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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 avril 2009

[Enregistrement électronique]

(0900)

[Traduction]

    Bienvenue à tous à la séance 17 du Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Aujourd'hui, c'est notre dernière réunion à laquelle nous entendons des témoins au sujet du projet de loi C-16, Loi modifiant certaines lois environnementales et édictant des dispositions ayant trait au contrôle d'application de lois environnementales.
    Nous accueillons aujourd'hui des témoins de l'industrie navale. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je sais que certains d'entre vous viennent de loin, d'aussi loin que la Colombie-Britannique. En gros, vous représentez trois groupes: l'Association canadienne de droit maritime, la International Ship-Owners Alliance of Canada Inc. et la Fédération internationale des ouvriers du transport. Chaque groupe aura huit minutes pour faire son exposé, après quoi nous passerons aux séries de questions.
    Monsieur Boucher, voulez-vous commencer aujourd'hui?
    Bienvenue, monsieur Boucher. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire.
    Je m'appelle Marc Boucher. Je suis le président de la Guilde de la marine marchande du Canada, une association professionnelle qui représente 5 000 officiers de navire canadiens. La Guilde est une filiale de la Fédération internationale des ouvriers du transport, la FIOT, qui compte 600 000 membres dans tous les secteurs du transport. La FIOT cherche à améliorer les conditions des gens de mer de toutes les nationalités et à promouvoir une réglementation du secteur du transport qui protège les intérêts de ceux-ci. Si la Guilde représente principalement des officiers accrédités, des membres d'équipage d'expérience et des pilotes de l'industrie maritime du Canada, la FIOT représente presque toutes les catégories des 15 000 gens de mer de l'industrie maritime canadienne.
    La Guilde a envoyé son mémoire écrit, mais je peux parler au nom de toute la FIOT, parce que nous avons le même message. Nous nous intéressons de près aux questions législatives qui touchent les gens de mer du Canada.
    Je sais que vous avez dû prendre très rapidement la décision de nous entendre aujourd'hui, et je vous remercie de nous accorder la possibilité de nous exprimer sur cette question.
    D'emblée, je souhaite vous dire que les gens de mer sont aux premières lignes de la prévention de la pollution, et les gens de mer du Canada, en particulier, ont un excellent bilan. Les gens de mer, tout comme leurs représentants, accueillent favorablement l'adoption de lois efficaces visant la protection de l'environnement, et nous reconnaissons et encourageons la grogne de la société canadienne concernant les infractions environnementales.
    Le projet de loi C-16 modifie un certain nombre de lois qui touchent les gens de mer, y compris la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ce sont également les lois principales qui ont été modifiées par le projet de loi C-15 en 2005. Ce qui nous déçoit à la fois dans le projet de loi C-15 et aujourd'hui dans le projet de loi C-16, c'est que nous avons appris l'existence de ces deux initiatives à la fin du processus. La Guilde et la FIOT sont d'habitude invitées à fournir leur rétroaction sur les projets de loi qui touchent le transport maritime. En effet, nous avons travaillé très étroitement avec Transports Canada, il y a eu des consultations précoces et concrètes avec toute une série de groupes de divers secteurs relativement aux projets de loi d'envergure tels que la Loi sur la marine marchande du Canada. Pendant de nombreuses années, nous avons fourni une rétroaction précieuse aux législateurs sur les lois sur le transport, ce qui nous a permis de bien comprendre et de mieux accepter un certain nombre de changements législatifs contreversés. Or, ce n'est qu'hier que la Guilde et la FIOT ont pu assister à une séance d'information sur le projet de loi C-16 dispensée par des fonctionnaires, puis poser des questions et donner leur avis.
    Il est encore plus important de souligner que l'industrie maritime a énormément de difficulté à recruter des gens de mer canadiens. C'est un problème répandu à l'échelle internationale dans l'industrie maritime, et c'est l'élément principal dont je veux vous parler. L'âge moyen de la population active chez les gens de mer au Canada est très élevé, et nous essayons en ce moment de résoudre cette pénurie chronique de gens de mer en faisant le maximum pour intéresser des jeunes à notre secteur.
    La Guilde et la FIOT ont lancé plusieurs initiatives de ressources humaines prometteuses, de concert avec de nombreuses autres organisations, et nous faisons des progrès sur le plan de la qualité de vie des gens de mer, mais il faut en faire encore beaucoup plus.
    Nous devons nous assurer qu'il existe des régimes de formation efficaces pour les postes de débutants, pour l'avancement professionnel et pour les promotions aux grades supérieurs, à bord des navires et au pilotage. Les débutants et les officiers subalternes constituent le bassin pour les postes aux grades supérieurs, non seulement sur les navires, mais aussi au pilotage, pour certains postes sédentaires du secteur maritime, ainsi que dans le domaine de la réglementation et au gouvernement.
    L'une des choses qui vont nécessairement nuire à nos efforts de recrutement actuels et qui effraient les candidats potentiels, c'est ce genre de mesure législative. Le projet de loi C-15 ne nous a pas aidé, et la situation n'a pas été corrigée. À notre avis, le problème s'aggrave encore un peu plus. Nous pensons que le projet de loi C-16 envoie un message aux candidats potentiels du secteur maritime selon lequel si vous êtes marin, vous serez peut-être impliqué là-dedans, vous devrez payer des amendes faramineuses et dépenser une fortune pour tenter de vous défendre. Ce sont des choses très négatives et nuisibles, lorsqu'on essaie d'attirer du sang nouveau dans l'industrie maritime. Le Canada a besoin d'un secteur maritime fort. Nous devons pouvoir attirer une nouvelle génération de gens de mer et faire tout ce que nous pouvons pour qu'elle soit traitée de façon équitable.
    Or, nous pensons que ce projet de loi est injuste. Une des choses qu'il propose de faire, c'est de réduire le travail de la Couronne en rendant les condamnations plus faciles. Nous pensons que c'est un élément dissuasif qui nous empêchera d'avoir un secteur maritime canadien fort, ce qui est important pour le Canada. Que cela soit encouragé par nos lois ou non, le Canada est un pays maritime, et le transport maritime qui se fait tous les jours dans notre pays est vital. Il faut consolider le secteur maritime, et cela ne se fera pas si l'on traite les gens de mer de façon injuste et si l'on rend encore plus difficile le recrutement de la nouvelle génération de marins.
    Beaucoup de discussions récentes ont souligné le besoin d'améliorer l'application. Le premier élément que je veux soulever au sujet du projet de loi est le paragraphe 20(2) de la Loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement, en vertu du projet de loi C-16, qui figure à la page 186. Il se lit comme suit:
Il appartient au ministre d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.
    Au lieu de la preuve au-delà de tout doute raisonnable associée aux poursuites criminelles, il suffit d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que l'accusé a commis la violation, ce qui est le fardeau de la preuve associé aux poursuites civiles. D'après ce que l'on comprend, cela veut dire que si l'on décide qu'il y a plus de probabilités pour que vous ayez commis l'infraction qu'il n'y en a que vous ne l'ayez pas commise, alors vous serez condamné, et les juges n'ont pas à se soucier des doutes raisonnables.
(0905)
    À notre avis, dans ce climat qui témoigne d'un appétit pour une meilleure application de la loi, ce que nous soutenons entièrement, le seuil de la preuve proposée est trop bas. Si cet article simplifie les poursuites pour la couronne, il n'accorde pas suffisamment de droits aux membres de l'équipage du navire en cause, et nous craignons que cela facilite les condamnations.
    Notre deuxième argument porte sur l'article 13.15 de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, telle que modifiée par l'article 102 du projet de loi C-16, qui figure à la page 145. Il se lit comme suit:
Dans les poursuites contre le capitaine ou le mécanicien en chef...il suffit, pour établir la culpabilité de l'accusé, de prouver que l'infraction a été commise par une personne à bord du bâtiment, que cette personne soit ou non identifiée...
    La loi actuelle précise dans l'ancien paragraphe 1.6 du chapitre 13 que la responsabilité du fait d'autrui ne s'applique pas au capitaine ou au mécanicien en chef. Dans le projet de loi C-16, on propose exactement l'inverse, et j'en parlerai davantage dans une minute. En plus, dans le paragraphe 280(2) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement telle que modifiée par l'article 73 du projet de loi C-16, à la page 93, il y a une modification selon laquelle:
...son capitaine ou mécanicien en chef qui l’a ordonnée ou autorisée (l'infraction), ou qui y a consenti ou participé, est considéré comme coauteur de l’infraction et encourt la peine prévue...
    Nous ne comprenons pas pourquoi cela a été changé, parce que le seul mot qui a été changé en anglais, c'est le mot « are » ou les mots « un » et « son », pour parler des deux personnes et non pas uniquement de celle qui peut avoir commis l'infraction. Auparavant, on disait « le capitaine ou le mécanicien en chef...sont considérés comme des coauteurs de l'infraction ». Ce changement fait en sorte qu'ils sont tous les deux responsables si l'un ou l'autre commet un acte déraisonnable.
    Il faut des années pour obtenir les qualifications nécessaires pour occuper ces grades élevés d'officier et c'est à ce niveau que la pénurie de personnel qualifié et accrédité est la plus grave. Beaucoup des officiers de ces échelons sont prêts à partir à la retraite dès aujourd'hui. Une criminalisation accrue des gens de mer va faire peur aux candidats. S'il se produit un incident et que le navire ne peut bouger, quel que soit le travail que réalisait celui-ci, tout va s'arrêter, même si on a les trois quarts du personnel, parce qu'on ne peut aller nulle part sans ces personnes clés. Nous devons faire le maximum pour rassurer les gens de mer à l'effet qu'ils seront traités de façon équitable.
    Pour résumer, nous avons déjà remis une lettre au comité au sujet des éléments que je viens de décrire.
    Nous proposons que l'on élimine la nouvelle responsabilité automatique du fait d'autrui du capitaine et du mécanicien en chef qui figure à l'article 13.15 de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, telle que modifiée par l'article 102 du projet de loi C-16, à la page 145.
    Deuxièmement, nous avons signalé que la révision proposée par l'article 73 du projet de loi C-16, à la page 93, relativement au paragraphe 280(2) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement renvoie aux postes de mécanicien en chef et de capitaine, plutôt que de parler de l'un ou l'autre. Nous proposons également que cet amendement soit tout simplement éliminé.
    Nous proposons que l'on supprime également le fardeau de la preuve réduit qui figure à l'article 9 des mesures d'application de la nouvelle Loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement, en vertu de l'article 126 du projet de loi C-16, à la page 186.
    J'ai déjà expliqué qu'il faut des règles équitables, d'autant plus que nous avons déjà énormément de difficultés à recruter notre main-d'oeuvre. Malgré le travail en cours, il y a encore trop de publicité négative et trop d'effets dissuasifs pour que les jeunes choisissent d'entrer dans le secteur maritime. Il existe déjà des mécanismes d'application de la loi efficaces et il n'y a pas lieu de criminaliser davantage les gens de mer. Ce sont des employés qui travaillent quotidiennement pour leurs employeurs. Les gens de mer se considèrent comme les personnes les plus susceptibles d'être touchées par ces amendes et ces peines d'emprisonnement. Les employeurs n'iront pas en prison pour eux et ne paieront pas les amendes à leur place. Le bassin de candidats qui souhaitent prendre ce risque en choisissant de devenir marins rétrécit.
    Je souhaite remercier le comité de m'avoir accordé la possibilité de lui présenter notre rétroaction et nos observations sur cet important projet de loi, et j'espère que les perspectives que nous vous avons envoyées par lettre il y a quelques jours seront également prises en compte.
    Merci beaucoup, monsieur Boucher. C'était un excellent exposé, clair et précis.
    J'aimerais passer maintenant à l'International Ship-Owners Alliance of Canada Inc., et à Mme Arsoniadis Stein. À vous la parole.
(0910)

[Français]

    C'est un grand plaisir d'être ici avec vous. Je voudrais remercier le comité de prendre le temps de nous écouter. Je voudrais aussi remercier M. Radford d'avoir organisé cette rencontre.

