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Je déclare ouverte la 26
e séance du Comité permanent des finances.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude des mesures à prendre pour améliorer l'accès au crédit et la stabilité du système financier canadien. Dans le cadre de cette étude, nous en sommes à notre quatrième séance portant sur la question particulière des pensions.
Nous recevons aujourd'hui quatre organisations et un particulier: le Congrès du travail du Canada; le Common Front for Retirement Security; M. Erik Andersen; la Confédération des syndicats nationaux; et la Composante d'Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique.
Nous allons commencer par M. Georgetti, et nous continuerons dans l'ordre de la liste. Si nous pouvions avoir une déclaration liminaire de cinq minutes, nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
Monsieur Georgetti, vous avez la parole pour votre déclaration liminaire de cinq minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Au nom des 3,2 millions de membres du Congrès du travail du Canada, je vous remercie de l'invitation à vous faire part de nos vues sur les pensions. Cependant, je dois faire remarquer que nous avons pratiquement dû forcer la porte de votre comité, du fait que quelqu'un a oublié d'inviter le représentant de 3,2 millions de travailleurs. De fait, 83 p. 100 de tous les régimes de retraite agréés du secteur privé sont ceux de nos affiliés.
Voyons d'abord pourquoi les retraites sont un enjeu important aujourd'hui. La raison, manifestement, en est la crise économique que nous traversons. La crise a exposé la faiblesse de notre système de retraites, mais elle également permis aux employeurs de clamer que les règles touchant les pensions leur coûtent cher et mettent en péril leurs entreprises.
Honorables membres du comité, ces affirmations patronales doivent être accueillies avec un gros grain de sel. Même aujourd'hui, aux prises avec de graves difficultés économiques, la plupart des employeurs canadiens — et je le souligne — n'ont pas un problème de richesse. Ce que nous avons, c'est un problème de répartition de la richesse et un problème d'équité en matière de retraites.
Nous avons un système de pensions qui récompense les cadres supérieurs et pénalise les travailleurs, et ce système doit être remanié. Nous avons un pays où les 100 plus gros employeurs distribuent à leurs cadres une retraite moyenne de 930 000 $ par an. En même temps, on dit aux travailleurs de se contenter de moins ou même de se débrouiller tout seuls.
Nous avons un plan fédéral d'action économique qui privilégie de minuscules réductions d'impôt personnel et d'énormes abattements fiscaux pour les sociétés par rapport à la protection de bons emplois et la sécurité des retraites des travailleurs.
Nous avons des lois en matière de faillite qui permettent à de riches créanciers de piller les pensions durement acquises par les travailleurs. La semaine dernière, les travailleurs forestiers du Québec nous ont dit que les employés d'AbitibiBowater à Grand Falls ont appris que 2 500 créanciers sont classés devant eux par le tribunal de la faillite. Ces créanciers, principalement des banques et fonds spéculatifs, ont déposé 60 000 pages de documents pour recouvrer leurs pertes. En même temps, les travailleurs d'AbitibiBowater ne reçoivent pas les 30 000 $ à 100 000 $ d'indemnité de licenciement qui sont dus à chacun d'eux. Des veuves de 87 ans ne voient pas un sou de la pension de leur mari décédé.
Nous avons un système de pensions fédéral qui a permis à Postes Canada de suspendre ses cotisations pendant 10 mois en plein milieu de la crise économique actuelle. Le système a accordé en 2004 à Air Canada un allègement de capitalisation du déficit de solvabilité, uniquement pour voir la société récompenser ses dirigeants, vendre tous ses éléments d'actifs, verser d'énormes dividendes aux actionnaires, et sous-financer les régimes de retraite des travailleurs, pour venir maintenant de nouveau se lamenter d'être pauvre.
Nous avons des frais de gestion des régimes de pension à cotisation déterminée et des REER qui flouent les travailleurs à hauteur de 30 à 40 p. 100 de la pension escomptée. Nous parlons là de milliards de dollars détournés vers les poches profondes de la rue Bay.
Nous avons des études qui montrent que la plupart des employeurs canadiens sont en mesure de couvrir les déficits de leur fonds de pension. C'est vrai d'un grand nombre de gros employeurs du secteur fédéral, qui sont relativement mieux portants que d'autres.
Et aujourd'hui retentissent de nouveau des appels à alléger les règles de capitalisation des fonds de pension, au pire moment possible.
Comme je l'ai dit auparavant et comme je le répète, une retraite décente pour tous n'est pas impossible. Même dans l'économie d'aujourd'hui, ce n'est pas impossible. C'est possible pour peu que nous adoptions les justes valeurs relativement aux pensions et si les orientations mises en oeuvre y sont conformes. Notre récent mémoire au Comité des finances sur les retraites montre comment cela est possible.
Je terminerai avec un résumé de nos revendications.
Nous disons non au renflouement inutile des fonds de pension. Bien sûr, nous devons aider les employeurs connaissant des problèmes véritables et utiliser pour cela l'extraordinaire cadre de financement de quelque 200 milliards de dollars annoncé dans le budget fédéral.
Nous devrions fixer pour objectif stratégique de multiplier par deux les prestations de retraite du RPC et du RRQ, qui viendraient remplacer graduellement l'industrie des REER dont le rendement laisse à désirer et qui, ajouterais-je, consomment jusqu'à 19 milliards de dollars par an en crédits d'impôt, soit environ la moitié de ce que nous consacrons à la PSV, croyez-le ou non. Et nous devrions accroître les prestations PSV afin que nulle personne âgée ne soit plus jamais démunie dans ce pays.
Il faut créer un système fédéral d'assurance retraite reproduisant la garantie des dépôts dans les banques et les caisses de crédit. Ce fonds devrait financé par des prélèvements sur les promoteurs des régimes de retraite eux-mêmes. Et nous devrions établir un fonds de réserve pour ce système d'assurance au moyen d'une modique taxe sur les transferts financiers frappant les transactions des bourses canadiennes.
Et surtout, dans l'intérêt d'une véritable équité, il faut faire en sorte que la pleine valeur des pensions des travailleurs soit protégée dans les procédures de faillite. Si les Canadiens ne méritent pas la première place dans la file des créanciers, qui la mérite?
Merci.
Merci, monsieur le président, de nous avoir inclus dans votre audience ce matin.
Je suis Dan Braniff, bénévole non rémunéré et fondateur et porte-parole du Common Front for Retirement Security.
Common Front est la plus grosse association de défense du Canada, regroupant 20 organisations différentes comptant au total deux millions de membres. Je pense que vous avez la liste des adhérents dans le document.
J'ai comparu pour la dernière fois devant votre comité en octobre 2006, plaidant pour le fractionnement du revenu de pension, et ce après une campagne de trois ans. Cela a été décrit par mes membres comme la meilleure friandise de Halloween que l'on aie jamais vu. Les retraités se réjouissent chaque année en remplissant leur formulaire d'option de fractionnement du revenu de pension, et cela signifie que cette récompense revient chaque année, pour toujours.
Les pensions promises souffrent d'une incertitude sans précédent. Les marchés financiers sont vulnérables et la proie de pillards sans scrupule. La majorité des régimes de pension à prestations déterminées souffrent de déficits de solvabilité. Les régimes à cotisation déterminée sont inefficients et les participants manquent de connaissances et de conseils. Un tiers des Canadiens n'ont pas de régime de retraite professionnel.
Toutes ces déficiences sont liées et appellent une solution consolidée. L'épargne-retraite, bien entendu, a besoin d'un marché stable et réglementé. Un accès universel et égal est essentiel si l'on veut éviter le tumulte social — nous l'appelons l'envie des exclus. Une combinaison fatale: les membres des régimes de retraite voient leur sécurité s'évaporer alors que les auteurs d'investissements toxiques se remplissent les poches et que les gestionnaires des placements de retraite prennent des risques excessifs pour se rémunérer eux-mêmes tandis que leurs fonds tombent en déconfiture.
