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Je prends l’affaire en délibéré. Nous nous en occuperons quand nous arriverons à ce point de l'ordre du jour.
Commençons maintenant à écouter les exposés. C’est la 35e réunion du comité. Nous poursuivons notre étude du projet de loi .
Je voudrais souhaiter la bienvenue aujourd’hui à nos témoins. Nous avons, de l’Institut Pembina, Matthew Bramley, directeur, Changements climatiques; du Greenhouse Emissions Management Consortium, Aldyen Donnelly, présidente; de l’Institut international pour le développement durable, John Drexhage, directeur, Changement climatique et énergie; et de l’Association canadienne de l’énergie éolienne, Robert Hornung, président.
M. Hornung était censé venir mardi, mais une affaire de famille l’a malheureusement empêché de comparaître. Je vais lui permettre de prendre la parole en premier au nom de l’Association canadienne de l’énergie éolienne.
Nous vous serions reconnaissants de vous en tenir à moins de 10 minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je présente mes excuses à tous les membres du comité pour mon absence à la réunion de mardi. Comme le président l’a signalé, une affaire de famille m’a empêché de venir. Je suis très heureux d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
L’Association canadienne de l’énergie éolienne est le regroupement national des entreprises de l’industrie éolienne du Canada. Elle compte parmi ses 450 membres des sociétés canadiennes, américaines et européennes de développement de projets éoliens, de fabrication d’éoliennes et de composantes d’éoliennes et de fourniture de services à l’industrie. Parmi ses membres canadiens se trouvent bon nombre de sociétés productrices d’énergie classique qui s’intéressent surtout à la génération d’électricité et à la production ou au transport par pipeline de pétrole et de gaz ainsi que des sociétés centrées exclusivement sur les énergies renouvelables.
Nous croyons que le changement climatique est une affaire sérieuse et que le gouvernement fédéral doit adopter des objectifs légalement contraignants et des mesures de soutien pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En fait, ces objectifs et ces mesures sont essentiels pour assurer à l’industrie éolienne la certitude qu’il lui faut pour prendre des décisions d’investissement informées, efficaces et conformes aux objectifs stratégiques du gouvernement. Il importe que ces objectifs et ces mesures soient transparents et que les progrès réalisés par rapport à eux soient mesurés de façon régulière. Nous notons que beaucoup de ces éléments ou thèmes figurent dans le . L’incertitude n’incite guère à investir.
Nous croyons que l’énergie éolienne peut aider grandement le Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que l’objectif que le gouvernement fédéral s’est fixé de faire passer l’électricité issue de sources non émettrices à 90 p. 100 de la production totale d’ici 2020. Il est largement admis qu’il faut réduire considérablement les émissions d’ici 2020. Dans le secteur de l’électricité, les moyens les plus prometteurs de réduire les émissions dans ce délai consistent à exploiter plus efficacement et à conserver l’énergie, à déployer des sources d’énergie renouvelable comme l’éolien et à passer du charbon au gaz naturel.
C’est ce qu’on a compris ailleurs dans le monde. En Europe, l’éolien est la nouvelle source d’électricité la plus importante depuis deux ans et la deuxième la plus importante aux États-Unis depuis quatre ans. Bien sûr, à part ces avantages, l’énergie éolienne représente aussi une importante occasion économique pour les collectivités rurales du Canada ainsi que pour le secteur manufacturier qui cherche des moyens de se diversifier grâce à des produits et à des technologies susceptibles d’une importante croissance au XXIe siècle.
Pour que l’éolien contribue au maximum à l’atteinte des objectifs stratégiques du Canada et pour assurer le succès de n’importe quelle stratégie de lutte contre le changement climatique, il est impératif d'attribuer un prix au carbone. C’est pourquoi CanWEA appuie les efforts déployés au niveau fédéral pour mettre en place un système d’échange de droits d’émission qui offre aux émetteurs la possibilité de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre grâce à des activités non émettrices, comme la production d’énergie éolienne. Il faut absolument que la production de cette forme d’énergie bénéficie d’un avantage économique en échange de ses bienfaits pour l’environnement.
Il est vrai qu’il s’écoulera sans doute du temps avant que le carbone ait un prix et encore plus de temps avant que ce prix cesse d’être influencé par des « soupapes de sécurité » qui visent à atténuer l’impact économique de la réduction des émissions, mais qui empêchent aussi le marché de signaler pleinement le vrai prix du carbone. Dans cette période de transition, il importera que le gouvernement fédéral continue d’accorder des soutiens et des incitatifs qui permettent aux projets éoliens de saisir la pleine valeur économique des avantages que les énergies renouvelables comme l’éolien procurent en matière d’environnement et de réduction de carbone et ce, en plus de l’apport initial des compensations de gaz à effet de serre.
Comme le programme fédéral écoÉNERGIE pour l’électricité renouvelable épuisera son budget cet automne, il importe de l’élargir, de le reconduire ou de le remplacer, sinon il y aura des retards et d’éventuelles annulations de projets éoliens, et les investisseurs transféreront leurs capitaux aux États-Unis. Les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada s’en trouveront fortement compromis. Nous avons la ferme intention de continuer de collaborer avec le gouvernement et tous les parlementaires pour obtenir un engagement renouvelé en faveur du déploiement de projets éoliens pendant cette période de transition.
Même s’il est nécessaire d’attribuer un prix au carbone, cette mesure en soi ne suffira pas pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De nombreux obstacles empêcheront les intervenants de réagir aux variations de prix qui se manifesteront sur le marché. C’est pour cette raison que bien des gouvernements sont en train à la fois de chiffrer le carbone et d’adopter des objectifs et des politiques de production d’énergies renouvelables dans leur lutte contre le changement climatique.
L’Union européenne s’est non seulement dotée d’un marché du carbone, elle s’est aussi fixé des objectifs énergétiques rigoureux et légalement contraignants pour 2020. Le Congrès des États-Unis étudie de son côté la mise en œuvre d’une norme d’électricité renouvelable exécutoire dans le cadre de sa lutte contre le changement climatique. Le Canada devrait aussi, dans le cadre de cette lutte, envisager de prendre des initiatives complémentaires pour stimuler l’investissement dans les énergies renouvelables, en plus de donner un prix au carbone.
Quant aux soutiens stratégiques qu’il faudra apporter à l’énergie renouvelable ou à d’autres options de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la lutte contre le changement climatique, rappelons que la concurrence pour les investissements dans les projets de production d’énergies renouvelables et les chaînes d’approvisionnement en technologies spécialisées se fait à l’échelle mondiale. Nos choix stratégiques doivent tenir compte de ce que font les autres pays pour attirer ces investissements et viser à assurer la compétitivité de nos possibilités d’investissement.