[Traduction]

    Je m'appelle Kaity Arsoniadis Stein et suis la présidente secrétaire générale de l'International Ship-Owners Alliance of Canada. Notre groupe représente environ 400 vaisseaux, tant au Canada que dans le monde, gérés à partir de Vancouver et comprenant des navires vraquiers, des navires citernes et des navires de contenants, ainsi que des exploitants de remorqueurs et BC Ferries, l'un des plus gros exploitants de traversiers du monde. Teekay, l'un de nos membres fondateurs, transporte plus de 10 p. 100 du pétrole acheminé par voie maritime dans le monde.
    Je suis aussi ici aujourd'hui au nom du Council of Marine Carriers, association exploitant des remorqueurs et des barges canadiens sur toute la côte Ouest de l'Amérique du Nord et dans l'Arctique, ainsi qu'au nom de l'Association des armateurs canadiens, dont les navires sillonnent les Grands Lacs et le Saint-Laurent, avec un volume d'échange de plus de 18 milliards de dollars par an.
    Le conseil d'administration de la Vancouver Maritime Arbitrators Association nous apporte son plein appui, ainsi que des associations de transport maritime international dont nous avons soumis des lettres avec notre mémoire: l'International Chamber of Shipping, Intertanko, Intercargo, la Hong Kong Shipowners Association et notre partenaire international, BIMCO.
    Nous appuyons pleinement l'objectif de renforcer les lois environnementales du Canada et de veiller à ce qu'elles soient appliquées. Nous nous préoccupons de ce que l'inversion du fardeau de la preuve introduite par l'adoption du projet de loi C-15, au cours de la 38e législature, n'a pas été corrigée dans le projet de loi C-16.. À la place, on a créé un problème plus important, la possibilité d'amendes de responsabilité stricte se chiffrant à 6 millions de dollars étant désormais possibles au jour le jour. En cas de récidive, c'est 12 millions de dollars au jour le jour.
    Le projet de loi C-15 avait éliminé le concept juridique traditionnel de la présomption d'innocence, contrevenant ainsi aux garanties constitutionnelles prévues à l'article 11 de notre Charte. La décision de principe est l'arrêt Wholesale Travel Group, rendu en 1991, où la juge en chef Beverly McLachlin, seule juge encore en fonction a avoir travaillé à cette question, indique que: « ... la peine d'emprisonnement ne peut pas, sans porter atteinte aux droits garantis par la Charte, être combinée à une infraction qui permet qu'une personne soit déclarée coupable sans qu'il y ait faute de sa part ou parce que l'accusé n'a pas prouvé son innocence... »
    Il est important de ne pas perdre de vue les principes fondamentaux du droit. De graves failles sont liées à la perte de la présomption d'innocence. Tout d'abord, elle contrevient aux principes internationaux stipulés dans la Convention de l'OMI, ainsi que dans l'UNCLOS, dont le Canada est signataire. MARPOL 73/78 établit une distinction fondamentale entre une pollution accidentelle et intentionnelle. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer appuie MARPOL et indique comme sanctions normales des amendes monétaires plutôt qu'un emprisonnement. D'autre part, elle expose à de graves sanctions criminelles presque toutes les personnes impliquées dans une exploitation maritime, sans tenir compte de la nature accidentelle ou pas d'un incident.
    La conception de ces mesures a eu des répercussions négatives sur la crédibilité du Canada comme nation commerciale d'envergure. Ces mesures ont indubitablement nui à l'investissement au Canada. Pas une seule société de transport maritime ne s'est établie au Canada depuis l'adoption du projet de loi C-15, du moins pas à notre connaissance.
    Notre gouvernement a investi 2,5 milliards de dollars dans la porte d'entrée du Pacifique et travaille à un ensemble de mesures exhaustives pour stimuler l'économie canadienne. Or, si le Canada, nation exportatrice riche en ressources, veut conserver et développer son industrie actuelle, il nous faut modifier nos lois afin d'apporter plus de confiance et de sécurité. Toute société de transport sérieuse qui s'est installée au Canada pour toute une série de bonnes raisons doit maintenant peser ces raisons par rapport au risque auquel sont exposés les membres de son conseil d'administration, ses administrateurs et ses employés, puis elle doit sérieusement envisager de se réinstaller dans un pays moins hostile.
    Nous vous avons transmis des lettres d'instances internationales exprimant leurs préoccupations. Depuis l'adoption du projet de loi C-15, le Canada figure sur une liste noire comme pays où il n'est pas bon de faire des affaires en tant que société de transport maritime. On dit partout, dans la liste de Lloyd, dans les circulaires du Club P et I et dans les déclarations annuelles, que le Canada doit apporter des modifications au projet de loi C-15. La communauté internationale suit de très près ce qui arrive au projet de loi C-16.
(0915)
    La communauté internationale suit de très près l'évolution du projet de loi C-16. Permettez-moi de prendre un instant pour vous lire deux citations.
    L'une vient de la Chambre internationale de la marine marchande, de la FIOT et du Oil Companies International Marine Forum. Il s'agit d'une déclaration conjointe, et nous l'avons incluse dans notre mémoire:
L'ajout de l'exigence relative à la « diligence raisonnable » dans les cas de pollution accidentelle ou non-intentionnelle pose aussi un problème. Nous reconnaissons qu'un accusé — une personne ou un bâtiment — ne sera pas déclaré coupable d'une infraction s'il prouve qu'il a pris toutes les précautions voulues pour prévenir cette perpétration... Il est toutefois inacceptable, en particulier dans les cas de pollution accidentelle, d'appliquer les règles de la responsabilité stricte et d'obliger ainsi l'accusé à réfuter une présomption automatique de culpabilité. Une telle présomption dans le cas où une peine d'emprisonnement est possible fait naître des préoccupations importantes au regard des droits de la personne.
    Je vais également lire une déclaration d'Intertanko à l'appui de notre argument:
Le projet de loi C-15 vise à assimiler à des infractions de responsabilité stricte des actes de pollution commis par des particuliers, notamment le capitaine d'un bâtiment, ses officiers, ainsi que les administrateurs et les dirigeants du propriétaire d'un bâtiment. Le ministère public n'a pas l'obligation de prouver que l'accusé avait l'intention de commettre l'infraction. Nous sommes très préoccupés par le fait que ces dispositions auront pour effet de criminaliser des actes de pollution accidentels ou non-intentionnels et de compromettre gravement les interventions du capitaine ou de l'équipage lors d'un incident. Il est vrai qu'un accusé ne sera déclaré coupable s'il prouve qu'il a pris toutes les mesures raisonnables pour prévenir la pollution, mais il sera considéré coupable d'emblée et devra prouver son innocence, plutôt que ce soit à l'État de prouver sa culpabilité.
    La marine marchande réclame depuis quatre ans un amendement à cette règle et collabore étroitement avec Environnement Canada et Transports Canada. Nous appuyons pleinement toutes les mesures qui visent à protéger l'environnement marin, mais nous souhaitons également que la réglementation soit équilibrée, qu'elle protège nos équipages et qu'elle ne porte pas préjudice à la bonne exploitation des navires. Nous appuyons les efforts déployés dans les lois relatives à l'environnement pour réduire au minimum la pollution et faire payer les pollueurs. Toutefois, ces efforts ne devraient pas mettre en péril la liberté individuelle. Dans une société démocratique moderne, toute personne peut se prévaloir de la présomption d'innocence. Personne ne devrait être emprisonné sans qu'on ait d'abord prouvé sa culpabilité dans le cours normal de la loi.
    Nous avons retenu les services de nombreux avocats pour examiner cette question pour notre compte et vérifier que nous ne sommes pas dans l'erreur. Je vais vous lire un extrait d'une de nos déclarations. Il s'agit là encore d'une opinion juridique conjointe, qui se trouve dans notre mémoire:
Il est tout à fait contraire aux principes qui devraient guider les sociétés libres et démocratiques, lesquelles sont censées garantir la présomption d'innocence, de priver de leurs droits constitutionnels les personnes passibles d'une peine d'emprisonnement pour avoir commis des infractions comportant un manque de diligence.
    Enfin, nous avons consulté Sarah Cosgrove, et nous avons rencontré certains députés de votre comité. Compte tenu de leurs préoccupations, nous avons revu notre mémoire précédent et nous proposons maintenant que l'article suivant soit adopté au projet de loi, car il protégerait les objectifs fondamentaux du projet de loi C-16 tout en corrigeant nos préoccupations et celles de la communauté internationale.
    Par conséquent, nous recommandons que toutes les lois modifiées par le projet de loi C-16 comportent un article libellé comme suit:
Sans égard aux dispositions de la présente loi, lorsqu'il s'agit d'une infraction à laquelle est associée une peine d'emprisonnement, l'accusé est présumé innocent des actes qui lui sont reprochés et peut se prévaloir au minimum de la défense de la diligence raisonnable.
(0920)

[Français]

    Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer. J'espère que nous arriverons à une solution satisfaisante pour tous.
    Merci beaucoup, madame Arsoniadis.
    Nous avons dépassé notre temps de quelques minutes, mais ça en valait la peine, surtout parce que vous nous avez lu le libellé d'un amendement que vous proposez au projet de loi, qui pourrait nous être utile plus tard.
    Je cède la parole à M. Giaschi.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis un avocat spécialiste du droit maritime. Je suis vice-président de l'Association canadienne de droit maritime pour la côte Ouest. Cette association a été créée en 1951. Notre organisation est composée de particuliers et d'entreprises. La plupart des particuliers qui sont membres sont des avocats de droit maritime qui exercent partout au pays. Les entreprises membres représentent tous les aspects de la marine marchande au Canada.
    L'ACBM représente le Canada au sein du Comité maritime international, une organisation fondée en 1897 qui s'occupe principalement de droit maritime international et d'uniformisation des lois en matière maritime, non seulement au moyen de conventions, mais aussi par l'entremise de diverses associations nationales comme l'ACBM.
    L'objectif et l'intérêt principal de l'ACBM est la mise en place de lois maritimes efficaces et modernes et, dans le contexte international, l'uniformisation de ces lois. Cette uniformisation est absolument essentielle dans le cas des navires qui transitent d'un bout à l'autre du monde.
    Par contre, nous ne sommes pas un groupe de pression chargé de défendre les intérêts particuliers d'une entreprise maritime. Nous représentons les intérêts de toutes les entreprises maritimes, et la plupart de nos avocats ont défendu tous les intérêts dans les deux camps, comme nous le disons, tant pour les armateurs que contre eux. Nous ne sommes donc pas un groupe de pression, mais bien un groupe d'intérêt généralisé préoccupé principalement par l'efficacité et la modernisation du droit.
    Nous vous avons envoyé un mémoire que vous avez lu, je suppose. Le projet de loi C-16 contient quelques dispositions qui nous préoccupent, et les principales sont les modifications proposées à l'alinéa 291(1)k) de la LCPE et à l'alinéa 16(1)d) de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Ces dispositions autorisent un tribunal à ordonner à tout contrevenant de verser une indemnisation au titre des coûts de nettoyage, entre autres, dans le cas d'un incident de pollution.
    La modification proposée à l'article 274 de la LCPE et l'article 13.07 que l'on propose d'ajouter à la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs contiennent une disposition visant l'indemnisation à un nouveau titre, celui de la « valeur de non-usage ». Nous sommes particulièrement inquiets de ce que l'on entend par cette expression.
    Les autres dispositions qui nous inquiètent sont l'article 13.15 que l'on propose d'ajouter à la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et l'article 9 que l'on propose d'ajouter à la Loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement. Ces dispositions établissent divers degrés de responsabilité criminelle visant le capitaine ou le mécanicien en chef d'un bâtiment. Certains de mes collègues qui témoignent devant vous aujourd'hui vous ont déjà expliqué ces préoccupations.
    Ce qui nous préoccupe principalement de ces diverses dispositions, c'est qu'elles vont à l'encontre des conventions internationales actuelles et des lois canadiennes présentement en vigueur en matière de pollution maritime. La plus importante de ces conventions est l'UNCLOS, dont on a déjà parlé. Il s'agit de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. L'article 230 de cette convention — et je ne vais pas vous lire tout cet article — dit ce qui suit: « Seules des peines pécuniaires peuvent être infligées en cas d'infraction aux lois et règlements nationaux ». Dans le contexte des incidents de pollution, on n'imposerait que des peines pécuniaires. Il est donc clair que l'emprisonnement ne devrait pas être envisagé lorsqu'il s'agit d'infractions visées par l'UNCLOS. L'article 230 prévoit également ce qui suit, au paragraphe (3):
Dans le déroulement des poursuites engagées en vue de réprimer des infractions de ce type commises par un navire étranger pour lesquelles des peines peuvent être infligées, les droits reconnus de l'accusé sont respectés.
    Évidemment, on ne définit pas dans cet article ce que sont les droits reconnus, mais dans les pays de common law tout autant que dans les pays de droit civil, il existe des droits fondamentaux dont peuvent se prévaloir tous les accusés, dont la présomption d'innocence. Je sais que les gens de l'Association internationale des armateurs ont témoigné devant vous aujourd'hui et qu'ils vous ont fourni divers mémoires à ce sujet. Cependant, les nouvelles règles proposées pourraient en outre contrevenir à l'UNCLOS.
(0925)
    La Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures prévoit, à l'article III:
4. Aucune demande de réparation de dommage par pollution ne peut être formée contre le propriétaire autrement que sur la base de la présente convention.
    Elle précise donc clairement que les demandes de réparation contre le propriétaire doivent être faites conformément à la convention. La phrase suivante précise qu'aucune demande de réparation de dommage ne peut être introduite contre les préposés ou mandataires du propriétaire ou les membres de l'équipage. Puisque le projet de loi C-16 autorise l'imposition de sanctions pécuniaires au propriétaire et à l'équipage, on peut soutenir qu'il contrevient à la CRC.
    Dans le même ordre d'idée, l'article 51 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, qui incorpore dans le droit canadien des dispositions inspirées par la CRC, prévoit que le propriétaire du navire est responsable des frais occasionnés par les mesures raisonnables de remise en état qui sont prises ou qui le seront. « Qui sont prises ou qui le seront » sont les termes mêmes de la loi, qui encore une fois, ne prévoit pas de sanction liée à la valeur de non-usage, ce que prévoit le projet de loi. Ce n'est pas quelque chose d'entrepris, c'est quelque chose qui arrive comme par magie.
    La CRC et la Loi sur la responsabilité en matière maritime limitent toutes deux la responsabilité des propriétaires, de leurs préposés ou mandataires pour les créances maritimes liées à la pollution aux hydrocarbures. En fait, le Canada a un régime très complexe d'indemnisation qui comporte de multiples éléments. Il y a notamment la caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causés par les navires. En outre, le projet de loi C-7 mettra en oeuvre diverses conventions sur des fonds, dont le fonds supplémentaire.
    Le projet de loi C-16 ne prévoit aucune limitation de la responsabilité alors qu'il est clair qu'il le devrait. Essentiellement, le problème du projet de loi C-16, c'est qu'il déguise la responsabilité civile et l'indemnisation civile en dispositions quasi pénales, ce qui est injuste et ce qui n'est pas la bonne solution. Nous essayons de faire indirectement ce que nous ne pouvons pas faire directement.
    Enfin, nous partageons les préoccupations qui ont déjà été exprimées sur l'inversion du fardeau de la preuve, la prépondérance des probabilités et la présomption d'innocence. Dans notre mémoire nous recommandons au moins un article qui pourrait être inséré dans les diverses mesures législatives pour faire en sorte que les conventions internationales que le Canada a signées l'emportent lorsqu'il y a contradiction entre celle-là et toute autre loi.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Giaschi. C'était très intéressant et très utile.
    Nous allons maintenant passer aux questions. C'est M. McGuinty qui commencera.
    Bonjour à tous. Merci d'être venus.
    J'aimerais revenir aux deux dernières interventions. J'ai quelques questions fondamentales.
    Dans quelle mesure le gouvernement vous a-t-il consultés avant le dépôt de ce projet de loi? Quels genres de rencontres avez-vous eues? Dans quelle mesure ces préoccupations ont-elles été exprimées directement?
(0930)
    Je demanderais à Peter Lahay, de la FIOT, de vous présenter tout l'historique, parce qu'il était déjà là à l'époque du projet de loi C-15 et qu'il s'occupe maintenant du projet de loi C-16.
    Oui. Mais, s'il vous plaît, monsieur Lahay, ne prenez pas trop de temps. Merci.
    C'est en 2005 que nous nous sommes inquiétés pour la première fois d'une modification législative qui allait changer la vie des gens de mer. On vous a parlé à plusieurs reprise de l'ancien projet de loi C-15, une loi qui modifie certaines parties de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs dans la LCPE. Le principe de l'inversion du fardeau de la preuve et de la responsabilité stricte de notre profession a été introduit très tard dans la loi canadienne. Nous ne l'avons appris qu'à l'étape de la troisième lecture. Le projet de loi était devant la Chambre, à l'étape de la troisième lecture. Tout portait à croire qu'une élection était imminente.
    Le projet de loi a reçu la priorité afin d'être envoyé au Sénat et c'est ce qui est arrivé. Le Sénat nous a entendus. Nous avons comparu devant le comité sénatorial de l'environnement. Nous étions à peu près les mêmes; je faisais partie de la délégation. Pour ce qui est de ce nouveau projet de loi, nous avons appris son existence dans un article, il y a environ cinq semaines, je pense. Mme Arsoniadis Stein l'a appris et elle m'a alerté. Nous avons commencé par décider si nous allions organiser une attaque contre cette nouvelle initiative.
    On a également mentionné que l'industrie du transport a été consultée officiellement pour la première fois hier. Environnement Canada a envoyé une délégation au Conseil consultatif maritime canadien. Depuis 35 ans, tous les intervenants de l'industrie maritime canadienne et internationale se réunissent à Ottawa deux fois par année. Nous n'avons aucun scrupule à dire que Transports Canada nous informe de tout. Apparemment, même eux n'étaient pas au courant.
    Nous jugeons que nous avons été assez mal traités, et pas juste cette fois-ci; nous l'avons dit officiellement la dernière fois aussi. J'espère que cela répond à votre question.
    Monsieur Giaschi, j'aimerais vous interroger sur le conflit entre les régimes canadien et international.
    Vous avez terminé en disant que vous vous attendez qu'à tout le moins — si je vous ai bien compris — les engagement internationaux du Canada en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ou la CRC ou la Loi sur la responsabilité en matière maritime l'emportent sur toute nouvelle mesure prévue dans ce projet de loi du gouvernement. À votre connaissance, et d'après votre expérience, Justice Canada, c'est-à-dire le gouvernement, ne dépose-t-il pas un projet de loi de 140 pages pour modifier dix lois existantes? Est-ce qu'il ne devrait pas s'assurer, avec l'aide des 2 450 avocats de Justice Canada, que le comité, que le Parlement, ne soient pas saisis de ce projet de loi avant que ces questions n'aient été réglées? Comment pouvez-vous, vous un avocat en exercice, déterminer et dire à vos clients quel régime est censé l'emporter?
    C'est possible. C'est ce que nous devons faire et il arrive souvent que les lois soient en harmonie les unes avec les autres, mais ce n'est pas toujours le cas. Ça ne nous facilite pas la tâche, mais nous nous débrouillons. Je ne voudrais pas laisser entendre que Justice Canada n'a pas fait son travail, ou que le ministère de l'Environnement n'a pas fait le sien. Ce sont des questions difficiles et ces conventions, particulièrement l'UNCLOS, ont de nombreuses dispositions et nous ne pouvons pas raisonnablement nous attendre à ce que les gens soient au courant de chacune d'entre elles.
    Je ne cherche à mettre personne en cause.
    Je ne vous demande pas de rejeter la responsabilité sur qui que ce soit. J'essaie simplement de comprendre comment il se fait qu'à la dernière heure, juste avant l'étude article par article, vous souleviez des problèmes fondamentaux dans le régime que crée ce projet de loi. Vous dites que vous ne savez pas quel régime l'emportera: le régime canadien créé par les modifications prévues dans le projet de loi C-16, ou les conventions internationales?
    J'essaie de déterminer comment ce projet de loi a pu se rendre jusqu'à nous sans que Justice Canada et le plus important cabinet d'avocats au pays n'aient d'abord réglé ces problèmes. Mme Arsoniadis Stein nous a dit que certaines de ces mesures dépassent même la portée des conventions internationales, que d'autres régimes nationaux ne comportent pas de telles mesures, que celles-ci vont avoir une incidence nette grave sur l'investissement dans le secteur des transports au Canada. Puis vous nous dites que c'est un ramassis de mesures pour essayer de concocter quelque chose sous couvert de lois environnementales sévères. Je ne sais pas quel est le thème. Maintenant nous découvrons, juste avant de reprendre l'étude article par article mardi prochain qu'en fait, c'est incohérent.
    Que faut-il faire pour corriger ce projet de loi?
(0935)
    Quant à ce qu'il faut faire pour corriger le projet de loi, le ministère des Transports se préoccupe certainement davantage des aspects maritimes. Ses fonctionnaires connaissent certainement très bien les dispositions du droit maritime qui visent la pollution. Je pense que s'ils étaient consultés, ils pourraient régler certains de ces problèmes.
    Transports Canada pourrait corriger ce projet de loi?
    Je pense qu'ils pourraient régler certains de ces problèmes.
    Et aucun d'entre vous n'a été consulté par Transports Canada?
    Madame Arsoniadis Stein.
    Au sujet des consultations de Transports Canada, lorsque j'ai lu un article au sujet de ce projet de loi dans le journal, j'ai immédiatement envoyé un courriel à nos contacts à Transports Canada, ainsi qu'au directeur général d'Environnement Canada et à son groupe. Ils se trouvaient à Londres pour les réunions de l'OMI. Ils m'ont répondu par courriel. Ils n'étaient pas au courant de ce projet de loi.
    Je leur ai parlé ici hier et ils m'ont dit: « Kaity, c'est votre lettre qui nous a informés de l'existence de ce projet de loi ». J'ai accompagné le groupe à l'OMI, pour la 58e session du Comité de la protection du milieu marin en octobre et je peux vous dire qu'il a été question du projet de loi C-15.
    J'ai quelques exemples. Je ne sais pas si vous aimeriez que je vous lise des extraits de cette circulaire.
    Nous devons passer à M. Bigras, mais auparavant, j'aimerais poser une question. Pouvez-vous nous dire qui sont vos contacts à Transports Canada? Ou alors à quel niveau, DG ou SMA?
    Le DG, ainsi que les représentants de Transports Canada à l'OMI.
    Nous passons maintenant à M. Bigras.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ce dossier comporte un aspect très politique. On peut effectivement dénoncer le peu de consultation faite par le gouvernement, mais une fois le projet de loi rendu au comité, il est de la responsabilité des parlementaires de l'étudier. On peut être d'accord ou non avec les témoins. C'est la raison pour laquelle il était important de recevoir aujourd'hui les gens de l'industrie et les travailleurs qui sont touchés par cette question.
    J'ai lu vos mémoires, et la ligne dominante de la plupart d'entre eux est de demander au comité de déposer des amendements visant à restaurer la présomption d'innocence. Je pense que c'est assez important, tant pour l'industrie que pour les travailleurs.
    Y a-t-il déjà eu des décisions de la Cour suprême? Je pense à la décision de 1978 impliquant Sault Ste. Marie, selon laquelle le principe de responsabilité stricte a été établi par la Cour suprême du Canada en 1978. Depuis l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, la Cour suprême a statué que les peines de responsabilité stricte ne contreviennent pas à la Charte, même si elles peuvent mener à une peine d'emprisonnement.
    Concernant la responsabilité stricte, la Cour suprême s'est déjà prononcée. En conséquence, la responsabilité stricte ne signifie pas présomption de culpabilité.
     Vous avez bien fait de nous parler du projet de loi C-15, mais on aurait pu aussi parler du projet de loi C-34. De la façon dont sont libellées certaines dispositions du projet de loi C-15, il est permis de croire qu'un juge pourrait accepter de blanchir de toute responsabilité pénale un capitaine, un propriétaire, un mécanicien ou un dirigeant qui démontrerait avoir agi avec toute la diligence voulue. Le principe de diligence prévu dans les lois est donc intégré.
    En dernier ressort, ce principe de diligence prévu dans le projet de loi C-15 pourrait peut-être vous permettre de démontrer à la cour que vous avez mis en place les mesures nécessaires.
    J'aimerais vous entendre sur ce que la Cour suprême a déjà statué et comment ça pourrait faire jurisprudence dans le cas qui nous occupe. Ne doit-on pas tenir compte, comme parlementaires, des décisions de la Cour suprême lorsque vient le temps d'étudier un projet de loi? Je vous le dis bien franchement, je ne suis pas un avocat. Or ça semble être un débat d'avocat.
(0940)

[Traduction]

    Tout d'abord, je dois vous dire que je ne suis pas criminaliste; je suis avocat en droit maritime, et je ne traite donc pas avec les cours pénales.
    L'affaire Sault Ste. Marie dont vous parlez est certainement une affaire très bien connue que je me rappelle avoir étudiée lorsque je faisais mon droit. Mais nous parlons de quelque chose de différent de l'enjeu de Sault Ste. Marie. Nous parlons de lois qui prévoient des amendes extrêmement élevées et des peines d'emprisonnement. C'est tout à fait autre chose que l'infraction quasi criminelle de responsabilité stricte normale. Étant donné l'importance des sanctions et en raison même de leur importance, l'opprobre que suscite ce genre d'infraction les apparente davantage à une infraction criminelle qu'à une infraction réglementaire quasi criminelle.
    Je pense qu'il est également important de savoir que l'imposition de ce qui est perçu comme étant des sanctions pénales injustes contre des gens de mer à la suite d'incidents de pollution maritime suscite énormément de préoccupations au niveau international. Bon nombre d'entre nous se rappellent de l'incident impliquant le Prestige, dont le capitaine a été détenu pendant... deux ans, je pense, et celui du Hebei Spirit, en Corée, dont le capitaine et le chef mécanicien sont toujours détenus.
    Cette tendance à imposer automatiquement, sans vraiment suivre le cours normal, des sanctions excessives et des peines d'emprisonnement suscitent de réelles inquiétudes: on dirait presque que la Grande Charte et l'historique de l'application régulière de la loi et de l'importance de ses concepts ont été oubliés.

[Français]

    Vous dites que le projet de loi intègre des peines minimales d'emprisonnement. Est-ce exact?

[Traduction]

    Je ne dis pas que le projet de loi prévoit des peines minimales. Je dis que les peines sont très sévères.

