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Je déclare ouverte la 17
e séance du Comité permanent des finances. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons étudier aujourd'hui les mesures à prendre pour améliorer l'accès au crédit et la stabilité du système financier canadien.
Nous accueillons quatre invités de marque ce matin: M. Don Drummond, du Groupe Financier Banque TD; M. Glen Hodgson, du Conference Board du Canada; M. Finn Poschmann, de l'Institut D.C. Howe; et, enfin, M. Ted Mallett, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
Messieurs, nous vous remercions beaucoup de vous être présentés ici ce matin. Suivons l'ordre des présentations. Vous disposez d'environ cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire — si vous pouviez vous en tenir à cela, dans la mesure du possible —, puis les membres du comité vous poseront des questions.
Monsieur Drummond, nous allons commencer par vous.
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Je vous remercie beaucoup. Bonjour à tous.
J'ai soumis au préalable un ensemble de graphiques et de tableaux portant sur le crédit. Je crois que vous les avez tous sous les yeux. Je vais non pas les passer en revue un par un, mais plutôt faire quelques remarques générales à leur sujet. J'ai préparé ces tableaux et ces graphiques entre autres pour tenter d'aborder la question du crédit dans un contexte élargi. Bien souvent, la discussion porte uniquement sur le rôle des banques, mais, évidemment, il y a beaucoup d'autres sources de crédit.
La première chose qui se dégage de ces graphiques, c'est que le crédit bancaire connaît une croissance plutôt vigoureuse. En fait, contrairement à ce qui s'est passé au cours des récessions antérieures, lorsque l'économie a ralenti, le crédit bancaire n'a pas fléchi, et tant les prêts consentis aux ménages que ceux accordés aux entreprises ont continué de progresser selon un taux à deux chiffres. Cette hausse connaîtra probablement un ralentissement, et, depuis que je vous ai fait parvenir ces graphiques, nous avons reçu les données d'un autre mois qui révèlent que le taux de progression du crédit bancaire aux entreprises est passé de deux à un chiffre — tout juste sous la barre des 10 p. 100. Au cours des cycles conjoncturels précédents, on a pu constater qu'un ralentissement économique, et particulièrement une baisse du PIB nominal, entraînait une diminution de la demande de crédit bancaire.
Pour ce qui est des ménages, les banques continuent de leur accorder des prêts selon un taux à deux chiffres. La croissance des lignes de crédit est particulièrement vigoureuse — le taux annuel est de plus de 20 p. 100 —, et la demande de prêts personnels, de cartes de crédit et de prêts hypothécaires affiche également une hausse très soutenue.
Pour aborder la question dans un contexte élargi, les bénéfices non répartis constituent généralement la principale source de financement des sociétés. Les bénéfices non répartis se sont très bien maintenus au Canada jusqu'à tout récemment. En fait, on peut constater que, de 2002 à 2006, les bénéfices non répartis au Canada ont été extraordinairement élevés et qu'il n'y a pas eu une très forte demande de prêts bancaires pendant cette période parce que les entreprises obtenaient du financement à l'interne. Bien sûr, le bénéfices non répartis ont légèrement diminué vers la fin de 2008, et on s'attend à ce qu'ils subissent un recul considérable en 2009, en raison de la faiblesse de l'économie réelle et de la baisse du cours des produits de base et d'autres prix.
En ce qui concerne le financement total sur les marchés financiers, il y a eu une hausse du recours au financement externe, et je vais en mentionner quelques sources. L'émission d'actions et d'obligations a été raisonnablement élevée au Canada, quoiqu'elles aient enregistré une baisse à partir de 2007. Comme je l'ai mentionné plus tôt, en 2008, le crédit bancaire a connu la progression la plus forte jamais vue au Canada. Les banques ont certainement comblé en partie le vide laissé par d'autres sources de financement, mais le crédit bancaire n'a pas été la seule source de capitaux.
J'ai également inclus quelques données concernant la situation du crédit aux États-Unis. Ce qui est remarquable aux États-Unis, c'est que, malgré ce qu'on lit généralement dans les journaux, les prêts bancaires aux États-Unis continuent d'enregistrer une hausse, alors que toutes les autres sources de crédit ont pour ainsi dire disparu. Donc, encore une fois, en 2008, l'émission d'actions a en fait été négative. Autrement dit, les entreprises ont acheté davantage d'actions qu'elles en ont émises. Il n'y a eu pratiquement aucune émission d'obligations de sociétés. Il y a eu très peu de crédit commercial, et on a assisté à la quasi-disparition des autres sources de financement — le secteur bancaire parallèle, si vous voulez —, comme les institutions non bancaires, les fonds de couverture et les filiales d'entreprises qui œuvraient dans le domaine financier. Aux États-Unis, les prêts bancaires constituaient vraiment la seule option possible, et, même si les banques ont consenti davantage de prêts, il est évident que cela n'a pas suffi à combler le vide laissé par les autres sources de financement, de sorte qu'il y a eu un problème de crédit.
Je vous ai également remis deux ou trois graphiques portant sur le coût du crédit, qui s'est révélé très problématique au cours des dernières années. J'ai divisé la question en deux volets: le coût à court terme et le coût à moyen terme.
En ce qui concerne le coût du crédit à court terme, les nouvelles sont bonnes. Les choses sont presque revenues à la normale pour ce qui est du crédit à court terme sur le marché des entreprises. Le taux du papier commercial prend du mieux. Le coût des emprunts à très court terme, soit jusqu'à environ 90 jours, a chuté. Il a dégringolé à la suite de la faillite de Lehman Brothers, et il a connu une baisse constante, qui s'est accentuée au cours des deux derniers mois en particulier. Les écarts ne sont pas aussi serrés qu'ils l'étaient avant l'été 2007, mais le marché à très court terme fonctionne raisonnablement bien. Les banques n'ont pas profité pleinement de la dernière adjudication de la Banque du Canada, qui offrait une prise en pension assortie d'une échéance de 28 jours. Je crois que cette situation s'explique entre autres par le fait que les banques ont été capables par elles-mêmes d'obtenir du financement pour ce terme sur le marché.
Or, le coût du crédit à moyen et à long terme continue d'être élevé. L'écart entre les obligations à moyen terme et le taux directeur sur le marché des entreprises est extraordinairement élevé. Nous devons vraiment tâcher de ne pas envisager la politique monétaire selon l'approche traditionnelle. Nous avons tendance à penser que tous les autres taux d'intérêt s'alignent sur le taux directeur de la banque centrale, mais ce n'est pas le cas. Les taux hypothécaires sont plutôt bas, les taux des obligations du gouvernement du Canada sont très bas, tout comme les taux des bons du Trésor du gouvernement des États-Unis, mais l'écart entre les obligations de sociétés et le taux directeur demeure très élevé. Avant l'été 2007, une banque canadienne aurait pu obtenir un financement quinquennal à un taux de 50 points de base supérieur au taux des obligations du gouvernement du Canada. Le Groupe Financier Banque TD affichait un taux nettement inférieur à cela. Il y a un mois, une banque canadienne aurait été soumise à un écart de 300 points de base pour obtenir un financement quinquennal. Donc, l'écart est passé de 50 points de base à environ 300 points de base. L'écart a diminué un peu dernièrement, mais pas beaucoup.
Le marché du crédit demeure donc paralysé pour ce qui est des obligations de sociétés à moyen et à long terme. J'espère que les annonces de Geithner aux États-Unis et ce que nous sommes susceptibles de voir au Canada en ce qui a trait à l'assouplissement quantitatif sur le marché des obligations de sociétés entraîneront une diminution de cet écart, mais je crois qu'il s'agit-là de la seule pièce manquante. Il faut qu'il y ait des améliorations à ce chapitre pour que nous ayons l'assurance d'un retour à la normale du marché du crédit et d'une certaine croissance économique.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Ma déclaration sera quelque peu différente. Je souhaite aborder quatre points en environ cinq minutes. Le premier point concerne les mesures mises en œuvre par les États-Unis, car il s'agit d'une étude de cas intéressante sur ce que j'estime être la crise du crédit la plus grave que le monde ait jamais connue. Le deuxième point vise à situer le Canada dans cette crise. Le troisième point portera sur le fait que j'estime que notre système est maintenant en voie de se rétablir. En effet, le nombre des données que Don vient tout juste de vous communiquer démontrent que nous sommes maintenant sur la bonne voie. Il s'agit en fait de savoir ce que nous pourrions faire de plus pour accélérer le retour à la normale. Enfin, j'aimerais aborder brièvement les instruments actuels du gouvernement, comme la BDC et EDC, et vous montrer combien nous sommes chanceux que ces organismes offrent un filet de sécurité sur le plan financier.
Aux États-Unis, je crois que l'intervention du gouvernement a maintenant atteint 10 billions de dollars. Lorsqu'on tient compte de toutes les initiatives qui ont été prises — le programme TARP, et le fait que le gouvernement de Bush a obtenu 700 milliards de dollars du Congrès l'automne dernier et a injecté un quart de billion de dollars dans le système bancaire —, on peut constater le genre de mesures que Don vient de mentionner: le gouvernement intervient sur certains marchés du crédit et met en place un programme pour racheter les actifs en difficulté.
