:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invité à venir discuter du point du vue de la Banque du Canada sur la stabilité du système financier canadien.
Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, la stabilisation du système financier canadien est une condition préalable à la reprise économique tant à l'échelle du globe qu'au Canada. À cette fin, les décideurs du monde entier sont intervenus énergiquement et de façon créative en adoptant une série de mesures inédites visant à stabiliser le système financier mondial. De nombreuses banques centrales, y compris la Banque du Canada, ont procédé à des injections de liquidités sans précédent afin d'assurer le fonctionnement continu du système financier.
Comme la crise est mondiale par nature et qu'elle a vu le jour à l'extérieur de nos frontières, la plupart des solutions doivent être le fruit d'efforts internationaux. Dans cet esprit, nous nous entretenons avec nos collègues de l'étranger sur les moyens de renforcer la stabilité financière mondiale. La résilience des institutions financières canadiennes face à la crise économique mondiale a suscité un vif intérêt de par le monde. Contrairement à leurs homologues d'autres grands pays, les banques canadiennes n'ont pas été sensiblement touchées par la crise financière. Elles ont réussi à mobiliser des capitaux durant cette période de turbulence afin de soutenir l'octroi continu de prêts, de compenser une partie du recul de la demande des produits titrisés ainsi que le retrait des prêteurs non bancaires et des prêteurs étrangers qui avaient compté sur la titrisation pour financer leurs activités. À l'inverse, les banques de la plupart des autres grandes économies ont subi d'importantes pertes financières et ont dû recourir à des injections massives de capitaux de l'État.
Ainsi, le Canada a conservé des conditions de crédit nettement plus saines que d'autres pays depuis le début de cette récession mondiale. Cela dit, le secteur financier canadien a malgré tout ressenti la tourmente internationale qui a accru les besoins en matière de financement tout en augmentant le coût et l'incertitude du financement à plus d'un jour. La Banque du Canada a réagi en déployant d'importants efforts pour soutenir la liquidité des marchés financiers.
[Traduction]
Les mesures que la banque a prises afin de stabiliser le système financier canadien depuis le début de la crise mondiale, il y a 18 mois, ont été substantielles et sans précédent. La banque est intervenue vigoureusement en portant le montant total de ses prises en pension à plus d'un jour à un sommet de 41 milliards de dollars en décembre et à 35 milliards de dollars à l'heure actuelle.
Les prises en pension à plus d'un jour visent à fournir des liquidités à des opérateurs clés du marché pour des durées allant jusqu'à trois mois, en contrepartie d'un vaste éventail de titres. La banque a élargi la liste des actifs acceptés dans le cadre de ses opérations et celles des contreparties admissibles. Je dois souligner que ces prises en pension sont comme des enchères, de sorte que le rendement de ces prêts à terme s'accompagne en quelque sorte d'une valeur commerciale.
Nous avons également instauré une facilité de prêt à plus d'un jour à l'intention des institutions financières qui participent directement au système de transfert de paiements de grande valeur, et accepter leurs portefeuilles de prêts non hypothécaires en garantie. Cette mesure libère en quelque sorte d'autres garanties pour les banques.
La semaine dernière, la banque a annoncé la création d'un nouveau mécanisme de prise en pension à plus d'un jour de titres privés qui vient bonifier celui qu'elle avait mis en place l'autonome dernier et qui visait les titres privés du marché monétaire. Dans le cadre du nouveau mécanisme, la banque a élargi la gamme des participants et des titres admissibles et offre des termes plus longs, à un taux de soumission minimal plus bas. Les liquidités fournies grâce à ce mécanisme devraient soutenir indirectement la croissance du crédit au Canada en améliorant la liquidité du marché secondaire et en stimulant la demande des titres de société.
Je tiens à préciser que ces mécanismes ont été financés, non pas en accroissant l'offre de monnaie de banque centrale au système financier, mais plutôt par la vente de bons du Trésor, soit du propre portefeuille de la banque, soit de nouvelles émissions dont le produit est à son tour détenu en dépôt à la Banque du Canada. J'aimerais aussi ajouter que, sur une base consolidée, le gouvernement fédéral tire un bénéfice net de ces opérations, qui est représenté par l'écart entre le rendement de nos propres prises en pension à plus d'un jour et celui des bons du Trésor. De plus, ces opérations font courir très peu de risque aux contribuables, puisque la banque exige des participants qu'ils lui remettent en garantie des actifs d'un montant plus élevé que celui des prêts accordés.