[Français]

    D'accord.
     Je n'ai plus de questions, monsieur le président.
    Madame Duncan, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous les trois d'être venus me rencontrer. Je vous en suis très reconnaissante. J'aurais aimé pouvoir passer plus de temps avec vous pour que vous me fassiez part de vos préoccupations. Si cela peut vous rassurer, le comité passera en revue tous les amendements avec les avocats et le personnel des ministères, et nous pourrons ainsi les interroger de façon plus poussée sur les contradictions dans la loi et sur d'autres questions. Nous avons besoin que vous nous expliquiez votre point de vue de façon plus complète pour que nous puissions ensuite soulever avec le ministère de la Justice les questions qui font problème.
    Nous avons eu une bonne discussion hier soir sur vos inquiétudes quant à la responsabilité stricte. Je dois l'avouer, je ne suis toujours pas convaincue qu'il s'agirait de responsabilité stricte. J'ai remarqué qu'on avait modifié les deux dispositions. Je compte bien demander aux avocats du gouvernement de nous expliquer pourquoi ils ont maintenant décidé d'ajouter le « et », à savoir le « capitaine du bâtiment... et son mécanicien en chef ».
    J'ai une question à poser, et j'invite l'un ou l'autre des témoins à y répondre. Quelle est la relation à bord entre le capitaine et le mécanicien en chef?
(0945)
    Le capitaine est celui qui commande le bâtiment et qui est responsable de tout ce qui s'y passe. Le mécanicien en chef est responsable de tout ce qui touche le fonctionnement mécanique. Le capitaine est le maître à bord.
    Quel est le lien hiérarchique? Le mécanicien doit-il faire ce que lui commande le capitaine, ou est-ce le contraire? Sont-ils soumis aux ordres qui viennent d'ailleurs? J'ai besoin de comprendre le lien hiérarchique.
    Le mécanicien en chef a un degré élevé de responsabilité, d'autorité et d'autonomie, mais il relève du commandant.
    Le commandant, c'est le capitaine?
    Exactement.
    Ainsi, le capitaine est le commandant du bâtiment. Il me semble qu'il s'agit là d'un des changements importants qui retient mon attention parmi ceux que vous avez soulevés. Je compte bien en parler avec les représentants du ministère, leur parler du fait que, dans la première partie, on parle du capitaine ou du mécanicien en chef, puis, tout d'un coup, les deux deviennent responsables. Je suis donc impatiente de leur poser la question.
    J'avoue que, malgré vos vaillants efforts, et je compte toujours soulever la question avec les représentants du ministère... Je vous remercie pour vos explications sur la Convention des Nations Unies sur les droits de la mer, et j'espère toujours que le ministère nous présentera une séance d'information. Peut-être que nos analystes de la bibliothèque pourraient nous préparer un résumé qui décrirait, d'une part, l'UNCLOS et les autres textes juridiques internationaux et, d'autre part, notre loi à nous, qui est le mécanisme de mise en oeuvre, pour que nous puissions voir exactement en quoi consistent ces dispositions et comment elles se comparent à notre loi, parce qu'il est difficile d'en arriver à une conclusion sans être mieux renseigné.
    Il y a une chose qui me tracasse, et j'aimerais que quelqu'un...
    Je voulais ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Giaschi tout à l'heure, à savoir qu'il est important de noter que non seulement ces conventions prévoient une responsabilité limitée, mais elles précisent également qui doit payer pour l'assainissement. Elles indiquent que ce n'est pas là la responsabilité des gens de mer, et elles stipulent d'où l'argent doit venir. Dans le cas d'un bâtiment assujetti à la convention qui transporte du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants, l'argent vient en premier de la franchise élevée que doivent payer les propriétaires de navires. Le reste provient du fonds international pour les déversements de pétrole.
    Je pourrais peut-être demander à monsieur Giaschi s'il y a une disposition selon laquelle, en cas d'insuffisance du fonds, le pays touché aurait d'autres recours pour chercher à récupérer l'argent effectivement dépensé pour l'assainissement.
    Il y a divers fonds qui interviennent à divers niveaux. Tout d'abord, le navire détient un certificat de responsabilité financière. Le navire possède une garantie financière donnée par un club international de P et I ou par une compagnie d'assurance internationale. On présente une demande à la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, qui se trouve au Canada. Une fois ce fonds-là épuisé, on peut présenter une demande au Fonds international d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, et une fois ce fonds-là épuisé, on peut avoir recours au fonds supplémentaire, que le Canada est en train de mettre sur pied. Je ne me souviens pas quels sont exactement les montants.
    Donc il n'existe pas de disposition leur permettant de se prévaloir des procédures et lois de leur propre pays?
    Cela n'est pas nécessaire en raison de ces fonds qui existent déjà, qui s'élèvent à 290 millions de dollars. C'est un montant énorme.
    J'ai quand même l'impression — et peut-être que le secrétaire parlementaire, lorsqu'il pose ses questions, pourrait y apporter une clarification — que le Parlement va bientôt être saisi d'un autre projet de loi sur la responsabilité en matière maritime. Ce projet de loi traite de cette question et met en oeuvre les nouvelles conventions internationales et ainsi de suite.
    Il s'agit du projet de loi C-7.
    D'accord. Je ne peux pas parler au nom du gouvernement. Peut-être qu'ils vont modifier ces lois deux fois, quand ce projet de loi sera adopté. C'est difficile pour nous, l'opposition, parce que nous ne sommes pas en mesure de connaître toute la gamme de lois qui pourraient changer.
    Tout ce que le projet de loi C-7 vise, c'est la mise en oeuvre de la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par du combustible de soutes. Il met en oeuvre le protocole du fonds complémentaire et met à jour d'autres aspects de la Loi sur la responsabilité en matière maritime dans le contexte de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires.
    S'il me reste encore du temps, j'aimerais poser une question supplémentaire à M. Boucher.
    Je suis ravie d'avoir fait votre connaissance et j'aimerais pouvoir disposer de plus de temps pour pouvoir discuter de vos préoccupations, parce qu'elles sont liées à ces lois. Je comprends que certaines des personnes qui travaillent dans cette industrie ont des préoccupations particulières. Lorsqu'on ajoute ces dispositions, et lorsque le gouvernement vise une plus grande déréglementation et l'auto-inspection de ces navires, vous vous préoccupez de ne pas être en mesure de soulever vos préoccupations et de faire preuve de diligence raisonnable. Aimeriez-vous en parler?
(0950)
    C'est exact. D'après nous, cette déréglementation, cette auto-inspection et cette autoréglementation nous proviennent du secteur de l'aviation, tout comme les sanctions administratives pécuniaires. Nous voyons que cette déréglementation et cette auto-inspection commencent à voir le jour dans le secteur maritime. Cela ne pose pas de problème peut-être pour les compagnies de bonne réputation, les compagnies que nous connaissons et avec lesquelles nous sommes à l'aise. Sur le plan réglementaire, cela pourrait également convenir. Mais nous ne sommes pas à l'aise avec ces entreprises qui n'ont pas les mêmes scrupules et qui sont partout, ce qui met le fardeau de la preuve, ainsi que le fardeau financier et les craintes de représailles sur le dos des gens de mer. Parce que, dans ces cas-ci, il incomberait aux gens de mer de faire l'autoréglementation et l'auto-inspection, tout comme on le fait dans le secteur de l'aviation.
    Nous n'avons pas encore vu d'analyse, du côté de l'aviation, qui montre qu'une telle façon de faire renforce la sécurité ou la protection environnementale. Et on voit que ce processus commence à s'étendre au secteur maritime. À notre avis, il s'agit du premier empiètement. Un tel processus pourrait bien marcher dans le cas de grandes entreprises qui sont déjà très bien réglementées et qui sont dotées d'un bilan excellent, mais élargir cette possibilité pour inclure ces autres entreprises, qui ont moins de scrupules, est source pour nous de graves préoccupations.
    Merci, monsieur Boucher.
    Monsieur Woodworth, vous avez la parole.
    Étant donné que je suis le seul avocat ici, du côté ministériel, j'ai énormément de questions que j'aimerais vous poser.
    Au départ, permettez-moi de dire que j'ai lu le projet de loi et les amendements et que j'estime que notre ministère de la Justice a fait de l'excellent travail. Le ministère a abordé la plupart, sinon tous les points soulevés ici ce matin.
    Dès le dépôt du projet de loi, un courriel a été envoyé à tous les intervenants connus du gouvernement. Je ne sais pas si quelqu'un ici ne l'a pas reçu, ou s'il n'était pas sur la liste.
    Manifestement, l'industrie dans son ensemble ne l'a pas reçu.
    Je sais que le gouvernement a consulté Transports Canada, donc je n'ai aucune plainte à formuler sur la façon de procéder du gouvernement.
    Ce matin, je dois dire, pour rester poli, que j'ai entendu des opinions juridiques qui sont, à tout le moins, très contestables, pour ne pas dire douteuses — il y en a trop pour que j'essaie d'y répondre dans le temps dont je dispose. J'espère qu'à tout le moins le comité permettra au gouvernement de répondre par écrit aux questions juridiques et de forme qui ont été soulevées ce matin et qui sont un peu difficiles à régler quand on a juste sept minutes pour nos questions.
    Cela étant dit, je suis heureux que M. Bigras ait signalé qu'en fait la « responsabilité stricte » n'exclut pas la présomption d'innocence. Je suis heureux que Mme Duncan ait signalé que les dispositions de ce projet de loi ne concernent pas des infractions de responsabilité stricte pour lesquelles une peine d'emprisonnement poserait un problème, mais des infractions de responsabilité stricte pour lesquelles la Cour suprême a déjà déterminé que l'emprisonnement n'est pas un problème.
    J'aimerais aborder une ou deux choses qui sont assez simples. Je m'adresse d'abord à M. Giaschi sur la question de la valeur de non-usage, qui est mentionnée à l'article 12, page 19, dans le nouvel article 50.91, que M. Giaschi, je présume, connaît.
    Vous rappelez-vous vos études de droit et le dicton « la mention de l'un implique l'exclusion de l'autre »?
    Je connais le dicton.
    Que je sache, il reste vrai. Êtes-vous d'accord?
    Eh bien, oui.
    Si une chose est mentionnée, cela veut dire que d'autres choses sont exclues, de manière générale, par interprétation.
    Avez-vous examiné le nouveau paragraphe 50.91(4) du projet de loi au sujet de la valeur de non-usage? Je vais vous le lire:
Pour l'application des alinéas (2)a) et b), le dommage comprend la perte des valeurs d'usage et de non-usage.
    C'est le seul endroit, du moins dans ce groupe de modifications, où je trouve l'expression « valeur de non-usage ». Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que cela concerne uniquement les circonstances aggravantes à prendre en considération pour la détermination de la peine, aux termes des alinéas 50.91(2)a) et b)?
    Connaissez-vous cette disposition?
(0955)
    Oui, je la connais en ce sens que je l'ai lue.
    Ce que je vous dit, c'est que la « valeur de non-usage » dans cette disposition concerne exclusivement et expressément la « valeur de non-usage », aux fins de déterminer les circonstances aggravantes et ne concerne en rien l'indemnisation.
    Non, mais lorsque le tribunal détermine le montant des amendes, il peut prendre en compte ces facteurs, et les amendes seront...
    Pas en raison de cette disposition, ni en raison de quoique ce soit dans ce projet de loi.
    Le seul moment où le tribunal peut prendre en compte la valeur de non-usage en vertu de la loi, c'est pour déterminer s'il y a des circonstances aggravantes, et non pas pour déterminer l'indemnisation. Si vous pouviez me montrer une seule disposition de ce projet de loi qui prévoit que la valeur de non-usage servira à déterminer les dommages-intérêts compensatoires, vous auriez un peu plus de chance de me convaincre, mais j'ai cherché et je n'en ai pas trouvé.
    Pouvez-vous me citer une seule décision judiciaire où le tribunal a ordonné une indemnisation en invoquant une disposition sur les circonstances aggravantes? Êtes-vous au courant d'une telle décision?
    Je pense qu'il n'existe aucune loi de ce genre qui a cet effet.
     C'est juste. Je dois donc vous dire que vous ne m'avez pas du tout convaincu que la valeur de non-usage est un facteur à prendre en considération pour l'indemnisation.
    Je peux comprendre pourquoi certains expéditeurs internationaux seraient un peu inquiets si c'est le genre d'information qu'on leur fournit. Alors auriez-vous l'obligeance de leur dire, de notre part, que dans ce projet de loi, il n'y a pas de rapport entre la valeur de non-usage et la question de l'indemnisation, que c'est seulement une circonstance aggravante? Si vous leur dites cela, peut-être qu'ils se sentiront un peu rassurés.
    Est-ce qu'il me reste encore quelques minutes?
    Madame Arsoniadis, voulez-vous répondre?
    Oui, très brièvement.
    Ni l'International Ship-Owners Alliance of Canada, ni nos membres n'ont retenu les services de Me Giaschi pour parler en notre nom. Nos préoccupations —
    Je pensais qu'il en avait lui-même parlé aujourd'hui.
    Oui, mais au nom de l'Association canadienne de droit maritime.
    Dans ce cas, je vous pose les mêmes questions.
    Très bien. J'aimerais parler de la présomption d'innocence et du renversement du fardeau de la preuve.
    Excusez-moi madame, mais ma question portait sur la valeur de non-usage. Y a-t-il une disposition de cette loi permettant d'invoquer la valeur de non-usage pour déterminer des dommages-intérêts, plutôt que pour déterminer s'il y a des facteurs aggravants?
    Nous n'avons rien contre cet élément de la loi. Nous ne le mentionnons même pas dans notre mémoire.
    Voilà pourquoi ce n'est pas à vous, mais bien à Me Giaschi que j'adressais ma question.
    Mon temps est-il écoulé?
    Non, pas tout à fait, mais nous pouvons peut-être passer à un autre intervenant.
    Prenez-vous de mon temps?
    Dans ce cas, je peux continuer?
    Merci.
    Ma prochaine question —
    Non, monsieur Woodworth. Passez-vous à un autre sujet?
    Oui.
    Quelqu'un voudrait-il réfuter les propos de M. Woodworth sur cet élément précis avant que nous passions à autre chose —
    J'invoque le règlement, monsieur le président. Sauf le respect que je vous dois, c'est le temps de parole de M. Woodworth —
    Je vais donc lui accorder du temps.
    À mon avis, il ne vous appartient pas de décider s'il doit utiliser son temps de parole pour entendre ceux qui voudraient réfuter ces propos. Son temps lui appartient. Il devrait pouvoir l'utiliser pour parler du sujet qu'il veut et pour interroger qui il veut.
    Je ne dis pas le contraire, mais je crains qu'il y ait un certain malentendu, et avant de passer à autre chose —
    Il n'y a aucun malentendu, monsieur le président.
    Je pensais que le témoin avait répondu à mes questions.
    Les témoins n'ont rien à ajouter?
    Je vous demande pardon. Je pensais qu'il voulait nos réactions à la question de la responsabilité stricte ou absolue liée à la charte.
    Non, ce n'était pas le sujet de mes questions.
    Très bien, poursuivez, monsieur Woodworth.
    J'ai bien une question à poser à madame Arsoniadis, au sujet du paragraphe 20(2) du projet de loi, dont elle a fait mention. J'ai oublié le numéro de page, mais c'est l'article qui traite des modalités administratives et des sanctions administratives pécuniaires qui permettent de se fonder sur la prépondérance des probabilités plutôt que sur une preuve au-delà de tout doute raisonnable.
    Pourriez-vous m'indiquer le numéro de page, si vous l'avez? Sinon, ce n'est pas grave.
    Parlez-vous des trois lettres qui sont mentionnées dans le mémoire?
    Non, je parle de ce que vous avez dit ce matin au sujet du paragraphe 20(2) du projet de loi.
    Ce matin même? Je n'ai pas fait mention d'un article quelconque.
(1000)
    Très bien. J'aimerais alors vous poser une question. Savez-vous que les critères de la prépondérance des probabilités ne s'appliquent pas à toutes les dispositions du projet de loi C-16, mais bien seulement aux sanctions administratives pécuniaires?
    Oui, je le sais, et la façon dont nous aimerions présenter ceci, c'est que puisque le projet de loi C-16 porte les pénalités à 6 millions de dollars, et à 12 millions pour les infractions graves sous le régime de la responsabilité stricte, nous ne contestons pas l'augmentation des pénalités.
    Non, je parle de la prépondérance des probabilités, dont vous avez parlé.
    J'y arrive.
    Ce qui nous inquiète, vu le renforcement de l'application des règles et l'imposition d'amendes très lourdes, ce qui...
    Pas dans le cas des sanctions administratives.
    Non, en vertu des dispositions d'application des lois du projet de loi C-16.
    Mais vous avez dit comprendre que la prépondérance des probabilités ne s'applique pas systématiquement au projet de loi C-16.
    Je pense que j'ai mal compris la question.
    Je le pense aussi.
    Entendu, nous allons passer à Mme Sgro.
    Merci beaucoup.
    Je ne suis pas une permanente, je suis le substitut de mon collègue, qui est à Vancouver ce matin, et je viens donc ici sans la moindre préparation, qu'il s'agisse du C-15 ou du C-16.
    Une voix: Eh bien, soyez la bienvenue.
    L'hon. Judy Sgro: Oui, merci. Je pense qu'il y en a d'autres comme moi.
    Malgré cela, je dois dire que je suis renversée par les propos que vous avez tous tenus à propos de quelque chose d'aussi important pour le Canada et par le fait d'après ce que vous avez dit, qu'il n'y a pas eu de consultation. Vous parlez de l'examen article par article et de faire venir des représentants du ministère des Transports pour obtenir des réponses. Il me semble que le processus est bien trop avancé pour entendre aujourd'hui quatre personnes comme vous, qui représentent un secteur majeur de l'économie canadienne.
    Comment se fait-il que vous veniez ici aujourd'hui, au stade où en est ce texte?
    Eh bien, nous sommes habitués à être consultés tôt et sérieusement. Mon groupe ne s'occupe que des transports maritimes, si bien que notre centre d'intérêt est bien circonscrit. C'est à nous que l'on s'adresse. Les hauts fonctionnaires nous consultent régulièrement. Nous estimons que les avis que nous avons formulés pendant de nombreuses années au sujet de la législation des transports ont été prisés et appréciés. L'inverse est vrai. Les explications qui nous ont été données pendant ces discussions et ces consultations nous ont rassurés vis-à-vis d'une loi très controversée applicable à tout l'éventail des transports maritimes et, pour moi et pour Peter, du côté des transporteurs maritimes en particulier, des questions qui touchent les transporteurs maritimes dans chacun des modes que nous représentons.
    Pourtant, dans ce cas-ci, les consultations ont été tenues beaucoup plus tard que ce qu'ont dit certains de mes collègues. Il n'y a qu'une semaine ou deux que nous sommes devenus au courant de ceci. On nous a donné l'occasion de comparaître ici... On en a eu vent avant-hier, ce qui est excellent, puisque nous avions demandé à comparaître et nous sommes heureux de le faire. Mais les consultations au niveau bureaucratique au gouvernement n'ont eu lieu qu'hier. C'est bien la raison pour laquelle nous nous sentons coincés ici.
    Si vous me permettez, lorsque le projet de loi C-15 est entré en vigueur le 28 juin 2005, notre groupe était très inquiet. J'ai été embauché en juillet 2005. J'avais pour mission de travailler avec le gouvernement pour essayer de faire adopter une modification des mesures prévues par ce projet de loi. Au moment où j'ai été embauché, nous disposions d'avis juridiques qui nous disaient qu'il s'agissait d'un problème constitutionnel. Nous avons alors demandé trois autres avis juridiques pour être certains que nous avions bien compris. Par la suite, j'ai travaillé très étroitement avec Environnement Canada et Transports Canada et même comme conseillère auprès de l'équipe à l'OMI.
    Pendant nos échanges officieux sur la question — qui est très importante pour nous, et ils le savent — ils ont dit, vous savez, Kaity, si vous nous avions contacté quand vous étiez au Sénat pour dire que le seul changement que vous vouliez était de rétablir la présomption d'innocence et pas toute une liste d'autres points... Par exemple, les agents de protection de la faune devaient procéder à des arrestations, et l'industrie craignait que les gens qui ne connaissaient pas bien l'industrie allaient être de l'autre côté, à appliquer les lois. Une pile de demandes a donc été déposée. Ils m'ont répondu que si l'on s'était contentés de cette seule demande, ils auraient sans doute pu faire quelque chose.
    Nous travaillons avec eux depuis quatre ans. Nous avons donc été choqués de voir ça tomber, à notre insu. Ils nous ont dit qu'ils n'étaient pas au courant non plus. C'est pourquoi nous sommes encore une fois ici devant vous pour demander un seul amendement ou un seul énoncé affirmant que le droit de présomption d'innocence sera exprimé clairement dans les neuf textes législatifs que l'on est en train d'uniformiser.
    Merci.
(1005)
    Je ne saurais imaginer que cela puisse survivre à une contestation en vertu de la Constitution. Grand Dieu, nous sommes au Canada et il y a présomption d'innocence. Pour moi, cela va tout à fait à l'encontre de ce principe.
    Nous allons maintenant passer à M. Warawa.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus.
    J'aimerais d'abord discuter du projet de loi C-15, qui remonte à 2005, et dont vous avez parlé. Comme M. Guinty a soulevé la question, il a été dit, je pense, que là aussi les consultations avaient été limitées. Il s'agissait du projet de loi concernant les oiseaux victimes de déversement d'hydrocarbure en mer. C'était pendant la 38e législature et le texte est devenu loi en 2005.
    Je suis certain que vous savez qu'il existe actuellement des dispositions de diligence raisonnable dans la LCPE et la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, n'est-ce pas?
    Je vais vous appeler par votre prénom, Kaity, si vous me le permettez.
    Volontiers.
    Vous savez donc que ces dispositions existent déjà?
    Nous le savons.
    Avez-vous fait connaître vos inquiétudes selon lesquelles ces dispositions seraient anticonstitutionnelles en 2005?
    Je pense que c'est survenu dans le cas de l'ancien projet de loi C-15 parce que le libellé du texte qui modifiait la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la LCPE visait si directement le capitaine et son second — essentiellement ceux qui s'occupaient des opérations de transport maritime, les membres du conseil d'administration et les agents des entreprises. Le texte visait donc expressément ce groupe.
    Mais ce n'est pas ma question. Avez-vous exprimé vos inquiétudes au sujet du fait que les dispositions de diligence raisonnable n'étaient pas constitutionnelles?
    Je dois être honnête et dire que ce n'est pas quelque chose à quoi je réfléchis.
    Monsieur Lahaie, en avez-vous des souvenirs?
    Cela faisait partie de notre argumentaire devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
    Oui, très bien. Merci.
    Ces inquiétudes ont donc été soulevées en 2005 et il est question aujourd'hui des mêmes inquiétudes ou d'inquiétudes semblables au sujet de la diligence raisonnable.
    Il y a donc similitude ici?
    Il y a similitude.
    Merci.
    Ma deuxième question porte sur ce que vous avez dit Kaity et d'autres au sujet d'accidents ou d'actes non intentionnels, et les mémoires remis au comité laissent entendre que les lois modifiées par le projet de loi feront qu'il sera possible de trouver coupables d'accident les particuliers et les compagnies de transport maritime. Si je comprends bien, quand un capitaine ou un dirigeant de compagnie peut prouver qu'il a pris les mesures raisonnables pour ne pas enfreindre une loi, il ne peut pas être déclaré coupable d'une infraction. Si c'est le cas, comment risque-t-il d'être condamné s'il s'agit d'un simple accident?
    C'est à cause du libellé employé. Il est dit que le procureur doit prouver que la substance est entrée dans l'eau. Le procureur doit donc prouver que l'acte est survenu. À partir de là, ça capture un groupe de gens qui sont maintenant coupables jusqu'à ce qu'ils aient prouvé leur diligence raisonnable.
    Ça n'inclut donc pas l'intention coupable dans la première partie de ce que la Couronne essaie de prouver; il ne s'agit que de l'acte coupable. Il y a ensuite inversion du fardeau de la preuve, et le résultat est que ces gens sont maintenant considérés coupables jusqu'à ce qu'ils puissent prouver leur innocence. C'est ça qui nous inquiète.
(1010)
    Prenons un cas hypothétique. S'il survient un déversement illégal et nous savons que quelqu'un à bord du navire est coupable de l'acte, le fardeau de la preuve est inversé.
    Si vous me permettez, il y a des cas dans les opérations maritimes où il peut survenir une fuite pour une raison technique et cela ne signifie pas forcément que quelqu'un peut en être tenu coupable. Il peut s'agir d'une défaillance mécanique. Dans ce cas, ce n'est pas reconnu dans la loi qui est proposée.
    Et s'ils peuvent prouver qu'ils ont pris les mesures raisonnables pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'infraction de la loi, ils ne seraient pas reconnus coupables.
    Et c'est à partir de ce moment-là qu'ils doivent retenir les services d'avocats et passer en jugement pour établir qu'ils ont fait preuve de diligence raisonnable; mais essentiellement ils sont épinglés et si pour une raison ou pour une autre ils ne peuvent pas montrer leur diligence raisonnable, ils auront un casier judiciaire et une peine d'emprisonnement.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    À peu près 20 secondes.
    Très bien. Dans ce cas j'ai terminé. Merci.
    Merci, monsieur Warawa.
    Monsieur Ouellet ou monsieur Bigras.