Donc, on assiste à un degré d'intervention incroyable de la part du gouvernement américain. Il est difficile d'affirmer pour l'instant si cette intervention porte ses fruits, mais les États-Unis ont plus ou moins joué toutes leurs cartes. Je crois que l'assouplissement quantitatif est la dernière carte à jouer si l'on veut contrer la déflation et améliorer de façon appréciable les conditions du marché des obligations à long terme. Toutes les cartes sont sur la table. Je suis persuadé que ces mesures vont fonctionner, mais cela prendra du temps. Je crois que nous devrons attendre encore un an avant que les marchés financiers américains retrouvent un semblant de normalité.
Comparons maintenant ce qui se produit aux États-Unis avec la situation au Canada. Je crois que, jusqu'à maintenant, la politique du gouvernement canadien a été très efficace et très bien élaborée. En grande partie, les gouvernements ont fait ce qu'ils devaient faire en offrant, par exemple, de racheter les hypothèques et en mettant en place divers programmes pour essayer de rétablir les conditions sur le marché du crédit. Ce qu'il faut retenir, c'est que l'argent des contribuables canadiens n'a pas servi à aider les banques à reconstituer leurs fonds propres parce que le Canada ne connaît pas une crise de la même ampleur.
Le Canada se trouve assurément dans une bien meilleure position que presque tous les pays industrialisés, et, par conséquent, je présume que la situation économique du pays reviendra à la normale bien avant celle de presque tous les autres pays industrialisés. Mais, encore une fois, cela va prendre du temps.
Nous sommes donc sur la voie du rétablissement. Le fait que toutes les banques à charte canadiennes ont déclaré des profits au quatrième trimestre et qu'elles tiennent leurs livres à l'encre noire... Le fait d'inscrire au bilan des provisions pour mauvais actifs afin de lutter contre la détérioration des conditions sur le marché du crédit est évidemment très important. Les banques verront probablement leurs bénéfices nets diminuer dans les prochains mois, mais les circonstances actuelles leur permettent de tenir les livres à l'encre noire.
Pour l'instant, l'important, c'est que les banques améliorent leur bilan financier, se rétablissent et parviennent à composer avec le fait, comme l'a mentionné Don, que les institutions non bancaires et les banques étrangères se sont plus ou moins retirées du marché. Nous pouvons clairement constater cette situation.
Que pourrait-on faire de plus? Je me suis penché sur cette question lorsque j'ai conseillé le gouvernement à l'égard du budget, et je n'avais pas encore eu l'occasion de témoigner devant le comité, mais il est très difficile pour moi de proposer une solution miracle à cette étape-ci. Rien ne peut se régler d'un coup de baguette magique; il n'y a pas de panacée économique. On nous confirme maintenant que les institutions financières ne se prévalent pas pleinement du programme d'achat de prêts hypothécaires, ce qui, selon moi, montre réellement que la situation s'améliore sur les marchés. Franchement, j'ignore quelles autres cartes pourrait jouer le gouvernement à l'exception de celles qu'il a déjà mises sur la table.
Et je passe maintenant à mon dernier point. Je crois que nous sommes très chanceux de pouvoir compter sur des organismes comme Exportation et Développement Canada, la BDC, Financement agricole Canada et la CCC, qui jouent un rôle essentiel dans notre système financier. Je sais qu'il y a depuis longtemps un débat entourant la privatisation de ces organismes et la question de savoir s'ils n'accapareraient pas une trop grosse part de marché, mais ne sommes-nous pas chanceux que des organismes aussi solides puissent soutenir les banques commerciales et le système financier privé? Ils interviennent à toutes les étapes du cycle du marché. Ils ont les compétences, les connaissances et, avouons-le, les moyens financiers permettant de combler immédiatement le vide laissé par les autres.
Au début de la semaine, j'ai eu l'occasion de comparaître devant le comité du Sénat qui procède à l'examen législatif d'EDC. J'espère que, lorsque ce dossier reviendra devant la Chambre, les modifications seront adoptées le plus tôt possible parce qu'il est temps de se préoccuper d'autre chose que de la gestion. Les dirigeants ne devraient pas avoir à penser uniquement aux règles de fonctionnement. Ils devraient maintenant avoir la réelle possibilité d'utiliser les fonds garantis qui leur ont été accordés, de même que leur mandat élargi, pour vraiment essayer d'accélérer le rétablissement de notre système financier.
Je vais m'arrêter ici, monsieur le président. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier les membres du comité de m'avoir invité. C'est la première fois que je témoigne devant vous en 2009. C'est un plaisir de revenir et de voir des visages familiers et quelques nouveaux visages également.
J'aimerais commencer en faisant quelques observations sur le rendement des marchés financiers, puis enchaîner avec la réaction du gouvernement et de la Banque du Canada à l'égard des récents événements; pour terminer, j'examinerai certaines des mesures figurant dans le budget fédéral de 2009.
Je ne vais pas récapituler les faits, car je suis persuadé que tous les membres du comité sont parfaitement au courant de ce qui s'est passé sur les marchés financiers depuis l'été 2007. Je me contenterai d'ajouter que, depuis le milieu de 2007, les doutes quant à la qualité des actifs sous-jacents à une vaste gamme de titres et aux produits financiers dérivés ont ébranlé la confiance des institutions financières. Cette crise était si profonde que les banques, qui se prêtaient auparavant de l'argent à court terme selon des écarts de taux d'intérêt sous la barre des 10 p. 100 ou légèrement supérieurs à 10 p. 100 — ce qui est caractéristique des prêts sans risque —, ont cessé cette pratique ou ont commencé à se prêter des fonds à des taux jamais vus au cours des derniers cycles financiers.
Cette brusque révision à la hausse du risque de crédit entre les institutions financières reflétait partiellement un resserrement des liquidités. Or, vers la fin de 2007 et au début de 2008, on a clairement constaté que le problème ne se résumait pas simplement à un manque de liquidités. Après tout, les gouvernements et les banques centrales de tous les pays occidentaux, y compris le Canada, injectaient dans le système des liquidités par billions, si on tient compte de l'ensemble des initiatives. Malgré cela, les écarts de risque demeuraient supérieurs à 100 p. 100 depuis l'automne 2008. Je m'empresse toutefois de souligner que ces écarts sont presque revenus à la normale au Canada, même si, à l'heure actuelle, le volume de prêts n'est pas très élevé.
Il est devenu évident que le risque de crédit constituait un problème plus persistant que le manque de liquidités. Par conséquent, les gouvernements, dont celui du Canada, ont commencé à accorder plus d'attention à l'amélioration de la qualité des actifs figurant sur le bilan des institutions financières, d'où le programme d'aide aux détenteurs d'actifs en difficulté mis en place par les États-Unis à l'automne 2008 et le programme d'achat de prêts hypothécaires assurés qui est en vigueur au Canada depuis quelques mois maintenant.
Dans le budget 2009, on a augmenté considérablement les fonds permettant au gouvernement canadien d'acheter aux institutions financières leurs titres hypothécaires LNH. Les hypothèques sous-jacentes à ces titres étaient déjà considérées comme un passif éventuel, du point de vue des livres du gouvernement et des deniers publics fédéraux, de sorte que notre risque couru a très peu augmenté, tandis que le programme a amélioré de façon appréciable la situation financière des institutions bancaires du pays. Le programme semble porter ses fruits. Glen vient tout juste de préciser que la participation au programme a diminué au cours des dernières semaines, ce qui donne peut-être à penser que le programme tire à sa fin. Jusque-là, tout va bien.
Au Canada, contrairement à ce que nombre de personnes laissent entendre, le crédit bancaire continue, dans l'ensemble, de progresser et non de se resserrer. Il a quelque peu stagné vers la fin de 2008, mais le fait est que, globalement, il y a eu une croissance du crédit bancaire au Canada l'an dernier, et non une diminution. Toutefois, on ne peut nier le fait que les marchés financiers connaissent de graves difficultés. Il est bien évident que l'effondrement de plusieurs marchés de valeurs mobilières et d'instruments dérivés, ainsi que celui d'une grande partie des fonds spéculatifs, a ruiné nombre d'établissements non bancaires s'occupant d'intermédiation financière. Don a fait allusion à cela. Par conséquent, l'offre globale de crédit, au Canada comme ailleurs dans le monde, a subi une forte pression. Par exemple, à la fin de 2008, le marché des titres adossés à des actifs correspondait environ aux quatre septièmes de la taille qu'il avait à la fin de 2007.