Ces opérations d'injection de liquidités ont entraîné une réduction appréciable des écarts relatifs aux titres à court terme. Par exemple, le CDOR, le taux offert par les courtiers canadiens, c'est-à-dire l'équivalent canadien du LIBOR, le taux interbancaire offert à Londres; ce concept désigne essentiellement le taux offert aux banques. Ainsi, les écarts entre le CDOR et le taux des SWAPS indexé sur le taux à un jour — c'est-à-dire les attentes de la Banque du Canada quant à ce que pourrait être un taux futur — se sont considérablement rétrécis depuis l'autonome dernier, où les conditions étaient extrêmement défavorables. Les améliorations observées sont particulièrement notables en ce qui concerne les courtes échéances, comme un mois, et sont attribuables en bonne partie aux facilités de trésorerie qui ont été mises en place. Les écarts à trois mois, qui ont culminé à quelque 125 points de base au Canada, avoisinent à présent des niveaux plus normaux, c'est-à-dire environ 25 points de base. Il s'agit un peu de la nouvelle situation normale. Nous ne nous attendons pas à retrouver une situation comme celle d'avant août 2007, alors que les écarts étaient anormalement étroits.
Alors que les opérations d'injection de liquidités menées par la Banque du Canada sont tournées vers le financement à court terme, le gouvernement fédéral a instauré des mesures visant à faciliter le financement à long terme des entreprises et des consommateurs. Vous me permettrez d'évoquer deux de ces mesures.
La première mesure est le programme d'achat de prêts hypothécaires assurés, qui permet aux institutions financières canadiennes de prêter davantage, en vendant à la Société canadienne d'hypothèques et de logement des blocs de prêts hypothécaires assurés. La seconde est la facilité canadienne de crédit garanti, aux termes de laquelle la Banque de développement du Canada est appelée à acquérir des titres à terme adossés à des prêts et à des baux portant sur des véhicules et du matériel. Ces mesures vont donc cibler le segment du marché qui n'a pas accès au financement pour l'instant.
Toutes ces mesures contribuent à répondre à une demande de plus en plus grande de la part d'entreprises et de particuliers qui ont de la peine à se financer de manière adéquate dans le contexte actuel. On a tous entendu parler d'un resserrement continu du coût et de la disponibilité du crédit. Nous avons entendu des anecdotes. Nos chiffres les plus récents indiquent une croissance soutenue de l'ensemble des crédits au ménage, qui s'établissait à 9,6 p. 100 en janvier par rapport à la même période un an plus tôt, ainsi qu'une décélération limitée de la croissance de l'ensemble des crédits aux entreprises. Cette décélération a été plus marquée en janvier et ces chiffres varient d'un mois à l'autre. Le taux de croissance de ces crédits se situerait à 4,2 p. 100 en janvier par rapport à la même période un an plus tôt. L'accélération de la croissance des frais bancaires a contribué à compenser la contraction du financement sur les marchés. Nous continuerons de suivre de près la croissance et les conditions du crédit au Canada. Nous venons de recevoir, la semaine dernière, les chiffres de janvier. Nous suivons cette situation de très près.
Pour conclure, comme nous en sommes tous très conscients, l'économie canadienne se ressent de la tourmente et de la récession mondiales. Si, au Canada et à l'étranger, les autorités ont lancé d'importants programmes de relance budgétaire et monétaire pour faciliter la reprise, il n'en demeure pas moins, comme je l'ai fait remarquer au début, que la stabilisation du système financier mondial demeure une condition préalable à la reprise économique à l'échelle du globe et au Canada.
La confiance des investisseurs et du public a été durement ébranlée. Elle se rétablira à mesure que certains grands pays mettront en oeuvre, à temps, les plans ambitieux pour régler le problème des actifs toxiques et reconstituer le capital des institutions financières. Toutefois, si ces mesures nationales et multilatérales ne sont pas prises à point nommé, énergiques et bien exécutées, la reprise économique au Canada sera moins forte et se fera attendre.
Maintenant, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Bonjour, monsieur Duguay.
Malheureusement, il semble que la situation économique continue à se détériorer. Quand le gouverneur de la Banque du Canada a comparu récemment devant le comité, je lui ai dit qu'il était optimiste. Il m'a répondu qu'il n'était pas optimiste, mais réaliste.
[Traduction]
Par souci d'équité envers le gouverneur, je soulignerai qu'il a clairement indiqué que ses prévisions réalistes se fondaient sur une amélioration de la situation aux États-Unis et du bon fonctionnement des mesures. Il semble qu'aux États-Unis, les niveaux de confiance soient bas pour l'instant, et qu'on ne s'attend pas à ce que la crise du système bancaire se résorbe facilement.
Vous ne voudrez probablement pas mentionner de chiffres, mais pouvez-vous décrire votre position actuelle, par rapport à votre opinion précédente, selon laquelle la situation se rétablirait et la croissance atteindrait 3,8 p. 100 en 2010? Quelle a été l'évolution de votre position depuis?
