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Je déclare la séance ouverte. Je suis désolé du retard. Nous avons eu quelques difficultés techniques.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi . Une vidéoconférence devait avoir lieu avec Bill Erasmus, le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations des Territoires du Nord-Ouest. Malheureusement, il n'est pas encore arrivé à Whitehorse.
Nous aurons également une conférence téléphonique avec Joe Tulurialik, qui est membre de la Kitikmeot Inuit Association. Il devait être avec nous par vidéoconférence, mais en raison de conditions météorologiques défavorables, il n'a pas pu prendre son avion hier. Il communiquera donc avec nous par conférence téléphonique.
Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Tulurialik, et nous vous demandons de faire votre déclaration. Veuillez ne pas dépasser dix minutes. Les membres du comité vous écouteront attentivement et vous poseront ensuite des questions. Nous espérons que M. Erasmus sera en mesure de se joindre à nous plus tard.
Alors, veuillez nous présenter vos observations, monsieur Tulurialik.
Nous avons tenu une réunion à Inuvik sur les changements climatiques et il se fait que l'on m'a choisi. Je veux vous parler non seulement en tant qu'Inuit, mais aussi en tant qu'Autochtone qui représente l'Arctique.
Les jeunes du Nunavut qui ont pris la parole étaient inquiets au sujet de la sécurité alimentaire, entre autres, des conséquences de la brucellose sur la viande de caribou et de la présence de la glace sur la chasse au béluga, au phoque annelé et au caribou. Le goût de la viande change, ce qui indique un changement dans la nutrition. Le transport des aliments vers le Nord coûte cher et il est de plus en plus difficile d'avoir accès à des aliments locaux.
Il faut parcourir une plus longue distance pour se rendre à l'école, et les familles doivent trouver un équilibre entre l'école et le travail. Une famille a quitté Cape Dorset pour s'installer à Fort Ross.
Des plantes disparaissent en raison des changements climatiques dans les dômes de l'ITEX. On trouve de nouveaux invertébrés dans les eaux, et les plantes poussent tôt dans la saison.
Il y a de grandes quantités de glace pluriannuelle. Certains endroits n'en ont pas, ce qui peut être à la fois un avantage et un désavantage. La glace fondante limite le transport et elle peut se briser de façon imprévisible sous les voyageurs.
Il pleut beaucoup plus souvent à Iqaluit qu'avant, les migrations des caribous sont différentes et les narvals s'échouent.
L'eau doit être conduite aux maisons et les eaux usées, éliminées, ce qui indique une perte d'accès à ces ressources.
Les parcs alimentaires sont maintenant fermés. Les réalités et les difficultés sont différentes.
Il serait utile de tenir une conférence sur les Autochtones de l'Arctique.
Je parle maintenant au nom du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. Il y a des changements de température extrêmes, ce qui a créé des problèmes de sécurité alimentaire, car les gens doivent voyager plus loin sur le territoire pour obtenir des aliments —par exemple à Old Crow, où il n'y a pas d'accès.
De nouvelles espèces d'insectes et d'oiseaux apparaissent, comme le dendroctone de l'épinette à Haines Junction. Des ours sont entrés dans des villages pour échapper à des feux de forêts et il y a de plus en plus d'atterrissement dans les frayères des poissons.
À Whitehorse, la neige est plus mouillée et plus lourde qu'avant.
À Dawson, les populations de saumons changent: la montaison des saumons qui baisse et les changements dans l'apparence et le goût des saumons sont probablement des signes que leur santé change.
Les touristes doivent savoir que des changements climatiques sont en cours.
Il y a également eu des effets positifs, comme l'augmentation de la nappe et l'amélioration des conditions pour les serres. En ce qui a trait à la chasse, les populations de bisons ont augmenté, mais pas celles des moutons. On doit faire d'autres recherches, les rendre accessibles au grand public et les présenter à la communauté. Des renseignements doivent être accessibles.
L'élimination des déchets doit être améliorée et des mesures doivent être prises dans les bureaux et les maisons.
Ensuite, pour ce qui est des Territoires du Nord-Ouest, il y en a encore beaucoup à apprendre sur les changements. Les jeunes doivent intervenir afin d'informer leurs amis et leur famille.