La stratégie fédérale de lutte contre le changement climatique doit aussi chercher à améliorer l’efficience, sans diminuer l’efficacité, des processus fédéraux d’approbation et de délivrance de permis pour les projets de production d’énergies propres, comme l’énergie éolienne et les infrastructures de transmission nécessaires à son déploiement. Elle doit aussi sensibiliser le public à l’urgence et à l’importance des mesures à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, les gouvernements provinciaux ont un rôle extrêmement important à jouer en adoptant des politiques favorables à la production d’énergies renouvelables et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les politiques fédérales devant viser à compléter et à appuyer les grandes initiatives provinciales telles que la Loi de 2009 sur l’énergie verte et l’économie verte de l’Ontario et d’autres grandes initiatives prises un peu partout dans le pays.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à vous remercier ainsi que les autres membres du comité de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous au sujet du projet de loi C-311, Loi sur la responsabilité en matière de changements climatiques.
Je voudrais tout d’abord formuler quelques observations particulières sur le projet de loi lui-même et ses répercussions sur la mise en œuvre intérieure. Je présenterai, en conclusion, un bref aperçu de la situation actuelle des négociations internationales et du rôle possible qu’un projet de loi comme celui-ci peut jouer en influant sur le profil actuel du Canada dans les négociations et en imprimant un élan vraiment nécessaire pour corriger le ton général des pourparlers internationaux.
En ce qui concerne les détails du projet de loi lui-même, je dois dire que la cible à long terme, pour 2050, de 80 p. 100 de réduction par rapport à 1990 est tout à fait raisonnable. Elle correspond à la cible à long terme adoptée par le président Obama et est compatible avec la quasi-totalité des projections concernant ce qu’il faut faire pour éviter une élévation de température de plus de deux degrés à l’échelle planétaire. Je vous rappelle que le premier ministre a accepté cet objectif au Sommet du G8 de cette année.
Je note aussi que cela représente l’état actuel de l’information scientifique sur les changements climatiques. Au cours des dernières années, nous avons pu constater que les études scientifiques revues par les pairs ont conclu que les changements de température sont actuellement en train de se produire à un rythme plus rapide et que les effets connexes sont plus prononcés qu’on ne l’avait supposé auparavant, particulièrement dans l’Arctique. Par conséquent, nous appuyons fortement les dispositions d’examen du projet de loi à partir de 2015, car il faut s’assurer que le Canada fait sa part dans la lutte contre les changements climatiques.
Au sujet de la cible à court terme de 25 p. 100 au-dessous des niveaux de 1990 d’ici 2020, j’aurais les observations suivantes à formuler. Tout d’abord, on suppose couramment que c’est la cible recommandée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat pour éviter une élévation de température de deux degrés. En réalité, le GEIEC n'a fait que passer en revue ce qui a été écrit sur le sujet. À cet égard, il n’y avait que peu de choses – seulement cinq études – au moment où le Groupe a publié son rapport.
Il existe en fait toute une gamme d’options parmi lesquelles la communauté mondiale peut choisir pour atteindre la cible globale de 80 p. 100 d’ici 2050. On peut par exemple commencer par une cible modérée pour 2020, puis augmenter progressivement les objectifs de réduction pour 2030 et après. C’est ce que les États-Unis semblent préconiser. Compte tenu du fait qu’en Amérique du Nord, nous commençons à peine à rompre le lien entre la croissance économique et la croissance des émissions de gaz à effet de serre, beaucoup de gens au Canada croient qu’il serait raisonnable de commencer par une cible modérée. C’est bien possible, mais il ne faut pas perdre de vue que cela ne serait crédible que si nous fixions les réductions à réaliser pour 2025 et par la suite. N’oublions pas non plus que plus nous mettrons de temps à réduire nos émissions, plus la transition créera de perturbations pour tout le monde à une date ultérieure. Par conséquent, non seulement nous demanderons à nos enfants d’affronter les effets des changements climatiques, mais nous leurs imposerons aussi des répercussions croissantes dues à la transition nécessaire pour freiner le changement climatique si nous ne fixons pas tout de suite des cibles assez ambitieuses.
Pour ce qui est de la réglementation, j’aurais tendance à appuyer les éléments qui favorisent les normes de rendement et les échanges de crédits d’émissions. Au sujet de ces derniers, le mandat doit être élargi pour couvrir aussi la participation au marché international du carbone. C’est un mécanisme absolument essentiel pour le Canada s’il veut atteindre ses objectifs et persuader les pays en développement de prendre des mesures d’atténuation. Bref, il n’est simplement pas réaliste de s’attendre à ce que le Canada puisse atteindre ne serait-ce que les cibles actuelles du gouvernement en se limitant à des mesures intérieures. Le secteur privé canadien doit devenir un intervenant actif sur le marché mondial du carbone, et le gouvernement fédéral doit l’indiquer clairement à l’industrie canadienne et l’encourager à agir.
J’appuierai aussi très fortement tout effort tendant à faire le lien avec le système américain de plafonds et d’échanges au fur et à mesure qu’il est développé. Cela implique l’adoption de plafonds absolus et d’un système d’échange couvrant une grande partie de l’économie d’ici 2016, avec un pourcentage croissant de permis vendus aux enchères sur le marché.
J’ai une autre observation concernant les peines prévues dans le projet de loi. Nous sommes en faveur d’un système qui pénalise très lourdement ceux qui n’atteignent pas leur cible. Ainsi, le gouvernement disposerait de fonds dont il pourrait utiliser au moins une partie pour acheter des crédits et compenser les émissions excédentaires. Le reste pourrait servir à appuyer la transition à des énergies propres.
Pour conclure, je dirai que le projet de loi C-311, telle quel ou dans une forme modifiée qui ne toucherait pas à la cible de 2050, est très opportun.
J’ai eu le privilège de suivre les négociations sur les changements climatiques pendant les dernières années. Je peux donc présenter au moins deux observations claires sur le processus tandis que nous préparons la conférence de Copenhague.
Premièrement, les négociations sont en crise. Il est bien possible que nous ne parvenions pas à un accord global efficace d’ici décembre. Je pourrais entrer dans les détails, mais qu’il me suffise de dire qu’il y a beaucoup de méfiance entre pays développés et en développement.
Deuxièmement, le profil du Canada dans les négociations continue d’être compromis par son statut de signataire du Protocole de Kyoto qui a clairement déclaré qu’il n’essaierait pas d’atteindre la cible prévue dans cette entente.
Le projet de loi , surtout s’il est adopté à l’unanimité au Parlement, enverrait un puissant signal à la communauté internationale indiquant que le Canada est prêt à jouer un rôle positif dans ces négociations. De plus, Canada doit être disposé à offrir une contribution appréciable pour aider les pays en développement à s’adapter à la menace actuelle et future des changements climatiques.
