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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 035 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 1er juin 2009

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la contribution fédérale à la réduction de la pauvreté au Canada. Notre 35e séance a lieu ici, à Toronto.
    À titre d'information pour nos témoins, nous nous sommes rendus à Halifax, à Moncton et à Montréal, et nous sommes ici, à Toronto, pour quelques jours. À l'automne, je l'espère, nous nous rendrons dans l'Ouest canadien.
    Je tiens à vous remercier tous d'être venus aujourd'hui, malgré vos horaires chargés, nous parler un peu de ce qui se passe dans les organismes dont vous vous occupez et nous faire des suggestions sur la façon d'améliorer notre travail au niveau fédéral.
    Nous allons commencer par Wendy Campbell, de Canadian Business for Social Responsibility. Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être ici.
    Vous aurez chacun cinq minutes pour faire votre déclaration. Si c'est possible, essayez de vous limiter à cela, mais si vous dépassez légèrement le temps prévu, nous vous laisserons, bien entendu, terminer votre déclaration. Nous comprenons qu'il est difficile de tout dire en cinq minutes, mais nous vous remercions de respecter le plus possible le temps prévu.
    Nous allons commencer par Wendy. Vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
    Canadian Business for Social Responsibility est une association professionnelle nationale sans but lucratif qui compte plus de 100 membres corporatifs. À titre de source de responsabilité sociale corporative reconnue dans l'ensemble du Canada, nous soutenons nos sociétés membres pour qu'elles améliorent leurs rendements social, environnemental et financier et qu'elles rendent le monde meilleur.
    Nous mobilisons les entreprises par l'entremise de nos trois secteurs d'activité. Nos services aux membres offrent des conseils désintéressés, de l'apprentissage et des événements de réseautage, ainsi que l'accès à un réseau international de leaders en matière de responsabilité sociale corporative. Dans nos services consultatifs, les clients bénéficient de services de consultation d'experts pour l'investissement stratégique dans les collectivités, profitent de l'engagement des intervenants, obtiennent de l'élaboration stratégique, des évaluations de responsabilité sociale corporative, des repères, ainsi que des conseils concernant le changement climatique, la gouvernance, les rapports et les communications. C'est moi qui suis responsable des programmes pour notre organisme. Nous offrons deux programmes qui poussent les entreprises à agir concernant les problèmes de la pauvreté, de l'employabilité, du sans-abrisme et des jeunes à risque. Ce sont les programmes Seeing is Believing et Ready for Work.
    Aujourd'hui, j'aimerais vous parler du programme Ready for Work. Il s'agit d'un modèle national d'investissement des gouvernements, des entreprises et de la collectivité dans l'expérience professionnelle et dans la formation axée sur les compétences des personnes marginalisées. C'est un programme géré, coordonné et mesurable pour réduire la pauvreté partout au Canada.
    On prévoit que les taux de pauvreté du Canada vont croître au cours de la crise économique actuelle. Les groupes surreprésentés sont notamment les nouveaux Canadiens, les Canadiens autochtones, les familles monoparentales, les femmes et les minorités visibles. La persistance de la pauvreté affectera disproportionnellement les enfants. La pauvreté est la principale cause du sans-abrisme, de la mauvaise santé, des problèmes de santé chroniques, des taux d'éducation plus faibles et des taux de mortalité plus élevés. Ensemble, les effets combinés de la pauvreté ont un impact négatif sur tous les Canadiens en augmentant les coûts sociaux et en réduisant le potentiel économique de notre pays. Si chaque groupe est aux prises avec une gamme de problèmes, ils sont cependant tous affligés par le même manque d'employabilité.
    L'intégration des personnes marginalisées dans la population active doit être axée sur les partenariats et les programmes d'employabilité à long terme, et non sur le financement de courte durée. Plus il y aura de personnes qui quitteront l'aide sociale pour devenir indépendantes financièrement et des contribuables, plus cet investissement rapportera.
    Le programme Ready for Work est exploité au Royaume-Uni par notre organisation soeur, Business in the Community. Canadian Business for Social Responsibility exploitera le programme canadien à titre de licencié de Business in the Community. Le programme Ready for Work inclut quatre phases et une démarche à long terme. Les clients sont inscrits officiellement et reçoivent une introduction au programme concentré sur les aptitudes au travail et à la vie quotidienne, participent à la formation pré-emploi, puis sont affectés à un placement professionnel qui tient compte de leur expérience et de leurs intérêts. Les clients accomplissent un placement professionnel d'une durée de deux à quatre semaines dans une entreprise et ils sont placés avec un compagnon qui les guide au jour le jour. À la fin du placement, les clients reçoivent une lettre de recommandation et une attestation de rendement. Ils sont ensuite jumelés à un formateur en milieu de travail pour six mois. Ce formateur est aussi un bénévole du secteur des entreprises qui rencontre régulièrement chaque client pour l'aider dans sa recherche d'emploi.
    Les solutions aux problèmes de la pauvreté devront absolument comprendre la participation des entreprises, du gouvernement et des organismes communautaires. Malheureusement, il peut être difficile de se déplacer dans le paysage des PPP à cause de la compréhension mutuelle limitée qui règne entre les secteurs. Les organismes communautaires sont des experts de la prestation de services et du soutien des clients, mais ils fonctionnent avec des cycles de financement limités et leurs ressources sont de plus en plus rares. Cela met en difficulté la capacité du secteur d'offrir des programmes stables et efficaces et entrave sa capacité d'offrir des engagements de partenariat de longue durée.
    Si la plupart des entreprises conviennent que la pauvreté est un problème urgent, elles n'ont pas non plus les connaissances, les compétences et l'expérience pour naviguer dans ce secteur déroutant et disparate avec sa grande variété d'organismes communautaires et ses nombreuses variantes de programmes et d'initiatives. Par conséquent, il y a un rôle crucial à jouer pour un courtier offrant une solution précise avec un réseau existant de partenaires corporatifs et la capacité de mesurer la réussite en termes d'augmentation des pourcentages de personnes marginalisées qui obtiennent du travail et qui vivent de façon indépendante.

