HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 1er juin 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous entreprenons l'étude de la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada.
Chaque intervenant aura cinq minutes. Nous commençons par Mario, qui sera suivi de Naumana, puis de John, puis des autres. Vous disposerez de cinq minutes maximum chacun. La petite sonnerie se fera entendre. Nous vous donnerons un petit peu plus de temps si c'est nécessaire.
Puis nous passerons aux questions des députés, et Maria aura sept minutes, et ainsi de suite. Les questions s'adresseront à un témoin ou à l'ensemble des témoins.
Nous allons commencer par Mario, qui est le directeur exécutif de COSTI. Si je comprends bien, il s'agit de la plus importante organisation d'aide aux immigrants du pays.
Allez-y, Mario.
Merci beaucoup.
Je tiens tout d'abord à remercier le comité permanent d'avoir invité COSTI Immigrant Services à lui présenter son point de vue et ses recommandations sur le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est de diminuer la pauvreté.
COSTI est un organisme de bienfaisance enregistré. Nous offrons des services d'intégration des immigrants dans la région du Grand Toronto, où nous sommes bien connus. La députée Maria Minna est également bien au fait de nos activités, puisqu'elle a présidé notre organisme pendant de nombreuses années avant d'entrer en politique. COSTI a été créé il y a 57 ans et sert aujourd'hui 60 000 personnes par année.
Puisque notre mission consiste à favoriser l'établissement des immigrants, mes observations porteront principalement sur l'importance croissante de la pauvreté chez les immigrants.
L'immigration revêt beaucoup d'importance pour le Canada, puisqu'elle joue un rôle essentiel dans le maintien de notre population et la croissance de notre marché du travail. En se basant sur les résultats du Recensement de 2006, Statistique Canada constate que c'est l'accroissement de l'immigration internationale qui est responsable de l'accélération de la croissance du Canada au cours des cinq dernières années. Depuis 2001, 1,2 million d'immigrants se sont établis au Canada. Environ les deux tiers de la croissance de la population du Canada sont maintenant attribuables à la migration internationale nette.
L'immigration est également indispensable au maintien de notre population active. D'ici 2011, la croissance de la population active du Canada dépendra de l'immigration. Le vieillissement de la population et les départs à la retraite entraîneront des pénuries de main-d'oeuvre, alors que le Canada doit faire face à une concurrence internationale de plus en plus vive pour attirer les travailleurs qualifiés d'autres pays industrialisés. Permettez-moi de vous donner une idée des retombées économiques de l'immigration dans une ville comme Toronto: en cinq ans, de 2001 à 2006, la population de Toronto ne s'est accrue que d'un peu moins de 1 p. 100. Si on ne tenait pas compte de l'immigration, la population de la ville aurait en fait diminué de 10 p. 100. Imaginez les répercussions économiques d'un tel scénario.
Or, voici le problème. En 1981, un demandeur principal dans la catégorie des travailleurs qualifiés s'établissant au Canada gagnait environ 7 000 $ de plus que la moyenne canadienne à peine un an après son arrivée au pays; en 2000, il gagnait 4 000 $ de moins.
Le plus important obstacle que doivent surmonter les immigrants est l'obtention d'un emploi intéressant. Les nouveaux immigrants s'en sortent moins bien sur le plan économique que leurs prédécesseurs, en dépit de leur meilleure éducation. Parmi les nouveaux immigrants — c'est-à-dire ceux qui sont arrivés entre 2001 et 2006 —, 64 p. 100 sont titulaires d'un certificat ou diplôme postsecondaire, comparativement à 49 p. 100 des adultes nés au Canada. Cependant, 60 p. 100 de ces immigrants ne détiennent pas un poste dans leur domaine d'études ou de formation. Le sous-emploi ou le chômage des immigrants est principalement attribuable au manque d'expérience professionnelle au Canada, à la non-reconnaissance des titres de compétence étrangers, à leurs compétences linguistiques limitées ainsi qu'à d'autres obstacles, comme le racisme et les pratiques discriminatoires.
Ces obstacles à l'obtention d'un emploi intéressant font que les taux de pauvreté chez les immigrants sont parmi les plus élevés de tous les groupes défavorisés. À Toronto, environ une personne sur quatre vit dans la pauvreté; or, chez les nouveaux immigrants, ce taux atteint 46 p. 100. Il s'élève à 37 p. 100 pour les mères monoparentales et les Autochtones, et à 33 p. 100 chez les groupes racialisés. On constate maintenant une ségrégation économique à Toronto: davantage de pauvreté dans les banlieues, et des zones de richesse au centre-ville. Il est maintenant évident que ces collectivités pauvres sont racialisées et composées en grande partie d'immigrants.
Voici donc mes recommandations.
En moyenne, les immigrants arrivent au Canada avec plus de 13 années d'instruction obtenues dans un autre pays. Il incombe au Canada d'investir dans ces nouveaux arrivants en tirant profit de leur instruction. Nous recommandons donc tout d'abord que l'Accord Canada-Ontario sur l'immigration, qui expirera l'an prochain, soit renouvelé, et son niveau de financement, maintenu.
Cette entente a permis de financer un certain nombre d'initiatives efficaces au profit des immigrants. Par exemple, notre expérience à COSTI montre que des programmes de formation linguistique avancés, qui combinent des cours de langues liés à des emplois particuliers et une recherche d'emploi, permettent à 78 p. 100 des diplômés de trouver du travail dans leur domaine moins de trois mois après l'obtention de leur diplôme. Cet accord a également pu financer des programmes de formation conjoints plus poussés.
Ma deuxième recommandation est la suivante. La recherche montre que plus il faut de temps à un immigrant pour trouver un emploi dans son domaine, moins il a de chances d'y arriver. Il faut reconnaître que le gouvernement a lancé à l'étranger des programmes permettant aux immigrants de prendre de l'avance dans le processus d'établissement, mais il s'agit de programmes modestes et volontaires. Nous recommandons d'offrir à tous les immigrants présentant une demande au titre du Programme fédéral des travailleurs qualifiés des séances d'information sur le marché du travail et des conseils sur la préparation à l'emploi dans leur pays d'origine avant leur départ.
Finalement, le gouvernement fédéral doit fixer des cibles précises de réduction de la pauvreté, comme l'a fait l'Ontario récemment, ce qui bénéficiera aux immigrants et à l'ensemble des Canadiens. Une telle stratégie devrait prévoir la modification des critères d'admissibilité à l'assurance-emploi afin qu'un plus grand nombre de chômeurs puissent toucher des prestations, l'établissement d'une stratégie nationale en matière de logement qui comprendrait des objectifs clairs, l'accroissement du nombre de logements abordables et l'investissement dans l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Le coût des garderies continue de dissuader les gens de travailler, surtout dans les familles nombreuses.
Je sais que je n'ai plus de temps, alors je m'arrêterai là. Je vous remercie énormément de l'attention que vous portez à notre mémoire.
Nous allons maintenant passer à Naumana Khan. Elle est directrice des programmes à Humanity First, et elle remplace son directeur exécutif.
Naumana, vous avez la parole.
Merci beaucoup de nous donner l'occasion de discuter des recommandations de Humanity First concernant la réduction de la pauvreté. Je représente le directeur exécutif, M. Aslam Daud, qui a été retenu au travail.
Je reprendrai une par une toutes les questions qui nous ont été posées.
En ce qui concerne les indicateurs de la pauvreté, Humanity First considère que chaque être humain a le droit à un logement, de la nourriture, la santé et l'éducation. Quiconque est privé de ces droits fondamentaux en raison de contraintes financières entre dans la définition de pauvreté. Nous considérons que les principaux critères de mesure sont le revenu, les ressources financières, les conditions de vie et l'éducation.
La deuxième question portait sur le rôle du gouvernement fédéral dans les programmes de réduction de la pauvreté. Humanity First rêve d'un Canada où plus personne n'irait dormir le ventre vide, où tout le monde aurait un toit, et où l'éducation serait un droit, et non pas un privilège réservé aux riches. Les yeux et la dentition font partie du corps humain, et devraient donc bénéficier de soins de santé. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle à court et à moyen terme, tout en adoptant une stratégie à long terme.