Je voudrais enfin noter que cette action est vraiment essentielle compte tenu du rôle du Canada comme hôte et chef de file des prochains sommets du G8 et du G20 prévus pour l’année prochaine. Pour jouir d’une crédibilité quelconque à ces discussions, le Canada doit établir un bon plan intérieur de réduction de nos émissions qui ferait appel à tous les secteurs de notre société et ciblerait l’incroyable gaspillage qui caractérise nos pratiques de consommation en Amérique du Nord. Le plan doit également refléter les messages fermes que notre premier ministre a transmis ces dernières années pour indiquer que nous devons mettre en place des systèmes énergétiques nationaux forts, durables et propres. Comme première étape, je recommanderais de réaliser un réseau électrique national intégré et propre dans le cadre du plan de relance et des mesures de renforcement de l’infrastructure du gouvernement.
Je ne saurais trop insister sur le manque de crédibilité dont nous souffrons au niveau multilatéral après 15 ans d’inaction qui se prolongent encore et qui sont attribuables aux deux partis qui se sont succédé au pouvoir.
Permettez-moi de dire en conclusion qu'à mon avis, il n'y a pas de conflit gauche-droite dans cette affaire. Avec de bonnes intentions, il devrait être possible d’adopter à l’unanimité une mesure telle que le projet de loi . Une lutte efficace contre les changements climatiques est une question beaucoup trop importante et trop complexe pour faire l’objet de manœuvres politiques. En fin de compte, une lutte réussie contre cette menace réelle témoignera d’une évolution de notre compréhension de ce que représente vraiment l’intérêt national et constituera une action responsable en faveur de l’environnement mondial et de nos enfants.
Je crois que les Canadiens ont hâte d’affronter ce défi. Il est temps pour les politiciens de tous les partis de faire preuve de la même détermination.
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Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité.
[Traduction]
Je voudrais commencer par renvoyer les membres du comité à mon témoignage de décembre 2007 sur le même projet de loi, qui s’appelait alors le C-377. J’ai mis à la disposition de la greffière des exemplaires de ce témoignage.
Comme nous n’avons pas beaucoup de temps, je ne répéterai pas les arguments que j’avais présentés en faveur du projet de loi. Qu’il me suffise de dire que, devant l’urgence croissante qu’il y a à combattre les changements climatiques et devant l’insuffisance continue des mesures prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada, les principales ONG environnementales canadiennes croient qu’il est plus important que jamais que le Parlement adopte le projet de loi C-311.
Le projet de loi n’a pas été présenté comme un plan global de réduction des émissions. Il fixe plutôt un certain niveau de réduction des émissions et met en place des mécanismes de reddition de compte destinés à augmenter la probabilité que le gouvernement au pouvoir s’acquittera de sa responsabilité d’élaborer et de mettre en œuvre un plan permettant de réaliser ces réductions.
Cela étant dit, je voudrais présenter les résultats d’une étude de l’Institut Pembina et de la Fondation David Suzuki dans laquelle nous avons conçu un plan, un ensemble de politiques gouvernementales permettant d’atteindre le niveau de réduction prévu par le projet de loi C-311 d’ici 2020. Nous avons ensuite traité le plan à l’aide de deux grands modèles économiques afin de déterminer ses effets probables sur l’économie canadienne.
J’ai distribué des exemplaires du rapport intitulé Protection climatique, prospérité économique aux membres du comité. Le rapport a été rendu public ce matin.
Notre étude a abouti à la conclusion que le Canada peut atteindre le niveau de réduction prévu dans le projet de loi C-311 pour 2020 tout en gardant une économie forte, une qualité de vie supérieure à celle que les Canadiens connaissent aujourd’hui et une création régulière d’emplois partout dans le pays. Toutefois, pour parvenir à ce résultat, le gouvernement fédéral devrait agir immédiatement pour attribuer un prix assez important à la plupart des émissions de gaz à effet de serre du Canada dans le cadre d’un système de plafonds et d’échanges ou au moyen d’une taxe. Le prix des émissions devra s’appuyer sur une forte réglementation complémentaire et, dans l’idéal, sur d’importants investissements publics.
L’étude a également porté sur les cibles actuelles d’émissions prévues par le gouvernement fédéral pour 2020. La conclusion de cet examen est que, pour atteindre ces cibles, le gouvernement doit appliquer des politiques infiniment plus énergiques que ce qu’il a proposé jusqu’ici et, en particulier, imposer sur les émissions un prix qui devrait atteindre 100 $ la tonne d’équivalent CO2 d’ici 2020.
À notre connaissance, il s’agit là de la première étude qui examine d’une manière globale la façon dont le Canada peut atteindre une cible de réduction allant au-delà de la cible actuelle du gouvernement pour 2020, et la première étude publiée qui montre les effets régionaux de la cible du gouvernement sur l’emploi et le PIB. Nous avons retenu les services d’une société de modélisation économique bien connue, M.K. Jaccard and Associates, pour faire les calculs. Les modèles de cette entreprise ont été largement utilisés par les gouvernements du Canada, de l’Alberta et d’autres provinces.
Dans notre étude, nous avons appelé le niveau de réduction prévu pour 2020 dans le projet de loi C-311 « l’objectif des 2 °C » pour rappeler l’objectif visant à limiter le réchauffement moyen de la planète à 2 °C par rapport à la période préindustrielle. Le premier ministre a officiellement reconnu que la communauté scientifique appuyait cet objectif lorsqu’il a signé le communiqué du Sommet du G8 de cette année.
D’après notre analyse, le PIB du Canada croîtrait entre 2010 et 2020 à un taux annuel moyen de 2,1 p. 100 s’il faut satisfaire l’objectif des 2 °C, par rapport à 2,2 p. 100 s’il faut atteindre la cible du gouvernement et 2,4 p. 100 si tout continue comme aujourd’hui. Les différences sont donc assez minimes.
L’étude montre par ailleurs que la nécessité de remédier aux très fortes émissions de l’Alberta et de la Saskatchewan réduirait sensiblement les taux de croissance projetés de ces provinces. Toutefois, l’Alberta aurait quand même le plus haut taux de croissance du PIB et le plus haut PIB par habitant de toutes les provinces du Canada, tandis que le PIB par habitant de la Saskatchewan resterait proche de la moyenne canadienne.
L’analyse montre en outre que le nombre total d’emplois au Canada croîtrait à peu près au même rythme dans les trois scénarios: objectif des 2 °C, cibles gouvernementales et statu quo. Dans les trois cas, il y aurait une augmentation nette de 1,8 à 1,9 million de nouveaux emplois entre 2010 et 2020.
