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Je tiens à remercier le président et les membres du comité d'avoir donné l'occasion à l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, ou ACFPC, de comparaître devant vous dans le cadre de son examen du projet de loi C-311 et de l’importante question des changements climatiques.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j’aimerais attirer votre attention sur quatre éléments.
Tout d'abord, sachez que l’ACFPC prend les changements climatiques très au sérieux. Nos membres ont dépassé de beaucoup les objectifs de Kyoto en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour continuer de progresser, nous devons toutefois demeurer un secteur compétitif sur la scène mondiale. Les politiques gouvernementales sont cruciales dans ce contexte.
Il faut donc que le gouvernement canadien gère les gaz à effet de serre au même rythme que les États-Unis. Nous devons concevoir notre système de manière à ce qu’il soit comparable à celui des États-Unis, d'abord pour des raisons de compétitivité, mais aussi pour éviter des mesures frontalières de la part de nos voisins du Sud et pour tenir compte de la réalité de l’intégration canado-américaine sur le plan économique. Cela ne veut pas dire que nous devons être identiques aux États-Unis. Il faut reconnaître que les réalités canadiennes sont différentes. Lorsque nous le pouvons, nous devrions faire les choses plus intelligemment que les États-Unis. Cela dit, il est beaucoup plus avantageux de nous adapter à la démarche américaine que d’élaborer notre propre plan.
En ce qui concerne le projet de loi à l'étude, nous ne devrions pas nous lier les mains par des objectifs fixés dans une loi, comme on le propose ici. Nous ne savons même pas si le Canada peut atteindre ces objectifs. Le projet de loi forcerait le Canada à acheter des crédits, et non à réduire ses émissions. C’est une mauvaise approche, qui coûterait des milliards de dollars au Canada. Le récent rapport de la Fondation Suzuki et de l’Institut Pembina estime les coûts à 6 milliards de dollars d’ici 2020, mais nous croyons que le chiffre réel pourrait être bien supérieur.
Nous ne considérons pas que le projet de loi C-311 offre le type d’encadrement qu’il faut dans le domaine des changements climatiques. Je vais vous donner un aperçu d’un cadre qui pourrait donner de bons résultats — un cadre dans lequel le gouvernement choisit, avec raison, de s’aligner sur les États-Unis et peut aller plus loin en ce qui concerne les possibilités fiscales d’amortissement et l’utilisation d’un fonds pour les technologies.
Laissez-moi d'abord vous présenter les réalisations de l’ACFPC et de ses membres dans le domaine des changements climatiques, que vous trouverez d'ailleurs à l'annexe 1 du document joint à notre mémoire. Kyoto prévoyait une réduction de 6 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Les membres de l’ACFPC ont réussi à réduire leurs émissions de 65 p.100! Nous avons obtenu ces résultats en vertu du Programme de gestion responsable. Nombreux sont ceux qui, parmi vous, connaissent ce programme. Nous l’avons amélioré récemment afin d’intégrer plus étroitement la gestion responsable et la durabilité, et pour maintenir le rôle directeur du Canada parmi les associations qui en font partie.
Dans le cadre du Programme de gestion responsable, nos membres ont pris les changements climatiques au sérieux dès le début. En 1992, tout juste après l’adoption de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’ACFPC a commencé à suivre ses émissions et à publier les résultats de ses démarches. Depuis, nous n’avons cessé d’améliorer notre bilan pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre.
Voilà ce que nous avons fait. Maintenant, qu’attendons-nous du gouvernement?
Depuis que nous avons commencé à consigner les données sur nos émissions, nous sommes à la recherche d’un cadre stratégique gouvernemental qui appuie notre action. Le meilleur résultat que nous ayons obtenu à ce jour, c’est le fait que le gouvernement actuel comprenne que, sur le plan intérieur, le Canada doit cheminer au même rythme que les États-Unis et que, sur la scène internationale, le Canada doit insister sur des obligations de réduction de la part des pays en développement qui sont des concurrents clés et de grands émetteurs. Sur ces éléments, la politique gouvernementale est bonne. Mais le gouvernement doit aller plus loin en appuyant le développement technologique et les dépenses en immobilisations.
Une bonne partie de ce qui influe sur l’investissement au Canada échappe au contrôle du gouvernement, par exemple les courants commerciaux internationaux et les développements sur les marchés comme la Chine, l’Inde, le Brésil et le Moyen-Orient. On peut exercer un peu d’influence sur d’autres facteurs importants, comme la valeur du dollar, mais pas tant que ça.
Toutefois, il existe trois instruments stratégiques que le gouvernement peut utiliser et qui sont très puissants. Le premier est l’alignement sur les États-Unis; le plan du gouvernement à cet égard est bien conçu. Le deuxième consiste à améliorer les possibilités fiscales d’amortissement accéléré. Le troisième concerne un fonds pour les technologies dans le cadre de mécanismes de conformité aux obligations dans le domaine des changements climatiques. Sur ces deux derniers éléments, le plan du gouvernement va dans la bonne direction, mais il faut l’améliorer.
Avant d'aller plus loin et d'aborder ces deux derniers points plus en détail, permettez-moi de vous dire deux mots sur l'alignement avec les États-Unis.
L’alignement sur les États-Unis de la politique canadienne sur les changements climatiques suppose, de manière générale, une approche semblable, mais non pas identique. Cela revêt une importance particulièrement cruciale pour les secteurs des produits chimiques à forte consommation énergique et exposés au commerce, que l’on désigne par l’acronyme anglais EITE. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi on a conservé l'acronyme anglais, parce qu'il ne se prononce pas mieux dans une langue que dans l'autre.
Les produits canadiens vendus aux États-Unis représentent à peu près 57 p. 100 de la production chimique canadienne. Les États-Unis absorbent donc une part écrasante de notre production.
