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Je déclare la séance ouverte.
Excusez-moi pour ce démarrage tardif attribuable à un vote en Chambre, mais nous essaierons d'avoir au moins deux séries de questions après les déclarations d'ouverture.
Nous continuons donc notre étude du projet de loi
Nous avons la chance et le grand plaisir d'accueillir deux témoins distingués, j'ai nommé, de l'Union européenne, Son Excellence Matthias Brinkmann, chef de délégation et ambassadeur désigné près la Commission européenne, et du Haut-Commissariat britannique, Son Excellence Anthony Joyce Cary, haut-commissaire de Grande-Bretagne au Canada.
Je vous souhaite la bienvenue à tous deux.
Nous allons débuter par Son Excellence l'ambassadeur Brinkmann à qui je demanderais de bien vouloir se limiter à un maximum de 10 minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président et merci aux députés. Je tiens aussi à vous remercier de nous avoir invités et de me donner ainsi la possibilité de vous renseigner au sujet de la position de l'Union européenne à l'approche de la rencontre de Copenhague. Je vais donc vous expliquer cette position et je me tiendrai ensuite prêt à répondre à vos questions, mais vous devez comprendre que je n'ai pas l'intention de commenter les politiques internes ni la position du Canada.
Premièrement, je vais vous expliquer globalement ce que nous envisageons de faire, après quoi je parlerai plus en détail des mesures d'atténuation, de nos plans de transition vers une économie à faibles émissions de carbone et de financement.
Copenhague sera l'une des rares occasions où nous pourrons envisager des mesures planétaires. Comme vous le savez, 12 ans se sont écoulés depuis que nous nous sommes entendus sur le Protocole de Kyoto. Comme les émissions continuent d'augmenter partout dans le monde, si nous attendons davantage pour agir, il risque d'être trop tard pour éviter un changement climatique dangereux. Nous ne sommes qu'à quelques semaines du sommet de Copenhague et toutes les parties à la négociation se doivent de revigorer le processus. Il faut intensifier le rythme des négociations.
En ce qui nous concerne, le document qui résultera de la réunion de Copenhague devra comporter: des dispositions relatives à l'objectif de deux degrés Celsius, des engagements ambitieux et comparables de la part des pays développés en matière de réduction des émissions, l'adoption de mesures d'atténuation appropriées par les pays en développement, la mise en oeuvre de moyens techniques et d'adaptation, et un accord de financement.
Pour y parvenir, nous visons un accord contraignant. Cela semble irréaliste pour l'instant, mais nous avons au moins besoin de dégager les éléments d'un accord contraignant qui devra entrer en vigueur le 1er janvier 2013. Celui-ci serait fondé sur le Protocole de Kyoto dont il engloberait les éléments essentiels, y compris le principe de responsabilités communes mais différenciées et le principe des capacités respectives. Un tel accord serait ratifié par tous les pays y compris par ceux qui ne sont actuellement pas liés par le Protocole de Kyoto. Ces pays devraient alors prendre des mesures immédiates.
Les mesures d'atténuation et les plans de transition vers une économie à faibles émissions de carbone devront nous permettre de limiter les changements climatiques dans toute la mesure du possible si nous voulons éviter la multiplication des événements météorologiques extrêmes et leurs conséquences catastrophiques. La communauté scientifique a recommandé que nous adoptions pour objectif de limiter la hausse de la température moyenne à la surface du globe de deux degrés Celsius par rapport aux températures de l'ère pré-industrielle, objectif qui a été adoubé lors du récent sommet du G8 à Aquila.
Pour parvenir à cet objectif, il faudra que les émissions de gaz à effet de serre cessent de croître au plus tard en 2020 et qu'elles soient ensuite réduites de 50 p. 100 avant 2050, cela par rapport aux niveaux de 1990. Leur déclin devra se poursuivre ensuite. Cet objectif à l'horizon de 2020 doit être à la fois une aspiration et une référence pour l'établissement d'objectifs intermédiaires qui seront soumis régulièrement à des évaluations scientifiques.