Autre aspect important, l’étude montre de quelle façon les recettes tirées de l’attribution d’un prix aux émissions — par exemple les recettes provenant de la vente aux enchères de droits d’émissions dans le cadre d’un système de plafonds et d’échanges — peuvent servir à remédier à plusieurs préoccupations couramment exprimées lorsqu’on parle de mesures ambitieuses de lutte contre les changements climatiques. Notre ensemble de politiques prévoit des paiements afin de compenser les variations régionales des hausses des prix de l’énergie pour les ménages, d’accorder des remises pour préserver la compétitivité internationale des secteurs manufacturiers les plus vulnérables, d’investir dans les transports en commun et les réseaux d’électricité, de réduire l’impôt sur le revenu des particuliers, de stimuler la croissance de l’emploi et de réaliser des réductions d’émissions à l’étranger pour être en mesure de respecter les cibles à un coût moindre.
Dans notre étude, les réductions d’émissions à l’étranger permettent de combler un cinquième de l’écart entre le statu quo et les cibles fixées. Par conséquent, nous serions en faveur d’une modification du projet de loi C-311 permettant au Canada d’acheter des réductions d’émissions de haute qualité à l’étranger afin d’atteindre les cibles prévues dans le projet de loi.
Je voudrais, dans le temps qui me reste, revenir à l’origine de l’objectif des 2 °C pour 2020, qui représente une réduction de 25 p. 100 des émissions du Canada par rapport aux niveaux de 1990.
Il s’agit vraiment d’une cible fondée sur des données scientifiques parce qu’elle commence par une analyse scientifique des réductions des émissions mondiales qui seraient nécessaires pour avoir une chance d’empêcher le réchauffement de la planète d’aller au-delà du seuil de danger des 2 °C. Lorsque le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a cherché des moyens raisonnables de répartir ces réductions, il est arrivé à des taux de 25 à 40 p. 100 de réduction par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2020 pour les pays industrialisés.
Même si les pays industrialisés pouvaient en principe atteindre ensemble une cible de cet ordre, il y a plusieurs raisons pour lesquelles le Canada devrait atteindre au moins le seuil inférieur de cet intervalle, c’est-à-dire 25 p. 100. La principale raison, c’est que la cible de 25 p. 100 était appuyée par des analyses publiées de ce que devrait être la part équitable du Canada parmi les pays industrialisés. L’intervalle de 25 à 40 p. 100 pour les pays industrialisés ne correspond qu’à une probabilité d’environ 50 p. 100 de maintenir le réchauffement de la planète au-dessous de 2 °C. De plus, la communauté scientifique internationale nous dit maintenant que le problème est plus grave qu’elle ne le pensait lorsque le Groupe d’experts intergouvernemental avait compilé son rapport le plus récent et que les réductions nécessaires pourraient donc avoir été sous-estimées.
Les environnementalistes ne prétendent pas que la lutte contre les changements climatiques est facile. Il n’y a pas de doute qu’elle nécessite des décisions difficiles. Toutefois, l’étude que nous avons publiée aujourd’hui montre qu’il y a des solutions pouvant nous permettre d’atteindre des cibles fondées sur des données scientifiques et que cette voie peut nous ouvrir des perspectives intéressantes.
Tandis que nous nous préparons en vue des négociations difficiles de Copenhague, le monde a désespérément besoin de chefs de file dans la lutte contre les changements climatiques. L’adoption de ce projet de loi à temps pour Copenhague signalerait que le Canada est disposé à assumer un rôle de leadership dans le monde.
Je vous remercie.
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Je voudrais d’abord vous remercier de votre invitation.
Comme les autres témoins, je suis persuadée que le Canada a un rôle important à jouer et que nous devons agir rapidement pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Je ne recommande cependant pas d’adopter le , qui ne représente, en fin de compte, qu’un autre exercice de fixation d’objectifs sans plan. À cet égard, j’ai trouvé très pertinent l’éditorial du Globe and Mail de ce matin.
J’aimerais vous rappeler le processus traditionnel de ratification des traités internationaux suivi au Canada, processus dans le cadre duquel le Protocole de Kyoto représente une exception notable. En général, nous arrivons à notre propre définition des priorités intérieures à respecter pour remédier à un problème environnemental ou économique. Une fois que nous avons cerné nos objectifs et avons décidé de les poursuivre dans un partenariat international, nous avons tendance, pour des raisons de compétitivité, à présenter nos arguments dans le vocabulaire des traités. Nous trouvons d’autres parties. Nous négocions un traité et le signons. Ensuite, nous rentrons chez nous et adoptons des mesures législatives et réglementaires nationales. Le plus souvent, nous constatons que nos premiers essais de réglementation ne sont pas tout à fait au point et modifions donc les dispositions initiales. Il nous arrive même de faire un troisième essai. Après avoir mis à l’épreuve nos mesures législatives et réglementaires pendant une période assez longue pour être à peu près certains qu’elles conviennent, et après que les autres signataires du traité ont franchi les mêmes étapes, nous revenons à la table de négociation, modifions le texte initial du traité, puis passons à l’étape de la ratification. C’est ainsi que nous avons procédé dans le cas du droit de la mer. Cela explique que 11 ans se soient écoulés entre la signature du traité et sa ratification. Tout cela est normal. Ce n’est pas du tout inhabituel.
Le Canada a signé et ratifié le Protocole de Kyoto dans une période très courte sans élaborer un quelconque plan de mise en œuvre. Aujourd’hui, le projet de loi énonce encore un autre objectif. Nous consacrons beaucoup de ressources à parler de cibles sans avoir même envisagé ce qu’implique un plan de mise en œuvre. Si nous devions nous en tenir à notre façon traditionnelle et fructueuse de procéder, nous poserions un certain nombre de questions conventionnelles: Quels règlements adopter? Qui sera touché? Qui devra changer de comportement et pourquoi? Quelles seront les répercussions de tout cela?
Je vais vous dire une chose très différente de ce que vous aurez lu dans le rapport Pembina. Je travaille surtout pour le secteur privé, mais j’ai également parmi mes clients des ONG et trois gouvernements provinciaux. Mon travail de consultante consiste à recommander des politiques et des règlements. Je crois que je fais bien mon travail. Je m’occupe de changements climatiques depuis 15 ans. Pour moi, c’est le sujet brûlant de l’heure. Quelle est la réalité? La réalité, c’est que 80 p. 100 des émissions signalées des grands émetteurs industriels, 67 p. 100 de toutes les émissions industrielles, y compris celles qui ne sont pas signalées au niveau des établissements, et 30 p. 100 de l’ensemble des émissions nationales viennent d’usines situées dans 30 collectivités.
J’ai à mon hôtel un rapport à vous présenter, que je transmettrai à la greffière par courriel après cette réunion.
