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Merci, monsieur le président.
Je suis très honoré d'être ici aujourd'hui et très heureux d'avoir la possibilité de faire part de mes préoccupations au sujet de Fort Chipewyan. Je m'appelle John O'Connor et je suis un médecin généraliste installé actuellement en Nouvelle-Écosse. Ma clientèle se répartit entre la Nouvelle-Écosse et le nord de l'Alberta.
Depuis 2001, je dispense des services de soins primaires à Fort Chipewyan, une localité de 1200 habitants située à une heure de vol de Fort McMurray, du côté ouest de la rive nord du lac Athabasca. C'est une très belle localité, loin des grandes zones urbaines, en bordure du bouclier canadien. Lorsque je m'y suis installé, on m'a dit que pour être accepté il fallait gagner le respect et la confiance des anciens. Je me suis donc assis à leurs côtés pendant des heures pour les écouter parler de manière très sensée et avec une grande éloquence. Ils m'ont fait part de leurs préoccupations au sujet de leur communauté. Ils m'ont parlé de leur passé et de leurs traditions; plus de 80 p. 100 des gens de cette communauté continuent à vivre de la façon traditionnelle: ils chassent, ils pêchent et ils font la cueillette et le trappage.
Ils m'ont parlé de leurs coutumes en me disant qu'ils passaient parfois des jours sur le lac et sur la rivière à pêcher, puisant l'eau du lac pour la boire, passant souvent deux ou trois jours sur l'une des nombreuses îles du lac, faisant bouillir l'eau pour faire le thé et la soupe, etc. Ils m'ont parlé aussi de la quantité de poissons et de canards que l'on y rencontrait, et surtout des rats musqués. Ces personnes, qui n'ont pas beaucoup d'argent, tirent tout le parti possible de la terre sur laquelle ils vivent sans en chercher davantage.
Ils m'ont aussi dit à quel point les choses avaient changé ces dernières années, que la qualité de l'eau s'était dégradée. Ils reviennent toujours sur le même sujet: il y a en permanence un film de pétrole à la surface de l'eau. Bien souvent, ils n'arrivent plus à trouver les rats musqués qu'ils avaient l'habitude de chasser, cette population diminue et ils les retrouvent souvent morts les pattes en l'air dans leur tanière. En les écorchant, ils constatent que la chair en est rouge comme s'ils avaient été empoisonnés. La population de canards elle aussi a diminué. Le plus étrange, c'est la façon dont ils décrivent les changements survenus dans le milieu piscicole et le fait qu'ils retirent de plus en plus du lac des poissons ayant des tumeurs, des déformations, des nageoires tordues, des organes manquants, des épines dorsales tordues et des yeux globuleux. Bien souvent, disent-ils aussi, le poisson a un goût de pétrole et n'est pas bon à manger.
Voilà donc ce que j'ai découvert quand je me suis installé dans cette localité. J'ai pris note lors de mon séjour des diagnostics qui avaient été faits avant mon arrivée et, au cours de mes années de pratique, j'ai constaté qu'il se passait quelque chose de très étrange. Je servais une clientèle de quelque 9 000 personnes à Fort McMurray à l'époque. Je pouvais donc constamment faire des comparaisons entre mes 1 200 clients de Fort Chip et les quelque 9 000 que j'avais à Fort McMurray, et en fait je ne voyais pas du tout le même genre de maladies et en même quantité que...
La maladie qui m'a le plus effrayé, c'est le cholangiome malin. Mon père en est mort en 1993, en Irlande. Elle se produit avec une fréquence d'environ un sur 100 000. C'est un cancer très agressif, particulièrement redoutable. Il est très difficile à diagnostiquer et souvent, quand on le diagnostique, il est trop tard. Le traitement est en soi presque aussi redoutable que la maladie et, bien souvent, ce n'est qu'une mesure palliative.
Les autres maladies, cancéreuses ou non, tel que cela ressort de mon expérience ou de mes discussions avec mes collègues de Fort McMurray, étaient inhabituelles, c'est le moins qu'on puisse dire, pour une si petite population. Je me suis posé cette question bien simple: est-ce que j'étais en train de constater dans cette localité quelque chose qui était liée au mode de vie? Était-ce génétique? S'agissait-il simplement d'un mauvais concours de circonstances? Ou bien, est-ce que la chose pouvait être liée aux modifications de l'environnement, qui étaient une évidence pour les gens de Fort Chip?