[Français]

    Pour faire le lien avec ce que M. Warawa disait, il me semble qu'il y a eu une décision de la cour dans l'affaire Gulf of Georgia Towing Co. C'était un exemple de notion de diligence requise, interprétée dans un contexte de déversement de pétrole. On disait que:
Dans cette affaire, le juge a déterminé qu'il ne suffisait pas que l'entreprise embauche des employés soigneux et qu'elle leur dise de ne pas laisser les valves ouvertes, car les erreurs sont inévitables.
    C'est aussi ce que vous avez dit, madame. Mais on ajoutait aussi que:
Vu la gravité des conséquences d'un déversement accidentel, l'entreprise devrait prendre des mesures additionnelles pour prévenir un tel accident, par exemple par l'installation de système d'alarmes et de mécanismes de verrouillage des valves. 
    Il me semble qu'une cause a quand même déjà été évaluée, mais ce n'était pas le sens de ma question.
    Ma question porte sur l'impact que peuvent avoir de telles dispositions sur les travailleurs maritimes, eux-mêmes. Je pense à l'article 13.15 de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, qui se trouve à la page 145 et qui dit qu'aux termes de cette disposition, le capitaine ou le chef-mécanicien peuvent être tenus pour responsables d'une infraction commise par une personne se trouvant à bord du bâtiment, sauf s'ils peuvent montrer qu'ils ont fait preuve de diligence requise pour prévenir la perpétration de l'infraction. 
    Si une directive est donnée par le capitaine du bateau à un travailleur qui connaît la situation et qui estime ne pas devoir poser un geste qui peut avoir des conséquences environnementales et, par conséquent, le rendre coupable d'une infraction, cela ne causera-t-il pas un problème interne?
    Si la directive est donnée par le capitaine et que le travailleur de première ligne sur le bateau décide d'appliquer la directive du patron, le travailleur ne risque-t-il pas d'être reconnu coupable d'une infraction alors que la responsabilité, sur le bateau, revient au capitaine?
    Ne se trouve-t-on pas à accuser le travailleur de première ligne, alors que des décisions doivent se prendre sur le bateau, et être déterminées par l'entreprise?

