquoi il est absolument important que le Canada travaille en collaboration avec ses principaux partenaires commerciaux pour mettre au point un plan exhaustif? Nous savons que les pays du G-8 et cinq autres pays produisent environ 70 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent, il s'ensuit que si nous n'obtenons pas un accord prévoyant des cibles équitables et acceptables aux pays du G-8 et les cinq autres, les coûts devront être assumés par les pays ayant adhéré à des cibles extravagantes, alors que les autres pays auront négocié une entente plus favorable. Cela entraînerait des pertes économiques pour les pays ayant adhéré à ces cibles extravagantes, lesquels perdront des emplois au profit de leurs concurrents. N'êtes-vous pas d'accord?
Je l'ai dit publiquement, je l'ai écrit et je l'ai dit devant les membres de ce comité de la Chambre: une approche nord-américaine intégrée à la politique en matière de changement climatique serait la meilleure façon de cerner le problème.
Merci beaucoup. J'ai terminé.
Je laisse le reste de mon temps à M. Woodworth ou à un autre de mes collègues.
Tous deux, messieurs les témoins, vous avez abordé le coût que représenterait pour les Canadiens l'adoption du projet de loi C-311.
Monsieur Dissou, vous avez dit que les choix seraient pénibles.
Monsieur Plourde, vous vous êtes demandé si les Canadiens étaient prêts. Vous avez dit: « Comprennent-ils l'ampleur de la tâche qui sous-tend les engagements en matière de réduction des émissions formulés »?
Pouvez-vous expliquer votre pensée? À quel genre de coûts le Canada doit-il s'attendre? J'aimerais entendre M. Plourde en premier.
On a fait une grande quantité d'estimations des coûts qu'entraîneraient de telles mesures. Comme vous le savez, la table ronde nationale s'est penchée sur la question. Plus récemment, l'Institut Pembina et la Fondation Suzuki se sont attelés à la tâche et ont produit divers types d'estimations de ces coûts.
Voici ce que j'ai à dire, et ce point n'est pas très souvent soulevé dans le débat: le coût dépend des mesures choisies pour agir. On peut fixer une cible, n'importe laquelle. Cela donne lieu à toutes sortes d'estimations des coûts. Si on prend des mesures farfelues pour réduire les émissions, ce sera très coûteux, car on n'optimisera pas l'argent dépensé.
Il me semble que nous soyons obsédés par un rapport biunivoque: une cible, le coût. Je vous dirais qu'il y a une étape intermédiaire à franchir. Le choix des mécanismes ou des instruments de politique utilisés pour atteindre la cible est capital dans la détermination du coût. On ne parle pas assez de cet aspect-là.
J'abonde dans le même sens. Comme je l'ai dit dans mon exposé, évaluer le coût d'une politique de réduction des gaz à effet de serre est difficile quand on ne connaît pas exactement les instruments stratégiques utilisés. D'habitude, on me pose la question suivante: combien en coûte-t-il de faire ceci ou cela? Je ne peux pas répondre tant que je n'ai pas un complément d'information en ce qui concerne les instruments stratégiques que l'on entend utiliser et le coût qu'ils entraînent. Notamment, comment recycler les recettes?
Quant au coût même, il semble d'habitude relativement faible par rapport au PIB. Cela s'explique du fait que plus de 60 p. 100 de notre PIB, par exemple, est engendré par le secteur tertiaire, qui n'est pas un gros producteur d'émissions.
Comme je le disais dans mon exposé, les secteurs sont hétérogènes. Certains secteurs seront touchés davantage que d'autres, si bien qu'on ne doit pas tenir compte uniquement de l'incidence cumulative sur le PIB et que l'on doit prendre en considération l'incidence secteur par secteur, et cela aura des conséquences pour les emplois, les régions, etc. Voilà ce que nous pouvons conclure des modèles que nous avons élaborés.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Il ressort des témoignages que nous avons entendus que, même si nous ne pouvons pas la quantifier, nous savons que l'inaction sera assortie d'un coût extrêmement élevé. Or, à combien s'élèvera ce coût et comment se concrétisera-t-il? Nous le verrons bien.Toutefois, nous sommes conscients du fait que si nous ne faisons rien, les conséquences économiques seront colossales.