  (1110)  

    Seul CBSR est doté de l'expérience intersectorielle requise pour combler l'écart entre les entreprises et la collectivité. Il a été démontré que notre leadership dans le secteur des services sociaux et le secteur des affaires mobilise les entreprises à un niveau stratégique et produit un vrai changement social. Le programme Ready for Work est un modèle éprouvé et rentable.
    Depuis 2002, au Royaume-Uni, le programme Ready for Work soutient plus de 3 500 clients. Environ 1 500 ont obtenu un emploi, et plus de 800 ont été employés au moins pendant six mois. En 2009, plus de 142 entreprises soutiennent le programme en offrant du placement professionnel, des services de formateurs en milieu de travail et des milieux de formation. De plus, 283 projets pour les sans-abri et d'autres organismes d'employabilité orientent les clients dans l'ensemble du Royaume-Uni.
    Le gouvernement peut être un chef de file en établissant des partenariats avec les provinces, les organismes communautaires et les entreprises. Les entreprises doivent jouer un rôle clé en fournissant des emplois, de la formation et du soutien par l'entremise de leur programme de responsabilité sociale. Toutefois, notre expérience indique qu'il faudra un investissement direct du gouvernement fédéral et des provinces pour soutenir une initiative d'emploi nationale.
    La participation et le leadership des entreprises vont croître à mesure que leur engagement générera des avantages, par exemple en améliorant leur réputation, en aidant le regroupement d'intervenants multiples, en améliorant les perspectives économiques communautaires et, bien entendu, en favorisant un bilan plus sain. L'un des principaux facteurs de réussite du Royaume-Uni est son modèle de financement de PPP. Pour l'avenir, l'une des priorités clés doit être d'assurer l'accès à du travail gratifiant pour tous ceux qui en veulent. En construisant des ponts entre les secteurs et en lançant le programme Ready for Work, nous ferons le saut crucial pour sortir les personnes marginalisées de la rue et les intégrer à la population active.
    Merci.

  (1115)  