À court et à moyen terme, le gouvernement fédéral devrait appuyer les organismes communautaires, comme les banques alimentaires, les centres de services aux immigrants et les services communautaires d'aide au revenu et au logement, en ayant recours à eux en première ligne pour identifier les gens affligés par la pauvreté. Par l'entremise de ces organismes, on peut fournir logement, nourriture, soins de santé et éducation à ceux qui en ont besoin. Quant à la stratégie à long terme, elle doit accroître l'accessibilité à l'éducation et aux programmes de formation. Elle devrait également fournir davantage d'occasions d'emploi aux gens ayant réussi leur formation, surtout ceux qui viennent de familles à faible revenu ou qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Diverses mesures incitatives peuvent être offertes pour encourager les gens à acquérir de nouvelles compétences. On pourrait réformer le système d'éducation afin de subventionner davantage les universités pour qu'elles soient plus abordables aux étudiants les moins fortunés.
Passons à la troisième question, qui portait sur la collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour alléger la pauvreté. Nous sommes d'avis qu'un projet conjoint devrait être lancé pour améliorer les programmes d'éducation et de formation partout au Canada. L'éducation collégiale et universitaire devrait être subventionnée à 100 p. 100. Il nous faut adopter des stratégies de prévention de l'itinérance qui comprendraient l'amélioration des initiatives de logement social ou subventionné. Les programmes mis en oeuvre devraient être protégés par la loi pour assurer leur maintien malgré les changements de gouvernement.
Nous devons créer des emplois dans le domaine de l'environnement en finançant le recrutement dans le secteur public pour les domaines émergents que sont l'énergie solaire et éolienne et le recyclage. Toutes ces initiatives, encore intangibles pour l'instant, devraient être concrétisées pour créer des emplois.
La quatrième question visait à déterminer si une approche conjointe des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux était nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté, et demandait également quels devaient être ces objectifs. Une telle collaboration est cruciale à l'atteinte des objectifs d'allègement de la pauvreté. On pourrait ainsi établir une stratégie globale et combler les lacunes qui rendent pour l'instant les cas limites vulnérables. Sur cinq ans, on pourrait se donner l'objectif de réduire la pauvreté infantile de 50 p. 100, et d'éliminer l'itinérance.
À la question suivante, on nous demandait ce que le gouvernement fédéral devrait faire de plus pour réduire la pauvreté, surtout chez les enfants, les parents seuls, les femmes, les Autochtones et les personnes handicapées. Humanity First recommande l'adoption d'une mesure législative établissant un financement garanti pour les enfants. La mesure devrait comprendre un mécanisme de prévention pour éviter l'exploitation à mauvais escient des fonds affectés à cette fin. Par exemple, l'argent pourrait servir à financer des programmes appuyant directement la santé, l'instruction, l'alimentation et l'éducation des enfants.
On devrait également encourager la création de groupes d'entraide pour les parents seuls, les femmes et les autres segments vulnérables de la population. Il faut ensuite créer des microéconomies, grâce à des programmes favorisant les petites entreprises et les entreprises à domicile. Le gouvernement devient lui-même client de ces entreprises, garantissant par-là même leur réussite.
On nous demandait ensuite comment mesurer la contribution du gouvernement fédéral à la réduction de la pauvreté, comment en faire rapport, et sur quels indicateurs se baser. On devrait mesurer la réduction de la pauvreté en se basant sur des données précises, comme le nombre de personnes ayant bénéficié directement des stratégies proposées, le nombre de sans-abri ayant réussi à se sortir de l'itinérance, et le nombre de personnes occupant maintenant un emploi, après un chômage prolongé. On peut également mesurer le nombre d'enfants sortis de la pauvreté et le nombre croissant d'étudiants s'inscrivant à l'université, et évaluer les programmes de réduction de la pauvreté et leurs résultats.
À la question sept, on demandait comment déployer plus efficacement les ressources actuelles. Humanity First estime que les ressources fédérales actuelles destinées à réduire la pauvreté devraient être déployées au moyen de programmes très précis et visant les collectivités. Malheureusement, une grande partie des fonds sont employés par la bureaucratie des organismes dans le milieu. Il faudrait former à la base des groupes constitués uniquement de cette population; il est alors possible de définir leurs besoins après les avoir consultés et de répondre à ces besoins à leur niveau, plutôt qu'au moyen d'un programme général de portée nationale. Deuxièmement, un taux d'imposition plus élevé devrait s'appliquer à la tranche de revenu personnel de plusieurs millions de dollars. Enfin, un impôt plus élevé devrait frapper les entreprises de jeux de hasard.
Que fait Humanity First dans ce contexte?
Humanity First est une organisation caritative sans but lucratif qui offre partout dans le monde des services de développement humain et de secours en cas de catastrophes. Nous appartenons à la section canadienne de Humanity First. Nous offrons des services de banques alimentaires et des services de conseils aux immigrants. Notre programme Our Children, Our Future offre du tutorat, du financement et du parrainage d'enfants et d'écoles. Nous offrons le don de la vue en parrainant des personnes qui ont besoin de lunettes. Nous présentons également des candidats à l'emploi. À l'échelle internationale, nous offrons des programmes de garde d'orphelins, de construction de puits et de formation professionnelle.
Merci beaucoup. Je sais que mon temps est écoulé.
Naumana, merci beaucoup de vos propos et de vos conseils.
Nous allons maintenant passer à John Campey.
Bonjour. C'est un honneur pour moi d'avoir l'occasion de témoigner aujourd'hui devant vous au nom du Social Planning Toronto, anciennement connu sous le nom de Community Social Planning Council of Toronto.
Notre organisation est une organisation indépendante sans but lucratif qui travaille depuis plus de 50 ans à améliorer la qualité de la vie de tous les habitants de Toronto par ses travaux de recherche, ses campagnes d'information et de mobilisation de la collectivité et ses activités de défense, et qui met tout particulièrement l'accent sur la réduction de l'inégalité et de la pauvreté. Elle fait partie des organisations fondatrices du 25 in 5 Network for Poverty Reduction in Ontario et collabore aussi étroitement avec ses organisations soeurs au sein du Social Planning Network of Ontario, ainsi que d'autres organisations de planification sociale du pays dans le but de combattre la pauvreté et d'autres formes d'inégalité.
Social Planning Toronto se joint à beaucoup d'autres organisations pour demander au gouvernement fédéral de prendre des mesures audacieuses en vue de réduire la pauvreté au pays. Les raisons d'agir sont de plus en plus impérieuses, et les prétextes à l'inaction s'évanouissent.
Premièrement, pour ce qui est des prétextes, le mythe selon lequel la pauvreté serait un problème insoluble a bel et bien été démenti. Plusieurs pays européens, notamment de la Scandinavie, qui ont beaucoup en commun avec le Canada, ont réussi à éliminer la pauvreté grâce à des investissements majeurs auprès des enfants, des mesures de sécurité du revenu et un ensemble exhaustif de mesures d'aide destinées à assurer la productivité maximum de sa population active. Ici au Canada, des initiatives provinciales au Québec et à Terre-neuve ont marqué des progrès importants dans la réduction du taux de pauvreté, en particulier chez les enfants.
Le deuxième mythe — selon lequel nous n'avons pas les moyens de mettre en oeuvre une stratégie robuste de lutte contre la pauvreté — a volé en éclat par suite des événements de la dernière année. La réaction du gouvernement à la crise financière montre que les pouvoirs publics peuvent mobiliser les ressources nécessaires pour relever n'importe quel défi. Ce n'est qu'une question de choix.
Et le choix est clair: nous pouvons payer pour combattre la pauvreté maintenant, sans quoi nous continuerons de payer massivement pendant des générations pour combattre la pauvreté. Ce prix, c'est la perte de productivité et de possibilités, et la recrudescence de la violence familiale. Nous en payons le prix par l'intermédiaire du système de soins de santé et du système de justice pénale, ainsi que sous la forme de demandes croissantes imposées à un système d'aide sociale déjà élimé. Le prix, ce sont les possibilités perdues pour les enfants et leurs perspectives d'avenir réduites, les possibilités d'emploi perdues et la réduction de leur capacité à eux et à leurs enfants de gagner leur vie.