Des changements se sont produits dans des populations, dont une réduction des populations de canards et d'oiseaux chanteurs. Des animaux migrent dans des communautés humaines.
Il y a eu plus d'orages, et on a observé une augmentation des insectes.
La viande de gibier n'a plus le même aspect ni le même goût. Les mammifères sont plus petits. Les cerfs et les couguars se déplacent vers le nord et les boeufs musqués, vers le sud.
Les arbres changent plus tôt et ils poussent au-delà de la limite forestière.
La sécherie de poisson n'est plus en service. La dynamique de débâcle et d'engel change, ce qui modifie la façon dont les communautés se préparent pour faire face aux deux phénomènes.
Les changements climatiques ont des répercussions sur la santé, dont une augmentation du taux de cancer de l'estomac. Entre 70 et 80 p. 100 des gens de certaines communautés ont des symptômes du cancer de l'estomac. Il y a eu des changements dans les foyers et dans les communautés. Nous devons conscientiser les gens par des réseaux jeunesse, des campagnes d'action, des activités de lobbyisme, des règlements et des politiques.
Nous avons donc parlé de cette multitude de sujets à notre conférence qui a eu lieu à Inuvik. Les jeunes tentent de faire changer les choses et de faire entendre notre voix. Les Autochtones sont désespérés et subissent les contrecoups des changements climatiques.
Nous avons plus... Plein d'histoires se sont produites au cours des années et en l'espace de 20 ans, il y a eu des changements. J'ai été personnellement affecté par cela. Ma famille parcourt entre 170 et 180 milles au nord de Talurjuaq pour obtenir son béluga. Depuis les 10 dernières années, il n'y a pas de glace. Nous ne sommes jamais capables de nous rendre en raison de la glace pluriannuelle. En tout cas, il y a des changements.
Nous voulons nous faire entendre.
Si vous avez des questions à ce sujet, n'hésitez pas à me les poser.
Merci.
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Peut-être pourriez-vous me faire signe lorsqu'il me reste une minute.
Monsieur le président et les membres du comité, merci beaucoup pour cette occasion.
Je suis le chef Bill Erasmus. En fait, je suis le chef national de la Nation dénée, qui comprend 30 collectivités dans les Territoires du Nord-Ouest, une collectivité en Alberta et une autre dans le nord du Manitoba.
Les Dénés constituent une vaste famille de langues qui est présente en Alaska, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi que dans les parties septentrionales du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Chez nos voisins du Sud, nous sommes représentés par les tribus apaches, navajos et hupas, notamment. Dans les livres, il est question des langues athapascanes.
De nouveau, je suis ravi de témoigner aujourd'hui. Mes propos ne seront peut-être pas directement reliés au projet de loi, mais je crois qu’il est pertinent de faire des observations qui permettront aux membres du comité de mettre leurs pensées en commun quant à la manière de procéder.
En ce qui concerne mon bagage, j’ai reçu une formation de politicologue et d'anthropologue. Je m’efforce d’appliquer ces connaissances, ainsi que mon éducation en tant qu’Autochtone de cette partie du monde, à mes raisonnements de tous les jours. Je suis toujours un jeune homme, d'après moi, mais j’ai constaté de nombreux changements au cours des années. Je suis chef depuis 1987. J’ai vu beaucoup de leaders politiques se succéder et je suis devenu très conscient de la position du Canada quant aux questions reliées à nos terres et à notre environnement. En fait, jusqu’à la fin de la semaine dernière, j’étais responsable du portefeuille national de l’environnement à l'Assemblée des Premières nations. Je connais donc très bien les questions associées aux changements climatiques et au réchauffement planétaire, ainsi que les préoccupations qui en découlent.
Pour les gens vivant dans le Nord, c’est une réalité. C’est bien réel. Par exemple, aujourd'hui, il fait tout au plus moins 10 degrés à Yellowknife. C’est très nuageux. Il a neigé un peu la nuit dernière. Nous sommes à la mi-novembre. Quand j’étais petit, il faisait au moins 30 degrés sous zéro à ce temps-ci de l’année. La glace était prise, ce qui était habituellement normal. Nous n’avions pas beaucoup de neige.