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Merci, monsieur McCallum.
Comme nous l'avons souligné lorsque nous avons annoncé une baisse des taux d'intérêt de 50 points de base, les données sont moins encourageantes que prévu. Comme nous l'avons mentionné, nous savions que pendant la première partie de cette année, il y aurait une série de mauvaises nouvelles. Comme vous l'avez dit, nous avions prévu que la reprise commencerait pendant la deuxième moitié de cette année; toutefois, ces prévisions se fondaient sur un rétablissement de la confiance à mesure que la situation financière s'améliorerait et se rétablirait. Il s'agit d'une condition préalable à la reprise et au rétablissement de la confiance qui l'accompagnera.
Dans notre rapport, nous avons dit que la situation de la première moitié de cette année serait moins robuste que prévu et que la contraction de la production serait plus marquée. En raison des retards possibles dans la stabilisation du système financier mondial ainsi que des effets plus importants que prévu de la confiance et de la richesse sur la demande nationale au Canada, il se pourrait que l'écart de production ne commence à se combler qu'au début de 2010.
Vous vous souviendrez peut-être que notre mise à jour du rapport sur la politique monétaire prévoyait que la croissance dépasserait la production potentielle dès le quatrième trimestre de cette année. Je pense que cela se fera plus tard. En fait, ça ne se produira probablement pas avant le début 2010.
Nous n'avons donc pas, pour l'instant, de prévisions complètes. Nous en formulerons une dans le rapport sur la politique monétaire de la mi-avril.
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Merci monsieur le président.
Merci monsieur Duguay. Vous avez du courage de comparaître devant notre distingué comité seul; je dois d'ailleurs souligner qu'il y a aujourd'hui des représentantes des deux côtés de la table, alors qu'il s'agit en général d'un groupe de vieux garçons, et c'est rafraîchissant d'avoir des femmes avec nous ici.
Enfin, merci de vos remarques et de vos réflexions. Vous avez dit quelque chose qui m'a intrigué: l'amélioration de la stabilité économique mondiale est une condition préalable à la reprise. À ce sujet, je soulignerai que nous avons reçu des fonctionnaires du ministère des Finances qui nous ont parlé du rôle joué par le Canada dans le plan d'action des leaders du G-20. Je sais que le gouverneur de la Banque du Canada assiste à ces conférences du G-20, mais je ne sais pas qui d'autre y prend part.
Pouvez-vous nous parler, autant que possible, du rôle joué par la Banque du Canada et les autres banques centrales au G-20 et nous dire si vous faites aussi partie du plan d'action des leaders?
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Le G-20 a un groupe de ministres et de gouverneurs qui se réunit avant les leaders. Bien entendu, après avoir discuté de la situation, les ministres et les gouverneurs informent leurs leaders de façon individuelle et font souvent des recommandations. Au début avril, les leaders choisiront un plan d'action.
Dans un certain sens, nous préparons le terrain. Outre les réunions des gouverneurs et des ministres il y a, bien entendu, les réunions des sous-gouverneurs. L'un de nos sous-gouverneurs, John Murray, ainsi qu'un fonctionnaire du ministère des Finances, Tiff Macklem, qui était ici hier, sont des sous-gouverneurs du G-20.
Comme Tiff l'a dit hier, les opinions divergent. Une vaste gamme de solutions ont été envisagées. Il y a deux questions à régler. À court terme, que pouvons-nous faire de plus, étant donné que la situation s'est détériorée. Je pense que les plans visant à régler la crise financière sont les bons, et la question ici touche leur exécution et leur caractère opportun, de sorte qu'il est nécessaire d'aller de l'avant.
Le deuxième aspect touche le fait qu'une fois qu'on a remporté la victoire, il faut penser à la reconstruction et à la façon d'empêcher une telle chose de se reproduire, en étudiant la réglementation du système financier. Dans un certain sens, c'est là que les points de vue divergent. Mais je pense que tous s'entendent pour dire que certaines choses sont importantes, comme la macro réglementation provinciale et la réglementation des capitaux, que l'on accumule pendant les périodes de prospérité afin de les utiliser pour absorber les chocs, au besoin.
Nous voulons également éviter la pro-cyclicalité. On a l'impression que, dans les systèmes financiers, tout est exagéré par les réactions des gens. Nous nous posons donc la question de savoir s'il est possible de faire quoi que ce soit, du point de vue de la réglementation, pour contrer cette exagération, qui est naturelle. Quand les choses vont bien, on est optimiste et on sous-estime le risque. Quand les choses vont moins bien, tout à coup, cette exubérance irrationnelle donne lieu à la panique. Tout comme le risque est sous-estimé dans l'un des cas, lorsqu'on apprend une série de mauvaises nouvelles, on commence à surestimer les risques. Comment, alors, créer un système financier qui demeurerait fort en dépit de cela?