    Merci, Wendy.
    Nous allons maintenant donner la parole à Melanie Simons, du Congrès juif canadien.
    Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
    C'est pour moi un très grand plaisir d'avoir été invitée à venir témoigner au nom du Congrès juif canadien, ou CJC.
    À titre de principal organisme de défense des intérêts des communautés juives à l'échelle du pays, le CJC tient à remercier le Parlement du Canada de son leadership pour reconnaître le fléau de la pauvreté pour ce qu'il est et pour s'attaquer à ce problème de façon très concrète.
    La communauté juive lutte contre la pauvreté au Canada d'une façon qui s'inspire à la fois de nos valeurs canadiennes et de nos valeurs juives, ainsi que de notre expérience à titre de communauté affligée par la pauvreté. Le point de vue global mais distinct de la communauté juive repose sur une approche fondée non pas sur les oeuvres de bienfaisance, mais plutôt sur le respect des droits universels de la personne et de la dignité humaine. Cette approche reconnaît implicitement qu'il existe des droits fondamentaux qui doivent être garantis dans une communauté civilisée. Ces droits sont énoncés dans les pactes internationaux comme la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais ils découlent également des fondements moraux des plus grandes religions du monde, ce qui rend une intervention par groupes confessionnels tout à fait appropriée.
    Pendant bien des décennies, le CJC et les fédérations juives qui représentent les collectivités locales de tout le pays ont lutté pour réaliser concrètement la vision d'un Canada libre de pauvreté. Notre travail a aidé les Juifs et les autres communautés minoritaires à réaliser leur droit de vivre comme des citoyens à part entière dans notre pays. Ce travail a renforcé nos villes, provinces et territoires et notre pays. Comme l'a fait remarquer feu Louis Lenkinski, chef syndical et bénévole canadien de la communauté juive, il ne peut y avoir de justice pour les Juifs tant qu'il n'y a pas de justice pour tout le monde.
    Selon la tradition juive, il y a deux concepts d'égale importance. L'un est le tikkun olam, le commandement éthique selon lequel les Juifs acceptent la responsabilité d'améliorer la situation dans le monde; à ce concept s'ajoute l'observation du Talmudic, selon lequel il ne revient pas à l'humanité de compléter le travail du monde, mais nous ne devons pas non plus nous en laver les mains. Le sentier est clair et les difficultés et les possibilités sont grandes.
    La communauté juive a réussi historiquement à mettre au point et en oeuvre des programmes et services pour contrer la pauvreté. Nous avons appris que chaque communauté a des besoins uniques et qu'une solution unique a peu de chance de réussir. Les leçons apprises avec le temps nous permettent de nous rendre compte qu'une démarche multidimensionnelle intégrée entre plusieurs organismes et soutenue par un leadership communautaire peut être très efficace pour réduire la portée de la pauvreté au sein de la communauté.
    À cette fin, les fédérations juives de tout le pays ont créé des interventions communautaires pour lutter contre la pauvreté. Les fondations juives canadiennes ont pour mission de préserver et d'améliorer la qualité de vie des Juifs au Canada, en Israël et à l'échelle mondiale grâce à leur leadership philanthropique, bénévole et professionnel. Vous trouverez dans notre mémoire quelques exemples de nos initiatives d'intervention récentes au pays; je ne vais donc pas entrer dans les détails. J'aimerais plutôt essayer de donner un visage à la pauvreté dans notre communauté. Je pense qu'il est important de le faire, car comme l'a écrit Jim Torczyner, professeur à l'Université McGill: « Les Juifs vivant dans la pauvreté sont une minorité parmi les Juifs parce qu'ils sont pauvres, et une minorité parmi les pauvres parce qu'ils sont Juifs. Ils souffrent de sous-représentation dans les deux communautés. » C'est aussi vrai parce que les Juifs ont toujours été considérés dans la société occidentale comme étant prospères et autonomes sur le plan financier et ayant une solide tradition de philanthropie et de réseaux de services sociaux. Ces perceptions découlent de la philosophie juive, qui met beaucoup l'accent sur l'éducation et l'aide aux personnes défavorisées. Toutefois, malgré ces perceptions et les efforts de sensibilisation des organismes sociaux et des militants, la pauvreté continue de toucher notre communauté.
    J'aimerais vous lire trois études de cas qui m'ont été soumises par la United Jewish Appeal Federation of Greater Toronto.
    Il y a d'abord Ari, un homme de 62 ans qui s'est inscrit au centre d'orientation Jewish Vocational Services, ou JVS, à l'automne 2008. Ari et sa conjointe ont déjà été propriétaires d'une entreprise prospère comptant plus de 10 succursales en Amérique du Nord. Toutefois, un ensemble de facteurs a contribué à mener l'entreprise au bord de la faillite. Quand il est arrivé au centre, Ari était fragile sur le plan physique et était prêt à tout pour ne pas perdre les derniers biens matériels qui lui restaient. Pour joindre les deux bouts, il occupait un emploi épuisant sur les plans physique et psychologique, ce qui a eu de lourdes conséquences sur sa santé et son estime de soi. Avec le soutien du personnel des JVS, Ari a trouvé un emploi sûr et bien rémunéré en gestion de commerce au détail et il s'en est sorti.
    Il y a ensuite Irina et Alex. Ils approchent de la quarantaine. Irina est psychiatre et vient de l'Argentine. Son mari est ingénieur agricole. Ils ont deux filles et un garçon. Comme le font 650 familles juives chaque année, ils sont venus s'installer à Toronto dans le but de s'assurer une vie meilleure. Lorsqu'ils sont arrivés, ils n'avaient pas d'amis, parlaient peu anglais et n'avaient aucun revenu. Leur famille était très isolée. Ils ont reçu de l'aide financière des Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs de Toronto pour payer le loyer et la nourriture, ainsi que pour envoyer leurs enfants à l'école juive. Avec l'aide de la communauté, ils sont redevenus autonomes. Irina a une bourse de recherche en pédopsychiatrie, et Alex travaille dans son domaine.

