ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 8 octobre 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Nous présentons nos excuses aux témoins pour le retard dans la première partie de notre séance publique.
Je souhaite la bienvenue à M. Bob Page, président de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, qui nous éclairera dans l'étude du projet de loi C 311, Loi visant à assurer l’acquittement des responsabilités du Canada pour la prévention des changements climatiques dangereux.
Comme il reste peu de temps, monsieur Page, auriez-vous l'obligeance de limiter votre intervention liminaire à dix minutes ou moins? Nous vous en serions très reconnaissants.
Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est pour moi un plaisir de contribuer ce matin à l'étude du projet de loi C 311 que le comité est en train de faire.
Au cours de mes observations liminaires, je voudrais souligner surtout deux points. Premièrement, je voudrais parler du mandat de la table ronde et des nouvelles obligations que vous souhaiteriez nous voir assumer. Deuxièmement, je voudrais aborder certaines questions qui concernent la recherche et la perspective qu'elle ouvre sur la politique canadienne d'intérêt public et le développement durable.
Comme la plupart d'entre vous le savent, j'en suis persuadé, la table ronde nationale est un organisme fédéral indépendant qui offre des conseils en matière de politique d'intérêt public et qui a pour mission de jouer un rôle de catalyseur en définissant et en expliquant à la société canadienne et à toutes les régions du Canada les principes et la pratique du développement durable. Nous avons un vaste mandat, soit élaborer, promouvoir et défendre des idées de politique qui font avancer le développement durable. Nous tentons de trouver des solutions par consensus utiles au gouvernement en matière de politique d'intérêt public.
Par conséquent, notre rôle est fondamentalement celui d'un conseiller auprès du gouvernement, et non un rôle de vérification ou de responsabilisation. L'évaluation des politiques et programmes du gouvernement n'est pas une tâche qui a vraiment été envisagée dans la loi initiale et la mise en place de la table ronde. Bien qu'il ne soit pas explicitement écarté par la Loi de 1993 sur la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, pareil rôle cadre mal avec notre structure de gouvernance et notre mission. Il y a trois ans, lorsqu'une obligation similaire nous a été confiée par le projet de loi C 288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, nous avons donné comme première réponse le texte cité dans ma déposition d'aujourd'hui. Je ne vais pas lire tout ce passage, mais vous pouvez en prendre connaissance dans le document déposé.
Le projet de loi C 311 va même plus loin en attribuant de nouveaux rôles de vérification et d'évaluation à la table ronde. L'article 13.2 semble l'obliger à exercer une surveillance de responsabilisation plus exigeante et plus étendue à l'égard des politiques et des programmes du gouvernement. Nous soutenons en toute déférence qu’il s'agit là d'un rôle qui revient plus normalement au vérificateur général, au commissaire à l'environnement et au développement durable ou encore au Parlement lui-même. À titre d'organisme indépendant qui dispense des conseils en matière de politique d'intérêt public, nous ne tenons pas à être perçus sous un éclairage qui risque d'orienter ou de compromettre notre rôle premier, celui de conseiller en matière de politiques.
En outre, le projet de loi imposerait de nouvelles charges importantes à la table ronde nationale et à son personnel sans lui accorder des ressources supplémentaires en conséquence. Bien que le paragraphe 13 (1) semble simplement reproduire les obligations supplémentaires prévues par le projet de loi C 288, dans les faits, il double ces obligations, car il ne se substitue pas à ce projet de loi. Par conséquent, nous devrions chaque année nous charger de deux fonctions de responsabilisation et d'évaluation, dans un cas pour les cibles de Kyoto et dans l'autre pour ces nouvelles cibles, et les deux tâches devraient être accomplies pendant la même période. De surcroît, le projet de loi à l'étude ajoute des fonctions de vérification et d'évaluation nouvelles et plus étendues.
Nous ne cherchons certes pas à obtenir des fonds supplémentaires pour appliquer notre programme en matière de politiques et notre plan de travail, ce qui, je crois, ne sera pas possible si le projet de loi est adopté. Pour honorer les nouvelles obligations prévues par le projet de loi C 311, il faudrait rediriger des ressources affectées à des projets en cours, et le calendrier et la réalisation de notre ambitieux programme en matière de politiques s'en ressentiraient. Je m'empresse toutefois de préciser que nous nous efforcerons d'honorer toutes les obligations qui nous seraient confiées si le Parlement adoptait le projet de loi.