Il faudrait reporter les congés de cotisation jusqu'à ce que les règles soient renforcées. L'autorité réglementaire a besoin de plus de pouvoir pour passer à la loupe les obligations de capitalisation, les tendances à la baisse de solvabilité et les hypothèses fiduciaires. Après les banques, les fonds de pension représentent le moteur économique le plus puissant du pays. La sécurité des retraites incite à épargner, et c'est d'épargne dont nous avons besoin dans ce pays.
Les fonds de pension devraient être dotés d'une réserve pour éventualités de façon à pouvoir survivre à des crises économiques comme celle que nous vivons. Le seuil d'imposition des excédents de 10 p. 100 devrait être aboli. Les excédents dépassant la réserve pour éventualités proposée devraient être amortis tout comme sont amortis les écarts de solvabilité.
Les déficits de solvabilité devraient avoir préséance sur tous les créanciers en cas de faillite. Le Common Front propose que les promoteurs engagent des biens fixes comme garantie des déficits, plutôt qu'une lettre de crédit. Le Common Front souscrit à la proposition de témoins antérieurs et à celle que j'ai entendue ce matin en vue d'un régime de pension universel. Si le Canada avait en place un RPU, la crise de solvabilité n'existerait pas. Les retraités de General Motors, de Nortel et d'Air Canada ne seraient pas confrontés à un désastre.
La transférabilité autoriserait les transferts d'un régime de retraite à l'autre et établirait un terrain de jeu égal entre entreprises privées concurrentes. Les marchés financiers ont besoin d'un organisme de surveillance national équipé de lois et d'outils d'exécution. Il doit compter dans ses rangs des juristes et des économistes judiciaires, flanqués d'enquêteurs spécialisés, à l'instar du SCRS et du FBI.
Les réformes réglementaires doivent établir des normes nationales pour les travailleurs et retraités mobiles d'aujourd'hui. Des examens réglementaires périodiques devraient être programmés avec une fréquence correspondant à la rapidité de l'évolution économique que nous connaissons. Nous avons accumulé beaucoup de retard.
Enfin, il faut éliminer le retrait minimal obligatoire des FEER afin de donner aux retraités la souplesse budgétaire requise pour qu'ils puissent préserver leur indépendance.
Je vous remercie de votre attention.
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Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Merci de l'invitation à comparaître ce matin.
Je suis ici à titre personnel. Je me suis saisi de cette problématique en 2002, et je l'aborde selon une perspective intellectuelle et morale.
Je m'intéresse plus particulièrement au Régime de pensions du Canada, à son Office d'investissement et à la conduite de celui-ci. Je vais lire le texte que je vous ai distribué mais que d'autres n'ont peut-être pas vu.
L'Office d'investissement du RPC a dû être créé en tant que société indépendante lorsqu'il est apparu que les fonds dépassant les besoins immédiats du régime pouvaient être placés dans des instruments autres que des obligations d'État et que cela apporterait aux membres un avantage financier considérable.
Selon la loi, le mandat de l'Office d'investissement du RPC consiste à agir dans l'intérêt des cotisants et des bénéficiaires, à viser un rendement maximal tout en évitant des risques de perte indus et à tenir compte du financement du RPC et de son aptitude à s'acquitter de ses obligations financières. J'ai cité là le texte de la loi.
J'ai commencé dès 2002 à faire part de mes craintes au ministre des Finances. Mes craintes, alors et aujourd'hui, sont les suivantes.
Premièrement, l'Office d'investissement du RPC pourrait devenir un investisseur de dernier recours pour les entreprises en difficulté.
Deuxièmement, les placements en actions représentent un niveau élevé de risque, incompatible avec le mandat et impossible à comprendre et à accepter par les cotisants et les bénéficiaires.
Troisièmement, les placements dans des actions de sociétés privées — qu'il faudrait plus justement appeler spéculations — n'ont pas leur place dans le fonds du RPC parce que la valeur n'en est déterminée objectivement ni au moment de l'achat ni au moment de l'évaluation.
Quatrièmement, la liquidité d'un grand nombre des placements dans le fonds du RPC n'est pas garantie et souvent ces placement ne pourront être vendus.
À l'onglet un, que vous n'avez pas, j'ai annexé des copies de mes interventions, principalement auprès du ministre des Finances, commençant avec une lettre datée du 4 janvier 2005 adressée à l'honorable Ralph Goodale, et terminant avec une lettre datée du 18 février 2009 à l'honorable James M. Flaherty. Dans chaque lettre, le thème est le même, mais j'y donne des exemples de placements inappropriés — de spéculations, à mon avis — qui alimentent mes craintes.
À l'onglet deux se trouvent des copies d'articles et d'avis de ces placements inappropriés. Pour vous aider à comprendre la nature d'un placement financier et d'une spéculation, je donne aussi une courte définition de ces termes.
Il y a spéculation lorsqu'il n'y a pas promesse de sécurité du capital et de rendement financier, par exemple sous forme d'intérêts. Le 28 février 2007 a été affiché un article intitulé « CPP Investment Board dips toe into U.S. real estate market ». Les 500 millions de dollars américains étaient caractérisés par l'auteur de l'article comme un premier grand pari.
Par contraste, et bien avant cette transaction, le gouverneur de la Banque d'Angleterre avait publiquement mis en garde les banques britanniques contre une baisse de 40 p. 100 de la valeur des biens immobiliers.
En outre, l'Office d'investissement du RPC devait bien connaître l'indice résidentiel Case-Shiller aux États-Unis. Début 2007, cet indice atteignait un sommet historique de 210, alors que son niveau normal devrait se situer autour de 100.
Le 5 mai, le Globe and Mail a affiché un article disant que l'Office d'investissement du RPC a spéculé sur un projet de construction d'une ligne de transmission d'électricité très controversée en Patagonie.
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Je vais passer aux conclusions.
L'Office d'investissement du RPC se livre à des spéculations qui sont incompatibles avec son mandat prescrit par la loi.
La reddition de comptes envers les bénéficiaires est minime, voire inexistante.
L'acquisition d'actifs non cotés en bourse sape la confiance dans les états financiers du fonds du RPC.
Suggestions... Suspendre tous les nouveaux placements et rendre liquides les placements existants.
Dans l'éventualité où cela ne serait pas accepté, faites un test: demandez au RPC de proposer 20 de ces placements et éprouvez-en la liquidité et la valeur.
Merci, monsieur le président.
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Bonjour, monsieur le président. Au nom des 300 000 membres de la CSN, je suis heureuse de la tenue de cette consultation et, surtout, de pouvoir exprimer notre point de vue quant à l'avenir des régimes de retraite.
En effet, la CSN croit qu'il est absolument nécessaire de prendre un peu de recul et de faire un examen complet de l'ensemble de notre dispositif de retraite de façon à mener une réflexion en profondeur sur les types et les modèles de régime de retraite et, bien sûr, sur l'étendue et le niveau de protection offerts à la population canadienne.
Pour illustrer mon propos, j'énonce d'entrée de jeu trois ordres de problèmes qui méritent d'être examinés plus sérieusement. D'abord, les reculs connus autour des régimes de retraite à prestations déterminées, ensuite la faible proportion de la main-d'œuvre canadienne qui participe à un régime de retraite enregistré et, enfin, les obstacles législatifs à des approches plus sectorielles ou interentreprises.
Au Canada, comme dans l'ensemble des provinces, les régimes de type prestations déterminées sont en difficulté et les entreprises y mettent fin et les transforment en régimes à cotisations déterminées. La récente crise financière fera sans doute augmenter cette tendance et, contrairement à plusieurs législations provinciales, la loi fédérale n'oblige pas les employeurs à combler le déficit du régime lors de la terminaison. Vu la situation économique actuelle, la CSN croit qu'il est impératif que le gouvernement amende sa loi et évite ainsi que les entreprises échappent aux obligations qu'elles ont contractées envers les travailleuses et les travailleurs.
Au Canada, moins de 40 p. 100 des travailleurs participent à un régime enregistré, et ce pourcentage est encore plus faible dans le cas des travailleurs du secteur privé. Si on compare notre système de retraite à ceux d'autres pays de l'OCDE, on réalise qu'il y a dans plusieurs pays des systèmes permettant d'atteindre des niveaux de remplacement de revenus qui sont plus élevés, et cela pour un bien plus grand nombre de leurs travailleuses et travailleurs, que dans le système canadien.