On possède de plus en plus de données qui montrent que le coût de la pauvreté dépasse de loin, en vulgaires termes de dollars, le coût de sa réduction et de son élimination à terme. Un document récent produit par le projet Social Assistance in the New Economy de l'Université de Toronto, en collaboration avec le Wellesley Institute et Social Planning Toronto et intitulé Poverty is making us sick: A comprehensive survey of income and health in Canada, a estimé qu'une augmentation annuelle de 1 000 $, ou une augmentation de moins de 100 $ par mois du revenu des 20 p. 100 de Canadiens au revenu le plus faible, se traduirait par une amélioration notable de leur état de santé et par des économies importantes pour le système de soins de santé.
Une autre conclusion d'une étude connexe intitulée Sick and Tired: The Compromised Health of Social Assistance Recipients and the Working Poor in Ontario, fait état de coûts alarmants. Un assisté social sur 10 en Ontario a envisagé de se suicider dans l'année écoulée. Les tentatives de suicide étaient 10 fois plus nombreuses chez les Ontariens bénéficiant de l'aide social que chez ceux qui ne vivent pas dans la pauvreté. Une autre étude réalisée dernièrement par l'Ontario Association of Food Banks a estimé que le coût de la pauvreté en Ontario se situe entre 10 et 13 milliards de dollars par année pour les gouvernements provincial et fédéral.
L'impératif moral est lui aussi pressant. Malgré les difficultés récentes, le Canada demeure l'un des pays les plus riches du monde. Est-il vraiment justifié de tolérer que l'on laisse au minimum un Canadien sur huit vivre dans la pauvreté lorsque l'on sait que le taux est encore plus élevé parmi les populations racialisées, les personnes handicapées et les Autochtones? C'est une tache inadmissible sur notre réputation nationale et internationale.
Vu les arguments impérieux qui nous pressent d'agir, quelles mesures faut-il prendre? Le document « Blueprint for Poverty Reduction » de l'Ontario, préparé par le Social Planning Network of Ontario et le 25 in 5 Network for Poverty Reduction, réclame une intervention fédérale majeure dans le domaine du logement et du soutien du revenu.
Une réforme majeure du programme d'assurance-emploi est un élément essentiel de tout plan d'action. Plus tôt ce mois-ci, Social Planning Toronto a publié un rapport intitulé Uninsured: Why EI is Failing Working Ontarians.
Voici les principales recommandations du rapport: atténuer les disparités régionales de l'AE en fixant un nombre uniforme et inférieur d'heures y donnant droit; augmenter les prestations; allonger la durée des prestations; assurer l'équité et protéger les travailleurs à faible revenu en éliminant les deux semaines de carence; éliminer la clause de départ volontaire; résoudre la question de l'aide aux travailleurs autonomes, notamment en ce qui concerne les prestations de maternité et les prestations parentales; améliorer l'accès aux mesures d'aide à la formation et à l'emploi en assouplissant les restrictions relatives à la formation; enfin, protéger les travailleurs en période de déclin économique en solidifiant le fonds de réserve de l'AE et en allongeant la période des prestations lorsque le taux national de chômage atteint 6,5 p. 100.
Pour prévenir la pauvreté, il est essentiel d'élargir le programme d'AE. Les personnes qui ne peuvent pas avoir accès à l'assurance-emploi ou dont les prestations prennent fin trop rapidement sont contraintes à se tourner vers un système d'aide sociale inadéquat, qui les contraint à se défaire de leurs actifs, fournit des niveaux de prestations inférieurs au seuil de pauvreté et dresse de multiples obstacles sur la route du retour à un emploi productif. Le maintien de mesures de soutien du revenu à court terme, par l'intermédiaire du système d'assurance-emploi, empêchera bien des Canadiens et des Canadiennes de tomber dans le piège de la pauvreté dont il est si difficile de se sortir.
Le gouvernement peut prendre bien d'autres mesures, dans le cadre d'une stratégie globale concertée pour réduire la pauvreté au Canada. Citons parmi ces mesures: l'établissement d'un programme de garde d'enfants véritablement abordable; une amélioration plus poussée de la prestation fiscale pour le revenu gagné; et une intervention renouvelée du gouvernement fédéral dans la création de logements abordables. Le gouvernement fédéral est, d'autre part, le premier responsable des collectivités autochtones du Canada. Or, un effort concerté pour lutter contre la pauvreté chez les Autochtones par une augmentation majeure de l'investissement dans l'éducation et le logement serait un premier pas important vers la création d'un pays où chacun pourrait vivre à l'abri de la pauvreté.
Les Canadiens et nos gouvernements ont démontré , au cours de l'histoire, qu'ils sont tout à fait capables de se montrer à la hauteur et de relever les défis inhérents à l'édification d'un pays. Le défi de l'élimination de la pauvreté au Canada n'est pas plus ardu que certains des problèmes que nous avons surmontés par le passé. Si le gouvernement fédéral fait preuve d'un leadership fort, il peut faire changer les choses, et il y arrivera.
Merci.
Merci, John.
Nous allons maintenant donner la parole à Mme Grace Edward Galabuzi, membre du comité directeur de la Colour of Poverty Campaign. Nous avons également un mémoire sur la question.
À vous, Grace. Vous avez cinq minutes.
Merci de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité et de discuter d'une question qui préoccupe bon nombre d'entre nous. Nous espérons depuis assez longtemps voir le gouvernement fédéral intervenir sur ce plan.
La Colour of Poverty Campaign (COPC) est une initiative de portée provinciale regroupant des particuliers et des organismes qui travaillent à doter les collectivités de compétences qui les aideront à faire face au problème croissant de la racialisation de la pauvreté et de l’exclusion sociale qui en découle, surtout chez les groupes racialisés dans l’ensemble de la province.
Comme l'ont montré les exposés présentés jusqu'à maintenant, le fossé ne cesse de se creuser entre les riches et les pauvres en Ontario. Cependant, ce que l'on comprend moins bien, c'est que les répercussions de cet écart croissant sont disproportionnées. Ce sont surtout les membres des groupes racialisés de la province, les groupes de couleur, mais aussi les membres des Premières nations, les Autochtones de cette province, qui en ressentent les effets.
La « racialisation » ou le « codage couleur » en hausse de tous les principaux indicateurs socioéconomiques est observable non seulement dans les statistiques sur le revenu et la richesse, mais aussi dans un certain nombre d’autres mesures, dont voici quelques exemples: inégalités sur les plans de l'accès aux soins de santé et de l'état de santé; inégalités en ce qui concerne l'éducation et les résultats scolaires; taux plus élevés de décrochage ou d’expulsion chez les apprenants des groupes racialisés; inégalités sur le plan des possibilités d’emploi; sous-représentation dans les emplois bien rémunérés et stables; et surreprésentation dans les emplois mal rémunérés, précaires et au bas de l’échelle. Dans bien des cas, cela exacerbe les problèmes que connaissent les collectivités, de même que la spirale de la pauvreté intergénérationnelle.
Du côté du logement, on constate qu'il y a davantage de cas de logements surpeuplés et d'itinérance, en plus du retour de ce que l'on appelle les enclaves résidentielles racialisées, en particulier dans la ville de Toronto, mais aussi dans certaines autres villes ontariennes.
Ces expériences de marginalisation et de ségrégation grandissante nous préoccupent. Elles illustrent la pleine réalité de la pauvreté, au-delà des chiffres. Selon nous, il ne faut pas être obnubilé par le seuil de faible revenu ou la mesure de faible revenu; il est important que la réflexion sur la façon d'enrayer la pauvreté aille plus loin et permette de comprendre l'ampleur de l'exclusion et de la dépossession que vivent les membres de groupes racialisés.