Les gouvernements ont mis en place de nouvelles mesures qui visent au-delà du marché des institutions financières qui collaborent régulièrement avec la Banque du Canada. L'instrument clé du gouvernement est la Facilité canadienne de crédit garanti, la FCCG, qui figure dans le budget 2009. La FCCG vise à raviver le marché moribond du financement des prêts et des locations relatifs à des véhicules et à du matériel. Le programme est en cours d'élaboration. Hier, l'Institut C.D. Howe a déposé un mémoire traitant de la forme possible du programme, lequel sera administré par la BDC.
Le mémoire a été rédigé par Alexandre Laurin, qui est bien connu de nombreux membres du comité, et il comprend quelques recommandations très simples.
D'abord, si le gouvernement souhaite ramener le marché du financement des prêts et des locations à un état qui se rapproche de sa forme antérieure, beaucoup de travail l'attend. Le gouvernement devra presque assurément s'engager à affecter au programme davantage que les 12 milliards prévus dans le budget.
Deuxièmement, si le gouvernement veut faire de ce programme une réussite, il doit le mettre en place assez rapidement — certainement avant l'été. Dans la mesure du possible, le programme devrait tirer profit des structures de titrisation existantes.
Cela dit, il ne faut pas oublier qu'une telle démarche comporte des risques. Sans aucun doute, le marché canadien des titres adossés à des actifs a subi le contrecoup de la dégringolade d'autres types de titres et d'autres marchés, ce qui a fait fuir les investisseurs. Peut-être que la mise en œuvre du nouveau programme améliorera le rendement du marché, ramènera les investisseurs tant individuels que commerciaux et augmentera l'offre de financement aux concessionnaires automobiles et aux marchands d'équipement.
Il ne faut toutefois pas oublier que les investisseurs ne se sont pas retirés du marché sans raison. Bien que l'on reconnaisse qu'aucun des titres canadiens adossés à des actifs cotés AAA n'a écopé jusqu'à maintenant, les marchés demeurent instables en raison de la possible augmentation des taux de défaut de paiement en ce qui concerne les prêts et les contrats de location sous-jacents et de la diminution de la valeur résiduelle des contrats de location de véhicules. Ces préoccupations ne peuvent et ne devraient pas disparaître.
Pour résumer, au cours d'une période économique extraordinairement difficile, certaines choses semblent s'améliorer d'elles-mêmes, tandis que d'autres, comme le marché hypothécaire, reprennent du poil de la bête, avec un peu d'aide, grâce aux interventions du gouvernement visant à améliorer la situation financière des prêteurs hypothécaires en particulier.
D'autres secteurs du marché financier affichent un bilan beaucoup moins reluisant, de sorte que le Canada et les États-Unis ont pris des mesures pour revigorer le marché de la titrisation. J'hésite à dire qu'il s'agit d'une mauvaise idée, mais je dois immédiatement ajouter que, s'il y a bien une leçon que nous avons tirée de ce qui s'est passé en 2007, c'est que nous pouvons répartir le risque, mais nous ne pouvons pas le supprimer. Si on essaie d'attirer les investisseurs sur le marché de la titrisation en éliminant le risque lié à ce marché — situation qui s'est produite aux États-Unis et qui pourrait survenir au Canada —, le risque se retrouve inévitablement du côté des contribuables. C'est un aspect que les parlementaires devraient surveiller de très près.
Je crois que mon temps est écoulé. Je vous remercie de m'avoir écouté.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui.
La FCEI représente 105 000 propriétaires de petites et moyennes entreprises. C'est un secteur qui compte pour une large part du PIB, soit environ 45 p. 100, et qui forme certainement une grande part de la demande de capitaux à des fins d'exploitation. C'est un aspect que nous surveillons depuis des décennies, sur le plan tant du financement que du rendement économique.
Par le passé, nous avons réalisé des études sur l'évolution du crédit bancaire, disons sur une période de trois ans. Pour tâter le pouls de l'économie, nous publions depuis 2000 un baromètre trimestriel. Il s'agissait auparavant d'une publication annuelle, entre 1987 et 2000. Nous disposons d'une quantité énorme de données, qui se rapportent à de bonnes et à de mauvaises périodes, en ce qui a trait à la façon dont les petites entreprises réagissent aux crises économiques.
Notre Baromètre des affaires est paru hier. Vous l'avez devant vous. Tant les optimistes que les pessimistes y trouveront leur compte. Les pessimistes pourront constater qu'il est manifeste que nous sommes dans un creux. Notre indice s'établit à 87,3. Par rapport à 1988, année où nous avons commencé à mesurer le taux de confiance des PME, il est clair que l'indice actuel reflète une décroissance économique. La bonne nouvelle, c'est qu'il ne diffère pas beaucoup de l'indice que nous avons recueilli en décembre. L'idée que l'économie n'a pas continué de s'affaiblir au cours des trois derniers mois est peut-être une bonne nouvelle, si on l'envisage dans ce contexte.
La figure 2 montre qu'il y a encore des entreprises qui enregistrent de très bons résultats. Il est clair que le nombre de ces entreprises n'est pas aussi élevé qu'il l'a été au cours des années antérieures, mais il est important de reconnaître que certains secteurs sont solides et connaissent une croissance. On ne devrait jamais élaborer une politique, qu'elle se rapporte à la finance, aux banques ou aux ventes, en présumant que toutes les entreprises sont en difficulté, alors que, en fait, nombre d'entre elles s'en tirent très bien.
Vous pouvez constater que nos indices suivent de très près l'évolution du PIB. Nous prévoyons créer un baromètre mensuel de l'économie, et nous envisageons de l'associer à d'autres indicateurs financiers. Nous tentons donc de trouver de nouvelles façons d'évaluer la demande de financement et le rendement économique des petites entreprises.
Par ailleurs, on remarque clairement qu'il y a un certain repli chez nos membres. Les chiffres nous le confirment. Les données les plus flagrantes figurent à la fin du rapport; elles ont trait aux plans de dépenses en capitaux. Cet indicateur n'a presque jamais varié depuis que nous avons commencé à interroger les PME à cet égard. Nous pensions qu'il allait toujours demeurer assez stable, mais, au cours des six derniers mois, nous avons observé une diminution d'environ 20 p. 100 des plans de dépenses en capitaux. Il est clair qu'il se passe quelque chose à ce chapitre.
De plus, nous avons constaté que les plans relatifs à l'établissement des prix et des salaires sont pratiquement au point mort. La hausse médiane des prix et la hausse médiane des salaires est d'environ 0 ou 0,5 p. 100 à l'heure actuelle. Alors que, au milieu de 2007, nous étions préoccupés par les pressions inflationnistes, nous pouvons observer que ces pressions ont maintenant disparu.
Du côté du financement, vous trouverez également des graphiques qui résument la situation. Il s'agit des résultats de notre nouveau sondage mensuel qui se penche sur la demande de financement. Environ de 50 à 55 p. 100 de nos membres affirment être sous-financés. Étant donné que nous examinons cet aspect pour la première fois, nous ne pouvons comparer ces résultats à ceux que nous aurions recueillis en des temps meilleurs. Mais, en nous fiant aux résultats d'autres sondages, nous pensons que, en de meilleures circonstances économiques, environ 20 p. 100 des membres estimeraient qu'il manque de financement.
Nous évaluons également la situation des entreprises: empruntent-elles actuellement de l'argent? Ici encore, il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles. Environ le tiers de nos membres n'empruntent pas à l'heure actuelle; ils n'ont aucun prêt en cours, ce qui veut dire qu'ils adoptent une approche très prudente à l'égard des affaires. Cela signifie également qu'ils sont moins exposés au risque lorsque l'économie est en proie à des turbulences.
Le revers de la médaille, c'est qu'ils ne disposent pas des fonds nécessaires à une croissance rapide lorsque l'économie reprend de la vigueur. Le secteur des PME, du moins lorsqu'il présente ce genre de perspectives, affiche un degré élevé de stabilité, ce qui est une bonne chose dans le contexte actuel, mais aucune possibilité de croissance ne s'offre à lui pour l'instant.
Les graphiques nous donnent également un aperçu de l'ensemble des prêts consentis aux PME. Don et plusieurs autres personnes ont affirmé qu'il y a une augmentation du financement sur le marché. Nous avons demandé à nos membres de nous en expliquer la raison. En général, la plupart des propriétaires d'entreprises ont déclaré qu'ils avaient accru leur endettement — principalement par l'augmentation des marges de crédit — parce que leurs mouvements de trésorerie avaient ralenti. Ils ont davantage de dépenses ou moins de revenus, de sorte que leurs marges de crédit renouvelables ont augmenté, d'une certaine façon. Voilà peut-être la principale raison pour laquelle le crédit des petites entreprises s'est accru, du moins à court terme ou au cours des derniers mois.
Nous souhaitons formuler un certain nombre de recommandations. Ce sont toujours les mêmes. L'information sur le crédit et l'emprunt est tout à fait essentielle dans ce type d'environnement. Nous devons faire en sorte que les PME disposent d'options compétitives et de multiples possibilités d'emprunt. Et nous devons veiller à ce que les institutions financières, que ce soit les banques, les caisses ou d'autres, aient vraiment la capacité d'évaluer adéquatement le niveau de risque sur le marché des PME.