Nous parlons de 30 collectivités. C’est la liste de vos villes fantômes. Comment faire pour qu’elles cessent d’être des villes fantômes? Il ne s’agit pas de l’ensemble du pays. Les émissions ne sont pas gentiment réparties partout dans le Canada. Vous ne pouvez pas aller dans Sydney—Victoria ou dans la circonscription de et dire: Voilà, vos électeurs pourront conserver leurs emplois s’ils dépensent 40 $ la tonne pour construire des champs d’éoliennes en Chine. Dans la circonscription de Blake, savez-vous ce que représentent 40 $ la tonne? C’est plus de 4 000 $ par homme, femme et enfant. Or il y a 30 collectivités pour lesquelles 40 $ la tonne pour restructurer les installations ou acheter des compensations en Chine représenteraient plus de 400 $ la tonne pour chaque homme, femme et enfant de la collectivité. Je ne vous dis pas qu’il ne faut pas agir ainsi. Je vous dis que nous n’avons affaire qu’à une trentaine de collectivités.
La première recommandation consiste pour votre comité à former un sous-comité où siégeraient des représentants des 30 collectivités. Commençons à discuter de leurs compétences de base qui peuvent servir à long terme, parlons de leur avantage concurrentiel. Comment en tenir compte dans les stratégies technologiques? Beaucoup des stratégies technologiques recommandées dans ce rapport n’ont absolument aucun rapport avec les sources durables réelles d’avantage concurrentiel de ces collectivités dans un avenir exempt de carbone. Il n’y a aucun lien. Cela ne peut pas marcher. Et qu’adviendra-t-il si cela ne marche pas? Nous nous trouverons dans la même situation que l’Allemagne.
De 1996 à 2007 — je ne tiens donc pas compte de la période de récession —, les emplois producteurs de marchandises ont diminué de 18 p. 100 tandis que les émissions de gaz à effet de serre n’ont baissé que de 16 p. 100. Les Allemands n’ont même pas réussi à obtenir un rapport de un à un. Au cours de cette période, 6,4 millions d’emplois ont été perdus, ce qui fait que je ne suis pas impressionnée quand on me dit que l’industrie éolienne a peut-être créé 250 000 emplois. Les ménages allemands paient leur électricité 41 ¢ canadiens le kilowatt-heure. Je ne parle pas du taux spécial pour l’énergie éolienne. C'est le prix que tous les Allemands paient pour leur électricité. La moitié de cette électricité vient encore de centrales au charbon. Huit nouvelles centrales au charbon ont été construites en Allemagne au cours des huit derniers mois, et la construction de 20 autres a été approuvée. À elles seules, les huit nouvelles centrales au charbon réduisent à néant les gains, en réductions d’émissions, réalisés par l’Allemagne en étant le plus grand pays producteur d’énergie éolienne dans le monde.
Si nous ne prenons pas le temps d’examiner la liste des collectivités et des entreprises — il s’agit seulement de 30 collectivités —, si nous n’établissons pas un plan stratégique pour chacune, nous finirons par avoir de l’électricité à 40 ¢ le kilowatt-heure, nous continuerons à brûler du charbon pour produire de l’électricité, nous perdrons beaucoup d’emplois industriels et nous n’aurons même pas des réductions d’émissions comparables en pourcentage aux pertes d’emplois. En tout cas, c’est l’expérience qu’ont vécue l’Allemagne, le Danemark, la Suède. Est-ce bien la voie que nous voulons emprunter?
Je vais m’arrêter là.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie aussi les témoins d’être venus se joindre à nous.
Je voudrais commencer par féliciter M. Bramley ainsi que l’Institut Pembina et la Fondation David Suzuki pour ce rapport. Je voudrais rappeler aux Canadiens que c’est l’une des raisons pour lesquelles il était tellement important de prolonger le délai d’examen du projet de loi, afin de pouvoir entendre de tels témoignages et de les situer dans leur contexte. Je voudrais aussi vous féliciter car, comme on dit dans le domaine du droit contractuel, celui qui écrit la première ébauche a souvent le dessus. Dans ce cas, vous avez au moins écrit une partie de l’analyse que le gouvernement a omis de faire jusqu’ici.
Sur ce, je voudrais vous demander tous les quatre de me dire très rapidement — car vous avez tous mentionné directement ou indirectement la nécessité d’un plan cohérent — si vous détenez, après 46 mois, un plan du gouvernement sur la réaction intérieure aux changements climatiques.
Monsieur Hornung, si vous voulez bien commencer, pouvez-vous me dire si, oui ou non, vous disposez d’un tel plan?
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Je crois bien que c’est cela.
Je vais peut-être m’adresser à M. Drexhage pour un instant. Monsieur Drexhage, pouvez-vous nous aider à mieux comprendre vos explications, que j’ai trouvées très utiles?
Tout d’abord, au sujet de la cible de 25 p. 100, vous avez dit qu’on supposait en général que c’était la cible du GEIEC, mais qu’en fait, il n’est pas vraiment prouvé que le GEIEC a examiné... Je ne veux pas engager un débat scientifique, mais je pense que M. Bramley a dit quelque chose de différent. Selon lui, ce chiffre s’appuie sur des données scientifiques solides. Vous voudrez peut-être régler ce différend ailleurs.
Je voudrais parler des suggestions que vous avez avancées. Quels en seraient les effets sur le Canada? Vous avez dit que le président Obama se montre modéré pour le moment, mais qu’il intensifiera les efforts plus tard. Quels en seraient les effets dans le contexte canadien?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
D'abord, je salue les témoins dont on reconnaît tous l'expertise.
M. Bramley, je vous remercie de votre étude présentée ce matin, car elle éclaire les parlementaires sur l'impact économique du respect de la preuve scientifique.
Jusqu'à maintenant, on attendait du gouvernement une réduction de 25 p. 100, par rapport à 1990, d'ici à 2020. Cela aurait été le chaos économique au Canada: des pertes d'emploi considérables, une décroissance économique. C'est comme si l'on se retrouvait du jour au lendemain avec une économie canadienne terriblement affaiblie.
Aujourd'hui, on constate — vous me direz si j'ai tort — qu'entre le scénario du gouvernement et celui des scientifiques, il n'y a pas un impact aussi considérable que ce que l'on aurait cru.
Comment se fait-il que d'avoir des objectifs ambitieux n'affaiblit pas considérablement notre économie, au contraire? Qu'est-ce qui fait en sorte que des réductions considérables ne mènent pas au chaos économique, comme certains tentent de le faire croire?
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Il y a quelques éléments de réponse.