Le troisième point qui est important est l'harmonisation des incitatifs. Les règlements permettent toujours de les contrôler, de sorte que veiller à ce qu'il existe une approche pansystémique afin que les incitatifs soient harmonisés... Par exemple, dans le cas des PCAA, les incitatifs n'étaient pas harmonisés en raison du modèle de distribution original: les gens qui faisaient des prêts n'en gardaient pas. Ils faisaient simplement des prêts, les envoyaient, et n'avaient aucun incitatif à vérifier la qualité de crédit du prêt. L'harmonisation des incitatifs est donc importante, de même que la transparence et la divulgation complète.
Quant à la crise du papier commercial adossé à des actifs, un des problèmes les plus graves était que la divulgation n'était pas adéquate, comme nous l'avons fait remarquer en réponse à une question antérieure de M. Laforest.
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Merci, monsieur le président.
Je vais prendre comme point de départ la dernière remarque de notre collègue M. Menzies. Effectivement, on peut envier plusieurs choses que le Canada a faites correctement en ce qui concerne la réglementation de son système bancaire.
Hier, j'ai eu l'occasion de rencontrer John Rodriguez, aujourd'hui maire de Sudbury, en Ontario. À l'époque où les banques canadiennes essayaient par tous les moyens de s'affranchir de leur ancre qui les confinait ici et où elles se demandaient pourquoi elles n'avaient pas le droit de faire la même chose que nos voisins américains, au sud de la frontière, M. Rodriguez partageait les batailles épiques menées par le Nouveau Parti démocratique. À l'époque, certains nous blâmaient de ne pas voir grand, de ne pas comprendre que si seulement on laissait les banques faire ce qu'elles voulaient, elles pourraient faire des prodiges, comme les Américains. Ça fait du bien de réaliser que le rôle historique joué par des gens comme M. Rodriguez nous permet aujourd'hui d'avoir un système qui fait l'envie de beaucoup de personnes.
On a fait un tour de table et abordé différents sujets. Le temps relativement restreint dont on dispose me contraint à en rester à un thème avec vous, thème qui a été effleuré mais pas vraiment exploré. Dans le contexte, c'est assez important. M. Menzies a parlé de l'une des « préconditions » à l'échelle internationale. Vous avez utilisé le terme « précondition », alors que je parlerai plutôt d'une « condition préalable » ou d'une « condition précédente ». Vous avez parlé de la confiance comme étant un préalable à toute réussite de notre économie ou reprise économique. Je dois avouer qu'on est choyés d'avoir quelqu'un de la trempe de Mark Carney à la barre pendant ce temps de crise. Ce dernier a effectivement toute notre confiance. Il a donné ce que M. McCallum a qualifié de vision plutôt optimiste. Or, j'ai toujours décodé dans l'optimisme de M. Carney une tentative de dégager cette assurance que des temps meilleurs s'en viennent et qu'on peut avoir confiance.
Vous avez aussi parlé — je l'ai noté — de l'exigence de transparence et de ce que vous avez appelé en anglais clear disclosure. Bien sûr, c'était dans le contexte des papiers commerciaux adossés à des actifs. Ne croyez-vous pas que cette clear disclosure devrait aussi être une condition pour le public dans toute démarche qu'on va entreprendre pour stimuler l'économie? Cette manière de s'y prendre pour aller au devant des coûts et faire une reddition de comptes des plus limpides, des plus claires, et aussi d'être plus transparents, ne fait-elle pas partie de tout effort valable de reprise économique?
J'ai parlé de la transparence dans le cadre des PCAA, mais il est clair que sa portée est beaucoup plus importante. Comme vous le savez, la Banque du Canada s'est engagée, dans le contexte de la politique monétaire, à être transparente et à rendre compte de ses actes. Ça ne s'applique pas seulement à la politique monétaire, mais à toutes nos actions. La transparence et la communication franche, honnête et ouverte sont d'une importance capitale quand il s'agit de maintenir la confiance.
Au sujet de notre projection, qui a comme but de maintenir la confiance, le gouverneur a dit qu'elle n'était ni optimiste ni pessimiste, mais réaliste. Évidemment, elle est conditionnelle. Elle est empreinte de beaucoup d'incertitude. Les données récentes ont été plus faibles que celles prévues dans la mise à jour du Rapport sur la politique monétaire. On a indiqué qu'il y avait en effet des risques concernant le taux de 3,8 p. 100. On considère néanmoins que cette projection est réaliste. Pour donner confiance aux gens, il faut expliquer ce qu'il y a derrière cette projection, c'est-à-dire un stimulus monétaire et budgétaire. On rappelle aux gens que ces stimuli mettent du temps à se faire sentir. Il va y avoir une série de chiffres négatifs, mais il est important de garder les yeux sur l'avenir et de tenir compte du fait qu'il y a beaucoup de stimuli dans le système.