Je cite en exemple des pays tels que les Pays-Bas, l'Australie et l'Angleterre, qui ont adopté des lois plus contraignantes envers les employeurs, pour obliger ces derniers à cotiser à un régime de retraite enregistré. La CSN croit qu'il faut regarder le système canadien dans son ensemble et tenter de trouver des mécanismes qui assureront une couverture adéquate de tous les travailleurs lors de la retraite. En ce sens, nous croyons qu'il faut trouver de nouveaux types de régimes de retraite qui permettent de partager le risque entre les employés et les employeurs, et non de transférer l'ensemble des risques aux travailleurs, comme c'est le cas avec, notamment, les régimes d'accumulation de capital.
De plus, il faut non seulement lever les obstacles législatifs en ce qui concerne les régimes interentreprises, mais il faut mettre en place des mesures qui encouragent les employeurs à se regrouper et à offrir des régimes de retraite beaucoup plus adéquats à leurs travailleuses et travailleurs.
Je pense que le gouvernement canadien doit profiter de cette consultation pour aller plus loin. Il se doit d'assumer un leadership d'une réforme concertée avec l'ensemble des provinces afin de repositionner le système de retraite canadien et, enfin, de permettre aux travailleurs d'atteindre des revenus décents lors de leur retraite.
En ce sens, la CSN croit que le gouvernement du Canada devrait adopter une loi qui reconnaît le droit de tous les salariés d'être couverts par un régime de retraite et qui oblige chacun des employeurs à verser une cotisation minimale. Je rappelle que de telles initiatives avaient été prises par le gouvernement canadien à la fin des années 1980, ce qui avait entraîné toute une série de modifications dans les provinces canadiennes. Je pense qu'on est à l'aube de se payer une nouvelle réflexion en profondeur et d'atteindre un niveau de couverture beaucoup plus adéquat, et ça ne me semble pas irréaliste.
Je vous cite des exemples de pays de l'OCDE. Je reviens encore sur les Pays-Bas et sur l'existence d'une législation récente en Angleterre et en Australie.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour. Je m'appelle Katherine Thompson. Je suis la présidente de la Composante d'Air Canada du SCFP. Je suis ici aujourd'hui pour représenter les 6 800 agents de bord employés dans tout le pays par Air Canada, une société sous juridiction fédérale. Nos membres participent à un régime de retraite à prestations déterminées dont le promoteur est Air Canada. C'est de ce régime dont je veux vous parler aujourd'hui.
Dans le passé, lorsqu'ils en avaient l'occasion, certains employeurs manquaient à leur obligation de financer adéquatement le régime de retraite dont ils avaient la responsabilité. En conséquence, le gouvernement a légiféré de façon à protéger les retraités, puisqu'ils seraient trop âgés pour réintégrer le marché du travail en cas de défaillance de leur régime de retraite.
Comme de nombreux autres régimes de retraite au Canada, ceux d'Air Canada ont été sévèrement touchés par la crise économique. Les actifs du régime ont perdu de leur valeur, ce qui a contribué à la pression qui s'exerce sur les finances d'Air Canada, mais est loin d'en être la seule cause.
Nous sommes convaincus que les problèmes financiers d'Air Canada sont propres à cette entreprise et découlent de la restructuration financière de la société décidée par les propriétaires du fonds spéculatif qui en ont fait l'acquisition après son dépôt de bilan en 2004. Ces problèmes vont devoir être rectifiés, maintenant que les conséquences de la restructuration par ce fonds spéculatif ne peuvent plus être cachés.
Les problèmes des régimes de retraite d'Air Canada sont toutefois plus semblables à ceux que connaissent tous les régimes de pension dans le monde. Ces problèmes tiennent à une crise mondiale des marchés financiers, à des placements qui ont conduit à ce que nous estimons être une réduction temporaire de la valeur des actifs de notre régime de retraite. En tout cas, la plupart des prévisions économiques disent que le plus fort de la crise sera derrière nous au cours de l'année 2009 et que nous verrons un lent retour à la normale dès 2010.
Pour ces raisons, nous admettons la nécessité de mesures temporaires pour aider Air Canada à traverser cette période extraordinaire. Cependant, nous rejetons totalement l'argument voulant que les circonstances actuelles requièrent des changements en profondeur et permanents de notre réglementation en matière de retraites. Comme vous le savez, un groupe de sept employeurs sous juridiction fédérale a récemment demandé des réformes de très grande ampleur de la Loi sur les normes de prestation de pension, des réformes qui nous paraissent fondamentalement viciées. Prenant prétexte de la crise financière actuelle, ce groupe de sociétés demande une réévaluation des niveaux de financement de leurs régimes de retraite. Cette réévaluation, pensons-nous, constitue le plus gros transfert de risque des actionnaires vers les employés et les retraités de toute l'histoire des régimes de retraite canadiens.
En réaction, le ministère des Finances a publié en janvier 2009 un document de discussion dans lequel il sollicite des avis sur la Loi sur les normes de prestation de pension. Nous avons donné suite et remis un mémoire exhaustif à Diane Lafleur, de la Direction de la politique du secteur financier.
Je vous renvoie à notre mémoire à Mme Lafleur pour nos commentaires plus spécifiques sur la proposition du groupe des sept, ainsi que pour notre position sur les changements permanents à la loi qu'il réclame.
J'aimerais utiliser le temps qui me reste ici pour formuler trois suggestions précises. Nous espérons qu'elles vous seront utiles.
Nous sommes en faveur d'un assouplissement temporaire et équilibré des règles imposées aux régimes de retraite sous réglementation fédérale. Pour que ces aménagements soient équilibrés, ils doivent répondre à quelques principes clairs.
Les retraités et les employés devraient conserver le droit de refuser leur consentement à des concessions qui accroissent le risque ou qui ne font que transférer des avoirs des membres des régimes à d'autres intervenants dans la société.
Toute augmentation du risque pouvant être convenue devrait être pleinement garantie par une disposition de fiducie réputée.
En conclusion, je suis ici pour exprimer la voix des agents de bord, qui sont majoritairement des femmes et issus des minorités, des employés qui, au cours de leur carrière à Air Canada n'ont pas bénéficié de généreux salaires ni de lucratives options d'achats d'actions pour les aider à planifier leur retraite. Ils comptent maintenant sur leurs dirigeants élus pour obtenir l'assurance que la législation continuera de protéger les régimes de retraite auxquels ils ont cotisé dans l'espoir de pouvoir subvenir à leurs besoins au cours de leur retraite.
Je terminerai là-dessus, en remerciant le comité du temps qu'il m'accorde et de son invitation à comparaître.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'être venus nous faire part de vos commentaires.
Notre temps étant limité, nous devons faire des choix, en termes de questions. Je vais d'abord m'adresser à Mme Carbonneau.
Vous avez mentionné plus tôt que pratiquement tous les travailleurs devraient avoir accès à un régime de retraite et qu'on devrait envisager l'établissement d'un nouveau régime. Or, des régimes gouvernementaux s'appliquent, notamment le Régime de pensions du Canada et la Régie des rentes du Québec. Les régimes privés constituent souvent un appui à ces régimes, qui ne sont pas suffisants.
Vous parlez d'étendre davantage les régimes de pensions, mais est-ce que ça se ferait par l'entremise des régimes de pensions gouvernementaux ou des régimes privés, qui seraient améliorés? Vous avez parlé de faciliter l'établissement de régimes interentreprises, de sorte que tout le monde soit couvert.
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Nous avons examiné les deux hypothèses. Il aurait été presque naturel, de la part d'une organisation syndicale, de vous dire qu'il serait préférable de bonifier le régime public, mais ce n'est pas l'hypothèse qui a été retenue, en fin de compte. C'est essentiellement parce que le simple fait de revenir un peu en arrière dans le temps risque d'entraîner des coûts extrêmement lourds pour les jeunes générations, compte tenu du contexte démographique.
