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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 012 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 mars 2009

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je m'excuse de commencer un peu en retard. Nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-16. Pour les 90 premières minutes aujourd'hui, nos témoins sont Kevin Buerfeind, Gerry Brunet et Albin Tremblay du ministère de l'Environnement. Ils sont accompagnés de Sarah Cosgrove, que nous avons déjà accueillie au comité. De Parcs Canada, Darlene Upton, directrice, Direction de l'application de la loi, vient témoigner. De même Linda Tingley, du ministère de la Justice. Chantal Proulx, directrice adjointe par intérim, et Erin Eacott représentent le Service des poursuites pénales du Canada.
    Bienvenue. Comme nous devons entendre un grand nombre de témoins, je vous invite à présenter une déclaration liminaire qui reste brève. Nous nous en tiendrons à des tours de cinq minutes, simplement pour que nos membres puissent poser le plus grand nombre de questions possible.
    Monsieur Tremblay, s'il vous plaît.

[Français]

    Je suis heureux d'être ici ce matin pour vous faire une brève présentation au sujet de la Direction générale de l'application de la loi. Mon objectif est de vous permettre de vous familiariser quelque peu avec le mandat et les objectifs de la Direction générale de la mise en application de la loi ainsi qu'avec les principaux outils à notre disposition pour répondre à notre mandat.
    À l'acétate 2, je dirai brièvement quelques mots pour vous expliquer en quoi consiste les deux principales composantes de l'observation et de l'application de la loi, pour vous aider à bien comprendre les rôles et responsabilités de chacun. Tout le domaine de l'application de la loi est divisé en deux principales composantes.
    La première consiste en la promotion de la conformité qui vise à informer les entreprises de l'existence des lois et règlements et de leurs exigences, pour s'assurer qu'elles comprennent bien les obligations qui sont les leurs. Cette responsabilité est principalement assumée par nos programmes au sein d'Environnement Canada, qui développe les lois et règlements. La deuxième est l'application de la loi. C'est là qu'entre en fonction la Direction générale de l'application de la loi, qui consiste à appliquer les lois telles qu'elles sont développées et appliquées par notre organisation.
    Je vais vous expliquer, en me référant à l'acétate 3, un peu l'objectif général de la mise en oeuvre de l'application de la loi. Une fois qu'une infraction est déterminée, l'objectif est de ramener le plus rapidement à la conformité les présumés contrevenants et d'avoir, au moyen des mesures que nous prenons, un effet dissuasif qui fera en sorte que les contrevenants n'auront pas l'idée de répéter les mêmes infractions. Il s'agit donc de deux composantes principales: ramener rapidement dans un état de conformité et faire en sorte que les contraventions ne se répètent pas dans l'avenir.
    À l'acétate 4, nous vous présentons une carte du Canada qui vous permet de voir comment sont répartis nos différents bureaux au pays. Nous avons pensé que cela pourrait être intéressant pour le comité de bien comprendre la répartition de nos bureaux. J'aimerais apporter une attention particulière sur le fait qu'avec les nouvelles ressources qui nous ont été accordées, principalement dans le cadre du budget de 2007, cela nous a permis d'ouvrir six nouveaux bureaux au pays. Sur la carte en couleur, ce sont les points verts. Nous avons un nouveau bureau à Cranbrook en Colombie-Britannique, quatre nouveaux bureaux dans la région de l'Ontario, à Thunder Bay, Sault Ste Marie, Sarnia et North Bay, ainsi qu'un nouveau bureau dans la région du Québec, à Harrington Harbour sur la Basse-Côte-Nord. Ces six bureaux s'ajoutent à ceux qui existaient au sein d'Environnement Canada au pays.
    À l'acétate suivante, page 5, un tableau vous permet de voir la répartition de nos employés au Canada. Vous voyez les différentes régions qui composent notre organisation. Le nombre d'employés est indiqué en ce qui concerne les deux principaux programmes, l'un qui touche l'environnement; l'autre, la faune. Tous les chiffres inscrits au tableau sont réels et corrects. Je porte à votre attention le fait qu'il y a des erreurs dans certains totaux, notamment pour les régions de l'Ontario et du Québec. Toutefois, les éléments individuels contenus dans le tableau sont précis et exacts. Il y a donc un total de 315 agents d'application de la loi répartis dans tout le pays dans une proportion d'environ un tiers pour le volet faune et deux tiers pour le volet environnement.
    À l'acétate 6, j'ajouterai quelques mots pour vous présenter brièvement les trois principales activités qui permettent à la Direction générale de la mise en application de la loi de remplir son mandat. Tout d'abord, les inspections sont un outil important qui nous permet d'aller vérifier la conformité aux différents règlements et lois. J'aimerais particulièrement porter à votre attention le fait que ces inspections sont faites chaque année en vertu d'un plan national qui est développé en collaboration avec nos collègues des programmes ainsi que certains partenaires, entre autres d'autres ministères et organisations fédérales et les provinces, pour déterminer les secteurs ou les domaines les plus importants sur lesquels nous devons concentrer nos inspections afin de faire une utilisation optimale des ressources à notre disposition.
(0910)
    La deuxième activité, ce sont les enquêtes qui découlent souvent du résultat de nos inspections et d'informations reçues du public sur des situations portées à notre attention ou d'exercices de renseignement qui sont menés à l'intérieur de notre organisation.
    La troisième activité, qui prend de plus en plus d'importance dans notre organisation, est la collecte de renseignements. On a des experts qui analysent et recoupent différentes informations pour déterminer quels seraient les secteurs d'activité les plus susceptibles de relever de la non-conformité et pour pouvoir canaliser ainsi nos ressources vers les secteurs de non-conformité les plus importants à travers le pays.
    J'aimerais également porter à votre attention le fait que depuis 2004, le secteur de l'application de la loi à Environnement Canada a été intégré dans une seule organisation, qui est la Direction générale de la mise en application de la loi, sous la responsabilité d'un chef de la mise en application de la loi qui se rapporte directement au sous-ministre.
    Le but de cet exercice était de créer une organisation dotée d'une structure hiérarchique très claire permettant de prendre des décisions uniformes et efficaces à travers le pays et de faire une distinction entre l'exercice effectif d'application de la loi et celui de promotion de la conformité et de prévention de la pollution, qui est réalisé par les différents programmes de notre ministère.
    Je vais ajouter quelques informations au sujet de l'acétate 7. Je vous ai parlé, la semaine dernière, des politiques mises à la disposition de nos agents d'application de la loi afin qu'ils puissent prendre leurs décisions dans un cadre bien défini. Un des principes importants dans notre travail est d'appliquer les lois de façon juste, prévisible et uniforme dans tout le Canada. Et pour ce faire, les politiques sont fondamentales. Nous avons présentement trois politiques bien en place et une quatrième est en développement. Je n'entrerai pas dans les détails, mais cette dernière concerne la Loi sur les espèces en péril.
    Ces politiques sont au coeur de l'approche et des outils de travail de nos agents. Elles servent à leur formation et assurent que la loi est appliquée selon un cadre bien défini à travers le pays.
    À l'acétate 8 se trouvent quelques principes fondamentaux qui guident le travail de nos agents. Le premier principe est que l'observation des lois et des règlements est obligatoire. Aucune loi ne peut faire l'objet d'une exemption. Toutes les lois doivent être respectées. Le deuxième principe, qui est extrêmement important, porte sur le fait que nos agents d'application doivent appliquer les lois d'une façon juste, prévisible et équitable. Troisièmement, l'accent est nettement mis sur la protection de la biodiversité, la prévention des dommages causés à l'environnement et les risques à la santé. Ce sont là les facteurs les plus importants qui guident les décisions de nos agents.
    Toutes les infractions présumées seront examinées par nos agents, dans le but de prendre des mesures cohérentes avec les politiques pertinentes. Finalement, on encourage le public à nous informer de toute infraction présumée. On s'engage à prendre action et à faire un suivi sur ces déclarations.
    À la page 9, on explique comment se déroule le travail de nos agents par rapport aux enquêtes et inspections. Comme je vous l'ai mentionné la semaine dernière, ce sont nos agents d'application de la loi qui déterminent, selon les preuves disponibles, s'il y a lieu de lancer une mesure d'application de la loi, quelle qu'elle soit. Cette décision leur appartient. Ensuite, nos agents disposent, selon la situation, d'un éventail d'outils pour prendre les mesures les plus appropriées en fonction de la nature de l'infraction ou d'autres critères qui doivent être considérés, dont je vous ai parlé plus tôt.
(0915)
    Finalement, dans le but de choisir quelle est la mesure d'application de la loi la plus pertinente, trois critères très importants sont définis dans les politiques dont j'ai parlé un peu plus tôt. Il s'agit de la nature de l'infraction, qui a trait à la gravité du préjudice, l'intention du contrevenant ou les tentatives de cacher de l'information et l'efficacité de la mesure. Je parlais, un peu plus tôt, d'arriver à un retour rapide à la conformité, d'éviter une répétition de l'infraction, et de l'uniformité, c'est-à-dire faire en sorte que nous prenions des mesures similaires pour une même infraction partout au pays, quel que soit l'endroit ou le secteur.
    Je vous présente rapidement deux dernières acétates. Regardons le petit tableau à la page 10, qui vous donne une idée des différents outils à la disposition de nos agents. Cela va de la lettre d'avertissement jusqu'à une mise en accusation. Je n'ai pas l'intention de donner beaucoup de détails, mais je mentionnerai qu'une série d'outils sont disponibles. Un des avantages du nouveau projet de loi consiste à faire en sorte que ces outils soient beaucoup plus uniformes pour toutes les lois et règlements que nous utilisons, ce qui n'est pas le cas actuellement. Certains outils ne sont pas disponibles dans le cadre de certaines lois. Ce sera corrigé par le nouveau projet de loi.
    La dernière acétate me permet de vous mentionner qu'avec le nombre d'agents à notre disposition partout au pays, il est nécessaire de travailler en très étroite collaboration avec différents partenaires, que ce soit d'autres agences fédérales, des provinces ou même au niveau international. Des organisations collaborent avec nous dans différents dossiers.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Madame Tingley, vouliez-vous ajouter quelque chose à l'exposé?
    Madame Upton.
    Donc, pour poursuivre, écoutons le Service des poursuites pénales du Canada. Madame Proulx, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Au nom du SPPC, je suis heureuse de pouvoir prendre la parole aujourd’hui devant votre comité dans le cadre de son examen du projet de loi C-16, Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales.
    Je suis ici en compagnie de Mme Erin Eacott, une procureure de première ligne de notre Bureau régional d’Edmonton. Mme Eacott possède une vaste expérience des poursuites relatives aux infractions prévues dans certaines des lois que vise à modifier le projet de loi C-16.
    Si vous me le permettez, je voudrais tout d’abord vous présenter une brève introduction, pour orienter notre discussion. Comme le SPPC est une nouvelle organisation, je me propose de vous présenter le contexte de sa création, son mandat et les services qu’il fournit à l’égard des enquêtes et des poursuites en matière environnementale, et je vous indiquerai ensuite quel sera, à notre avis, l’incidence du projet de loi C-16 sur les activités actuelles du SPPC.

[Français]

    Le SPPC a été créé le 12 décembre 2006, lors de l'entrée en vigueur de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, qui constituait la partie 3 de la Loi fédérale sur la responsabilité.
    Le SPPC a remplacé la division du ministère de la Justice qui s'occupait, auparavant, des poursuites fédérales. Le directeur du SPPC relève directement du procureur général du Canada. Il est connu sous le titre de directeur des poursuites pénales ou DPP.
    Notre loi organique, la Loi sur le directeur des poursuites pénales, prévoit les pouvoirs, fonctions et responsabilités du SPPC. Notre mandat est simple: intenter des poursuites relativement aux infractions criminelles relevant du procureur général du Canada, sans ingérence indue et dans le respect de l'intérêt public.
    De plus, la loi exige du SPPC qu'il conseille les organismes chargés de l'application de la loi, comme Environnement Canada et Parcs Canada, à l'égard des enquêtes pouvant mener à des poursuites.
    La prestation d'avis juridique au cours d'une enquête criminelle permet de veiller à ce que les techniques et les procédures d'enquête respectent l'évolution des règles de preuve et les droits garantis par la Charte.

