Nous commençons avec un peu de retard. Nous allons tout de même nous efforcer de tenir une séance d'environ deux heures. Nous poursuivons notre étude du projet de loi . Il s'agit de la 33e réunion du comité.
Nous accueillons aujourd'hui Michael Martin, qui est négociateur en chef pour le Bureau des négociations sur les changements climatiques au ministère de l'Environnement. Mme Carol Buckley, directrice générale de l'Office de l'efficacité énergétique, au ministère des Ressources naturelles, est également des nôtres. Et du ministère de la Santé, nous recevons M. John Cooper, directeur du Bureau de l'eau, de l'air et des changements climatiques au sein de la Direction de la sécurité des milieux. Bienvenue à tous les trois.
Comme nous accueillons aujourd'hui des fonctionnaires, j'aimerais attirer l'attention de tous sur ce que prévoit à cet effet le Marleau et Montpetit, au chapitre 20, page 864:
... on a dispensé les fonctionnaires de commenter les décisions stratégiques prises par le gouvernement. En outre, les comités acceptent ordinairement les raisons données par un fonctionnaire pour refuser de répondre à une question précise ou à une série de questions supposant l'expression d'un avis juridique, pouvant être considérées comme en conflit avec leur responsabilité envers le ministre, débordant leur domaine de responsabilité, ou pouvant influer sur des opérations commerciales.
Je voulais vous rafraîchir la mémoire à ce sujet pour que vous vous rappeliez bien que nous avons des règles à suivre lorsque vous poserez vos questions.
Nous pouvons maintenant débuter. Qui sera le premier à prendre la parole?
Monsieur Martin, nous vous écoutons.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
C'est un honneur d'être présent parmi vous aujourd'hui. Je prends part à cette réunion en compagnie de M. John Cooper, qui est directeur du Bureau de l'eau, de l'air et des changements climatiques à Santé Canada, et de Mme Carol Buckley, qui est directrice générale de l'Office de l'efficacité énergétique à Ressources naturelles Canada.
Avec votre permission, je souhaiterais faire une brève déclaration accompagnée de quelques remarques sur certains articles particuliers du projet de loi . Par la suite, mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Les articles 5 et 6 du projet de loi en question définissent un plan à long terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada sous forme d'objectifs à moyen terme, soit une réduction de 25 p. 100 des émissions par rapport au niveau de 1990, et ce, d'ici 2020, et, à long terme, de 90 p. 100 d'ici 2050.
[Traduction]
L'idée d'un plan de réduction des émissions à long terme s'inscrit déjà dans la politique du gouvernement canadien. Comme vous le savez, le gouvernement a élaboré un plan destiné à réduire, d'ici 2020, les émissions de gaz à effet de serre du Canada de 20 p. 100 par rapport à leurs niveaux de 2006, et de 60 à 70 p. 100 d'ici 2050. À titre de comparaison, les propositions législatives actuelles aux États-Unis visent également à mettre en place un plan à long terme ayant pour but de réduire d'ici 2020, les émissions de 17 à 20 p. 100 par rapport à leurs niveaux de 2005 et de 83 p. 100 d'ici 2050 par rapport aux mêmes niveaux.
Dans le cadre des négociations en cours aux Nations Unies sur les changements climatiques, le Canada et les États-Unis ont appuyé, pour répondre à l'impératif de réduction marquée des émissions à l'échelle mondiale, l'idée de la mise en oeuvre d'un plan à long terme par chacun des pays. Pour chaque pays, ce plan encadrerait l'élaboration des politiques au niveau national et procurerait une vision plus éclairée des tendances relatives aux émissions dans le monde.
Cette reconnaissance de l'importance de la mise en place des plans à long terme a également été soulignée lors de la tenue en juillet dernier du sommet du G8 en Italie. Le Canada et plusieurs autres pays du G8 ont reconnu le point de vue scientifique général selon lequel la hausse de la température moyenne de la Terre au-delà des niveaux préindustriels ne doit pas dépasser les 2 degrés Celsius. En outre, les dirigeants du G8 ont réaffirmé leur appui à l'objectif international visant la réduction des émissions à l'échelle mondiale d'au moins 50 p. 100 d'ici 2050, les pays industrialisés réduisant collectivement d'au moins 80 p. 100 leurs émissions comparativement aux niveaux de 1990 ou des dernières années, et ce toujours d'ici 2050.