Voilà le genre de recommandations que nous formulons depuis les dernières décennies.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite tous la bienvenue.
Veuillez m'excuser de mon léger retard. Il se trouve que mon collègue M. Mulcair et moi-même avons été dirigés vers le mauvais édifice par notre ami le secrétaire parlementaire qui se trouve là-bas.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: Notre ancien ami.
L'honorable John McCallum: Il ne l'a pas fait méchamment, soit dit en passant.
Il y a un élément d'humour dans cette réunion: le gouvernement insistait pour que vous, messieurs, participiez à la même séance que le directeur parlementaire du budget parce qu'il croyait que vous pourriez faire contrepoids aux prévisions du directeur parlementaire du budget. Mais, je crois savoir que — et cette question s'adresse à M. Drummond — le directeur parlementaire du budget prévoit un déficit de 73 milliards de dollars sur deux ans, soit une somme de 9 milliards de dollars supérieure aux prévisions du gouvernement, alors que le Groupe Financier Banque TD prévoit un déficit de 82 milliards de dollars pour la même période, c'est-à-dire 18 milliards de dollars de plus que ce que prévoit le gouvernement.
J'aimerais également que vous me confirmiez s'il est juste d'affirmer, selon mon interprétation des graphiques et en partie à la lumière des prévisions consensuelles — et je me fie peut-être aux renseignements que j'ai obtenus auprès du directeur parlementaire du budget —, que le PIB réel diminuera d'environ 2 p. 100 en 2009 et que le PIB nominal fléchira d'environ 4 p. 100, tandis que le taux de chômage s'établira à environ 8,4 p. 100. C'est ce que prévoit le directeur parlementaire du budget.
Donc, ai-je raison de penser que les prévisions de la Banque TD concernant ces quatre éléments sont beaucoup plus pessimistes?
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Oui, vous avez raison. En fait, si vous aviez également invité Glen, nous n'aurions été nulle part parce que ses prévisions sont très optimistes, alors que les miennes sont plutôt pessimistes. Nos prévisions se seraient donc annulées, et vous seriez revenu au point où en est le directeur parlementaire du budget.
Il y a beaucoup d'incertitude. Et, oui, pendant un certain temps, nous nous trouvions parmi les prévisionnistes les plus pessimistes. Et je dois vous dire que nous étions au bon endroit. En fait, nos prévisions auraient dû être plus pessimistes; tous les prévisionnistes, nous y compris, ont dû, jusqu'à maintenant, réviser constamment leurs prévisions à la baisse.
Pour ce qui est du PIB réel, nos prévisions sont quelque peu inférieures aux prévisions consensuelles. Là où nous nous démarquons le plus, c'est du côté des prix, si vous voulez, principalement en raison de la baisse du cours des produits de base. Je ne suis pas certain si tous les autres ont compris en quoi la baisse du cours des produits de base fait chuter les prix à l'exportation, ce qui entraîne une diminution des revenus au Canada. Le PIB réel ne constitue pas l'unique mesure des revenus du gouvernement. Je suis toujours étonné lorsque nous envisageons les questions de l'économie uniquement à travers le prisme du PIB réel, qui pourtant repose sur le revenu nominal. C'est ce que fait le domaine bancaire. En fait, il y a toujours eu une relation presque parfaite entre la variation du PIB nominal et le crédit bancaire; il y a un écart d'environ six mois entre la cause et l'effet. Et cet écart de six mois correspond exactement à ce que Ted a mentionné: il y a d'abord une diminution des revenus, vous commencez à utiliser vos marges de crédit, puis vous vous affaiblissez quelque temps après...
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Donc j'en conclus que, si la Banque TD est optimiste et que le Conference Board est pessimiste — ou vice versa —, le directeur parlementaire du budget se situe sagement au milieu. Je vous remercie de vos observations.
Passons maintenant au crédit, et cette question s'adresse réellement à Don Drummond et à Finn Poschmann.
Je souscris entièrement à l'initiative du gouvernement qui consiste à injecter 12 milliards de dollars sur le marché de la location automobile, et je crois qu'il s'agit d'un autre 12 milliards de dollars environ de prêts autorisés par la BDC et EDC. Mais je deviens hors de moi et mon calme habituel cède la place à la colère lorsque je vois que le président de la BDC n'affiche aucun sentiment d'urgence. Selon moi, il est prioritaire d'utiliser cet argent en 2009, parce que la crise se produit maintenant, et non d'attendre en 2010, en 2011 ou en 2012. Je crois que tant la BDC que le marché de la location automobile...
Finn Poschmann a affirmé que, hier, il a proposé une forme possible pour le programme. Combien de temps devons-nous attendre avant qu'il soit mis en œuvre? Le gouvernement aurait pu le mettre en place il y a des semaines ou des mois, et, aujourd'hui, les gens achèteraient davantage d'automobiles. Le marché de la location réclame ces prêts de la BDC, et le président de la BDC n'était même pas en mesure de me dire à quel moment les fonds seraient débloqués.
J'ai donc deux questions pour vous deux. Je vais commencer par Finn Poschmann. D'abord, êtes-vous d'accord avec moi sur le fait qu'il est urgent de débloquer cet argent? Et, deuxièmement, si tel est le cas, croyez-vous que ces fonds peuvent donner des résultats rapidement? Nous n'avons certainement rien entendu qui pourrait nous inciter à croire cela.
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Merci, messieurs, de vos exposés ce matin.
Il se passe aujourd'hui quelque chose en Ontario dont nous n'avons pas parlé. Je crois que nous savons tous que le budget de l'Ontario doit être annoncé plus tard dans la journée, et il y a dans les médias beaucoup de conjectures au sujet d'une possible harmonisation de la taxe de vente provinciale avec la TPS. J'aimerais savoir si quelqu'un aurait des commentaires à formuler à ce sujet.
Je vous signale que dans ma ville, Mississauga, le PDG du Mississauga Board of Trade a récemment déclaré par communique de presse que l'harmonisation de la taxe de vente de l'Ontario avec la TPS renforcera l'économie en haussant le montant réel des salaires, en élevant le niveau de vie, en augmentant la productivité, en réduisant les coûts d'exploitation et en favorisant l'investissement.
Je sais également qu'un certain nombre de témoins ici présent ont étudié la chose en profondeur, y compris M. Poschmann, qui a publié un rapport la semaine dernière, je crois. Monsieur Poschmann, vous vous êtes prononcé en faveur de l'harmonisation et avez déclaré que les travailleurs, les employeurs et les consommateurs ontariens, sans parler du reste du Canada, profiteraient de la décision du gouvernement ontarien de mettre en oeuvre sans plus tarder une réforme de la taxe de vente. Vous avez dit que la province est en mal de mesures à court terme et à long terme qui favoriseraient sa croissance et ses perspectives à l'égard de l'investissement, et la réforme de la taxe de vente, une fois les politiques bien mises au point, peut permettre d'atteindre ce résultat. Vous avez ajouté que l'abolition du régime archaïque de taxe de vente au détail ontarien et l'adoption d'une taxe sur la valeur ajoutée comme la TPS réduiraient considérablement le taux d'imposition réel des nouveaux investissements d'affaires et procureraient à la province la stimulation économique dont elle a tant besoin.
Je me demande si vous pourriez nous faire un bref résumé de vos opinions sur l'harmonisation à la lumière des expériences passées des autres provinces qui ont harmonisé leur taxe de vente provinciale avec la TPS dans les années 1990.
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Merci, monsieur le président, de votre question.
Il est curieux d'envisager une telle mesure dans les circonstances actuelles, car, face aux turbulences qui secouent le marché financier et l'économie, la réforme fiscale — particulièrement la réforme de la taxe de vente — n'est évidemment pas la première mesure vers laquelle beaucoup d'entre nous serions portés à nous tourner. Toutefois, une occasion de changement fascinante se présente à l'Ontario. Le gouvernement de l'Ontario, jusqu'à maintenant — je crois qu'il serait raisonnable de le dire — est loin d'avoir fait l'objet l'unanimité au chapitre de la gestion économique. Saisir l'occasion d'apporter des changements en Ontario serait fantastique. Voici pourquoi: la taxe sur les ventes au détail est une taxe stupide, car elle augmente les coûts d'exploitation, elle hausse le coût pour les consommateurs, elle fait monter le coût des investissements des nouvelles entreprises qui visent à acquérir des installations et à mettre en place des processus, ce qui freine l'investissement, freine la croissance des salaires et gonfle le coût de nos exportations. C'est donc une mesure nuisible à notre compétitivité sur les marchés internationaux.
L'intérêt d'une réforme, particulièrement d'une réforme fiscale sur la valeur ajoutée, le coût que les entreprises sont contraintes à intégrer dans le prix de leurs produits, est tout simplement éliminé par le système de crédits sur les intrants. Ce système se traduit par une réduction marquée du taux d'imposition réel de l'investissement de l'entreprise, ce qui a tendance à stimuler la croissance de l'investissement, puis celle des salaires et de la productivité.