Les gens de la localité ont été contactés par Santé Canada en avril 2006, et l'une des premières choses qu'a fait l'un des médecins en arrivant, a été de se rendre au poste d'infirmerie, d'aller au robinet, de prendre une grande gorgée d'eau, pour ensuite déclarer au journaliste du Globe and Mail: « il n'y a rien à reprocher à l'eau de Fort Chip ». La communauté a mal pris la chose, elle s'est sentie insultée.
Les responsables ont ensuite déclaré qu'ils allaient étudier les maladies survenues dans la localité et ils ont emporté des boîtes de dossiers de personnes décédées à Edmonton. Ils nous ont dit qu'ils reviendraient en septembre.
Six semaines plus tard environ, ils sont revenus pour nous dire que tout allait bien. Ils avaient en fait transmis les informations à l’Alberta Energy and Utilities Board de Fort McMurray la semaine précédente, parce que l'on posait des questions à la Commission sur les répercussions éventuelles sur la santé publique des mines de sables bitumineux en exploitation. L'étonnement au sein de la collectivité a été considérable. Une analyse indépendante des constatations faites à l'époque avait montré que le pourcentage de cancers y était de 29 p. 100 plus élevé qu'ailleurs. Le gouvernement ne reconnaissait pas la validité de ces chiffres.
Ils ont aussi parlé de l'arsenic et ont demandé à la collectivité de faire parvenir à Edmonton, pour y être analysés, des échantillons de viande d'orignal et de roseaux des étangs. Les habitants de la localité avaient déjà pu lire cette information quelques jours auparavant dans les journaux de Fort McMurray parce que les responsables de l'industrie avaient averti que les taux d'arsenic étaient susceptibles d'atteindre environ cinq cents fois le seuil considéré comme étant acceptable. À partir de ce moment-là, les gens de la collectivité ne faisaient plus confiance au gouvernement pour arriver à des résultats positifs.
Néanmoins, des échantillons ont été envoyés quelques mois plus tard à des fins d'analyse et, comme l'on pouvait s'y attendre, on a constaté que les taux d'arsenic étaient de 17 à 33 fois supérieurs, et non de 500 fois, au seuil considéré comme normal. Ces constatations étaient censées devoir rassurer la collectivité.
En 2007, j'ai reçu par courrier une grosse enveloppe en provenance du Collège des médecins et chirurgiens d'Edmonton, et ce n'était pas un cadeau. On y dressait la liste des plaintes enregistrées par Santé Canada au sujet de mes activités à Fort Chip. On m'accusait de bloquer l'accès aux dossiers, de commettre des irrégularités dans la facturation, d'inciter à la méfiance envers le gouvernement à Fort Chip et de semer sans raison l'inquiétude dans la collectivité.
J'ai répondu à toutes ces accusations et le collège des médecins m'a exonéré. Quelques semaines plus tard, le secrétaire du Collège m'a écrit pour me dire que l'accusation de semer sans raison l'inquiétude dans la collectivité n'avait pas été abandonnée, et depuis lors je dois effectivement me battre pour l'écarter.
Quelques mois plus tard, en novembre 2007, le Dr Kevin Timoney, un écologiste d'Edmonton, a rendu publique une étude que lui avait demandée Fort Chip au sujet de son environnement. Cette étude faisait état de taux ahurissants d'arsenic, de mercure et de HAP, de même ordre ou plus élevés que ceux que l'on a retrouvés au large de la côte de l'Alaska après le naufrage de l’Exxon Valdez. Les analyses en cours montrent que de toute évidence ces produits chimiques, ces toxines, proviennent d'une source industrielle. Je ne suis pas un chercheur; j'ai lu les nombreuses études qui parlent de la chose, en majorité en provenance du gouvernement fédéral et de l'Alberta.
À plusieurs reprises — probablement à quatre ou cinq reprises — les gens de la localité ont publiquement proclamé et écrit à Santé Canada et au Collège des médecins qu'ils n'avaient jamais été consultés au sujet de l'accusation portant sur le fait de semer sans raison l'inquiétude au sein de la collectivité, qu'il n'y avait d'ailleurs jamais eu de consultation. Ils ont demandé que l'accusation soit abandonnée. Ils ont en fait réclamé que Santé Canada renvoie son médecin en chef, qui était chargé de ce programme, sans que j'intervienne aucunement en ce sens. L'association des médecins de l'Alberta m'a appuyé sans réserve, déclarant que j'avais le droit de défendre la cause de mes clients, ce qui était le cas en l'espèce.