Comme je l'ai mentionné, l'article 6 du projet de loi stipule clairement que le ministre de l'Environnement doit mettre en oeuvre un plan visant la réduction à long terme des émissions au moyen d'un plan intérimaire pour les années 2015, 2020, 2025, 2030, 2035, 2040 et 2045, la cible à long terme étant l'année 2050, décrite à l'alinéa 5a). Je remarque également que d'après l'alinéa 5b), le niveau des émissions canadiennes de gaz à effet de serre doit être réduit « de 25 p. 100 par rapport au niveau de 1990 d'ici 2020, comme cible à moyen terme, valable avant l'établissement du plan des cibles à atteindre visé au paragraphe 6(1) ». L'objectif proposé pour 2020 permettrait de réduire de 38 p. 100 le niveau des émissions canadiennes de gaz à effet de serre comparativement à 2006, ce qui ferait de ce projet l'un des plus ambitieux mis au point par un pays industrialisé, surtout si l'on considère la forte croissance démographique que connaît le Canada.
Les nouveaux engagements pris par les pays industrialisés en vue de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour l'après-2012 représentent l'un des éléments clés sur lesquels portent les négociations en cours aux Nations Unies. Ces engagements prendront certes la forme de réductions d'émissions quantifiées touchant tous les secteurs de l'économie sur une période de huit ans, soit de 2013 à 2020. En 2007, à Bali, le Canada et d'autres pays se sont entendus sur le fait que les négociations portant sur les engagements pris par les pays industrialisés en vue de réduire les émissions se doivent d'être fondées sur des efforts comparables. Cette idée, introduite à l'origine par l'article 4.2 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, suggère que tous les pays industrialisés participent à l'effort entrepris en vue de réduire collectivement les émissions, et ce, en fonction de la réalité de chaque pays et des possibilités de chacun en matière d'atténuation.
De l'avis du gouvernement, l'élément clé qui doit être pris en considération dans l'évaluation des efforts comparables est le coût. Pour le calcul du coût, il est important de savoir dans quelle mesure la réduction des émissions serait réalisée au pays et quelle part de ces réductions serait assurée par le recours aux crédits compensatoires internationaux. Le gouvernement pense que l'objectif qu'il s'est fixé pour 2020 est comparable à celui des autres pays industrialisés, notamment en raison du fait qu'il n'engage pas une quantité appréciable de crédits compensatoires internationaux.
Enfin, l'article 9 du projet de loi suggère que la position du Canada dans le cadre de toutes les discussions sur les changements climatiques et les négociations internationales « respecte intégralement l'engagement pris aux termes de l'article 5 ainsi que les cibles intérimaires d'émissions canadiennes de gaz à effet de serre visées à l'article 6 ». Je crois que, à la suite des négociations actuelles, le Canada s'en tiendra à l'objectif qu'il s'est fixé pour 2020. Je tiens par ailleurs à souligner que l'engagement pris par le Canada de réduire d'ici 2020 ses émissions de gaz à effet de serre de 20 p. 100 comparativement aux niveaux de 2006 est inconditionnel. De la même manière, je crois comprendre que l'objectif préconisé par le projet de loi , soit une baisse de 25 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990, serait également inconditionnel.
Il me semble peu probable que le Canada soit en mesure de revoir l'objectif proposé pour 2020 une fois que celui-ci aura été annoncé dans le monde entier, à moins qu'il ne s'agisse de fixer un objectif encore plus ambitieux. Dans ce cas, la cible à moyen terme définie à l'alinéa 5b) du projet de loi ne sera pas soumise au processus de vérification tel qu'il est indiqué dans l'article 6 du même projet de loi. Si la réalisation de l'objectif pour 2020 préconisé par le projet de loi passe par l'achat de crédits compensatoires internationaux, alors un tel engagement inconditionnel pourrait comporter des risques, notamment en ce qui concerne les coûts de conformité.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je veux remercier les témoins de nous donner des éclaircissements sur le projet de loi et sur la négociation internationale concernant les changements climatiques qui est en cours.