On produit de plus en plus de preuves qui viennent confirmer que ces collectivités connaissent un niveau de plus en plus disproportionné de pauvreté. On peut même maintenant qualifier cette pauvreté d'accablante.
Selon le rapport de l’enquête Poverty by Postal Code publié par United Way of Greater Toronto il y a environ quatre ans, entre 1980 et 2000, le taux de pauvreté de la population non racialisée a chuté de 28 p. 100, tandis que celui de la population racialisée a grimpé de 361 p. 100. À la fin de la période visée, 60 p. 100 des pauvres de la ville de Toronto étaient des familles racialisées.
D'autres études, plus récentes encore -- dont une réalisée par la Children’s Aid Society de Toronto, une autre, par People for Education et une autre encore, par la province, Causes de la violence chez les jeunes -- parviennent à des conclusions très semblables quant à la fréquence disproportionnée de la pauvreté chez les populations racialisées de l'Ontario.
Vu cette amère réalité, il est impératif que tous les paliers de gouvernement participent activement à une discussion sur les façons d'atténuer les problèmes liés à la pauvreté et sur les moyens d'éliminer cette pauvreté, particulièrement dans les populations racialisées.
Les collectivités racialisées sont rarement mentionnées dans les débats sur la pauvreté. Souvent, on y revient après coup ou on les camoufle dans les catégories générales des « groupes minoritaires » ou des « immigrants ». Hélas, la tendance des grandes organisations reconnues à parler en termes d'immigration entrave considérablement la compréhension de la pauvreté que vivent les groupes racialisés. Il est absolument essentiel de comprendre que c'est en partie à cause de leur statut racialisé que les groupes racialisés sont vulnérables à la pauvreté. Faute de bien le saisir et de l'établir sans ambages, toute stratégie utilisée aura des répercussions limitées sur la pauvreté que ces gens connaissent.
Voici maintenant une série de recommandations que nous estimons importantes. Premièrement, le gouvernement fédéral doit reconnaître clairement la dimension racialisée de la pauvreté. Selon nous, c'est important pour élaborer des mesures législatives ou des programmes qui s'attaqueront efficacement à la pauvreté des groupes racialisés.
Deuxièmement, nous estimons que l'élaboration de mesures de lutte contre la pauvreté doit reposer sur des données non regroupées. C'est essentiel à la compréhension du vécu réel de la pauvreté et de sa gravité, surtout parmi les groupes racialisés. C'est ainsi que nous pouvons mesurer l'effet des programmes, des politiques et des mesures législatives, mais aussi leurs répercussions possibles.
Il est également important de s'attaquer à la question de la garde d'enfants et, à cette fin, d'établir un programme national de garderies. En effet, surtout pour les femmes racialisées, la pauvreté est liée à l'impossibilité d'obtenir des services de garde d'enfants. Elles sont trop nombreuses à n'avoir ni parents ni grands-parents qui pourraient compenser l'absence de garderies, et trop nombreuses à avoir besoin de places en garderie pour pouvoir participer au marché du travail.
J'ai gardé pour la fin le problème de l'assurance-emploi. En raison de la nature de la participation au marché du travail, qui est très précaire, nous estimons essentiel que le gouvernement fédéral entreprenne des réformes clés garantissant l'accès à des prestations d'assurance-emploi aux personnes qui travaillent à temps partiel, aux employés contractuels et aux personnes qui ont travaillé beaucoup moins d'heures que le minimum actuellement exigé. Il faut veiller à ce que ces personnes aient accès aux prestations. Mais elles doivent aussi avoir accès à la formation qui leur permettra, une fois sur le marché du travail, entre deux emplois, de renforcer leurs habiletés et d'être plus productives à leur retour sur le marché.
Il reste toute une série de recommandations importantes et de problèmes à régler. Ainsi, le gouvernement fédéral doit immédiatement mettre en oeuvre les recommandations du Groupe de travail sur l’équité salariale afin de corriger les iniquités salariales systémiques fondées sur la race, et revenir sur sa décision de retirer au Tribunal des droits de la personne son pouvoir de juger les affaires relatives à l’équité salariale.
Le gouvernement doit envisager diverses stratégies, par exemple, des stages rémunérés, des subventions ou des incitatifs fiscaux à l'intention des employeurs qui s'engagent à adopter des mesures d'équité en matière d’emploi et toute autre mesure susceptible de faciliter l’intégration des groupes racialisés sur le marché du travail. Nous estimons que la participation égale de ces groupes sur le marché du travail est un élément essentiel de la lutte contre la pauvreté.
La dernière recommandation, mais non la moindre, c'est que le gouvernement fédéral, au lieu d’annoncer de nouvelles réductions d’impôt, devrait s'assurer d'être en mesure d'adopter le type de programmes qu'il faut pour établir un bien collectif solide auquel ces collectivités auraient accès.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, Grace.
Il y a un mémoire qui accompagne l'exposé. À la fin, il y a une liste des différents groupes et organisations qui composent le comité directeur de la Colour of Poverty Campaign. J'invite les députés à en prendre connaissance, ainsi que des 10 recommandations qui s'y trouvent, en français et en anglais.
Nous allons maintenant passer à Cathy, qui est infirmière de rue et dont nous allons entendre le point de vue.
Vous disposez de plus ou moins cinq minutes. Allez-y.
Je vous remercie à nouveau de l'occasion qui m'est donnée de témoigner devant votre comité.
Je suis infirmière de rue depuis plus de 20 ans. Je bénéficie depuis six ans de la bourse d'études Economic Justice de l'Atkinson Foundation. Je me suis principalement occupée de problèmes d'itinérance et de la crise du logement abordable de Victoria à St. John's. De plus, je suis la productrice exécutive d'une série de films sur les familles et les enfants sans abri. Le premier film à avoir été terminé s'intitule Home Safe Calgary. J'aimerais le déposer auprès du comité comme élément de mon témoignage, en particulier parce que les enfants y décrivent leur vécu.
M. Miloon Kothari, rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable, a déclaré très clairement que pendant qu'il était au Canada et que nous jouissions d'un excédent fédéral, notre bilan en matière de lutte contre l'itinérance et la pauvreté était largement insuffisant.
La semaine dernière, le premier ministre Harper, lorsqu'il parlait de la Corée du Nord, a déclaré: « Il est profondément troublant qu'un régime souvent incapable d'assurer les besoins de sa propre population investisse tant d'efforts et de moyens dans ses programmes d'armement. »
Il y a à peine un mois, en 2009, le sondage Angus Reid a montré que 51 p. 100 des Canadiens estiment qu'il faudrait retirer la majorité des soldats canadiens de l'Afghanistan avant 2011.
Il y a des signes troublants qui indiquent que le gouvernement fédéral est en train de renouveler sa campagne destinée à canaliser plus de fonds fédéraux vers une mission prolongée. Je suis ici, encore une fois, en tant qu'infirmière de rue, pour dire que je trouve cela très troublant. Ces dernières années, j'ai été témoin de signes aigus et atroces d'aggravation de la pauvreté, et je veux en évoquer quelques-uns devant vous.
L'un d'eux est la dégradation des habitations, dont vous avez sûrement entendu parler, qui fait que les gens croupissent dans des logements endommagés par l'eau, mal chauffés, et infestés par la moisissure et les punaises. Comme quelqu'un l'a déjà signalé au cours de la séance de cet après-midi, les populations autochtones sont touchées de manière disproportionnée par les logements inférieurs aux normes et par l'itinérance. La pauvreté de nos jours signifie souvent l'expulsion, la faim, la dépossession et, comme on l'a mentionné, la mauvaise santé. Les parents qui dépendent des banques d'aliments, nous dit-on, doivent rationner les couches de leur bébé à trois par jour. On observe aussi dorénavant ce que j'appelle le déplacement nocturne forcé des sans-abri d'un sous-sol d'église à l'autre. Le film sur Calgary dépeint ce phénomène qui frappe des familles qui ont des enfants. Pourquoi est-ce que cela se produit? Parce que, il y a à peu près deux mois, la ville n'avait pas encore d'abris pour les familles.