Plus tôt cette année, l’ACFPC a constaté que les États-Unis s’orientaient vers une approche de plafonnement et d’échange. L’ACFPC a recommandé que le Canada fasse de même. Nous recommandons aussi que le Canada ne propose pas de plafonnement précis pour les secteurs EITE, comme les produits chimiques, du moins pour le moment. L’objectif canadien devrait plutôt s'inspirer du plafonnement que prévoira la loi qui sera adoptée aux États-Unis pour les secteurs équivalents. Le plafond canadien devrait être comparable ou légèrement inférieur à celui des États-Unis.
En fait, on pourrait très bien justifier l'instauration d'un plafond plus bas au Canada, puisque le Canada est davantage exposé au commerce que les États-Unis. En gros, le Canada exporte et importe quatre fois plus que les États-Unis. De plus, comme le montre le tableau de l’annexe 2, il sera de beaucoup plus onéreux de réduire les émissions au Canada qu’aux États-Unis.
Ces facteurs militent en faveur d’un plafond moins coûteux pour les secteurs canadiens qu’aux États-Unis. Mais ce n'est pas tout: en effet, si le plafond est inférieur au niveau qui sera fixé aux États-Unis, on se retrouve avec la menace « d’ajustements à la frontière » s’ajoutant au coût de nos produits. Par contre, si le plafond canadien est plus élevé, nos coûts de fabrication vont augmenter et les produits importés seraient plus attrayants sur le marché canadien. Même si c'est loin d'être évident, il s’agit de trouver le bon équilibre, et une fois que nous connaîtrons la position finale des États-Unis, le Canada pourra réagir en conséquence.
Pour un scénario d’alignement sur les États-Unis, le Canada semble avoir le bon plan concernant les changements climatiques. Pour les possibilités fiscales d’amortissement accéléré et l’utilisation d’un fonds pour les technologies, le plan du gouvernement semble aller dans la bonne voie, mais il faut l’améliorer et l'amener plus loin encore.
En ce qui a trait aux possibilités fiscales d’amortissement accéléré, le bilan environnemental du Canada en matière de produits chimiques repose sur la gestion responsable et les nouveaux investissements. Soulignons au passage que les nouveaux investissements contribuent aussi à améliorer le bilan environnemental du secteur de la fabrication en général. Le tableau présenté à l’annexe 3, qui nous vient de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, est un peu dépassé, mais c'est encore ce qui illustre le mieux mon propos. Je crois d'ailleurs que vous l'avez déjà vu auparavant. Il montre que les dépenses en immobilisations sont la clé de la réduction de l’intensité des émissions dans le secteur de la fabrication. Ce fait représente une fondation cruciale sur laquelle il convient de faire reposer la politique relative aux changements climatiques.
Pour contribuer concrètement à la politique canadienne concernant les changements climatiques, le comité pourrait certainement reconnaître le lien entre les nouvelles dépenses en immobilisations et l'amélioration du bilan environnemental. L’amélioration des possibilités fiscales d’amortissement permettrait notamment d'attirer de nouveaux investissements et de ramener le bilan environnemental du secteur chimique et de l’ensemble du secteur de la fabrication aux niveaux qu'il a connus au cours de l’essor des années 1990. L’ACFPC a d'ailleurs déjà abordé cette dimension avec les Comités de l’industrie et des finances. Ceux-ci ont compris les arguments liés à la compétitivité et à la productivité, mais votre comité pourrait, je dirais même devrait certainement contribuer à la dimension environnementale.
Il existe une solution concrète que le gouvernement peut mettre en oeuvre dès maintenant, et que tous les partis ont appuyée dans un rapport du Comité de l’industrie rendu public en 2009, à savoir prolonger les possibilités fiscales d’amortissement accéléré pour la machinerie neuve et les nouveaux équipements. Certes, cette mesure est apparue à titre de poste budgétaire dans les derniers budgets pour une période de deux ans, mais ce dont nous avons vraiment besoin, en vérité, c’est d’une période de cinq ans. Il s’agit d’une importante politique autant du point de vue concurrentiel qu'environnemental. Selon nous, cette approche est promise à un bel avenir, et c'est pourquoi nous espérons que le comité y sera favorable.
Enfin, pour ce qui est du fonds pour les technologies, rappelons que, s’il est bien conçu, un tel fonds peut constituer une façon efficace de réduire les GES. Ce fonds devrait être mis en place pour encourager l’investissement dans les technologies de transformation et pour améliorer les technologies actuelles. Il devrait suivre une approche de gestion prudente d’un portefeuille. Le fonds devrait également comporter un mécanisme efficace de conformité, ainsi qu’un mécanisme assurant une certaine stabilité des prix.
L’ACFPC a la ferme conviction que l’investissement technologique sera un élément décisif dans la lutte contre les changements climatiques. Nul besoin de vous rappeler que c'est un avis partagé par à peu près tout le monde. Nous avons été encouragés par le fait qu’un fonds pour les technologies constituait un des moyens permettant de parvenir à la conformité parmi les propositions gouvernementales formulées dans le cadre de Prendre le virage. Toutefois, cette proposition comporte des lacunes sérieuses. L’ACFPC a plaidé en faveur d’un fonds technologique inspiré du modèle albertain, mais avec deux éléments distincts.
Premièrement, le coût lié aux contributions au fonds ne devrait pas être fixe, mais varier en fonction du cours du carbone sur le marché. Deuxièmement, il devrait y avoir une limite quant au degré qu’on peut atteindre au moyen de contributions à un fonds technologique.
Chose certaine, le fonds pour les technologies devrait être un volet permanent de la solution au problème des changements climatiques. La réduction des émissions de gaz à effet de serre doit constituer un exercice à long terme, et notre vision devrait s'étendre au moins jusqu'en 2050, sinon au-delà.
Pour conclure, je vous rappellerai que les membres de l’ACFPC auront bientôt réduit leurs émissions de GES de 65 p. 100. Il s’agit ici de réductions réelles des émissions. Nos progrès sont principalement attribuables aux technologies de transformation et à de grands investissements dans de nouvelles usines qui sont entrées en service dans les années 1990, période où l’économie du secteur de la fabrication était en plein essor.