Le deuxième point que je voudrais aborder concerne notre propre service de recherche et de conseils sur les changements climatiques, notamment sous l'angle du développement durable. Ces dernières années, nous avons publié de vastes rapports bien documentés pour offrir des conseils au sujet des changements climatiques. Ils contiennent des modèles et des analyses économiques originaux et le compte rendu de larges consultations auprès des parties intéressées. Je vous signale simplement notre rapport intitulé Objectif 2050, qui a paru en mars dernier et a été communiqué au comité. Il présente une information détaillée sur diverses observations que je vais faire.
Notre rôle a été d'examiner certaines des questions de l'heure, comme la tarification du carbone, du point de vue de l'environnement et de l'économie à la fois. En recherchant des solutions consensuelles, nous avons acquis une certaine expertise qui, estimons-nous, pourrait vous être utile lorsque vous étudierez les dispositions centrales du projet de loi.
La table ronde a toujours affirmé que la façon la plus efficace d'aborder la politique canadienne sur le climat était de la voir comme un problème à long terme exigeant des solutions à long terme, et non des solutions à court terme et l'établissement de cibles imposées d'en haut.
Comme nous l'avons écrit dans Objectif 2050, le gouvernement fédéral devrait élaborer sa politique sur les changements climatiques avec la collaboration des provinces et des territoires afin de s'éloigner de l'actuelle fragmentation des politiques sur le climat qui coexistent d'un bout à l'autre du Canada.
Il faut aussi que les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre soient justifiées par une analyse et une évaluation économiques pertinentes et rigoureuses, car il importe de montrer si les cibles proposées peuvent être atteintes dans les délais réglementaires et si la technologie nécessaire à la réduction des émissions dans le secteur énergétique peut être déployée assez rapidement, et d'établir les répercussions financières, sectorielles et régionales ainsi que les conséquences pour les consommateurs. Ce genre d'approche est essentiel si on veut assurer une intégration entre économie et environnement pour que les Canadiens comprennent les conséquences des mesures prises.
Nos rapports font ressortir l'énorme transformation qui s'impose dans les secteurs énergétique et technologique si nous voulons atteindre les cibles déjà fixées par le gouvernement, soit réduire d'ici 2020 le niveau des émissions de 20 p. 100 par rapport à celles de 2006. La TRNEE a montré qu'il sera particulièrement difficile pour le Canada d'atteindre cet objectif. Il correspond à une réduction de 3 p. 100 par rapport à l'année de référence 1990, tandis que le projet de loi prévoit une réduction de 25 p. 100 par rapport à ce niveau de référence.
Vous savez sûrement qu’il s’agit là d’un changement majeur par rapport à la politique en vigueur et qu'il nécessiterait probablement des mesures plus difficiles et plus coûteuses que celles envisagées actuellement, y compris une tarification du carbone supérieure aux 100 $ la tonne que nous avons estimés nécessaires pour respecter les cibles prévues dans le programme gouvernemental à l'horizon de 2020.
Enfin, nous ne pouvons pas choisir les niveaux de référence ni les cibles en ne tenant aucun compte des ententes mondiales à venir. Nos recherches montrent qu'il est plus rentable pour le Canada d'agir de concert avec le reste du monde. Même s'il n'y a pas encore d'entente pour l'après-Kyoto et si elle prendra peut-être des années à se concrétiser, nous ne voulons pas que cela serve de prétexte à l'inaction au Canada.
Rien de tout cela ne devrait être interprété comme une excuse pour retarder la prise de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. La table ronde a été très claire à ce sujet. Cela signifie plutôt que nous devons tenir compte simultanément et non séparément des répercussions sur l’économie et sur l’environnement des cibles de réduction des émissions, si nous voulons nous assurer d’atteindre nos objectifs en matière d’environnement et d'économie.
Nous comprenons fort bien que le projet de loi a été élaboré dans le but d’améliorer notre environnement et d’aider à lutter contre les changements climatiques, mais comme le mandat de la TRNEE le dit explicitement, nous devons faire cela tout en tenant compte tant de l’environnement que de l’économie, et ce, de manière intégrée. À notre avis, c’est là la signification des termes « développement durable ».