Ce sont évidemment les pays développés qui devront le plus contribuer à ces réductions d'émissions. La science nous révèle que ces pays devront réduire leurs émissions collectives de 25 à 40 p. 100 d'ici 2020 et de 80 à 95 p. 100 d'ici 2050, toujours par rapport aux niveaux de 1990.
L'Union européenne a régulièrement réitéré son engagement de respecter une cible de réduction des émissions de 30 p. 100 d'ici 2020, à la condition que les autres pays développés prennent des engagements comparables et que les pays en développement apportent une contribution qui soit en rapport avec leurs responsabilités et leurs capacités respectives. Je veux également vous indiquer que, sans attendre un accord international, l'Union européenne a déjà pris l'engagement irrévocable de réduire ses émissions de 20 p. 100 d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990.
Nous constatons avec plaisir que certains pays développés sont désormais plus ambitieux dans leurs cibles de réduction, comme le Japon, la Norvège et l'Australie. Cependant, la somme des engagements pris jusqu'ici par les uns et les autres ne représente qu'une réduction maximale de 17 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990. Nous sommes bien sûr très loin des 25 à 40 p. 100 de réduction qui serait nécessaire au vu des constats scientifiques. Nous appelons donc les autres pays développés à accroître leurs efforts à ce titre.
Toutefois, les efforts déployés par les seuls pays développés, à l'exclusion de l'action complémentaire des pays en développement, ne suffiraient pas à éviter des changements climatiques dangereux. Il sera donc important que le groupe des pays en développement s'efforce également de réduire de 15 à 30 p. 100 ses émissions d'ici 2020, par rapport au niveau du statu quo. Les plans de transition vers une économie à faibles émissions de carbone sont un moyen efficace, pour tous les pays, d'intégrer la dimension climatique dans leurs politiques. D'ailleurs, l'Union européenne propose que tous les pays, à l'exception des moins développés, se dotent de tels plans d'ici 2011. Ceux-ci devraient comporter des mesures d'atténuation nationalement appropriées, les NAMA, qui fournissent un ensemble d'informations relatives aux besoins des pays en développement en matière d'apports financiers, de développement des capacités et de soutien technologique. Tous ces plans devraient inclure des objectifs crédibles à moyen et à long terme et être fondés sur des inventaires annuels d'émissions de gaz à effet de serre.
Dans ces plans de transition vers une économie à faibles émissions de carbone, les pays en développement devront dresser la liste des mesures qu'ils entendent adopter et de la façon dont ils comptent les financer, que ce soit en puisant dans leurs propres ressources, en recourant au marché du carbone ou en se faisant aider sur le plan financier ou technologique ou au chapitre du développement de leurs capacités. Les mesures d'atténuation que prendront tous les pays devront être mesurables, rapportables et vérifiables afin de garantir la transparence et la responsabilité et d'améliorer le niveau de confiance des secteurs public et privé au regard de la réalisation des objectifs mondiaux et nationaux.
L'aspect financement constituera l'essentiel de l'accord de Copenhague. Il faudra pouvoir compter sur une augmentation marquée, mais graduelle, du financement complémentaire public et privé pour aider les pays en développement à mettre en oeuvre des stratégies ambitieuses d'adaptation et d'atténuation. L'Union européenne estime que le coût total des mesures d'atténuation et d'adaptation pour les pays en développement devrait atteindre environ 100 milliards d'euros annuellement d'ici 2020, soit 150 à 160 milliards de dollars canadiens. Il devrait être possible d'y parvenir par une combinaison des efforts des pays en développement, du marché international du carbone et du financement public international.
L'Union européenne est prête à assumer une part équitable de cet effort général en fixant des cibles d'atténuation ambitieuses qui permettront d'obtenir de meilleurs prix possible sur le marché du carbone et qui représenteront une part équitable de soutien public. En outre, le financement public sera stimulé grâce à la mise sur pied d'un vaste marché du gaz carbonique liquide fondé sur un plafond bien établi, et grâce à des systèmes d'échange dans les pays développés et à des mécanismes d'accréditation et d'échange sectoriels dans les pays en développement. On estime que l'aide publique internationale nécessaire se situera, d'ici 2020, dans une fourchette de 22 à 50 milliards d'euros par an.