[Traduction]

    Notre rôle à titre de conseiller juridique auprès des organismes d’enquête est distinct du rôle d’enquête que jouent ces organismes. Le SPPC n’est pas un organisme d’enquête, et nos poursuivants ne sont pas des enquêteurs. Bien que les poursuivants offrent des conseils dans le cadre d’une enquête, ils n’entreprennent pas, ne dirigent pas et ne supervisent pas les enquêtes. Ce ne sont pas les poursuivants qui recueillent des éléments de preuve. C’est là le rôle des agents d’exécution d’Environnement Canada et de Parcs Canada.
(0920)
    Les poursuivants et les agents d’exécution exercent des fonctions séparées et indépendantes au Canada. Ce sont les agents d’exécution qui décident ou non d'enquêter, qui choisissent les personnes visées par leur enquête et les méthodes employées puis, à la fin de l'enquête, qui décident ou non de déposer des accusations. Cette séparation des pouvoirs d'enquête et de poursuite est solidement établie en droit canadien.
    Une fois que des accusations sont déposées par l’agent d’exécution, le poursuivant doit décider s'il y a lieu d'engager des poursuites. À cette fin, nous appliquons le critère suivant: le poursuivant examine les éléments de preuve pour déterminer s’il existe une probabilité raisonnable de condamnation. Dans l’affirmative, le poursuivant évalue, compte tenu des faits prouvables et du contexte, si l’intérêt public exige qu’il y ait poursuite. S’il n’en est pas convaincu, il peut procéder à un arrêt des procédures ou à un retrait des accusations.
    Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, nos poursuivants consultent un guide. C’est le Guide du Service fédéral des poursuites, qui peut être consulté par le public sur le site du SPPC.
    Dans quatre provinces du Canada, soit le Québec, l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick, il existe un mécanisme d'approbation préalable à l'inculpation pour les affaires environnementales. Dans ces provinces, le poursuivant exerce son pouvoir discrétionnaire d’intenter des poursuites à la conclusion de l'enquête, mais avant le dépôt d'accusations. Nous appliquons dans ces provinces le même critère d’évaluation que nous appliquons dans les provinces non dotées d’un tel mécanisme, sauf que nous devons être convaincus que le critère d’évaluation est respecté avant que la police ou l'organisme d'enquête ne dépose les accusations.

[Français]

    J'examinerai maintenant les répercussions du projet de loi C-16 sur le fonctionnement du SPPC.
    Les nombreuses lois que le projet de loi vise à modifier permettraient au tribunal d'infliger une peine minimale obligatoire aux contrevenants déclarés coupables. Outre les peines minimales obligatoires, la majoration des peines maximales, le doublement du montant des amendes pour les récidivistes, les amendes obligatoires supplémentaires prévues lorsque le contrevenant a retiré des avantages économiques, les amendes cumulatives et les amendes calculées selon les jours de l'infraction, les dispositions de déclaration d'objet, les principes en matière de détermination de la peine et la mention des circonstances aggravantes indiquent clairement aux tribunaux que les infractions de nature environnementale sont très graves.
    À notre avis, la majoration des peines, l'élargissement du pouvoir des tribunaux d'infliger des peines innovatrices et le pouvoir du tribunal de révoquer des permis d'exploitation ajouteront à la complexité et à la durée des procédures de détermination de la peine. Cette loi pourrait aussi donner lieu à des contestations de nature constitutionnelle.

[Traduction]

    Bref, nous prévoyons qu’il y aura davantage de procès, que les actes de procédure se complexifieront et qu’il y aura beaucoup plus d’enquêtes en raison du nombre et des efforts accrus des agents d’exécution. En ce qui concerne la mise en œuvre du projet de loi C-16, nos procureurs continueront de conseiller les agents d’exécution dans le cadre de leurs enquêtes et indiqueront aux tribunaux quelle était l’intention du législateur lors de l’adoption de la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales. Nos poursuivants défendront de façon ferme mais équitable le prononcé de peines fondées sur des principes, et déterminées en fonction des règles de droit et des éléments de preuve présentés au tribunal.
    Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole devant le comité. Je serai heureuse de réponse à toute question de votre part.
    Merci.
    Nous allons procéder à des tours de cinq minutes, pour poser le plus grand nombre de questions possible.
    Monsieur Scarpaleggia.
    Madame Proulx, j'ai une question rapide à poser à propos du SPPC. Pourriez-vous nous dire encore une fois pourquoi il a été créé et à quel besoin criant il est censé satisfaire? Nous avions des poursuites avant la création de cet organisme. Vous l'avez mentionné au début de votre exposé, mais pourriez-vous expliquer un peu plus pourquoi l'organisme a été créé. Est-ce sous le régime de Loi sur la responsabilité?
(0925)
    Oui. Merci de poser la question.
    La Loi sur le directeur des poursuites pénales était la partie 3 de la Loi fédérale sur la responsabilité, qui est entrée en vigueur le 12 décembre 2006. Le ministre de la Justice, M. Vic Toews, à l'époque, a témoigné devant le Parlement du dessein de la loi en question, soit de mettre les poursuites fédérales à l'abri de toute influence indue.
    C'était un problème auparavant?
    Il n'y a pas de cas d'influence indue qui ait été relevé, non. L'exercice visait à garantir que les poursuites soient manifestement et entièrement indépendantes grâce à de nouveaux mécanismes qui font que le procureur général doit exposer ses motifs par écrit s'il souhaite ordonner au directeur des poursuites pénales d'agir de quelque manière que ce soit. Les motifs en question doivent être publiés dans la Gazette du Canada.
    Merci. Vous vous en souviendrez, nous avons, depuis une dizaine d'années environ, nettoyé les effluents provenant des usines de pâtes et papiers. Je crois que les usines de pâtes et papiers ne polluent plus aujourd'hui. Est-ce le cas? Y a-t-il eu récemment des transgressions de la réglementation touchant les effluents des usines de pâtes et papiers? Est-ce que tout va bien dans ce secteur-là?

[Français]

    De mémoire, je sais qu'il existe effectivement un règlement fédéral sur les pâtes et papiers. Depuis le début des années 1990, on fait beaucoup de travail dans ce secteur. Maintenant, le taux de conformité dans le secteur des pâtes et papiers est très élevé.
    Est-ce 100 p. 100 ou plutôt 95 p. 100?
    Je ne pense pas que ce soit 100 p. 100, mais c'est un niveau très élevé.
    Vos inspecteurs sont-ils informés d'infractions, de temps à autre? Savez-vous si on a porté plainte, au cours des deux ou trois dernières années, à propos des effluents des usines de pâtes et papiers?
    Je peux demander à mon collègue Kevin de répondre à cette question.
    M. Francis Scarpaleggia: Certainement, allez-y.
    M. Albin Tremblay: Comme il vient de la région de l'Atlantique, il est très versé dans le domaine de l'environnement.
     La région de l'Atlantique comprend-elle le Québec?
    Non.
    En fait, la majorité ou un grand nombre d'usines de pâtes et papiers sont situées au Québec. J'aimerais que ce soit un inspecteur du Québec qui couvre le territoire du Québec. C'est pour cela que j'ai posé la question. Y a-t-il un autre inspecteur ici, à la table, qui couvre le Québec?
    Non. M. Buerfeind couvre la région de l'Atlantique; M. Brunet, celle de l'Ontario.
    Pour ma part, je connais bien la région du Québec, puisque j'y ai travaillé pendant une vingtaine d'années.
    D'accord. C'était un peu là le but de ma question.
    Allez-y, on va parler de l'Atlantique.
    J'aimerais préciser que le Québec est un cas particulier. Une entente administrative avec la province est en place, de sorte qu'il y a un guichet unique pour tout le secteur des pâtes et papiers depuis 1994.
    Cela relève donc des inspecteurs provinciaux du Québec?
    Non, c'est un guichet unique. Au lieu de soumettre deux différents ensembles d'information, l'entreprise fournit l'information une fois, laquelle est rendue accessible aux deux gouvernements. Chacun des gouvernements conserve sa responsabilité de mettre en application la loi.
    C'est un peu comme dans le cas des sables bitumineux et des bassins de rétention. On semble dire qu'en Alberta, c'est la province qui recueille les données, lesquelles sont fournies par l'entreprise.
    Est-ce le même genre de système?
    Je dirais que c'est différent. Comme je vous le mentionnais, au Québec, les entreprises fournissent simultanément le même ensemble d'informations aux deux systèmes d'application de la loi, c'est-à-dire au fédéral et au provincial. Nous recevons les mêmes informations que le gouvernement du Québec. On a une entente avec le gouvernement du Québec, qui fait des inspections de contrôle chaque année. Des inspecteurs se rendent dans chacune des usines afin de vérifier la validité des informations qui nous sont fournies.
    Ils vont dans les usines. Cependant, si j'ai bien saisi le témoignage que nous avons reçu dernièrement dans le cadre de notre étude sur les sables bitumineux, il semble que les inspecteurs, autant ceux de la province de l'Alberta que ceux du fédéral, ne se rendent pas vraiment sur les lieux d'exploitation des sables bitumineux.
    Ne s'agit-il pas là de deux poids, deux mesures?
(0930)
    Non, je ne dirais pas que c'est le cas. Les façons de faire varient selon la spécificité des ententes, des règlements qui sont mis en oeuvre partout au pays.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bigras, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de s'être présentés ce matin.
    Madame Proulx, j'aurais bien aimé avoir un document écrit. Ça nous aide à formuler nos questions. Peut-être pourriez-vous nous le faire parvenir au cours des prochains jours.
    Vous avez dit, je crois, que le projet de loi aurait comme conséquence l'application de peines minimales. Est-ce exact?
    C'est exact.
     Estimez-vous que pour les cas d'infraction, la loi comporte des échappatoires en ce qui a trait à l'imposition des peines minimales?
    Les peines minimales sont prévues pour certaines infractions considérées comme étant les plus sérieuses. Des dispositions de la loi permettent à certaines personnes de demander à un tribunal de ne pas imposer la peine.
    Je m'en remets à Mme Eacott, qui va vous fournir des détails à ce sujet.

[Traduction]

    Comme Mme Proulx l'a dit, il n'y a pas d'amende minimale obligatoire pour toutes les infractions prévues dans le projet de loi, seulement pour les plus graves. Il y a aussi une disposition que le tribunal peut invoquer — c'est ce que j'appellerai la disposition relative au fardeau excessif — s'il souhaite imposer une amende inférieure au minimum prévu du fait que, à son avis, cela représenterait autrement un fardeau excessif pour l'accusé en particulier dont il est question. Il peut alors le faire en exposant les motifs qu'il invoque pour établir une amende inférieure au minimum en question.

[Français]

    Je ne suis pas avocat, mais j'ai pris la peine de relire la loi. C'est justement à ce sujet que j'aimerais connaître l'opinion de Justice Canada et, entre autres, celle du Service des poursuites pénales.
     L'article 50.6 précise ce qui suit:
    50.6 Le tribunal peut imposer une amende inférieure à l’amende minimale prévue aux articles 50 ou 50.3 s’il est convaincu, sur le fondement de la preuve présentée, que l’amende minimale constituerait un fardeau financier excessif pour le contrevenant; le cas échéant, il motive sa décision.
    Est-ce dire qu'en vertu de la loi, ces amendes minimales qui sont augmentées, mais qui n'en demeurent pas moins très basses, pourraient être évitées par le contrevenant? Une échappatoire dans la loi lui permet en effet de le faire dans la mesure où il peut démontrer que cette amende, même si elle est minimale, constitue pour lui un fardeau financier excessif. L'article 50.6 ne constitue-t-il pas une lacune, une échappatoire pour les pollueurs?
    Dans les circonstances, je préférerais m'en remettre à mes collègues du ministère de la Justice. Ils vont vous expliquer la raison qui sous-tend cela.
    Madame Cosgrove.

[Traduction]

    Si cette disposition a été incluse dans le projet de loi, c'est pour garantir que les amendes attribuées ne représentent pas un fardeau excessif. Il y a certainement des cas du genre. Notre structure d'amendes comporte des catégories précises: les amendes pour les particuliers, pour les personnes morales à revenus modestes et pour les autres. Dans chacune de ces catégories, c'est toute une série de personnes physiques ou morales à la situation variable qui pourraient être accusées. Dans le cas d'une très petite entreprise, les tribunaux ont coutume de prendre en considération de nombreux facteurs et de s'assurer de ne pas imposer une peine qui représente un fardeau excessif. La disposition elle-même le dit: le tribunal doit être convaincu que la peine représente un fardeau excessif, et ce n'est pas là une mince tâche. De plus, le juge qui invoque cette disposition doit présenter des motifs.

[Français]

    Il y a de petits contrevenants, mais les événements déplorables associés à Irving me reviennent à l'esprit, peut-être parce que c'en est l'anniversaire. Je voudrais savoir comment Justice Canada définit ce qui constitue un fardeau financier excessif pour un contrevenant.

[Traduction]

    Je crois savoir qu'il y a de la jurisprudence en la matière et que ce sont les juges qui détermineraient ce qu'il en est, mais si la disposition a été formulée de cette façon-là, c'est pour garantir qu'il ne serait pas simple d'invoquer la disposition en question — de franchir l'obstacle en question —, que seuls les véritables cas de fardeau excessif seraient retenus.
(0935)

[Français]

    Je comprends, mais j'aimerais savoir ce qu'est, selon Justice Canada, un fardeau financier excessif. On n'a pas utilisé ces termes au hasard. D'où cela vient-il? Quel est la rationalité? Ce qui est un fardeau excessif pour M. Ouellet ne l'est peut-être pas pour Bernard Bigras ou pour M. Trudeau. Qu'est-ce qu'un fardeau financier excessif? Est-ce qu'on examine les états financiers?