Nous avons déjà de la neige à Yellowknife. Il y en a assez par année pour nous garder tout un hiver. Autrement dit, nous enregistrons des records de chutes de neige. D’une certaine façon, c’est bon pour la terre qui se purifie d’elle-même le printemps venu. Le problème, et vous êtes nombreux à pouvoir comprendre, c’est que le budget de déneigement de la ville est déjà suffisamment amputé. De plus, il y a tous les autres problèmes que vivent les municipalités.
En dehors de nos collectivités, de nos réserves ou des endroits où nous habitons, les gens ont de plus en plus de difficulté à maintenir leur mode de vie. Par exemple, je sais qu’une personne est déjà passée à travers la glace cette année. Il est chanceux de s’en être sorti et de ne pas avoir gelé. Ses amis l’ont attrapé. Il est trappeur. Il fait partie des gens du pays qui connaissent beaucoup le territoire. Le problème, c’est qu’il est devenu très difficile de distinguer la glace de la neige. Les gens ont beaucoup de difficulté.
En ce qui concerne les animaux, vous avez probablement entendu parler des caribous. Nous éprouvons de grandes difficultés parce que la population de caribous chute considérablement partout dans le Nord: en Alaska, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, dans le Nord du Québec, et ainsi de suite. Le caribou est un animal très intéressant qui compte différentes espèces. Plus près de vous vivent les caribous des bois. Leur nourriture est variée. Ce sont de gros animaux. Certains d’entre eux sont aussi gros que les orignaux ou les wapitis. Le caribou vivant le plus au nord, que nous connaissons tout aussi bien, s’appelle le petit renne arctique. Il est plus petit et très vulnérable. Il y a également ce qu’on appelle le caribou de montagne.
Ces animaux vivent des temps très difficiles. Prenons juste cette année, par exemple. La semaine dernière, nous avons eu de la pluie ici, ce qui est très inhabituel pour cette région. Habituellement, la dernière pluie ne dépasse jamais la mi-septembre, et voilà que nous en avons en novembre. L’an dernier, ou l’année d’avant, il a plu à la fin décembre et en janvier, le moment le plus froid de l’année. Il aurait dû faire moins 45 ou moins 50 degrés. Quand il pleut, il se forme une couche de glace lorsque le temps se refroidit. Alors, les animaux ne peuvent pas accéder à la nourriture, cachée sous la glace, dont ils ont besoin pour survivre. Si la situation perdure pendant tout l’hiver, leurs petits naissent dénutris au printemps. Les mères mettent bas, et les petits ne survivent pas. Elles les laissent tomber tout simplement. Il y a donc moins de faons. C’est arrivé; il y a des preuves scientifiques.
Cependant, le climat n'est pas le seul obstacle que les caribous doivent surmonter. Il y a d’autres facteurs. Les développements majeurs dans le Nord peuvent engendrer des problèmes. D’après le Guide alimentaire canadien, nous devons manger du caribou, du gibier et ainsi de suite, mais s’il est impossible d’y accéder, nous ne sommes pas plus avancés. Par exemple, une mine de diamants peut empêcher d'accéder à ces caribous et entraîner des problèmes. De surcroît, si le développement a lieu là où les caribous vont pour mettre bas, les mères ne sont pas bien disposées à le faire. C’est comme le problème que nous avons eu il y a quelques années, lorsque l’on a proposé de faire passer des vols à basse altitude dans la région. Il a été prouvé que les vols à basse altitude ont une incidence sur les animaux, particulièrement sur leurs tympans.
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C’est une excellente question, monsieur.
Tout d'abord, nous devons nous résoudre au fait que le réchauffement planétaire et les changements climatiques se produisent réellement. C'est artificiel; la nature n’a pas créé ces phénomènes. Force est d’admettre que les changements climatiques sont une réalité et que le réchauffement planétaire l’est également. Certains pays ou certains gouvernements ont de la difficulté à l’admettre. Ainsi, il faut d’abord et avant tout admettre que ces phénomènes se produisent, que la situation est réelle et qu’elle ne va pas s'améliorer sans l’intervention humaine. Cela signifie que nous avons tous un rôle à jouer en tant qu'individus, familles, collectivités, régions, nations et ainsi de suite.