La contribution financière de tous les pays, à l'exception des moins développés, devrait être fonction de leurs capacités de payer et de leurs niveaux d'émissions. Il conviendra donc de s'entendre sur une formule de contribution à l'échelle planétaire à partir des niveaux d'émissions et du PIB. Le tarif qui sera fonction du niveau d'émissions augmentera dans le temps pour s'ajuster à l'économie. Cela revient à dire que les pays en développement seront des récipiendaires nets, tandis que les pays développés seront des payeurs nets. Cette approche tient compte des variations de statut et de capacités de tous les pays. En ce qui concerne les sources de fonds, l'Union européenne envisage de recourir à différents canaux d'approvisionnement et ne croit pas qu'il sera nécessaire de créer un fonds unique d'où proviendra la totalité du soutien financier.
Le financement des mesures d'atténuation devra être fonction de la demande, au regard des mesures envisagées et des plans de transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Il faudra adopter une démarche ascendante semblable afin de financer les mesures d'adaptation, démarche qui nécessitera l'intégration et l'adaptation graduelles des stratégies internationales de développement et des plans d'élimination de la pauvreté, de même que la coordination régulière du soutien apporté dans le pays, la production de bilans réguliers par les moyens de communication nationaux et l'échange de pratiques exemplaires.
Qui plus est, l'Union européenne insiste sur l'importance d'un soutien public offert très tôt et jusqu'en 2013 dans le cadre d'un accord complet, équilibré et ambitieux. L'objectif doit être de préparer des mesures efficaces et efficientes à moyen et à long terme et d'éviter de trop tarder pour adopter un train de mesures ambitieux. D'après les projections de l'Union européenne, on situe le financement global entre 5 à 7 milliards de dollars par an. La contribution de l'Union européenne sera conditionnée au déploiement d'efforts comparables par les autres grands acteurs.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup pour cette invitation.
Je pense que je serai plus bref que Matthias parce qu'il vous a présenté la position de l'Union européenne qui est aussi celle du Royaume-Uni. Nous sommes en effet membres de l'Union et il s'agit d'une position commune. Je pense qu'il pourrait être utile aux membres du comité que je leur donne une idée de la position de la Grande-Bretagne dans tout ce débat.
Jusqu'à il y a quatre ou cinq ans peut-être, on considérait que le changement climatique était une question purement environnementale, incidente, quasiment esthétique. Ces dernières années, cependant, nous avons commencé à y voir un véritable problème de sécurité internationale et j'ai fait remettre un document au comité qui explique que le changement climatique se trouve à présent au coeur de notre stratégie de sécurité nationale. Je vous cite ce qu'elle dit à ce propos: « Le changement climatique représente peut-être le plus grand écueil pour la stabilité et la sécurité mondiales et, par conséquent, pour la sécurité nationale. »
C'est donc un problème qui est au centre même de notre politique nationale et de notre politique étrangère, si bien qu'au Haut-Commissariat britannique, par exemple, trois de mes collaborateurs travaillent presque à temps plein sur le dossier du changement climatique, en plus d'un autre qui est à Vancouver. En outre, mon secrétaire aux Affaires étrangères aurait été disposé à réduire mes ressources dans certains secteurs, mais comme cette question est la grande priorité du Foreign Office, il a insisté pour que j'aie les ressources voulues afin de mener au Canada une politique efficace dans ce dossier.
À cause du recadrage de la question, qui est désormais considérée comme un enjeu sur le plan de la sécurité nationale, nous avons créé un ministère de l'Énergie et du Changement climatique en vue d'essayer d'intégrer toutes les politiques qui étaient jusqu'alors administrées par des ministères distincts — sans compter qu'il y avait très souvent des conflits entre, par exemple, les politiques à caractère environnemental et les politiques concernant l'énergie. Nous avons donc essayé d'intégrer tout cela sous l'impulsion de Tony Blair et, plus récemment, de mon premier ministre, Gordon Brown, qui considère que cette question se trouve au centre de notre politique nationale.