[Traduction]

    Je présume qu'un tribunal aurait à se pencher sur des éléments de preuve à ce sujet, mais les tribunaux appelés à déterminer si l'accusé qui se trouve devant eux aurait à supporter un fardeau excessif bénéficient d'une certaine marge de manoeuvre.
    Comme Mme Cosgrove l'a fait remarquer, la disposition en question oblige les tribunaux à exposer les motifs de leur décision, de sorte qu'ils devront être en mesure de mettre sur papier les raisons pour lesquelles, selon eux, l'accusé en question aurait à supporter un fardeau excessif si la peine minimale lui était imposée.

[Français]

    Monsieur le président, je constate qu'on est très loin d'avoir des amendes minimales obligatoires, compte tenu de l'article 50.6.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Poursuivons nos questions. Écoutons maintenant Mme Duncan, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier le président et le greffier du comité d'avoir convoqué les témoins que j'avais demandés. Nous avons devant nous l'éventail complet des responsables de l'exécution de la loi au Canada, et j'en suis très heureuse.
    Bienvenue aux travaux de notre comité. Félicitations pour l'excellent travail que vous faites.
    Je veux donner suite aux questions posées par mon collègue du Bloc. Tous les ajouts qui ont été faits me laissent un peu perplexe, de même l'exception qui a été glissée dans le projet de loi, de toute évidence, pour contrer le fait qu'il y ait une peine minimale.
    Je ne sais pas si le ministère de la Justice peut en parler, ou encore M. Tremblay, ou sinon, Mme Proulx, mais le fait qu'il y ait une peine minimale alors que les possibilités de s'y dérober sont clairement nombreuses me laissent un peu perplexe; je le dis en pensant notamment aux dispositions que mon collègue au comité a soulevées.
    L'autre question que j'aurais à poser s'adresserait peut-être au bureau des poursuites ou au chef responsable des enquêtes, ou enfin quiconque porte les accusations. Je me demande si le fait d'intégrer une peine minimale à la loi aurait des conséquences négatives pour les poursuites à engager, particulièrement là où il s'agit d'une infraction continue qui a cours sur plusieurs mois, sinon plusieurs années, dans un cas où même la sanction minimale représenterait de nombreux millions de dollars. Je me demande si, à votre avis, cela entamera la volonté du ministère d'engager des poursuites.

[Français]

    J'ai compris qu'il y avait deux questions.

[Traduction]

    Pour le premier cas, je demanderais de nouveau à Sarah d'expliquer les dispositions d'exception en question.
    Bien sûr. Les amendes minimales sont entendues comme des guides utiles auxquelles les tribunaux peuvent se reporter, un point de départ approprié pour déterminer une amende. Il doit s'agir d'une peine dissuasive et exemplaire. À l'heure actuelle, comme nous l'avons déjà dit, souvent, les amendes imposées par les tribunaux ne le sont pas. Le fait d'ajouter le minimum prévu permettra de mieux s'assurer que les amendes imposées sont appropriées.
    Il n'y a qu'une seule exception prévue dans le projet de loi. Cette exception était considérée comme importante dans l'idée d'accorder une peine proportionnée à l'infraction, là où, selon le juge, le minimum imposerait un fardeau excessif.
    Tout de même, comme l'article 273 qui est proposé accorde l'entière discrétion au juge, à quoi bon avoir une peine minimale?
    Encore une fois, l'amende minimale s'appliquerait dans la grande majorité des cas. Il faudrait qu'il s'agisse d'une situation exceptionnelle où l'amende causerait un fardeau excessif, pour que...
    Mais nous ne pouvons le présumer, n'est-ce pas? Nous ne savons pas comment le juge va exercer ce pouvoir discrétionnaire.
    Les juges bénéficient du pouvoir discrétionnaire, si je comprends bien, mais ils devront certainement s'en tenir à ce qui est indiqué dans une loi, avec l'adoption du projet de loi C-16.
(0940)
    Madame Cosgrove, je suis d'accord avec vous, sauf que le projet d'article 273 accorde au juge l'entière discrétion nécessaire pour imposer une amende qui ne représente pas le minimum, n'est-ce pas?
    Dans la mesure où le critère voulu est respecté, le juge peut passer outre à la règle, mais, encore une fois, il y a un critère prescrit qu'il faut respecter et des motifs que le juge doit donner...
    Il est donc nécessaire d'ajouter cela. N'est-ce pas entendu de manière générale? Croyait-on qu'il était nécessaire d'exiger du tribunal qu'il tienne compte de ce facteur-là? Pourquoi cela a-t-il été ajouté?
    C'était pour s'assurer que, dans les cas d'exceptions, la peine imposée serait proportionnelle. S'il y avait un minimum, encore une fois, et ce ne serait pas dans la majorité des cas, cela donnerait une peine disproportionnée.
    Je suis perplexe.
    Je pourrais peut-être éclaircir les choses un peu.
    J'ajouterais que la notion de difficultés excessives serait définie par les tribunaux au fil du temps, par la jurisprudence. Certes, à en juger par le terme lui-même, par ce qu'il veut dire en clair, ce serait un cas d'exception et non pas un cas usuel. Par définition, comme on fait appel à la notion d'excès, le critère concerne ce qui se situe en dehors de l'ordinaire. L'obligation d'exposer les motifs de la décision me paraît utile elle aussi, car elle permet aux poursuivants d'examiner les motifs invoqués par le juge pour déterminer si, aux yeux de la Couronne, le juge a commis une erreur. On pourrait alors s'adresser à un tribunal d'appel.
    Madame Proulx, pourriez-vous m'expliquer cela? J'essaie simplement de démêler toutes ces dispositions, et je suis sûre que le tribunal et les poursuivants font cela en arrivant à l'audience. Il y a l'exception prévue à l'article 273 qui est proposée, mais le gouvernement, dans toute sa sagesse, dans le projet de loi, sous la rubrique de l'article 272.3 qui est proposé, fait déjà la distinction entre les personnes morales bien nanties et les personnes morales à revenus modestes. N'y a-t-il donc pas ici toute une multitude de facteurs qui viennent compliquer la chose? Le tribunal n'a-t-il déjà pas pour consigne d'être plus clément avec une personne morale à revenus modestes, de lui imposer une sanction moins sévère?
    Je vais demander à Mme Eacott si elle souhaite répondre à cette question.
    Le projet de loi prévoit des minimums et des maximums différents. C'est prévu pour les particuliers dans un cas, pour les personnes morales à revenus modestes dans un autre — c'est alors de moins de cinq millions de dollars — et pour tous les autres de manière générale. Le législateur cherche donc déjà à s'assurer du fait que, par exemple, une petite entreprise ou un particulier reçoive une amende relativement inférieure.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Woodworth, je crois que c'est à vous de vous lancer.
    Oui, merci beaucoup. Je reprendrai peut-être le fil de la discussion qui avait lieu en réponse avec la dernière question.

[Français]

    Merci beaucoup d'être ici avec nous ce matin.

[Traduction]

    Serait-il juste de dire que, de fait, pour regarder le problème de l'autre bout de la lorgnette, les différentes amendes visent non pas à faire en sorte que les particuliers et les personnes morales à revenus modestes paient moins, mais, de fait, à faire en sorte que les grandes sociétés paient davantage? Ne serait-ce pas une façon juste de le voir?
    Oui, je dirais certainement que c'est une façon juste de voir la situation.
    Autrement, de fait, si vous imposez une seule et même amende à tous, votre minimum aura peut-être à être pas mal bas, pour tenir compte du cas du particulier, par exemple, par opposition à une grande multinationale. C'est bien cela?
    C'est cela.
    Ce dont il est vraiment question, c'est de prévoir que des amendes plus importantes puissent être imposées dans certains cas. C'est bien cela?
    Je ne sais pas quelle en est la raison au juste, mais, du point de vue du poursuivant, ce serait là le résultat.
    J'exerce le droit depuis presque 30 ans, du côté de la poursuite comme de celui de la défense, et chaque fois que j'ai eu affaire à une disposition prévoyant une amende minimale, c'était une disposition prévue pour un cas exceptionnel de difficultés excessives reposant sur un principe juridique canadien, soit que nous ne voulons pas écraser les gens. Je me demande si on a jamais vu une disposition en matière d'amende minimale qui ne comportait pas une exception possible en ce qui concerne les difficultés excessives.
    Je peux répondre à cela en évoquant la Loi sur l'accise, je crois. Cette dernière renferme plusieurs sanctions minimales obligatoires en rapport avec la contrebande de tabac. On a contesté les sanctions en question en invoquant la Constitution, en affirmant qu'il s'agissait de peines cruelles et inusitées. Dans la mesure où il détermine que la peine est cruelle et inusitée en l'absence d'une disposition en matière de difficultés excessives, le tribunal établira vraisemblablement une exemption constitutionnelle.
(0945)
    C'est à peu près à ça que je m'attendais.
    De même, ai-je raison de dire que, dans la mesure où le principe des difficultés excessives est appliqué, les juges ne pourront simplement pas suivre leur penchant personnel, pour ainsi dire, qu'ils devront plutôt appliquer les principes juridiques établis et s'en tenir à la nécessité de se convaincre des difficultés excessives qui existeraient alors? Ils ne peuvent simplement inventer cela.
    Encore une fois, comme je l'ai dit, l'expression sera définie en common law au fil du temps, mais, à en juger par ce qu'elle veut dire à première vue, il s'agit certainement d'une situation qui n'est pas ordinaire.
    Ai-je raison de dire ceci: si le juge ne respecte pas les principes juridiques établis, la poursuite serait apte, pour ne pas dire encline à en appeler de la décision où la disposition en question est mal appliquée? C'est bien cela?
    Ça entrerait certainement en ligne de compte.
    Merci.

[Français]

    J'ai aussi des questions pour M. Tremblay.

[Traduction]

    Vous travaillez avec plusieurs autres organismes — internationaux, fédéraux et provinciaux. Je ne sais pas très bien si le personnel d'autres organismes a l'occasion d'appliquer nos lois fédérales. Qu'est-ce que vous pouvez m'en dire?

[Français]

    Il est possible que des agents d'autres organismes, notamment Pêches et Océans, et nos propres agents soient désignés également agents des pêches, mais cela se fait dans une mesure limitée.

[Traduction]

    Je pourrais peut-être poser la question à Gerry ou à Kevin, chacun de son côté, pour savoir ce qui se passerait alors.
    Je travaille au dossier de la faune dans la province de l'Ontario; certes, je constate que les agents d'exécution de la province de l'Ontario sont nommés conjointement, pour s'occuper de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Pareillement, nous sommes nommés conjointement et chargés d'appliquer la Loi sur la protection du poisson et de la faune de l'Ontario. C'est le dénominateur commun de la plupart des administrations provinciales et territoriales sous le régime de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Il existe certains services provinciaux et territoriaux où la réalisation des enquêtes est associée à des nominations conjointes. Pour l'essentiel, ce sont des gens qui traitent de types interprovinciaux de transgression sous le régime de la loi que je viens de nommer.
    De manière générale, il y a sur le terrain plus d'exécutants que les 315 qui relèvent directement de notre responsable de la mise en application de la loi.

[Français]

    C'est une façon de voir, en effet.