Si vous voulez travailler à l'infrastructure, au problème de la fonte du pergélisol et à tous les problèmes rencontrés dans le Nord, il vous faudra accepter cette réalité. Cela signifie qu’il faudra changer les politiques. Il faudra traiter avec les grandes entreprises dont les activités se répercutent sur le Nord de l'Alberta. J'en ai déjà parlé à votre comité: nous sommes en aval de Fort McMurray. Nous savons tous ce qui se passe là-bas, mais le Canada le permet. Vous êtes en mesure d’intervenir. Si vous n’agissez pas, les problèmes vont se poursuivre. Nous pouvons investir de l'argent dans l'infrastructure et tout cela, mais nous n'allons pas survivre très longtemps en tant que nation si vous ne parlez pas à ces grandes entreprises. Il faut leur dire que nous devons éliminer les émissions, être fidèles aux cibles et cesser de jouer à des petits jeux.
Selon nous, M. Suzuki et l'Institut Pembina ont misé juste dans leur rapport. Le Canada peut encore être un leader mondial; il peut encore avoir les emplois qu'il veut pour les Canadiens tout en devenant un leader international.
Monsieur le président, je crois que c'est sous cet angle-là que nous devons examiner la question. S’il faut en discuter davantage aux quatre coins du pays, allons-y. Discutons avec ces vieux routiers qui sont là depuis… et ce n'est pas seulement notre peuple. Toutes les personnes d’à peu près mon âge ou plus âgées voient les différences. La semaine dernière, nous avons eu le genre de neige que nous avons seulement en mars quand elle se met à fondre. Nous disons de cette neige qu'elle est du genre « crise cardiaque » parce qu'elle colle à la pelle et qu’à ce moment-là, les gens ne peuvent la soulever et tombent dans les pommes. C'est incroyable. Si nous restons assis les bras croisés, les choses iront de mal en pis.
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Encore une fois, merci pour la question.
Les anthropologues affirment que nous vivons sur ces terres depuis au moins 30 000 ans. Le pétrole et les autres ressources souterraines existent depuis la nuit des temps. Notre peuple était, en bonne partie, au courant de leur existence. Nous avons utilisé certaines de ces ressources. Nous savons comment les autres peuples les perçoivent. Par exemple, nous savons que les diamants suscitent certaines réactions particulières chez les gens. Depuis la mise en marché des diamants au cours des 10 dernières années ici, à Yellowknife, nous avons assisté à l'émergence du marché noir. Nous menons ici des activités que nous n'avions jamais eues auparavant. Il n'y a que 20 000 personnes à Yellowknife et pourtant, le taux de criminalité est incroyable. Nous devons prendre du recul et regarder la situation dans son ensemble. Nous devons demander aux gens ce qu'ils veulent. Arrêtons de caresser de grands rêves, comme des pipelines et des navires qui traversent le passage du Nord-Ouest et toutes ces choses dénuées de sens pour les gens qui ont grandi dans le Nord et qui vont y rester. De toute évidence, cela signifie que...
Il n'y a que 40 000 personnes ici. Nous représentons quand même 51 p. 100 de la population. Nous sommes majoritaires. C'est notre terre natale. Tant que nous ne nous assoirons pas à la même table pour discuter de ce que l'avenir nous réserve, et tant que nous n'aurons pas tous la même capacité d'avoir une influence dans le monde, nous éprouverons beaucoup de difficultés.
Par exemple, je suis président de l'Arctic Athabaskan Council qui se compose des représentants de l'Alaska, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes chanceux de pouvoir siéger à ce conseil, en tant que participants permanents. Nous pouvons ainsi discuter de tous les enjeux avec les autres pays circumpolaires. Nous n'avons pas de vote, mais nous sommes en mesure de faire entendre nos préoccupations. Nous avons beaucoup d'influence. Cela se limite au Nord. Mais quand nous allons à l'ONU, nous n'avons aucune voix au chapitre. Jusqu'à ce que notre peuple ait une voix à l'ONU, nous allons avoir des problèmes. Le Canada peut nous aider à être de la partie.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à notre comité, monsieur Tulurialik et chef Erasmus. Nous sommes heureux de pouvoir vous parler.