Ce qui s'est produit en 1997, lorsque les provinces de l'Est ont harmonisé à un taux légèrement inférieur qu'auparavant, est tout simplement un exemple fantastique. Le prix de certains produits sur lesquels on ne percevait pas de taxe provinciale par le passé a augmenté. Le prix d'autres produits est resté tel quel, et certains prix ont baissé. Dans l'ensemble, le niveau général des prix des provinces de l'Est a chuté dans une mesure correspondant à peu près à la réduction du taux d'imposition net. Alors les marchés concurrentiels ont très rapidement adapté à la réduction de la taxe leurs prix à la consommation.
L'élan donné à l'investissement était encore plus impressionnant. Il faudrait vraiment faire une bourde monumentale pour freiner la croissance économique qui se produisait déjà dans les économies de l'Est. Le secteur pétrolier et gazier démarrait au cours de la deuxième moitié des années 1990. Compte tenu de tous ces facteurs, on constate toujours une hausse de l'investissement par habitant supérieure à 10 p. 100 après la réforme. C'est une impulsion monstre. C'est une impulsion à long terme qui s'est révélé un énorme stimulant pour les économies provinciales. Ce facteur réduit les coûts d'exploitation des entreprises, car elles ne doivent se conformer qu'à un seul ensemble de taxes de vente. Cela réduit aussi les coûts pour le gouvernement. Alors tout le monde gagne — les consommateurs, les entreprises et les gouvernements fédéral et provinciaux —, et c'est pourquoi nous préconisons la réforme. C'est pourquoi je suis ravi à l'idée que le budget de l'Ontario propose aujourd'hui un programme de réforme de la taxe de vente.
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La FCEI a une grande expérience de la TPS. Nous étions présents au moment sa mise en oeuvre en 1990. Nous avons fait beaucoup de recherches sur les réussites et les échecs dans les pays européens.
Il y a certainement eu beaucoup de problèmes au moment de l'entrée en vigueur de la TPS. Les petites entreprises considéraient que le principe de la taxe sur la valeur ajoutée était beaucoup plus efficace que l'ancienne taxe de vente à la fabrication. L'une des conditions non négociables, de notre point de vue, tenait à l'importance de faire en sorte que l'assiette demeure aussi simple et stable que possible. Bien sûr, nous ignorons ce qui sera annoncé plus tard aujourd'hui, mais il semblerait que l'on parle d'établir en Ontario une assiette différente de celle du reste du Canada. Nous estimons que c'est probablement une très mauvaise idée d'aller en ce sens et que cela présentera probablement un risque de dérapage pour les autres provinces, car, si elles finissent par harmoniser leur taxe, elles auront tout de même leur propre assiette de l'impôt, de sorte qu'on perdrait beaucoup des avantages de l'harmonisation si chaque province choisissait ce qui sera imposé et ce qui ne le sera pas. Les coûts associés à la conformité, pour les petites entreprises, lorsqu'elles percevront l'impôt, est l'un des plus élevés de tous les régimes fiscaux. Alors c'est une énorme préoccupation.
Bien sûr, notre organisme compte aussi beaucoup de membres de l'autre côté, actuellement dans les catégories non fiscales des aliments de restaurant et de la livraison de carburant, autant de secteurs qui sont assez préoccupés par la taxe.
Tout compte fait, en principe, nous voulons voir une telle chose se produire, mais nous croyons que certains problèmes de mise en oeuvre pourraient survenir à la suite de l'annonce d'aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président.
À mon tour, je me permets de dire un mot à M. Poschmann. J'ai bien entendu ses excuses, un peu plus tôt, mais il sait comme moi que le document en question ne fait que six pages. Si on regarde l'en-tête, on voit qu'il est écrit « C.D. Howe Institute, l'Institut C.D. Howe, celebrating, nous célébrons 50 years, ans ». C'est la seule chose bilingue dans tout ce document de six pages. De plus, le texte a été écrit par un dénommé Alexandre Laurin. Cela n'aurait pas été très difficile pour une institution de votre taille de faire traduire six pages, d'autant plus que le greffier vous a expliqué que, par respect pour les deux langues officielles, il est interdit à notre comité de distribuer ce document, mais vous l'avez fait vous-même. Je pense qu'il y a un vrai problème de respect des deux langues officielles au sein de l'Institut C.D. Howe et je tiens à vous le dire. Ce n'est pas que je n'accepte pas les excuses que vous avez offertes plus tôt, mais j'ai fait de la traduction moi-même pendant de nombreuses années — j'étais responsable de la traduction des lois au Manitoba — et je dois vous dire que traduire six pages se fait très rapidement. Par respect pour ce comité, ses membres et les deux langues officielles de ce pays, je pense que l'Institut C.D. Howe pouvait faire mieux que cela, très sérieusement.
Monsieur Hodgson, je voulais revenir sur un de vos propos qui était très intéressant. Vous l'avez juste dit en passant, mais je commence à penser que cela devrait faire l'objet d'une certaine attention. Vous avez dit que vous n'étiez pas convaincu qu'on n'est pas en train de commettre des erreurs. Si je peux me permettre de paraphraser, vous avez dit que beaucoup de solutions étaient proposées. C'est un peu compliqué. Un montant de 1 000 milliards, qui se dit « trillion » en anglais, se dit « billion » en français. Aux États-Unis, on est rendu à 10 000 milliards de dollars de dépenses, pour le dire dans des termes que tout le monde va suivre plus facilement. Si j'ai bien compris, lors de votre exposé, vous avez exprimé la crainte que l'on fasse des choses aujourd'hui qui nous causeront d'autres problèmes plus tard. C'est comme dans les gares: un train peut en cacher un autre. On essaie de traverser la voie et on se fait happer ainsi.
Puis-je vous demander de développer votre pensée à ce sujet?
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Vous devez être prêts à réduire le capital, à minorer effectivement la valeur nominale des prêts, car si le débiteur n'a les moyens de payer que 80 ¢ sur le dollar, il n'y a aucun intérêt à le relancer pendant 20 ans pour tenter de recouvrer 100 p. 100 de la créance. Cela ne fonctionnera tout simplement pas. Vous pouvez réduire les taux d'intérêt, mais l'encours de la dette est l'enjeu crucial.
Concernant la crise financière, j'observe actuellement le même type de processus d'apprentissage par la pratique à l'échelle mondiale. Regardez le cheminement de M. Paulson au cours d'un mois. En septembre, il a renoncé à la conclusion selon laquelle il faut permettre aux société d'échouer et a décidé qu'il fallait intervenir et renflouer les banques. Il a changé son fusil d'épaule en un mois.
Le même genre de chose, l'apprentissage par la pratique, se produit cette année. À mon avis, ce que fait le gouvernement américain, honnêtement, tient presque de l'expérimentation. Il essaie quelque chose; si ça fonctionne, il continue. Si ça ne fonctionne pas, il essaie autre chose.
De toute évidence, il y aura des répercussions. Des choses que nous ne pouvons pas prévoir parfaitement vont se produire. Par exemple, si le programme de dépouillement des actifs annoncé par le secrétaire Geithner entre en vigueur — 1 $ de capital privé pour 5 $ de capital public — c'est un ratio extraordinaire. La majeure partie du risque est toujours assumée par le secteur privé, mais le capital privé est nécessaire à l'établissement du prix des actifs en difficulté sur les marchés.
Des choses négatives suivront. Par exemple, tout d'un coup, les banques devront majorer la valeur de tous ces actifs. Elles auront peut-être besoin de nouveaux capitaux, alors vous verrez peut-être d'énormes montants versés aux banques américaines, ce qui exigera encore que l'État injecte d'autres fonds, ce qui pourrait avoir des conséquences plus tard. C'est le genre de chose dont je parlais.
Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Je crois que les gouvernements apprennent par la pratique, à commencer par les injections de capitaux, mesure qui, selon les théoriciens, est presque toujours fondamentale dans le cas d'une crise financière. Les gouvernements interviennent et renflouent les banques. Cela a été fait. Nous songeons maintenant à retirer les mauvais actifs des bilans des banques aux États-Unis, mais nous ignorons vraiment comment les choses se solderont. Nous croyons savoir où va le train, mais nous pourrions très facilement devoir composer avec...
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Eh bien, pourquoi ne parlerais-je pas de nos prévisions, de ce qui se produit maintenant?
J'ai 32 personnes au bureau qui modélisent tout ce qui se passe dans le pays, et nous établissons nos prévisions sur un cycle trimestriel. Ce que nous voyons, c'est que la conjoncture économique actuelle a de très lourdes répercussions sur l'investissement. Nous entrons maintenant dans une période où le Canada pourrait connaître un trimestre bien pire que celui des États-Unis. Je ne chiffrerai pas cette éventualité, mais nos prévisions contiendront certainement une contraction supérieure à 5 p. 100 au cours du premier trimestre. Cela nous amènera naturellement à minorer notre prévision de croissance pour toute l'année.