De plus, pour ce qui est de la confiance, il faut préciser que la Banque du Canada a un cadre relatif à la formulation de la politique monétaire. On vise un taux d'inflation de 2 p. 100 et on va tout faire pour atteindre cet objectif. On a les munitions requises pour le faire. On n'est pas à court.
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Merci, monsieur Duguay.
Il me semble que le gros problème dont personne dans la salle ne veut parler, c'est la Caisse de dépôt. Récemment, elle a annoncé des pertes qui représentent environ 25 p. 100 de son portefeuille, aux alentours de 40 milliards de dollars. C'est un montant colossal, et de 12 à 14 milliards de dollars étaient investis dans le papier commercial adossé à des actifs. En grande partie, ces pertes étaient occasionnées par une stratégie de prêts assez agressive, une stratégie qui a certainement tourné au vinaigre dans l'économie actuelle.
Ces pertes sont si importantes et le régime des pensions québécois est assujetti à des risques si graves que les Québécois sont certainement à risque eux aussi. Mais je suppose que grâce à la liste élargie des actifs que vous allez acheter des régimes de pension et d'autres intervenants — les contreparties, comme on les appelle — on va vous demander d'acheter des actifs de la Caisse de dépôt afin de stabiliser sa situation. Est-ce que vous avez eu des entretiens sur cette possibilité avec la Caisse? Je voudrais également savoir si cette analyse, c'est-à-dire, des pertes massives, est telle que la Banque du Canada devra intervenir?
:
Bien sûr, les pertes de la Caisse de dépôt sont le résultat de la crise du papier commercial adossé à des actifs, mais essentiellement, ce sont des pertes de la Bourse. Les bourses ont connu des reculs. Par le passé, quand les choses allaient bien, un certain enthousiasme régnait, et de la même façon, maintenant que nous sommes en crise, les craintes se retrouvent reflétées dans les marchés. Mais l'essentiel, c'est qu'avec le temps, on peut s'attendre à ce que les bourses regagnent du terrain. Donc, il n'est pas certain que ces pertes mettent nécessairement les régimes de pension à risque, parce que ces caisses ont beaucoup de temps pour regagner du terrain après certaines de ces pertes.
J'aimerais faire remarquer que la Banque du Canada ne fournit pas des capitaux. Si les capitaux sont nécessaires, il faudra qu'ils viennent du gouvernement. Comme je l'ai dit, au Canada nous ne voyons pas le besoin de capitaux, mais en tout cas, ce n'est pas la Banque du Canada qui fournirait des capitaux. Elle fournit du financement, elle fournit de la liquidité, des prêts, dans un sens.
Si vous examinez notre nouveau mécanisme, par exemple, que nous venons d'annoncer la semaine dernière, nous allons accepter un certain nombre de titres — des obligations de sociétés, du papier commercial, et des PCAA — nous allons fournir de la liquidité, avec ces actifs en garantie, pour répondre au besoin en liquidités des institutions. Ces institutions pourraient être des régimes de pension...
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Duguay. Il me fait plaisir de vous voir aujourd'hui.
Au Québec, nos grandes institutions financières ont été touchées surtout par les fameux papiers commerciaux adossés à des actifs, ce qui explique en grande partie leurs pertes. Mon collègue a parlé plus tôt de la Caisse de dépôt et placement, dans laquelle toutes les économies des Québécois sont placées dans le but de les faire fructifier. Plusieurs autres institutions financières ont été affectées, notamment le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale. C'est un sujet très grave. On n'a pas encore eu toutes les explications sur la débandade de ces actifs. Pourtant, les agences de notation cotaient très bien ces titres. C'est un élément de réponse.
Ma question porte donc sur les agences de notation. Je croyais que ces agences relevaient de la compétence du gouvernement. J'ai posé une question à un des sous-ministres du ministère des Finances dernièrement à ce sujet. On m'a répondu qu'elles ne sont pas assujetties à une réglementation gouvernementale. Vous dites avoir émis des avis négatifs sur ces papiers. Or, je n'ai vu ça nulle part.
Vous qui êtes bien concerné par la crise financière qu'on vit présentement, croyez-vous qu'on devrait réformer les agences de notation? De qui relèvent-elles? Pour l'instant, je ne le sais pas. Ce n'est pas du gouvernement. Je ne sais pas si la Banque du Canada joue un rôle à cet égard. De plus, ces agences se font payer par les émettrices de titres pour se financer. Il y a une sorte de conflit d'intérêts. Le problème est très grave.