En février 2008, l'Alberta Cancer Board a entrepris de lancer une étude beaucoup plus générale des cancers au sein de la localité. Cette commission a publié ses conclusions en 2009. En préambule, elle a déclaré que le gouvernement avait eu tort en 2006 de dire que tout allait bien puisqu'il y avait effectivement un taux de cancer plus élevé de 30 p. 100 qu'ailleurs et, dans certains cas, qu'il s'agissait de cancers rares. Elle a proposé que l'on assure un suivi pendant les cinq ou dix prochaines années. La collectivité n'accepte pas ce principe.
Au point où nous en sommes, je crois que l'on a accumulé suffisamment de preuves. Nous savons que les toxines que l'on retrouve dans l'environnement de Fort Chip sont cause des maladies que l'on constate dans cette localité. Il y a eu suffisamment de discussions scientifiques et l'on s'est suffisamment entendu au sujet de la situation. Il est bien certain qu'il est temps désormais — et je considère qu'il est plus que temps — de procéder à une étude exhaustive de la situation de cette localité du point de vue de la santé.
Je suis ici simplement en tant que médecin de famille et pour défendre la cause de mes patients. Ma seule préoccupation est celle de la santé de la collectivité. Je ne suis pas un extrémiste; je suis, j'imagine, un activiste désormais. Je ne fais pas de politique, même si on m'a accusé d'en faire. Je veux bien qu'on me mette l'étiquette qu'on voudra. Je défendrai la cause de mes malades jusqu'à la dernière énergie, et j'irai aussi loin qu'il le faut.
Je vous remercie.
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Je vous remercie de votre invitation.
Voilà plus de 20 ans que j'écris des articles sur les questions du pétrole et du gaz en Alberta et je suis l'auteur de l'ouvrage: « Tar Sands: Dirty Oil and the Future of a Continent ».
Les sables bitumineux, qui sans conteste font l'objet des projets énergétiques les plus ambitieux dans le monde, illustre bien la relation trouble qu'il y a entre l'eau et l'énergie. Il faut de l'eau pour produire de l'énergie et il faut de l'énergie pour déplacer, pomper et traiter l'eau. Le bitume, un hydrocarbure lourd et sale, exige beaucoup plus d'eau pour sa production et pour sa transformation que le pétrole léger conventionnel. En soi, ce besoin d'eau signale la fin du pétrole bon marché tel que nous l'avons connu. L'exploitation minière du bitume donne lieu par ailleurs au rejet de quantités inacceptables d'eaux usées, et je sais que votre comité a entendu parler de cette pratique. La mise en valeur rapide et irresponsable des grands gisements de bitume de l'Alberta est source de graves difficultés qui, à mon avis, font du tort à la réputation du Canada chez nous et à l'étranger.
Je tiens à attirer aujourd'hui l'attention de la Chambre sur quatre sujets de préoccupation: l'apparition d'un problème de pluies acides dans l'ouest du Canada, les difficultés du recyclage des effluents, la situation incertaine des nappes phréatiques dans les zones produisant du bitume, et l'affaire du Dr John O'Connor.
Il fut un temps où on considérait que les pluies acides ne posaient un problème du point de vue de l'environnement que dans l'Est du Canada, mais dans une étude publiée en 2008 par la division de la recherche sur la qualité de l'air d'Environnement Canada on a calculé que dans certaines régions de l'Ouest du Canada au voisinage des grandes sources de production de SO2, telles que les sables bitumineux ou Fort McMurray, les seuils critiques avaient d'ores et déjà été atteints en ce qui concerne les pluies acides. Le seuil critique correspond à l'estimation de la quantité de pollution au soufre ou à l'azote qu'un arbre ou qu'un lac peut absorber avant d'être endommagé ou de dépérir.
Il a été indiqué dans ce rapport que la situation était préoccupante parce qu'il est prévu que les émissions acides vont augmenter au cours des 10 prochaines années dans les sables bitumineux. Selon le ministère de l'environnement de l'Alberta, l'industrie pétrolière et gazière de la province produit désormais un tiers des émissions d'oxyde d'azote du pays et près d'un quart de ses émissions d'oxyde de soufre. Ce sont ces deux sources de pollution qui font les pluies acides.