À l'instar de Don, j'ignore si nous sommes en période de déflation. Nous voyons un peu de déflation, alors on pourrait assister à une croissance du revenu nominal dans l'économie. Mais il est certain que, si l'économie se contracte de, disons, environ 2 p. 100 au cours de cette année — nous allons arrêter le chiffre d'ici les 10 prochains jours —, cela va avoir une incidence sur les recettes publiques et alourdira légèrement le déficit.
Bien sûr, nous en avons les moyens. Tout ce que j'ai écrit au cours des deux derniers mois visait à expliquer aux Canadiens que le fait d'avoir un rapport dette-PIB de 30 p. 100 signifie qu'on peut fournir une stimulation pendant, disons, deux ans. C'est assez raisonnable pour remonter la pente. La difficulté surviendra lorsque la croissance reviendra. Réussirons-nous à équilibrer notre budget assez rapidement? C'est le défi que devra relever le comité dans deux ou trois ans.
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Tout d'abord, j'aimerais seulement dire que je m'oppose au tableau de la situation que vous brossez selon lequel EDC et la BDC se retrouvent avec les prêts douteux alors que les banques font de l'écrémage. En fait, si vous regardez le portefeuille de la BDC en particulier, vous verrez qu'il ne contient pas de prêts douteux; elle est dans le secteur des prêts de première qualité. Quant à EDC, il ne s'agit pas de prendre les bons prêts et de lui laisser les mauvais. Nous avons établi un partenariat pour tous ces prêts. Alors je ne crois vraiment pas que cette façon de dépeindre la situation reflète le marché du crédit au Canada.
Je vais revenir à l'idée que vous avez soulevée concernant le coût du crédit. Une banque canadienne qui veut se procurer un financement quinquennal se retrouverait avec un taux correspondant au taux du gouvernement plus 300 points de base. Il y a deux ans, vous auriez obtenu une hypothèque immobilière commerciale d'une banque canadienne au taux du gouvernement canadien plus 175 points de base, probablement. Comment pouvez-vous arriver à cela maintenant? Le coût est de plus 300, alors, il va sans dire que le coût du crédit a augmenté. Le taux préférentiel est descendu à 250 points. Le loyer de l'argent de la banque n'a pas descendu avec le taux préférentiel, alors c'est certain que l'établissement des prix est devenu un problème.
Il y a un problème d'accès au crédit, non pas pour les banques, mais, comme vous dites, pour le secteur non bancaire. Mais il est certain qu'il y a un problème d'établissement du prix du crédit, et c'est parce que les coûts imposés, en raison des difficultés du marché des obligations industrielles, n'ont pas été réduits en conséquence.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs.
J'ai écouté attentivement vos présentations. Ce qui s'en dégage, c'est que l'accès au crédit semble maîtrisé. M. Hodgson mentionnait que la BDC et EDC font du bon travail à cet égard. Vous répondez à la demande de crédit.
Dans une dépêche de lundi dernier, je crois, la Banque Toronto-Dominion prévoit un déficit encore plus grand en 2011, soit de 81 milliards de dollars, ce qui représente 18 milliards de dollars de plus que celui prévu par le gouvernement actuel. Cela démontre que vous êtes plus pessimistes au sujet de la performance économique future du pays.
Vous semblez répondre à la demande, mais vous ne parlez pas beaucoup de l'avenir immédiat. À moyen et à long terme, pourrez-vous toujours répondre à cette demande? Faudrait-il prendre des mesures additionnelles afin de stimuler l'économie et vous permettre de continuer à répondre à la demande de crédit? Actuellement, vous pouvez répondre facilement à la demande. Si les gens sont très pessimistes, ils n'oseront même pas faire de demande de crédit. Cela n'indique pas nécessairement une bonne situation économique.
Monsieur Drummond, vous avez dit que vous disposiez de nombreux experts faisant des prévisions sur le rendement économique; c'est donc à vous que je m'adresse en premier. Le plan économique actuel est-il adéquat? Allez-vous continuer à pouvoir répondre à la demande de crédit?
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Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être venus.
Je réitère mon affirmation selon laquelle il est souhaitable d'inviter des spécialistes financiers lorsqu'on reçoit le directeur parlementaire du budget. Je suis toujours de cet avis. Je crois qu'il est très utile que vous veniez nous brosser un portrait général, vous qui êtes quotidiennement dans le milieu.
Encore une fois, merci d'être venus, et merci à M. McCallum d'avoir approuvé mon excellente suggestion.
Je voudrais reprendre où j'avais laissé avec M. Page hier, mais certains de mes collègues ont soulevé la question des papiers commerciaux adossés à des actifs non bancaires. Nous avons observé —dans la caisse, au Québec — certaines des pires conséquences de l'absence de ce que j'appellerais un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières au pays. Pourtant, le Québec semble être le principal opposant — quoique ma province, l'Alberta, est toujours aux prises avec le problème.
Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires, très rapidement? Je crois que vos opinions respectives sont probablement déjà de notoriété publique. Je ne vais pas vous demander si vous croyez que le fiasco des papiers commerciaux adossés à des actifs aurait pu être évité, mais, selon vous, est-il possible qu'un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières puisse contribuer à éviter qu'une telle situation se reproduise?
Je m'adresse à qui voudra bien répondre.
On dirait que vous êtes tous disposés à répondre.
Des voix: Ah, ah!
M. Ted Menzies: Allez-y, monsieur Poschmann.
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Je vais saisir cette occasion, merci, si vous permettez, monsieur le président.
Un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières serait très utile aux sociétés émettrices de titres et à leurs clients, car la réglementation serait plus claire, les mécanismes d'exécution seraient plus clairs et on améliorerait la coopération internationale, qui est importante au libre-échange des titres; à mon avis, il s'agit-là d'un but convenable pour une politique.
Toutefois, l'idée qu'un organisme de réglementation unique ou un organisme de réglementation national éliminerait ce genre de problème, comme ceux que nous avons vus sur le marché des PCAA est, selon moi, probablement un peu idéaliste. D'autres marchés réglementés par un seul organisme ont connu des échecs semblables. Le Royaume-Uni a une autorité des services financiers qui est un organisme-cadre de réglementation, et je ne citerais pas le marché du Royaume-Uni comme un exemple de réussite au chapitre de la réglementation des services financiers au cours des deux dernières années.
Je fais également remarquer que, dans le cas des PCAA en particulier, il y a eu des problèmes auprès des émetteurs, qui ne comprenaient pas ce qu'ils émettaient; il y a eu des problèmes auprès des distributeurs, qui ne comprenaient pas ce qu'ils distribuaient; et il y a eu des problèmes auprès des organismes de surveillance, qui ne comprenaient pas ce qu'ils régissaient; il y avait des problèmes auprès des acheteurs, qui ne comprenaient pas ce qu'ils achetaient. Alors il y avait plein de facteurs dans cette situation, sur le marché, qui comportaient leur part de défauts.
L'un des principaux enjeux, à mon avis, c'est qu'il faut se pencher sur ces incitatifs offerts aux dirigeants, ces d'incitatifs à la gestion du risque, mais je ne voudrais pas qu'on le fasse selon un mode descendant, par l'intermédiaire d'un organisme de réglementation canadien ou fédéral.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue dans votre monde imparfait.
Des voix: Oh, oh!
M. Daryl Kramp: Bien sûr, dans le domaine des sciences, on peut prétendre à l'exactitude, mais dans le domaine des prévisions économiques, les choses sont assurément plus compliquées, car il faut tenir compte d'un facteur qui, selon moi, est le plus imprévisible de tous, je veux parler des êtres humains.
De fait, nous semblons nous trouver en terrain inconnu, dans un monde en train de se transformer. Je crois que tout le monde est conscient de cela. Hier, le directeur parlementaire du budget nous a dit, essentiellement, qu'en quelques semaines, il avait dû revoir ses prévisions initiales. Pour paraphraser M. Drummond, cela a été assurément une leçon d'humilité.
Cela dit, ma préoccupation concerne évidemment la manière dont le gouvernement réagira à cela. Devons-nous réagir à chaque fluctuation du marché? Devons-nous réviser chaque jour notre plan économique dans son intégralité? Comment réagir de manière intelligente et compétente lorsque, en toute honnêteté, bien des facteurs dépendent non pas de notre volonté, mais de celle de l'administration Obama ou d'autres instances?
Compte tenu du fait que notre déficit pourrait s'élever à 60 ou à 70 milliards de dollars, ou même à 80 milliards de dollars selon certaines prévisions, pendant un certain temps... De toute évidence, tout le monde souhaite que le déficit soit le moins élevé possible, mais est-il raisonnable de dire que nous possédons à tout le moins la capacité financière — vous avez mentionné le ratio de la dette au PIB — d'aller de l'avant et de mettre en oeuvre un plan économique? Sachant que nous avons la capacité financière de le faire et que nous pouvons au moins nous engager dans une voie avec une orientation claire, nous pouvons l'envisager.