  (1120)  

    Rebecca a 23 ans et étudie à l'université. Elle était première de classe jusqu'à ce que son père perde son emploi et presque tous ses biens à cause de la crise économique. Quand son père l'a menacée, Rebecca a demandé l'aide de l'organisme Jewish Family and Child Services. Comme son père souffre de dépression, n'a plus d'espoir de s'en sortir et use de violence verbale et psychologique, Rebecca ne sait pas quand il va craquer. Elle lui donne une partie de l'argent qu'elle obtient grâce au RAFEO pour qu'il puisse survivre. Maintenant, à l'université, elle arrive à peine à obtenir la moyenne. La pression est trop forte; elle reçoit actuellement du soutien psychologique de Jewish Family and Child Services, et l'agence s'apprête à prendre contact avec son père pour lui offrir des services de soutien en santé mentale et une évaluation de son état physique.
    En conclusion, j'aimerais souligner que la pauvreté est une question complexe qui traverse les limites ethnoculturelles et religieuses et exige des solutions multidimensionnelles. Aucune solution universelle n'est viable. Toutefois, puisque des stratégies de réduction de la pauvreté provinciales sont déjà en place en Ontario, en Nouvelle-Écosse, au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador, le gouvernement fédéral a un rôle essentiel à jouer pour créer une stratégie nationale d'ensemble et éradiquer la pauvreté.
    Encore une fois, au nom du Congrès juif canadien, je tiens à remercier le président, les vice-présidents et les membres de ce comité important de nous avoir donné l'occasion de contribuer à l'élaboration d'une stratégie nationale pour éradiquer la pauvreté au Canada.
    Merci, madame Simons.
    C'est maintenant au tour de Mme Beverley Wybrow, de la Fondation canadienne des femmes.
    Je vous souhaite la bienvenue. Vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
    La Fondation canadienne des femmes est la seule fondation publique nationale au Canada dont la mission est d'aider les femmes et les filles à réaliser leur plein potentiel économique et social. Nous investissons dans le pouvoir des femmes et les rêves des filles. Nous levons des fonds dans le secteur privé, auprès de corporations, de personnes et de fondations, afin d'effectuer des recherches sur les meilleures pratiques destinées à aider les femmes à faible revenu à sortir de la pauvreté, à mettre fin à la violence faite aux femmes et à accroître la résilience des jeunes filles, des recherches que nous finançons et que nous partageons ensuite.
    La Fondation, qui se classe parmi les 10 plus grandes fondations de femmes au monde, a déjà amassé plus de 31 millions de dollars et soutenu plus de 825 programmes un peu partout au Canada.
    Jusqu'à maintenant, nous avons investi plus de 10 millions de dollars dans le développement économique afin d'aider les femmes à faible revenu du Canada à se sortir de la pauvreté. Cet investissement prend la forme de subventions quinquennales; d'évaluations; de formation sur le travail autonome et la valeur sociale des entreprises; de soutien aux personnes en formation préalable à l'apprentissage et de programmes de rétention pour les femmes dans les emplois en technologie et les métiers spécialisés.
    Avec nos boursiers et nos évaluateurs externes, nous sommes des pionniers du développement et de l'établissement de modes de vie durables; nous favorisons une approche positive et holistique fondée sur les avoirs dans la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation de nos programmes. Nous avons déjà formé plus de 100 femmes grâce à nos programmes de développement économique un peu partout au Canada.
    À l'automne 2008, nous avons lancé la campagne Les femmes s'entraident, les femmes s'en sortent, le plus important mouvement d'entraide national pour aider les femmes à sortir de la pauvreté. Ce programme mise sur le pouvoir philanthropique d'une femme de pousser une autre femme à entreprendre son combat contre la pauvreté. Il vise à convaincre 2 500 personnes de donner 2 500 dollars sur cinq ans afin d'aider 2 500 femmes à faible revenu à se sortir de la pauvreté. En tout, cette campagne permettra de recueillir 6,2 millions de dollars au cours des prochaines années.