Par ailleurs, nous croyons à la nécessité d'offrir une couverture à l'ensemble de la population travailleuse. Les lois adoptées notamment aux Pays-Bas, en Australie et en Angleterre nous ont servi de modèle. Elles ont pour effet de forcer l'ensemble des employeurs à consacrer une partie de la masse salariale à des cotisations à un régime de retraite. Ça permet par la suite d'établir des régimes complémentaires intéressants, entre autres si ça peut être fait sur une base intersectorielle. De là la nécessité d'établir des bases interentreprises.
Ça permet à la fois de limiter le risque et d'être réaliste, compte tenu du fait que la structure industrielle comporte énormément de petites et moyennes entreprises. Ce modèle nous intéresse davantage que l'idée d'une bonification. Cette dernière devrait être substantielle pour qu'une véritable protection du revenu à la retraite soit assurée. Il nous semble qu'en rétroagissant, on ferait peser très lourdement sur les jeunes générations le fardeau de ces coûts, qui nous apparaissent prohibitifs.
En vertu des lois qui régissent les régimes provinciaux, au Québec et en Ontario, si une compagnie ferme ses portes, qu'elle soit quand même en bonne santé financière, mais que le régime soit en situation d'insuffisance, donc qu'il y ait un déficit dans la caisse, cela devient une dette de l'entreprise, qui doit combler la mesure des montants promis. C'est ce qui est prévu dans le cas où la compagnie est encore en bonne situation financière. Si la compagnie est en faillite, c'est autre chose.
Dans le cas des régimes couverts par la loi fédérale, si on met fin au régime et qu'il y ait une insuffisance de solvabilité, ce n'est pas une dette de l'entreprise. L'employeur peut donc mettre fin au régime et ne pas combler le déficit, les montants garantis, bien qu'il soit toujours en situation financière correcte. S'il fait faillite, ce n'est pas la même chose. Ce qu'on demande, c'est que ça se passe comme dans les provinces, c'est-à-dire que, si le régime n'est pas en situation financière de solvabilité complète, cela doit devenir une dette de l'entreprise lorsqu'elle met fin au régime.
Maintenant, je m'adresserai à M. Georgetti, du Congrès du travail du Canada, qui représente 3,2 millions de membres, si j'ai bien lu plus tôt.
À ce même sujet, croyez-vous que l'étendue de la protection d'un régime de retraite devrait être appliquée à l'ensemble des travailleurs par une loi, par des modalités comprises dans une loi?
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Je reviendrai donc à Mme Carbonneau.
Les régimes de retraite, c'est bien beau. On a un régime public au Québec, administré par la Caisse de dépôt et placement du Québec, dont le fonctionnement, on s'en rend compte, n'est pas aussi sûr que cela. Il faut toujours exercer une surveillance.
Croyez-vous qu'il y ait des modifications à apporter à la gestion des régimes de retraite concernant le système de primes offert à ceux qui négocient les placements, qui réalisent de larges bénéfices, mais qui, finalement, ne font pas de bons placements. Croyez-vous qu'il y a une réforme à apporter de ce côté?
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Vous citez évidemment l'exemple récent de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Ce n'est certainement pas moi qui vais vous dire que je suis heureuse des résultats de la dernière année à la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Par ailleurs, je pense qu'il faut aussi savoir mettre les choses en perspective. Depuis la mise en place de cette institution, il n'en demeure pas moins que son rendement moyen est de 8,3 p. 100. En ce sens, ce n'est pas la catastrophe. Cela dit, je pense que des réformes s'imposent de la part du conseil d'administration de cette institution. Je peux vous dire qu'il y a quand même des choses qui commencent à se déployer en termes de réorganisation interne au sein de cette institution, notamment le renforcement des mécanismes de gestion du risque.
Vous soulevez toute la question des politiques de rémunération des dirigeants d'entreprise, et c'est certainement un élément qui doit être considéré. On doit rechercher des formules équilibrées qui tiennent compte aussi, notamment, dans les politiques de rémunération, de la protection à l'égard du risque.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous, mesdames et messieurs, de comparaître devant nous ce matin. Nous réalisons la gravité du problème auquel nous sommes confrontés, et nous apprécions certainement un peu plus ceux qui nous arrivent avec des suggestions et des recommandations que ceux qui formulent des exigences absolues. Je vous remercie donc de vos suggestions et recommandations.
Monsieur Braniff, pour que les choses soient claires, vous avez donné à entendre que nous avons un peu tardé à conclure que les retraites sont en danger. Je pense que le Canada l'a néanmoins reconnu avec un peu d'avance sur d'autres pays, et je suis sûr que vous comprenez, étant donné l'entourage dans lequel vous évoluez au quotidien, à quel point le sujet est sérieux et complexe. Cela devient apparent dès que le jargon actuariel, comme l'appelle M. McKay, pointe le bout du nez. C'est difficile à comprendre.
Vous avez fait état de l'excédent de 10 p. 100. C'est un sujet qui a été abordé dans maints milieux et maintes tribunes auxquelles j'ai participé. Faut-il majorer ces 10 p. 100? Beaucoup d'entreprises m'ont dit que si elles avaient eu la possibilité de cotiser davantage en période de prospérité, elles l'auraient fait, et nous ne serions ainsi peut-être pas dans cette situation. Entendez-vous la même chose? Pensez-vous que ce serait une solution possible?
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L'existence de ce plafond est certes une entrave et ma position est qu'il ne devrait pas exister de plafond. Il existe d'autres façons de faire la même chose, dont l'une serait, s'il y a un excédent, de l'amortir tout comme on amortit l'insolvabilité. Autrement dit, ayez un plan pour augmenter la capitalisation et un plan pour diminuer la capitalisation. Si vous avez un problème d'insolvabilité, vous faites la même chose, vous rétablissez la solvabilité.
La période d'amortissement devrait-elle être spécifique? Faut-il fixer cinq ans ou sept ans ou une autre durée? Je ne sais pas trop. Je laisse cela aux experts. Mais je pense que le plafond est trop rigide et constitue une entrave. Certains problèmes que nous connaissons aujourd'hui en sont la conséquence, car ce plafond et les congés de cotisation ont placé nombre de ces promoteurs dans l'impasse dans laquelle ils se trouvent. Certains d'entre eux, je le soupçonne, invoquent cela comme une excuse. J'ai entendu des actuaires, autre que celui-ci, dire que l'on peut fabriquer n'importe quel chiffre que l'on souhaite, que le plafond ne signifie pas grand-chose, mais si c'est le cas c'est un argument en faveur de la proposition.
Je dis qu'il ne devrait pas y avoir d'entrave, car nous pénalisons notre propre système. Je suis donc d'accord avec vous. Et d'ailleurs, je conviens que votre consultation a été très productive. Elle a attiré l'attention des médias. Et je peux vous dire qu'en dépit de certains représentants de sociétés qui ont témoigné, les retraités aujourd'hui sont bien mieux informés parce que nous avons eu ces discussions, et je pense que c'est impératif.
J'aimerais remercier Mme Thompson d'Air Canada. Nous convenons avec elle que cette décision globale... C'est l'un des problèmes lorsque l'on n'est pas préparé. Je sais que l'intention était d'alléger le fardeau du régime de retraite, mais cette mesure temporaire était un marteau pilon alors que l'on avait besoin d'un scalpel. C'est vrai, Air Canada avait besoin d'un remède spécial, mais si vous regardez le super groupe des sept, certains d'entre eux — notamment l'un que je connais très bien — ont annoncé une augmentation des dividendes en même temps qu'ils indiquaient dans leur rapport annuel qu'ils allaient opter pour une capitalisation sur 10 ans avec une lettre de crédit. Ils ont affiché la plus grosse réserve liquide de tous les temps, avec 3 milliards de dollars. Ils ont racheté pour 1 milliard de dollars d'actions et acheté une grosse chaîne de magasins de détail implantée dans tout le pays. Et je vous le demande, n'aurait-il pas mieux valu placer cet argent dans le régime de retraite?