Elle est donc hautement prioritaire pour le Foreign Office. Elle est en haut de la liste des priorités du Trésor à cause de ses répercussions financières et économiques. Elle est en haut de la liste des priorités du ministère de la Défense à cause de ses répercussions sur le plan de la sécurité. Elle est aussi en haut de la liste des priorités du ministère des Transports et du ministère de la Santé — en fait, elle est prioritaire dans l'ensemble du gouvernement d'autant, comme je le disais, que nous disposons à présent d'un ministère dédié à cette question.
Je tiens aussi à préciser au comité que cette question bénéficie de l'appui de tous les partis en Grande-Bretagne, que le Parti conservateur y est très favorable et qu'il pousse aussi fort que le gouvernement lui-même pour qu'elle reste en point de mire. D'ailleurs, quand la loi sur le changement climatique a été proposée — texte très ambitieux aux ramifications économiques importantes qui est aussi brièvement décrit dans le document que je vous ai fait remettre — on aurait pu s'attendre à ce qu'un texte d'une telle ambition soit fortement contesté au Parlement, mais il a été adopté sans presque aucune opposition. Cette question fait donc l'objet d'un large consensus politique.
Ce consensus se prolonge jusque dans le milieu des affaires. Je trouve cela intéressant, parce qu'au début des années 1990, on a pu lire dans The Economist un titre qui est passé aux annales: « Au revoir les verts, rendez-vous au prochain boom économique ». À cette époque, il n'était pas tant question de changement climatique que de couche d'ozone ou des prémisses du débat sur le développement durable — on se disait que tout ça disparaîtrait à la faveur de la récession, parce que c'était un luxe. C'était une chose à réserver aux périodes de faste et que nous pouvions nous permettre de mettre de côté.
Cette fois-ci, malgré les grandes difficultés économiques que traverse la Grande-Bretagne à cause de l'effondrement des marchés, tous les acteurs, même le milieu des affaires, s'en tiennent au consensus établi estimant qu'ils ne peuvent pas se permettre d'abandonner ce programme d'action. J'entrevois d'ailleurs d'énormes possibilités sur le plan économique dans le fait d'essayer d'être à l'avant-garde et de contrôler l'ordre du jour plutôt que d'être contrôlé par lui.
La Confederation of British Industry, qui est peut-être notre principal groupe de lobbying, exhorte le gouvernement à se montrer encore plus ambitieux. Le milieu des affaires est très favorable à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone que nous jugeons nécessaire.
Comme vous ne m'avez accordé que six minutes, je vais m'arrêter ici.
Tout ce que je veux dire au sujet de Copenhague, c'est que nous sommes tout à fait d'accord avec les positions énoncées par Matthias Brinkmann, si ce n'est que je les regrouperais sous trois grandes rubriques.
Le résultat que nous visons est ambitieux, ce qui revient à dire que l'ensemble des pays devra consentir au plafonnement à deux degrés Celsius et qu'il devra aussi être animé de l'ambition d'adopter des cibles à court et à moyen terme pour y parvenir. Cela veut dire que, d'ici 2020, nos émissions de gaz à effet de serre devront avoir plafonné grâce à la mise en oeuvre combinée de mesures adoptées par les pays en développement et par les pays développés. Cela veut dire que l'accord devra englober le secteur de l'aviation et celui de la navigation, ainsi que des aspects comme la déforestation, car il devra être ambitieux.
Cet accord devra être efficace et, pour cela, il devra être universel. Nous souhaitons parvenir à un seul accord contraignant qui, je m'en rends bien compte, ne sera pas négocié à Copenhague, mais nous espérons que celui-ci pourra s'inscrire dans le sillage des décisions politiques prises à Copenhague. Il devra être assorti d'actions mesurables, rapportables et vérifiables pour qu'il soit possible de correctement tenir compte des réalisations de chacun. Si nous voulons que cet accord soit efficace, il nous faudra mettre sur pied un marché mondial du carbone.