Au fur et à mesure que nous sortirons de la récession, le climat d’investissement devrait se rétablir. C’est ce dont nous avons besoin au Canada. Et plus nos politiques seront harmonisées, plus les investissements à venir donneront de bons résultats. L’alignement de nos politiques relatives aux changements climatiques avec celles de notre principal partenaire commercial, les États-Unis, l’amélioration des possibilités fiscales d’amortissement accéléré et la mise en place d’un bon fonds pour les technologies: tout cela sera utile.
Par contre, l’envoi de six milliards de dollars à l’étranger, pour acheter des crédits d’émission, comme l’exigerait le projet de loi à l'étude, ne nous serait d'aucune utilité. Je vous rappelle par ailleurs que ce chiffre est tiré du récent rapport de la Fondation Suzuki et de l’Institut Pembina. En fait, le rapport en question suppose qu’on peut acheter des crédits internationaux au coût de 75 $, alors qu’ils se vendent 200 $ au Canada. Si le prix international est plus près du coût au Canada, le montant à débourser pour acquérir ces crédits pourrait être beaucoup plus élevé.
Alors que la terre entière cherche à réduire les émissions de gaz à effet de serre, personne ne se soucie assez des différences de coûts d'un pays à l'autre. Le graphique qui se trouve à l'annexe 2 de notre mémoire illustre diverses variations de prix, au Canada et ailleurs dans le monde. Au Canada, les coûts des crédits de carbone seront très élevés, beaucoup plus qu'aux États-Unis. C'est aussi ce qu'affirment le rapport de la table ronde rendu public au printemps dernier et celui de la Fondation Suzuki et de l'Institut Pembina.
Il ne faut pas leurrer l’opinion publique et lui faire croire qu'au Canada, la lutte aux changements climatiques se fera en criant « ciseaux » et avec peu de moyens financiers. Au contraire, les coûts seront élevés. La meilleure façon de limiter ces coûts au plus bas niveau possible consiste à appliquer les politiques que nous avons proposées, et non pas à fixer des objectifs obligatoires, comme l’exige le projet de loi à l'étude.
En résumé, l'ACFPC et ses membres prennent au sérieux les changements climatiques et la réduction des émissions de GES. Notre bilan en fait foi. Nous estimons cependant que le projet de loi C-311 fait fausse route, car il fera en sorte que des milliards de dollars seront envoyés à l’extérieur du pays. Nous recommandons un cadre de politique gouvernementale qui pourrait bien fonctionner, un cadre en vertu duquel le gouvernement fait ce qu’il faut faire, c’est-à-dire agir au même rythme que les États-Unis, et va plus loin à propos des possibilités fiscales d’amortissement accéléré et de l’utilisation d’un fonds pour les technologies.
Je vous remercie, et sachez que nous serons heureux de participer à la discussion.
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Bonjour monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. C’est avec plaisir que nous sommes ici ce matin pour vous faire part du point de vue de l’industrie du raffinage du pétrole sur la politique fédérale pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, que je désignerai par leur sigle, GES.
Permettez-moi tout d’abord de vous dire quelques mots sur notre organisation. L’Institut canadien des produits pétroliers, ou ICPP, est une association qui regroupe 11 entreprises canadiennes engagées dans le raffinage du pétrole et la commercialisation de produits pétroliers destinés aux secteurs résidentiels, commerciaux, industriels et des transports. Collectivement, les membres de l'institut représentent plus de 80 p. 100 de la capacité de raffinage de pétrole brut et des activités de commercialisation du pétrole au Canada. Ils contribuent massivement à l’économie locale et nationale. Ils font aussi partie de l’infrastructure critique qui soutient la production énergétique canadienne, et leur rôle consiste à assurer un approvisionnement fiable en pétrole de haute qualité; un approvisionnement qui est capital pour le Canada.
Collectivement, les entreprises membres de l’ICPP affichent un bilan très solide pour ce qui est des gains en efficacité énergétique et de la réduction des émissions de GES. Sur une période de 10 ans, soit de 1995 à 2005, les raffineries membres de l’ICPP ont réduit leur consommation globale d’énergie de 12 p. 100. Leur efficacité énergétique s’améliore de plus de 1 p. 100 chaque année, ce qui a pour conséquence de réduire les émissions de GES d'autant. Je tiens à préciser qu'il s'agit de réductions réelles, qui ont pu être atteintes même si la production a continué d’augmenter.
Mes observations d’aujourd’hui se concentreront sur trois points: La nécessité de se conformer aux programmes de nos voisins, et plus particulièrement l’importance critique de se mettre au diapason des États-Unis, notre principal partenaire commercial, mais aussi des autres pays avec qui nous faisons du commerce. L’importance d’établir des objectifs et des mécanismes réalistes sur le plan économique et technique. Et le besoin de mettre sur pied des systèmes flexibles et transparents de tarification pour le carbone, que ce soit le système de plafonnement et d’échange ou tout autre programme permettant de fixer le prix du carbone. L’objectif doit consister à réduire les émissions au plus bas prix possible pour l’économie et notre société.
Le Canada est une nation commerçante. Notre pays est un grand consommateur d’énergie, son commerce est exposé, et l’industrie du raffinage du pétrole ne fait pas exception. Le concept d'uniformité intergouvernementale et d’harmonisation des objectifs et des charges en matière de réduction est crucial. Cependant, nous n’avons pas dit « identique », car il faut absolument admettre que l’économie du Canada est unique au monde, surtout lorsqu’il s’agit de ses importantes ressources et sources d’énergie, qui sont en grande partie destinées à l’exportation. Nous sommes pour l’harmonisation, mais nous concevons qu’une « approche passe-partout » puisse avoir des conséquences négatives involontaires sur notre économie unique. Nous croyons que le gouvernement partage cette vision et qu’il a choisi la bonne démarche lorsqu’il a synchronisé son approche avec les États-Unis, notamment en ce qui concerne les secteurs dont le commerce est exposé.
En ce qui concerne la situation particulière du raffinage du pétrole dans cet univers mondialisé où les produits pétroliers sont régulièrement importés au Canada de territoires aussi éloignés que l’Europe et l’Afrique, quand ils n'y sont pas exportés, nous devons nous assurer que les raffineries canadiennes ne doivent pas concurrencer des entreprises qui ne sont pas soumises aux mêmes exigences environnementales ni aux mêmes coûts.