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D'accord. Eh bien, je vous incite à prendre langue avec les premiers ministres ou les ministres des Finances provinciaux.
Enfin, monsieur Georgetti, au cours de nos consultations, nombre de retraités membres du congrès nous ont dit qu'ils n'avaient pas la moindre idée, au moment de partir à la retraite, de ce que serait le montant de leur pension, et je leur ai dit à plusieurs reprises que ce serait peut-être là un rôle que le syndicat pourrait jouer. Les retraités se sont plaints également de ce que les syndicats en ce moment ne représentent plus que leurs employés actifs, et non les retraités.
J'aimerais savoir plus particulièrement ce que vous faites pour informer proactivement vos employés qui vont partir à la retraite l'année prochaine ou dans 10 ans. Quels conseils leur donnez-vous proactivement pour les préparer à la retraite? Est-ce là un rôle que les syndicats pourraient, ou devraient, jouer?
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Je ne puis vous répondre là-dessus. Comme je l'ai dit, tous nos principaux affiliés se montrent très proactifs, offrant des consultations et une éducation en matière de retraite. D'ailleurs, le Congrès du travail du Canada a créé une association, appelée Association des actionnaires pour la recherche et l'éducation, qui publie des renseignements non seulement sur les régimes de retraite particuliers mais aussi sur la problématique plus large des retraites.
Je sais également que la question du financement des régimes de retraite — comme je suis sûr que vous l'aurez constaté lors de vos audiences, avec les explications obscures des employeurs, etc. — est source de grande confusion quant au lissage et aux évaluations actuarielles et aux valeurs présentes nettes, etc., et c'est vrai que le système est très complexe, mais laissez-moi vous dire un chose: la plupart des Canadiens savent quel est le montant de leur pension du RPC. Ils reçoivent un relevé chaque année qui leur dit ce que sera leur prestation. Je répète encore que c'est ce que nous devrions viser, mais la complexité du financement des régimes de retraite, monsieur Menzies, comme vous l'avez constaté vous-même, appelle des solutions et une simplification. C'est indispensable.
Cependant, nous sommes actifs; de fait, j'ai un employé à temps plein au congrès qui ne s'occupe que de la question des retraites et d'autres encore travaillent là-dessus.
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Merci, monsieur le président.
Dans un premier temps, je tiens à remercier l'ensemble des gens qui ont fait des présentations aujourd'hui. À mon avis, c'est la série de présentations qui a le plus contribué à faire avancer nos travaux jusqu'à maintenant. Elles étaient très nuancées, et on constate que le sujet commence à être traité dans le détail. Les aspects d'équité intergénérationnelle soulevés par Mme Carbonneau doivent faire partie de notre réflexion.
Je demanderais à M. Georgetti de parler davantage de la notion d'assurance, qui me semble être un élément de base. Certains pays, notamment le Japon, la Suède, la Suisse et les États-Unis, tendent vers une meilleure assurance de ces systèmes, alors que ce sont les Pays-Bas qui ont été mentionnés. Ces pays ont réussi à éviter ce problème grâce à une structure réglementaire beaucoup plus élaborée.
Je voudrais demander à M. Georgetti de parler davantage de sa notion d'assurance et de dire comment cela pourrait aider les gens qui arrivent à la retraite maintenant. Ensuite, j'aimerais discuter de cette notion d'équité intergénérationnelle.
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Merci, monsieur Mulcair.
À la page 24 du mémoire que nous avons distribué, nous avons un tableau des pays de l'OCDE qui résume les modalités d'assurance-retraite des divers pays.
Le Canada n'a qu'une seule province, l'Ontario, où existe un système d'assurance-retraite et il est très minime. Cette province, l'Ontario, vient juste de recevoir la recommandation d'une commission de majorer le programme d'assurance et de porter le niveau de la prestation mensuelle à 2 500 $ par mois.
Notre point de vue est le suivant: pour toutes les choses importantes de leur vie, les travailleurs sont obligés d'avoir une assurance. Elle est obligatoire pour leur maison et leur voiture, et même pour travailler. Un employeur doit cotiser à la Commission des accidents du travail et à l'AE, même si la moitié du temps les travailleurs n'y sont pas admissibles, mais c'est là une autre histoire.
Nous pensons que l'absence d'un programme d'assurance des retraites, qui représentent sans doute le plus gros avoir des travailleurs après leur maison, est une lacune majeure de la panoplie des politiques publiques du Canada, est c'est pourquoi nous proposons dans le mémoire un régime d'assurance qui fonctionnerait de la même façon que la Société d'assurance-dépôts du Canada à l'égard des dépôts dans les caisses de crédit et les banques. Si votre institution financière déclare faillite, c'est là un programme qui vous protège.
Nous pensons qu'il devrait exister un programme similaire pour les régimes de retraite à prestations déterminées. Nous pensons que le programme devrait être robuste et devrait prévenir la fraude et l'usage frauduleux de la part des employeurs. Plusieurs autres pays sont dotés de tels programmes. Si nous en avions un, il ne régnerait pas au Québec et dans le Canada anglais la peur qui sévit actuellement.
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Je pense avoir exprimé très clairement que nous favorisons davantage une approche législative comme celle des Pays-Bas. La mise en place obligatoire de régimes complémentaires de retraite dans l'ensemble des entreprises peut être une formule extrêmement appropriée, car elle permet entre autres de prendre en compte de façon beaucoup plus fine la réalité de différentes catégories de travailleurs. Je m'explique. On sait que la présence du régime public pour les très bas salariés arrive à couvrir une bonne partie de leurs revenus d'emploi antérieurs, ce qui est moins le cas quand on s'écarte de ces seuils minimums.
Je pense donc qu'on peut bâtir de façon beaucoup plus fine au moyen, par exemple, des approches sectorielles et des approches interentreprises. Actuellement, pour beaucoup de travailleurs et de travailleuses, la seule existence des régimes publics couvre une proportion tellement faible de leurs revenus antérieurs qu'il faudrait, si on songeait à une bonification du régime public, avoir un sceau qualitatif extrêmement important, ce qui aurait nécessairement pour effet de se répercuter, en termes de fardeau, sur la génération entrant actuellement sur le marché du travail.
Particulièrement en période de déséquilibre sur le plan démographique, c'est quelque chose qui doit nous interpeller socialement et nous amener à rechercher d'autres solutions. Il est vrai qu'on a de la difficulté à négocier des régimes de retraite, et c'est pourquoi nous pensons que nous avons besoin d'être appuyés par une loi pour exiger que de tels régimes soient mis en place obligatoirement dans l'ensemble des entreprises. Une fois cette exigence satisfaite, ça laisse beaucoup plus de souplesse pour trouver des protections davantage adaptées aux réalités diverses, plurielles des différentes catégories de travailleurs et de travailleuses.
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Nous sommes prêts à dire que la bonification du RPC semble pour l'instant être le meilleur modèle. L'une des choses sur lesquelles nous insistons, et je pense que vous avez entendu le premier ministre de l'Ontario en faire la demande, est la tenue d'un sommet sur les pensions. Nous croyons que c'est dans le cadre d'une telle rencontre que l'on pourrait traiter de ces questions.
En ce qui concerne la bonification du RPC, le Régime de pensions du Canada est une chose que nous comprenons déjà. Peut-être qu'il pourrait y avoir une évolution. Il s'agirait peut-être de commencer avec une bonification du RPC, pour enchaîner avec autre chose par la suite. Nous estimons que cela permettrait vraisemblablement de régler nombre des autres problèmes dont j'ai entendu parler ce matin — en d'autres termes, qu'en est-il du fardeau pour les générations futures? Je pense que nous pourrions nous occuper de cela à l'intérieur du RPC. Il nous faut compter que ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui en bénéficieront.
Je pense qu'une bonification du RPC, quel que soit le mécanisme que vous choisissez, devrait inclure une disposition en vertu de laquelle ce pourrait être le refuge, si vous voulez, advenant la liquidation d'autres régimes de pension. Il pourrait par exemple y avoir une disposition permettant la transition, au bon moment, du régime de pension d'Air Canada, comprenant son déficit de solvabilité, et un refuge, pendant quelque temps ou peut-être à perpétuité.