L'accord devra donc être ambitieux, efficace et, enfin, équitable. Pour être équitables, nous devrons assumer des responsabilités communes et différentes. Dans la vision qu'il a énoncée, mon premier ministre a déclaré que nous aurions besoin d'injecter quelque 100 milliards de dollars d'ici 2020 et nous avons ensuite convenu avec nos partenaires européens que nous allions devoir investir 100 milliards d'euros au niveau de l'Union européenne. Cette somme comprendra une contribution des pays en développement parce que nous estimons que tout le monde devra mettre l'épaule à la roue, sauf les plus pauvres, afin de disposer des fonds nécessaires. Pour être justes, nous devrons aussi tenir compte de la capacité à payer des différents pays et de leur capacité à contribuer à l'effort commun pour qu'un apport net de fonds se fasse au profit des pays en développement, ce qui sera nécessaire pour contribuer à la transition.
Je vous remercie beaucoup.
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Je suis d'accord. Ce plan est au centre de la politique européenne. Au cours des dernières années, il a sans doute constitué la principale question à l'ordre du jour des réunions des chefs d'États et de gouvernements.
Leur dernière réunion a tout particulièrement porté sur cette question, parce que nous voulions définir une position commune à présenter à Copenhague. Cette réunion fut très difficile, parce qu'elle a été caractérisée par de nombreux débats chargés étant donné que, pour certains pays membres de l'Union européenne, la politique commune sera lourde de conséquences. Je pense à des pays comme la Pologne qui dépend encore beaucoup du charbon et comme l'Espagne qui a beaucoup de difficulté à respecter les cibles de Kyoto et qui a même augmenté ses émissions. Cependant, comme Matthias vous l'a expliqué, d'autres pays, comme le Royaume-Uni et l'Allemagne, ont très largement dépassé leurs cibles, ce qui peut servir à remonter la moyenne européenne.
Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une position qui a été pleinement négociée et bien réfléchie. Permettez-moi d'ajouter, parce que je ne l'ai pas dit dans ma déclaration d'ouverture, que le Royaume-Uni a accepté une augmentation de 12,5 p. 100 de sa cible d'ici 2012 par rapport aux niveaux de 1990. Nous sommes en voie d'atteindre l'objectif fixé et même de le doubler d'ici 2012. Je pense que nous nous retrouverons à 25 p. 100 de moins que les niveaux de 1990. Nous nous sommes engagés à réduire nos émissions de 34 p. 100 d'ici 2020 ou de 43 p. 100 en vertu d'un accord international si un tel accord devait être conclu à Copenhague.
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La position du gouvernement britannique à ce sujet est la suivante. Pour instaurer le genre de transition dont nous avons besoin à l'échelle nationale, il faut que le prix du carbone soit pris en compte par les économies nationales et internationales. Nous croyons que le système d'échange de droits d'émissions de carbone est un instrument important à ce titre, mais qu'il n'est pas le seul. Nous pensons qu'il faudra sans doute équilibrer l'équation en imposant des taxes et des droits et nous avons d'ailleurs déjà appliqué une taxe sur le changement climatique et d'autres règlements qui ont pour objet de stimuler le changement.
Nous estimons que l'instrument de tarification est un mécanisme important pour favoriser le changement et nous sommes intimement convaincus que l'échange de droits d'émissions de carbone est aussi un mécanisme utile. Il existe déjà le régime d'échange européen qui, avec ses plus de 100 milliards de dollars, représente un énorme marché.
Je dois ajouter que, jusqu'ici, ce marché n'a pas très bien fonctionné. Je dirais que les critiques ont raison d'affirmer que les premiers résultats de l'expérience européenne dans ce domaine sont pour le moins mitigés, pour ne pas dire qu'ils sont franchement mauvais. Nous avons émis beaucoup trop de permis dans les débuts et le marché s'est effondré. L'économie russe ne s'est pas développée comme d'aucuns l'auraient espéré et les Russes se trouvent à présent avec énormément de crédits souverains qui sont sous-évalués sur le marché.