Je me ferai un plaisir de répondre aux questions, monsieur le président.
Merci encore de m'avoir invité à comparaître.
Merci, monsieur Page.
Nous allons amorcer le cycle des questions. Chacun aura sept minutes. À vous, monsieur McGuinty.
Merci, monsieur le président.
Comment allez-vous, monsieur Page? Il est agréable de vous revoir, même si c'est par caméra de télévision interposée.
Merci, David. J
e présente mes excuses au comité. Je n'ai eu la certitude de comparaître qu'il y a deux jours. Excusez-moi de ne pas être parmi vous.
Il est agréable de vous revoir, et merci de comparaître malgré la brièveté du préavis.
Monsieur Page, nous discutons du projet de loiC-311Comme je viens tout juste de le dire dans une intervention à la Chambre des communes, nous discutons de ce projet de loi d'initiative parlementaire parce que le gouvernement n'a pas préparé de plan et n'en a présenté aucun au Parlement, ce qui aurait permis de tenir le débat autrement. Par conséquent, nous étudions le projet de loi C-311 sans traîner, comme nous devons le faire.
Je sais que vous avez beaucoup d'expérience. Je ne sais pas au juste depuis combien de temps vous présidez la table ronde, mais vous avez exposé de façon très systématique les éléments qu'un plan doit comprendre et les cibles qu'il faut établir. Vous avez parlé d'une analyse pertinente et rigoureuse, de la possibilité d'atteindre les cibles proposées dans les délais, de la technologie qui convient, etc.
Monsieur Page, le problème de l'opposition officielle, c'est que près de quatre ans ont passé, que trois ministres de l'Environnement se sont succédé pendant ce temps et que nous avons eu, semble-t-il, trois plans. Un règlement a été promis pour janvier 2010 au plus tard, mais la publication vient d'être remise indéfiniment.
Avez-vous, à titre de président du groupe consultatif du Canada…? Autrefois, ce groupe consultatif relevait du premier ministre. À mon humble avis, vous avez été rétrogradés, puisque vous relevez maintenant directement du ministre de l'Environnement. Mais c'est une autre question.
À titre de président de la table ronde, avez-vous vu, ou l'un des membres de la table ronde a-t-il vu, après tout le travail que vous avez accompli, un plan, un plan canadien de lutte contre la crise des changements climatiques au Canada?
D'abord, monsieur McGuinty, je vous remercie de votre question.
Il y a là des éléments objectifs et des éléments d'interprétation. Je ne prétends prendre aucune position, car cela revient en fait au Parlement du Canada, lorsqu'il s'agit de qualifier le plan ou les plans que le gouvernement a présentés.
Je dois en revenir aux détails de notre propre rapport et de notre travail qui en a découlé, ainsi qu'à la réponse du ministre. Je crois comprendre que plus tôt, cette année… Sauf erreur, il y a eu une autre annonce hier, et il y a une série d'annonces qui viendront sous peu.
Le ministre nous a donné l'assurance que le gouvernement étudiait très attentivement le travail que nous avons accompli, aussi bien dans notre rapport sur l'orientation que dans notre rapport technique. Par exemple, nous avons soutenu énergiquement dans notre rapport qu'il était important de prévoir un système de compensation dans le régime de plafonnement et d'échange. Le gouvernement donne suite. Plus tôt cette année, il y a eu des annonces sur certains éléments du système de compensation. Nous voyons là, de la part du gouvernement, une démarche continue qui nous mènera à Copenhague et se poursuivra ensuite dans les négociations avec les États-Unis.
Je pèse soigneusement mes mots, monsieur, car je suis bien conscient du fait que nous ne travaillons pas dans un contexte politique.
Je vais me charger de l'interprétation pour vous, car je travaille dans le contexte politique. Ce que je pense vous avoir entendu dire, monsieur Page, c'est que vous n'avez jamais vu aucun plan présenté par le gouvernement fédéral. Cela est en train de devenir extrêmement clair pour les Canadiens.
Puis-je vous poser une question plus précise, dans ce cas, en faisant appel à vos propres recherches et conseils?
Avons-vous toujours la communication, monsieur Page?
Monsieur Page, permettez-moi de revenir à quelque chose qui se trouve dans votre mémoire. C'est une question que vous avez soulevée ici.