Ce matin, je suis un peu déçu de votre présentation et de votre témoignage. Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous soufflez le chaud et le froid, le chaud étant que vous précisez, à la page 3, que le Canada reconnaît le point de vue scientifique général selon lequel la hausse des températures moyennes de la Terre, au-delà des niveaux préindustriels, ne doit pas dépasser 2 oC. Vous reconnaissez cela. Voilà pour le chaud.
Pour ce qui est du froid, vous refusez de prendre des engagements conformes à la preuve scientifique, c'est-à-dire une réduction d'au moins 25 p. 100 par rapport au niveau de 1990 d'ici 2020. Vous reconnaissez la preuve scientifique, mais vous n'êtes prêts à réduire les émissions que de 3 p. 100 par rapport au niveau de 1990.
Comment se fait-il que le Canada ait une position aussi diamétralement opposée à celle des scientifiques? Qu'est-ce qui explique que vous reconnaissiez les preuves sur le plan scientifique, mais que vous refusiez de prendre des engagements concrets?
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureuse de vous revoir, monsieur Martin. Je crois que cela remonte à Poznan.
Monsieur Cooper, c'est formidable de pouvoir vous accueillir de nouveau. J'ai apprécié votre témoignage concernant l'utilisation de l'eau et les sables bitumineux. Soyez le bienvenu encore une fois.
Bienvenue également, madame Buckley.
Mes premières questions s'adressent à vous, monsieur Martin.
Il va de soi que vous avez lu le projet de loi . Vous avez cité quelques-uns de ses articles. En établissant votre position à la table de négociation, acceptez-vous également le préambule du projet de loi? On y reconnaît:
que les changements climatiques constituent une grave menace pour le bien-être économique, la santé publique, les ressources naturelles et l'environnement du Canada;
que les effets des changements climatiques se manifestent déjà au Canada, en particulier dans l'Arctique;
que la recherche scientifique sur les effets des changements climatiques a entraîné un consensus général sur le fait qu'une élévation de la température moyenne globale de surface de deux degrés Celsius ou plus par rapport à celle du début de l'ère industrielle constituerait un changement climatique dangereux;
que cette recherche a aussi déterminé les niveaux auxquels les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère doivent être stabilisées afin qu'on ne dépasse pas la limite de deux degrés de réchauffement global et qu'on prévienne ainsi un changement climatique dangereux;
La position de négociation du Canada est-elle fondée sur une acceptation des principes énoncés dans le préambule du projet de loi ?
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À ma connaissance, le GIEC n'a formulé aucune recommandation concernant des objectifs à atteindre. Je crois que vous faites référence à ce que nous appelions au cours des négociations le « tableau de Bali ». Il s'agit du tableau 13.7 du quatrième rapport d'évaluation. On y exposait différentes sources de documentation en fournissant des scénarios d'intervention pour les pays développés et les pays en voie de développement.
L'auteur principal, Dennis Tirpak, a présenté un exposé à ce sujet lors de la seconde ronde de négociations de Bonn. Il a simplement essayé de préciser ce dont il était question. J'ai en main une copie de son exposé que je me réjouis de pouvoir fournir au comité. Je suis désolé, mais elle est en anglais seulement, car il ne s'agit pas d'un document du gouvernement du Canada. C'est M. Tirpak qui l'a rédigé. Il précise simplement que l'objectif de 25 à 40 p. 100 sous les niveaux de 1990 d'ici 2020 n'est pas une conclusion ou une recommandation du GIEC. C'est un sommaire des conclusions des différents travaux examinés.
En fait, je ne crois pas que nous puissions demander aux scientifiques de faire notre travail, pas plus que les négociateurs ne peuvent faire le travail des chefs politiques. La science peut alimenter la prise de décisions. Il revient au gouvernement de déterminer ce qu'ils vont faire et la façon dont ils vont procéder, et c'est en grande partie ce qui se retrouve au coeur des négociations.