On a beaucoup parlé de l’harmonisation des plans canadien et américain en matière de changements climatiques. En principe, il s’agit d’une question importante pour l’économie canadienne, étant donné que les États-Unis sont notre principal partenaire commercial. Nous sommes heureux que le gouvernement ait fait une priorité de cette question. Toutefois, le défi consistera à trouver une démarche qui tienne compte du fait que les États-Unis sont un importateur net d’énergie et que le Canada en est un exportateur net.
Voici un exemple: les propositions législatives actuelles sur les changements climatiques des États-Unis ne reconnaissent pas l’industrie américaine du raffinage comme un secteur dont le commerce est exposé. Elles imposent à ce titre une charge nettement discriminatoire aux raffineurs pour la réduction des émissions de GES; une charge contre laquelle s’opposeraient l’ICPP et ses membres. Les études ont clairement montré que si cette méthode était appliquée, elle augmenterait considérablement les importations de produits pétroliers, mais elle se traduirait par un surcroît de dépenses pour l’industrie nationale et des pertes d’emplois. Pourtant, les effets sur les émissions mondiales des raffineries seraient négligeables. Loin de faire réduire les émissions mondiales de GES, la formule ainsi proposée ne ferait que les redistribuer.
Cela étant dit, les producteurs, les fournisseurs et les utilisateurs canadiens de produits pétroliers doivent néanmoins se concerter et trouver le moyen de diminuer les effets néfastes de la production et de la consommation de l’énergie sur l’environnement et de réduire leur bilan carbone global.
Ce qui m'amène à mon deuxième point: faire en sorte qu'il soit techniquement et économiquement possible d'atteindre les cibles établies de réduction des émissions de GES et de se conformer aux dispositions du régime législatif connexe à l'intérieur du délai prévu. Il doit bien y avoir des mesures qui permettraient aux parties visées de respecter les exigences en matière de réduction des émissions de GES.
Pour ce faire, il faut notamment reconnaître que de nombreux secteurs industriels, dont celui du raffinage — et des produits chimiques, comme on vient de le voir —, ont déjà réalisé des progrès importants au cours des dernières années.
J’ai d'ailleurs déjà fait mention de notre solide bilan en matière de gains en efficacité énergétique et de réduction des émissions depuis 1995.
Globalement, les émissions industrielles du Canada sont en baisse depuis 1990. Les obstacles qui, aux niveaux technique et économique, nous empêchent de réaliser de nouvelles réductions significatives sont très difficiles à surmonter. Sans compter que, dans une planification d’entreprise et un contexte d’investissement, 2020, c'est vite arrivé. Je tiens à souligner, comme mon collègue avant moi, le rôle que joueront les nouvelles technologies transformatrices dans l'amélioration du rendement du Canada en matière d'émissions de GES. Toute solution de lutte aux changements climatiques devra inciter les entreprises à investir dans la mise au point et l’utilisation de nouvelles technologies.
Permettez-moi de vous présenter les futurs défis que notre secteur devra relever. Il y a, premièrement, les émissions liées à des procédés fixes. Les deux tiers des émissions d’une raffinerie normale consistent en un mélange d’émissions provenant de la combustion, alors que le tiers restant est composé de ce qu'on appelle des « émissions fixes ». Les émissions ainsi désignées sont le résultat de procédés chimiques essentiels à la production de carburants propres de haute qualité. Il n’existe aucun moyen technologique de les réduire, outre le ralentissement de la production.
Deuxièmement, le secteur canadien du raffinage doit se plier à une panoplie de règlements qui, en régissant la composition des carburants utilisés pour le transport, comportent aussi certains désavantages sur le plan environnemental.
Le meilleur exemple serait peut-être la désulfuration des carburants, un processus utilisé au Canada depuis plus de dix ans, mais qui n'est pas près de passer de mode, vu l'intérêt croissant que suscitent les carburants diesel utilisés dans les applications hors routes et marines. Sans aucun doute, ces carburants épurés contribuent grandement à la qualité de l’air, et la suppression du soufre est l’un des éléments clés qui a permis de réduire les émissions toxiques des véhicules de plus de 90 p. 100 depuis les 20 dernières années. Certes, la désulfuration de l’essence et du carburant diesel est bénéfique, mais elle crée une augmentation des émissions de GES, à cause du processus de transformation plus intensif qu'elle suppose.
Troisièmement, nous devons accepter que le plus grand effet du secteur du raffinage sur les émissions de GES provient de la consommation des produits pétroliers raffinés. Le secteur des transports est responsable d’une grande partie des émissions de GES au Canada: jusqu'à 40 p. 100 dans certaines provinces. D’importantes améliorations devront donc être apportées dans ce secteur pour que le Canada atteigne ses objectifs. Cependant, il est évident que les raffineurs n’ont pas le pouvoir de contrôler la demande suscitée par nos produits. Il s’agit plutôt de l’efficacité des véhicules ainsi que des préférences d’achat et des habitudes de conduite des Canadiens. Et jusqu’à présent, je ne connais aucun pays ou territoire dans le monde qui ait réussi à ralentir de façon durable la croissance du secteur des transports.
Le dernier point que j’aimerais aborder aujourd’hui est le problème relatif à la flexibilité et à la transparence d'un éventuel système de fixation des prix du carbone, quel qu'il soit. La flexibilité est directement liée au problème de concurrence des secteurs énergivores et dont le commerce est exposé, comme celui du raffinage. Le programme de plafonnement et d’échange est l'outil à la mode un peu partout sur la planète. Même si les membres de l’ICPP ont des opinions partagées sur les mérites relatifs du programme de plafonnement et d’échange et de la taxe sur les émissions de carbone, mes observations d’aujourd’hui porteront sur le programme de plafonnement et d’échange, vu son essor actuel. Je mettrai l’accent sur l’aspect « échange », qui est tout aussi important, sinon plus, que le « plafonnement » lui-même.