    Je tiens à souligner, cependant, que bien que la philanthropie privée ait un rôle très important à jouer, elle ne remplacera jamais le rôle critique des gouvernements. Il faut vraiment que nous unissions tous nos forces.
    Une évaluation minutieuse de notre travail de développement économique au cours des 18 dernières années montre que quand on aide des femmes, elles aident leurs enfants, leur famille et leur communauté, ce qui a des effets sociaux et économiques très puissants.
    Nos 18 ans d'expérience nous portent à mettre en relief quelques éléments critiques de la contribution du gouvernement fédéral à la réduction de la pauvreté au Canada.
    La pauvreté des femmes est disproportionnée. La stratégie doit donc viser les femmes, particulièrement celles qui sont le plus marginalisées. Elle doit faire des différences entre les sexes.
    La pénurie de services de garde de qualité pour les enfants constitue un obstacle important à la participation des femmes à l'économie. Pour être efficace, toute stratégie de réduction de la pauvreté doit favoriser des services de garde souples ou adaptés aux conditions du marché local et tenir compte des responsabilités des femmes à l'égard des enfants. Il est essentiel de nous doter d'une stratégie nationale sur la garde des enfants.
    Le travail destiné à sortir les femmes de la pauvreté est un travail de longue haleine qui nécessite une vision holistique. Il faut favoriser des modes de vie durables, aider les femmes à miser sur leurs forces plutôt que de voir les femmes pauvres comme un problème. Il faut tenir compte de tous les types d'avoirs: financiers, personnels (comme la confiance en soi), le réseau social, les biens physiques comme le logement et les aspects humains, comme l'éducation.
    Il faut de toute urgence investir dans la formation et le perfectionnement des femmes en tenant compte de ce qui suit. Il faut augmenter le financement des programmes de développement économique, de formation à l'emploi et de perfectionnement destinés aux femmes pour qu'elles aient accès à du financement. Ces programmes doivent jouir de fonds stables pour plusieurs années. De plus, l'admissibilité à l'assurance-emploi doit cesser d'être un prérequis pour l'accès à la formation. Il faut de l'aide structurelle: des services de garde des enfants, de soutien au revenu et le remboursement des frais de santé et de transport. Il faut enfin investir dans les services de transition en matière d'emploi et les programmes de formation préalables à l'apprentissage et miser davantage sur l'éducation en matière financière.
    L'accès à l'assurance-emploi est déficient. Il faut l'adapter davantage aux modes de travail rémunéré des femmes, aux responsabilités familiales et aux besoins de soutien du revenu. Pour cela, il serait nécessaire d'élargir le critère d'admissibilité et d'établir une norme d'admissibilité nationale de 360 heures de travail, d'augmenter la valeur des prestations, d'inclure les travailleurs autonomes et d'éliminer la période d'attente de deux semaines.
    Les coûts élevés du logement et les piètres conditions de logement contribuent clairement à garder les femmes dans la pauvreté. Il faut donc nous doter d'une stratégie nationale du logement sensible aux différences entre les sexes et bonifier nos investissements afin de répondre aux besoins des femmes qui fuient la violence, des femmes autochtones et des femmes qui souffrent d'invalidité. Les femmes qui fuient des situations de violence courent un grand risque de se retrouver sans abri, d'où la nécessité d'un plan d'action national contre la violence faite aux femmes et d'investissements dans la prévention et les mesures destinées à aider les femmes et les enfants à refaire leur vie après des épisodes de violence. L'insuffisance de logements abordables adéquats augmente la probabilité que les femmes et leurs enfants retournent à des situations de violence. Il faut donc investir davantage dans les refuges d'urgence, les maisons de transition, et construire des logements abordables à long terme pour les femmes qui fuient des situations de violence.
    Les programmes de soutien du revenu sont également essentiels. Il faut améliorer les prestations pour enfants, établir un salaire minimum fédéral adéquat et contraindre les provinces et les territoires à bonifier leurs régimes d'assistance sociale.