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Pour que les choses soient bien claires, je crois que ces mesures ont été annoncées par le gouvernement, mais que la plupart d'entre elles ne sont pas encore en vigueur.
Je vais maintenant m'adresser à M. Cooper.
Dans son témoignage, M. Sauchyn nous a parlé du rapport dont il a supervisé la production pour le gouvernement du Canada sous la supervision de RNCan. Il a soulevé différentes problématiques, notamment dans le chapitre qu'il a rédigé au sujet des répercussions sur les Prairies.
Je lui ai posé des questions à propos d'une étude menée à l'Université de l'Alberta par Justine Klaver-Kibria où l'on s'est penché sur différentes préoccupations découlant des impacts des changements climatiques sur la santé mentale et des taux croissants de problèmes de santé mentale, et même de suicide, dans la communauté agricole.
Mme Klaver-Kibria s'interroge, comme bon nombre d'autres scientifiques l'ont fait également, sur l'apparent manque de cohérence dans la prise de position gouvernementale. On ne semble notamment pas faire de connexion entre les questions touchant la santé, l'environnement et l'énergie.
Je me demandais si vous pouviez nous indiquer si Santé Canada consacre des ressources à l'étude et au traitement des répercussions possibles des changements climatiques en matière de santé.
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Je vous remercie beaucoup de m'avoir fourni l'occasion de comparaître devant votre comité.
Quant au travail et à la contribution de Santé Canada dans le dossier des changements climatiques, il va de soi que nous reconnaissons les impacts sur la santé qui y sont associés, tout particulièrement dans le cas des pays en développement. Il y a bien sûr une distinction à établir entre les répercussions que nous pourrons constater ici même au Canada et celles qui se feront ressentir à l'échelle internationale, où elles risquent fort de compliquer certaines situations déjà problématiques.
En 2008, Santé Canada a rendu public un rapport très détaillé de quelque 484 pages sur les impacts pour la santé des changements climatiques au Canada. Des universitaires et des experts de toutes les régions du pays y ont contribué. On a cerné un certain nombre d'impacts importants en matière de santé: de la sécurité des aliments et de l'eau potable jusqu'aux événements météorologiques extrêmes en passant par la propagation des maladies infectieuses. Il allait de soi que dans les régions nordiques notamment, ces répercussions en matière de santé allaient s'ajouter à des conditions socioéconomiques déjà difficiles.
Quant au travail de Santé Canada, vous comprendrez que les gaz à effet de serre n'ont pas une incidence directe sur la santé de par leur seule présence, ce qui nous amène à surtout nous préoccuper de la nécessité de nous adapter et de nous préparer en fonction des changements climatiques qui touchent certaines régions du Canada et d'ailleurs dans le monde.
Nous avons ainsi investi dans différents programmes qui visent la prise en compte de certains phénomènes comme les vagues de chaleur et la mise en place de stratégies d'adaptation à cette fin. Je vous rappelle que quelque 70 000 personnes sont décédées à la suite des trois vagues de chaleur qui ont frappé l'Europe à l'été 2003.
Il y a environ un an et demi, nous avons lancé un projet pilote dans quatre collectivités canadiennes en vue de l'élaboration de systèmes d'alerte et d'intervention en matière de santé qui permettent de mobiliser l'ensemble des ressources sociales, municipales et d'intervention d'urgence d'une communauté lorsqu'une telle menace se présente.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins pour leur présence. Tout cela est fort intéressant.
À l'aide de quelques notes que j'ai prises à notre réunion de mardi, je pourrais résumer ce que nous avons entendu en vous disant que les émissions de gaz à effet de serre continuent d'augmenter à l'échelle internationale et qu'un objectif à long terme — on parle de 2050 — est essentiel; que nous avons aussi besoin de cibles ou d'objectifs à court et à moyen terme; que nous avons besoin de solides données scientifiques; qu'il faut déployer un effort à l'échelle internationale; et qu'il faut agir rapidement sur l'ensemble de la planète.