[Traduction]

    Merci.
    Les agents et autres travailleurs provinciaux peuvent-ils recevoir une formation ou des informations sur l'application des politiques fédérales? Comment cela fonctionne-t-il?
    Encore une fois, pour parler du dossier de la faune, je n'ai pas dit que l'Agence des services frontaliers du Canada est un autre partenaire clé sous le régime de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales et que nous avons conclu un protocole d'entente en matière d'enquête et que nous avons formé ses enquêteurs sous le régime de la loi en question. Oui, nos inspecteurs ou nos agents forment les inspecteurs de l'ASFC pour qu'ils puissent voir si des espèces en péril sont amenées au Canada. De même, les organismes provinciaux et territoriaux sont formés en ce qui concerne l'application des règles touchant les oiseaux migrateurs et autres trucs de ce genre.
    Merci.
    Écoutons maintenant M. Trudeau.
    Il est question de ces difficultés excessives. J'y reviendrai dans un instant.
    Si on regarde de plus près, on voit que l'amende minimale pour un particulier jugé par procédure sommaire s'élève à 5 000 $, mais cela s'applique seulement aux infractions les plus graves. Or, il n'y a pas d'amende minimale pour tous les autres types d'infractions. Je comprends qu'il importe d'établir des paramètres qui aideront les juges à mieux déterminer la peine, et pour le maximum, et pour le minimum, mais 5 000 $ pour l'infraction la plus grave de la part d'un particulier... Je crois que, par ce projet de loi, le gouvernement entend démontrer que, en tant que pays, nous allons être sévères envers ceux qui commettent des crimes contre l'environnement. Avec l'exemple de M. Woodworth, le fait qu'il y a un mécanisme pour dire que c'est une peine cruelle et inusitée si quelque chose d'extraordinaire... Pourquoi diluer une règle prévoyant une peine minimale qui paraît raisonnable là où l'infraction la plus grave à l'encontre de l'environnement débouche sur une amende de 5 000 $? Pourquoi faut-il même diluer cette mesure-là?
(0950)
    Je dois souligner au départ que les sanctions minimales prévues dans le projet de loi s'inscrivent dans un régime plus vaste. Le projet de loi propose des minimums et des maximums. Il importe de souligner que le projet de loi ajoute une disposition sur l'objet à chacune des lois. On y trouve une description de l'objectif que comporte la détermination de la peine et, en plus, le projet de loi associe les circonstances aggravantes en question à un principe de détermination de la peine. Le juge doit se pencher sur les circonstances aggravantes, y compris la liste des circonstances données dans le projet de loi lui-même au moment de déterminer une peine.
    Les juges et nos poursuivants peuvent expliquer ça plus à fond que moi, mais, de tradition, en common law, les juges prennent en considération plusieurs facteurs au moment de déterminer la peine. Les minimums existent. Le juge prendra en considération le régime dans son ensemble. Il prendra aussi en considération les prétentions de nos poursuivants. Il importe qu'une autre possibilité existe advenant un cas rare de difficultés excessives, là où le minimum ne représenterait pas une peine appropriée pour un contrevenant particulier, étant donné les difficultés excessives qu'elles créeraient.
    Mais il y a déjà cette possibilité, c'est la contestation fondée sur les « peines cruelles et inusitées » prévues dans la Constitution, quand c'est vraiment poussé à l'extrême.
    J'ajouterais qu'on a beaucoup discuté de ce que ce soit l'agent qui détermine s'il y a infraction et, ensuite, qu'il doit appliquer la loi.
    Dans la mesure où le SPPC intervient pour décider s'il faut aller de l'avant avec la cause, en se demandant s'il est possible ou non d'obtenir une condamnation, quel effet cela a-t-il sur l'agent qui, devant une transgression, veut imposer une amende ou renvoyer l'affaire devant les tribunaux, puis qui se fait dire qu'on ne peut en arriver à condamner la personne? En quoi cela réduit-il l'efficacité de la loi sur le contrôle d'application en matière d'environnement?
    Cela fait un bon moment que le SPPC applique un seul et même critère pour savoir s'il y a lieu d'aller de l'avant et de poursuivre quelqu'un; ce n'est donc pas nouveau. Le critère est appliqué dans la plupart des provinces, une fois les accusations déposées, pour s'assurer que le fait de continuer à poursuivre — étant donné que les accusations ont déjà été portées — est raisonnable compte tenu de la preuve établie et aussi de l'intérêt public. Cela n'est pas nouveau.
    Erin peut donner des précisions sur les provinces où il y a un mécanisme préalable à l'inculpation, mais les agents, dans la mesure où ils décident d'opter pour la poursuite en usant de leur pouvoir discrétionnaire, communiqueront avec la Couronne et demanderont l'autorisation de déposer une accusation. Erin peut donner des précisions là-dessus.
    Alors, en fait, les inspecteurs ne peuvent donc pas appliquer simplement la loi dans les provinces où il y a un tel mécanisme, dont le Québec et l'Ontario — vous savez, les provinces qui comptent les populations les plus nombreuses...
    Et le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique et l'Alberta.
    D'accord. Les grandes provinces, de fait, ne peuvent choisir à quel moment la loi est appliquée. Elles doivent demander aux poursuivants s'ils pensent qu'il peut y avoir une condamnation. C'est bien ça?
    Si vous le permettez, je vais répondre à cette question.
    Nous travaillons de concert avec les enquêteurs, pendant leur enquête, en répondant à toute question de leur part. Une fois l'enquête achevée, ils nous transmettent un résumé de leur preuve, que nous examinons. Ils nous adressent une recommandation. Parfois, ils recommandent que nous poursuivions; d'autres fois encore, ils se disent incertains et nous demandent d'éclaircir la situation pour eux; ou encore, ils ne recommandent pas la poursuite, mais, nous, nous allons peut-être aller de l'avant. Nous examinons tous les éléments de preuve et, au SPPC, en appliquant le critère, ce que vous avez entendu, nous déterminons si l'accusation doit être portée. À ce moment-là, nous le faisons savoir aux enquêteurs, qui vont de l'avant et déposent l'accusation.
    Si on ne va pas de l'avant, la question peut-elle être réglée? Est-ce que c'est blanc ou noir, ou pouvez-vous en arriver à une entente ou recommander que nous...
    Mme Erin Eacott: C'est plutôt blanc et noir.
    Permettez-moi d'ajouter que, au bout du compte, le résultat sera le même, que la province applique un mécanisme préalable à l'inculpation ou non, étant donné que c'est le même résumé de la preuve qui parvient à la Couronne et que c'est la même évaluation qui est faite.
    Monsieur Braid, s'il vous plaît.
    Merci à tous nos témoins d'être venus comparaître ce matin et, merci des excellents exposés auxquels nous avons eu droit.
    Je parlerai plus ou moins de la même chose que M. Trudeau en ce qui concerne le SPPC.
    Dans les scénarios où l'agent d'exécution porte l'accusation, puis votre bureau intervient, et le poursuivant détermine si l'affaire est fondée et s'il faut aller de l'avant ou non, dans quelle proportion de cas le responsable des poursuites détermine-t-il qu'il ne faut pas aller de l'avant et quels sont les facteurs qui sont alors pris en considération?
(0955)
    Je répondrai de manière générale, en faisant allusion à l'ensemble de nos poursuites, étant donné que nous sommes chargés de toute infraction à une loi fédérale. Je demanderai à Erin de parler en particulier des poursuites en matière d'environnement.
    Le chapitre 15 de notre guide est intitulé « La décision d'intenter des poursuites ». Il expose deux critères à cet égard, d'abord s'il y a la probabilité raisonnable de condamnation. Dans le contexte, le poursuivant examine la preuve, pèse chacun des éléments constitutifs d'une infraction — quels actes doivent avoir été commis et le niveau d'intention —, examine la preuve existante et recevable dans chacun de ces cas, et détermine si la preuve est suffisante pour que l'on puisse croire raisonnablement qu'il y aurait condamnation. C'est non pas d'une certitude absolue dont il s'agit, mais plutôt d'une probabilité jugée supérieure à 50 p. 100 si vous voulez; c'est une probabilité raisonnable.
    Cela fait, le poursuivant cherche alors à déterminer s'il est dans l'intérêt public d'aller de l'avant avec la poursuite et, pour cela, se penche sur plusieurs facteurs dont on s'attend qu'ils concernent l'intérêt public — la nature de l'infraction, le moment où l'infraction a été commise, les circonstances inhérentes à l'auteur de l'infraction, toutes les circonstances entourant l'infraction elle-même — et détermine s'il faut aller de l'avant.
    Pour parler des affaires qui nous sont renvoyées en vue d'une poursuite, je ne suis pas aise à l'idée de vous donner un pourcentage ou un chiffre, étant donné que ce sont des cas où le pouvoir discrétionnaire est exercé, sur la ligne de front, tous les jours. Certes, à Ottawa, nous ne sommes pas mis au fait de chacune des causes qu'un poursuivant est appelé à examiner tous les jours, mais je dirais que la poursuite est approuvée dans la plupart des cas qui nous sont renvoyés.
    Erin, s'il vous plaît...
    J'ajouterais ceci, peu importe que le SPPC soit appelé à examiner le dossier de la Couronne avant l'inculpation ou par la suite: si nous estimons que la preuve présente des lacunes qui nous paraissent devoir être comblées pour que la poursuite porte fruit, nous renvoyons la question aux enquêteurs. Nous disons qu'il y a un problème et nous leur demandons d'aller chercher les éléments de preuve manquants, pour que nous puissions nous assurer d'avoir une probabilité raisonnable de condamnation. Ce n'est pas une situation où ce serait accepté tout de suite ou encore refusé catégoriquement. Nous avons beaucoup d'échanges avec les enquêteurs dans la mesure où nous relevons des lacunes qu'ils sont appelés à combler, pour que les dossiers puissent cheminer.
    Merveilleux.
    Dans les provinces où il y a un mécanisme d'approbation préalable à l'inculpation, qu'est-ce qui est unique et qui fait que la démarche n'est pas la même?
    Il y a eu au fil du temps une certaine évolution caractérisée par la conclusion d'ententes avec les organismes d'application de la loi et l'adoption de pratiques exemplaires. À certains endroits, c'est une entente en bonne et due forme, c'est-à-dire les endroits que j'ai mentionnés, ceux où il y a un examen préalable à l'inculpation. Certes, dans la province de Québec, cela se fait depuis très longtemps. Ailleurs, cela ne veut pas forcément dire que la Couronne ne verra pas le dossier tant qu'une accusation n'est pas portée.
    Certes, il y a beaucoup de coopération entre notre service des poursuites et les divers organismes d'application de la loi, dont Environnement Canada, Parcs Canada, etc. et les services de police partout au pays. Il y a donc cette interaction qui ne cesse jamais. Souvent, le temps qu'il faut pour que le dossier arrive vraiment chez nous, une fois l'accusation portée, la Couronne y travaille depuis de nombreux mois. Qu'il y ait une entente officielle en place ou non, nous essayons certainement de collaborer à des poursuites éventuelles avant que les accusations ne soient portées, étant donné que c'est une pratique jugée exemplaire. C'est une façon de s'assurer que les éléments de preuve sont rassemblés conformément aux règles de la preuve et conformément à la Charte.
    C'est pourquoi je me pose des questions sur ces quatre administrations. Selon vous, leur démarche est-elle plus efficiente? Affiche-t-elle un taux de réussite différent?
    À mon avis, il faut certainement encourager une coopération maximale entre les services des poursuites et les organismes d'enquête à l'échelon fédéral et provincial. Cela permet de s'assurer que les éléments de preuve rassemblés sont souvent meilleurs, en fait de qualité et de quantité à la fois, mais aussi que l'audition de l'affaire arrive à un meilleur moment.
    Le fait de coopérer pendant toute la durée de l'enquête permet, par exemple, de nous assurer que nous sommes vraiment prêts pour la communication de la preuve, qu'il n'y aura pas de retard au tribunal et que nous sommes prêts à aller dès que possible devant le tribunal. Nous essayons d'y arriver quel que soit le territoire ou la province. Si vous me posez la question, je vous dirai que c'est une pratique exemplaire qui a pour effet d'améliorer les taux de réussite. Dans les services des poursuites, notre travail consiste à présenter la preuve au tribunal d'une manière qui soit ferme mais équitable, pour que le tribunal puisse rendre une décision. C'est de cette façon-là que nous définissons le succès d'une poursuite — que tous les éléments de preuve pertinents ont été présentés au tribunal en temps opportun et de manière efficace.