Il y a deux ans, nous avons lancé la deuxième mouture du régime. Cela a permis de nettement raffermir les prix. Nous avons réduit le nombre de permis en circulation sur le marché, mais ça aussi... Le cours du carbone a chuté aux environs de 20 $ la tonne parce que les pays ont besoin de liquidités à cause de leur mauvaise situation de trésorerie due à la récession. Ils ont donc bradé énormément de crédits sur le marché et les prix sont tombés à 20 $. Je pense que nous allons sans doute devoir stimuler les cours en imposant des droits et d'autres mécanismes.
Nous espérons cependant qu'à la faveur de la troisième version de ce régime, nous passerons à un système d'enchères qui permettra d'étayer les prix. Nous sommes d'avis que, pour l'instant, les prix ne sont pas assez élevés pour favoriser la transition nécessaire, toutefois, l'échange de droits d'émissions de carbone demeure un outil important.
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Comme je le disais, nous espérons, à la faveur de la troisième mouture du régime européen, passer à un système d'enchères qui, selon moi, sera la meilleure façon de gérer les allocations de permis, parce que c'est alors le marché qui décidera. Tout dépendra de la somme que les gens seront disposés à verser pour ces permis. En ce sens, l'allocation dépend des attentes du marché et la formule envisagée semble être la meilleure.
Comme je le disais, au début, nous avons émis beaucoup trop de permis, ce qui veut dire que nous avons affaibli le marché, mais il y a un second problème en Europe. Il existe un doute quant à la capacité légale de la Commission européenne de plafonner les allocations remises à certains États membres et deux de ces États membres ont d'ailleurs entrepris des poursuites contre la Commission européenne en soutenant que celle-ci avait beaucoup trop réduit leurs allocations. Cette cause se trouve encore devant la Cour européenne de justice. Le premier jugement rendu a été contraire à la commission et, si celle-ci perd cette nouvelle cause, le marché risque d'être très ébranlé si les pays sont alors en mesure d'augmenter leurs allocations.
Je ne veux pas m'éterniser là-dessus, mais j'ajouterai qu'il existe de véritables problèmes avec les marchés du carbone. Il y a des gens qui veulent « jouer avec le système », qui cherchent à réaliser un profit en jouant les courtiers ou les intermédiaires et qui, sans aller jusqu'à manipuler le marché, cherchent au moins à adopter une position qui leur rapporte. Je pense que nous devons être honnêtes sur ce plan. Ce problème que posent les marchés du carbone exige qu'on se montre prudent. J'ajouterai qu'il y a eu un problème, dans les débuts, quand il a été question de vérifier des aspects comme le mécanisme pour un développement propre dont nous aurons de nouveau besoin dans les prochaines étapes de la mise en place du cadre international. Il faut renforcer les dispositifs de mesure, de vérification et de rapport pour favoriser la confiance à propos des bases du marché.
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Il y en a effectivement.
Il y a, par exemple, l'obligation de passer aux énergies renouvelables. Tous les services publics au Royaume-Uni sont désormais tenus de proposer une proportion accrue d'énergies renouvelables dans leur panier d'énergie. Chaque année, cette proportion augmente de 1 p. 100.
Notre position au départ est très différente de celle du Canada. Nous n'avons quasiment pas d'hydroélectricité et, il y a 20 ans, nous dépendions énormément du charbon. Nous avons donc débuté avec moins de 2 p. 100 d'énergies renouvelables, tandis qu'au Canada, cette proportion est d'environ 70 p. 100.
Cependant, nous accélérons le rythme autant que nous le pouvons pour changer les choses, notamment grâce à l'obligation de passer aux énergies renouvelables. Les services publics sont tenus d'augmenter le pourcentage d'énergie renouvelable. Ils combinent cette énergie également. Ils peuvent aussi obtenir des subsides gouvernementaux pour financer la production qu'ils obtiennent grâce à des énergies renouvelables.
Cela a beaucoup contribué à stimuler le marché. Ceux qui produisent de l'énergie renouvelable, que ce soit à partir du soleil, du vent, de la marée ou de la biomasse, savent qu'ils ont tout un marché potentiel et qu'ils pourront vendre leur énergie à un prix nettement supérieur à celui du marché. Cela modifie déjà les comportements.