[Traduction]

    À bord d'un navire, la vie est très complexe. Il y a toutes sortes de procédures différentes, de procédures opérationnelles, de procédures de compagnie, de machinerie technique, de relations interpersonnelles, de degrés de compétence, tout ce genre de choses. Il y a interrelation entre tout. La compétence de l'équipage monte et descend la chaîne en termes de performance de la sécurité du navire. Ce sont des navires qui viennent au Canada chaque jour pour approvisionner notre commerce international et effectuer le commerce du Canada à l'étranger et nationalement.
    Je ne suis pas un avocat. Je prends très au sérieux les inquiétudes du gouvernement et de la justice.
    Monsieur Woodworth, je ne pourrais même pas répondre à vos propos, je ne les comprends même pas. Mais je sais ce qu'est la vie à bord d'un navire. Je peux vous dire qu'il peut y avoir un accident. Un membre d'équipage pourrait faire quelque chose par erreur ou même intentionnellement qui pourrait toucher le capitaine et le mécanicien en chef. Parce qu'on parle d'un navire... Les navires qui vont à l'étranger ont 24 ou 25 membres d'équipage à bord. Les autres en ont habituellement moins — un remorqueur en a cinq ou six, ou même trois ou quatre parfois — de sorte qu'il est plus facile de gérer les risques. Plus il y a de monde, plus le navire est complexe, plus les risques inhérents sont grands. Si un membre d'équipage doit défendre une chose comme ça... Parce que c'est une chose si le capitaine peut montrer qu'il y a eu diligence raisonnable; la position du gouvernement c'est qu'il finira par être déclaré innocent. Mais le problème c'est qu'il aura peut-être à débourser 500 000 $ en frais juridiques et qu'il aura perdu sa maison, sa vie entière. On pense que ça vise la mauvaise chose.
    Peut-être que M. Giaschi aimerait revenir là-dessus à un moment donné. En anglais, un navire est toujours de sexe féminin parce qu'on le considère comme une personne. On peut arrêter un navire. De sorte que s'il y a une violation contre un navire dans la conduite du transport des marchandises, alors on peut s'en prendre au navire. Cela est tout changé, pour ce qui est de la pollution maritime en tout cas. Dans beaucoup d'autres lois, je pense que s'il y a un cas de faillite et que quelqu'un doit de l'argent à quelqu'un d'autre pour du carburant ou pour du ravitaillement, ou le salaire de l'équipage, ou autre chose de ce genre, il n'est pas question d'inverser le fardeau de la preuve; on parle de vraies lois, car les gens doivent prouver ce qu'ils avancent et se défendre.
    C'est à peu près la perspective. Nous voyons ça du point de vue des travailleurs sur la ligne de front vis-à-vis de cette loi. J'ai deux enfants et je peux vous dire que je ne vais pas leur permettre d'être transporteurs maritimes — à moins qu'ils désobéissent à leur père. C'est ridicule. Un jeune qui a le moindre talent ne devrait pas se lancer dans ce domaine. Au même moment, Ressources humaines et Développement des compétences Canada vient de mettre sur pied un conseil sectoriel parce que nous reconnaissons que notre âge médian pour les matelots et les officiers au pays tourne autour de 53 ou 55 ans, comme c'est le cas pour beaucoup d'autres choses. Déjà nos navires ne naviguent pas par manque d'équipage. En toute bonne conscience, on ne peut pas recommander que l'équipage se recycle pour travailler à bord de ces navires vu les risques actuels et l'accroissement des risques inhérents.
(1015)
    Je peux vous assurer que le comité n'a nullement l'intention de créer des problèmes familiaux pour quiconque.
    Nous allons passer à M. Calkins.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécie beaucoup les propos que j'entends aujourd'hui. Cela fait beaucoup de bien d'entendre le point de vue de l'industrie.
    Ma question — et ceci s'adresse à tous les députés qui sont ici — porte sur les espèces aquatiques envahissantes. Si vous consultez le site Web du ministère des Pêches et des Océans, vous trouverez ceci:
Les espèces aquatiques envahissantes (EAE) sont déjà responsables de la décimation de quelques espèces de poissons indigènes et du déclin de pêches importantes au Canada. Le manque à gagner et les coûts des mesures de lutte contre les envahisseurs se chiffrent à plusieurs milliards de dollars par année. Le Canada, doté de volumineuses ressources en eau douce et d’un immense littoral, est particulièrement vulnérable à cette menace.
    Si vous défilez l'écran vers le bas et regardez le nombre d'espèces aquatiques envahissantes qui sont énumérées, on dit que la lamproie marine a été introduite dans les Grands Lacs par le biais des eaux de lest des navires et que la moule zébrée a envahi les Grands Lacs de la même manière. À votre connaissance, quelqu'un dans votre industrie a-t-il déjà eu à rendre des comptes pour l'introduction de ces espèces aquatiques envahissantes? On parle ici du crabe vert, de l'ascidie plissée, du bigorneau perceur japonais, du gobie arrondi dans les Grands Lacs, de l'écrevisse américaine et ainsi de suite. Que ce soit sous le régime d'une loi environnementale ou de transfert, ou de la Loi sur la marine marchande du Canada, quelqu'un a-t-il jamais eu à rendre des comptes pour les millions de dollars de dégâts causés par les espèces aquatiques envahissantes?
    J'aimerais entendre votre réponse.
    Le problème a toujours été et est toujours de déterminer qui a introduit telle ou telle espèce dans les eaux. La réponse est non, mais il y a eu beaucoup de cas où l'on a constaté que des navires avaient emmené des espèces alors qu'ils n'auraient pas dû et où ils ont été contraints de rendre des comptes, c'est-à-dire de revenir et de nettoyer la contamination qui a pu se produire.
(1020)
    Outre les dispositions d'exécution, renforcées par la législation et les amendements proposés au projet de loi C-16, que peut faire l'industrie pour rassurer les gens autour de cette table qu'elle a les choses bien en main pour éviter que ce problème ne se pose, pour qu'on n'ait pas à veiller à l'application des lois?
    Je peux vous assurer que cette question figure en tête de liste de l'agenda mondial. À l'OMI, nous nous sommes entendus sur une convention en octobre, qui sera appliquée très prochainement. Nous avons des groupes de travail qui s'y consacrent, non seulement à l'OMI mais dans tous les pays qui font du transport maritime. C'est la priorité du programme, c'est une grave question — nous l'admettons. Et il y a des mesures et des choses qui se font de manière très progressiste.
    Allez-y. Je ne veux pas vous interrompre si vous avez autre chose à dire.
    Non, nous ne le nions pas, nous sommes d'accord. Il faut que le pollueur paie. Ce n'est pas cela que nous contestons. S'il y a pollution, il doit y avoir dédommagement. Que ce soit une amende de 6 millions ou de 12 millions de dollars, nous sommes d'accord. Ce n'est pas cela que nous contestons. Il faut que le pollueur paie.
    Comme j'ai des antécédents dans la police, je sais qu'il faut disposer de suffisamment d'outils pour appliquer les lois. La réponse, c'est que personne n'a été attrapée ni inculpée. Je vous dirais que le défi avec ceci est que les lois, étant ce qu'elles sont avec les changements apportés, peuvent en fait donner aux autorités un peu plus de latitude pour traduire quelqu'un en justice.
    Si l'industrie est sérieuse à propos de ceci, et vous dites l'être, alors je ne comprends pas vos réserves à propos des changements que nous apportons dans la loi. Si vous voulez que les coupables soient pris, traduits en justice et rendent compte de ces actes, que la plupart des Canadiens considèrent être très graves, les autorités doivent disposer des mécanismes pour faire en sorte que, d'abord et avant tout, cela ne se produise pas. Bien sûr, on peut arraisonner un navire, on peut stopper le moyen de transport, et l'amener au port, mais il doit aussi y avoir des mécanismes qui permettent aux autorités de faire le travail et d'en saisir un tribunal.
    Nous ne le nions pas. Le fait est qu'il y a une responsabilité stricte assortie de lourdes pénalités associées à ceci, mais la responsabilité stricte pour l'emprisonnement c'est une autre chose. Nous espérons que nos parlementaires verront leurs inquiétudes apaisées par la responsabilité stricte assortie de lourdes amendes et que nous laisserons la primauté du droit et le droit de présomption d'innocence être appliqués aux transporteurs maritimes et aux gens, et qu'on ne se servira pas de la responsabilité stricte pour l'aspect criminel de l'emprisonnement.
    Nous devons maintenant passer à M. Braid.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par quelques questions qui touchent une diversité de sujets, et s'il me reste du temps, je le céderai peut-être à M. Woodworth.
    S'agissant d'abord des consultations, quelqu'un d'entre vous se souvient-il, pendant la campagne électorale dans laquelle notre gouvernement a annoncé qu'il s'engageait en faveur d'un régime d'application des lois environnementales beaucoup plus strict — ça a été fait avec pas mal d'attention...
    Mme Kaity Arsoniadis Stein: Oui, je me souviens.
    M. Peter Braid: Oui, d'accord. Bien.
    Deuxièmement, je pense que nous nous entendons tous autour de cette table pour dire que la présomption d'innocence est un principe évident de notre système de justice au Canada. Personne n'est contre. Qu'est-ce qui vous fait penser que la justice ou les tribunaux feraient fi de ce principe?
    Je ne pense pas que les tribunaux feraient fi de ce principe. De fait, ils le considèrent sans doute comme étant le principe le plus fondamental qui soit, comme c'est le cas pour les Canadiens. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
    Il y a une affaire, l'affaire Wholesale Travel, postérieure à la Charte, qui a été tranchée à la lumière de ce principe. L'affaire Wholesale Travel a autorisé cette situation.
    J'aimerais examiner l'affaire Wholesale Travel un peu plus en détail. Quand je la lis plus en détail et lis tous les avis des experts en droits constitutionnel et criminel, je peux voir que c'est une décision qui est très divisée. C'est une décision de cinq voix contre six. Les faits sont très précis — et touchent précisément une personne — et ciblés.
    Je dois dire que quand j'ai lu la déclaration de la juge en chef Beverley McLachlin dans cette affaire, j'ai été rassurée qu'au Canada on ne jetterait pas la présomption d'innocence par-dessus bord. Mais nous ne voulons pas arriver au point où un transporteur maritime doive, pour se défendre, suivre la filière judiciaire jusqu'à la Cour suprême du Canada avec un million de dollars de frais juridiques à sa traîne. Quand je vois que la juge en chef Beverley McLachlin dit que la peine d'emprisonnement ne peut pas, sans porter atteinte aux droits garantis par la Charte, être combinée à une infraction qui permet qu'une personne soit déclarée coupable, je suis rassurée.
(1025)
    D'un autre côté, je pense vous avoir entendu dire que vous appuyez l'augmentation des amendes dans cette loi.
    Nous n'avons rien à redire contre cela.
    Très bien.
    J'aimerais comprendre davantage votre préoccupation du fait que ce soit le critère civil de la prépondérance des probabilités qui soit appliqué plutôt que le critère criminel supérieur de la « preuve au-delà de tout doute raisonnable ». Étant donné que cet aspect particulier du projet de loi C-16 — et c'est là où M. Woodworth voulait en venir — est limité uniquement à l'élément de sanctions administratives pécuniaires de la loi, j'aimerais vous demander de préciser, si vous le voulez bien, pourquoi vous pensez que cela aurait une incidence sur le fardeau de la preuve lors des poursuites fondées sur une infraction, étant donné que ce critère ne s'applique qu'aux sanctions administratives pécuniaires.
    Je suis un peu perplexe. Il s'agit ici de l'amende. Nous n'avons pas de problème avec une amende. Nous appuyons les dispositions relatives aux sanctions administratives pécuniaires et nous sommes d'avis que le pollueur devrait payer. Nous n'avons aucun problème avec cela.
    C'est peut-être M. Boucher qui a abordé cette question.
    M. Woodworth a demandé précédemment à quelle page cela se trouvait; c'est à la page 186. Le point qu'a soulevé Kaity précédemment se trouve à la page 186. Elle a soulevé le fait « qu'il appartient au ministre d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation ». Comme on l'a dit précédemment, lorsqu'on précise une chose, le reste est exclu. Je laisserai mes collègues juristes faire des commentaires à ce sujet.
    Vous avez raison lorsque vous dites qu'il s'agit uniquement des dispositions portant sur les sanctions administratives pécuniaires du projet de loi. C'est la nouvelle loi; le reste constitue des modifications à neuf autres lois. C'est le seul endroit où on retrouve cet élément.
    Monsieur Watson, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur comparution.
    Ma première question est la suivante: Connaissez-vous d'autres lois qui contiennent une disposition explicite de présomption d'innocence? Vous demandez que l'on ait ici quelque chose d'explicite en ce qui a trait à la présomption d'innocence. À ma connaissance, il n'existe aucune disposition à cet effet dans quelque autre loi que ce soit. Est-ce que quelque chose m'échappe?
    Je vais supposer que la réponse est non et passer à la question suivante. C'est parce que cela existe dans la common law, je crois.
    Nos conventions internationales auxquelles vous avez fait allusion précédemment — je crois que c'est l'Association canadienne de droits maritimes qui a soulevé la question dans son mémoire — portent sur les dommages causés par la pollution par les hydrocarbures. Y a-t-il d'autres types de pollution qui peuvent être causés par les navires? Vous avez mentionné également la Convention sur les combustibles de soute, qui porte sur les fuites de combustible, mais y a-t-il d'autres types de pollution qui peuvent être causés par des navires?
(1030)
    Il s'agit pratiquement toujours de pollution par les hydrocarbures. Naturellement, en théorie on pourrait certainement avoir...
    Quel autre type de pollution pourrait-il y avoir?
    Je suppose que cela pourrait être n'importe quoi d'autre qu'un navire transporte et déverse. Il y a eu de l'huile de canola à Vancouver qui était considérée comme un polluant.
    En 2005 j'ai attiré l'attention du gouvernement libéral de l'époque sur le fait qu'on avait signalé que la Société maritime CSL Inc. faisait du balayage de calle. Il s'agissait du rejet des restes de boulettes de minerai de fer dans les Grands Lacs. S'agit-il là d'une autre source possible de pollution?
    Je ne sais pas ce qu'il en est des boulettes de minerai de fer, mais cela pourrait certainement être tout autre type de cargaison semblable. Cela n'est cependant pas supposé se produire.
    Très bien, mais nos conventions internationales ne visent pas les autres types de cargaisons qui seraient rejetées et qui pourraient polluer, n'est-ce pas?
    Non, cela ne change rien au fait que la plupart de la pollution provient des hydrocarbures, et c'est ce dont il est question dans ces conventions. Il y a aussi la convention sur les substances dangereuses et délétères, qu'on est en train d'élaborer.
    Avez-vous d'autres questions? Voulez-vous continuer?
    Merci beaucoup. Je vais partager mon temps avec M. Woodworth.
    Tout d'abord je voudrais vous présenter des excuses. Je voulais tellement poser mes questions rapidement et j'étais tellement intéressé à certaines questions que je trouvais douteuses que j'y suis peut-être allé un peu trop fort tout à l'heure. Je m'en excuse; ce n'était pas là mon intention.
    Pour revenir au SAP, monsieur Boucher, connaissez-vous bien la Loi sur la marine marchande du Canada?
    Oui.
    Êtes-vous au courant du fait que la Loi sur la marine marchande du Canada contient une procédure relative au SAP?
    Oui.
    Êtes-vous au courant du fait que la procédure relative au SAP dans la Loi sur la marine marchande se fonde aussi sur un fardeau de la preuve qui repose sur la prépondérance des probabilités?
    Absolument.
    Il s'agit là d'une mesure législative récente, de règlements récents concernant les sanctions administratives pécuniaires pour toute violation de la Loi sur la marine marchande du Canada. Jusqu'à présent, nous ne sommes pas au courant qu'il y en ait eu. Nous surveillons la situation de très près et cela nous préoccupe beaucoup.
    Je ne crois pas que ceux qui exploitent des navires ne devraient pas avoir le droit d'être présumés innocents jusqu'à ce qu'ils soient trouvés coupables. Je ne pense pas qu'il devrait y avoir une responsabilité stricte pour l'environnement.
    Donc, si on peut prouver que quelqu'un a déversé des polluants dans l'eau, croyez-vous qu'il devrait être passible d'une peine d'emprisonnement?
    Je pense que les peines d'emprisonnement peuvent être possibles, oui, pourvu qu'il y ait présomption d'innocence. C'est ce qui nous préoccupe.
    Avec tout le respect que je vous dois, je pense que les peines de responsabilité strictes pour lesquelles il y a une défense de diligence requise nécessitent toujours que la Couronne prouve que l'infraction a été commise. On ne peut cependant exiger que la Couronne prouve la diligence requise ou le manque de diligence requise, car seul l'accusé possède cette information. Comprenez-vous ce que je veux dire par là?
    Je le comprends, et je suis vraiment convaincue que tout ce que la Couronne doit démontrer, c'est que la substance est entrée dans l'eau. C'est tout.
    C'est exact.
    Et cela n'est pas suffisant dans notre société libre et démocratique, où notre Charte, à l'article 11, précise fermement qu'au Canada nous avons le droit d'être présumés innocents.
    Je suis un peu en désaccord avec vous. Ne croyez-vous pas que la Couronne doit également prouver qu'un bâtiment particulier est responsable du versement de la substance dans l'eau?
    Nous parlons maintenant de l'acte coupable et de l'intention coupable. J'aimerais que la Couronne prouve l'intention coupable avant qu'il soit question de peine d'emprisonnement.
    S'il ne me reste plus de temps, je tenterai d'y revenir.
    Il ne vous reste plus de temps, mais je vous ai donné un peu de temps supplémentaire car c'était un point intéressant.
    Monsieur Storseth.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais tout simplement céder mon temps à M. Woodworth.
    Merci.
    En fait, est-ce que vous vous rendez compte ou est-ce que vous acceptez le fait que si quelqu'un a agi par négligence ou même dans certains cas par imprudence, sur le plan juridique, il y a intention coupable?
(1035)
    Si on peut le prouver, je n'ai pas de problème avec cela.
    Donc, par exemple, si quelqu'un est accusé de conduite imprudente, vous admettez que cette personne pourrait recevoir une peine de prison?
    Eh bien, je pense qu'il est difficile de donner ce genre d'exemple au hasard. Par exemple, un meurtrier qui tient toujours en main un pistolet fumant a toujours le droit d'être présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable.
    C'est exact, mais s'il a tué quelqu'un par négligence, il sera trouvé coupable, n'est-ce pas?
    Il sera trouvé coupable, et...
    À moins qu'il puisse prouver...