(1000)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ouellet, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venus si nombreux pour nous éclairer.
    Ma question s'adresse à M. Tremblay. De toute évidence, ce n'est pas vous qui avez rédigé le projet de loi, mais ce sont vos services qui vont l'appliquer. Plus tôt, vous avez dit que ce projet de loi allait réduire le récidivisme. Pouvez-vous nous dire comment? Prenons un exemple concret. Telle que rédigé, ce projet de loi va empêcher la mort de 500 oiseaux dans les sables bitumineux.
    Merci pour votre question.
    D'abord, je ne me souviens pas avoir dit que le projet de loi allait augmenter ou réduire les récidives, mais je peux quand même répondre à votre question.
    La semaine dernière, Mme Wright a dit que des analyses et des études avaient démontré que des amendes plus élevées ont un plus grand effet de dissuasion. Comme vous l'avez mentionné, notre travail consistera à appliquer les lois et les règlements découlant de ces changements de façon juste, équitable et uniforme. Pour ma part, je pense que des amendes plus élevées vont faire réfléchir davantage les présumés contrevenants et évitera qu'ils commettent les mêmes infractions à la réglementation.
     On a interrogé, tout à l'heure, les gens qui ont écrit et qui proposent ce projet de loi. Comment est-il possible que ce projet de loi renforcisse l'application de la loi tout en permettant de réduire les peines minimales? Selon vous, l'application sera-t-elle simplifiée?
    En permettant de réduire les peines minimales?
    Oui, parce qu'il y a des peines minimales. Mais c'est possible aussi que ces peines soient réduites. Cela va-t-il rendre votre travail plus simple ou va-t-il y avoir moins de poursuites?
    Cela ne change pas la nature de notre travail, qui est de prendre connaissance des faits, évaluer la situation, faire les enquêtes, les inspections et recommander les mesures les plus appropriées pour corriger la situation ou éviter qu'il y ait récidive.
    Si cela ne sert pas à l'application, cela pourrait-il alors être enlevé du projet de loi?
     En tant qu'agents d'application de la loi, nous préparons le dossier. De toute façon, les amendes dont il est question ici interviennent dans l'optique où on arrive à utiliser l'outil ultime parmi la série d'outils à notre disposition, qui est, comme je vous le mentionnais dans ma présentation, d'intenter une poursuite. Un juge détermine cela. Ce ne sont pas nos agents qui décident du montant de l'amende ou si amende il y aura. Notre travail consiste à porter la cause devant la cour et laisser le système de justice faire le sien.
    Madame Proulx, je ne suis pas avocat mais j'ai été expert à la cour au Québec durant très longtemps. Dans les lois qui étaient portées à mon attention, il n'y avait pas de façon de passer à côté des amendes minimales imposées ou autres punitions. Serait-ce parce qu'il y a une différence entre le common law et le Code civil du Québec qu'il y aurait justement une possibilité, dans le common law, de réduire les amendes? Comme monsieur le disait tout à l'heure, on voit cela dans toutes les lois, en effet, alors qu'au Québec, on ne le voit pas.
    Le droit criminel au Canada est contenu dans une gamme de lois fédérales. Je crois qu'en l'absence d'une clause, à l'intérieur d'une loi, qui empêche quelqu'un d'être libéré des peines minimales pour cause de difficulté indue, la demande serait faite en vertu de la Charte. La Charte est d'application nationale. Elle s'applique à toutes les lois fédérales, et la demande qui serait faite par une telle personne serait d'être exemptée de l'application d'une loi à cause de peine cruelle.
(1005)
    Ma question visait davantage à savoir si on retrouvait cela parce qu'il s'agissait du common law plutôt que du Code civil.
    J'ai de la difficulté à répondre à votre question parce que le Code civil n'a pas vraiment d'application dans le droit criminel.
    Cela fait partie du droit criminel, et non pas du Code pénal.
    Le projet de loi C-16 est une loi de nature pénale.
    Est-ce que j'ai encore une seconde? Non, c'est fini. Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Watson.
    Pour revenir à la disposition relative aux difficultés excessives, je voudrais demander à tous nos témoins si, à leur avis, c'est une disposition qui sera souvent invoquée. Autrement dit, l'amende inférieure au minimum prévu dans le projet de loi risque-t-elle de devenir monnaie courante?
    Si nous avons inclus cette disposition dans le projet de loi et que nous l'avons formulée ainsi en exigeant que des motifs soient donnés, c'est pour nous assurer qu'elle ne serve ni de façon courante ni de façon inappropriée.
    Il appartient au défendeur de choisir les arguments qu'il souhaite faire valoir devant le tribunal. Il est difficile d'estimer le nombre de personnes, ou encore le type de personnes, qui souhaiteront recourir à cette disposition, mais je peux vous dire que, en termes clairs, la disposition semble porter sur des cas d'exception.
    Je ne voulais pas savoir combien de gens y recourraient. Je m'attachais davantage au résultat, à savoir qu'une amende inférieure au minimum prévu deviendrait monnaie courante. C'est là que je voulais en venir.
    Si quelqu'un invoque la disposition, on ne se trompe pas en affirmant que, aux yeux de la Couronne, il faudrait que ce soit des circonstances exceptionnelles. Si les tribunaux ne voient pas la question du même œil, la Couronne ferait valoir le même raisonnement devant les tribunaux d'appel.
    Madame Proulx, vous avez soulevé la question de la constitutionnalité pendant votre exposé liminaire. Je ne sais pas si vous faisiez allusion à quelque chose de particulier ou si vous entendiez de manière générale que le projet de loi donnerait lieu à une contestation fondée sur la Constitution. Pourriez-vous donner des précisions sur ce qui vous apparaît comme étant la source d'une contestation éventuelle fondée sur la Constitution?
    Vous avez raison de dire que je ne faisais allusion à rien de particulier. J'ai invoqué la contestation d'une disposition fondée sur la Constitution de manière générale. Inévitablement, le poursuivant, devant des sanctions minimums obligatoires, songe à la possibilité d'une contestation en fonction de la Constitution.
    Il n'y a rien de précis qui, à nos yeux, susciterait peut-être une contestation fondée sur la Constitution, mais là où il s'agit d'une loi nouvelle qui comporte des minimums, la possibilité existe.
    Cela me mène directement à la question que je veux poser. Je veux régler cela une fois pour toutes.
    Si j'ai bien compris ce que vous dites, l'existence d'une sanction obligatoire sans dispense pour les cas de difficulté excessive peut être jugée, ou a parfois été jugée, anticonstitutionnelle. C'est bien cela?
    C'est cela. Je crois qu'une telle disposition est plus vulnérable.
    En autorisant donc l'exception, nous essayons d'immuniser le projet de loi contre une contestation constitutionnelle. Nous essayons de faire en sorte que la loi soit conforme à la Constitution et à la Charte. C'est cela?
    Je crois que oui.
    Merci.
    Il a été question la dernière journée de ce que les juges puissent seulement recommander, et non pas ordonner que des paiements soient versés à des organismes. J'aimerais que Mmes Cosgrove et Tingley nous parlent des problèmes qu'il y aurait eus dans le passé, là où un juge ordonne qu'un paiement soit fait à l'intention d'une organisation particulière.
(1010)
    Nous devrions dire au départ que l'objectif de la modification proposée dans le projet de loi C-16 ne consiste pas à priver le juge de son pouvoir discrétionnaire; il s'agit plutôt de renforcer la reddition de comptes relativement à l'allocation des fonds. Nous entendons modifier la politique relative au fonds pour dommages à l'environnement une fois le projet de loi entré en vigueur. Il s'agit de s'assurer que, là où le juge recommande un paiement, la priorité est accordée au transfert des fonds pour dommages à l'organisation en question, en attendant que cette dernière puisse démontrer qu'elle peut consacrer l'argent au projet voulu, dans le délai voulu.
    Il y a eu quelques rares cas où les organisations sont devenues insolvables ou autrement incapables d'utiliser l'argent. Dans un tel cas, les fonds demeurent comme dans les limbes. Ça n'arrive pas dans la majorité des cas, mais les modifications du projet de loi visent à garantir que les fonds serviront à des mesures de rétablissement de l'environnement.
    Monsieur McGuinty.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Tingley ou Chantal Proulx: quelles administrations produiraient selon vous les meilleures pratiques relativement au contrôle d'application des lois environnementales?
    Nous nous sommes penchés sur de multiples administrations, particulièrement le régime d'amende et les montants proposés comme minimum et maximum. Nous avons étudié le cas de la Colombie-Britannique et celui de l'Ontario, et les maximums que nous proposons correspondent aux maximums établis dans plusieurs lois de l'Ontario.
    Qu'en est-il des autres pays — les États-Unis, l'Australie, le Japon, l'Allemagne?
    Nous avons regardé ce qui se fait ailleurs, mais, en dernière analyse, nous avons établi que, étant donné les différents systèmes juridiques en jeu, ce sont les administrations canadiennes qui sont le plus aptes à nous donner des exemples utiles.
    Quelle preuve pouvez-vous évoquer pour avancer que les minimums obligatoires servent bel et bien à dissuader les infractions en matière d'environnement?
    Bon nombre de commentateurs font valoir que, de manière générale, plus la sanction est sévère, plus le facteur de dissuasion est grand. Il existe des études qui démontrent que les politiques que nous avons en place en ce moment sont inadéquates. Les minimums proposés dans le projet de loi C-16 s'inscrivent dans un régime global qui vise à donner à la magistrature des balises à respecter et qui signale que les infractions en question doivent faire l'objet de sanctions plus sévères. Il faut envisager cela aux côtés des circonstances aggravantes, des dispositions sur l'objet et des principes fondamentaux qui servent à établir la nécessité de majorer le montant des amendes.
    Monsieur le président, peut-on demander aux témoins de produire les éléments de preuve qu'ils ont réunis — pas des commentaires — pour appuyer la notion selon laquelle les minimums obligatoires ont un effet dissuasif dans d'autres provinces, dont l'Ontario et la Colombie-Britannique. Je crois que ce serait utile à tous les membres du comité.
    Puis-je poser une deuxième question? Un représentant du secteur de l'exécution de la loi peut-il m'expliquer la relation entre le contrôle d'application d'une loi environnementale et l'évaluation environnementale?
    Je peux commencer, puis Kevin pourrait peut-être ajouter quelque chose.
    Ce sont deux choses très différentes. L'évaluation environnementale est une démarche qui s'applique avant la réalisation du projet et qui vise à en évaluer les conséquences. Le contrôle d'application d'une loi environnementale vise à faire respecter la réglementation environnementale.
    Les processus inhérents à l'évaluation environnementale vous servent-ils à recueillir des éléments de preuve ou d'information sur les auteurs d'un projet, les entreprises, les acteurs de la société canadienne, éléments de preuve que ces derniers peuvent présenter par les pratiques qu'ils appliquent, par la façon qu'ils ont d'aborder les projets? Consulteriez-vous ce genre de documentation pour étoffer le dossier de la poursuite, par exemple?
    Nous examinons toutes les informations lorsqu'il est question d'une poursuite. Toute l'information nous est accessible. Pour parler en particulier de l'évaluation environnementale, disons, comme M. Tremblay l'a dit, que cela vise, bien entendu, à déterminer la viabilité d'un projet par rapport aux questions environnementales.
    Du point de vue du contrôle d'application, nous nous penchons sur toutes les informations relatives à ce qui s'est peut-être produit en rapport avec un incident quelconque  un déversement ou une autre sorte de transgression, par exemple. Bien entendu, nous allons élargir notre perspective et nous assurer de prendre en considération toutes les données.
    Le fait que le gouvernement élimine actuellement, par exemple, l'évaluation environnementale s'appliquant à pratiquement tous les projets d'une valeur inférieure à 10 millions de dollars au Canada, sauf ceux qui sont réalisés dans un parc national, une réserve de parc, un lieu historique national ou un canal historique, aurait une incidence sur le contrôle d'application en matière d'environnement, non?