Voilà pourquoi je ne suis pas tout à fait d'accord avec les affirmations de M. Calkin concernant le danger d'un exode des capitaux comparativement au danger d'une réduction des émissions à l'échelle mondiale. En effet, les émissions qui vont causer la fonte de la calotte glaciaire dans l'Arctique, les variations climatiques extrêmes que nous connaîtrons, les diverses conséquences d'une augmentation de la température globale de deux degrés ou plus ne doivent pas céder le pas à notre souhait de maintenir le statu quo le plus longtemps possible. Au contraire, il nous faut nous attaquer à cet enjeu et à ce défi de taille d'une façon qui aboutira à une prospérité économique maximale pour, dans le cas qui nous occupe, le Canada. Voilà l'objectif que nous essayons d'atteindre.
Je pense qu'il nous faut rétablir un équilibre en l'occurrence. Il nous faut envisager la réduction des émissions à l'échelle mondiale. Les émissions en provenance de la Chine ou de la Russie vont avoir une incidence ici, et voilà pourquoi il nous faut accepter de réduire les émissions le plus efficacement possible.
Un de vos propos m'a frappé, à savoir qu'il est bien beau de fixer des cibles, mais qu'il faut commencer par parler des étapes intermédiaires et du cheminement pour atteindre ces cibles.
À l'occasion du projet de loi C-311, nous songeons à une cible de 25 p. 100 inférieure aux niveaux de 1990. Certains témoins nous ont dit qu'une réduction de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 2006 nous permettrait de revenir — à 3 p. 100 près — aux niveaux de 1990.
Voici ma question: diriez-vous que les émissions de CO2 au Canada ont augmenté ou diminué depuis quatre ans étant donné les modestes cibles fixées par le gouvernement conservateur faisant état d'un retour souhaité aux niveaux d'émissions de CO2 de 1990?
D'après les derniers renseignements affichés sur le site Web du gouvernement du Canada, il y a eu une petite diminution entre 2003 et 2007. Mais il y a eu une recrudescence des émissions récemment. Nous n'avons pas encore obtenu les dernières données.
Je dirais qu'étant donné la récession — la récession en elle-même fait diminuer les émissions —, on constatera sans doute une réduction des émissions.
Merci.
Les mesures prises par le gouvernement, compte tenu également des cibles proposées au cours des quatre dernières années et compte tenu des mesures qu'il entend prendre d'ici quelques années, vont-elles nous acheminer vers l'objectif d'atteindre avec succès les niveaux de 1990 dans dix ans, selon vous? Vous avez étudié le coût que comporterait une diminution de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 et une diminution de 25 p. 100. Sommes-nous en bonne voie de faire chuter nos émissions pour atteindre les niveaux de 1990, à en croire les projections du gouvernement?
Monsieur Plourde.
D'après ce que j'ai pu lire depuis que le Protocole de Kyoto a été signé, j'en conclus qu'aucun des plans présentés par les divers gouvernements ne nous permettrait d'atteindre cet objectif. Cela vaut pour le plan actuel et pour les plans précédents. Je pense qu'on ne comprend pas l'énormité de l'effort exigé pour réduire les émissions.
Plus précisément, en réponse à votre question, à savoir si nous nous acheminons vers un niveau d'émissions égal à celui de 1990, je dirais qu'étant donné les instruments de politique utilisés, il serait difficile de prétendre que c'est le cas.
Il y a une chose qui me trouble, et c'est le fait que nous avons consacré beaucoup de temps à discuter de cette motion d'initiative parlementaire dans laquelle figurent des cibles ambitieuses que certaines données scientifiques corroborent. Toutefois, comme il y a beaucoup de capital politique à gagner lors d'une discussion sur quelles cibles sont préférables, plus réalisables, et sur la façon de les atteindre, nous ne parlons malheureusement pas assez, comme il se doit, de cette étape intermédiaire sur la façon de procéder. Ai-je raison?
Non, je ne pense pas. Toutefois, quand il est question de fixer une cible, il faut savoir le cheminement envisagé avant de commencer à prendre des mesures. Voilà pourquoi je dis que c'est là une étape nécessaire. Quel est le but visé et quel est échéancier? Quels éléments faut-il mettre en place pour l'atteindre de la façon la moins coûteuse? Je suis pingre. Sachez que je suis économiste et que ma formation m'impose de l'être.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être venus. Je trouve votre dernière remarque assez amusante, monsieur Plourde.
Je vais poser une question qui revient sans cesse à propos du projet de loi. Que coûtera l'application du projet de loi C-311? Je pense connaître la réponse. On ne peut pas évaluer le coût parce qu'une démarche précise n'a pas été choisie sur le plan de l'orientation. Est-ce que je me trompe en disant cela?