L’échange de crédits représentera une partie essentielle du cadre proposé, et la flexibilité des échanges sera cruciale pour réussir à réduire les émissions au plus bas prix possible. Et ne soyons pas naïfs par rapport à ces coûts. Dans son rapport de 2009, intitulé « Objectif 2050 », la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie évalue que le prix du carbone se situera à 100 dollars la tonne en 2020, et qu'il augmentera à 300 dollars la tonne en 2050. Le récent rapport de l'Institut Pembina et de la Fondation Suzuki estime qu'en 2020, le prix du carbone se situera entre 100 et 200 dollars la tonne, selon l’objectif de réduction qui aura été établi. On peut donc dire que la flexibilité suscite son lot de questions et de préoccupations:
Est-ce que le cadre à venir permettra d’accéder aux droits d’émissions ailleurs dans le monde? Est-ce qu’il permettra à un émetteur donné d’accumuler ou d’emmagasiner des crédits afin de les utiliser à un autre moment? Est-ce qu’il permettra de « transférer » les crédits d’une période à une autre pour que le résultat final soit conforme aux objectifs? Est-ce qu’il allouera des crédits d’émission gratuits pour les secteurs industriels dont le commerce est exposé ou sujet aux aléas des échanges et des importations, du moins jusqu’à ce que les systèmes de plafonnement et d’échange entre les pays avec qui ils sont en compétition soient égaux?
En ce qui concerne la transparence, je mettrai spécialement l’accent sur le secteur des transports. Est-ce que le secteur du raffinage sera tenu responsable des émissions du secteur des transports et de celles qui découlent des procédés industriels, même s'il n'a aucun contrôle sur l’efficacité des véhicules, les préférences d’achat ou les habitudes de conduite des Canadiens, et lui demandera-t-on de gérer ces émissions malgré tout? Nous nous attendons à une transparence complète de la part du gouvernement au sujet des effets qu'auront ces exigences sur les consommateurs en matière de réduction des émissions de GES dans le secteur des transports.
Il ne faut pas non plus oublier le fardeau administratif nécessairement associé à la question de la flexibilité et de la transparence. À ce sujet, nous croyons que le seul moyen de minimiser les coûts de l'industrie consiste à créer une entité unique à qui l'ensemble de l'industrie rendra des comptes.
Pour conclure, je vous supplie de prendre en considération toutes les difficultés et les liens qui existent entre le secteur énergétique, l’économie et l’environnement lorsque vous vous pencherez sur la législation sur les changements climatiques; je vous ai exposé aujourd'hui le point de vue des raffineurs sur certains de ces éléments.
Finalement, j’aimerais dissiper le rêve de tous ceux et celles qui croient à l'avènement imminent d’une économie utopique sans carbone et carburant à l’énergie verte, et qui croient surtout que la transition se fera sans embûche. Je le répète: les défis techniques et économiques sont énormes. En vérité, toutes les sources d’énergie devront être mises à contribution si l'on veut répondre aux besoins énergétiques futurs des Canadiens: énergie éolienne, solaire, hydroélectrique, biocarburants, etc., mais les carburants traditionnels à base de pétrole continueront à faire partie des sources d’énergie utilisées au Canada encore longtemps. Les Canadiens auront besoin de carburants à base de pétrole propres, fiables et économiques pour encore un bon bout de temps. En tant que législateurs, vous devez tenir compte de cette réalité lorsque vous élaborerez les lois pour relever les défis liés à la réduction des émissions de GES.
Merci et n’hésitez pas à me faire part de vos questions.
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Bonjour monsieur le président. Bonjour à tous les membres du comité.
L’Association canadienne des producteurs d’acier, ou ACPA, est heureuse d’avoir l’occasion de contribuer à vos délibérations.
[Français]
L'Association canadienne des producteurs d'acier représente 10 membres qui fabriquent de l'acier dans 5 provinces, du Québec à l'Alberta.
[Traduction]
En 2008, notre industrie a produit environ 15 millions de tonnes d’acier, ce qui représente 13,5 milliards de dollars et 30 000 emplois. Bien que la production ait diminué de façon importante cette année, il est essentiel, pour l’avenir économique et environnemental du Canada, que l'industrie nationale de l'acier demeure concurrentielle. Je pense notamment aux produits de l’acier destinés à une économie plus « verte »: énergie éolienne, acier plus léger et plus solide pour des voitures moins énergivores, etc.
Concernant la politique relative aux changements climatiques, nos positions tiennent compte de différents principes importants pour notre industrie:
Premièrement, les changements climatiques exigent que des mesures importantes et simultanées soient prises par toutes les principales nations émettrices.
Deuxièmement, les cibles, les règlements et les mécanismes de conformité devraient tenir compte des réalités concurrentielles et technologiques auxquelles est confrontée l’industrie et chercher à minimiser les distorsions dans le domaine des échanges commerciaux et des investissements.
Troisièmement, les plans relatifs aux changements climatiques devraient intégrer des objectifs environnementaux et économiques, y compris des dispositions visant à favoriser une croissance industrielle durable.
Quatrièmement, les exigences en matière de réduction d’émissions devraient être partagées équitablement entre les différentes sources d’émissions, dont le secteur industriel, les transports et les consommateurs.
Et cinquièmement, les gouvernements canadiens devraient s’efforcer d’éviter les chevauchements et les doubles emplois lors de l’adoption de règlements sur les changements climatiques. Les autorités de réglementation comme les organisations réglementées bénéficieraient de l’application d’exigences réglementaires uniques.
Malheureusement, le projet de loi ne précise pas comment ces principes et d’autres points cruciaux seront traités.
J’aimerais faire quelques commentaires sur certains de ces enjeux et vous exposer le point de vue de l’industrie de l’acier sur la question. Je vous préviens dès maintenant que je ne reviendrai pas sur les éléments déjà abordés par mes collègues, notamment en ce qui concerne les systèmes commerciaux, car nos vues se rejoignent en tout point.