Premièrement, on a des technologies disponibles pour considérablement réduire les émissions. On connaît les énergies renouvelables. Par exemple, selon nos scénarios, l'énergie éolienne représenterait 18 p. 100 de la production d'électricité au Canada en 2020. On a beaucoup d'occasions dans l'efficacité énergétique, et aussi dans le captage du carbone. On n'a donc pas besoin d'inventer de nouvelles technologies; on a des solutions à portée de la main.
Secondement, oui, on impose selon nos scénarios une tarification des émissions. Cela créerait un prix à payer élevé pour les émissions. Cela créerait aussi des revenus qui pourraient être recyclés dans l'économie pour être réinvestis dans les solutions et pour qu'on s'occupe des problèmes qui pourraient se présenter, comme les problèmes de compétitivité dans certains secteurs ciblés.
Voici la réponse que j'ai déjà donnée: après tout, l'économie canadienne est surtout une économie de services, et de grandes parties du secteur manufacturier ne sont pas particulièrement intenses en matière de gaz à effet de serre.
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En lisant votre rapport, j'ai constaté que la mise aux enchères de crédits pourrait rapporter — sauf erreur — près de 72 milliards de dollars par année au gouvernement qui, selon vous, pourraient être réinvestis dans l'économie. C'est ce qui ferait probablement, selon votre analyse, que l'économie canadienne serait plus compétitive. Quand on parle d'innovation, de développement et de compétitivité, au bout du compte, on parle de création d'emplois. Est-ce ce que je dois comprendre?
J'examinais les chiffres de l'Association canadienne des énergies éoliennes. Vous parlez de 18 p. 100 d'ici à 2020; l'industrie parle de 20 p. 100. En en matière de vente d'électricité, on parle de 78 milliards de dollars —, du nouvel argent dans l'économie canadienne. C'est probablement un facteur important.
J'aimerais revenir sur l'impact par province. Quand je regarde votre tableau, je remarque que c'est en Alberta que la croissance moyenne annuelle du PIB sera encore la plus élevée: 3,3 p. 100. Pourtant, au Québec, la croissance moyenne annuelle du PIB est la plus faible au Canada: on parle de 1,3 p. 100 de croissance.
Quelle garantie a l'Alberta du respect des engagements, qui est recommandé par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat? Qu'est-ce qui fait en sorte que l'économie albertaine pourra quand même garder sa force? Selon votre scénario, vous tenez compte de la séquestration et du captage du carbone. Or qu'est-ce qui permet à l'Alberta de garder sa croissance économique?
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Je vous remercie de votre question. Soit dit en passant, je n’ai pas de doctorat.
Pour répondre à votre question, je dirais, comme je l’ai indiqué dans mon exposé, que tant qu’aucun prix réaliste n’est attribué au carbone sur le marché, nous sommes dans une situation où nous devons faire des choix dans le secteur de l’électricité sans disposer de renseignements complets concernant les prix. À cet égard, de nombreux gouvernements dans différents pays du monde, dont le Canada, s’efforcent de mettre en place des programmes pouvant signaler au marché la nécessité de renforcer la compétitivité relative des technologies de l’énergie propre.
Au Canada, nous avons le programme écoÉNERGIE pour l’électricité renouvelable, qui a été établi en janvier 2008 dans le but d’appuyer le déploiement de 4 000 mégawatts d’énergie renouvelable d’ici mars 2011. C’est un programme très réussi qui atteindra son objectif cet automne, un an et demi avant l’échéance prévue. Encore une fois, en l’absence d’un cadre permettant d’établir un prix du carbone, l’industrie attend que le gouvernement agisse et dise plus ou moins que le soutien du déploiement des technologies énergie propres ne finira pas cet automne, mais se poursuivra à l’avenir.
Cela est très important car, comme je l’ai noté dans mon exposé, nous sommes en concurrence avec d’autres pays pour cet investissement. Les États-Unis ont dit très clairement qu’ils voulaient compter parmi les chefs de file des technologies de l’énergie propre, comme l’énergie éolienne. Ils ont mis en place des programmes pour encourager la fabrication d’équipement et le déploiement de ces technologies. Si nous ne le faisons pas au Canada, les placements iront aux États-Unis et y créeront des emplois et des occasions que nous pourrions avoir chez nous.
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Vous avez dit que notre mode de vie n’est pas viable. Ma question porte sur ce qu’il adviendra du mode de vie au Canada si nous adoptons le projet de loi . Quel en serait le coût?
Monsieur Bramley, je ne vais pas vous poser des questions. Je pense que si je demandais à un chef cuisinier de critiquer sa propre création, il ne serait pas parfaitement impartial. Je vais donc adresser mes questions à Mme Donnelly et à M. Drexhage.
Le gouvernement est responsable du développement durable. En fait, nous le sommes tous. À la Chambre, nous avons adopté le projet de loi S-216 au cours de la dernière législature. C’était une mesure concernant le développement durable tendant à assurer au Canada à la fois de bons emplois et un environnement propre. C’est la responsabilité du gouvernement et de chacun d’entre nous. Par conséquent, de quelle façon notre mode de vie changerait-il si nous adoptions des cibles?
Parlons des cibles proposées dans le projet de loi . L’Institut Pembina a constamment dit que les deux plus grands émetteurs du monde en développement, la Chine et l’Inde, n’auraient pas de cibles fermes. Elles n’auraient pas à en accepter dans un nouvel accord international. Le monde développé aurait à payer des réductions à l’étranger. Le projet de loi C-311 imposerait aussi de dépenser des milliards de dollars en fonds d’atténuation et d’adaptation dans le monde. Le gouvernement est d’avis qu’il doit y avoir une aide appréciable. Qu’adviendra-t-il du monde si nous acceptions des cibles aussi extrêmes?
Je viens juste de rentrer de Copenhague où l’essence se vend 2,50 $ le litre.
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Au Danemark, le gouvernement dépense 55 p. 100 du PIB. Si vous avez un revenu net de 51 000 $ par an, en dollars canadiens, vous auriez à payer 63 p. 100 de votre revenu brut en impôts. Cela comprend l’impôt sur le revenu et les charges sociales, mais non les taxes de vente. Je ne dis pas que c’est mauvais, mais c’est un genre de société différent du nôtre. C’est peut-être le genre de société que nous devrions avoir. J’aimerais bien participer à ce débat.
Encore une fois, je dis qu’il y a un dialogue à tenir. Quand nous parlons de la liste des 30 collectivités vulnérables, il y en a trois à Terre-Neuve, deux en Nouvelle-Écosse, deux au Nouveau-Brunswick et quatre au Québec. Nous avons toujours l’impression que cette affaire concerne essentiellement l’Alberta. Ce n’est pas le cas.
Je voudrais également aborder la question complexe des échanges internationaux. Vous savez ce que je veux dire. Nous pouvons faire ce que nous voulons, mais, comme on dit, le diable est dans les détails. D’après ce rapport, l’offre de capital serait illimitée. Nous n’avons donc qu’à augmenter le prix de l’énergie pour voir arriver dans le pays tout le capital dont nous avons besoin afin de réduire notre demande d’énergie.