Ce que je viens de dire est-il raisonnable, monsieur Hodgson?
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C'est une question intéressante.
Tout d'abord, je crois que nous devrions nous estimer heureux que le Canada ait pris ses responsabilités en réglant nos problèmes de déficit au milieu des années 1990. Le plus frappant, selon moi, c'est que pratiquement tous les gouvernements du pays, y compris le gouvernement fédéral, ont conjugué leurs efforts pour agir en ce sens. Les ratios d'endettement ont été ramenés à des niveaux raisonnables, et nous avons réduit la dette, et j'ose affirmer que cela explique en partie la situation particulière dans laquelle se trouve le Canada. En effet, nous sommes en mesure de stimuler notre économie plus que presque tous les pays, à l'exception peut-être des États-Unis. À l'heure actuelle, en Grande-Bretagne, les représentants de la Bank of England incitent le gouvernement à différer sa deuxième vague de mesures de stimulation parce qu'ils sont préoccupés par toutes ces discussions à propos de la dette et par les énormes besoins d'emprunt sur le marché du gouvernement britannique.
Comment réagir face aux circonstances actuelles? Eh bien, je pense qu'il faut commencer par avoir un plan, et je constate que nous en avons un. Nous avons un plan qui va être mis en oeuvre. Il faudra évidemment le rajuster et l'adapter en cours de route. Je ne crois pas qu'il faut réagir à chaque incident. Il faut être conscient du fait que les statistiques en matière de croissance pourraient devenir encore plus sombres au cours de l'année, que les revenus seront touchés et que le déficit se creusera. Mais la bonne nouvelle, selon moi, c'est que le Canada peut se le permettre.
Dans deux ans, lorsque nous serons réunis et que nous constaterons que la croissance est rétablie, je serai probablement plus exigeant et je poserai des questions pour savoir si les mesures mises en oeuvre pour rétablir l'équilibre sont suffisamment dynamiques. Mais j'y reviendrai dans 18 mois.
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La semaine dernière, quatre variables clés du marché de l'habitation américain ont connu une augmentation. Si j'ai choisi l'exemple du marché de l'habitation américain, c'est parce qu'il s'agit de l'un des facteurs qui ont une incidence sur le Canada. Nous avons besoin d'une reprise du marché de l'habitation aux États-Unis. Nous avons connu une augmentation sur le plan des mises en chantier, de la revente de logements, de la vente de nouveaux logements et des prix des logements. Les médias se sont emparés de l'affaire, et cela est phénoménal. Aux États-Unis, les mises en chantier ont augmenté de 22 p. 100 de janvier à février. Cette nouvelle a fait la manchette de tous les journaux, et tous soulignaient qu'il s'agissait d'une bonne nouvelle. Il y a un an, le nombre de mises en chantier était trois fois plus élevé. Le nombre actuel est extrêmement bas. S'il a augmenté, c'est simplement qu'il ne pouvait pas descendre plus bas que le niveau atteint en janvier. J'aurais pu présenter cette nouvelle d'une manière totalement différente. Voyez comme ce nombre est bas! N'est-ce pas déprimant?
Ils ont parlé du plan Geithner et ils ont parlé des actifs toxiques. Il s'agit du deuxième facteur clé. Les banques américaines doivent se débarrasser de leurs actifs toxiques de manière à pouvoir recommencer à prêter de l'argent. Il est fort peu probable que ce plan fonctionne, et pourtant, les médias lui ont accordé un traitement très favorable. Après la publication de cette nouvelle, les marchés ont réagi par une hausse de 6 à 8 p. 100. J'aurais pu rédiger un article et présenter la nouvelle en insistant sur le fait que nous ne saurons rien avant mai, qu'un nombre suffisant de mesures d'incitation à la consommation ont été prises, que nous ignorons si les banques sont suffisamment incitées à agir, et que tout cela pourrait donc tomber à plat. Peu de personnes ont adopté cette position. On exagère donc d'un côté comme de l'autre.
Je reçois moi-même fréquemment des messages où l'on prétend que je ralentis à moi seul l'économie en faisant des prévisions négatives. La dernière fois que j'ai reçu un tel message, on venait d'annoncer que le taux d'utilisation des capacités au Canada au cours du quatrième trimestre avait atteint le niveau le plus bas de l'histoire du pays. Comment voulez-vous réagir à une telle nouvelle?
Cela nous ramène en quelque sorte à la question des papiers commerciaux. Préférez-vous voir la réalité telle qu'elle est, ou continuer à porter des lunettes roses et faire face aux problèmes lorsque vous les enlèverez? Si j'évolue dans le monde de Ted affaires et que le taux d'utilisation des capacités est extrêmement bas, je veux le savoir et je veux prendre des mesures quant à la gestion de mon entreprise de manière à ne pas me retrouver avec des stocks dont je ne sais que faire. Si vous vous mettez des oeillères, vous n'irez nulle part.
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Monsieur le président, je voudrais continuer à poser des questions à M. Drummond, qui est sur une envolée lyrique.
En effet, aujourd'hui même aux États-Unis, on va proposer un autre train de mesures pour, dit-on, mieux encadrer la situation. Je me permets de suggérer que certaines choses qu'on a faites dans la foulée du scandale d'Enron relativement aux règles comptables — parce qu'il fallait bâtir des murs — faisaient partie du problème.
Plus tôt, on a dit que l'évaluation à la valeur du marché était un des défis. Certaines choses que l'on fait en réponse à la crise très réelle vont nous causer de vrais problèmes à plus long terme. Par exemple, en ce moment, on parle — et je vais le dire au sens propre — de 10 000 milliards de dollars aux États-Unis, un peu comme à l'instar de ce qui s'est produit lors de la guerre du Vietnam. La seule manière de rembourser la dette de la guerre du Vietnam avait été une inflation lourde à la fin des années 1970. La guerre a pris fin en 1975 et, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, il y a eu une lourde inflation.
Ne court-on pas un risque d'inflation réel, en imprimant 10 milliards de dollars? Réal Caouette et Camil Samson — je m'excuse de citer les émules de M. Bernier — sont en train de regarder cela avec un grand sourire, sans doute. Newsweek a dernièrement publié le titre suivant: « We Are All Socialists Now ». Moi, j'oserais dire: we are all social creditors. N'y a-t-il pas d'autres défis, d'autres problèmes que l'on cache avec cette orientation?
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Puisque le sujet d'aujourd'hui est l'accès au crédit et la stabilité du système financier canadien, je me permettrai de poser une dernière question à ce sujet.
En ce moment, certaines banques à charte — pas la vôtre — veulent un marché hypothécaire à un taux de 2 ou 2,5 p. 100. À Montréal, ce n'est pas rare.
Le taux du Mouvement Desjardins est maintenant en-dessous de 2 p. 100, soit 1,5 p. 100. Je suis tout à fait d'accord avec vous que les taux d'intérêt ne resteront pas longtemps à ce niveau. Le taux de 1,5 p. 100 chez Desjardins n'est pas un taux fixe, mais un taux variable. C'est comme un jeu sur un écran d'ordinateur: quelqu'un vous envoie quelque chose et ça bouge chaque fois que vous essayez de cliquer dessus. Essayez de fixer cette hypothèque à 1,5 p. 100 pour cinq ans et on commencera à vous parler de 5, 6 ou 7 p. 100.
Dès que les taux commenceront à monter, quelqu'un ne devrait-il pas évaluer ce qui se fait en ce moment par rapport à ces hypothèques? On est en train de créer une demande. Les gens considèrent toujours ce qu'ils peuvent payer par mois, et non la valeur totale. Cela ne devrait-il pas faire l'objet de plus de surveillance?
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Nous ne nous sommes jamais posé la question en ces termes. Nous savons qu'un très grand nombre de nos membres ont recours à ce type d'instrument de crédit à intérêt élevé. Une pléthore de petites entreprises utilisent leurs cartes de crédit pour financer leurs activités, mais il n'y aurait pas eu assez d'espace sur cette page pour les faire figurer dans notre graphique.
Nous examinons les institutions qui offrent ce type de prêt et les clients qui les demandent. Là encore, il s'agit habituellement du type de prêt accordé par la Banque de développement du Canada. Les coopératives d'épargne et de crédit sont plus susceptibles de faire partie de cette catégorie, de même que les sociétés de gestion d'actifs spécialisées. Les banques canadiennes n'ont pas l'habitude d'accorder des prêts de ce genre. Quelques personnes disent qu'il y a des clients de banques canadiennes qui paient de tels taux d'intérêt.