Allez-vous proposer des modifications à la réglementation financière de ces agences?
:
Merci beaucoup, monsieur Carrier.
En fait, la banque a déjà publié un article sur les agences de notation dans la Revue du système financier, en décembre 2007 ou juin 2008. Un petit nombre d'agences de notation agissent sur le plan international. Elles donnent une opinion, et il est important pour nous que celle-ci soit claire. L'agence de notation donne seulement une opinion fondée sur une analyse. Dans le contexte de la crise des PCAA, les investisseurs ont mis beaucoup trop de poids sur les agences de notation et, dans un sens, n'ont pas fait leurs devoirs. Les investisseurs ont la responsabilité de comprendre ce qu'ils achètent et de poser des questions en termes de transparence. Si on parle de conflit d'intérêts, les agences de notation ont besoin de maintenir leur réputation auprès des investisseurs, parce que même si elles sont payées par les émetteurs de titres, ceux-ci paieront pour rien si elles ne font pas un travail jugé utile, parce que les investisseurs ne tiendront pas compte de l'opinion des agences de notation. Je pense que les agences de notation ont les bons incitatifs. De fait, elles ont réagi aux critiques des investisseurs, elles ont changé leur façon de procéder.
Y a-t-il besoin de réglementation? Sur la scène internationale, le Forum sur la stabilité financière a fait des recommandations à cet égard. Il y a des points de vue clairement différents, mais un consensus semble se former. Je ne pense pas qu'on parlera nécessairement de réglementation des agences de notation, mais certainement de l'Organisation internationale des commissions des valeurs, qui établira un code de conduite pour les agences de notation.
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Ce taux de 2 p. 100 découle en partie de la situation passée. Au départ, le taux d'inflation était très élevé. Quand nous avons adopté notre objectif en matière d'inflation, le taux au Canada avait été de 4 p. 100 et il était à la hausse. Il a alors été jugé que c'était trop élevé, que cela nuisait à la stabilité des prix. Le gouvernement et la Banque du Canada ont alors convenu qu'un taux de 2 p. 100 serait l'idéal.
En période difficile, quand on veut abaisser le taux d'inflation, et comme au début des années 1990, après la récession, la reprise a été lente, nous avons voulu atteindre ce niveau de 2 p. 100 pour ensuite nous attaquer à la stabilité des prix, et il a été décidé de fixer de nouveau l'objectif à 2 p. 100. La Banque du Canada a longuement étudié la question du meilleur taux d'inflation. Bon nombre d'arguments plaident en faveur d'un taux peu élevé, et peu de raisons justifieraient de le relever. Nous avons présenté des résumés de ces recherches dans le passé et, la dernière fois, de concert avec le gouvernement, nous avons convenu de maintenir notre objectif à 2 p. 100. Nous avons aussi souligné que nous ferions un examen approfondi de la situation avant de fixer notre prochain objectif, et les résultats de nos recherches seront rendus publics d'ici 2011.
Il serait prématuré de tirer des conclusions de notre analyse jusqu'à présent, car la discussion se poursuit. Nous avons créé un site Web, inflationtargeting.ca, où sont affichés certains des rapports de recherche que nous avons reçus et où il y a un wiki pour ceux qui veulent nous transmettre leurs observations.
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Bien sûr. Les institutions financières reçoivent à peu près 35 milliards de la Banque du Canada. Mais les actifs du système bancaire — je n'ai pas les chiffres exacts avec moi — se chiffrent dans les billions. Les fonds que les banques reçoivent de la Banque du Canada représentent donc un pourcentage minime de leurs actifs.
En principe, les banques font de l'argent en levant des dépôts, en offrant des prêts, et des obligations à court et à long termes. Évidemment, les obligations à long terme qu'elles offrent coûtent plus chers parce que les marchés les utilisent beaucoup moins.
Néanmoins, les banques canadiennes ont pu lever du capital, et elles ont pu lever des actions privilégiées, elles ont pu lever des fonds à cinq ans sur les marchés. Le programme d'achat de prêts hypothécaires assurés — le PAPHA — constitue bien sûr une autre source de fonds. En ce moment, il est à quelque 40 milliards, mais pourrait atteindre 225 milliards. Là aussi, cette somme représente un faible pourcentage des actifs totaux des banques. La majorité de leur financement vient de l'argent qu'elles empruntent, et cela leur coûte un pourcentage.
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Merci, monsieur le président.
Merci de votre exposé, monsieur Duguay. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous féliciter, ainsi que vos collègues de la Banque du Canada, de votre excellent travail. C'est grâce à vos conseils, ainsi qu'à ceux de vos collègues au fil du temps, que notre système financier et notre économie se portent relativement bien. Je voulais que ça soit dit officiellement.