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Il s'agit peut-être là d'un concept intéressant. Il ressort clairement des témoignages que nous avons entendus que la situation doit être examinée de plus près.
Mais ma question concerne vraiment cette ligne de démarcation entre la cotisation pendant toute la durée de sa vie active — que ce soit par le biais d'un syndicat, du gouvernement ou du RPC — et l'instauration d'un régime de pension universel: la ligne de démarcation entre le fait que tout le monde paie tout simplement des impôts et le fait qu'une partie de ces revenus d'impôt perçus par le gouvernement soit redistribuée à tous les Canada à un moment de leur vie.
Il y a là une différence philosophique, et je serais curieuse de savoir ce que vous en pensez. De manière générale, les gens contribuent à leur régime de pension par le biais de leur travail, que l'argent vienne de l'employeur, de l'employé, d'une combinaison des deux ou par l'intermédiaire du régime public. Or, le concept d'un régime de pension universel pourrait en vérité s'étendre au-delà de cela. Craindriez-vous alors que ce ne soit qu'une taxe?
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins et je les remercie de leur contribution au débat que nous tenons ce matin.
Bien sûr, plusieurs questions se posent. On connaît le rôle que DBRS a joué, en tant que firme de notation, dans le choix qui a été fait par la Caisse de dépôt et placement du Québec. On connaît la confiance qui a été mise en DBRS.
Croyez-vous que ces firmes de notation devraient être aussi redevables de leur opinion? Si oui, de quelle façon? Elles sont en affaires et ont une responsabilité. Si elles devaient être redevables, de quelle façon pourraient-elles l'être?
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C'est une excellente question. Je vous dirais que l'on était, il y a quelques semaines à peine, en instance pour réfléchir sur la crise, et toute la question des agences de notation a occupé un espace important au sein de nos débats. Il ne semble pas y avoir de cadre permettant de les encadrer de quelque façon que ce soit. C'est une question qui nous préoccupe.
Je vous avoue que, sans avoir complètement répondu à la question, on s'est interrogé sur le rôle que pourrait éventuellement jouer, dans ce type d'encadrement, une institution comme la Banque du Canada, par exemple. La présence de ces agences de notation crée — on l'a vu dans le cadre de toute la question du papier commercial — une fausse sécurité qui peut avoir des effets tout à fait catastrophiques sur bon nombre de régimes de protection sociale ou de régimes de retraite.
Alors, de ce côté, nous sommes en faveur d'un encadrement de ces agences de notation par l'intermédiaire, à tout le moins, de pouvoirs réglementaires, et nous voulons pousser plus loin notre réflexion sur le rôle qui pourrait être joué à cet égard par la Banque du Canada.
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Si cela ne vous ennuie pas, monsieur Del Mastro, nous avons à la table un ancien actuaire en chef du RPC.
Nous appuyant sur les estimations approximatives que nous avons faites, si le taux de cotisation moyen actuel par travailleur et par employeur est de 4,95 p. 100 et que nous voulons en définitive doubler la prestation, l'hypothèse conservatrice serait qu'il vous faudrait doubler la cotisation. Ce que nous disons est que le RPC, au contraire des REER, offre en fait une très bonne valeur: le régime est portable, il est protégé contre l'inflation et il est adapté à l'économie actuelle. Si nous laissions le RPC remplacer graduellement l'industrie des REER, qui ne livre pas les rendements escomptés, les travailleurs pourraient conserver davantage de leurs revenus de pension au lieu de tout simplement le verser à des cadres de Bay Street.
Pour ce qui est du calcul précis, je pense que Bernard Dussault est sans doute le mieux placé pour répondre.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Merci aux témoins pour leur présence.
Madame Charbonneau, je vous ai écoutée et je ne sais pas si votre version est la même que celle de M. Georgetti. Tout le monde est d'accord pour dire que lorsqu'on sera à la retraite, on recevra des prestations de la Sécurité de la vieillesse, du Régime de pensions du Canada ou du Régime des rentes du Québec.
Cependant, on parle du troisième pilier. Certains seront couverts par un troisième régime alors que d'autres ne le seront pas. Aujourd'hui, il est question de trouver un autre moyen pour que tout le monde soit couvert, tant les gens ayant un régime privé que ceux qui n'en ont pas. En fait, pour les gens qui planifient leur retraite, le Régime de pensions du Canada, le Régime des rentes du Québec ou la Sécurité de la vieillesse ne seront pas suffisants.
Êtes-vous favorable à la solution de rechange proposée par certaines personnes, qui consiste essentiellement à augmenter les primes du CPP ou du QPP, comme on le dit en anglais? Je n'ai pas entendu votre organisation le dire.
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Le système canadien a trois piliers: la pension de la Sécurité de la vieillesse, le RRQ, le RPC et les régimes d'entreprise. Ce n'est pas un mauvais système.
Présentement, le pilier qui est faible est celui des régimes d'entreprise, qui ne couvrent pas 40 p. 100 — et moins de 40 p. 100 — de la main-d'oeuvre. On pourrait toujours augmenter le deuxième pilier, celui du Régime de pensions du Canada et du Régime des rentes du Québec, comme plusieurs personnes l'ont suggéré, mais cela créerait d'autres problèmes. La France a un gros régime et elle a connu à certains moments ces problèmes. Un gros régime universel entraîne d'autres sortes de problèmes.
Fondamentalement, si on considère les pays de l'OCDE, le fait d'avoir trois piliers différents est vraiment un bon système de retraite. Présentement, c'est le troisième pilier de notre système qui pose problème.
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Merci, monsieur le président.
Peut-être que juste avant de commencer, je saluerais mon collègue d'en face, qui est assis dans une chaise roulante, pour souligner le sort des personnes handicapées. C'est une bonne initiative. Merci.
Puis-je suggérer une ou deux choses à nos invités? Merci beaucoup d'être venus. Je devrais peut-être dire, en guise de préface, que la situation est triste d'une certaine manière, mais, rétrospectivement, de manière générale un homme averti en vaut deux. Vous savez, il y a cinq, 10, 12 peut-être même seulement trois ou quatre ans, lorsque tout roulait à pleins gaz dans l'économie, nous ne semblions pas avoir ce souci, et maintenant, tout d'un coup, la situation nous préoccupe.
Nous faut-il maintenant une réaction globale radicale face aux circonstances? Ou bien devons-nous accepter que nos économies sont de nature cyclique et qu'il nous faut trouver le moyen de négocier le virage pendant cette période difficile?
Monsieur Braniff, qu'en dites-vous? Est-ce le moment de réinventer la roue, ou le moment de réparer la roue?
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Premièrement, le Common Front s'intéresse à cette question depuis 2003. Nous avions vu cela venir. Nous n'avions bien sûr cependant aucune idée de l'impact que cela allait avoir.
Les médias et certains d'entre nous sont peut-être en train d'appeler cela un tsunami ou un genre de pandémie. Ce n'est pas un acte de Dieu. Nous parlons ici de circonstances qui sont le fait de l'Homme, et il y a des moyens de les corriger. Je pense que nous avons la matière grise requise pour positionner le Canada comme chef de file dans ce domaine — et il l'est déjà à bien des égards, notamment avec le RPC, par exemple.
Pour moi, paniquer n'est pas une option. Je pense que nous avons l'attention de tout le monde et que le moment serait peut-être bien choisi pour organiser un sommet. Car, comme vous ne cessez de le souligner, vous n'avez dans cette salle que 7 p. 100 de la réglementation des pensions. Les provinces sont absentes, et elles sont en train de mettre de l'avant d'assez bonnes idées. La Colombie-Britannique va faire cavalier seul et vous n'allez peut-être pas aimer ce qu'elle va faire. Cela ne serait-il pas dommage que le gouvernement fédéral ait à tout réinventer de nouveau?