[Français]

    Monsieur le Président, je pense que ce n'est pas le moment d'extrapoler. Il serait important de se concentrer sur le projet de loi C-16, avec tout le respect que j'ai pour M. Woodworth, car il a des questions très pertinentes, mais qui dépassent le cadre de l'étude de notre projet de loi.
    D'accord.

[Traduction]

    Je suis d'accord, et je vais passer à autre chose et si vous me le permettez, je vais revenir à M...

[Français]

    Veuillez vous adresser à la présidence.
    C'est ce que j'ai dit. J'ai commencé en disant « monsieur le président ». Ce n'est quand même pas à M. Woodworth que je me suis adressé.
    Une voix: Non, non, pas du tout.
    M. Bernard Bigras: Je sens qu'il ne l'a pas interprété comme une remarque personnelle, d'ailleurs.
    D'accord. On continue. Il n'y a aucun problème.

[Traduction]

    Je suis d'accord, monsieur le président, avec ce qu'a dit M. Bigras. Je vais passer à autre chose.
    J'aimerais poser une question à M. Giaschi au sujet de la situation concernant l'UNCLOS. Je vais commencer par la Loi sur la marine marchande du Canada.
    Savez-vous si des problèmes ont surgi relativement à des infractions aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada par l'UNCLOS?
    Non, mais je ne sais pas si la question a été soulevée aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada.
    En fait, à votre connaissance, aucune peine d'emprisonnement n'a été imposée à des bâtiments étrangers aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada, n'est-ce pas?
    À ma connaissance, aucune peine d'emprisonnement n'a jamais été imposée aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada.
    Savez-vous que c'est la politique de la poursuite de ne pas demander de peine d'emprisonnement aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada afin de ne pas aller à l'encontre de l'UNCLOS, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer?
    C'est peut-être la politique, mais ça ne règle pas le problème des lois conflictuelles.
    Eh bien, en fait, s'il existe une politique selon laquelle les avocats de la poursuite ne doivent pas demander des peines qui iraient à l'encontre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada, ça semble avoir fonctionné, n'est-ce pas?
    Cela a-t-il fonctionné? Peut-être. Mais comme je disais, je ne pense pas qu'il n'y ait jamais eu d'emprisonnement aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada. Dites-vous que si le projet de loi à l'étude est adopté, nous aurons la même politique? C'est en quelque sorte le problème, je suppose, en ce sens que nous ne savons pas s'il y aura une politique et si elle sera appliquée.
    Je pense que vous pouvez sans doute compter là-dessus.
    Eh bien, c'est peut-être une réponse, mais c'est une drôle de façon de s'y prendre. Pourquoi adopter une mesure législative lorsqu'on sait qu'on ne peut pas...? Vous allez adopter une politique qui dit que vous n'allez pas appliquer une disposition.
    Non. La réponse c'est que la loi s'applique à toutes les exploitations maritimes, tandis que l'UNCLOS ne s'applique qu'aux opérations étrangères, et par conséquent la politique de la poursuite s'appliquera aux bâtiments étrangers. Je pense que cela répondra à cette question et j'aimerais...
    Normalement il y a un libellé dans la loi pour définir ce qu'est un « bâtiment étranger » ou autre. C'est de cette façon qu'on s'y prend dans...
    Pouvez-vous me dire exactement de quelle disposition il s'agit dans la Loi sur la marine marchande du Canada?
    Celle qui définit un « bâtiment étranger »?
    Celle qui dit que l'on fait ce que vous dites que l'on fait normalement.
    Nous le savons. Nous avons déjà établi que ce n'est pas ainsi que les choses se font aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada. Cela ne veut pas dire que ça se trouve exactement dans la Loi sur la marine marchande du Canada.
    M. Stephen Woodworth: Non, mais peut-être que cela signifie...
    M. Christopher Giaschi: Il est clair que c'était une erreur car ils ont dû la corriger en adoptant une politique.
    Non, ça veut peut-être dire que c'est ainsi que les choses se font normalement, comme c'est le cas dans la Loi sur la marine marchande du Canada.
    Eh bien, c'est normal... Dans une des lois, on a vraiment omis de tenir compte du problème puis on a mis la politique en vigueur.
    Si vous permettez, j'aimerais revenir à votre remarque au sujet de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Si j'ai bien compris, vous craignez que certaines dispositions du projet de loi C-16 relatives aux dédommagements ou aux ordres de nettoyage ne soient en conflit avec les conventions internationales. Est-ce bien cela?
    Oui, dans l'ensemble.
    Le temps est écoulé. Il se peut que nous ayons la possibilité de tenir une troisième série de questions, à raison de trois minutes par intervenant peut-être, mais, bien sûr, je m'en remets à la décision du comité. Que pensez-vous d'un temps de parole de trois minutes et de trois minutes par parti, bien entendu? Est-ce que cela vous convient?
    Une voix: Quatre minutes?
    Le vice-président (M. Francis Scarpaleggia): Va pour quatre minutes, mais cela nous mène jusqu'à la fin de la réunion.
    Monsieur McGuinty, la parole est à vous.
(1040)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais que vous développiez davantage certaines affirmations et questions importantes. Je crois que M. Boucher a dit craindre que la notion d'autoréglementation commence à se répandre depuis le secteur des transports jusqu'à celui du transport maritime.
    Monsieur Lahay, si je ne m'abuse, vous avez affirmé qu'il est difficile d'attirer du sang neuf dans l'industrie.
    Enfin, madame Arsoniadis, selon vous, le nouveau régime de responsabilité risque d'éloigner les nouveaux investisseurs du secteur de la navigation maritime.
    Tout cela est intéressant, mais j'ai besoin de le mettre en perspective.
    Récemment, le gouvernement a annoncé qu'il éliminait l'exigence d'évaluations environnementales dans le cas de projets totalisant moins de 10 millions de dollars. Il a pris cette décision sans aborder la question devant notre comité. Sa principale justification, en fait, sa seule et unique justification a été que les évaluations nuiraient à l'économie et limiteraient la marge de manoeuvre gouvernementale lorsqu'il s'agirait de stimuler directement l'économie; c'était un obstacle.
    Toutefois, selon vous, c'est le projet de loi proposé par le gouvernement lui-même qui aura des conséquences néfastes, tant sur l'entreprise que sur l'investissement. Pouvez-vous nous expliquer quelles en seront les conséquences sur l'investissement, les nouvelles entreprises, la couverture de l'assurance-responsabilité et les responsabilités des membres de conseils d'administration et des agents des entreprises? Aussi, est-ce que ce projet de loi favorisera les transporteurs maritimes étrangers?
    Est-ce que je peux commencer? Je peux vous assurer que l'ensemble des nations surveillent de très près l'évolution du projet de loi C-16. À l'heure actuelle, l'économie mondiale connaît de sérieuses difficultés. Le Canada s'en tire quand même assez bien. Nos banques obtiennent de meilleurs résultats que celles de la plupart des autres pays et ont d'excellents antécédents, ce qui attire de nouveau les investisseurs au Canada.
    Sur le plan international et au sujet des conséquences qu'a entraînées le projet de loi C-15, bon nombre d'entreprises, dont des valeurs sûres déjà établies dans notre pays, ont évalué leurs risques afin de voir si elles devaient demeurer au Canada ou, dans l'intérêt de leurs employés et de leurs actionnaires, se transplanter ailleurs dans un milieu moins hostile. Nous avons effectivement observé des compressions d'effectifs et avons pris connaissance directement du cas de deux compagnies qui, après avoir attendu les résultats de la mise en vigueur du projet de loi C-15 ont décidé de déménager à Singapour. C'est un fait, et nous avons entendu parler d'autres cas encore.
    Le milieu de la navigation maritime est petit et très serré. Ainsi par exemple, le président de la SCSI est également le vice-président de la Chambre internationale de la marine marchande et du Club de Londres, l'un des plus grands clubs de protection et d'indemnités du monde. Il collabore avec le groupe Magsaysay. C'est son entreprise. On y emploie le plus grand nombre de gens de mer du monde entier. Je pourrais vous citer encore beaucoup d'autres cas car, je le répète, c'est un milieu de taille plutôt modeste.
    L'Asie est un des partenaires commerciaux du Canada, et je peux vous lire la déclaration conjointe du Forum des armateurs asiatiques: « Ont assisté à la réunion 119 délégués des associations d'armateurs d'Australie, de Chine, de Taipei, de Hong Kong, du Japon, de la Corée... ». À la page 12, on souligne la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, et je me permets de vous en citer un passage: « Le forum a pris note des amendements apportés en 1999 à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs au moyen du projet de loi C-15 et fait sienne les préoccupations exprimées par les armateurs canadiens ».
    Nous allons devoir passer à autre chose, faute de temps. De toute manière, je crois que vous avez réussi à faire valoir vos arguments.
    Monsieur Bigras, la parole est à vous.