Comme je l’ai dit, quand les Européens ont fait grimper le prix du capital, deux choses se sont produites: l’emploi dans le secteur manufacturier canadien a augmenté de 26 p. 100, tandis que la capacité manufacturière de l’Allemagne, du Danemark et de la Suède a chuté de 11 à 17 p. 100. Si on considère les flux d’investissements étrangers directs, ces pays européens ont investi davantage au Canada entre 1996 et 2007 qu’ils ne l’ont fait dans toute l’Asie, y compris la Chine.
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Quand ils ont réalisé leurs politiques, leurs capitaux sont venus au Canada. Leurs emplois producteurs de marchandises ont diminué en gros de 15 p. 100, tandis que les nôtres montaient de 26 p. 100.
Revenons maintenant à ce que cela signifie sur le plan des traités internationaux. Dans le monde développé, nous avons le secteur manufacturier le plus efficace parce que nous venons de le bâtir dans les 15 dernières années. Je vais vous présenter une seule comparaison. L’Europe nous demande de réduire nos émissions de 20 p. 100. Prenons un cas particulier. Les États-Unis nous disent de réduire nos émissions de 20 p. 100. Je ne dis pas que nous ne devrions pas le faire, mais les États-Unis nous demandent d’atteindre des cibles comparables en pourcentage, secteur par secteur. En Europe et aux États-Unis, l’aluminerie moyenne dégage 12 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium. Au Canada, le chiffre équivalent est de 6 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium.
D’après le protocole de Copenhague, le protocole de Kyoto et la proposition du Congrès américain, nous devrions accepter les mêmes pourcentages de réduction. Cela revient à dire que si les États-Unis et l’Europe ramènent de 12 à 10 leurs émissions de gaz à effet de serre par tonne d’aluminium, nous devons réduire les nôtres de 6 à 5. On nous propose cela comme mesures équivalentes. Pourtant, il nous coûterait trois fois plus cher de passer de 6 à 5 qu’il ne leur en coûterait pour passer de 12 à 10.
Le Canada doit être un chef de file. Nous devons leur dire que ce n’est pas équivalent, que leurs propositions sont liées non aux émissions de gaz à effet de serre, mais au protectionnisme commercial.
Quelle devrait être la norme du monde développé pour les émissions liées à l’aluminium d’ici 2015? Est-ce 10...
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Merci beaucoup, monsieur Ouellet.
[Traduction]
Oui, je crois que le projet de loi peut contribuer. En même temps, je suis tout à fait d’accord avec Mme Donnelly: il faut que le projet de loi soit suivi d’un vrai plan.
L’une de nos lacunes des 15 dernières années, c’est que nous n’avons jamais produit un vrai plan, un plan crédible. Cela est attribuable au fait que nous sommes très, très susceptibles pour tout ce qui touche à la consommation. C’est un domaine très délicat sur le plan politique, qui nous donne beaucoup de difficultés en Amérique du Nord.
Pour revenir à la question précédente — vous m’excuserez d’intervenir ainsi quand ce n’est pas mon tour — sur la question de savoir si nous devons suivre la voie du Danemark ou de la Suède, je dirais que nous devrions le faire pour une grande part. Ne perdons pas de vue qu’un gouvernement conservateur est au pouvoir au Danemark. Ce n’est pas un gouvernement socialiste de gauche. C’est plutôt un gouvernement archi-conservateur, qui s’est allié au parti libéral. Il faut prendre « libéral » dans le sens néoclassique d’Adam Smith. Les Danois ont donc réussi à faire progresser le débat au-delà des questions de gauche et de droite. Ils ont réussi à concentrer leur attention sur la viabilité et la durabilité, comme nous devrions le faire au Canada. Je ne voudrais pas que la question soit transformée en un conflit entre la gauche et la droite. Nous ne pouvons pas nous permettre de le faire.
Merci.
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J’espère que ma mémoire ne me trahira pas, mais je crois que, sur les 30 collectivités, moins de 15, mais presque la moitié se trouvent en Alberta et en Saskatchewan. Il n’y en a pas au Manitoba. La liste que je vous enverrai ne comprend non plus aucune collectivité de la Colombie-Britannique. Toutefois, si je mets les chiffres de côté et considère les choses d’un point de vue technique, je placerais Kitimat presque au sommet de la liste, même si elle n’y figure pas actuellement. Elle est basée sur les chiffres de 2007. J’ajouterais donc Kitimat.
Par rapport à leur population, les provinces ayant les profils de risque les plus élevés sont le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve car, même si les émissions de gaz à effet de serre par habitant y sont inférieures aux autres provinces, la possibilité d’y générer de nouvelles recettes sont sensiblement moindres que dans les autres régions. Par conséquent, lorsque vous examinerez la liste des collectivités, ne perdez pas de vue que la situation est différente dans chaque contexte.
Pour revenir à cette étude, elle fait deux choses en même temps. Elle suppose que le gouvernement tirera d’importantes nouvelles recettes des opérations qui devraient censément continuer à produire des émissions de gaz à effet de serre et qui auraient donc à acheter des permis pour le faire. Toutefois, ces recettes ne se matérialiseront pas si les installations en question réduisent leurs émissions. Les collectivités en cause sont souvent des villes monoindustrielles. Par conséquent, si vous retirez l’employeur unique, vous avez intérêt à savoir par quoi vous allez le remplacer. En Colombie-Britannique, où je vis, chaque fois qu’un employeur unique a disparu, c’est le gouvernement qui est devenu la principale source de revenus.
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Je l’apprécie beaucoup. Merci, monsieur Malhi.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Drexhage, j’aimerais revenir aux perspectives d’avenir positives.
Que dit le Canada? Nous n’en avons aucune idée. Les Canadiens ne savent rien. Nous demandons constamment au gouvernement de dire simplement aux Canadiens ce qu’il en est. Quelle est la position du Canada sur la scène internationale? La réponse change constamment. Je ne comprends pas. Je ne peux pas deviner ce que le gouvernement a dans la tête, mais je crois que les Canadiens ont le droit de savoir. Le gouvernement ne veut pas nous dire quelle est sa position.
Le dialogue continue à changer. On nous dit tout d’abord que c’est un dialogue bilatéral. On affirme ensuite que le Canada a une cible nord-américaine, ce que ne peuvent pas confirmer mes interlocuteurs de Washington et de Mexico. Personne n’a jamais entendu parler d’une cible nord-américaine. Nous ne savons plus ce que dit notre gouvernement.