Premièrement, notre industrie, qui est responsable de moins de 2 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre du Canada, a apporté de grandes améliorations au cours des ans. Depuis 1990, nos émissions ont diminué de 20 p. 100 en valeur absolue et de 25 p. 100 en intensité. Bref, nous avons réussi à croître pendant tout ce temps et à dépasser les cibles de Kyoto. Et ce n'est pas tout, car nous sommes déterminés à continuer d’améliorer notre bilan, malgré les contraintes technologiques et économiques à court terme.
Deuxièmement, la production d’acier est par définition énergivore. Il faut énormément de chaleur pour créer de l’acier vierge à partir de minerai de fer, de charbon et d’autres matières, que ce soit à l'aide du procédé « intégré » ou du procédé « haut fourneau ». Le procédé faisant appel au « four électrique à arc » utilise de l’électricité à haute tension pour mélanger les ferrailles et fabriquer des produits essentiels tels que des barres d’armature et des canalisations. En plus de la valeur environnementale ajoutée que représente le recyclage de grandes quantités de ferrailles, cette méthode a l’avantage de produire moins de CO2; bref, elle offre un réel avantage au niveau du cycle de vie. L’an dernier, notre industrie a recyclé près de 8 millions de tonnes de ferrailles. Comme je viens de le dire, ces deux méthodes de production d’acier sont énergivores. Par conséquent, la réglementation sur les GES qui auront un effet sur nos intrants énergétiques auront des conséquences directes sur le coût de production de l’acier.
Troisièmement, notre secteur fait l’objet d’une forte concurrence. Nos principaux concurrents sont sur le territoire de l’ALENA, c'est vrai, mais nombre d'entre eux viennent aussi d'autres marchés. Nous luttons également avec nos concurrents de partout dans le monde pour l’investissement de nouveaux capitaux. À l’échelle mondiale, le joueur dominant dans le commerce de l’acier est la Chine, qui est aujourd’hui responsable de près de la moitié de la production mondiale d’acier, soit plus que les 10 autres plus grands producteurs réunis. Dix ans auparavant, la Chine ne représentait que 15 p. 100 de la production mondiale, soit moins que les pays de l’ALENA.
La Chine est devenue un joueur important dans le marché mondial de l’acier, soutenue par une politique nationale en la matière et par une myriade de subventions et de soutiens qui influent indûment sur le marché. Du point de vue environnemental, la Chine a un impact direct et indirect encore plus disproportionné. Il est donc essentiel que la Chine et les autres grands producteurs d’acier appliquent des mesures comparables en matière de GES, de façon à réduire de façon importante et équilibrée les émissions à l’échelle mondiale et d’éviter d’autres distorsions économiques.
La dynamique de marché en Amérique du Nord et les répercussions des règlements relatifs aux GES sur le commerce et l’investissement exigent que l’on assure un haut niveau de compatibilité réglementaire entre le Canada et les États-Unis. Je reviendrai sur ce point un peu plus tard.
Quatrièmement, il y a la technologie. Comme je l’ai mentionné précédemment, nos membres ont déjà investi dans les biens d’équipement et les procédés afin d’améliorer de façon substantielle leur efficacité énergétique. Nous poursuivrons dans cette voie, bien que la possibilité de faire des gains importants à court terme soit limitée par les technologies viables du point de vue commercial. Nous avons également une proportion relativement élevée d’émissions liées à des procédés fixes prédéfinis, que la technologie actuelle ne permet pas de réduire.
Pour ce qui est des stratégies à long terme, l’industrie mondiale de l’acier, dont nous faisons partie, travaille activement à toute une gamme de technologies de pointe qui devraient lui permettre de réduire ses émissions de plus de 50 p. 100.
J’aimerais insister, du point de vue stratégique et réglementaire, sur les points suivants:
Premièrement, l’acier est un bon exemple d’un secteur « à forte intensité énergétique subissant une forte concurrence ». Les nouvelles réglementations en matière de CO2 auront des répercussions directes et indirectes sur nous, puis que nos principaux intrants – le minerai de fer, le charbon, l’énergie et le transport – subiront aussi des coûts supplémentaires liés au CO2, coûts qui nous seront refilés en bout de ligne, puisque c'est nous qui consommons ces produits et services. Si les coûts liés à la réglementation relative aux GES dépassent largement ceux de nos concurrents, nous en subirons les conséquences tant du point de vue économique qu’environnemental. Les transferts d’émissions de carbone se transformeront alors en transferts économiques. C’est pourquoi les politiques relatives aux mécanismes de plafonnement et d’échange doivent prévoir des dispositions et des marges de tolérance assez souples pour aider les secteurs à forte intensité énergétique subissant une forte concurrence à relever adéquatement les défis que ces politiques représentent. Cette situation a été soulevée dans plusieurs importantes études publiées récemment. Elle est aussi prise en compte dans les plans préliminaires de l’Union européenne, de l’Australie et des États-Unis (ces derniers ayant également prévu l'instauration possible de mesures d’ajustement frontalières).
Deuxièmement, l’ACPA reconnaît la nécessité d’une harmonisation réglementaire entre le Canada et les États-Unis pour minimiser les distorsions dans le domaine des échanges commerciaux et des investissements. Si nos obligations sont beaucoup plus strictes, nous serons moins concurrentiels sur le marché et nous attirerons moins d’investisseurs qu'aux États-Unis. Par contre, si le gouvernement étatsunien juge le régime canadien moins strict, il risque de nous imposer des mesures frontalières. Il faut donc favoriser une compatibilité non seulement en ce qui a trait aux plafonds et aux délais, mais également en ce qui concerne les conditions de mise en oeuvre de la réglementation sectorielle.
Troisièmement, concernant la technologie, nous souhaitons l’instauration de politiques visant à faciliter les investissements pour l’amélioration à court des terme des procédés, de même que d’autres mesures favorisant le développement à long terme et à l’échelle mondiale de nouvelles technologies de production d’acier à faible teneur en carbone. Cela aurait des conséquences sur les mesures fiscales (déductions pour amortissement, etc.), les conditions associées au fonds pour les technologies proposé précédemment et, dans certains cas, les dépenses directes des programmes de recherche et développement du gouvernement.