Nos témoins nous ont également dit, dans leurs conclusions, qu'ils étaient généralement favorables au choix du Canada d'adopter une approche nord-américaine aux fins de l'établissement de cibles visant à contrer les changements climatiques. Ils ont reconnu que notre position de base serait mieux établie, à l'amorce des négociations de Copenhague en décembre, si nous options pour une approche nord-américaine comme nous le faisons actuellement avec les États-Unis qui ont des cibles très semblables aux nôtres. Nous visons une réduction de 20 p. 100 d'ici 2020, et je parle ici de cibles absolues. Les États-Unis ont le même objectif: une diminution de 20 p. 100 d'ici 2020.
Vous parlez dans votre mémoire de plans nationaux et je suppose que vous laissez entendre par là que chaque pays peut être confronté à des situations particulières, à des défis uniques. Est-ce bien ce que vous entendez par « plans nationaux »? Est-ce que le Canada, voire l'Amérique du Nord, est aux prises avec de tels défis ou problèmes particuliers et devrait donc adopter un plan différent par rapport à d'autres pays?
Dans un autre ordre d'idée, j'aimerais connaître votre réaction, sans entrer dans les détails, en tant que chef négociateur pour le Canada. Lors d'une rencontre récente avec l'équipe éditoriale du Calgary Herald, notre ministre a déclaré qu'il était fort probable que l'on s'en tienne à Copenhague à arrêter certains principes communs, car compte tenu de la grande quantité de travail encore à faire et du temps à notre disposition, il était difficile d'envisager que l'on puisse conclure une entente en bonne et due forme à cette occasion.
Dans votre rôle de négociateur en chef pour notre pays du G20, comment est-il possible de vous rendre là-bas et de parvenir à négocier une entente alors que notre ministre a déclaré au reste de la planète qu'il n'y aurait pas d'entente?
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Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, le concept avec lequel nous travaillons dans le cadre des négociations est celui de la comparabilité des efforts. On discute donc de la manière de définir cette comparabilité des efforts.
Nous croyons que le coût économique est une considération importante. Une foule de renseignements aident les pays à évaluer comment la mise en oeuvre et l'atteinte de certaines cibles imposeront des coûts. Ces coûts peuvent être mesurés de différentes manières. C'est en fonction de cette évaluation des coûts, à mon avis, que ces cibles pourront être comparées à celles des autres.
Pour ce qui est du degré d'ambition et, encore une fois, compte tenu de la nature de notre économie et de notre histoire, il s'agit effectivement de cibles ambitieuses. Mais je reconnais que c'est une question de point de vue, et qu'il y aura différentes opinions sur ce qui constitue des objectifs ambitieux ou non.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de leur comparution.
Je m'apprêtais à vous interroger au sujet des efforts comparables, mais je pense que vous avez assez bien répondu à la question. J'apprécie la question posée par mon collègue M. Braid au sujet des faiblesses de l'accord de Kyoto. Bien sûr, nous ne voulons pas répéter l'erreur d'établir une cible qui s'avère irréaliste. Je suis conscient qu'il y en a qui nous critiqueront au sujet de notre volonté de déterminer une cible réaliste cette fois-ci. Cela fait partie de la discussion que nous avons au sujet du projet de loi . Nous demandons s'il s'agit d'un objectif réaliste pour le Canada, d'un objectif qui tient compte de nos conditions uniques. Opter pour une cible qui, à l'évidence, est irréaliste ou inatteignable découragera une action immédiate et pourrait provoquer un échec à long terme. À mes yeux, il s'agit donc d'une discussion très valable à avoir.
Dans le même ordre d'idées, vous avez parlé d'un plan de réduction des émissions pour le Canada. Quels sont facteurs qui influencent les démarches du Canada en vue d'établir une cible ambitieuse mais réaliste, un objectif que nous pouvons imaginer atteindre?
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Dans certains travaux d'analyse... Il existe de la documentation très intéressante au sujet des marches à suivre à cette fin. Cet outil est utilisé par les pays développés et les pays en développement comme le Mexique, qui a formulé un plan de réduction des émissions à long terme.