Mais vous suivez les développements internationaux. Pouvez-vous donc nous parler de ce que la Canada dit sur la scène internationale en ce moment, en prévision de la conférence de Copenhague?
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Merci, monsieur le président.
Je sais qu’il manque constamment de temps pour parler aux témoins. Je serai donc très direct. J’espère qu’il restera ainsi un peu de temps à partager avec mon collègue M. Watson, pour que nous ayons tous les deux l’occasion de poser des questions.
J’ai d’abord une observation à formuler. Témoignant devant le Comité sénatorial des banques, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a dit que dans l’ensemble, il y aurait une reprise timide, mais que ce serait quand même une reprise. Ce sont de bonnes nouvelles pour les Canadiens.
Je voudrais demander ceci à Mme Donnelly en particulier: Croyez-vous que les Canadiens soient disposés à adopter des cibles et un plan qui, d’après ce que je peux voir, n’est qu’une variante du tournant vert qui leur avait été proposé aux dernières élections générales, et que l’économiste en chef de la Banque TD, M. Don Drummond, a qualifié de « plus grand choc financier » de l’histoire du Canada dans le Globe and Mail d’aujourd’hui?
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Mon opposition au projet de loi est due au choc qu’il provoquerait. Chaque fois que nous sautons à pieds joints pour adopter une cible qui paraît hors de portée — je ne me prononce pas sur la question de savoir si elle est ou non à notre portée —, nous acculons des collectivités entières à des tactiques fondées sur la peur. J’estime que nous connaissons ces collectivités. Il n’y a pas d’incertitude à cet égard. La chose prudente à faire est d’élaborer une stratégie pour collaborer avec les collectivités et déterminer ce qu’il est possible de faire.
Je ne m’oppose pas à ce que la stratégie vise à atteindre des objectifs comme ceux du projet de loi ou d’autres objectifs. Je crois cependant que si vous adoptez un autre projet de loi sans passer par ce processus, vous aurez des difficultés.
Je voudrais aussi ajouter une petite observation au sujet de toute cette affaire d’échanges internationaux. L’année dernière, en 2008, les États-Unis ont produit un peu plus d’un milliard de tonnes d’équivalent CO2 en exploitant des centrales au charbon datant de plus de 55 ans. Au Canada, notre plus vieille centrale au charbon n’a pas encore 45 ans. Par conséquent, quand nous avons ce dialogue et parlons de flux d’argent, il n’y a pas de doute qu’il sera coûteux de réduire les émissions chez nous. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, mais nous avons une jeune économie dans laquelle il est beaucoup plus coûteux de radier une centrale de 20 ans que de se débarrasser d’une centrale de 65 ans.
Voilà les circonstances particulières que nous avons. L’augmentation de 26 p. 100 de nos emplois producteurs de marchandises depuis 1996 était attribuable aux capitaux venant d’Europe qui ont été investis chez nous au lieu d’aller aux États-Unis. Nous avons un défi spécial et devons donc choisir des moyens d’action différents de ceux de tous les autres.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bien sûr, je remercie aussi nos témoins.
J’ai d’abord un commentaire à formuler, monsieur le président. Nous avons reçu très récemment ce rapport qui est parrainé par la Banque TD. Cela étant, je crois qu’il serait bon d’inviter l’économiste en chef de la Banque, Don Drummond, à comparaître devant le comité pour explorer certains des aspects économiques du rapport. Monsieur le président, vous voudrez peut-être tenir compte de cette proposition à un moment donné. Je crois qu’il serait utile que M. Drummond vienne nous expliquer le rapport.
Monsieur Bramley, vous avez dit que chaque modèle aboutit à des résultats différents. De toute évidence, vous avez choisi un modèle précis pour ce rapport. Je note, sur la face intérieure de la couverture, que la Fondation David Suzuki est d’avis que le choix de certaines politiques a été imposé par le modèle. La Fondation ajoute que les technologies et les mesures retenues ne représentent qu’une partie des solutions possibles pour atteindre les objectifs de réduction de 2020 et précise qu’elle n’appuie pas nécessairement les mesures et technologies retenues dans le rapport. À part cela, vous avez choisi là une voie assez particulière.
Je vais vous poser des questions à ce sujet et faire aussi quelques comparaisons.
Le printemps dernier, j’ai écrit au directeur parlementaire du budget pour lui demander d’établir le plein coût du projet de loi C-311. Nous avons eu quelques échanges avec M. Page. Il a présenté un aperçu du cadre d’étude qu'il se propose d’adopter. Au sujet des scénarios relatifs aux nouvelles politiques, il a dit ceci:
Il faudra élaborer un certain nombre de scénarios stratégiques parce qu’il est probable qu’il existe de multiples approches et combinaisons d’approches pour réaliser les réductions nécessaires des émissions. Le recours à différentes approches ou combinaisons d’approches aboutirait vraisemblablement à des répercussions économiques différentes.
Je voudrais donc dire tout d’abord que ce n’est là qu’une seule opinion sur les répercussions économiques, fondée sur certaines hypothèses de base. Il y a des choses qui ne sont pas comprises dans ce rapport, comme différentes options qu’il serait possible de comparer les unes aux autres. Cette évaluation est-elle assez proche de la réalité?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie aussi les membres du comité pour avoir gaspillé beaucoup de temps aujourd’hui.
Pour calculer le coût complet, le directeur parlementaire du budget dit qu’il faut aussi poser des hypothèses de base au sujet des réactions dictées par la politique monétaire. Autrement dit, il propose un plan qui lui prendrait environ 12 mois à produire et qui serait extrêmement détaillé. Je crois que ce serait très précieux pour le comité qu’il puisse entreprendre cette étude.
Je veux cependant noter ici en tout premier lieu que cela ne représente qu’une opinion particulière, que je trouve assez étroite. Ensuite, je pense que les hypothèses posées ici... Le Globe and Mail dit que le Canada devrait se transformer en paradis écologique du jour au lendemain. C’est un scénario basé sur des conditions parfaites qui comportent vraiment des éléments irréalistes, comme les normes d’émission de la Californie. Il y a deux ans, Buzz Hargrove, alors président des Travailleurs canadiens de l’automobile, avait dit que de telles normes seraient suicidaires pour l’industrie automobile. Ce n’est vraiment pas réaliste.
Don Drummond lui-même dit qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les progrès technologiques fournissent une solution d’ici 2020. Pourtant, vous supposez certaines choses.
Avez-vous proposé ce scénario irréaliste pour masquer ce que seraient les coûts réels? Ils pourraient être supérieurs aux coûts de ce qu’on appelle le grand bouleversement économique, le plus grand choc financier de l’histoire du Canada qui perturberait profondément notre économie. Avez-vous en fait sous-estimé des coûts qui pourraient être considérablement plus élevés pour notre économie?