Le projet de loi porte sur une cible. Monsieur Plourde, vous avez dit que l'établissement d'une cible était un point de départ approprié...
J'invoque le Règlement. Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Watson, mais j'ai vu le témoin faire un signe de tête en réponse aux remarques de M. Watson. Je pense qu'il serait bon que cette réponse soit consignée au compte rendu.
Monsieur le président, si j'ai bien compris ce que disait M. Watson, il s'agissait de l'impossibilité de calculer le coût que représentent les dispositions du projet de loi, car il n'y figure pas les mesures nécessaires pour juguler nos émissions à l'échelle nationale. Je pense que le témoin a opiné du bonnet à ce moment-là.
Monsieur Watson, c'est tout à fait pertinent. Il est bon que la réponse soit consignée au compte rendu.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est très difficile d'évaluer le coût avec précision sans connaître la méthode qui permettra d'atteindre la cible. Nous pourrions envisager diverses façons de procéder, évaluer le coût de chacune, mais il est impossible de le faire pour l'heure.
En d'autres termes, en réponse à la question concernant l'impossibilité d'évaluer le coût des dispositions du projet de loi C-311 parce que des orientations précises n'ont pas été fixées, la réponse est oui, n'est-ce pas?
Nous sommes saisis d'un projet de loi concernant une cible. Je pense que vous avez dit dans votre exposé que cette cible n'était pas crédible, qu'elle n'était pas nécessairement atteignable. Cette cible n'est certainement pas conforme à celle des États-Unis.
La cible fixée par le gouvernement du Canada équivaut au niveau de 1990 à 3 p. 100 près. Les dispositions du projet de loi C-311 fixent la cible à un niveau de 25 p. 100 inférieur au niveau de 1990. Hier soir, j'ai rencontré certaines personnes qui m'ont dit que la cible des États-Unis, à savoir de 17 à 20 p. 100 inférieure au niveau de 2005 correspondait à un peu moins que des émissions inférieures de 10 p. 100 au niveau de 1990.
Nous souhaitons être dans le droit fil de ce que font les États-Unis et nous voulons fixer une cible crédible. Dès le départ, ce projet de loi ne nous permet pas de prétendre à la crédibilité. C'est bien cela? Nous sommes bien d'accord là-dessus, n'est-ce pas?
Je répondrais que, compte tenu des efforts que nous avons consentis ces douze dernières années, il faut un changement fondamental dans la façon dont nous voyons les politiques climatiques au Canada pour y arriver.
Est-ce une bonne réponse à votre question?
Vous avez défini la crédibilité par la capacité d'atteindre les cibles et par l'harmonisation avec les cibles américaines. Ce sont les paramètres dont vous avez parlé dans votre témoignage, aujourd'hui. À cet égard, la cible figurant dans le projet de loi C-311 n'est ni crédible, ni harmonisée avec celle des États-Unis.
En 2020, la cible figurant dans le projet de loi C-311 est plus ambitieuse que celle des États-Unis, mais en 2050, les différences sont mineures.
D'accord.
Hier, nous avons entendu les témoignages des représentants du Pew Centre on Climate Change et d'Environment Northeast. Lorsqu'ils ont parlé de la création d'un système de quotas et d’échange de droits d’émissions en Amérique du Nord, ils ont dit qu'il était nécessaire de veiller à ce que le système soit rigoureux à tous les égards. Je leur ai demandé si des cibles qui ne seraient pas étroitement ou raisonnablement harmonisées empêcheraient d'avoir une rigueur comparable. Ils ont dit oui, puis ils ont indiqué qu'il pourrait y avoir certains problèmes. Si on prend cette situation de 2020, les cibles ne seraient pas harmonisées; si j'ai bien compris l'analyse du centre Pew, je pense que nous nous trouverions dans une position d'acheteur net de crédits jusqu'à ce que la situation fasse augmenter le prix du carbone aux États-Unis. Êtes-vous d'accord avec cette analyse?
Non, je ne suis pas d'accord. J'aimerais tracer un parallèle: les provinces du Canada ont des cibles différentes, cela ne devrait donc pas être une bonne chose? Si nous avons des cibles différentes dans les provinces canadiennes, nous pouvons y travailler et arriver à quelque chose. Je ne suis pas d'accord avec l'argument selon lequel des cibles différentes au Canada et aux États-Unis ne seraient pas possibles.