Il y a tellement de personnes âgées qui vivent et meurent dans des refuges. Vous serez peut-être étonnés d'apprendre qu'il y a maintenant des unités de soins palliatifs dans au moins deux villes du pays pour les sans-abri. Des familles de tous les milieux sont actuellement en situation de logement précaire et beaucoup d'entre elles aboutissent dans une chambre ou un refuge. Beaucoup de villes recourent maintenant à des motels pour les loger, des lits d'hôtel à contrat. Aucun de ces refuges ne répond vraiment aux normes de l'ONU pour les camps de réfugiés.
Comparons cela aux 100 millions de dollars par mois que nous consacrons à l'Afghanistan, et dont la plus grande partie va à l'effort de guerre. Voyons comment cet argent est dépensé. Je vais vous donner deux de mes exemples préférés. Un seul obusier pourrait financer le placement en garderie de 180 enfants pendant un an au Québec. Cela représente 450 000 $. Les dépenses effectuées en Afghanistan en 2008 pourraient financer 3 500 nouveaux logements abordables ici. Cela correspond à 1 milliard de dollars. Les dépenses en Afghanistan d'ici à 2011, qui seront de l'ordre de 18 milliards de dollars, pourraient financer pendant neuf ans un programme national de logement, si je me réfère aux dépenses de base antérieures à 1993. Il y a beaucoup d'autres exemples dans mon mémoire.
Ce que je voulais surtout dire ici aujourd'hui — parce que je sais que vous avez entendu beaucoup de solutions et que vous entendrez Michael Shapcott demain et aussi John Andras, de la Recession Relief Fund Coalition —, c'est que les Canadiens veulent ce que j'appelle les dividendes de la paix et qu'ils en ont besoin. On entend par les dividendes de la paix, l'investissement dans les gens et dans nos programmes sociaux. D'ici là, toutefois, la récession que nous vivons exige des dépenses de programmes axées sur le secours aux victimes de la récession. Cela doit comprendre des fonds pour augmenter les prestations d'assurance-emploi. Il faut également ce que j'appelle des secours aux sinistrés, c'est-à-dire des programmes d'alimentation et d'aide sociale. Il faut empêcher les expulsions et améliorer les services d'alimentation et de logement d'urgence pour sauver des vies. J'ai joint à mon mémoire, que vous allez recevoir, le texte plus long d'un discours que j'ai prononcé à Kingston et qui illustre ce contraste.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à tous. Merci d'être venus cet après-midi. J'ai travaillé avec beaucoup d'entre vous à un moment ou à un autre et je sais donc ce que vous faites. Nous nous entendons sur la solution et sur la situation. Je ne vais donc pas mettre en doute votre raisonnement, mais plutôt approfondir un peu plus les détails.
Mario, votre pourcentage d'emploi véritable chez les immigrants diplômés d'université, est-ce que c'était 60 p. 100?
Je voulais le préciser.
En ce qui concerne les programmes pour immigrants, nous avons parlé de leur propre civilisation, de leur langue. Je me demande si la formation linguistique ne devrait pas se limiter à la grammaire, mais aussi inclure la prononciation. Parfois, l'accent vient compliquer les choses. Un des membres de mon personnel suit un cours que vous offrez. C'est utile.
Dans le cadre du travail avec des organisations comme la vôtre, je parle d'un pont vers l'emploi. Une fois qu'on a déterminé le degré d'instruction d'une personne, ses titres, et que l'on a fait les mises à niveau exigées par notre système — que ce soit la langue ou autre chose — il reste encore le gros obstacle de l'emploi, un problème énorme, et c'est ici qu'intervient la question de la race. Beaucoup de gens ne peuvent pas franchir ce seuil.
Est-ce qu'un pont vers l'emploi serait utile? Le gouvernement pourrait subventionner les six premières semaines d'emploi environ pour que l'employeur fasse l'essai de quelqu'un. En plus de la persuasion morale, peut-être faut-il envisager d'autres formes d'encouragement. Je cherche des façons d'abattre cet obstacle. C'est comme enfoncer une porte. Est-ce que ça pourrait marcher?
Pour ce qui est de la langue, à cause du système des points, 68 p. 100 des immigrants parlent l'une ou l'autre des langues officielles. Le problème, ce n'est pas vraiment le vocabulaire ou la syntaxe; c'est la communication. La communication, c'est une interaction humaine complexe. On constate que certains des problèmes relèvent plus de la culture que de la langue. Parfois, les gens qui ont une connaissance poussée de l'anglais ne saisissent pas les nuances de ce qu'ils disent. Étant donné que la majorité des immigrants spécialisés se destinent à des postes dans l'économie du savoir, il leur faut un degré plus élevé de compétences linguistiques. La réponse se situe en fait dans la combinaison de la langue et du travail professionnel sectoriel. Ils doivent apprendre le jargon et la culture propre à leur emploi.
Pour ce qui est de la création d'un pont, je pense que vous avez raison à propos des stratégies qui sont nécessaires. Nous avons constaté que les programmes qui réussissent le mieux sont ceux qui se concentrent sur l'individu. Au lieu d'adopter une démarche universelle, notre programme de transition, le perfectionnement linguistique, le programme des professionnels formés à l'étranger visent tous des professions ou des métiers précis. Ils ont du succès parce qu'ils donnent aussi aux gens l'occasion d'établir des liens au sein d'une profession ou d'un métier. Un des gros problèmes, c'est l'absence de réseaux sociaux pour les nouveaux arrivants.
L'obstacle est encore le vécu canadien. L'idée de subvention que vous avez suggérée a eu du succès par le passé. Le gouvernement fédéral a offert des subventions salariales ciblées.
Pour les jeunes, le programme provincial s'appelle Connexion Emploi; à un moindre degré, il s'adresse désormais aux adultes aussi. On s'en sert pour les professionnels formés à l'étranger, pour les aider à se familiariser avec le vécu canadien. Nous constatons qu'une fois qu'ils ont le pied dans la porte, que ce soit après deux ou trois mois, habituellement l'employeur se rend compte du temps et de la formation qu'il a investis, ainsi que de la contribution du professionnel, et il lui donne un emploi à temps plein.
Bien.
Je veux passer à John Campey pour un instant... eh bien, en fait, à vous tous.
Vous avez dit qu'il faut être audacieux et d'autres ont parlé des sommes que l'on consacre aux militaires et de la vitesse avec laquelle on plonge dans d'énormes déficits à cause de la récession. Je sais qu'on est en train de rescaper de grosses compagnies, mais on essaie aussi de sauver des emplois.
Voici ma question. Je connais la réponse, mais je veux vous l'entendre dire. Devrions-nous, comme pays, nous pencher sur le coût de la pauvreté — comme on l'a dit, les coûts économiques et les coûts de santé? Si on voulait seulement regarder ça, et rien d'autre, si on ne voulait pas considérer les coûts sociaux, mais seulement les coûts économiques...? Pourquoi ne pas tomber dans le même genre de déficit pour mettre tout le monde au pays sur un pied d'égalité, ce qui de toute évidence nous conférerait un immense avantage économique ultérieurement? On semble avoir compris la crise des banques et la fermeture de grandes compagnies, mais on dirait qu'on n'a pas compris que lorsqu'il s'agit...
Qu'est-ce qui nous échappe? Peut-être pouvez-vous me donner une réponse sur la façon de résoudre ça.
Je pense qu'une des énormes frustrations que je ressens, c'est que quand le gouvernement envisage la pauvreté dans l'immédiat et à long terme, il ne semble pas reconnaître qu'un investissement en amont pour réduire la pauvreté grâce aux garderies, plus d'aide pour les gens à faible revenu, des programmes de formation, une plus grande sécurité grâce à un meilleur programme d'assurance-emploi — toutes ces choses — rapportent immédiatement sous forme de réduction des coûts de santé, du système de justice pénale, et ce genre de choses. Mais cela rapporte aussi énormément à long terme. C'est comme investir dans sa maison. Il y a des avantages immédiats à isoler la maison, ou quoi que ce soit d'autre, mais cela rapporte aussi pendant des décennies et des générations. Les gouvernements ont tendance à ne pas regarder loin dans l'avenir quand il s'agit de ces investissements, de leurs effets dans le temps et sur la vie des enfants et celle de leurs enfants à eux.