Dans vos remarques, vous avez décrit les nombreuses mesures prises par la Banque du Canada au cours des dernières années visant à stabiliser et à accroître des liquidités au Canada dans le but d'assurer des prêts aux entreprises et aux consommateurs. Vous avez même précisé, en fait, qu'il y a eu une forte croissance du crédit accordé aux ménages et une décélération limitée de la croissance du crédit aux entreprises dans son ensemble. Par contre les entreprises et les consommateurs n'empruntent ni ne consomment suffisamment pour relancer l'économie, pour le moment du moins. La dimension psychologique est par conséquent très importante.
Comme vous l'avez mentionné, le budget de 2009 comprend un certain nombre de mesures de relance dont l'objet est d'encourager les dépenses de consommation et des entreprises. Ce matin, le maire Francis de Windsor, en Ontario, a déclaré qu'en raison des mises à pied chez Chrysler, il était important que des mesures de relance soient mises en place dans sa communauté. Cette aide est attendue avec impatience. Que pensez-vous du moment choisi par le gouvernement pour mettre en oeuvre ses mesures de relance et des mesures non monétaires figurant dans le budget, et, d'après vous, que se passerait-il si on attendait trop longtemps avant de concrétiser ces mesures de relance?
Comme nous sommes en pleine récession, il est évident que plus les mesures de relance se concrétiseront rapidement, mieux ça vaudra. Il est clair que les mauvaises nouvelles économiques minent la confiance des citoyens, ce qui risque d'aggraver les problèmes. En effet, lorsque les consommateurs s'inquiètent de la stabilité de leur emploi, ils arrêtent de dépenser. Alors, la disponibilité du crédit perd de sa pertinence puisqu'ils préfèrent ne pas s'endetter.
Il est donc très important que les mesures de relance soient mises en place sur le champ, avant qu'il ne soit trop tard puisqu'on puisse rassurer les gens en leur faisant comprendre que la reprise ne se fera pas attendre et, par conséquent, que la récession ne sera que temporaire. C'est important. Je le répète, ce que nous recherchons, c'est l'effet positif qu'ont les politiques fiscales et monétaires sur la confiance des consommateurs.
:
Merci d'avoir posé cette question.
Il est vrai que nos actifs ont changé considérablement. À titre d'information, nos actifs, qui ont une valeur de 50 milliards de dollars en temps normal sont constitués de bons du Trésor et d'obligations, d'une valeur de 20 milliards et 30 milliards de dollars respectivement. Par le biais des dernières opérations que nous avons conclues, nous avons augmenté les prêts accordés aux institutions financières par le biais de notre accord de prise en pension de 35 milliards de dollars. Pour ce faire, nous nous sommes départis d'une part de nos bons du Trésor, dont la valeur s'élève à 10 ou 12 milliards de dollars. Le gouvernement a vendu des bons du Trésor et effectué des dépôts à la banque pour le reste. Nos actifs totaux sont passés de 50 milliards de dollars à un peu moins de 80 milliards de dollars.
Nos actifs sont toujours de très grande qualité. Pour ce qui est de l'accord de prise en pension, nous acquérons moins de liquidités que le gouvernement. On assiste à une mise en gage des banques. En fait, il ne s'agit pas d'un achat à proprement parler mais plutôt d'un accord de prise en pension à terme. Ainsi, l'institution de mise en gage s'engage à racheter ce que nous avons acquis. En définitive, il s'agit plus d'un prêt qu'autre chose.
Il convient de préciser que les actifs que nous acceptons sont les titres d'État à long terme, certains types de papiers commerciaux, les acceptations bancaires et les titres adossés à des créances hypothécaires. Il s'agit en effet d'actifs de très grande qualité. Il ne faut pas oublier non plus que nous nous en tirons à bon compte puisque le prêt nous est accordé à une valeur moindre que celle des actifs en question.
:
Je vous remercie de votre question.
Je vous dirais que le ratio dette-PIB à long terme, dans une certaine mesure, dépend de votre groupe et de vos successeurs. L'important, c'est que nous vivons une récession; en ce moment, parce qu'ils ont peur, les entreprises et les consommateurs dépensent moins. Il est absolument fondamental de stabiliser l'économie, de continuer à la faire tourner jusqu'à ce que l'on sorte de cette crise. Il est évident que la politique fiscale a un rôle important à jouer pour stimuler l'économie, tout comme la politique monétaire.