Vous dites donc que si nous sommes 9 ou 10 p. 100 sous le niveau de 1990, par rapport à une cible de 25 p. 100 sous le niveau de 1990 d'ici 2020, ce ne serait pas un problème? Est-ce ce que vous dites?
Il n'y aurait pas de problème de rigueur dans un système de quotas et d’échange de droits d’émissions. Est-ce que...
Notre système devrait être plus rigoureux. Le prix du carbone serait différent. Le coût des crédits serait différent dans...
Oui, sans aucun doute. La cible que nous viserons sera plus importante que celle des États-Unis et, à cet égard, les coûts relatifs que nous devrons assumer seront probablement plus élevés. Mais comme je l'ai dit, pour autant que nous ayons deux ou trois marchés interreliés, la situation tendra à équilibrer nos coûts climatiques. Au bout du compte, il se peut que nous soyons un acheteur net de crédits des États-Unis parce que nous avons des cibles plus strictes.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos deux témoins d'être ici cet après-midi. Leur exposé et leur témoignage ont été très utiles et instructifs.
Monsieur Plourde, si vous me le permettez, je commencerai par vous poser une question. Vous avez dit que, bien entendu, en termes de pourcentage des émissions totales de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, le Canada représente environ 2 p. 100. Par conséquent, si je comprends bien, nous devons être actifs dans une organisation ou un marché plus grand si nous voulons que nos actions aient une incidence dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la participation à un système de quotas et d’échange de droits d’émissions. Mon analyse est-elle correcte?
Je pense que ce que l'on doit faire, c'est... Le Canada ne peut pas agir seul. Les principaux pays émetteurs doivent tous agir. Peu importe le mécanisme que l'on souhaite adopter, peu importe les instruments stratégiques que l'on souhaite utiliser, la réduction des émissions est différente des mécanismes qu'on utilise pour y arriver. La clé, c'est que de nombreux pays doivent agir, ou du moins, les grands émetteurs.
Pour avoir des effets sur les changements climatiques ou pour se doter d'un environnement politique qui peut, en quelque sorte, s'attaquer à certains problèmes?
Les deux, mais principalement le dernier élément que vous avez mentionné, l'environnement politique.
La Chine est actuellement le pays qui produit le plus d'émissions dans le monde, de sorte que nous devons réfléchir à cette situation du point de vue de la première question.
La deuxième question, encore une fois, c'est qu'un espace nord-américain serait suffisamment grand, selon moi, pour regrouper des sociétés émettrices très hétérogènes, de sorte qu'on pourrait profiter de possibilités à faible coût, comme le professeur Dissou l'a mentionné plus tôt, beaucoup plus que si le Canada agissait seul.
Très bien. Vous avez indiqué dans une réponse à une question précédente que, selon les accords que nous avons en place, de même que la nature du système de quotas et d’échange de droits d’émissions, le Canada serait un acheteur net ou un vendeur net de crédits.
Quels sont les facteurs qui détermineront si nous sommes un acheteur ou un vendeur, et comment pouvons-nous devenir un vendeur net?
Cela dépend de qui s'implique avec nous, en quelque sorte. Si on voit cette question comme un enjeu canado-américain, peu importe que nous soyons des acheteurs nets de permis des États-Unis ou des vendeurs, tout dépend de la force relative des cibles qui sont atteintes grâce à ces permis. Cela dépend donc en quelque sorte du nombre de permis que nous émettons par rapport au nombre de permis émis par les États-Unis. Plus nous émettons de permis, plus nous sommes susceptibles d'être un vendeur net, selon les niveaux des cibles. De la même façon, plus les États-Unis émettent de permis, plus nous sommes susceptibles de leur en acheter.
Comme M. Dissou l'a mentionné, si nous nous dotons d'une plateforme d'échange nord-américaine, essentiellement, on aurait un prix attribué aux émissions grâce au mécanisme d'émission des permis. Il se peut toutefois que nous ayons besoin de prendre des mesures additionnelles pour atteindre nos cibles qui dépendent des émissions, contrairement à ce que nous retrouverions dans un système de permis uniquement. C'est une histoire différente.
Dans votre exposé, vous avez dit, implicitement ou explicitement, que la cible figurant dans le projet de loi C-311, qui consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 25 p. 100 par rapport au niveau de 1990, n'est pas crédible. L'objectif de notre gouvernement est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 p. 100 d'ici 2020, en utilisant 2006 comme année de base. S'agit-il d'un objectif crédible?