Pour donner suite aux questions posées tout à l'heure par mes collègues, j'ai pris des démarches auprès du ministre de l'Environnement, M. Prentice, tout au long de l'année dernière, depuis que je suis élue, pour lui demander de suivre le précédent établi par les gouvernements antérieurs, à savoir l'inclusion des premières nations et des jeunes dans leurs délégations internationales aux conférences sur l'environnement.
Chef Erasmus ou monsieur Tulurialik, pouvez-vous me dire si le bureau de M. Prentice a communiqué avec vous pour vous inclure dans sa délégation officielle?
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J'aimerais répondre à la question en faisant le lien avec le projet de loi. Mon intention n'est pas de changer de sujet; j'exprime un point de vue en fonction de mon expérience. Votre travail consiste à recueillir mon témoignage et à l'utiliser de façon à aider votre travail.
Monsieur le président, pour répondre à cette question, je vais parler un peu de ce qui se passe quand on essaie d'obtenir du financement et de s'impliquer. Notre peuple a maintenant pris conscience de la nécessité de s'exprimer; la meilleure façon d'y arriver, c'est par nos connaissances traditionnelles, en faisant intervenir les aînés, en rappelant aux gens comment aller de l'avant, tout en restant fidèles à nos propres principes et valeurs, etc.
Le hic, c'est que le système n'est pas conçu pour entendre notre peuple. Il n'est pas conçu pour accepter notre science. Il n'est pas conçu pour reconnaître le fait que si notre peuple existe toujours, c'est parce que nous avons pu nous adapter, parce que nous avons pu aller de l'avant, parce que nous voulons sincèrement travailler avec tout le monde. Le système est basé sur l'individu, et nous avons beaucoup de mal avec cette idée.
Nous sommes en mesure de faire entendre nos préoccupations et de parler des objectifs et de l'avenir planétaire, mais c'est très difficile. Quand nous exprimons nos préoccupations, beaucoup des nôtres ne voient pas comment le pays en fait la synthèse.
Par exemple, le projet de loi dont vous êtes saisis est lié à une foule d'autres questions: l'économie, la langue, la culture, bref le tissu social du pays. Si tout le monde n'a pas l'occasion de prendre part aux discussions, alors on reprochera aux parlementaires, c'est-à-dire à vous, de faire quelque chose qui est contre la volonté de la population. Et nous aurons ce sentiment au cours des 100 prochaines années.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux, messieurs les témoins Tulurialik et Erasmus, pour la peine que vous vous êtes donnée. Il est malheureux que vous ne puissiez pas être avec nous, à cause du mauvais temps, mais, encore une fois, nous vous sommes reconnaissants de vos témoignages.
Je les ai trouvés très intéressants, parce que le climat est actuellement en train de changer. Il y a consensus, à l'échelle internationale et dans ce comité, sur la réalité de ce changement. Il est très important d'entendre votre point de vue sur ses conséquences pour les premières nations, les Inuits et les Métis. Je vous suis reconnaissant de vos témoignages.
Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi C-311. Ma question, à vous deux est... Avez-vous un exemplaire du projet de loi avec vous?
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Je ne veux pas anticiper sur l'exposé de l'autre témoin. C'était ce à quoi je voulais en venir plus tôt; je pense que tous les peuples, toutes les nations du pays, y compris les peuples autochtones, doivent se parler.
Il y a deux semaines, quelque chose de très intéressant est survenu aux États-Unis. Le président Obama a invité toutes les tribus à le rencontrer et, ensemble, ils ont parlé d'économie et de l'avenir des États-Unis. Apparemment, la réunion n'a peut-être pas été aussi fructueuse qu'on l'escomptait, mais un processus a été mis en marche.
Le Canada, dont la population est beaucoup plus petite, devrait faire de même. Si j'étais premier ministre, je convoquerais les premières nations du pays, avec leurs spécialistes, et nous parlerions de stimulants pour l'économie, de façons de s'adresser au monde, de solutions pour nous sortir du pétrin. Notre peuple observe...
Bonjour, Bill! Bonjour, Joe! C'est Justin Trudeau qui parle. Merci beaucoup, à vous deux, pour votre participation. Merci de nous faire connaître votre point de vue.
Je voudrais donner suite à certaines observations de M. Warawa. Le gouvernement manifeste régulièrement son inquiétude à l'égard des coûts reliés à des objectifs vraiment ambitieux, qui correspondent mieux aux faits scientifiques, comme une réduction de 20 p. 100 par rapport aux chiffres de 1990 ou une réduction de 25 p. 100.