Enfin, le projet de loi à l'étude comprend des dispositions qui permettent aux provinces et territoires d’établir leurs propres politiques climatiques. Or, cela pourrait entraîner divers chevauchements, dédoublements et incompatibilités, lesquels augmenteraient les coûts de conformité et complexifieraient la planification des investissements. Nous encourageons donc les gouvernements fédéral et provinciaux à s’entendre sur un ensemble unique de règles et de procédures de conformité.
En résumé, bien que l’industrie de l’acier représente en fait une petite part des émissions de GES du Canada, nous avons déjà fait d’importants progrès dans ce domaine. Nous sommes déterminés à faire mieux, pourvu que cela se fasse dans le cadre d’un plan réglementaire qui tiendrait compte des facteurs environnementaux, économiques et technologiques de notre secteur.
Je suis confiant que le point de vue de l’industrie de l’acier vous sera utile lors de vos délibérations.
[Français]
Merci, monsieur le président, membres du comité.
:
Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
Je m'appelle Pierre Boucher et je suis président de l'Association canadienne du ciment. Je suis accompagné aujourd'hui de Bob Masterson, qui est directeur des politiques.
Je remercie les membres du comité de nous donner l'occasion de leur faire part du point de vue de l'industrie du ciment à l'égard du projet de loi .
[Traduction]
L'industrie canadienne du ciment a entrepris des consultations des plus productives avec le gouvernement canadien sur ses projets en matière d'environnement. Nous appuyons pleinement les efforts faits par le gouvernement pour s'attaquer aux changements climatiques.
Comme vous le savez peut-être, le ciment est une fine poudre grise que l'on mélange à de l'eau, de la pierre concassée et du sable pour faire du béton. Le ciment est en quelque sorte la colle qui lie le béton. Le ciment est un bien stratégique vital pour les infrastructures canadiennes. Le ciment est un ingrédient essentiel à la fabrication du béton. Presque rien ne peut être construit sans béton.
On produit, dans le monde, 2,5 milliards de tonnes de ciment chaque année. La production mondiale de ciment devrait doubler pour atteindre 5 milliards de tonnes d'ici 2050. Au Canada, on produit 14 millions de tonnes de ciment chaque année, dont 10 millions de tonnes sont destinées au marché canadien et quatre millions de tonnes au marché américain.
[Français]
Chaque année, les Canadiens utilisent en moyenne 30 millions de mètres cubes de béton, soit un mètre cube pour chaque Canadien et Canadienne.
[Traduction]
Le ciment est une industrie énergivore. Il est important, au moment d'envisager la réduction des émissions de l'industrie du ciment, de tenir compte du fait que 60 p. 100 des émissions totales associées à la production du ciment sont des émissions liées à des procédés fixes. Ces émissions sont la conséquence directe de la réaction chimique liée au chauffage du calcaire, la matière première utilisée pour fabriquer du ciment. Or les émissions liées à des procédés fixes ne peuvent être réduites.
Les derniers 40 p. 100 sont des émissions dues à la combustion de charbon et de coke de pétrole, nos principales sources d'énergie. Ce ratio est important pour bien comprendre où l'on peut réduire nos émissions. La bonne nouvelle, c'est que l'industrie du ciment peut réduire ses émissions dues à la combustion.
L'industrie canadienne et mondiale du ciment est en train de mettre en oeuvre un plan de réduction des émissions dues à la combustion. Ce plan prévoit: l'amélioration constante de l'efficacité énergétique; une utilisation accrue des ciments composés et des substituts de ciment; la substitution du charbon et du coke de pétrole par des sources d'énergie à faible émission ou à zéro émission de carbone; des recherches sur les procédés de fabrication et les matériaux.
Malheureusement, des obstacles politiques et réglementaires, à tous les paliers de gouvernement, nuisent ou empêchent carrément la mise en oeuvre du plan de l'industrie du ciment en matière de changements climatiques. Voici les principaux obstacles que nous rencontrons: des approches fragmentaires et non intégrées d'élaboration de politiques et l'incertitude quant à l'adoption de politiques environnementales et énergétiques harmonisées en vue de s'attaquer aux problèmes particuliers que rencontre l'industrie du ciment; l'absence de soutien gouvernemental en ce qui a trait aux politiques relatives à la substitution du combustible fossile par des sources d'énergie à faible émission ou à zéro émission de carbone; un processus coûteux, long et incohérent d'octroi de permis; la lenteur du processus de modification des normes de conception et du Code du bâtiment.
Paradoxalement, les gouvernements européens reconnaissent et facilitent la mise en oeuvre du plan de l'industrie du ciment en matière de changements climatiques. En Europe, par exemple, le taux de substitution du combustible fossile peut atteindre 80 p. 100, avec une moyenne avoisinant les 40 p. 100, tandis que la moyenne canadienne atteint à peine 7 p. 100. Le Québec est toutefois un leader dans ce domaine, puisque nous remplacerons cette année plus de 25 p. 100 du combustible fossile utilisé.
Pour limiter l’impact des facteurs de déperdition sur l’investissement et de la réduction des émissions, l’industrie du ciment demande au gouvernement de tenir compte des enjeux suivants lors de l’élaboration de ses règlements en matière de changements climatiques.
Le gouvernement du Canada doit privilégier une approche coordonnée et harmonisée à l’échelle nationale et continentale en matière de changements climatiques. Le ciment est une industrie à forte intensité énergétique subissant une forte concurrence, de même qu’une industrie preneuse de prix. Par conséquent, nous ne pouvons pas faire face à de multiples signaux de prix et régimes de réglementation au Canada ou aux États-Unis, notre plus grand partenaire commercial. L’industrie canadienne du ciment doit rester concurrentielle à l’échelle mondiale.
Au moment où l'on se parle, la Colombie Britannique et le Québec appliquent une taxe sur le carbone à la production de ciment. Les importations de ciment asiatique vers le Canada ont donc augmenté, puisque ce ciment ne se voit pas imposer de taxe sur le carbone. Par conséquent, on note: (1) une augmentation nette des émissions mondiales dues à la production de ciment dans des pays qui, bien souvent, ont des règlements moins stricts en matière d’environnement; (2) une augmentation nette des émissions mondiales dues au transport du ciment de l’Asie vers le Canada; et (3) des inégalités entre les pays producteurs de ciment.