Pour l'instant, je dirais que le Canada n'a pas des antécédents crédibles, peu importe les objectifs dont nous tenons compte. Nous avons dit trois fois aux autres pays que nous allions réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons manqué les cibles à chaque fois.
Notre objectif actuel est-il un objectif crédible, c'est-à-dire 20 p. 100 d'ici 2020, avec 2006 comme année de base?
Selon moi, aucune des mesures stratégiques proposées par le gouvernement du Canada ne pourrait clairement mener à ces réductions.
Une voix: Bravo!
Ça viendra.
Des voix: Oh, oh!
M. Peter Braid: Monsieur Dissou, il s'agit d'un domaine très important pour moi, étant donné que je représente la circonscription de Kitchener—Waterloo. Vous avez indiqué que les progrès technologiques seront importants pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pouvez-vous nous décrire la situation, nous donner un aperçu, et nous dire comment nous pouvons y arriver?
Lorsque je parle de progrès technologiques, il faut tenir compte du fait que si nous mettons en place un système de quotas et d’échange de droits d’émissions, nous allons obtenir des profits. La question sera donc la suivante: comment utiliserons-nous ces profits?
Je dirai que le fait de mettre de côté une partie de ces profits pour subventionner la recherche et le développement technologiques — par exemple, pour subventionner les innovations — nous aidera, parce que, à long terme, il serait très difficile de ne dépendre que du système de quotas et d’échange de droits d’émissions en pensant que cela va résoudre le problème des changements climatiques. À mesure que nous avancerons et que nous conserverons un niveau d'émissions constant, les efforts que nous ferons pour une réduction dans le PIB, par exemple, augmenteront. Ainsi, pour assouplir cette contrainte du point de vue des émissions, nous devons trouver une façon d'être moins dépendants de l'énergie, par exemple, ou de dissocier, dans une certaine mesure, l'énergie et les émissions.
C'est la raison pour laquelle je parle de progrès technologiques, et il faut nécessairement financer la recherche et le développement et d'autres activités connexes pour aller de l'avant avec ce programme en particulier. C'est ce que je veux dire.
Merci. Monsieur Braid, vous n'avez plus de temps.
Avant de commencer le troisième tour de table, j'ai une brève question pour M. Plourde. Dans votre témoignage, vous avez parlé du projet de loi et de certains problèmes que vous pose le paragraphe 10(1) en ce qui concerne les règlements qui doivent être créés à l'article 7.
Encore une fois, nous revenons à votre commentaire, selon lequel vous voyez au moins des cibles. Vous avez parlé de la question de savoir si elles sont crédibles ou non, mais on ne définit pas clairement la façon dont nous allons procéder à la planification et au développement temporaire de ces politiques et des règlements. J'aimerais savoir ce que vous verriez dans ce cadre stratégique, en votre qualité d'économiste, et s'il serait possible d'élaborer ces mesures temporaires, en vue d'obtenir un résultat final crédible.
Je pense que, dans une certaine mesure, ces deux éléments sont distincts. Si vous prenez ce projet de loi comme un processus, alors le processus lui-même devrait prévoir les mesures. Il ne semble pas y avoir d'indications concernant des mesures précises. Il faut donc un règlement, en vertu de cette loi, qui définira les mesures; il faut ensuite un plan qui déterminera comment nous allons y arriver et la contribution qu'apporteront les provinces, les territoires et les municipalités. Ces éléments en soi ne figurent pas dans le projet de loi, mais c'est probablement à cela que sert le règlement, plutôt que la loi.
Merci. Je voulais simplement des précisions supplémentaires.
Il nous reste environ 12 minutes. Nous allons commencer le troisième tour de table et donner trois minutes à chaque parti politique.
Monsieur Scarpaleggia, vous pouvez commencer.
[Français]
D'après Mme Peace, qui représentait le Pew Centre lors de notre séance de mardi dernier, ce système nord-américain d'échange de crédits d'émissions ne verra pas le jour avant 2013-2014, selon le plus optimiste des scénarios.
Dans ces conditions, comment va-t-on pouvoir atteindre une cible de 25 p. 100? Je sais qu'on peut instaurer d'autres mesures, mais il reste qu'établir un marché du carbone constitue l'une des principales mesures. Par ce fait même, il va être quasiment impossible d'atteindre la cible de 25 p. 100. Je vais poser ma deuxième question, puis je vais céder la parole à mon collègue.