Votre point de vue m'intéresse, parce que, comme vous le savez trop bien, la vie dans le Nord coûte plus cher. Vous émettez donc, en raison des besoins énergétiques, etc., plus de gaz à effet de serre et plus de carbone. Donc, des objectifs rigoureux et ambitieux, comme ceux que M. Warawa a montrés dans un exemple qui constitue un cas extrême, exigeraient sans doute une part de sacrifice un peu plus grande, peut-être, des populations du Nord que des autres. Malgré tout, vous semblez rester en faveur d'objectifs ambitieux et y être fidèles. Est-ce que je décris bien la situation?
J'aimerais connaître d'abord la réponse de Bill, puis celle de Joe.
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J'aimerais donner mon avis sur la question. Je suis un mordu de la chasse, comme beaucoup d'autres, ici, dans l'Arctique. Nous, les Inuits, comptons davantage sur la nourriture que nous trouvons dans la nature que sur celle que nous achetons au magasin. Mais devinez quoi? Une pinte d'huile coûte 23 $, et le prix de l'essence s'est envolé. Pour me procurer tous ces biens qui me permettront mes expéditions terrestres, je dois travailler. Devinez ce que je dois utiliser! Une chargeuse, qui fonctionne au diesel. Les habitants de la région sont mis à rude épreuve.
Comme Bill Erasmus l'a dit, pas question de ramener cela à une question d'argent. Nous sommes le peuple du renouvellement, de la durabilité. Nous vivons des ressources de la nature. Mais il faut que nos voix soient entendues, et il faut que vous sachiez quel genre de vie nous menons ici. Vous devez venir ici, pour le voir de vos yeux. Dans les magasins d'ici, les visiteurs du Sud s'ébahissent des prix, les trouvant ridicules. Nous le savons déjà. Mais que pouvons-nous faire?
Au Parlement, les députés adoptent toutes sortes de projets de loi, en nous oubliant. Cela nous blesse profondément. Nous avons besoin d'aide économique. Que nous soyons dans le Nord ou dans le Sud, de bons samaritains prétendent que nous avons besoin de plus d'argent et de plus de mines. Mais les habitants, les vrais, qui vivent ici, sont d'un autre avis. Certains cherchent à faire jouer de leur puissance dans ce domaine et ils nous disent que nous avons besoin d'emplois et de mines pour aider notre peuple. En fait, ils ne représentent que leurs propres intérêts.
Je désire simplement exprimer mes inquiétudes. Effectivement, tout est très cher ici. Nous avons besoin d'argent. Mais non, on ne peut pas tout ramener à une question d'argent. Notre peuple vit de ressources naturelles.
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Peu importe qui présente le projet de loi, tout ce débat doit avoir lieu d'un bout à l'autre du pays. Je pense que la question doit sortir de cette enceinte, c'est-à-dire des comités et du Parlement.
Je vais prendre deux minutes pour faire une remarque, monsieur le président, si vous me le permettez.
C'est comme pour l'effort de guerre; il s'est décidé sans qu'on ait demandé leur avis aux Canadiens. Maintenant, le Canada a été entraîné dans cette sorte de vide qui paraît n'avoir aucune fin. Le budget doit être adapté à cette réalité, et cela ne changera pas dans un proche avenir. Il aurait fallu avoir cette discussion avec les Canadiens, car ce sont leurs enfants qui doivent aller à la guerre.
C'est la même chose en ce qui concerne ce dossier. On doit inclure tout le monde dans la discussion. Si cela doit prendre deux ans, eh bien, qu'il en soit ainsi. Cela ne s'arrête pas à une période électorale. C'est là où je voulais en venir.
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J'ai une question pour vous, mais avant, je vais faire quelques observations. J'ai passé beaucoup de temps dans le Nord du Canada. J'ai travaillé au Grand lac de l'Ours, au coeur du cercle arctique, lorsque j'étais jeune homme. J'ai pu prendre la mesure de la grande beauté du Nord canadien. C'était absolument fantastique. Il me semble que le Nord canadien présente beaucoup de potentiel. Certes, c'est un rude environnement. Il est difficile de survivre dans ce climat. Je me souviens qu'à cette époque, il y a plus de 20 ans, la température était fort peu clémente. Lorsque nous allions sur le lac, la surface était encore gelée au début de juillet. Et, bien entendu, nous ne nous aventurions pas sur le lac en septembre, en raison des rafales de vent. Ce n'était pas sécuritaire.