Dans vos propres rapports, vous êtes allé jusqu'à fixer un prix pour la tonne de dioxyde de carbone ou d'équivalent de dioxyde de carbone. Il y a deux ans, le premier ministre a prononcé un discours à Londres au cours de ce qu'il a décrit comme une tournée verte de l'Europe. Il a alors annoncé que le Canada établirait le prix du carbone, au bout de quelques années, à 65 $ la tonne. Depuis, le gouvernement n'a jamais plus parlé de la tarification du carbone. Vous dites maintenant que le prix se rapprochera davantage de 100 $ la tonne, selon les mesures qui seront proposées.
Avez-vous informé le gouvernement? Avez-vous vu, de la part du gouvernement, quelque effort en vue d'informer les Canadiens? Si, par exemple, il met en place un système de plafonnement et d'échange, comme il est censé vouloir le faire, leur a-t-il dit à combien s'élèveront les prix de l'énergie pour le travailleur moyen selon ce qu'il peut rester du plan conservateur? Nous n'arrivons à trouver aucun plan, mais, dans les trois versions de plan qui se sont succédé, avez-vous remarqué quoi que ce soit qui dise aux Canadiens à quel niveau les prix de l'énergie vont s'élever?
En réalité, nous avons eu des échanges directs à ce sujet avec le ministère et avec le cabinet du ministre. Ils sont très conscients de la situation. Ils ont étudié très attentivement toutes les évaluations que nous avons faites pour la modélisation. Ces chiffres sont presque identiques à ceux d'autres modèles qui ont été réalisés.
J'estime donc qu'il y a consensus en ce qui concerne les modèles. Je ne suis pas en mesure de confirmer que le premier ministre ou le ministre ont fait récemment une déclaration publique sur le prix du carbone, ni de nier qu'ils en fait une.
Et le prix, alors? Avez-vous informé le gouvernement des ramifications de vos recherches ou des répercussions de leur propre plan, où que ce plan puisse se trouver? Je crois que ce plan change sans cesse selon ce qui se passe à Washington. Quelles seront les conséquences du plan du gouvernement pour les prix de l'énergie payés par les Canadiens?
Oui, monsieur le président. Il est contradictoire de dire au même moment qu'il y a un plan et qu'il n'y en a pas.
Ce n'est pas un rappel au Règlement, mais un sujet de débat.
Vous avez posé votre question, monsieur McGuinty…
Monsieur Page, pourriez-vous dire quelles seront, pour les travailleurs canadiens, les répercussions sur les prix de l'énergie du prétendu plan conservateur?
Notre travail montre de façon concluante que, en 2020, le prix du carbone au Canada devrait être d'environ 100 $ la tonne de dioxyde de carbone ou de l'équivalent de dioxyde de carbone si le gouvernement veut atteindre d'ici 2020 sa cible de moins 20 p. 100 par rapport aux émissions de 2006.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président. Monsieur Page, je vous souhaite la bienvenue à distance.
Avant de poser ma première question, j'aimerais que vous indiquiez aux députés et au comité quelle est votre feuille de route. Quelle est votre expérience sur le plan institutionnel dans le secteur privé?
[Traduction]
Je vois là deux questions différentes. L'une porte sur la feuille de route, qui est expliquée de façon passablement détaillée dans notre rapport. Dans ce plan, nous énumérons diverses mesures à prendre.
[Français]
Non, vous ne m'avez pas compris. J'aimerais savoir quelle était votre expérience professionnelle avant d'être président. Dans quel milieu avez-vous oeuvré par le passé?
[Traduction]
Excusez-moi, monsieur Bigras.
J'ai passé environ les deux tiers de ma carrière dans le monde universitaire. J'ai travaillé pendant dix ans dans le secteur de l'électricité en Alberta et à l'étranger, pour une société appelée TransAlta. Au fil des ans, j'ai également travaillé à divers titres pour le gouvernement fédéral. J'ai siégé au conseil d'administration d'une société, et également au conseil d'administration d'une ONG.
Cette réponse suffit-elle?
[Français]
Oui, je vous remercie beaucoup.