Il est très frustrant de voir que les pays qui ont adopté une perspective à plus long terme — les pays scandinaves, en particulier, où ces investissements ont été faits sur plusieurs années — en voient aujourd'hui le fruit puisque ce sont aujourd'hui les économies les plus productives du monde avec le plus bas taux de pauvreté, le plus haut taux d'alphabétisme et le standard de vie le plus élevé, compte tenu d'à peu près n'importe quel indicateur de qualité de vie. Les pays qui ont adopté cette perspective à long terme et qui ont investi dans la sécurité des enfants et des familles ont touché d'immenses dividendes sur le plan de la qualité de la vie. Je pense que l'on peut vraiment dire que d'autres pays l'ont fait; on commence à le voir au niveau provincial, alors faisons-en autant à l'échelle nationale.
Je pense que c'est quelque chose de réalisable. Les sondages indiquent que la plupart des Canadiens seraient d'accord. Ils attendent de l'initiative de la part du fédéral. C'est un des principaux résultats d'un sondage réalisé par le Centre canadien de politiques alternatives: 90 p. 100 des Canadiens s'attendent à du leadership de la part du gouvernement fédéral pour éliminer la pauvreté.
[Français]
[Traduction]
Je devrai vous expliquer ce qu'il faut faire. Nous devons mettre nos écouteurs, et c'est au canal un, le parquet étant le canal zéro, puis le français, le canal deux.
[Français]
Monsieur le président, aura-t-on la déposition complète de Mme Crowe? Oui. C'est bien.
Monsieur Campey,...
Je vais essayer, mais je n'ai pas l'habitude.
Monsieur Campey, je vais poursuivre dans le même sens que Mme Minna. Votre discours nous amène à penser qu'il y aurait un bénéfice énorme si on investissait pour aider les gens à sortir de la pauvreté. Des études ont démontré qu'un salaire payé directement par le gouvernement lui revient après trois ans. Autrement dit, un salaire ne coûte rien au gouvernement, au bout d'une période de trois ans. Il y a donc une capitalisation. Le gouvernement peut faire un profit en investissant dans les gens qui vivent dans la pauvreté ou dans une grande pauvreté.
Pourriez-vous nous dire à quel rythme, selon vous, le gouvernement pourrait retirer des avantages financiers d'un tel investissement?
Les études ont démontré que les investissements en éducation et dans les soins aux enfants sont remboursés au moins sept fois au cours de la vie d'un enfant. La pauvreté en Ontario coûte 7 milliards de dollars annuellement en soins de santé et entraîne des dépenses de 0,5 milliard de dollars pour le système de justice criminelle. Je ne sais pas exactement en combien de temps un investissement peut être remboursé, mais je crois que dans plusieurs cas, cela se fait très rapidement.
Au Québec, l'investissement dans le programme de garderies permet à un plus grand nombre de femmes de travailler, ce qui vient rembourser en grande partie les coûts du programme. Je ne connais pas le chiffre exact, mais je pense que c'est le tiers des coûts.
C'est intéressant que vous mentionniez le chiffre sept, car des études ont révélé qu'un sans-abri coûte sept fois plus cher en soins de santé — lorsqu'il vit dans la rue —, que quelqu'un qui vit dans une maison.
Madame Crowe, vous avez donné des exemples intéressants par rapport aux dépenses du Canada en Afghanistan. Pourquoi n'avez-vous pas dit que presque 10 milliards de dollars dorment à la SCHL? Cet argent ne sert à rien, mais il pourrait servir, dans un moment de crise, à aider les sans-abri. Pourquoi n'en avez-vous pas parlé?
Parce que j'ai seulement cinq minutes.
[Traduction]
Demain, je suis sûr que vous entendrez de nombreux exemples de personnes d'accord avec vous sur ce point.
La raison pour laquelle je n'aime pas tellement insister sur l'argument économique pour expliquer pourquoi il faut faire ce qui s'impose, c'est que l'histoire montre que cela ne marche pas toujours. En effet, quand le gouvernement fédéral a annulé le Programme national de l'habitation, il a présumé que le marché privé allait prendre la relève. Or, cela ne s'est pas produit. Je pense que nous devons le faire, parce que c'est ce que la morale impose. C'est ce qui doit être fait. Il s'agit des droits humains, non pas d'économies au titre des soins de santé, parce qu'il y a, à mon avis, bien d'autres avantages tristes et déprimants.
Ainsi, plus nous maintenons certains groupes de nos concitoyens dans la pauvreté, plus les salaires minimums demeurent bas, puisqu'il y aura toujours une catégorie de travailleurs pour occuper les emplois minables dont personne d'autre ne veut. Il y a un trop grand nombre d'autres groupes qui en profitent.
Durant toute ma carrière, je n'ai pas vu de bonnes politiques sociales de lutte contre l'itinérance et la pauvreté élaborées dans une perspective d'économies. Je préférerais que nous nous inspirions de valeurs mondiales, celles des Nations Unies, celles des droits humains.
Au Québec, a-t-on mis sur pied un programme de garderie provincial ou élaboré une si bonne politique de logement simplement pour réaliser des économies, ou est-ce pour des raisons liées à des valeurs culturelles, des valeurs sociales, c'est-à-dire les véritables et bonnes raisons d'agir dans l'intérêt de la population?
[Français]
Merci, madame.
Monsieur Calla, vous avez dit que la recommandation 7 sur l'assurance-emploi devrait être changée. Nous sommes en faveur d'une réforme en profondeur. D'ailleurs, j'ai moi-même présenté le projet de loi C-241, pour supprimer le délai de carence.
Je ne comprends pas pourquoi vous ne proposez rien de plus pour les immigrants qui arrivent au Canada. Ces personnes, tant qu'elles n'auront pas travaillé un certain nombre d'heures — qui serait éventuellement de 360 heures, mais qui est plus élevé en ce moment —, ne pourront pas recevoir des prestations d'assurance-emploi. Compte tenu des 50 milliards de dollars qui ne sont pas distribués, ne pourriez-vous pas être plus exigeant et demander qu'on établisse des conditions particulières permettant aux immigrants de retourner travailler?
[Traduction]
Vous avez tout à fait raison. Je recommande que les critères d'admissibilité pour percevoir les prestations d'assurance-emploi soient modifiés. Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est un problème monumental, car la majorité des immigrants ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi, n'ayant pas été au Canada suffisamment longtemps. Cela étant, même ceux qui sont au Canada depuis un an ou plus n'y sont pas admissibles: 77 p. 100 de chômeurs torontois.
C'est un problème monumental, et je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faudrait modifier le régime pour inclure les nouveaux arrivants.
Il y a 20 ans, la Chambre des communes s'engageait à éliminer la pauvreté chez les enfants. Et il n'y a pas eu de grands progrès depuis. Durant ces 20 ans, nous avons connu une période d'essor économique et une petite récession, mais dans l'ensemble, les années ont été très bonnes.
Fondamentalement, le taux de pauvreté n'a pas baissé. En fait, l'assurance-emploi est devenue beaucoup plus restrictive, si bien qu'un nombre inférieur de travailleurs y sont admissibles maintenant, un nombre nettement supérieur de personnes attendent d'avoir un logement, un nombre encore plus élevé de personnes attendent d'avoir accès à des garderies, etc. Vous connaissez bien ces statistiques.
Les réductions cumulatives des impôts que paient les sociétés depuis 2001 frisent les 60 milliards de dollars. Le Canada doit composer avec un déficit de 50 millions de dollars, qui risque même de s'accroître. Donc, quand la conjoncture est difficile, le gouvernement doit prendre une décision, soit la décision d'augmenter le déficit ou de prendre des mesures en faveur de logements et de garderies à prix abordables, ainsi que de toutes les choses que vous avez évoquées, ou encore d'investir et de trouver de l'argent, soit en creusant davantage le déficit, en empruntant davantage, ou en mettant fin aux baisses d'impôts des sociétés car il trouvera là des sommes considérables.