Évidemment, dans une récession, il y a des stabilisateurs automatiques. Les recettes fiscales seront moindres et on ne devrait pas paniquer à l'idée d'un déficit. La seule façon pour que les gens économisent davantage c'est que quelqu'un puise dans ses économies, que quelqu'un enregistre un déficit. S'il n'y a pas d'investissements parce que les entreprises n'enregistrent pas de déficit alors, c'est le gouvernement qui le fait, et cela permet de stabiliser l'économie.
Il s'agit d'un déficit cyclique, d'une situation temporaire. Ce qui est important pour la santé fiscale de l'économie canadienne à long terme, c'est que le déficit reste temporaire et que les politiques des décisionnaires permettent de stabiliser le rapport dette-PIB.
En ce qui concerne notre situation par rapport au reste du monde, le Canada a sans doute le rapport dette-PIB le plus faible des pays du G-7, voire de nombreux pays industrialisés. Nous sommes extrêmement bien placés sur le plan fiscal pour surmonter cette crise et il y a peu de chance pour que la situation se détériore.
:
Vous me semblez optimiste, mais le temps nous le dira.
Monsieur le président, j'aimerais aussi donner au témoin l'occasion d'expliquer...
[Traduction]
Je vais parler en anglais pour que M. Kramp puisse me comprendre.
Monsieur le président, par votre entremise, j'aimerais inviter M. Kramp à nous expliquer dans quelle mesure, à son avis, une autorité nationale de réglementation des valeurs mobilières aurait changé les choses à la Caisse de dépôt. En fait, j'étais non seulement député à l'Assemblée nationale lorsque la loi a été modifiée, mais j'étais aussi membre du cabinet. Je peux lui dire ce qui s'est passé à la Chambre. Je ne peux pas lui parler de ce qui s'est passé au cabinet, mais je peux lui dire que c'est de l'ordre public que les règles qui régissent la Caisse de dépôt ont été changées pour que sa priorité principale soit le rendement — la rentabilité, la vitesse à laquelle l'argent était...
En ce qui concerne le papier commercial adossé à des actifs, j'étais présent lorsque Julie Dickson, notre soi-disant surintendante des institutions financières, est venue témoigner. Elle a nié toute responsabilité dans cette histoire. Aucune des structures en place ne couvrait les papiers commerciaux.
Est-ce qu'il pense vraiment qu'une autorité nationale de réglementation des valeurs mobilières aurait pu intervenir pour quelque chose comme les papiers commerciaux? Qu'en est-il du Code criminel, qui n'est tout simplement pas appliqué, actuellement? Il y a toutes sortes de dispositions sur la fraude. Qu'en est-il du fait que le gouvernement fédéral n'a jamais poursuivi quiconque dans le scandale des commandites du Parti libéral? Les seules poursuites qui ont eu lieu se sont produites au Québec. Il y a des gens comme Vincent Lacroix qui sont en prison aujourd'hui parce que les autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières ont appliqué leurs règlements, mais le gouvernement fédéral a déposé plusieurs milliers de plaintes au criminel, et on n'a pas encore assisté à la première heure de la première journée d'audience du premier procès pour la première infraction.
Alors, comment est-ce que cette autorité nationale de réglementation des valeurs mobilières, par magie, fera changer la situation à la Caisse de dépôt et de placement? Je remarque que la sollicitude de mon collègue M. McKay, qui veut faire venir témoigner la caisse au comité, parce qu'il a décidé qu'il saurait maîtriser un gorille de 800 livres. Ça s'annonce intéressant. Mais j'aimerais que M. Kramp m'explique comment, à son avis, s'il accepte de répondre pendant mon temps de parole, monsieur le président, une autorité nationale de réglementation des valeurs mobilières aurait changé les choses.
C'était inhabituel. Je n'ai pas l'habitude de présider la période des questions, mais c'était une discussion intéressante.
Monsieur Duguay, je tiens à vous remercier d'être venu aujourd'hui. Je suis désolé d'avoir dû vous interrompre à quelques reprises. Je souhaitais permettre à tous les membres du comité de vous poser des questions. Nous avons beaucoup apprécié vos réponses.
J'aimerais que vous répondiez par écrit à la question suivante. Lorsque la Banque du Canada abaisse son taux de 50 points de base, dans ma circonscription, les consommateurs et les entreprises ont l'impression que les institutions financières ne leur permettent pas de profiter de ces taux plus bas. Je sais que nous poserons la question aux représentants des banques lorsqu'ils comparaîtront, mais si vous pouviez me fournir une réponse écrite, je la communiquerai à tous les membres du comité. Je sais que nous n'avons pas le temps pour l'instant.
Nous vous savons gré du temps que vous avez passé ici aujourd'hui. Merci.
Chers collègues du comité, nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, puis nous allons poursuivre avec les travaux futurs.
[La séance se poursuit à huis clos.]