Je reviens au mémoire que vous nous avez présenté cet après-midi. Quelques citations me surprennent. Je vais en mentionner quelques-unes. Vous estimez que l'approche la plus efficace en ce qui a trait à la politique climatique canadienne est de la voir comme un problème à long terme, exigeant des solutions à long terme et non des solutions à court terme ou l'établissement de cibles descendantes. Je suis un peu surpris de lire cela.
De plus, vous indiquez dans votre rapport que les cibles de réduction des gaz à effet de serre doivent également être appuyées par des évaluations et des analyses économiques rigoureuses et pertinentes pour déterminer si les cibles proposées peuvent être atteintes selon les délais réglementaires, et ainsi de suite.
Monsieur Page, dans vos rapports, jusqu'à quel point prenez-vous en considération la preuve scientifique avant de faire ces recommandations au gouvernement? En effet, je trouve un peu bizarre de voir une table ronde faire des propositions au gouvernement sans tenir compte de la preuve scientifique qui dit qu'il faut que les pays industrialisés mettent en place des cibles nous assurant de limiter la hausse des températures à 2 oC par rapport à la période préindustrielle. Je cherche dans votre mémoire, cet après-midi, le fait que le Canada doit s'appuyer sur les preuves scientifiques afin d'établir ses cibles. Je comprends qu'il faut des analyses économiques, mais ne doit-on pas tenir compte aussi des preuves scientifiques?
[Traduction]
D'abord, en ce qui concerne le court terme et le long terme, nous tenons à ce que les deux soient pris en considération. Mais ce que nous essayons de faire ressortir, c'est que ce dont vous parlez est une transformation fondamentale de la technologie énergétique du Canada. Et nous essayons de souligner que cette évolution technologique, qui doit s'amorcer immédiatement – et nous l'avons dit très clairement dans nos rapports et dans ma déclaration de ce matin –, ne se fera pas du jour au lendemain. Ce genre d'évolution technologique fondamentale qui va débuter – nous espérons qu'une série de projets sera en place d'ici 2015 – va commencer à donner des résultats d'ici 2020 et il y aura accélération dans les années 2030. Il s'agit ici des énergies renouvelables, de la capture et du stockage du carbone et de diverses autres possibilités semblables. Ce sont des mesures à court terme qui aboutiront à une stratégie à long terme.
Deuxièmement, en ce qui concerne les recommandations scientifiques, je suis très heureux que vous souleviez la question. La table ronde a consacré beaucoup de temps à l'apport de la science, et je me suis rendu à la plupart des conférences des parties depuis Kyoto. J'ai contribué au travail du groupe intergouvernemental à ce propos et, dans le cadre de mon travail courant à l'université, je travaille surtout avec des étudiants en sciences et en génie qui s'intéressent à des questions comme la hausse de 2 degrés Celsius dont vous parlez.
Tous ces éléments sont indissociables de notre parcours, mais le développement durable consiste à trouver le juste équilibre. Il s'agit de trouver une façon de progresser qui nous permettra d'atteindre nos objectifs au Canada, alors que nous accusons un très important retard de plus de dix ans depuis le Protocole de Kyoto. Notre pays a eu beaucoup de mal à mettre en œuvre un plan viable.
[Français]
[Traduction]
[Français]
Revenons sur le retard du Canada. Puisque vous nous parlez de l'importance d'avoir une approche continentale, regardons les deux plans de relance économique qui ont été déposés au Canada et aux États-Unis. On se rend compte que le Canada investit six fois moins par habitant dans l'efficacité énergétique et dans les énergies renouvelables, quand on compare le plan Obama et le plan Harper.
Le Canada n'est-il pas en train de prendre un retard non seulement par rapport à la communauté internationale, mais aussi par rapport à ses principaux partenaires au Sud, surtout dans une perspective où le Canada veut établir une politique continentale?
[Traduction]
Encore une fois, je suis très heureux que vous évoquiez le programme Obama, car les divers éléments de ce programme s'échelonnent sur 10 ou 15 ans. La plupart des annonces faites au Canada indiquent des montants investis par les provinces ou encore par le gouvernement du Canada sur une période plus courte. En tout cas, pour un certain nombre de projets qui me sont familiers, on envisage au moins un investissement initial d'ici un an ou un an et demi. Il est donc très important de tenir compte de la période considérée dans chaque cas avant de sauter aux conclusions quant aux dépenses par habitant.