Peut-être pourrais-je commencer par Cathy Crowe. Est-ce une orientation que vous suivriez? Au-delà des 18 milliards que nous dépensons en Afghanistan actuellement, que vous avez déjà soulevés… en faisant abstraction de cela, mais si les troupes revenaient, peut-être pourrions-nous alors dépenser moins d'argent là-bas. Mais au bout du compte, l'argent doit provenir d'une source quelconque; il faut que l'argent vienne des impôts ou que les déficits s'accumulent, puisque les recettes sont en baisse.
D'où devraient provenir les fonds d'après vous?
Je ne suis pas économiste, et je ne prétends pas être experte en la matière. J'ai soulevé la question des dividendes de la paix, parce que la majorité des Canadiens le souhaitent, à mon avis, et c'était donc un complément à ce que d'autres vous diront.
Je peux simplement vous dire qu'il est très difficile de voir ce que vivent certains, et tout particulièrement les enfants. Il faudra faire des choix difficiles. Augmentation de l'impôt des sociétés ou de la TPS, ce sont là des choix difficiles que le gouvernement devra faire, ou alors il faudra qu'il trouve de l'argent ailleurs.
À Calgary, tous les soirs, des enfants vont d'un sous-sol d'église à un autre. Je sais que nous nous présentons devant vous, polis et bien habillés, et je sais que vous entendez des gens qui viennent faire des exposés formels devant vous, et je suis sûre que vous comprenez leurs motivations. Ces témoins représentent des régions où des mères se tournent, en désespoir de cause, vers des banques alimentaires pour essayer de trouver un moyen de passer toute une journée avec trois couches pour un enfant de deux ans. Vous devez trouver l'argent quelque part.
Je dois m'accorder avec vous sur le fait qu'une des choses qui nous empêchent de combattre systématiquement et sérieusement la pauvreté, c'est la baisse d'impôts qui sape la capacité du gouvernement à prendre une action publique, et je ne parle pas seulement des deux derniers gouvernements, mais des 10 à 15 dernières années. Nous ne pouvons pas mettre en œuvre une stratégie antipauvreté globale à l'échelon fédéral, ni même à l'échelon provincial, sans la participation du gouvernement fédéral, et nous ne pouvons pas le faire si nous continuons de perdre notre capacité à cause des réductions d'impôts.
Je voudrais dire un mot ou deux sur ce point. D'abord, vous avez dit que que de 1989 — année où le Parlement du Canada a pris l'engagement d'éliminer la pauvreté chez les enfants — jusqu'à maintenant, vous n'avez pas constaté de progrès notable. Or nous avons constaté un changement dans la composition des pauvres. En effet, le profil des personnes pauvres a changé, et c'est pourquoi je crois qu'il est crucial que nous parlions de l'expérience de ceux qui subissent la pauvreté de façon disproportionnée. C'est le cas des groupes racialisés. Si nous ne nous attaquons pas à ce problème, les incidences sociales seront nettement plus graves. C'est ce qui est ressorti de façon très claire du rapport sur la violence chez les jeunes. Il ne s'agit pas simplement d'une question d'égalité entre les citoyens, mais il est aussi question d'un risque de détresse sociale, d'abord au sein de ces collectivités, mais plus tard, au sein de l'ensemble de la société. Je ne pense pas que nous puissions nous pencher sur ce problème sans tenir compte que de la perspective des coûts: je pense que nous devons également examiner les coûts en termes de cohésion sociale.
Je dois avouer que je suis déçue que ce problème n'ait pas été débattu à fond comme je l'aurais souhaité. Je suis particulièrement déçue du gouvernement fédéral qui ne s'y est pas attaqué jusqu'ici.
Je m'associe sans réserve aux propos de Grace-Edward et de Cathy. J'ajouterais cependant que la politique fiscale canadienne des 20 dernières années a systématiquement privilégié la réduction du fardeau fiscal de la transche supérieure composée de 20 p. 100 de la population au détriment de la qualité de vie de la tranche inférieure composée de 20 p. 100 de la population. Face à une situation où le sort de la tranche supérieure de 20 p. 100 s'améliore de façon considérable et que celui de la tranche inférieure de 20 p. 100 se détériore de façon notable, il faut impérativement réformer le régime fiscal pour y réintégrer un degré d'équité et pour que la capacité du gouvernement à offrir le genre de programmes que tous les Canadiens réclament ne soit pas érodée comme cela a été le cas au cours des deux dernières décennies.
J'allais justement vous demander pourquoi il en est ainsi, mais je pense que je n'ai plus le temps de le faire.
Nous aurons peut-être l'occasion de poser encore une question avant de terminer et je vous invite donc à réfléchir à une question que vous voudriez poser.
Je voudrais toutefois poser rapidement deux questions et je ne prendrai peut-être même pas la totalité de mes sept minutes. J'occupe le fauteuil de la présidence à titre de député conservateur.
Je vais commencer par Mario. C'est peut-être vous qui voudrez répondre à cette question, ou peut-être les autres. Mais que pensez-vous des programmes des candidats des provinces? Vous pouvez parler au nom de l'Ontario, ou vous savez peut-être ce qu'il en est dans les autres provinces, mais est-ce que ces programmes fonctionnent? Atteignent-ils les buts visés? C'est ma première question.
Ensuite, je voudrais en savoir un peu plus sur les séances d'information facultatives à l'étranger que vous avez mentionnées. Je pense que vous avez laissé entendre qu'on les rendrait obligatoires, surtout pour ceux qui sont dans la catégorie des travailleurs qualifiés. Je vous invite à commenter cela également.
Mais premièrement, au sujet du programme des candidats des provinces, vous pourriez commencer par nous dire quelle est votre impression de ce programme, si vous en avez parlé avec vos homologues des autres provinces.
Non, je n'ai pas beaucoup d'information sur l'ensemble du pays, mais je sais toutefois que les provinces ont mis vraiment beaucoup de temps à mettre sur pied le programme des candidats des provinces. Ces personnes représentent un faible pourcentage de l'immigration totale, mais ce chiffre augmente. L'intention au départ est de cibler certaines professions et d'accélérer le traitement des dossiers de ces candidats, mais je n'ai pas constaté de résultats sensationnels, assurément pas à hauteur de ce que nous avions prévu au départ.
Quant à la préparation des candidats à l'étranger, il faut signaler que de 50 à 60 p. 100 des immigrants sont dans la catégorie des travailleurs qualifiés. Ces personnes arrivent ici déjà qualifiées. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si elles ne trouvent pas un emploi rapidement, les résultats de recherches indiquent qu'une personne qui passe plus d'un an et demi sans travailler dans sa profession ne trouvera vraisemblablement jamais un emploi dans son domaine. Nous disons donc que c'est bien beau, cette initiative dans les trois pays où le gouvernement fédéral a des bureaux, mais il faut en faire plus.
Quand l'agent des visas avise une personne qu'elle a reçu l'autorisation d'immigrer au Canada, il faut habituellement de quatre à six mois pour les examens médicaux et tout le reste. Ces personnes devraient passer une entrevue avec des personnes compétentes qui examineraient leurs titres et qualités et nous feraient parvenir les renseignements pour obtenir les équivalences et une opinion sur la valeur de leurs titres au Canada, et aussi pour avoir une idée des chances de se trouver un emploi dans leur profession au Canada et établir des liens avec des organisations comme COSTI et d'autres qui pourraient les aider.
Nous le faisons déjà par l'entremise de ces trois bureaux. Nous avons des relations. Ils nous envoient des courriels et nous communiquons avec ces personnes, mais ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan quand on songe qu'il y a entre 100 000 et 120 000 immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés. C'est pourquoi je fais cette suggestion.
Est-ce parce que les gens, si on leur donne le choix et si c'est facultatif, sont tellement occupés et ont tellement hâte de déménager, et tout le reste? Ou bien n'est-ce tout simplement pas offert?
M. Mario Calla: Ce n'est pas...
Le président suppléant (M. Maurice Vellacott): C'est offert quelque part.