En 2010, la province produira plus de pollution acide que toutes les autres régions du Canada. La plupart de ces émissions sont poussées par le vent vers la Saskatchewan. Ces gaz polluants, qui sont susceptibles d'empoisonner et de stériliser les sols forestiers, ont déjà atteint des seuils critiques en Alberta et en Saskatchewan. Selon un rapport de 2008 destiné au Conseil canadien des ministres de l'Environnement, les sols forestiers situés en hauteur et sous le vent par rapport aux sables bitumineux reçoivent actuellement des dépôts acides plus élevés que leurs charges critiques à long terme. Autrement dit, la pollution provenant des usines à vapeur et des installations de traitement endommagent à l'heure actuelle les lacs et les sols dans tout l'Ouest du Canada.
En 2008, Julian Aherne, un chercheur de l'Université Trent, a fait savoir au Conseil canadien des ministres de l'environnement que près de 10 p. 100 des sols forestiers cartographiés de l'Alberta recevaient des dépôts acides supérieurs à leur charge critique. L'année dernière, une étude faite en Saskatchewan de 148 lacs dans un rayon de 300 km des sables bitumineux, a révélé que la majorité des lacs étudiés étaient sensibles ou très sensibles aux pluies acides.
Compte tenu de ces conclusions et de l'augmentation prévue des émissions acides en provenance des sables bitumineux, comment se fait-il qu'Environnement Canada n'a pas fait de ce nouveau problème des pluies acides dans l'Ouest du Canada une priorité nationale? Pourquoi le gouvernement fédéral n'a-t-il pas institué un organisme spécial, éventuellement calqué sur l'Air Resources Board, qui a beaucoup de succès en Californie, pour gérer la question de la pollution atmosphérique et de l'émission de gaz à effet de serre à partir des sables bitumineux?
Votre comité a beaucoup entendu parler de la croissance effrénée des bassins de décantation liés à l'exploitation des sables bitumineux. Ce sont les dépôts de déchets toxiques parmi les plus étendus dans le monde. Selon l' Energy Resources and Conservation Board de l'Alberta, ces réservoirs occupent désormais 120 milles carrés de terres forestières au nord de Fort McMurray.
Les responsables de l'industrie et les fonctionnaires du gouvernement se contentent d'en justifier la présence en soutenant que 80 p. 100 de l'eau servant d'effluent est recyclée. Ce qu'ils oublient de dire, c'est que le recyclage en permanence des effluents a concentré la pollution dans l'eau et a encore aggravé un problème déjà compliqué au départ. Selon le rapport remis en 2008 par Eric Allen à Ressources naturelles Canada, le recyclage de l'eau servant d'effluent a augmenté la salinité des réservoirs de 75 mg par litre depuis 1980.
Les augmentations récentes de dureté et les taux plus élevés de sulfate, de chlore et d'ammoniac sont un sujet de préoccupation croissant pour ce qui est de la corrosion de l'équipement servant à l'extraction du bitume. Les produits chimiques toxiques qui posent problème dans les réservoirs sont bien entendus les acides naphténiques, le bitume, l'ammoniac, le sulfate, le chlore, les hydrocarbures aromatiques et les métaux rares comme l'arsenic et le mercure. Autrement dit, le recyclage des eaux servant d'effluent a augmenté leur toxicité, ce qui soulève de nouvelles difficultés pour l'extraction du bitume, la consommation d'eau et la remise en état des bassins de décantation. Il est fortement recommandé dans l'étude de traiter comme il se doit les eaux usées dans les bassins.
Les installations à vapeur, ou le drainage par gravité assisté par la vapeur, soit la technologie d'extraction sur place, entraîne généralement un chauffage à 240 °C des gisements de bitume. Ils peuvent exercer une influence sur les nappes phréatiques sur une superficie grande comme la Floride. Un rapport publié en 1973 par le conseil de recherche de l'Alberta sur les effets environnementaux des techniques d'extraction sur place a recommandé que l'on procède à un suivi en permanence pour éviter la pollution des nappes phréatiques dont on pourrait avoir besoin pour des usages domestiques ou industriels. Rien n'a été fait. De nombreuses installations à vapeur opèrent à l'heure actuelle dans une région située au sud de Fort McMurray, le chenal Wiau, qui est l'un des principaux aquifères d'eau douce en Amérique du Nord.