Je crois toutefois que vous faites ressortir un point très important, soit que les investissements du Canada, par habitant, dans la recherche industrielle innovatrice se situent à un niveau qui est constamment inférieur à ceux des États-Unis. J'espère que nous pourrons nous attaquer à ce problème dans le cas des changements climatiques. Dans l'état actuel des choses, que ce soit par habitant ou par unité de production, le montant des investissements en R-D au Canada est plus faible qu'aux États-Unis.
Une bonne fois, lorsque j'aurai une semaine libre, il serait agréable de m'arrêter à Calgary pour vous rencontrer.
Êtes-vous toujours président de TransAlta, à l'Université de Calgary?
Très bien. Je saurai donc où vous trouver.
M. McGuinty vous a posé des questions tout à l'heure sur le rôle que le projet de loi C 311 prévoit pour la table ronde nationale. Que ce rôle soit confié ou non à la table ronde nationale – et vous avez laissé entendre que ce rôle conviendrait peut-être mieux au vérificateur général –, estimez-vous que l'intention qui sous-tend la disposition, c'est-à-dire charger un organisme indépendant d'examiner les cibles que le gouvernement propose régulièrement, se justifie, que ce serait là un travail valable?
Selon moi, ce travail serait tout à fait valable. Je viens tout juste de consacrer deux mois de travail à la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto. Nous avons dû préparer des outils et nous attaquer à cette tâche, comme nous devons le faire à juste titre, pour le Parlement.
Certes, la table ronde acceptera sans réserve les nouvelles obligations que le Parlement et votre comité souhaitent lui confier, mais je tenais à souligner ce matin que les ressources mises à sa disposition pour assurer la qualité de travail que vous attendez dans tous ces dossiers sont limitées. Le vérificateur général et le commissaire à l'environnement et au développement durable ont des ressources bien plus considérables que nous pour faire ce travail. Je n'essayais en rien de dire que nous ne sommes pas disposés à assumer ces nouvelles tâches. Je voulais simplement vous montrer comment nous devrions répartir la charge dans nos services avec les ressources existantes… Cela veut dire que nous pourrions publier moins de rapports sur la politique.
Monsieur Page, si je puis me permettre, je ne vous demande pas de revenir sur ce point, car nous avons compris très clairement que vos ressources étaient un peu justes.
Que ce rôle vous soit confié ou non, estimez-vous qu'il est utile d'avoir un examen indépendant régulier, périodique, des cibles proposées par le gouvernement? Croyez-vous qu'il vaudrait la peine que ce travail se fasse de façon ouverte et transparente?
D'accord.
Merci beaucoup. M. Bigras a abordé la question, et je voudrais y revenir moi aussi. Dans votre mémoire que, malheureusement, nous ne venons que tout juste de recevoir, si bien que j'ai essayé de le parcourir pendant que vous le présentiez, vous dites que, selon vous, il est très important de faire reposer toutes les cibles que nous pouvons proposer sur une analyse économique rigoureuse. La Clean Air Strategic Alliance – nous faisons partie de son conseil d'administration tous les deux – a toujours été d'accord. Croyez-vous qu'il est tout aussi important que ces cibles soient établies d'après des analyses scientifiques claires?
Très bien. Je vous suis reconnaissante de votre réponse.
Selon vous, le GIEC est-il un organisme scientifique digne de confiance qui pourrait se charger d'une partie de cet examen scientifique pour le Canada et d'autres pays?
Le GIEC est très important. Il s'efforce de dégager, d'expliquer et de documenter les tendances mondiales existantes. Il me paraît moins évident qu'il est en mesure de répondre à des questions précises sur la situation du Canada.
D'accord.
Ma dernière question porte sur les éléments déclencheurs qui doivent amener les grands émetteurs de gaz à effet de serre à agir pour réduire le recours aux compensations ou à la technologie, etc. Un certain nombre d'études empiriques ont été réalisées. KPMG en a fait une dans les années 1980. Dianne Saxe en a fait une autre. NESCAUM, qui est une association d'États américains, a réalisé une étude empirique sur les facteurs clés qui incitent à investir dans des technologies d'énergie propre. Dans l'ensemble, les PDG ont dit que le principal déterminant était la réglementation. Chose curieuse, Shell Canada, à Calgary, a annoncé qu'elle attendait une incitation réglementaire pour que la situation soit claire et qu'elle puisse commencer à investir.