Premièrement, c'est seulement à Manille, à New Dehli et dans une ville de Chine, et c'est donc un programme limité. Je ne sais pas quel est le pourcentage des gens invités qui se rendent vraiment à ces séances. C'est seulement de l'information. Je fais un pas de plus et je propose qu'on prenne en charge ces personnes et qu'on leur donne du counselling pour les aider à vérifier leurs titres et diplômes.
Cela me semble une très bonne suggestion.
J'ignore si quelqu'un veut ajouter autre chose sur mes questions portant sur les candidats des provinces ou la suggestion de Mario. Si vous avez une question, nous pourrons avoir des discussions sur divers sujets, au besoin, en terminant.
Nous allons commencer par Maria, et ensuite nous entendrons Christian et Olivia.
J'aurais une question à poser à M. Galabuzi, très rapidement.
Dans votre exposé, vous avez parlé de données non regroupées. D'autres ont évoqué tout à l'heure l'importance de recueillir ces données. Vous avez fait d'autres recommandations. Vous avez notamment recommandé de calculer ce qu'il en coûterait de ne rien faire. C'est une manière intéressante d'envisager le problème. Je pense que cela revient à ce que disait tout à l'heure M. Campey. Je ne pense pas que nous l'ayons jamais fait. Je ne sais trop comment l'on s'y prendrait, mais je suis certaine que les économistes trouveraient une manière de le faire.
Savez-vous si des études ou des travaux ont été réalisés à ce jour, peut-être pas sur la problématique d'ensemble, mais sur des initiatives particulières, sur le coût par défaut? C'est ma première question. Je m'adresse à tous les témoins, y compris le représentant de COSTI, car je crois que vous faites ce genre de travail.
Deuxièmement, nous entendons constamment dire que les données manquent et qu'il n'est pas aussi facile de trouver des données non regroupées. Je ne suis pas sûre d'être d'accord avec cela, mais je me demande si certains d'entre vous le sauraient ou auraient fait des recherches et seraient en mesure de nous dire si c'est en fait beaucoup plus accessible que nous ne l'imaginons.
Des travaux ont été faits aux États-Unis sur ce qu'il en coûte de ne pas s'attaquer aux problèmes de la pauvreté. À ma connaissance, aucune recherche n'a été faite dans le contexte canadien pour répondre à cette question.
Mais je voudrais faire deux suggestions. Premièrement, je crois qu'il faudrait de l'argent pour faire ce travail.
L'hon. Maria Minna: Je suis d'accord.
Mme Grace-Edward Galabuzi: Je pense que le gouvernement fédéral peut prendre l'engagement de financer de tels travaux. Deuxièmement, je pense qu'il faut aller au-delà de ce qu'il en coûte en dollars de ne pas faire ce que nous devons faire.
Je suis d'accord avec vous. Je pense que le coût économique ou financier est important, mais le coût social est particulièrement important.
Dans le rapport sur la violence chez les jeunes, on dit que si de telles inégalités raciales persistent et continuent de s'aggraver, le tissu social de l'Ontario sera étiré au-delà du point de déchirure. Je pense que l'argument des auteurs est que nous devons nous inquiéter, en l'occurrence, d'un fossé croissant comportant une dimension raciale. Dans beaucoup de sociétés du monde, lorsque cette dimension s'incruste dans la problématique, il devient très difficile d'inverser la tendance.
Au sujet des données non regroupées, je pense qu'il y a des données que nous pouvons utiliser. Je n'accepte pas la proposition voulant que nous ne pouvons pas effectuer les mesures dont nous avons besoin faute de données, mais je pense que nous pouvons raffiner les données qui existent. Un certain nombre d'organisations et d'institutions expérimentent diverses manières de recueillir ces données. Ce qu'il importe de retenir, c'est que nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes de soins de santé, nos problèmes d'éducation, nos problèmes de pauvreté si nous ne savons pas précisément quelle est la nature de ces problèmes.
Comme vous avez répondu à ma question précédente — et si quelqu'un d'autre veut le faire, il peut ajouter quelque chose, et si vous ne voulez pas, ça va — dans quelle mesure est-ce que Multiculturalisme Canada vous aide actuellement, ou vous a aidés ces derniers temps dans ce domaine? C'est vraiment la vocation de ce service. Il s'agit d'intégration. C'est son mandat, ou c'est censé l'être si vous lisez la Loi sur le multiculturalisme. Savez-vous si ce ministère fait du travail dans ce domaine actuellement?
J'en déduis que non, alors ça va. Je comprends.
[Français]
Merci.
Monsieur Campey, sauf erreur, vous avez dit un peu plus tôt qu'il y avait 10 fois plus de gens qui se suicident parmi les pauvres que parmi les autres groupes de la population active. Avez-vous dit cela?
Nous avons effectué une étude qui montre qu'en Ontario, les personnes qui reçoivent de l'aide sociale sont 10 fois plus susceptibles d'essayer de se suicider que les personnes qui ont un emploi.
Avez-vous fait une étude qui indiquerait quels sont les coûts pour l'État, en termes du coût du cycle de vie, quand il perd une personne qui s'est suicidée parce qu'elle n'avait pas de travail?
Je le crois. Nous venons tout juste de compléter cette étude, mais nous trouvons que ce fait est suffisamment écoeurant. Il y a clairement un coût financier, mais le coût sociétal et moral est très élevé.
[Traduction]
Merci.
Pour faire suite à ma première question, de toute évidence il n'y a pas eu beaucoup de volonté politique ces 20 dernières années, sinon les choses auraient changé. Que peut faire votre groupe pour susciter le genre de volonté politique qu'il faut pour commencer à s'attaquer à certains de ces problèmes? Peut-être vais-je revenir là-dessus. Si vous pouviez répondre très brièvement.
Je pense que le gros problème est d'établir le lien entre les impôts et les services. Chaque fois qu'on en discute, c'est comme s'il n'y avait pas de lien entre les deux. Ça me préoccupe vraiment parce que, pour revenir à votre question précédente, il est maintenant question d'un déficit de 50 milliards de dollars. Le gouvernement prévoit des déficits pour les cinq prochaines années, je crois, et je sais que cela va finir par toucher le travail que nous faisons. Je sais que cela va avoir des effets sur ceux qui vivent dans la rue. Mais à aucun moment il n'a été question, quand le ministre Flaherty a parlé de compressions de 50 milliards de dollars, du fait que nous sommes acculés au mur car nous avons abaissé la TPS de 2 p. 100. Des milliards de dollars se sont évaporés. C'est pourquoi le déficit est de 50 milliards. Si cet argent était injecté ici, ce serait moins grave. Je pense que le lien est là, et qu'il descend jusqu'à la rue.
Il y a deux semaines, je me suis entretenu avec des personnes qui reçoivent des soins de santé mentale et nous avons parlé de l'importance des liens pour conserver sa santé mentale. Une femme a dit: « Vous savez, des amis me téléphonent pour me proposer d'aller prendre un café. Je n'en ai pas les moyens et je trouve un prétexte pour ne pas sortir, et après un certain temps, ils cessent de m'appeler. » C'est ça l'effet: les gens n'ont pas les moyens de se payer une tasse de café. Ces 2 p. 100 de la TPS ne veulent peut-être rien dire pour quelqu'un qui a un bon revenu, mais cette personne ne sortira pas et ne s'achètera rien, de telle sorte que la réduction de la TPS n'a aucun sens pour elle.
C'est donc ce lien entre les services et les taxes qui, pour une raison quelconque, est oublié chaque fois que cette discussion a lieu.
Pour compléter ce que Mario a dit, les Canadiens à faible revenu dépendent de manière disproportionnée des services publics. Et quand, au détriment des services publics, on choisit les réductions d'impôts dont ces gens ne peuvent profiter, ça ne fait qu'exacerber la situation des pauvres. C'est particulièrement le cas des populations racialisées, comme les femmes racialisées à faible revenu, qui ont désespérément besoin de places en garderie pour avoir accès au marché du travail. Une réduction d'impôt ne peut pas compenser cela.
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