  (1125)  

    Les femmes autochtones sont deux fois plus susceptibles que les non-autochtones de vivre dans la pauvreté, et elles subissent énormément de violence. Il serait donc important d'élaborer une stratégie propre aux Autochtones, qui comprendrait des mesures d'accès à la formation et des services d'aide, des abris d'urgence suffisamment financés et des mécanismes pour lutter contre la violence et la prévenir, ainsi qu'un investissement dans le logement.
    Le mandat de Condition féminine Canada et le financement offert par le ministère pour favoriser l'égalité des femmes grâce à la défense de leurs droits et à des changements politiques a été fondamental pour réaliser un changement systémique positif pour les femmes, et il serait important de le rétablir.
    Enfin, nous préconisons l'établissement d'indicateurs pluriannuels forts et de rapports d'étapes publics annuels sur la stratégie fédérale de réduction de la pauvreté. Cette stratégie devra être harmonisée aux projets et aux stratégies des provinces et des territoires. Nous souhaitons que la pauvreté soit bien définie et qu'elle soit mesurée en fonction du revenu, des avoirs de tout type, de la dette, du pourcentage du revenu dépensé pour le logement et des soins de garde des enfants. Il importe d'analyser les groupes de la population du point de vue des différences entre les sexes.
    Merci, Beverley.
    Nous allons maintenant entendre Claire de Oliveira de l'Institut C.D. Howe.
     Bonjour à tous. Je vous remercie de l'invitation. Je m'appelle Claire de Oliveira et je suis actuellement chargée de recherches à l'Institut C.D. Howe, ici à Toronto.
    Comme vous le savez probablement, l'Institut C.D. Howe est un groupe d'experts reconnu pour ses recherches pertinentes, indépendantes et de qualité.
    Dans mon exposé, je vais vous parler brièvement de la façon dont le gouvernement fédéral peut contribuer à réduire la pauvreté au Canada et vous proposer des solutions concrètes pour régler efficacement ce problème. Je vais mettre particulièrement l'accent sur la pauvreté chez les enfants et vous recommander des mesures pour l'éliminer.
    Les principaux outils à la disposition des législateurs pour accroître le bien-être des pauvres sont le plus souvent les transferts en argent ou en nature de biens et de services. En général, les législateurs veulent savoir si les gouvernements peuvent améliorer le bien-être des enfants en bonifiant les transferts en argent aux familles à faible revenu ou s'ils devraient plutôt mettre l'accent sur la prestation des services, notamment pour l'éducation à la prime enfance et la formation des parents. Habituellement, les transferts en argent augmentent le bien-être des pauvres en augmentant leur revenu disponible, alors que les prestations en nature servent surtout à modifier les comportements de consommation des pauvres afin de leur offrir des services ou des biens de plus grande qualité.
    Ainsi, beaucoup d'économistes prétendent que les transferts en nature sont plus efficaces sur le plan politique que les transferts en argent pour augmenter directement le bien-être des enfants, étant donné qu'ils peuvent davantage inciter à la consommation de biens et de services que les gouvernements souhaitent favoriser. C'est ce que confirment d'ailleurs mes propres recherches.
    À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral verse l'argent destiné aux transferts en nature pour le développement de la prime enfance, l'apprentissage et la garde des jeunes enfants aux provinces et aux territoires par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux en fonction du nombre d'habitants par région pour que tous les Canadiens aient accès à des mesures d'aide comparables où qu'ils vivent. La préférence exprimée pour les transferts en nature au détriment des transferts en argent pour réduire la pauvreté chez les enfants confère aux gouvernements provinciaux un rôle supérieur à celui du gouvernement fédéral dans l'atteinte des résultats stratégiques voulus. Les gouvernements provinciaux s'occupent de la mise en oeuvre et du financement partiel de la plupart des programmes destinés aux enfants, alors que le gouvernement fédéral fournit le reste du financement.
    Pour les programmes qui ciblent les familles à faible revenu, ce modèle devrait rester tel quel. Quoi qu'il en soit, le gouvernement fédéral a tout de même un rôle important à jouer dans ce contexte, et il devra y avoir des changements à l'échelon fédéral pour améliorer le modèle actuel.
    Par exemple, il sera important, pour réduire au minimum la pauvreté chez les enfants, d'améliorer la prestation nationale pour enfants en élargissant l'éventail des services offerts dans le cadre de ce programme. Je pense notamment aux examens prénataux, à la garde des enfants, aux compétences parentales et à l'information sur l'alimentation des mères et des enfants. Il faudra que le gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements des provinces et des territoires allouent de nouvelles ressources au programme. Certains estiment même que quand le gouvernement fédéral transfère des fonds aux provinces et aux territoires, il devrait leur imposer des obligations quant à la façon de les dépenser.
    Je vous remercie de votre temps. J'espère que ces observations seront éclairantes et qu'elles contribueront au débat.

  (1130)  

    Merci beaucoup, Claire.
    Nous avons ensuite M. Boudjenane, de la Fédération canado-arabe.
    Vous avez maintenant la parole, monsieur, pour cinq minutes.