Je pense qu'une variété de considérations tout à fait pragmatiques entrent en ligne de compte. Vous devez examiner toutes les sources d'émissions et agir en ce qui concerne chacune d'entre elles. Pour vous citer un exemple, un pourcentage très élevé des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale provient de la production d'électricité, du secteur de l'énergie. Cela représente environ 60 p. 100 des émissions totales. Dans de nombreux pays, la mesure la plus économique qu'on puisse prendre consiste à faire la promotion de l'utilisation d'autres formes de carburants dans le secteur de l'énergie. On pourra donc abandonner le charbon, qui est largement utilisé à l'échelle mondiale, pour se tourner vers des combustibles fossiles à moindre intensité de carbone ou, mieux encore, vers l'hydroélectricité, l'énergie nucléaire, l'énergie éolienne et d'autres sources d'énergie renouvelables.
Au Canada, environ 75 p. 100 de notre électricité est produite sans émissions de gaz à effet de serre. Là-dessus, environ 60 p. 100 proviennent des grandes centrales hydroélectriques, 14 p. 100 des centrales nucléaires et 1 p. 100 d'autres sources d'énergie renouvelables. Le gouvernement a pris l'engagement d'accroître cette proportion à 90 p. 100 d'ici 2020.
En tenant compte de ces éléments dans la perspective d'un plan d'action, il vous faudra alors déterminer ce que cela représentera. Dans le cas du Canada, cela impliquera la mise hors service d'un certain nombre de centrales au charbon, comme on prévoit le faire ici, en Ontario, de même que la détermination d'autres options en matière de remplacement de combustibles, qu'il s'agisse de la mise en exploitation de nouvelles centrales hydroélectriques, de la promotion du développement des énergies renouvelables ou d'autres mesures du genre, sans oublier la gestion de la demande.
Je pense que dans l'avenir, l'un des points essentiels à l'échelle planétaire sera de s'assurer que dans les pays en développement, à l'heure où ceux-ci constituent leurs systèmes énergétiques de manière à répondre à la demande croissante des économies et des populations qui prennent de l'ampleur, on ne s'enferme pas dans une infrastructure à forte intensité de GES, car nous serons susceptibles de rester pris avec jusqu'en 2050.
Voilà donc un exemple qui illustre comment la réflexion au sujet des marches à suivre peut contribuer à l'adoption de politiques éclairées.
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L'atténuation ou la réduction des émissions est au coeur même de ces négociations. À Copenhague, nous voulons que les pays développés prennent des engagements à l'égard de cibles obligatoires et quantifiées s'appliquant à tous les secteurs de l'économie pour 2020. Nous voulons également établir des cibles qui nous placeront sur la voie d'une atteinte de réductions globales importantes d'ici 2050.
De la part des pays en développement, nous attendons des mesures qui seront énumérées dans un accord et assujetties à un examen. Il est clair que pour être efficaces sur le plan environnemental, nous devrons faire appel à la participation des grands émetteurs du monde en développement. Nous aurons besoin de la collaboration de la Chine, de l'Inde, de l'Indonésie, du Brésil et du Mexique. En même temps, nous travaillons, dans le cadre de l'accord, à la prise de mesures plus vastes. Plus de 192 pays participent à ces négociations, et la plupart sont des pays en développement. Nous voulons mettre sur pied un régime permettant une participation élargie et des mesures à grande échelle chez les pays plus petits, mais néanmoins importants. La Colombie, le Pérou et d'autres États seront importants.
De plus, des mesures importantes concernant les forêts pourraient résulter de ces négociations. Et, à ce sujet, on pourra aussi devoir se pencher sur le cas de certains pays qui n'ont pas réalisé autant de progrès.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
J'aimerais soulever une question, un exemple qui illustre pourquoi, comme vous l'avez dit, nous devons mettre les efforts davantage sur un même pied d'égalité, particulièrement en ce qui concerne cet inventaire des émissions et les efforts déployés dans les pays. Je vais en citer un exemple. Au Japon, on a placé la barre très haut en ce qui a trait à l'acceptation des véhicules usagés, auxquels on fait subir périodiquement des tests concernant le niveau d'émissions d'échappement qu'ils produisent. Je ne sais pas exactement en quoi elle consiste, mais cette norme élevée a pour effet de retirer des routes une quantité considérable de véhicules âgés de deux ans.