On remarque toutefois qu'à présent, les taux d'intérêt sont beaucoup plus flexibles. À l'heure actuelle, le marché, les taux d'intérêt semblent davantage calculés en fonction du risque, tandis que, dans les années 1990, en règle générale, les personnes qui n'étaient pas admissibles à un prêt hypothécaire ou à un prêt au taux préférentiel plus 2 p. 100, ou qui n'avaient pas droit à une marge de crédit, ne pouvaient recevoir aucun financement. Actuellement, le fait que l'on consente des prêts au taux préférentiel plus 3 ou 4 p. 100 soulève des questions, mais à tout le moins, les gens sont en mesure d'obtenir un prêt. Imaginez: il y a 20 ans, les gens se plaignaient parce qu'ils auraient aimé avoir la chance d'obtenir un prêt au taux préférentiel plus 3 p. 100, mais que leur banque avait refusé. Les banques disaient à ces gens qu'elles ne leur prêteraient plus d'argent.
D'après nos observations, nous n'en sommes pas revenus là, et en réalité, notre rôle consiste à évaluer... Ce que je veux dire, c'est que nous ne sommes pas des pronostiqueurs. À maintes reprises, nous avons pensé que nous devrions peut-être le devenir, mais il est malaisé de prévoir l'avenir lorsque nous ne comprenons pas parfaitement le présent. Par conséquent, ce que nous tentons de faire, c'est de fournir des renseignements actuels pour aider Glen et Don et d'autres personnes à mieux faire leur travail. Dans le secteur financier, nous avons remarqué que les taux d'intérêt sont davantage fixés en fonction du risque, et que l'on est moins préoccupé par les possibilités que les institutions financières cessent de consentir des prêts aux personnes qui appartiennent à tel ou tel secteur. Quelques-uns de nos membres nous ont fait des commentaires à cet égard, et nous allons surveiller cela au cours des deux ou trois prochains mois pour voir si cela s'aggrave. Assurément, nous allons indiquer aux décideurs les modifications et les rajustements qui doivent, selon nous, être apportés.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie. M. Menzies aurait sans doute aimé obtenir une réponse différente, mais vous avez répondu qu'une commission des valeurs mobilières unique n'aurait pas toutes les vertus, entre autres en ce qui concerne l'achat de papiers commerciaux au Québec. D'après ce que je comprends, vous vous êtes prononcé en faveur d'une commission des valeurs mobilières unique, mais pour d'autres raisons. Vous savez aussi sûrement que cette question fait presque l'unanimité au Québec. Pour des raisons de compétence d'ordre constitutionnel, entre autres, le gouvernement du Québec est contre cette idée. Quoi qu'il en soit, ça n'a pas empêché l'achat massif de papiers commerciaux, notamment par la Caisse de dépôt et placement. On pourrait croire, en se fondant sur les propos de M. Drummond, qu'il s'agissait davantage d'un manque de clairvoyance, de prudence, de la part des dirigeants et des investisseurs. Il est possible aussi que d'autres intérêts aient été en jeu. On ne le sait pas encore, mais on espère le découvrir.
Monsieur Drummond, vous avez dit plus tôt qu'à ce moment-là, il était tout à fait clair dans votre esprit que l'achat de papiers commerciaux adossés à des actifs était vraiment trop risqué et que vous avez naturellement évité, en quelque sorte, de vous lancer dans cette aventure. Par contre, avez-vous partagé votre point de vue sur la situation, qui vous semblait évidente? Au moment où l'engouement pour les papiers commerciaux s'est manifesté, la Banque TD a-t-elle averti ses clients, de façon générale? Leur a-t-elle expliqué pourquoi elle ne touchait pas à ces produits?
On me dit que les cloches sonnent depuis 29 minutes.
En ma qualité de président, je vais prendre le tour suivant des conservateurs, et mes questions porteront sur deux ou trois sujets.
Tout d'abord, monsieur Drummond, en répondant à la question d'un autre collègue, vous avez évoqué le secteur bancaire parallèle. Mardi, un témoin nous a dit que l'un des problèmes était que ce secteur n'est pas suffisamment réglementé au Canada. Il a insisté sur le fait que ce problème était plus important dans d'autres pays, notamment aux États-Unis, mais que le Canada devrait envisager de réglementer davantage certains produits comme les fonds de couverture, les instruments dérivés et le papier commercial adossé à des actifs.
Monsieur Drummond, je vous invite à répondre en premier. Quiconque souhaite ajouter un commentaire peut le faire. Ce secteur doit-il être mieux réglementé au Canada?
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Merci beaucoup de votre réponse.
Le deuxième sujet que je veux aborder est celui des prévisions. Il s'agit d'un aspect très important. Si je ne m'abuse, vous l'avez-vous vous même souligné, monsieur Drummond.
Le prévisions contenues dans le budget 2009 étaient plus timides, plus conservatrices, employez le terme qui vous convient, que celles du secteur privé. Ces prévisions comportaient une part d'impondérables, mais comme vous l'avez tous mentionné, les plus récentes prévisions sont encore plus sombres. Au cours des six derniers mois, et assurément depuis août dernier, tous les trimestres ou presque, les prévisions deviennent de plus en plus pessimistes. Manifestement, cela a eu une énorme incidence.
À titre d'ancien fonctionnaire du ministère des Finances, quelle est, selon vous, la ligne de conduite que devrait adopter le gouvernement? Le gouvernement ne souhaite pas que ses prévisions soient beaucoup plus sombres et pessimistes que celles du secteur privé. En matière d'économie, il faut regarder la réalité en face, mais les erreurs de jugement peuvent avoir une incidence négative sur toutes les variables, notamment sur le plan des revenus et des prévisions de déficit.
Quelle serait la ligne de conduite la plus prudente à adopter? La situation est très instable, et il est extrêmement malaisé de faire des prévisions. La position dans laquelle se trouve le gouvernement est très peu enviable: d'une part, il doit tenter de prévoir ce qui va se passer, et, d'autre part, il doit éviter de sombrer dans un pessimisme exagéré qui aurait des répercussions négatives sur la confiance des consommateurs et ne ferait qu'aggraver la situation.
Je sais qu'il s'agit d'une question épineuse, mais le problème auquel nous faisons face l'est tout autant.
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Invariablement, chaque nouveau ministre des Finances veut présenter des prévisions optimistes pour ne pas perturber les marchés. Après plus de 30 ans dans le domaine, j'en suis arrivé à la conclusion que la seule ligne de conduite à adopter consiste à faire les prévisions les plus justes qu'il est possible de faire, peu importe qu'elles soient considérées comme pessimistes ou réalistes.
Le présent budget s'inscrit dans la suite logique de la tradition amorcée par Paul Martin en 1994, selon laquelle les prévisions du gouvernement sont fondées sur la moyenne de celles du secteur privé. Ainsi, comme à l'habitude, un mois avant la mise à jour d'automne, le ministère des Finances a procédé à l'examen des prévisions du secteur privé.
Je vais parler du PIB nominal parce qu'il s'agit d'une variable économique clé. En moyenne, le secteur privé avait prévu une croissance de 1,9 p. 100 en 2009. Pour ma part, j'avais prévu une recul de 3,2 p. 100. Simplement pour vous donner une idée de ce que cela signifie, la différence entre ma prévision et la moyenne de celles du secteur privé représenterait 15 milliards de dollars du déficit du gouvernement fédéral. La zone d'incertitude était donc énorme. J'étais stupéfait. Selon moi, il était totalement déraisonnable de prévoir une croissance de 1,9 p. 100 dans le cadre du budget.
Au fil des discussions, il a été convenu de conserver les hypothèses les plus récentes pendant une autre semaine pour voir si une quelconque instance s'emploierait à abaisser l'une ou l'autre des prévisions. De fait, si vous examinez la mise à jour d'automne, vous constaterez que la prévision est non pas de 1,9 p. 100, mais de 0,8 p. 100.
Puis, à la mi-janvier, lorsque le ministère des Finances a procédé à son dernier examen, le secteur privé prévoyait, en moyenne, un recul de 1,5 p. 100 du PIB nominal. Une fois de plus, je n'y croyais pas. Je n'avais pas l'impression que les fonctionnaires du ministère des Finances croyaient cela, et je les encourageais vivement à... Vous savez, cette pratique qui consiste à se fonder sur la moyenne des prévisions du secteur privé n'est pas une loi immuable. D'ailleurs, dans l'un des budgets de Ralph Goodale, on ne s'en est pas préoccupé: lorsque la moyenne des prévisions du secteur privé ne convient pas, on la rajuste.
Je leur ai dit de laisser tomber les prévisions du secteur privé et de faire leurs propres calculs, à défaut de quoi leurs prévisions budgétaires sembleraient totalement irréalistes, et ils seraient contraints de les revoir. À leur décharge, ils ont prévu un recul de 2,6 p. 100 plutôt qu'un recul de 1,5 p. 100. Tout de même, cette prévision demeure plus optimiste que la mienne, car je prévois un recul de 4,5 p. 100 du PIB nominal, ce qui explique pourquoi je prévois un déficit plus élevé de 18 milliards de dollars que celui du gouvernement.
Selon moi, le ministre des Finances a agi de la bonne manière en janvier en faisant abstraction de cette pratique qui consiste à fonder les prévisions du gouvernement sur la moyenne de celles du secteur privé. J'aurais simplement souhaité que le gouvernement prévoie un recul encore plus marqué.