[Français]

    La Fédération canado-arabe est une organisation à but non lucratif anti-raciste et non partisane qui représente les communautés arabes au Canada depuis 1967. La fédération oeuvre dans le domaine des politiques publiques. Elle s'engage auprès des médias et intervient auprès de diverses entités politiques pour faire valoir les droits des communautés arabes ici, au Canada.
    La pauvreté, monsieur le président, est certainement une dure réalité pour la majorité des Canadiens, mais elle touche particulièrement les communautés raciales et immigrantes, au Canada. On pense sincèrement que la pauvreté contribue encore plus à la marginalisation et à la victimisation de plusieurs communautés raciales ici, au pays. Elle ne fait qu'accentuer le sentiment qu'ont ces personnes d'être lésées et de faire l'objet de discrimination. Les communautés arabes sont un exemple concret de cette situation. La communauté arabe, qui vit au Canada depuis un bon moment, a vu sa situation économique se détériorer au cours des 10 dernières années. À notre avis, c'est dû à des politiques qui ont marginalisé cette communauté et, en particulier, à la montée des tensions racistes et de la xénophobie contre les communautés arabe et musulmane.
    Après le 11 septembre 2001, cette situation est certainement devenue un catalyseur. On a vu beaucoup de changements affecter la communauté arabe après que plusieurs lois et projets de loi aient été présentés et adoptés. On peut en citer plusieurs, notamment le projet de loi antiterroriste et le projet de loi sur la sécurité publique. Par exemple, les dispositions sur l'utilisation des certificats de sécurité, incluses dans la loi dérivée de la Loi sur l'immigration, ainsi que les politiques d'extradition, ont fait en sorte que des Canadiens d'origine arabe fassent l'objet de discrimination et soient fondamentalement lésés en ce qui a trait aux principes de droits de la personne. On n'a qu'à penser à des gens comme Maher Arar, Abdullah Almalki, Muayyed Nureddin et Ahmad Abou El Maati.
    Le projet de loi antiterroriste C-36 a contribué à promouvoir des politiques qui, selon nous, ont aggravé la marginalisation des communautés arabes. On a observé que le profilage racial et le ciblage de ces communautés, à plusieurs niveaux de la société canadienne, avaient augmenté. Le discours des médias et celui de certains leaders politiques n'ont fait que contribuer à renforcer cette image négative et cette perception déjà existantes au sein de la communauté canadienne. À notre avis, il en est résulté une intensification du sentiment d'intolérance chez les Canadiens à l'égard des communautés arabe et musulmane.

[Traduction]