Bien que cette mesure semble admirable à première vue — et je suis certain qu'on l'intègre aux calculs dans le cadre du système d'inventaire des émissions — je me demande si l'on compte également ces mêmes véhicules qu'on charge sur un énorme navire porte-véhicules pour les emmener dans les Caraïbes, où ils seront revendus. Autrement dit, les Japonais vendent aux pays en développement leurs véhicules qui ont échoué aux tests d'émissions, et dont ils ont tenu compte dans leur inventaire. À mon avis, cette question mériterait qu'on s'y attarde. Quel est le but de retirer des véhicules de la route si l'on refile tout simplement cette pollution à d'autres pays du monde?
Aujourd'hui, ma préoccupation concerne surtout ce projet de loi. Je reconnais assurément que le plan mis en place par notre gouvernement constitue une grande amélioration par rapport à une absence totale de plan. Il semble équilibré, réalisable — et il est bon d'entendre qu'il est également absolu; c'est une ferme indication de nos intentions. Pour ce qui est de cette mesure législative, j'aimerais savoir si nous avons une idée de ce qu'il en coûtera pour atteindre les normes plus élevées prévues dans le projet de loi C-311. Cela ne se traduit pas seulement en dollars bruts.
Au cours d'une des interventions, j'ai noté qu'on avait dit que le Bureau du directeur parlementaire du budget ne pouvait effectuer une analyse des coûts. Mais y a-t-il un autre organisme gouvernemental qui a procédé à une analyse des coûts sur ce plan? En plus d'une évaluation, en dollars bruts, des coûts qu'implique l'atteinte d'un tel niveau, peut-on prévoir quelles industries devront fermer leurs portes? Ou y a-t-il des industries qui devront cesser leurs activités pour permettre l'atteinte de ces niveaux?
Le fait que le chef du NPD ait survolé Fort McMurray et veuille mettre un terme à l'exploitation des sables bitumineux... en Alberta, d'où nous venons, il faudrait que l'une de nos industries mette fin à ses activités pour qu'on puisse atteindre des cibles de ce genre. Connaissons-nous les impacts sur les grandes industries, qui pourraient devoir réduire ou cesser leurs activités? Si de telles mesures représentent effectivement un coût plus élevé, quelle autre partie de notre système devra être amputée pour permettre la réalisation de ces cibles — les soins de santé, les études postsecondaires ou d'autres initiatives? Les impacts financiers et industriels seront-ils aussi importants?
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci également aux témoins.
Dans ce document, le gouvernement a indiqué qu'il réduirait les émissions de GES de 20 p. 100 par rapport à 2006, et ce, d'ici 2020. Cela fait abstraction de toute disposition prévue aux mécanismes de l'accord de Kyoto.
Ici, dans ce document, où l'on fait la même déclaration concernant la même période, la cible proposée pour 2020 représenterait une réduction de 38 p. 100. Donc, le gouvernement a pris un engagement à hauteur de 20 p. 100, alors que le projet de loi prévoit plutôt 38 p. 100, n'est-ce pas?
Cela étant, ma question est celle-ci: s'il y avait une entente relative à un régime de plafonnement et d'échange, dont on discute actuellement avec les États-Unis, cela modifierait-il la déclaration à l'égard de la nature ambitieuse des cibles, la réduction de 20 p. 100 faisant partie de l'engagement de 2007 et les amendements idéalistes à la LCPE? Un accord à l'échelle de l'Amérique du Nord relativement à un régime de plafonnement et d'échange modifierait-il la nature de ces engagements, selon vous, en ce qui a trait au caractère ambitieux ou non de ces objectifs?
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Elle existe dans la loi, mais il me semble qu'elle n'a pas une force aussi grande qu'une entente conclue entre une province et le gouvernement central. C'est la question que je vous pose.