Comment peut-on s'assurer, si on subventionne des entreprises pour qu'elles adoptent des technologies plus efficaces sur le plan énergétique, que ce changement n'allait pas se faire de toute manière?
Mis à part le problème climatique que nous connaissons, il faut considérer que la durée de vie de nos ressources en matière d'énergie touche à sa fin. À partir d'aujourd'hui, il faut prendre des mesures pour trouver des technologies appropriées nous permettant de contourner cette situation.
En ce qui concerne l'investissement destiné au développement de nouvelles technologies, le problème est qu'il y a une déficience, un échec du marché. En effet, lorsqu'une firme développe une technologie, le rendement du capital qu'elle a investi n'est pas forcément assuré. C'est la raison principale pour laquelle il est nécessaire que les pouvoirs publics interviennent. Ils doivent corriger cet échec du marché en accordant, ne serait-ce que de façon temporaire, des subventions pour permettre aux firmes de développer ces technologies dont nous avons besoin.
[Traduction]
Très bien, rapidement; dans leur exposé d'il y a deux jours, les spécialistes américains parlaient du fait qu'il serait préférable d'établir un plan canadien indépendant du processus des législateurs américains et d'essayer ensuite de fusionner les deux. Selon vous, le dialogue sur l'énergie verte qu'ont entrepris le Canada et les États-Unis est-il suffisant pour créer une approche continentale?
Il est difficile d'envisager comment le fait de mettre l'accent uniquement sur l'énergie propre nous permettra d'envisager un contexte plus vaste. Ce pourrait être un premier pas, mais nous sommes encore très loin d'atteindre un objectif, vous dirais-je.
Je pense que nous n'avons d'autre choix que de concevoir une politique canadienne. En revanche, il faudrait l'élaborer parallèlement à ce que font les Américains afin de pouvoir plus facilement concilier les deux à l'avenir.
Merci, monsieur le président. J'aimerais aborder la question des ajustements aux frontières, particulièrement en ce qui concerne les tarifs à l'importation. Je lisais un rapport assez récent de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie qui prévoyait que ces ajustements à la frontière engendreraient des coûts considérables pour l'économie canadienne.
Comme le disait mon collègue, un peu plus tôt, trois projets de loi sont à l'étude, dont deux prévoient des tarifs à l'importation. L'un serait applicable à partir de 2012 — je dis cela sous toutes réserves — et un autre en 2030. C'est une chose. Pendant ce temps, on parle beaucoup en Europe d'une taxe à l'importation qui semble avoir obtenu l'appui de la Commission européenne. Cela m'inquiète beaucoup. D'ailleurs le premier ministre du Québec, lundi, l'a bien mentionné. Il faut comprendre que nous comptons pour le tiers des exportations canadiennes vers l'Europe. Un projet d'accord de libre-échange est très avancé entre le Canada et l'Europe. On parle d'une augmentation de 20 p. 100 des exportations canadiennes vers le vieux continent.
N'y a-t-il pas un risque de coûts supplémentaires pour les entreprises canadiennes s'il n'y a pas d'engagements contraignants sur le plan de la réduction des émissions de gaz à effet de serre? Croyez-vous qu'une taxe à l'importation pourrait être dommageable pour l'économie québécoise et pour l'ensemble de l'économie canadienne, qui veut accroître considérablement son marché au cours des prochaines années? On parle de 12 milliards de dollars d'argent frais dans l'économie canadienne si cette entente est signée.
Ma question s'adresse à tous les deux.
Votre question comporte deux aspects. Si le Canada est amené à mettre en place des tarifs pour pouvoir contrecarrer les importations provenant de pays qui n'ont pas pris de mesures pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre...
Je vais d'abord aborder cet aspect. Je viens de faire une étude au cours du mois d'août qui montre que, même si l'on pense qu'une telle mesure peut réduire les émissions des autres pays, de façon nette, cela augmenterait les coûts de production au Canada, ou dans le pays qui adopte de telles mesures.
Imaginez que l'on importe de l'acier de la Chine. Cet acier est utilisé par nos industries pour pouvoir fabriquer les biens. Augmenter les tarifs sur les importations de ces biens ne fera que contribuer à augmenter nos coûts de production et diminuera notre bien-être. C'est le premier aspect que je peux voir.