Qu'en pensez-vous? Est-il vraiment essentiel de présenter des mesures réglementaires pour lancer un message clair afin qu'on commence à investir dans…? Il y a eu un certain réaménagement des ressources publiques.
Houp, nous venons de perdre la communication. La technologie n'est-elle pas merveilleuse?
Très bien. Je vais suspendre la séance pendant que nous attendons. S'il faut attendre jusqu'à la fin de l'heure, cependant, nous devrons lever la séance, car le comité de liaison doit normalement siéger ici à 13 heures. Nous attendrons quelques minutes pour voir si le témoin peut répondre.
Monsieur Page, vous êtes de retour. Pourriez-vous répondre rapidement à la question de Mme Duncan?
Très rapidement, nous avançons dans notre rapport, à propos du régime de plafonnement et d'échange, qu'il faut des plafonds imposés par voie de règlement pour que le signal des coûts se répercute dans l'économie. Je dirai donc pour répondre à votre question que oui, nous sommes en faveur de plafonnements réglementaires, de plafonnements absolus, afin que nous puissions atteindre les objectifs imposés d'ici 2020.
Monsieur Page, merci beaucoup d'être là. Il est dommage que nous n'ayons pas pu vous entendre plus longuement.
Monsieur le président, peut-être pourrons-nous entendre M. Page témoigner plus longuement.
Monsieur, comme vous le savez pertinemment, le dialogue entre le Canada et les États-Unis sur l'énergie propre s'est amorcé au début de l'année, et nous nous acheminons vers une approche continentale harmonisée. À propos de l'établissement du coût de notre engagement à réduire nos émissions de 20 p. 100 d'ici 2020 par rapport à leur niveau de 2006, vous avez dit vous-même que c'était très difficile. Pourriez-vous expliquer davantage les conséquences économiques de l'adoption du projet de loi C-311? Quelles seraient les répercussions sur l'économie d'une réduction de 25 p. 100 en-deça des émissions de 1990? Serait-il possible d'avoir une approche harmonisée avec les États-Unis si nous nous engagions dans cette voie?
Je réponds très rapidement. D'abord, nous n'avons pas modélisé les cibles prévues dans le projet de loi. Je ne peux donc pas chiffrer l'impact. Les coûts seraient certainement plus élevés, et c'est ce que j'ai dit dans ma déclaration d'ouverture. Je ne peux pas en dire plus ce matin, avant que nous n'ayons eu le temps d'étudier la question plus sérieusement.
J'en reviens à la différence entre une réduction de 3 p. 100 du niveau de référence de 1990 et une réduction de 25 p. 100 sur 1990. Il faut ensuite revenir à la modélisation et à l'analyse sectorielles de nos rapports. On pourrait alors commencer à discerner dans quel sens les coûts évolueraient. Les coûts seraient importants.
Le Canada a probablement les coûts les plus élevés à assumer pour atteindre une cible du Protocole de Kyoto, par exemple, et il faut en tenir compte. Les différences de coûts avec les États-Unis sont un problème de concurrence sérieux pour un certain nombre de fabricants ontariens, qui n'ont pas manqué de communiquer avec nous, et pour les entreprises du secteur énergétique de l'Ouest. Les problèmes de compétitivité liés aux coûts du carbone sont très clairs, et ils s'ajoutent aux mesures protectionnistes présentes implicitement dans certaines des lois proposées aux États-Unis.
Vous dites donc, monsieur, que nous devrions avoir une approche harmonisée avec les États-Unis, une approche continentale?
Nous l'avons écrit dans notre rapport. L'intégration des deux économies est tellement poussée que les frais d'exploitation deviennent assurément un facteur du point de vue de l'investissement et de la compétitivité.
Je vous remercie également, monsieur Page. L'heure est terminée, et nous avions prévu au départ que la séance se terminerait à 13 heures, heure de l'Est. Merci d'avoir patienté tout à l'heure.
Excusez-moi, monsieur Warawa, de ne pas vous avoir donné les sept minutes. Nous vous donnerons un autre jour les quatre minutes dont vous avez été privé.
Là-dessus, je vais accepter une motion d'ajournement.
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