L'une des choses qui me sont venues à l'esprit, c'est que je me serais attendu, en raison de la rudesse du climat et des difficultés qu'il y a là-bas, que l'adaptation soit une question plus importante et pressante. Si vous examinez les déclarations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, vous apprendrez que même si nous étions en train de maintenir nos niveaux actuels d'émissions de gaz à effet de serre, ce qu'aucune économie ne sera capable de faire, il faudra au moins 50 ans pour voir un changement dans la tendance actuelle que nous observons en matière de changements climatiques.
En sachant que même en maintenant notre niveau d'émissions de gaz à effet de serre, il faudrait attendre 50 ans avant d'assister à un renversement de la tendance, ne serait-il pas davantage important pour les collectivités autochtones et les communautés du Nord de se concentrer davantage sur l'adaptation? Je me demande simplement si, à votre avis, le projet de loi prévoit certaines de ces mesures d'adaptation qui seront si importantes pour les communautés du Nord.
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Merci, monsieur le président.
Il est bon de vous revoir, chef Erasmus. Comme vous le savez, nous nous sommes rencontrés à Edmonton, je crois, alors que le comité faisait sa tournée de l'Alberta dans le cadre de son étude sur les sables bitumineux et l'eau, au sujet de laquelle nous approuverons bientôt, espérons-le, un rapport final, peut-être après que ce projet de loi aura franchi l'étape du comité.
Pour ce qui est des mesures possiblement nécessaires pour atteindre la cible de réduction de 25 p. 100 d'ici 2020, n'êtes-vous pas d'avis qu'il serait plus facile d'y arriver si nous vivions dans une sorte d'État unitaire, comme en Grande-Bretagne, peut-être, où il n'y aurait pas de provinces puissantes ayant des bases économiques très diverses qui entretiennent des rivalités régionales, des jalousies, et ainsi de suite? Ces cibles ne seraient-elles pas plus faciles à atteindre si nous vivions dans ce type de système, sous un gouvernement qui exercerait un contrôle davantage centralisé et contraignant à Ottawa, si une telle chose était possible? Quelle est votre opinion sur la faisabilité d'une réduction de 25 p. 100, dans le contexte politique actuel?
Oui, je me souviens de vous avoir vu, et ce fut un plaisir de rencontrer le comité. On dirait que nous manquons toujours de temps pour avoir le genre de dialogue qu'il nous faudrait. Nous devrons peut-être avoir cette discussion à l'extérieur des salles des comités.
Je suis résolument d'avis que le Canada, au fil de son histoire, s'est développé de façon vraiment intéressante. Il diffère des États-Unis à bien des égards. Oui, les provinces ont du pouvoir, tout comme les peuples autochtones, en vertu de l'article 35 de la Constitution. L'article 92 confère des compétences aux provinces, au même titre que l'article 91 accorde des pouvoirs au gouvernement fédéral. Nous avons ces arrangements incroyables qui, à première vue, paraissent pleins de potentiel, mais qui ne sont pas mis en application. Par exemple, le Traité 11 prévoit une distance de 200 milles au nord de la mer de Beaufort. En effet, il s'agit d'un instrument international conclu avec le Royaume-Uni, mais ce pays refuse de le reconnaître et d'en faire un document de souveraineté. La question de la souveraineté dans la région du delta de Beaufort a fait l'objet d'un règlement en 1921 entre nos peuples et la Couronne britannique, au nom du Canada, car le Canada n'était pas habilité à signer le traité. Bref, la façon dont le Canada est constitué est incroyable.
Si nous devions nous asseoir et discuter de la question de l'adaptation et du potentiel de notre pays, nous en aurions pour longtemps. Mais une poignée d'individus entendent dire à tout le monde quoi faire et diriger nos vies; ça ne fonctionne pas aujourd'hui, et ça ne marchera pas davantage demain.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie bien sûr nos témoins d'aujourd'hui, le chef Erasmus et M. Tulurialik.