Je suis d'accord avec vous. Restons très calmes. Agissons de manière délibérée. Avançons un pas à la fois. Ne croyons pas que nous pouvons tout régler d'un seul coup, mais veillons à ce que nous prenions le bon départ et à ce que nous mettions en place les genres d'examens systématiques qu'il nous faudra au fil de l'évolution des circonstances. Je pense que cette crise nous a appris que nous pouvons être surpris, et les surprises peuvent parfois être heureuses.
J'ai une particularité qui est sans doute unique dans cette salle: je touche une pension depuis 25 ans, et c'est fort agréable. Vous devriez en faire l'expérience.
Des voix: Oh, oh!
M. Dan Braniff: Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
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Merci de ces explications.
Monsieur Georgetti, vous et d'autres témoins et personnes à la table ici avez soulevé la question de l'expansion possible du RPC. Ce que je recherche est un équilibre.
Je pense que la plupart des gens dans ce pays conviendraient que nous n'avons pas besoin d'une philosophie qui vous couve du berceau jusqu'au tombeau, sans incitatif aucun ni moyen d'être productif et d'embrayer dans une économie mondiale concurrentielle. Cependant, il nous faut trouver le moyen d'intervenir dans notre société avec compassion et égards lorsque les gens sont confrontés à des circonstances qui échappent à leur contrôle.
Très franchement, et n'en prenez pas ombrage, je considère que votre argument est très représentatif des personnes que vous représentez. J'estime qu'il s'agit d'une position juste, mais il nous faut mettre cela en équilibre avec le reste de la société. Je considère que ce débat politique vaut définitivement la peine d'avoir lieu, mais j'estime qu'il nous faut être honnêtes et envisager les coûts, les avantages, les récompenses et les gains de tous les côtés.
Avez-vous réfléchi au coût immédiat pour l'économie, pour la compétitivité, etc., de la position que vous prônez?
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Merci, monsieur le président.
On parle beaucoup aujourd'hui de la protection des pensions pour les générations actuelles et futures, et des problèmes de réglementation. Vous savez que le gouvernement du Canada réglemente les régimes de retraite de compétence fédérale, mais les provinces réglementent les autres, qui représentent la majorité des régimes de retraite.
Nous avons un débat, au Parlement fédéral, au sujet d'une commission nationale des valeurs mobilières qui serait créée en collaboration avec les provinces. Dans le domaine des pensions, les régulateurs ou les organismes de réglementation des provinces ont un important rôle à jouer.
Madame Carbonneau, que pensez-vous de la réglementation provinciale actuelle? Afin que l'on ait une réglementation plus efficace et que l'on soit équitable envers les différentes provinces, y aurait-il lieu que ces dernières collaborent davantage? Le gouvernement fédéral aurait-il un rôle à jouer en ce qui concerne une réglementation plus uniforme des régimes de retraite de compétence provinciale?
Avez-vous des commentaires là-dessus?
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Vous soulevez différents aspects. Vous avez touché une question très délicate, soit l'idée d'une commission des valeurs mobilières unique pour l'ensemble du Canada. C'est un point de vue que nous ne partageons pas à la CSN et, à mon avis, qu'une très grande majorité d'intervenants, au Québec, ne partage pas.
Il y a certainement moyen d'avoir des échanges, d'essayer de se concerter pour lancer un mouvement. Je demande une réforme assez fondamentale de la législation concernant les pensions, mais je ne crois pas que ce soit plus simple de la concevoir à un seul palier de gouvernement. Je pense qu'on a tout intérêt à préserver la compétence des provinces à cet égard. Cependant, j'ai évoqué le fait que, de mémoire en 1985, le fédéral avait modifié sa législation sur les fonds de pension, ce qui avait permis par la suite des impulsions intéressantes dans différentes provinces, notamment au Québec.
Je pense que ce n'est pas une question de palier de gouvernement, mais de volonté politique et de savoir prendre un temps de recul pour vraiment repenser les choses beaucoup plus en profondeur. Il y a un autre intervenant, tout à l'heure, qui soulignait qu'on parlait beaucoup des pensions parce qu'on était en période de crise. Je considère effectivement qu'en période de crise, c'est peut-être un sujet plus actuel.
Cependant, quand je demande une réforme plus fondamentale des régimes de pension, je vous dirais qu'au cours des dix dernières années, alors qu'on était en période de prospérité économique, on avait des difficultés. Par exemple, on a vu reculer les régimes de pension à prestations déterminées, qui offraient les meilleures sécurités pour les travailleurs. On les a vu décliner, y compris en période de prospérité. Indépendamment de la conjoncture économique, on a de plus en plus une structure industrielle avec de petits milieux de travail où il faut apprendre à composer avec cette réalité.
Je vous donne un exemple de réussite au Québec où on est parvenus à négocier un arrangement dans les Centres de la petite enfance, qui regroupaient de 10 à 15 salariés, et où il n'y aurait jamais eu moyen d'avoir un régime de pension adéquat. Alors, on a élaboré une approche sectorielle qui fait en sorte qu'aujourd'hui, ces gens profitent d'une protection qu'ils n'auraient jamais pu envisager dans d'autres circonstances. C'est pourquoi je pense qu'on doit, dans une volonté de réformer les pensions, se pencher sur des questions et des approches nouvelles.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais demander à M. Georgetti de commenter le choix de termes de mon amie et collège Mme Hall Findlay qui, rappelons-le, la semaine dernière, a été parmi les députés libéraux à voter contre une loi pour empêcher l'utilisation de travailleurs de remplacement, de sorte que les conservateurs ont réussi, de nouveau, à tuer toute possibilité pour le Canada d'avoir une loi antibriseurs de grève.
J'aimerais qu'il me fasse ses observations sur le choix du terme « taxe », utilisé par Mme Hall Findlay pour décrire les contributions des employeurs aux régimes de retraite de leurs employés.
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Je vais poursuivre notre examen de la conscience sociale du Parti libéral.
Hier, M. John McCallum a déclaré dans le Globe and Mail qu'à son avis il serait peut-être possible qu'il y ait des augmentations volontaires des cotisations au RPC, ce qui est intéressant, car il est en train de dire que le marché peut s'occuper des choses, alors que le mouvement syndical et les milieux d'affaires comparaissent régulièrement devant le comité et disent tous deux qu'il nous faut en la matière une certaine action collective.
Les libéraux semblent être seuls à croire que le marché dans toute sa perfection, le même marché qui a produit l'effondrement que l'on constate, va livrer aux retraités un résultat miraculeux.
Pensez-vous que la chose devrait être volontaire, ou bien devrait-elle être obligatoire?
Madame Carbonneau, je veux revenir à vous pour que vous puissiez terminer votre exposé. Vous avez soulevé un des points les plus importants. Nous sommes à un point d'équilibre. Nous nous rendons compte que, par le passé, nous n'avons pas bien veillé au grain. C'est un constat simple, c'est-à-dire que les marges du système que nous mettons en place doivent tenir compte d'éventualités comme la crise financière que nous vivons.
Présentement, trop de gens déjà à la retraite voient leurs revenus se faire gruger. S'il n'y pas de protection contre l'inflation, même si celle-ci n'est que de 2 ou 3 p. 100 par année, après plusieurs années, la pension de retraite sera réduite de moitié. Même dans les conventions collectives, c'est très souvent sournois, car on gruge 1 ou 2 p. 100 par année de la pension des retraités.
Vous avez parlé d'équité intergénérationnelle, mais croyez-vous tout de même que nous pourrions augmenter la couverture de base et obtenir une meilleure couverture pour ceux qui sont déjà à la retraite? Rappelons-le, un très grand nombre de retraités, au moment où on se parle, vivent sous le seuil de la pauvreté. Est-il permis de penser, s'il n'y a personne d'autre que les gens qui travaillent pour payer, qu'on pourrait décréter une légère augmentation actuellement pour mieux subvenir aux besoins des gens qui sont déjà à la retraite?
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Merci, monsieur le président.