On a constamment négligé les nappes phréatiques ainsi que les eaux de surface de la région de Fort McMurray en exploitant rapidement les sables bitumineux. Ce n'est d'ailleurs qu'en février 2009 que l'Energy Resources Conservation Board et le ministère de l'environnement de l'Alberta ont publié un projet de directive fixant les critères de mesure de l'eau, les obligations de rendre des comptes et le recours aux installations thermales sur place pour exploiter les sables bitumineux. Le mois dernier, le Conseil des académies canadiennes a publié un rapport exhaustif sur l'état des nappes phréatiques au Canada. Dans un chapitre très pertinent sur les sables bitumineux, on peut y lire que les cartes régionales restent incomplètes, que les informations recueillies par les responsables de la réglementation sont imprécises et qu'il n'y a pratiquement aucune donnée sur les effets cumulatifs de l'extraction de sel par les installations à vapeur.
À titre de précision, il faut environ trois barils d'eau, douce ou salée, pour produire un baril de bitume. Le rapport a conclu que l'on ne savait pas si les aquifères de la région des sables bitumineux de l’Athabasca étaient en mesure de supporter les contraintes et les déperditions imposées à la nappe phréatique.
Enfin, l'affaire du Dr John O'Connor soulève de graves questions concernant l'état de l'eau dans la région ainsi que le caractère dysfonctionnel du nouvel État pétrolier qu'est le Canada. Le Dr O'Connor, un médecin généraliste, travaille sur le terrain depuis près de huit ans dans le cadre du plus grand projet énergétique du monde de Fort Chipewyan. En 2006, il a naïvement posé quelques questions tout à fait légitimes à propos d'un certain nombre de cancers rares qui se déclaraient au sein de la communauté autochtone. Il n'a accusé ni les sables bitumineux, ni les usines de pâtes et papiers installées sur la rivière, ni le déversement des engrais agricoles par ruissellement, ni les mines d'uranium abandonnées sur le lac Athabasca. Il a tout simplement demandé que l'on procède à une étude dans les formes sur le plan de la santé.
Néanmoins, les représentants de Santé Canada, appuyés par les représentants d'Environnement Canada et du ministère de la santé de l'Alberta, ont accusé ce médecin de semer sans raison l'inquiétude au sein de la collectivité. Ils ont menacé de lui retirer son permis d'exercer en déposant une plainte devant le Collège des médecins et chirurgiens de l'Alberta. Des représentants de Santé Canada qui se servent de la plainte d'un patient pour calomnier et persécuter un médecin généraliste qui a tout simplement pris la défense de ses malades, voilà un abus de pouvoir qui ne s'était encore jamais vu au Canada.
Cette année, l'Alberta Cancer Board a confirmé les dires du Dr John O'Connor. Son étude a confirmé les cas de lymphomes et de rares cancers du sang et du canal cholédoque au sein de la collectivité. Elle a aussi fait état d'un pourcentage de cancers rares de 30 p. 100 plus élevé que la normale dans cette collectivité, et pourtant Santé Canada continue à poursuivre honteusement ce médecin et à entacher la réputation de justice et de démocratie dont jouit le Canada dans le monde.
L'histoire du Dr O'Connor fait désormais l'objet de trois documentaires internationaux distincts et a été rapportée maintes fois dans la presse internationale. Elle devrait faire l'objet d'une enquête publique de la part du Parlement canadien.
Je vous remercie.
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Il y a ici deux questions en une.
Pour ce qui est tout d'abord des études qui ont été faites, il y a eu en 2006 une analyse des dossiers des personnes décédées, qui est restée incomplète. Le ministère de la santé de l'Alberta et Santé Canada l'ont confirmé. Ils ne disposaient pas de données complètes, et pourtant ils ont donné le feu vert en disant que tout allait bien au sein de la collectivité. Sans crier gare, en février 2008, l'Alberta Cancer Board a lancé une étude exhaustive sur les cancers, qui était j'imagine plus approfondie; il a fallu un an pour la mener à bien. Cet organisme a conclu en février 2009 que l'on avait eu tort de donner le feu vert lors de l'étude de 2006. Il y a effectivement un taux de cancer 30 p. 100 plus élevé au sein de la collectivité. Du fait de leur mandat, les responsables de l'étude ne pouvaient pas aller plus loin, et ils ont recommandé qu'on fasse au minimum un suivi au cours des cinq à dix prochaines années.
L'autre question est celle de l'étude exhaustive des problèmes de santé qui a été en fait proposée pour la première fois à la fin des années 80 et au début des années 90, si j'ai bien compris, par des scientifiques à qui l'on avait demandé de participer à l'étude des bassins hydrographiques dans le Nord. Je pense qu’Andrew en sait probablement davantage que moi sur la question.