(1015)
    Malheureusement, je ne peux répondre à votre question. Je ne suis pas spécialiste de l'évaluation environnementale. Je peux seulement parler d'exécution de la loi, de ce que nous faisons lorsque nous faisons enquête sur les infractions.
    Madame Proulx, si le tribunal est saisi d'une affaire, vos procureurs ne chercheront-ils pas à obtenir toute la série d'éléments de preuve possible? Par exemple, si une grande société fait l'objet d'une évaluation environnementale, qu'elle présente elle-même son bilan du point de vue environnemental, le tribunal ne serait-il pas intéressé à entendre une telle preuve élargie à propos du rendement d'une société?
    Certes, chaque cas est différent.
    Je vais demander à Mme Eacott de commenter la question, car elle est procureure en première ligne.
    Cela dépend du cas et du genre de preuve que la société va faire valoir, du fait que cette preuve soit pertinente ou non d'après les circonstances réelles de l'infraction. Souvent, les sociétés souhaitent faire valoir qu'elles sont de bons citoyens et présentent tout ce qu'elles ont pu faire dans le passé, y compris les évaluations environnementales, mais ça ne se rapporte pas forcément à l'infraction en cause. Ça peut avoir une certaine pertinence du point de vue de la détermination de la peine, pour savoir à quoi devrait correspondre l'amende totale. J'ai quand même connu des situations où il y avait une évaluation environnementale qui se déroulait en même temps que la poursuite et, de mon point de vue à moi, autrement que pour dire qu'il peut y avoir quelques petits éléments de preuve factuels qui se rapportent à l'infraction, c'est une information qui n'est pas pertinente pour une grande part.
    Merci.
    Avant de céder la parole à M. Jean, je soulèverais une question dont nous avons discuté à la réunion de la semaine dernière, soit la sécurité de nos agents d'exécution. Comme ils vont faire un travail qui peut déboucher sur une amende plus importante, et comme surtout qu'ils peuvent avoir affaire à du braconnage de la part de gens munis de puissantes armes à feu, on se préoccupe de la possibilité que nos agents de parc et nos agents de protection de la faune puissent être en danger. Si nous avons voulu inviter des agents d'exécution à témoigner, c'est notamment pour parler de la question de la sécurité. Puis, je voulais simplement savoir si on se souciait des agents eux-mêmes et du fait qu'ils disposent ou non des outils de travail et du matériel nécessaires pour se protéger convenablement dans ces situations-là.
    Le cas du braconnier est très différent des autres. Puis-je demander à mes deux collègues de donner des précisions là-dessus, à commencer par vous, Kevin, du point de vue environnemental?
    Bien sûr, comme il est question d'appliquer une loi quelconque, l'agent d'exécution compte toujours un certain risque. Heureusement, nous avons beaucoup de formation. Nous effectuons beaucoup d'analyses de risque. Avant de nous engager dans quelque activité que ce soit, nous procédons à une évaluation complète des risques courus, quelle que soit la situation. Selon moi, nous sommes bien formés et bien prêts à intervenir et, du fait que nous sommes proactifs et que nous étudions les situations à l'avance pour repérer les points préoccupants, il me semble que nous sommes en bonne posture.
    Et du point de vue de la faune?
    Je crois que Kevin a très bien parlé. Comme M. Tremblay l'a dit, notre cas est un peu différent. Nos clients sont différents. Dans le dossier de la faune, nous avons affaire à des chasseurs armés, par exemple, mais nous recevons les outils de travail nécessaires pour fonctionner. Pour les cas où il faut faire usage de force, nous recevons des outils semblables à ceux dont disposent les autres agents de la paix et agents de police.
    Je suis donc d'accord avec ce que Kevin a dit. Nous sommes en bonne posture.
    Je voulais que Mme Cosgrove commente aussi la question des difficultés financières excessives.
    Nous avons déjà conçu qu'il faut que la disposition du projet de loi soit conforme à la Constitution. Y a-t-il d'autres exemples de lois et de projets de loi — de Santé Canada ou de l'Agence canadienne d'inspection des aliments — où le libellé prévoyant les exceptions ressemble à cela?
    Je ne connais pas d'exemples que je pourrais vous donner aujourd'hui.
    D'accord. Peut-être pouvons-nous obtenir des exemples qui expliqueraient pourquoi nous faisons cela, pourquoi c'est important et quelles seraient les autres lois canadiennes qui comportent les mêmes critères.
    Monsieur Jean.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai exercé dans ce secteur-là, de fait, dans le Nord de l'Alberta, pendant un certain temps. J'ai eu affaire à quelque 16 des 23 cas d'infractions à la Loi sur les espèces sauvages ayant fait l'objet de poursuites en 2001 à Fort McMurray et dans le secteur avoisinant. Je suis donc d'accord avec l'analyse du ministère: si la disposition relative aux difficultés excessives n'y était pas, la Constitution serait probablement invoquée pour faire tomber la disposition prévoyant des amendes minimales. Je crois que c'est absolument nécessaire que cela y figure.
    Je m'intéresse à cette partie-ci en particulier. Il semblerait que l'écart par rapport aux lignes directrices ressemble beaucoup à ce qui a été fait dans le cas des lignes directrices sur les pensions alimentaires, qui ont porté fruit. Je sais que ce n'est pas votre expertise, mais les lignes directrices sur les pensions alimentaires, au moment où elles ont été adoptées, c'était en 1999 je crois, se sont révélées tout à fait fructueuses. Les juges ne se sont pas écartés des lignes directrices en question, étant donné qu'ils doivent fournir des motifs par écrit. C'est très semblable dans le cas qui nous occupe ici. Bien entendu, dans la mesure où les motifs écrits ne sont pas suffisants, il peut y avoir un appel.
    Il me semble que c'est une simple question de pratique: il est extrêmement peu probable qu'un juge s'écarte des lignes directrices — à moins, bien entendu, d'être en face de circonstances atténuantes extraordinaires qui le justifieraient.
    Je m'intéresse au coût des activités des grandes sociétés. La question revient à l'occasion lorsque les navires déversent leurs eaux de ballast dans les Grands Lacs et, de fait, dans nos océans et ailleurs. En termes généraux simplement, pouvez-vous décrire d'un point de vue économique le genre d'affaires où une grande société continuera à acquitter les amendes plutôt que de se conformer à la loi, étant donné qu'il est plus économique pour elle de le faire? Avec ce projet de loi en particulier et les modifications qu'il comporte, à votre avis, est-il possible que les sociétés agissent vraiment ainsi?
(1020)
    Je m'excuse, que la société continue à...?
    À ne pas se conformer à la loi étant donné qu'il est plus économique de ne pas se conformer et d'acquitter simplement l'amende.
    Nous avons des propositions qui comprennent toutes ces mesures-là pour nous assurer que le juge impose une peine qui produit l'effet inverse tout à fait. C'est pour nous assurer d'aller au-delà du coût des activités.
    Outre les balises établies pour orienter la détermination de la peine, le tribunal peut invoquer d'autres pouvoirs encore pour déterminer la peine de manière créative. Si la Couronne parvient à démontrer que l'auteur de l'infraction a profité de l'infraction, il y a aussi une ordonnance qui s'impose. Selon cette ordonnance, il faudrait récupérer, en plus de l'amende, le montant des profits tirés de l'affaire.
    Je crois que le projet de loi règle donc cette préoccupation-là.
    Certainement. Je voulais simplement attirer votre attention sur la question. Je crois que, dans le projet de loi, le ministère a très bien réussi à prévoir ce que sera la fin de cette façon de procéder de la part des grandes sociétés.
    De fait, j'ai pris note de la disposition relative à l'avis aux actionnaires. J'ai cru que c'était une excellente disposition en ce qui concerne certains des investissements qui se font. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus.
    Le projet de loi renferme aussi une disposition qui oblige les sociétés condamnées à signaler la situation à leurs actionnaires. Le tribunal ordonne alors à la société déclarée coupable d'aviser ses actionnaires de la condamnation et des détails liés à la condamnation.
    Le ministère est-il d'avis que la menace d'un tel avis, surtout l'avis aux actionnaires, amènera les sociétés à prendre des mesures pour se conformer avant de s'engager dans l'activité en cause, avant tout accident?
    Certainement. Nous savons très bien que les sociétés suivent de près les exigences juridiques qui leur sont imposées. Elles songent bel et bien aux sanctions prévues dans de tels cas. Elles les ont à l'esprit.
    Merveilleux.
    Croyez-vous qu'il convient dans les circonstances que le projet de loi insiste sur l'indemnisation et le rétablissement de l'environnement?
    Oui, je crois bel et bien que l'insistance sur l'indemnisation dans le projet de loi... un grand nombre des dispositions sont nouvelles. Certaines d'entre elles codifient des faits nouveaux et ajoutent un poids en common law, et l'idée est de faire adopter des peines plus sévères.
    Et de s'assurer que les peines sont appliquées de manière uniforme?
    Certainement.
    Merci.
    Voilà pour mes questions, monsieur le président.
    Merci.
    Histoire de gagner du temps, nous allons donner congé à nos témoins. Je tiens à vous remercier tous d'être venus faire valoir votre point de vue aujourd'hui. La discussion a certainement été enrichissante; nous apprécions votre apport. Nous vous invitons à quitter la table et nous demandons aux témoins suivants de se présenter.
    En attendant que la table se libère, je tiens à rappeler aux membres du comité que nous allons monter à l'étage à 11 heures pour le dépôt du rapport et un huis clos avec le commissaire à l'environnement, dans la salle 237-C, de 11 heures à midi.
(1025)
    À quel moment a-t-on envoyé les invitations?
    Les invitations ont été envoyées il y a quelques semaines de cela. Elles ont été distribuées. Nous avons donc cette rencontre à 11 heures.
    De même, nous venons de distribuer notre projet de plan de travail, pour votre gouverne. Étudiez-le avec attention. S'il y a des modifications à proposer, nous pouvons en parler à la réunion de jeudi. Si aucune question n'est soulevée, nous irons de l'avant avec ce plan-là.
    Je vais assister à la réunion du comité de liaison aujourd'hui à 13 heures. Nous allons y présenter notre budget de voyage pour l'Alberta.
    Peut-être Linda McCaffrey d'Ecojustice Canada peut-elle s'approcher...
    Mesdames et messieurs, j'ai examiné les dispositions relevant de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages, j'ai examiné les sanctions administratives pécuniaires aussi, et il y a plusieurs points qui me préoccupent, bien au-delà de ce que je pourrais vous décrire en cinq minutes. Peut-être puis-je quand même soulever certains des plus importants.
    Les gens se soucient beaucoup de la personne morale à revenus modestes et également des dispositions relatives aux difficultés excessives. En tant qu'ex-procureure et avocate de la défense occasionnelle, j'ai là-dessus un point de vue qui est un peu différent. Le problème d'une détermination distincte de la peine pour les personnes morales à revenus modestes, par rapport aux grandes sociétés, tient à un problème de preuve. Je soupçonne que les hommes en vert ne sont ni vérificateurs ni comptables, et qu'ils éprouveront beaucoup de difficulté à essayer de réunir les éléments de preuve nécessaires pour établir qu'une société est une personne morale à revenus modestes ou à revenus importants. Si, faute de ressources, ils n'y arrivent pas... Pour toute société appartenant à des intérêts privés, il n'y a pas d'information accessible publiquement. Il n'y a pas d'inscriptions auprès des commissions des valeurs mobilières ou quoi que ce soit du genre. Même si c'est une société cotée en bourse, le rapport annuel et les rapports trimestriels donnent les recettes, mais pas les recettes de l'année précédant immédiatement la date de l'infraction, données qu'il faut recueillir selon votre loi.