Je sais que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement prévoit des ententes équivalentes, mais je parle plutôt d'un modèle européen, où un État ou une nation peut signer des ententes et s'engager à les respecter en tenant compte des circonstances nationales. Dans notre cas, la nation étant québécoise, il s'agirait de tenir compte de notre structure économique différente, de notre positionnement énergétique différent et de notre démocratie différente.
Les provinces auront-elles cette flexibilité pour signer des ententes bilatérales, des ententes avec le gouvernement central? Au fond, il s'agirait là d'une approche triptyque, comme c'est déjà prévu dans l'Union européenne.
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Monsieur Martin, il est intéressant de voir le document qui guide vos négociations. Je dois vous dire que cela me laisse extrêmement perplexe. D'après votre document, la position du Canada à la table de négociations est que le gouvernement fédéral prend des mesures concernant l'électricité propre dans le cadre de sa stratégie. On y affirme qu'on y parviendra en abandonnant le charbon et en augmentant l'utilisation d'énergie nucléaire et renouvelable, en ajoutant que le gouvernement offre des mesures incitatives importantes dans le but d'accroître la production canadienne d'électricité propre par le biais de sources renouvelables.
On déclare ensuite que le Canada investit beaucoup de fonds, beaucoup d'argent des contribuables dans l'initiative de captage et de stockage du charbon. Le document Franchir le cap, le discours du Trône de l'automne dernier et le budget de cette année précisent tous que le gouvernement du Canada poursuivra son objectif d'électricité propre au moyen du nucléaire, du charbon. Or, on ne mentionne nulle part dans ces trois documents le terme « énergie renouvelable ». On a pris un engagement représentant des centaines et des centaines de millions tirés des deniers publics fédéraux pour le développement du captage de carbone. À ce que je sache — et corrigez-moi si j'ai tort — le gouvernement ne s'est pas encore engagé à verser des fonds au secteur des énergies renouvelables, et l'argent qu'on dépense maintenant est de l'argent de 2008.
Je suis doublement confuse de voir que le captage et le stockage du charbon doit servir, comme l'admettent maintenant le gouvernement et l'industrie, à nettoyer les gaz à effet de serre émis par les centrales au charbon. La stratégie du gouvernement fédéral est supposément d'abandonner le charbon, mais nous investissons des centaines de millions de dollars dans le captage et le stockage du charbon et le gouvernement du Canada affirme publiquement s'employer à l'expansion des centrales au charbon, y compris à des fins d'exportation. Comment est-il possible de concilier les deux?
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Je trouve assez intéressant qu'aucune des questions, même du NPD, ne concerne le projet de loi . Tout le monde n'en a que pour Copenhague. Il est tout aussi ironique que le NPD ait voté contre le budget et contre la promesse de millions de dollars pour l'énergie propre. Il a voté contre.
Tous les projecteurs sont tournés vers Copenhague. Cela intéresse énormément tout le monde. Mardi dernier, nous avons entendu des scientifiques nous rappeler l'importance d'adopter une approche nord-américaine, comme je l'ai déjà dit. L'objectif à Copenhague est une cible nord-américaine de réduction de 20 p. 100 d'ici 2020. Les scientifiques nous ont dit qu'il était bon de coordonner nos stratégies.
Vous nous avez parlé en long et en large d'efforts comparables déployés dans d'autres pays. L'engagement de l'Amérique du Nord en vue d'une réduction de 20 p. 100 se compare à ce que font les autres pays dans leur lutte contre le changement climatique. Quelles sont les grandes priorités du Canada en vue de Copenhague? Quelle est la position des grands émetteurs, comme la Chine, l'Inde et d'autres pays en développement, en vue de ces négociations?
Il est fondamental que tous les acteurs participent aux efforts déployés. Comme vous l'avez souligné, l'une des faiblesses de Kyoto, c'est que les grands émetteurs n'y participaient pas. Si nous voulons une entente efficace et fructueuse, il faut que les grands émetteurs y adhèrent. Quelles sont nos grandes priorités et qu'elle est la position de la Chine, de l'Inde et des autres pays en développement?