L’industrie canadienne du ciment ne peut se voir imposer à la fois un mécanisme de plafonds et d’échange et des taxes sur le carbone. Autrement, nous subirons les impacts des facteurs de déperdition sur l’investissement et des efforts de réduction des émissions.
De plus, appliquer une formule unique en matière de changements climatiques est contre-productif. L’industrie du ciment demande que l’on applique une approche sectorielle, car elle juge qu’il est essentiel de tenir compte des caractéristiques propres à l’industrie du ciment lors de l’élaboration du régime de réglementation en matière de changements climatiques. L’industrie du ciment a élaboré un protocole mondial de rapports sur les gaz à effet de serre, qui facilite l’établissement de points de référence pour l’industrie nord-américaine du ciment.
Nous encourageons le comité à tenir compte des éléments suivants lors de son étude du projet de loi .
Tout d'abord, l’industrie canadienne du ciment opère dans un marché mondial et a des concurrents partout dans le monde. Or, cette situation est encore plus aiguë dans le contexte Canada-États-Unis. Les États-Unis constituent le seul marché d’exportation de l’industrie canadienne du ciment et, bien sûr, le plus grand partenaire commercial du Canada. Le gouvernement devrait aligner sa réglementation en matière de gaz à effet de serre, de commerce et de changements climatiques sur celle des États-Unis, notamment en ce qui concerne les signaux de prix, les objectifs climatiques à moyen et long terme et l’évitement des interruptions du commerce transfrontalier en raison des différences entre les mesures de réduction des gaz à effet de serre.
Troisièmement, l’industrie canadienne du ciment ne peut pas avoir des politiques environnementales divergentes qui créeraient des frictions réglementaires indues ou de l’incertitude pouvant nuire aux investissements et à la création d’emplois.
Pour conclure, nous sommes fermement convaincus qu’une approche sectorielle visant l’harmonisation des réglementations canadienne et américaine permettrait de réduire efficacement les émissions tout en assurant à l’industrie canadienne du ciment une position concurrentielle à l’échelle nationale et continentale. Toutefois, cela nécessite une réglementation juste et équitable en matière de changements climatiques.
En outre, tous les paliers de gouvernement devraient aussi instaurer ou moderniser les régimes de réglementation, les politiques fiscales et les programmes complémentaires qui favorisent la mise en œuvre de notre plan en matière de changements climatiques. Le gouvernement devrait déterminer dès maintenant les cibles de réduction du secteur du ciment et poursuivre l’élaboration de son plan en collaboration avec les intervenants canadiens et le gouvernement des États-Unis.
[Français]
Une collaboration étroite entre l'industrie du ciment et le gouvernement est nécessaire afin de mettre en œuvre nos plans et nos stratégies communes de réduction des GES.
Je vous remercie de votre intérêt et de votre attention.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, bien sûr, à nos témoins qui comparaissent aujourd'hui.
Les Canadiens qui écoutent les audiences, aujourd'hui, pourraient avoir l'impression que le comité discute de la politique gouvernementale en matière de changement climatique. En fait, nous parlons du projet de loi , proposé par le NPD et portant sur le changement climatique. Nous apprécions cette discussion générale sur la politique en matière de changement climatique, mais nous aurions pu être en train de parler, par exemple, de l'échec des libéraux en ce qui concerne leur cible de 20 p. 100 de réduction par rapport aux émissions de 1988 pour 2005, dans leur premier livre rouge. Mais nous ne sommes pas là pour parler de cela. Nous parlons du projet de loi C-311.
Monsieur Lloyd, je vous remercie de vos commentaires au sujet des possibilités fiscales d'amortissement accéléré, non seulement à titre d'information pour les besoins des travaux du comité, mais parce que nous sommes en pleine discussion en préparation du budget de l'année à venir. Je présume que vous avez déjà fait une présentation à ce comité, mais nous pouvons certainement en discuter aussi. Je soulignerai que le Comité de l'industrie a initialement adopté une résolution unanime appuyée par tous les partis. Malheureusement, les trois partis de l'opposition ont, à un moment donné, voté contre ces mesures prévues dans les budgets.
En ce qui concerne le projet de loi C-311, l'une des choses que nous avons entendues dans les témoignages et qui est très importante... Ce n'est pas l'opinion du gouvernement; c'est une opinion de l'industrie. Les représentants du Pew Center on Global Climate Change et de Environment Northeast sont venus parler au comité des conséquences néfastes de cibles nettement différentes entre le Canada et les États-Unis.
Simplement pour que nous puissions comparer des pommes et des pommes, la cible du gouvernement du canada, en fonction de l'année 1990, est d'environ moins 3 p. 100. La cible des États-Unis, selon celle que vous choisissez... Aucune des cibles n'atteint moins 10 p. 100. C'est moins de 10 par rapport à 1990. Les cibles du NPD sont d'environ moins 25 p. 100 par rapport à 1990, d'ici 2020.
Les deux organisations ont parlé de problèmes commerciaux graves qui pourraient survenir et ont dit que cela pourrait susciter des problèmes politiques également. Je crois que l'un de ceux qu'ils ont mentionnés était l'exode des investissements du Canada vers les États-Unis, si nous avions une cible nettement plus sévère que les États-Unis dans le cadre d'un régime de plafonnement et d'échange.
Pouvez-vous nous parler de l'effet qu'auraient sur nos industries des cibles nettement différentes dans le cadre de ce type de régime? Pouvez-vous confirmer que cela signifierait un exode de capitaux pour l'achat de crédits, par exemple, du côté des États-Unis, là où ils seraient peut-être moins coûteux? Pouvez-vous nous préciser ce que cela signifiera pour nos secteurs?
Monsieur Boag, je ne sais pas si vous voulez commencer, ou peut-être M. Lloyd.