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Je crois que c'est important, parce qu'il y a un principe dont je tiens à vous faire part. Vos économies sont liées. Vous avez même une monnaie commune. Vous êtes incroyablement liés, sauf en ce qui concerne le Royaume-Uni bien sûr, qui a sa propre devise. Cependant, le bloc européen est étroitement lié.
Vous connaissez bien sûr notre principal partenaire commercial, notre voisin du Sud, les États-Unis. Nos deux économies sont également liées. L'année dernière, un nouveau président a été élu aux États-Unis, le président Obama. Depuis son élection, le travail n'a pas cessé dans le dossier du changement climatique. Nous poursuivons le dialogue sur les énergies vertes. Le Canada estime désormais qu'il existe une démarche continentale en matière de changement climatique, tout comme on peut parler de démarche continentale dans le cas de l'Europe, parce que nos économies sont liées. Nous poursuivons notre engagement à disposer d'un réseau d'électricité plus efficace afin de pouvoir connecter tous les types d'énergie que nous utilisons et nous cherchons à mettre en oeuvre un régime continental de plafonnement et d'échange. Les négociations se poursuivent.
L'Europe a ses cibles. Différents pays, comme vous nous l'avez dit, sont aux prises avec des défis différents. Tous les pays ne pourront pas respecter les cibles établies, mais s'ils se regroupent, ils y parviendront. Le nouvel accord international que nous envisageons devra être juste et pratique. Il est très important pour le monde entier que nous parvenions à un accord global, à un cadre général qui nous permettra de nous attaquer au problème du changement climatique.
Le Canada estime que cela doit se faire à l'échelle du continent, comme le fait l'Europe. De plus, les cibles fixées devront être justes.
Pourriez-vous me dire où se situent les pays en développement par rapport à ce nouvel accord international. Encore une fois, si nous voulons être équitables, il ne sera pas possible... Nous parlons des questions de changement climatique en comité, à la Chambre, depuis bien des années et nous sommes bien conscients qu'il s'agit d'une question très importante, fondamentale même, qu'il faut traiter comme il se doit. Si les principaux émetteurs ne participent pas au dialogue, il ne sera pas possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l'échelle de la planète. Ce sont les scientifiques qui le disent. Donc, les grands émetteurs devront participer à la solution d'une façon ou d'une autre.
L'Union européenne demande aux pays en développement de limiter la progression de leurs émissions d'environ 15 à 30 p. 100 par rapport aux niveaux du statu quo, d'ici 2020. Selon vous, que devraient faire les pays en développement pour atteindre cette cible générale?
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Merci beaucoup, et bienvenue à vous messieurs.
J'essaie de bien comprendre ce à quoi correspond votre processus. Vous avez donc une cible qui va être négociée. Elle est contraignante, n'est-ce pas?
Un témoin: Oui.
M. Francis Scarpaleggia: Plus tard, à la faveur des négociations au sein de l'Union européenne, chaque pays se verra fixer une cible. C'est exact?
Les témoins: Oui.
M. Francis Scarpaleggia: D'où ma question naïve: qui est lié à votre cible globale de l'UE? Elle est contraignante pour qui? Autrement dit, si les 27 pays ne sont pas d'accord sur les cibles individuelles qui leur sont fixées, qui va devoir respecter la cible contraignante de l'UE?
Ma seconde question découle un peu de la première: quand vous dites que la cible est contraignante, cela sous-entend-il qu'il n'y aura pas de négociations, que vous n'allez pas négocier la cible contraignante de l'UE en réponse à ce que les autres pays pourront faire?
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Tout cela me semble être un processus de négociation fort complexe.
Un témoin: C'est notre réalité.
M. Francis Scarpaleggia: Je vais vous poser une autre question naïve: qu'est-ce qui vous porte à croire que 27 pays s'entendront sur des cibles individuelles? Voilà ma première question.
Par ailleurs, j'aimerais savoir si vous avez appliqué une formule d'interfinancement entre les pays. Par exemple, si un pays est moins bien loti que les autres ou s'il est moins en mesure de viser une cible ambitieuse, bénéficiera-t-il d'une aide financière provenant d'un autre pays européen?