Mesdames Carbonneau et Joncas, j'aimerais continuer dans le sens de la question de mon collègue. Madame Carbonneau, vous avez parlé des systèmes d'autres pays, comme les Pays-Bas, l'Australie et l'Angleterre. Tout d'abord, j'aimerais dire que l'idée de tenir un sommet national sur les pensions est une très bonne idée, parce que ça peut peut-être nous donner la chance d'approfondir les recherches que vous avez déjà faites sur les comparaisons avec les autres pays. Cependant, la situation n'est pas facile, car l'argent ne pousse pas dans les arbres. Certaines personnes prennent des risques pour augmenter les fonds, mais en même temps, elles ne veulent pas que les contributions soient trop importantes, mais elles veulent que les prestations soient bonnes.
Lors de vos comparaisons avec d'autres pays, avez-vous considéré les deux aspects, c'est-à-dire les contributions et les prestations? Nous pouvons contribuer davantage ou nous pouvons réduire les prestations, mais je ne crois pas que nous puissions faire les deux.
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Je vais essayer de le faire.
Comme vous le dites, l'argent ne pousse pas dans les arbres, mais plus on accumule d'argent — quelle que soit sa forme — dans un régime, plus il y aura de l'argent à la retraite. L'important est d'avoir de bons mécanismes de protection pour s'assurer que le risque est bien partagé entre tous ceux qui cotisent.
Dans un régime public, le fardeau du déficit repose sur l'ensemble des personnes couvertes par le régime public. L'ensemble des Canadiens assument donc ces coûts si cela va moins bien. C'est réparti entre toutes les générations, ce qui fait en sorte que les coûts sont moins lourds et répartis dans le temps. Cependant, à la fin, les coûts sont les mêmes, qu'ils soient payés par une ou deux générations.
Je veux être certaine de bien répondre à votre question. Dans certains pays comme la France, les montants des cotisations pour la retraite sont beaucoup plus importants qu'ici. Le pourcentage de remplacement du revenu est de beaucoup supérieur à celui offert par le système canadien, si on ne considère que les régimes publics. Lorsque l'on compare le Canada aux autres pays de l'OCDE, ce qui est obligatoire et prévu par les régimes publics — que ce soit le PSV ou le Régime de pensions du Canada — y est souvent beaucoup plus bas qu'ailleurs. C'est inférieur lorsque ce sont des contributions volontaires, et on atteint des niveaux de remplacement très inférieurs aux autres.
Nous avons de la recherche indiquant que le taux de roulement pour cette main-d'oeuvre est très différente du taux de roulement qui existait lors de l'instauration du régime de retraite à prestations déterminées, et c'est donc là un gros problème.
Pour ce qui est de moyennes, je ne peux pas vous citer de moyennes en m'appuyant sur le mémoire que nous avons préparé. Nous ne possédons pas ces renseignements.
Pour répondre à votre question, je dirais que l'une des raisons pour lesquelles notre organisation est en faveur d'une amélioration marquée du RPC est que cela réglerait la question de la portabilité des régimes de pension lorsque les gens changent d'emploi.
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Merci, monsieur le président. Je voudrais poser une question à M. Andersen, qui est économiste.
Plus tôt, Mme Carbonneau, en réponse à ma question sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, a convenu que des réformes étaient nécessaires sur le plan de l'évaluation du risque au sein de cette organisation. Vous avez fait une présentation qui portait sur l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada. Vous avez mentionné qu'ils se sont livrés à des spéculations qui vont à l'encontre du mandat prescrit par la loi. Vous demandez aussi que ces actions puissent être vendues le plus rapidement possible, puisqu'elles comportent trop de risques. L'impression qui s'en dégage est que vous proposez une correction à court terme.
Ne pensez-vous pas que le remède plus permanent porterait sur les primes versées à tous ceux qui négocient les prêts un peu partout? Des représentants de l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada ont comparu devant nous. On sait que des millions de dollars ont été versés en prime aux gens qui font des placements dans ces organismes. Ils sont donc sûrement payés relativement aux rendements à court terme, et cela comporte des lacunes quant à l'évaluation des risques.
Ne croyez-vous pas que les problèmes proviennent justement de ces politiques? En réponse à nos questions à ce sujet, on disait que ce sont les normes de l'industrie. Ils se défendaient en affirmant ne pas être les seuls à appliquer ce système. Ceux qui font les placement pour les différents régimes reçoivent des primes au rendement. Pouvez-vous nous dire si c'est ce qui cause les vices du système que l'on connaît actuellement?
J'aimerais commencer par une courte explication. Dans le monde de l'investissement, la règle d'or que vous devez suivre est de connaître votre client. Par définition, donc, il y a 17 millions de cotisants au RPC que vous ne pouvez pas connaître. Cela signifie que, dès le départ, vous vous inscrivez à l'extérieur des paramètres de ce que j'appellerais un cadre légal. L'Office d'investissement du RPC doit, je pense, avoir quelques conversations avec quelqu'un de la division des finances de diverses provinces. Cette personne est l'agent qui agit pour le compte de tout le monde. Qu'il soit ou non efficace, il s'agit là d'une toute autre question dont il faut juger.
Pour revenir à ce que vous disiez au sujet des incitatifs, ceux-ci peuvent être une bonne chose, mais ils peuvent aussi vous entraîner dans des conflits d'intérêts et la commission d'erreurs. Une erreur courante parmi beaucoup — il y en a toute une série — est que l'Office d'investissement du RPC a récemment, fin mars, annoncé qu'il allait prendre le contrôle d'une entreprise australienne du nom de Macquarie Communications. La Macquarie Communications est une société de type P3 dont les actions s'échangent sur le marché ouvert, et la prise de contrôle devait se faire et a été faite à 2,50 $ australiens. L'objectif est une prise de contrôle à 100 p. 100. Je dirais qu'il s'agit d'une prise de contrôle hostile. Ces actions se vendaient au cours des six derniers mois à environ 95 cents. L'Office d'investissement du RPC le sait, mais est allé de l'avant avec un prix de prestige, près du double.
La deuxième chose est que l'office sait également que le Macquarie Group, en tant que vendeur, a une réputation ternie. Un groupe new-yorkais appelé RiskMetrics Group a, il y a environ un an publié, une évaluation cinglante du modèle du Macquarie Group et de son équipe.
Je vais m'accorder le dernier tour. J'aimerais revenir avec Mme Thompson sur le dossier d'Air Canada.
Dans votre déclaration, sous le titre « Pourquoi sommes-nous ici? », vous faites état de défis tant structurels que cycliques. Vous faites état de l'insolvabilité en 2004 et des problèmes des détenteurs de fonds spéculatifs, mais vous évoquez également la crise mondiale sur les marchés financiers.
C'est tout un défi que de déterminer ce que nous devrions faire face aux difficultés structurelles et cycliques. En tant que député, je prends bien sûr régulièrement l'avion et je côtoie tout le temps des employés d'Air Canada. Ce qu'ils me disent c'est ceci: « Cela fait 30 ans que je travaille pour la compagnie. J'ai donné toute ma vie à cette compagnie. J'ai cotisé au régime de pension, et je mérite d'avoir une pension ». Avec l'insolvabilité de 2004, leur plainte commune — et vous l'avez déjà entendu dire — concernait le fait qu'il y avait eu un transfert d'actifs à ACE par suite de cela, ainsi que de très gros versements à des cadres ou actionnaires.
Je ne conteste pas cela, mais en tant que membre d'un gouvernement qui tente de régler la situation, je ne peux pas refaire l'entente de 2004 ni en modifier les retombées. Il nous faut tenter de régler la situation telle qu'elle existe à l'heure actuelle. Ce qui est arrivé a peut-être été injuste; je ne vais pas me prononcer sur l'équité ou l'iniquité de ce qui a été fait. Mais que recommandez-vous que nous fassions, en tant que gouvernement, pour veiller à ce que ces personnes touchent une pension après leur départ à la retraite d'ici cinq ans?
Vous avez parlé de la reconnaissance de la nécessité de la prise de mesures extraordinaires. Je pense que j'ai une idée de ce que vous recommanderiez que nous ne fassions pas, mais que nous recommanderiez-vous de faire face tant aux changements cycliques sur les marchés qu'aux changements structurels auxquels se trouve confrontée Air Canada?