Le second aspect concerne nos industries qui exportent vers l'Europe. Elles vont subir essentiellement les mesures prises par les Européens. C'est clair. Si les Européens mettent en place des mesures pour taxer les importations provenant des pays qui ne mettent pas en place des mesures pour réduire les gaz à effet de serre, c'est clair que cela nous affectera, d'où la nécessité de prendre aussi des mesures semblables aux autres.
Je vois l'application des tarifs comme un genre de menace pour les pays qui ne prennent pas encore de mesures pour réduire les émissions, pour les persuader. On voit que cela fonctionne actuellement. La Chine vient de dire qu'elle va commencer à prendre des mesures pour réduire les gaz à effet de serre, ne serait-ce que de façon timide, en révisant les intensités d'émissions. Or mettre en place ces mesures nuit au pays qui les met en place, et cela nuit aussi au pays contre qui on adopte ce genre de politiques.
En gros, je dirais que la possibilité que de tels tarifs soient imposés oblige les uns et les autres à adopter des politiques similaires et, forcément, le Canada...
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
La discussion que nous avons en ce qui concerne le risque des tarifs est intéressante. Les Européens y ont réfléchi de manière très sérieuse au cours des cinq dernières années. Les Américains semblent l'envisager dans leur loi également. S'il advenait qu'on impose un tarif aux biens canadiens traversant la frontière vers les États-Unis ou encore l'océan vers l'Europe, je me demande si, à ce moment-là, le gouvernement prendrait cette question plus au sérieux.
Nous avons vu comment le gouvernement a réagi face à la réaction « Buy America ». Il a tenté de renverser cette tendance. Cette tentative n'a pas été couronnée de succès, mais il a déployé des efforts pour le faire. Je vous dirais qu'un risque semblable pourrait survenir à l'avenir.
Certains de mes collègues ont tenté de faire un lien entre le fait qu'une différence entre les cibles du Canada et des États-Unis mènerait à une différence en ce qui concerne les prix de ces deux pays. Cette logique porte à confusion puisqu'un marché intégré de quotas et d’échange de droits d’émissions permet d'établir un prix par tonne de carbone. Je prends l'Europe, par exemple, où les pays ont des cibles différentes, mais échangent sur le même marché. Ainsi, le prix d'une tonne de gaz à effet de serre allemande n'est pas différent d'une tonne de gaz à effet de serre française ou belge. Est-ce exact?
Aux fins du compte rendu, j'aimerais souligner que les deux témoins ont dit « oui » de la tête.
En revanche, on ne peut pas avoir deux cibles différentes si l'on a un seul prix pour le carbone.
M. Nathan Cullen: C'est exact.
M. André Plourde: Ainsi, par exemple, si le Canada se dotait d'une cible plus ambitieuse que celle des États-Unis, il faudrait mettre en oeuvre d'autres mesures pour réduire les gaz à effet de serre. En ce qui concerne les permis, à moins que leur conception soit différente, ils auraient recours à un prix unique.
Merci.
C'est important de le souligner, car certaines personnes croient que les prix d'une tonne de gaz à effet de serre seraient différents au Canada qu'aux États-Unis.
L'article 10 de ce projet de loi indique que le ministre devrait fournir un rapport au Parlement et aux Canadiens décrivant les efforts déployés au cours de l'année précédente et ceux qui seront déployés au cours de l'année suivante pour délimiter nos attentes et les coûts par tonne. Je me rappelle un projet de loi qui a été adopté au Parlement dans lequel on versait plus de un milliard de dollars en subventions à l'éthanol. Cette subvention de biodiésel allait augmenter les prix. Nous avons demandé à plusieurs reprises au gouvernement d'évaluer les coûts de cette initiative. Il s'agissait d'un projet de loi qui portait sur des fonds précis. Un peu comme les questions que le gouvernement nous pose aujourd'hui, nous avions demandé au gouvernement d'évaluer les frais de ce projet de loi par tonne. Ils étaient incapables de le faire. Ils sont toujours incapables de nous dire combien d'émissions de gaz à effet de serre ont été réduites grâce aux dépenses des contribuables canadiens. Ainsi, l'article 10 exige du ministre qu'il décrive le mieux possible ce qui est survenu et délimite les prévisions futures.
Cette mesure avait été en vigueur pour les plans sur le changement climatique antérieur du gouvernement, est-ce que vous croyez que nous serions dans une meilleure position si le gouvernement actuel devait faire un rapport de suivi annuel aux Canadiens sur l'année qui vient de passer?
Je pense que cela fournirait plus de renseignements sur la situation réelle. Toutefois, il n'y a rien dans ce projet de loi concernant la rentabilité. Le projet de loi est silencieux sur le cheminement et l'effort nécessaires pour aboutir à l'objectif.