Au Canada, quand on parle d'une réduction de 25 p. 100 d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990, c'est toujours sous réserve que les revenus soient redistribués. Par exemple, un certain pourcentage de l'argent provenant des sables bitumineux demeurerait en Alberta. Il y aurait donc une forme de subvention par une région du pays qui ne s'appliquerait pas à l'ensemble du Canada, cela pour protéger le principe voulant qu'une partie des revenus de la région doit demeurer dans cette région. Est-ce le genre de modèle que vous allez appliquer ou aurez-vous simplement recours à des échanges de droits d'émissions, sans plus?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être venus nous rencontrer. Vos témoignages sont très éclairants.
J'aimerais revenir sur l'approche régionale ou territoriale que vous avez mentionnée plus tôt. Actuellement, on essaie de nous faire croire qu'il faut absolument s'aligner sur les cibles des États-Unis. Or, en fin de semaine, j'ai rencontré les membres d'une délégation du Mexique. On a parlé d'environnement pendant tout un après-midi, de même que le lendemain. Leur approche diffère. On ne peut donc pas parler d'une approche nord-américaine. À mon avis, c'est une approche canadienne, point à la ligne
Vous parlez toujours d'une approche mondiale, et je pense que c'est ce qu'il faut viser. Il faut fixer des objectifs mondiaux. C'est dans cette optique qu'on va se rencontrer au Danemark dans quinze jours. Il faut cesser de penser uniquement à nous et à notre marché d'à côté.
J'aimerais savoir si, de concert avec les 27 États, vous avez essayé d'aligner vos cibles sur celles des pays les moins capables ou les moins décidés à prendre des mesures ou plutôt sur celles des pays qui étaient déjà les plus avancés.
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Ça va. Je voulais simplement obtenir une clarification et je crois avoir compris.
Il y a une chose sur laquelle je tenais à insister. Je représente une circonscription en Alberta qui a bien sûr été prise dans la ligne de mire en même temps que les sables bitumineux. En Alberta aussi nous dépendons beaucoup de la production d'électricité par des centrales thermiques au charbon. Bien sûr, nous sommes en train de passer autant que faire se peut à l'énergie éolienne. Comme nous n'avons bien sûr pas de régions côtières, il ne nous est pas possible d'exploiter les marées. Nous n'avons pas non plus beaucoup de cours d'eau. Nous n'avons que cinq grands bassins versants dans la province et aucun ne se prête à des projets d'hydroélectricité. Ma province se trouve donc dans une situation très difficile qui est celle d'effectuer la transition à partir d'une économie basée sur le carbone.
Et puis, le Canada n'a pas eu beaucoup de chances ces dernières années dans ses négociations avec son plus important partenaire commercial, les États-Unis. Certes, il y a eu un changement à la tête de ce pays, et on vous a d'ailleurs posé une question à ce sujet tout à l'heure. J'ai cependant l'impression que l'Union européenne a reconnu, dans ses politiques économiques, que les chiffres parlent et qu'il est logique que les pays membres de l'Union européenne s'assoient ensemble pour discuter de sujets comme la politique économique et la politique environnementale. On dirait que c'est grâce à ce genre de coopération et de collaboration qu'on parvient à exploiter au mieux la sagesse collective des 27 pays membres de l'Union européenne.
Je sais que vous hésitez à nous faire part de vos réactions à ce sujet, mais si tel était le cas, il serait logique que le Canada mobilise ses partenaires nord-américains et ses plus importants partenaires économiques pour qu'ils adoptent des politiques et des objectifs semblables. Comme nous n'avons pas eu une grande collaboration de la part de l'administration américaine précédente — il semble que nous sommes en train de passer à la vitesse supérieure grâce au récent changement d'administration chez nos voisins américains — ne nous recommanderiez-vous pas, en tant qu'ami du Canada, de chercher à avoir le plus grand nombre d'alliés et le plus grande nombre de partenaires commerciaux possible de notre côté pour protéger nos intérêts?