Je pense qu'au moins à une ou deux reprises depuis lors... Lorsque je me suis installé dans cette localité et que j'ai vu ce qui se passait, j'ai été très inquiet. J'ai joint ma voix sans le savoir au choeur de ceux qui réclamaient une étude exhaustive — une étude de base, disions-nous — des questions de santé. Il y a d'ailleurs bien longtemps que cette possibilité est disparue, puisque nous n'avons plus du tout de base.
Il n'y a aucun projet, à ma connaissance, visant à procéder à d'autres études au sein de la collectivité, qu'elles portent sur les cancers ou sur une analyse générale de la santé effective des habitants de la localité. Je ne peux m'expliquer pourquoi. C'est très intrigant.
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J'ai un certain nombre de propositions à faire. Ma critique du développement rapide des sables bitumineux a trait en fait à la manière dont ce développement a eu lieu. Nous avons développé trop rapidement cette ressource. Il s'agit d'une ressource très importante, tout à fait stratégique pour notre pays ainsi que pour l'ensemble de l'Amérique du Nord. Toutefois, nous la développons à un tel rythme que nous créons des problèmes écologiques que nous ne pouvons pas résoudre dans l'état des techniques actuelles.
Quant à mes solutions, elles sont aussi extrémistes que celles de l'ex-premier ministre Lougheed: allez plus doucement. Quelle est la viabilité financière de ce projet? Son développement rapide a été motivé par des impôts sur les sociétés et des redevances de faible niveau en Alberta. Ce n'est pas moi qui le dis. C'est ce qu'a déclaré le Council on Foreign Relations des États-Unis dans son rapport publié récemment sur la mise en valeur des sables bitumineux. Quels sont les problèmes que nous résolvons au plan mondial en développant rapidement cette ressource? Aucun. Là encore, selon le Council on Foreign Relations des États-Unis, nous ne résolvons aucun problème au plan mondial. Nous ne renforçons aucunement la sécurité de nos pays. Nous nous contentons de mettre davantage de bitume et de pétrole brut synthétique sur le marché.
Je pense que ce qu'a dit l'ex-premier ministre Lougheed — et cet homme est un vrai conservateur — c'est qu'il nous fallait ralentir. Assurons d'abord la viabilité financière de cette ressource. Ne mettons en place qu'un projet à la fois. Enfin, prenons en compte les problèmes d'environnement et de santé publique que ce développement rapide a créés.
Nous avons autorisé, depuis 1996, plus de 100 projets dans les sables bitumineux. Ce sont à la fois des projets miniers et des installations d'exploitation par injection de vapeur. Nous l'avons fait sans prévoir de garde-fous. Nous sommes restés passifs. On ne peut exploiter une ressource dégageant autant de gaz carbonique, consommant autant d'eau et nécessitant autant d'investissements que le bitume sans investir parallèlement dans les ressources énergétiques renouvelables à l'échelle de notre pays. Nous sommes désormais aux prises avec l'accusation de produire du pétrole sale, et je considère qu'elle est parfaitement justifiée. Si nous sommes ainsi accusés, nous ne pouvons nous en prendre qu'à nous-mêmes, parce que nous sommes restés passifs.
Une dernière chose qu'il me faudrait peut-être ajouter, c'est que nous reproduisons les erreurs du passé. Nous sommes des producteurs et des spécialistes de la mise en valeur des ressources naturelles. C'est ce que nous faisons. C'est ce qu'ont toujours fait les Canadiens. Nous coupons des arbres, nous extrayons des pierres et nous les exportons. Nous ne leur apportons aucune valeur ajoutée. Nous exportions des fourrures en Europe. Nous n'avons jamais exporté des chapeaux en fourrure. Pourquoi exportons-nous aujourd'hui du bitume brut? Là aussi il y a de l'argent à faire et de la valeur à ajouter. Je vous rappelle une fois de plus ce que nous dit l'ex-premier ministre Peter Lougheed: apportez de la valeur ajoutée à la ressource.
Nous avons donc fait un certain nombre d'erreurs. Nous avons aujourd'hui la possibilité d'y remédier. Toutefois, je doute que nous y parvenions si nous ne nous prononçons pas au niveau national sur le rythme et l'ampleur du développement des sables bitumineux et, en second lieu, si nous n'imposons pas une certaine viabilité financière à la ressource, ce que nous n'avons pas encore fait.