    Si la loi se prêtait à une interprétation différente et qu'on pouvait jeter un coup d'oeil aux recettes figurant dans le rapport annuel pour l'exercice financier précédent de la société en question, ce serait commode. On pourrait alors recueillir cela comme élément de preuve pour la détermination de la peine d'une société ouverte. Si c'est une société fermée, il faut une équipe de vérificateurs pour creuser la question. Et cela vous occasionnera des difficultés, car une fois la condamnation inscrite, le juge dira au procureur: nous allons maintenant procéder à la détermination de la peine; s'agit-il d'une personne morale à revenus modestes? Si le procureur affirme qu'il s'agit d'une personne morale à revenus modestes, mais l'inverse vaudrait aussi, le juge lui demandera quelle preuve il fait valoir pour l'affirmer. Et si la preuve en question n'est pas déposée devant le tribunal, la défense s'empressera de dire: « vous ne pouvez aller de l'avant et déterminer la peine. Merci, votre honneur et merci madame la procureure. Nous nous verrons en temps et lieu. » Si la situation n'est pas corrigée avant que le projet de loi ne soit achevé, ce sera extrêmement gênant.
    Il y a aussi un problème en ce qui concerne la question des difficultés financières. Si vous ne financez pas le travail d'une équipe de vérificateurs, votre procureur se fera jeter des bâtons dans les roues. Chaque société parviendra à déléguer un représentant qui paraît bien et qui parle bien, et qui affirmera que cela causera de terribles difficultés financières à l'entreprise. Et comme il n'y a pas de dispositions pour contraindre la société à signaler d'avance son intention de recourir à cet article-là ni encore à communiquer ses données d'avance pour donner une possibilité d'enquêter, votre procureur se fera piéger, honteux. Et vous pourrez lire ce qui s'est passé dans le journal.
    Quoi qu'il en soit, c'est ce que je voulais dire à propos de ces articles-là.
    J'aimerais vous parler aussi de certaines des autres dispositions relatives à la détermination de la peine. De manière générale, vous essayez vraiment de microgérer le processus de détermination de la peine. Je ne saurais dire que c'est très respectueux à l'endroit des juges, mais voilà ce qu'il en est. Selon le paragraphe 291(2) qui est proposé, le tribunal peut ordonner à l'auteur de l'infraction de publier les détails de l'infraction et, s'il s'y refuse, le ministre peut procéder à la publication et recouvrer les coûts. Cela ne se fera pas. Les gens ne vont pas donner suite à cela. Cette supposition n'est simplement pas pratique.
(1030)
    L'article 287.1 qui est proposé énumère toute une série de facteurs que le tribunal a l'obligation, plutôt que la capacité, d'envisager. De ce fait, le procureur a à supporter une très lourde charge de présentation. Le tribunal doit envisager ces facteurs — il est légalement contraint de le faire — et, de ce fait, le procureur devra produire des éléments de preuve en rapport avec chacun des critères en question. S'il n'y a pas d'éléments en rapport avec le critère, le tribunal ne peut juger, il ne peut exercer son obligation de par la loi. Pour cette raison-là, je n'aime pas le libellé du projet de loi.
    Je constate que vous précisez que les responsables de l'exécution de la loi n'encourent aucune responsabilité personnelle, ce qui est une très bonne idée. Je vois dans les notes que cela est censé concerner les actes relevant de leur autorité. Par contre, nulle part ne dit-on que l'immunité se limite aux actes relevant de leur autorité, ce qu'il faudrait corriger.
    Je vois aussi qu'il est question d'une défense invoquant les mesures prises à titre de précaution. On dit ici qu'une telle défense est possible à l'encontre des dispositions d'application de la loi, mais il n'est pas question des autres grandes défenses en common law du point de vue des affaires réglementaires, soit l'erreur raisonnable de fait et l'erreur imputable à l'autorité compétente. L'intention du législateur n'est pas très claire ici. Faut-il en déduire que ces défenses-là ne pourraient être invoquées? Il faut corriger cette situation.
    Le projet de loi comporte quelques dispositions très inquiétantes en matière de sanctions administratives pécuniaires. Dans le premier cas, les défenses fondées sur la prise de mesures de précaution et l'erreur raisonnable de fait sont exclues. L'erreur imputable à l'autorité compétente ne l'est pas. Il n'y a pas de principes invoqués pour justifier cela. Vous créez ainsi une responsabilité absolue. C'est peut-être anticonstitutionnel. Je devrais vous dire que, en Ontario, la loi dont il est question existe depuis 1998. Elle a été adoptée dans la foulée de la révolution du bon sens, mais il n'y a jamais eu de réglementation pour l'appliquer. De 1998 à 2005, rien n'a été fait. En 2005, les dispositions ont été abrogées et remises en vigueur, mais elles n'ont toujours pas servi. Il existe peut-être une façon de s'assurer que ces dispositions-là serviront. Par exemple, on pourrait exiger la présentation d'un rapport annuel à l'assemblée législative, qui saurait ainsi si les dirigeants tirent vraiment parti des dispositions législatives en question.
    L'article 9 proposé comporte aussi quelques dispositions inquiétantes. Le capitaine d'un bâtiment et le commandant de bord d'un aéronef sont responsables d'une infraction commise par un membre de l'équipage ou d'une autre personne se trouvant à bord du bâtiment ou de l'aéronef. Si le bâtiment ou l'aéronef est détourné par des terroristes, qui tuent des gens, l'infraction est imputée au commandant de bord. Cela n'a aucun sens. Il y a également une disposition inquiétante à l'article 16 qui est proposée en rapport avec les sanctions administratives pécuniaires. Tant que le réviseur-chef n'est pas saisi d'une demande de révision, il peut annuler le procès-verbal à tout moment. C'est une démarche qui n'est pas transparente; à un moment donné, on se demandera pourquoi la chose a été supprimée. Il y aura une fuite d'information. Il faut corriger cette situation. Les procès-verbaux doivent être affichés sur un registre public quelconque et, s'il y a annulation, il faut l'indiquer dans le registre public en donnant les motifs. Cette démarche-là doit être transparente.
    Mes cinq minutes sont écoulées. Je m'arrêterai là.
(1035)
    Merci, madame McCaffrey.
    Il nous reste 25 minutes avant de devoir monter à l'étage; je crois que nous pouvons donc faire un autre tour de six minutes, pour que chacun puisse poser des questions.
    Je voulais dire aussi que, comme nous allons entamer l'étude article par article du projet de loi le 23 avril, je demanderais à tous les membres du comité qui proposent des amendements de les remettre au greffier d'ici le 21 avril. Veuillez prendre note de cette date-là et vous organiser pour qu'ils soient prêts à être transmis en temps utile.
    Monsieur McGuinty, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais revenir à la question, peut-être après la réunion, pour qu'on se penche sur cette date-là, le 21 avril. C'est très bientôt, compte tenu de l'horaire qui est le nôtre en ce moment et des semaines de congé et des autres points à l'ordre du jour.
    J'aimerais revenir à Mme McCaffrey.
    D'abord, je tiens à vous remercier d'être venue témoigner aujourd'hui. Je veux vraiment vous remercier de tout le travail que vous avez fait en rapport avec cette question. J'ai compté au moins 13 ou 14 questions fondamentales que vous avez soulevées à propos du projet de loi. Vous a-t-on consultée avant ou pendant la rédaction du projet de loi?
    Non. J'ai reçu un appel jeudi, et je crois savoir que c'est Linda Duncan qui a recommandé qu'on m'invite. Je me suis donc penchée sur le projet de loi pour une première fois vendredi, puis je l'ai fait de nouveau hier. Il est vrai que j'y ai mis une bonne somme de travail et j'espère que ce sera utile.
    Seriez-vous en mesure de résumer une bonne part de ce que vous avez dit en un mémoire que le comité pourrait examiner, mettre dans l'ordre les points probants que vous avez soulevés ici à propos des différentes parties du projet de loi?
    Oui, je pourrais soumettre un mémoire, puis je pourrais aborder en le faisant certaines des questions d'importance secondaire que je n'ai pas mentionnées.
    Ce serait très utile.
    Puis-je revenir à vos observations concernant l'application particulière du projet de loi et le fait qu'on impose aux juges et à l'appareil judiciaire ce qui doit être présenté, ce qu'il faut décider? J'ai demandé à des responsables plus tôt s'ils disposaient d'éléments de preuve pour appuyer, par exemple, l'idée que les minimums obligatoires sont vraiment utiles au contrôle d'application des lois environnementales sur un territoire quelconque. Je n'ai pas vraiment obtenu de réponse. On m'a parlé de rapports, d'analyses et ainsi de suite. Je vous demanderais à vous, d'abord et avant tout, de garder cette idée-là à l'esprit. Donnez au comité votre point de vue là-dessus.
    Deuxièmement, je crois que cela n'a rien de secret, le gouvernement, ce parti en particulier, éprouve une aversion certaine pour le pouvoir discrétionnaire des juges depuis son arrivée, depuis bien avant, en fait, par le truchement de son chef. Il croit que nous devrions limiter sévèrement le champ d'action de la magistrature. Vous qui avez une expérience de procureur — et qui dites que vous avez fait du travail du côté de la défense —, pourriez-vous nous aider à comprendre les risques que comporte ce genre d'approche et qui se retrouvent dans ce projet de loi?
    C'est avilissant du point de vue du processus judiciaire et de celui des juges. Bien entendu, nous lisons tous dans les journaux les exemples donnés de peines farfelues imposées ici et là, mais, très souvent, ce sont des mythes urbains. Parmi ces mythes urbains, il faut compter la poursuite contre McDonald où la dame qui avait renversé une tasse de café sur elle-même a obtenu des millions de dollars en dommages-intérêts. Elle a bel et bien renversé son café sur elle; il était bouillant. On avait averti les gens de ne pas le chauffer à une telle température. La dame s'est brûlée les cuisses au troisième degré. Le mythe urbain induit donc beaucoup en erreur.
    Il y a ces mythes urbains sur les peines imposées et, à l'occasion, il y a le tribunal qui fait fausse route. Nous disposons de droits d'appel pour de tels cas. C'est pour cela qu'ils existent.
    Dans la très grande majorité des cas, les juges travaillent avec rigueur, tout comme les membres de l'assemblée législative travaillent avec rigueur, et ils veulent que justice soit faite. Monsieur Untel peut voir la chose différemment du juge. N'importe qui peut voir cela différemment. Nous sommes tous des êtres humains, donc nous sommes sujets à l'erreur. Tout de même, en faire une obligation plutôt qu'une capacité, ce n'est pas très respectueux à l'égard du processus judiciaire ni encore des juges individuels.
(1040)
    Puis-je poser une autre question? Je l'ai posée au groupe qui était ici auparavant. J'essaie de comprendre le lien entre les exigences en matière d'évaluation environnementale au pays, les conséquences en matière de preuve des procédés inhérents aux évaluations environnementales. Je présume simplement qu'il serait attendu des auteurs d'un projet faisant l'objet d'une évaluation environnementale qu'ils présentent toute une foule de renseignements sur leurs organismes, sur la façon dont ils ont conduit leurs activités dans le passé et sur la manière dont ils ont participé à d'autres projets. Si, comme le gouvernement en place se propose de le faire ou le fait déjà, nous éliminons toute évaluation environnementale visant les projets d'une valeur de moins de 10 millions de dollars... vous ne croyez pas à quel point c'est prescriptif, cette liste avec tout sauf les parcs et quelques autres exceptions.
    Non, je ne suis pas au courant. Je m'attachais au projet de loi.
    Y a-t-il un lien là? D'une part, le gouvernement affirme qu'il élimine les formalités environnementales et bureaucratiques pour transférer massivement des sommes d'argent pour la relance de l'économie, je ne prends pas cela de haut. D'autre part, ici, il soumet des acteurs indépendants du Canada à une série de contrôles des lois environnementales qui est très prescriptive et très lourde Je n'arrive pas à concilier les deux. Y arrivez-vous, vous?
    Eh bien, Ecojustice examine les modifications de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. C'est notre bureau de Toronto qui s'en charge. Notre conclusion préliminaire, c'est que la loi a été vidée de sa substance. Elle a été modifiée par règlement, de fait, et le règlement en question est ultra vires. Il reste à voir si nous allons parvenir à lancer une contestation juridique et, le cas échéant, si nous allons obtenir gain de cause. En présumant qu'il n'y ait pas de contestation ou que nous perdions notre cause s'il y en a une, en l'absence d'un processus de sélection digne de ce nom, l'action préventive sera à ranger dans le camp des pertes. Ce sera un élément de plus pour la poursuite, mais la capacité de poursuivre du système en tant que telle ne sera pas accrue.
    Nous devons nous en tenir à l'horaire, pour être justes envers les autres membres du comité.
    Monsieur Bigras.