Avant de donner la parole une dernière fois à M. Woodworth, je voudrais revenir sur une remarque faite par M. Cullen. Vous pouvez peut-être me donner une explication. Il s'agit de la différence entre le prix fixé pour le carbone au Canada et aux États-Unis. Le projet de loi Waxman-Markey prévoit que d'ici 2019, la tonne métrique de carbone coûtera 26 $. En tant qu'économistes, vous devez être au courant du rapport que MK Jaccard a produit récemment, lequel affirme qu'étant donné les cibles canadiennes, le prix du carbone atteindra 100 $ la tonne. Si nous adoptons le projet de loi C-311, les cibles qui y sont fixées feront en sorte que le carbone atteindra 200 $ la tonne d'ici 2020.
Pouvez-vous expliquer cette divergence, étant donné que nous souhaitons adopter une approche intégrée.
Suivant la structure adoptée, il sera peut-être nécessaire d'y adjoindre d'autres mesures outre le système de permis permettant l'échange afin d'atteindre la cible. Cela signifie qu'il vous faudrait accepter un coût plus élevé que simplement ce que les permis permettraient d'atteindre. C'est là que l'on peut voir l'écart entre le coût de la réduction des émissions et le prix en vertu du permis.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci encore à nos témoins d'être venus.
Monsieur Plourde, je suis d'accord avec vous pour l'essentiel de ce que vous avez dit aujourd'hui. Toutefois, je tiens à relever un petit détail concernant ce que vous avez dit à M. Braid à propos de l'éventuel cheminement établi par le gouvernement.
Pour ma part, j'ai fait quelques recherches et je voudrais vous signaler certaines choses. Par exemple, depuis le mois de juillet de cette année, nous exigeons qu'un rapport officiel soit présenté pour les émissions de 50 kilotonnes, alors qu'auparavant c'était pour les émissions de 100 kilotonnes, ce qui signifie qu'environ 3 000 entreprises sont désormais obligées de présenter un rapport. Nous avons financé Technologies du développement durable du Canada qui depuis son existence a financé 171 entreprises de démarrage consacrées au changement climatique et à l'assainissement de l'air. Nous avons instauré un système compensatoire préalable pour les gaz à effet de serre avec lequel nous préparons la voie pour un marché du carbone. Nous avons instauré des normes visant la réduction des émissions d'échappement. Nous avons modernisé la Loi sur l'efficacité énergétique. Nous avons investi 407 millions de dollars pour que VIA Rail apporte des améliorations à ses trains afin de réduire les émissions. Nous avons annoncé un milliard de dollars sur deux ans pour la réhabilitation thermique des logements sociaux; un milliard de dollars pour la recherche et le développement en matière d'énergie propre et nous avons créé écoÉNERGIE pour le programme des biocarburants et j'en passe.
On pourrait prétendre, je suppose, que nous n'en faisons pas assez mais je me demande si vous êtes au courant de ces mesures. Conviendrez-vous avec moi que le gouvernement du Canada est au moins en train de paver la voie?
Tout comme les gouvernements précédents, le gouvernement actuel a dépensé beaucoup d'argent dans cet enjeu. Il faut se demander si ces investissements sont rentables. Jusqu'à présent, nous n'avons pas beaucoup de preuves tangibles qu'ils le sont. Pour tout dire, je n'ai pas vu d'analyse concluant que l'ensemble de ces mesures nous permettra d'atteindre les cibles en question.
Pensez-vous que cela est une bonne idée de réduire le seuil nécessaire pour faire rapport sur les émissions?
Je ne sais pas si vous avez les réponses ici, au bon niveau, mais, pour ultérieurement, la réponse est non. Il ne faut pas baisser le seuil. Cela ne fait qu'augmenter les coûts de faire affaire...
Je sais. Il est onéreux de faire des rapports. Vous n'avez pas besoin de savoir qui émet si vous avez un système permanent en vigueur.
Votre temps est écoulé.
Merci beaucoup. Je remercie M. Plourde et M. Dissou de leurs observations et de leur analyse. M. Plourde a dit qu'il ne coûtait pas cher et qu'il ne souhaitait pas que l'on augmente beaucoup les coûts dans certaines de ces mesures. Je pense que tous les Canadiens sont très frugaux et préoccupés par les questions similaires.
Cela dit, la séance est levée.
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