[Français]

    Vous avez fait référence dans votre témoignage, il y a quelques minutes, au jugement rendu en 1991 par la Cour suprême au sujet de Wholesale Travel Group Inc. La Cour suprême avait alors statué: « [...] que les peines de responsabilité stricte ne contreviennent pas à la Charte, même si elles peuvent mener à une peine d'emprisonnement. » Vous n'avez fait référence qu'une seule fois à ce jugement.
    Dois-je comprendre que, selon vous, ce jugement ne s'applique pas dans le cas qui nous concerne?
(1045)

[Traduction]

    Excusez-moi, mais auriez-vous l'obligeance de reprendre la partie de votre question portant sur les peines d'incarcération?

[Français]

    En ce qui a trait à la responsabilité stricte, la Cour suprême a rendu un jugement dans le cas de Wholesale Travel Group Inc. Elle a clairement statué que les peines de responsabilité stricte ne contrevenaient pas à la Charte, même si elles peuvent mener à une peine d'emprisonnement.
     J'aimerais donc savoir si, selon vous, ce jugement de la Cour suprême doit être pris en considération dans le cadre de nos discussions sur le projet de loi C-16.

[Traduction]

    Il s'agit d'une cause très importante et complexe qui nécessite une analyse approfondie. À brûle-pourpoint, je ne suis pas en mesure de vous fournir des chiffres exacts, mais, en dépit du fait qu'une majorité des juges a estimé qu'il y avait là atteinte à la Constitution, la mise a été sauvée par l'article 1 de la Charte, qui a eu un effet déterminant sur le jugement. Je le répète toutefois, la cause est fort complexe. Le jugement a été prononcé par six voix contre cinq. Il ne s'agit donc pas d'une forte majorité de la part de notre Cour suprême.
    Si l'on analyse attentivement chacun des faits de la cause, ce que l'on doit faire à mon avis, et les juxtaposer avec ce que nous avons aujourd'hui, selon nos conseillers juridiques, il y a atteinte à la Constitution. Je pourrais vous lire l'avis juridique de Simon Potter et celui d'Alan Gold, mais je vais m'arrêter là.

[Français]

    Si je comprends bien ce jugement, la responsabilité stricte ne signifie pas présomption de culpabilité. Je comprends que M. Woodworth est un excellent avocat. Il estime que Justice Canada a fait un excellent travail.
    En même temps, on doit savoir sur quoi se sont basés les gens de Justice Canada pour donner, entre autres, un avis au ministère. Compte tenu des témoignages, qu'on soit favorables ou non à ces derniers — on n'est pas encore là —, il me semble que Justice Canada devrait venir s'expliquer. Il me semble que c'est la moindre des choses.
    Je suis plutôt surpris. En effet, lors de la comparution des fonctionnaires, les gens de Justice Canada sont restés muets sur cette question, peut-être parce que le gouvernement n'a pas assez consulté et qu'ils n'ont pas vu ce que nous proposait l'industrie et les travailleurs.
     Cependant, monsieur le président, il me semble que des représentants de Justice Canada devraient revenir s'expliquer devant le comité relativement à quelques questions de droit.
    J'ai une question. Des gens de Justice Canada seront-ils présents lors des séances d'étude article par article?
    Je savais que des gens de Justice Canada seraient présents.
    La question n'est pas là. La question est de savoir si nous, les parlementaires, devons nous préparer à déposer des amendements. Lorsque Justice Canada et nous procéderons à l'étude article par article, cela ne sera plus le temps de poser des questions. Justice Canada est là pour fournir quelques explications relativement à certains articles de loi.
     On traite présentement du fond des choses, il me semble, monsieur le président.
    J'y reviendrai plus tard.
    Monsieur Hyer, vous disposez de quatre minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma question s'adresse soit à M. Boucher, soit à M. Lahay, soit aux deux.
    Excusez mon retard et mes questions si elles ont déjà été posées par d'autres.
    Comment la déréglementation affectera-t-elle non seulement la navigation maritime canadienne en général mais aussi les travailleurs canadiens? J'aimerais que vous me disiez en quoi ce projet de loi peut soit nuire aux travailleurs canadiens dans la navigation maritime, soit les aider.
(1050)
    Le gouvernement du Canada n'ignore sans doute pas que les syndicats de notre pays s'opposent à peu près toujours à toute forme de déréglementation. Or, à l'heure actuelle, on assiste à une déréglementation qui est en outre suivie d'une absence de mesures d'exécution. Nous observons que la responsabilité totale de la gouvernance dans les industries, qu'il s'agisse de la nôtre ou d'autres encore, et même — et cela a suscité beaucoup de controverse — dans les services d'inspection de la viande, par exemple... Nous connaissons de plus en plus de problèmes.
    Une catastrophe ne survient pas à cause d'un seul événement mais plutôt à la suite de toute une série de faits, comme les rapports et les complexités que je vous ai décrits à propos du fonctionnement d'un navire. Un seul fait n'entraîne donc pas à lui seul un grave problème, mais bien une chaîne de faits. Je m'éloigne quelque peu du sujet ici, mais, en tant que travailleur, cette autre question, à savoir le manque de mesures d'exécution des règlements de notre pays nous préoccupe aussi énormément. Nous estimons qu'on est en train de coincer les travailleurs et de mettre leur situation en péril de bien des manières.
    Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est surtout pour souligner le fait que les actions en justice sont en train de nous acculer à la faillite. C'est ce que nous tenions à dire en priorité à notre gouvernement et à nos parlementaires, que nous respectons d'ailleurs énormément. Nous attendons de vous que vous vous comportiez en chef. Nous nous tournons aussi vers la fonction publique, dans l'espoir qu'elle collaborera avec nous pour assurer notre sécurité nationale et empêcher que l'on déverse ces eaux de ballast. C'est en tant qu'organisme que nous agissons et que nous luttons contre les rejets d'eaux mazouteuses. Nous avons produit des brochures sur le sujet et les avons distribuées à l'échelle internationale.
    Nous nous acquittons de nos responsabilités dans bien des cas et dans les autres, nous allons même plus loin que ce qui est exigé de nous. Parfois, nous sommes un peu déçus par ceux qui nous réglementent.
     Excusez-moi, monsieur Hyer si je me suis quelque peu éloigné du sujet.
    Monsieur Boucher, voulez-vous ajouter quelque chose à cela?
    C'est une nouvelle situation pour notre industrie: la déréglementation, l'autoréglementation, et l'auto-inspection. Nous surveillons la situation de près parce que nous avons peur des pressions financières qui pourraient être placées par les échelons plus élevés sur les marins pour qu'ils fassent l'auto-inspection, l'autoréglementation à bord de leurs navires. Il y aura des pressions financières, de même que la peur de représailles et tout ce qui s'ensuit. L'apprentissage a sûrement été difficile pour les autres industries qui utilisent déjà cette approche.
    La guilde a embauché des avocats et du personnel qui travailleront pour nous à temps plein d'un océan à l'autre afin de surveiller de près cette situation, pour rencontrer les personnes nécessaires, et pour voir ce qui se passe, parce que ça sera mis en oeuvre qu'on le veuille ou pas. Cela débute sur la côte Ouest, et nous allons voir ce qui se passera avec son élargissement.
    Merci, monsieur Hyer.
    Nous allons maintenant passer à M. Warawa pour les quatre dernières minutes, et j'aimerais reparler du point soulevé par M. Bigras, en ce qui concerne l'éventuelle présence de Justice Canada au début de la prochaine séance pendant peut-être une demi-heure avant que nous entamions l'étude article par article. Je vais vous demander votre opinion à ce sujet.
    Monsieur Warawa, s'il vous plaît.
    Merci. Je veux répéter qu'il y a déjà des dispositions sur la diligence raisonnable dans la LCPE.
    En 2005, les témoins croyaient qu'elles étaient inconstitutionnelles, mais elles sont constitutionnelles. Je veux également souligner que le projet de loi C-16 touche neuf lois, pas seulement celles sur le transport maritime. Les effets ne se feront pas seulement sentir sur le transport maritime, mais partout au Canada il y aura un plus haut degré d'exécution de la Loi sur le respect de l'environnement. Je voulais répondre aux inquiétudes soulevées par M. Boucher qui a dit que peut-être que ses enfants ne devraient pas être dans le domaine de la navigation, et je voulais dire à M. Lahay que ces lois s'appliquent à tout le Canada, pas seulement au transport maritime. J'ai l'impression que le transport maritime aimerait en être exempté, mais le reste du Canada devra faire face à cette réglementation et cette application plus sévères.
    Nous avons besoin de cohérence partout au pays, y compris dans le transport maritime. Il ne faut pas penser au pire des scénarios, parce qu'il s'applique rarement. Nous avons besoin d'une bonne application des lois environnementales.
    Je partagerai le reste de mon temps avec M. Woodworth.
(1055)
    Je m'intéresse aux commentaires de la Ship-Owners Alliance au sujet des lois environnementales canadiennes qui font fuir les armateurs, ou du moins voilà ce que j'en ai compris. En vérité, je ne veux pas décourager la propriété collective au Canada, mais ce n'est peut-être pas une mauvaise chose si l'application canadienne des lois environnementales soit d'une telle qualité qu'elle fasse peur à certains des armateurs.
    Croyez-vous que les armateurs ne feront pas passer leur navire par les eaux canadiennes parce que nos normes environnementales sont trop élevées?
    Je ne dis pas cela directement, mais je suis certaine qu'on y pensera à deux fois avant d'envoyer au port de Vancouver un navire provenant de l'Orient. On élargit présentement le canal de Panama. Il se pourrait que les plus gros navires fassent alors le voyage entier, plutôt que de décharger à Vancouver pour que la marchandise se rende par chemin de fer dans l'Est, alors je me dois d'être clair.
    La disposition que nous demandons ne concerne pas que la Loi sur le transport maritime; les neufs lois sont en cause. Nous demandons de la cohérence, et non pas une exception.
    Je vois.
    Je voulais seulement être certain de bien comprendre. Vous dites que nos normes d'application des lois environnementales sont très élevées et que, par conséquent, certains expéditeurs ne passent pas par les eaux canadiennes. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?
    Je ne dis pas que nos normes environnementales sont si élevées; je dis que c'est bien d'avoir d'excellentes normes d'application de la loi. Il est important de conserver notre principe du pollueur payeur. Nous devons continuer d'appliquer strictement les principes de responsabilité et imposer des pénalités très strictes. Mais pour ce qui est des peines d'emprisonnement, nous devrions nous conformer à notre principe de la primauté du droit et respecter nos garanties constitutionnelles.
    J'ai seulement du mal à comprendre...
    Je n'ai plus de temps? Merci.
    J'aimerais remercier nos témoins d'avoir été ici aujourd'hui. Je pense que la discussion a été très intéressante. Et selon les commentaires de M. Bigras, je pense que nous devrions prendre un peu plus de temps pour nous pencher de manière approfondie sur cette question.
    Merci d'être venu. Ça a été très utile pour le comité.
    Si les députés pouvaient rester quelques minutes, nous allons procéder.

[Français]

    Devrait-on aller à huis clos?
    Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller à huis clos.
    Toutefois, sans avoir à juger des arguments qui nous ont été présentés aujourd'hui, il me semble qu'il serait bon que Justice Canada vienne répondre sur la base de ces arguments. Ça ne demande pas une étude approfondie, mais il me semble qu'en toute connaissance de cause, il nous faut au moins à nous, en tant que parlementaires, — et je présume que Justice Canada dispose déjà des mémoires qui ont été présentés — que Justice Canada vienne donner son avis.

[Traduction]

    Avant de donner la parole à M. Warawa, sommes-nous d'accord pour inviter les représentants de Justice Canada à comparaître au début de la prochaine séance, pendant 30 minutes peut-être, pour entendre leur présentation et leur poser des questions avant de passer à l'étude article par article? Étant donné que les représentants de Justice Canada seront nos derniers témoins, nous pourrons prendre notre temps pour leur poser des questions.
    Monsieur Warawa.
    Monsieur le président, je pense que vous auriez consensus pour prendre 30 minutes afin d'entendre les représentants d'Environnement Canada et de Justice Canada et leur poser des questions.
    Nous parlons de mardi prochain. S'ils pouvaient nous donner des documents à lire cette fin de semaine, afin d'être prêts pour la réunion de mardi, nous pourrions ensuite être efficaces et passer à l'étude article par article. Je pense donc que nous avons consensus pour la première demi-heure de la réunion de mardi prochain.
(1100)

[Français]

    Et que le greffier mentionne bien à Justice Canada que son mémoire doit porter sur les éléments qui nous ont été présentés aujourd'hui, pour éviter qu'on s'écarte.

[Traduction]

    Monsieur le président, avant que vous ne leviez la séance, j'aimerais discuter d'un autre sujet: un rapport sur nos dépenses de voyage. Certains ont exprimé leurs préoccupations au sujet du coût des hélicoptères; peut-être pourrions-nous en discuter. Les coûts estimés sont, semble-t-il de 13 000 ou 14 000 $.
    D'accord. Si les membres du comité sont d'accord, je propose de tenir une courte séance à huis clos pour en discuter, puis de recevoir les représentants de Justice Canada et d'Environnement Canada pour 30 ou 45 minutes avant de commencer l'étude article par article si nous avons le temps, mardi.
    Une voix: Ça semble être une bonne idée.
    Le vice-président (M. Francis Scarpaleggia): Très bien, s'il n'y a rien d'autre, quelqu'un propose une motion d'ajournement?
    Merci. C'est d'accord. La séance est levée.
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