[Français]

    Le témoin à répondu à mes questions lors de sa présentation. Je donnerais mon temps à Mme Duncan.

[Traduction]

    Merci.
    Merci, madame McCaffrey, d'avoir examiné bénévolement le projet de loi à notre intention. Cela a été très utile et ce sera très utile au moment de l'étude article par article.
    Essentiellement, je vais simplement faire en sorte que vous puissiez continuer à parler. C'est que vous avez visiblement réalisé un examen utile du projet de loi, et le temps alloué aux témoins durant nos audiences fait cruellement défaut. Je vous poserais tout de même une question particulière.
    Je crois savoir que, en droit de l'environnement, au fil des poursuites qui se sont accumulées avec le temps, le facteur le plus utile pour déterminer la peine — et, de fait, ce sont les pouvoirs les plus utiles au tribunal — c'est non pas les amendes imposées, mais plutôt les dispositions relatives aux approches novatrices de détermination de la peine. Je me demande simplement ce que vous en pensez. Les modifications du projet de loi semblent viser à instaurer des peines plus sévères, des peines minimales plus sévères, alors que, essentiellement, d'après l'expérience vécue devant les tribunaux, les procureurs cherchent à appliquer une approche novatrice aux peines.
    Je peux vous dire que les procureurs ne le font pas. L'Ontario applique des dispositions semblables aux vôtres — pour ordonner le rétablissement de l'environnement, ordonner la conformité avec les règles. Le tribunal peut ordonner à une entreprise de prendre des mesures pour empêcher que le problème ne se reproduise. Il peut ordonner qu'une victime de la pollution soit indemnisée. L'Ontario applique ces dispositions législatives depuis des années, mais elles ne servent que très, très rarement. C'est la bureaucratie qui est en cause. Il y a des agents de conformité qui délivrent des ordres dans une partie de la bureaucratie, puis il y a un autre groupe qui s'occupe d'appliquer la loi. Ce dernier ne délivre pas d'ordres. Ce n'est pas de cette façon qu'il assure la conformité. Il le fait en déposant des accusations contre une personne et en faisant en sorte qu'elle soit sanctionnée. Ces groupes ne travaillent pas très bien ensemble en Ontario, et je soupçonne qu'ils ne travailleront pas très bien ensemble au gouvernement du Canada.
    Ainsi, le service des poursuites n'établit pas de preuve que le procureur pourrait invoquer pour faire adopter une ordonnance de conformité ou une ordonnance de rétablissement. Encore une fois, s'il y a un dédommagement, il faut le chiffrer, n'est-ce pas? Quel est donc le coût du point de vue de la victime, que vaut le bien mal acquis? Comment chiffrer cela? L'agent de conformité peut en arriver à l'idée que l'entreprise a peut-être économisé 1 million de dollars en n'installant pas un certain appareil pour réduire la pollution, mais il faut que l'information traverse de l'autre côté et, très souvent, les poursuivants n'ont pas ce genre d'information. Il faudrait charger un expert-conseil de procéder à une vérification de l'environnement et de fixer un montant. Encore une fois, je ne crois pas que vos services d'application de la loi disposent des moyens nécessaires pour y arriver. Les gens ne reçoivent pas ce genre de formation.
(1045)
    Vous êtes donc d'accord avec la nouvelle disposition de la LCPE qui accorde seulement au juge le pouvoir de recommander une mesure au ministre, qui décide alors s'il y a lieu ou non de prendre une mesure?
    Non, c'est de la foutaise. Le juge devrait disposer du pouvoir d'agir.
    Dans sa déclaration préliminaire et dans son mémoire, le responsable de l'application de la loi parle de la nécessité, généralement, de disposer des outils de travail pour favoriser vraiment la dissuasion. Il a affirmé que nous faisons partie de l'International Network for Environmental Compliance and Enforcement, dont j'ai déjà fait partie moi-même. Un des principes qui en sont ressortis, de façon très claire, c'est que ce ne sont pas les sanctions lourdes établies par une loi qui favorisent vraiment la dissuasion; pour une véritable dissuasion, il faut que l'auteur éventuel de l'infraction ait des raisons de croire qu'il puisse être vraiment poursuivi et condamné.
    Êtes-vous d'accord sur ce point? Si c'est le cas, il est peut-être tout aussi important pour nous d'encourager le gouvernement à porter des affaires environnementales devant les tribunaux ou de permettre à des acteurs privés de le faire, pour vraiment produire un effet de dissuasion?
    Les poursuites privées sont essentielles. Par exemple, Ecojustice — qui compte deux avocats pour toute la province de l'Alberta et 12 pour l'ensemble du Canada — a été en mesure de poursuivre Suncor pour l'histoire des canards morts. Malgré les ressources massives à leur disposition, le Canada et l'Alberta ont mis des mois et des mois à décider qu'ils voulaient le faire eux-mêmes.
    L'ennui, c'est qu'Ecojustice est la seule ONG qui engage des poursuites, qui poursuit le gouvernement, qui poursuit les pollueurs. Nous formons le seul groupe plaidant parmi les ONG. Tous les autres s'attachent à une réforme du droit. Comme je le dis, nous sommes 12 avocats pour tout le Canada. Nous pourrions être plus nombreux, nous le serions, de fait, si nous pouvions poursuivre et obtenir l'amende en tout ou en partie. Ce projet de loi nous permettra de le faire. Le tribunal a vraiment le droit de recommander de verser un paiement au procureur. Le tribunal devrait avoir le droit de décider que l'amende sera versée à un poursuivant privé plutôt qu'au fonds pour dommages à l'environnement, qui est tout théorique. Il n'existe pas sauf comme inscription comptable. L'argent n'est pas là. Si cela pouvait se faire, nous aurions de l'argent pour financer une autre poursuite. Les poursuites sont coûteuses. Il faut prélever les échantillons, il faut les faire analyser, les seules factures d'analyse peuvent se chiffrer dans les milliers de dollars. Pour les poursuites, le gouvernement a besoin de tous les appuis qu'il parvient à obtenir.
    Cependant, il y a un problème terrible, que ce projet de loi pourrait régler. Le problème, c'est le pouvoir qu'ont tous les procureurs généraux du Canada de suspendre les poursuites. En Ontario, là où il y a des poursuites privées, le procureur général se penche sur une poursuite donnée. Parfois, il la prend en charge et la mène à terme; d'autres fois, il la laisse simplement continuer, étant convaincu qu'elle est convenable.
    En Colombie-Britannique, la façon de procéder du procureur général est quasiment scandaleuse. En 1997, la cour d'appel de la province a rendu une décision. Le précurseur d'Ecojustice, le Sierra Legal Defence Fund, avait poursuivi la ville de Vancouver parce qu'elle déversait des eaux d'égout non traitées dans l'océan. Le tribunal a dit: « Mon Dieu, vous avez déjà poursuivi la ville cinq fois. Or, elle fait encore cela. Chaque fois, le procureur général a suspendu la poursuite, et maintenant vous dites que nous ne devrions pas permettre qu'elle soit suspendue encore. Désolé, mais nous ne pouvons nous immiscer là-dedans, en tant que tribunaux, et appliquer ainsi le pouvoir discrétionnaire qui est le nôtre à moins de disposer d'une preuve fragrante de corruption ou d'irrégularité. »
    Eh bien, revenons rapidement à 2007. Ecojustice a déposé des accusations sous le régime de la Loi sur les pêches, je crois, parce que la ville de Vancouver déversait encore des eaux d'égout non traitées dans l'océan. Et devinez ce que le procureur général de la Colombie-Britannique a fait? Il a suspendu la procédure.
    Entre 1997 et 2007, on a intégré à la Loi sur les pêches des dispositions qui font qu'un poursuivant privé ne peut plus simplement déposer une accusation. Il faut qu'il y ait d'abord une audience sur la preuve, où le défendeur et le procureur général sont représentés, et le poursuivant privé doit alors convaincre un juge de paix que sa poursuite est dans les règles et qu'elle peut aller de l'avant, que la preuve est solide, que les fondements juridiques de son action sont solides. Il y a dans cette loi-là une procédure pour s'assurer qu'il n'y ait pas de poursuite « sauvage ». Néanmoins, la poursuite a été suspendue.
(1050)
    Il faut une loi pour empêcher cela. Je crois que cette loi-là peut être adoptée. Je ne travaille pas au bureau du conseil législatif, mais l'activité « sauvage » se situe entièrement du côté des procureurs généraux. Ce qu'il faut faire, c'est limiter le pouvoir discrétionnaire absolu et nullement encadré dont disposent les procureurs généraux quand il s'agit de suspendre les poursuites. Les principes qui devraient vous guider sont simples: dans la mesure où le procureur général souhaite suspendre une poursuite, il peut le faire, mais il doit en exposer les motifs et il doit montrer en quoi ces motifs sont dans l'intérêt public.
    Dans le temps qui nous reste... je me demandais simplement si vous aviez repéré dans le projet de loi d'autres questions qui pourraient nous être utiles à l'étude article par article, pour les cas où nous n'avons pu, si je comprends bien, ajouter des dispositions. Cependant, nous pouvons certainement proposer que certaines dispositions soient éliminées ou modifiées. Y a-t-il quelque chose encore que vous voudriez faire valoir?
    On fait un usage créatif de la langue anglaise dans le projet de loi. Les gens y sont qualifiés de solidairement responsables à un certain égard, en anglais: « jointly and severally, or solidarily, liable ». S-O-L-I-D-A-R-I-L-Y. Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire? Je ne trouve pas le mot dans le Canadian Oxford Dictionary. J'exerce le droit depuis 40 ans, mais je n'ai jamais entendu cette expression-là en anglais.
    Il y a également une référence à une bête qui porte le nom de « mandatary », autre mot que je ne trouve pas dans le même dictionnaire. Ce n'est pas défini dans la LCPE. Je ne sais pas ce que c'est qu'un « mandatary ». Le greffier a pu m'éclairer. Il dispose d'un bon dictionnaire de langue française; il a pu deviner qu'il s'agissait peut-être d'un mandataire, ou, en anglais, d'un designate. S'il s'agit d'un « designate », il faudrait le dire. Pourquoi inventer des mots?
    Nous allons maintenant continuer.
    Monsieur Woodworth, s'il vous plaît.
    Merci.
    Madame McCaffrey, merci beaucoup de votre apport à la discussion d'aujourd'hui. Il y a une partie de ce que vous avez dit que je juge utile. Il y a une partie de ce que vous avez dit qui invite à réfléchir, si vous me permettez de m'exprimer ainsi.
    Quant au dernier point que vous avez soulevé, même si ma connaissance du français n'est pas si grande, je soupçonne que les questions que vous avez soulevées se rapportent à la traduction; je suis sûr que quelqu'un cherchera à y voir clair, et j'apprécie que vous ayez porté ces questions à notre attention.
    La plus grande difficulté que me posent vos idées, c'est que, dans le cas où un navire est détourné, le capitaine est responsable des meurtres commis par les pirates. Ma mémoire est-elle bonne si je dis que vous avez travaillé pendant quelque 15 ans comme procureure, d'abord, dans la province de l'Ontario?
    Mme Linda McCaffrey: Oui.
    M. Stephen Woodworth: J'ai donc de la difficulté à croire qu'une personne de votre expérience affirmerait que, selon une loi, quelqu'un serait responsable d'un acte involontaire. Je songe au propriétaire ou au capitaine d'un bateau qui se retrouve pieds et poings liés dans le coin, alors que d'autres personnes autour font du grabuge...
    Mme Linda McCaffrey: C'est bien ce qui est dit.
    M. Stephen Woodworth: ... et je suis étonné de constater que, selon vous, une loi pénale ou quasi pénale peut entraîner une responsabilité criminelle ou quasi criminelle là où il s'agit, essentiellement, d'actes involontaires. Est-ce vraiment ce que vous nous dites?
(1055)
    C'est ce qui semble être dit dans le projet de loi. On semble créer une responsabilité absolue, qui me paraît anticonstitutionnelle. Il faudrait, de fait, que ce soit une infraction liée à la pollution, mais cela pourrait se produire facilement, dans le cas d'un déversement de pétrole qui survient pendant que des pirates ont détourné le bateau ou dans le cas où une substance toxique quelconque est relâchée dans la mer, ou dans les airs depuis un avion.
    Selon votre interprétation, c'est donc une responsabilité absolue, en réalité, qui fait que quelqu'un est responsable des actes commis par autrui dans un tel cas?
    Eh bien, en l'absence de toute défense, oui c'est ce qu'il faut entendre par responsabilité absolue. La responsabilité absolue s'applique là où il y a une défense fondée sur la prise de mesures de précaution et l'erreur provoquée par une autorité compétente.
    J'ai cru pendant un moment que les juges vous inspiraient davantage confiance à vous qu'à moi, mais je crois pour moi-même leur faire suffisamment confiance pour présumer qu'ils n'attribuaient pas à quelqu'un la responsabilité d'actes involontaires.
    Quoi qu'il en soit, je voulais vous demander aussi si vous avez examiné les amendes préétablies, qui sont déjà attribuées, et les infractions en matière d'environnement relevant de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et les autres lois que nous modifions ici, et si vous êtes convaincue que les tribunaux imposent déjà des amendes suffisamment sévères.
    Je ne sais pas si les tribunaux imposent des amendes suffisamment sévères en ce moment, mais le vrai problème est celui qui vous échappe. Vous avez créé une responsabilité pour les dirigeants, administrateurs, employés et autres personnes du genre. Je vais vous dire ce qu'il en advient; vous le savez probablement déjà. Un procureur dépose des accusations contre la société — contre un dirigeant, un administrateur, un employé, n'importe qui... Il porte des accusations contre plusieurs personnes de même que contre la société elle-même. Puis, vient le moment où il faut négocier le plaidoyer. À ce moment-là, vous cherchez à soustraire vos clients individuels aux accusations portées contre eux et vous laissez la société encaisser le coup, étant donné que les gens ne veulent pas être condamnés en leur nom personnel. Les poursuivants étant occupés avec de nombreux dossiers, ils sont toujours prêts à négocier. Le compromis le plus courant est celui où les accusations portées contre les personnes sont retirées, la société encaisse, et vous négociez le montant de la sanction à l'encontre de la société.
    Il y aurait peut-être eu quatre sanctions si tout le monde avait été poursuivi jusqu'au bout. Il y aurait plus...
    Je ne voulais pas vous interrompre, car j'ai déjà fait des remontrances à mes collègues pour cela, mais je vous demandais si vous jugiez satisfaisantes les sanctions imposées par les juges en application des dispositions existantes des diverses lois en question.
    Je pourrais également vous demander si l'existence de minimums obligatoires renforcerait la position des procureurs dans la négociation des plaidoyers et déboucherait ainsi sur des peines plus sévères.
    Je crois que les minimums obligatoires ont une certaine utilité. Ils relèvent bel et bien la barre.
    Quant aux juges, les peines qu'ils imposent aux auteurs des infractions en question vous paraissent-elles satisfaisantes?
    De manière générale, oui. Quand on lit les motifs d'un jugement, on s'aperçoit habituellement que cela se tient, mais on peut refuser de croire que les faits admis représentent l'ensemble des faits qu'il aurait fallu réunir. Bien entendu, cela aurait pu donner une peine différente.
(1100)
    Voici ce qui sera peut-être ma dernière question.
    Votre temps est presque écoulé.
    Croyez-vous qu'il convient pour le législateur d'adopter des lois qui disent aux juges qu'ils devraient traiter plus sérieusement certaines infractions, par exemple les infractions en matière d'environnement? Croyez-vous que c'est une fonction législative légitime qui ne serait pas avilissante du point de vue des juges?
    Non, je crois que les juges doivent savoir que l'assemblée législative prend la question tout à fait au sérieux. Certes, les maximums le feront voir, mais je ne dis pas que les minimums sont forcément mauvais.
    Merci.
    Madame McCaffrey, je tiens à vous remercier d'être venue témoigner.
    M. McGuinty a quelque chose à dire.
    Monsieur le président, le greffier pourrait-il communiquer avec les responsables du gouvernement pour obtenir les documents que j'ai demandés en ce qui concerne la preuve?
    Madame McCaffrey, pendant que vous êtes encore ici, auriez-vous l'obligeance de résumer vos idées sur papier? Cela nous serait très utile, en vue de l'échéancier proposé que nous allons prendre en charge jeudi.
    Voilà qui me semble bon. Nous allons parler des délais et d'autres trucs du genre jeudi. Je vais assurer le suivi auprès du ministre.
    Sur cela, je suis prêt à recevoir une motion d'ajournement.
    Une voix: J'en fais la proposition.
    Le président: La séance est levée.
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