Nous sommes en train d'étudier le projet de loi , un projet de loi parrainé par un député du Nouveau Parti démocratique. Bien entendu, il ne s'agit pas du plan du gouvernement en matière de changements climatiques, même si le projet de loi C-311 pourrait avoir de graves répercussions sur ce dernier. En tant que comité, nous pouvons choisir d'adopter ou de rejeter ce projet de loi tel quel, ou encore, d'y apporter des modifications. C'est la tâche qui nous attend. Et ces modifications pourraient faire suite aux commentaires des témoins.
Maintenant que j'ai établi ces faits, je voudrais commencer par vous, chef, car jusqu'ici, votre témoignage m'a laissé quelque peu perplexe. Vous avez dit, en réponse à la question de M. Woodworth, que vous pensiez que le NPD vous avait peut-être consultés pour la rédaction de ce projet de loi.
Monsieur Tulurialik, vous avez indiqué n'être pas certain que le NPD vous ait consultés au sujet de ce projet de loi, en ajoutant qu'il y avait possiblement eu une certaine consultation. Vous avez affirmé, par ailleurs, qu'il nous fallait davantage de consultations. Je ne sais donc pas exactement, dans une optique d'étude du projet de loi , le projet de loi du NPD, s'il y a eu suffisamment de consultations ou s'il nous faudrait davantage solliciter l'avis des premières nations, en particulier. Pourriez-vous d'abord m'éclairer là-dessus?
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Je comprends. Je constate déjà grâce à nos discussions sur les mesures à prendre que les changements climatiques peuvent avoir des effets très différents selon la région.
Je viens de la circonscription la plus au sud de tout le Canada. Puisque l'industrie automobile y est dominante, il est normal que, par exemple, les répercussions potentielles sur elle soient pour moi, à titre de député, un des principaux sujets que j'aborde au cours de nos discussions. Je m'aperçois maintenant que les enjeux peuvent être très différents dans le Nord.
Il m'est difficile de vous poser d'autres questions étant donné que vous avez admis, dans une certaine mesure, ne pas avoir lu entièrement le projet de loi ou ne pas l'avoir lu du tout. Dans les circonstances, vous pourriez peiner à répondre à des questions à ce sujet. Aux fins du compte rendu, je vais vous reposer mes questions et j'apprécierais que vous y répondiez par écrit.Je vais donc les répéter pour que vous puissiez nous transmettre vos réponses ultérieurement.
Premièrement, vu que les changements climatiques ont un impact dans le Nord, est-ce que le projet de loi s'attaque précisément à l'enjeu de l'adaptation d'une manière convaincante?
Deuxièmement, considérez-vous qu'on a suffisamment tiré parti du savoir autochtone traditionnel lors de l'élaboration du projet de loi en question?
Troisièmement, s'agissant des industries dans le Nord dont les activités ont des répercussions sur les communautés autochtones, a-t-on fait suffisamment de consultations?
Nous apprécierions certainement que vous soumettiez vos réponses par écrit au comité.
Merci, monsieur le président.
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Merci. Le temps prévu pour la réunion est écoulé. En fait, la communcation avec M. Tulurialik a déjà été coupée.
Chef Erasmus, j'aimerais vous remercier de vos commentaires et de votre participation aujourd'hui à l'étude du projet de loi C-311.
Avant de lever la séance, je désire demander à ceux qui veulent proposer des modifications au projet de loi C-311 de le faire aussitôt que possible pour que nous puissions entreprendre l'étude article par article le 1er décembre.
À titre informatif, pour que tous sachent qui seront nos témoins jeudi, nous recevrons un groupe d'experts étrangers. Mardi prochain, nous recevronsa aussi des témoins étrangers, notamment des représentants de Environment Northeast et du Pew Center on Global Climate Change. Ensuite, pour le 26 novembre, nous avons convoqué des spécialistes en économie. Enfin, le 1er décembre, nous recevrons des experts de l'industrie.
D'autres intervenants ont demandé à comparaître, mais le temps nous manque. Toutefois, il serait possible de recevoir un autre groupe de témoins le 3 décembre si le comité le désire, malgré le peu de temps qui reste. Pour l'instant, cette date est réservée à l'étude article par article.
Madame Duncan.