     Je vais maintenant m'adresser en anglais pour vous donner une idée des études effectuées et vous brosser le portrait de la plus grande hausse d'intolérance à l'égard des Canadiens d’origine arabe. Pour son enquête 2009, l’hebdomadaire Maclean's a sondé plus de 1 000 Canadiens à propos de la religion. Voici ce que révèle le sondage:
Les conclusions laissent peu de doute que les Canadiens issus d'un milieu chrétien mènent leur vie en profitant de l'attitude de leurs concitoyens à l'égard de leur religion, accueillie plus favorablement que toute autre. Dans l'ensemble du Canada, 72 p. 100 des répondants affirment avoir une « opinion passablement favorable » du christianisme. À l'opposé, l'islam est la moins bien cotée: seulement 28 p. 100.
    Le Journal of Canadian Ethnic Studies a présenté à l'automne 2004 un sondage mené par Léger Marketing en septembre 2002, selon lequel 33 p. 100 des répondants canadiens déclaraient entendre des commentaires racistes contre les musulmans et les Arabes. En novembre 2002, une autre enquête, menée conjointement par le magazine Maclean's, Global TV, et le Ottawa Citizen, révélait que 44 p. 100 des Canadiens sont en faveur d’une diminution de l'immigration en provenance des pays musulmans. Le Québec affichait le plus haut pourcentage avec 48 p. 100, contre 45 p. 100 en Ontario, 42 p. 100 en Saskatchewan, 43 p. 100 au Manitoba, 39 p. 100 dans les Maritimes et 35 p. 100 en Colombie-Britannique et en Alberta. L'année d'avant, la moyenne des gens préconisant une diminution de l'immigration en provenance des pays arabes était de 49 p. 100.
     Ces données montrent qu'il existe une nette augmentation de l'intolérance et du racisme envers la communauté arabe et musulmane au Canada, ce qui aura bien sûr un impact économique sur la communauté arabe.
    Statistique Canada démontrait qu'en 2002, les Canadiens d’origine arabe et asiatique de l'Ouest avaient le taux le plus élevé de chômage parmi les communautés racialisées, soit 40 p. 100. Dans certaines régions, comme le Québec, notamment, les Arabes d'origine nord-africaine affichent un taux de chômage de 33,5 p. 100.
    Je vais vous donner l’exemple de 200 médecins qui ont franchi les étapes de la reconnaissance de leurs titres de compétences au Québec afin d’obtenir leur attestation. L’année suivante, les 200 médecins ont eu de la difficulté à trouver un hôpital qui voulait les embaucher. La Children's Aid Society of Toronto a mené une étude intitulée Greater Trouble in Greater Toronto: Child Poverty in the GTA. L’étude révèle qu'un enfant de descendance arabe ou asiatique de l'Ouest sur trois vit sous le seuil de la pauvreté. Un recensement de l'Université York a dévoilé qu'en 2001, 33 p. 100 des Arabes et des Asiatiques de l'Ouest au Canada vivaient sous le seuil de pauvreté. Les hommes d'affaires arabes ont connu une chute des recettes à la suite des événements du 11 septembre en raison des restrictions des déplacements et des contrôles de sécurité.
     Nous avons également quelques propositions à faire au comité quant à la manière de régler la situation. Il faut que le gouvernement fédéral reconnaisse et élimine les obstacles structurels à l’intégration ainsi que les actes répétés de discrimination raciale en adoptant une mesure visant l'égalité raciale, qu’il pourra appliquer à l'ensemble de ses lois, programmes et politiques publiques. Il doit assumer son rôle de leader en développant une stratégie de réduction de la pauvreté nationale, qui comporte des échéances et des objectifs mesurables et vise les plus vulnérables, soit les communautés racialisées. Par ailleurs, il faudrait que le gouvernement fédéral rétablisse le financement accordé aux provinces et aux territoires pour les programmes de garde et qu’il en accroisse le montant partout au pays.
    Les femmes racialisées sont les plus grandes victimes de la pauvreté. Il y a donc un grand besoin de stratégies ciblées en matière de programmes pour apaiser leur souffrance. Une réforme de l'assurance-emploi serait nécessaire, en ciblant en priorité les femmes de couleur, les travailleurs immigrants, les réfugiés et les travailleurs vulnérables.
    Le gouvernement devrait envisager des stratégies telles que les stages rémunérés, les subventions et les incitatifs fiscaux pour les employeurs qui font preuve d'équité en matière d'emploi et toute autre mesure qui rend possible l'intégration au marché du travail pour les groupes recherchant l'équité.
    Il faudrait imposer aux provinces et aux territoires qui reçoivent des investissements et des fonds du gouvernement fédéral le respect des cibles du Programme fédéral d'équité d'emploi pour tout emploi créé par la suite. Il y a un besoin de données désagrégées, et c'est un enjeu majeur pour nos collectivités et pour les communautés racialisées.
    Enfin, nous vous demandons au gouvernement de mettre en oeuvre des politiques de lutte contre le racisme qui amèneront un juste équilibre entre l'antiterrorisme, les droits de la personne et les libertés civiles.
    Je vous remercie.

  (1135)  

    Je vous remercie, Mohamed.
    Nous allons maintenant entendre le Conseil canadien des Églises représenté par Peter Noteboom et Maylanne Maybee.
    Je crois que c’est Maylanne qui présentera l’exposé.

[Français]

    Je ferai ma présentation dans les deux langues officielles; je débuterai en français.
    Le Conseil canadien des Églises est le plus vaste organisme oecuménique au Canada. Il regroupe 22 Églises de traditions anglicane, évangélique, orthodoxe de l'est et orthodoxe orientale, protestante et catholique. Il représente 85 p. 100 des chrétiens du Canada.
    Le 13 mai, le député Tony Martin déclarait à la Chambre des communes que le Conseil canadien des Églises et l'Alliance évangélique du Canada avaient tenu conjointement, sur la Colline du Parlement, une table ronde sur la religion et l'économie durable. Il a aussi ajouté que la gauche et la droite religieuses s'unissaient pour réclamer l'élimination de la pauvreté. Pendant que nous nous demandons lequel d'entre nous est la gauche ou la droite religieuse, faisait-il observer, les églises du Canada s'unissent dans leur détermination à contribuer à l'élimination de la pauvreté au Canada.

  (1140)  

[Traduction]

     Dans une lettre envoyée le 26 novembre 2007 au premier ministre, 21 églises membres du Conseil canadien des Églises, soit un membre de moins qu’actuellement, demandaient à l’unanimité au gouvernement du Canada de former un groupe de travail de haut niveau chargé d’établir, au cours du prochain exercice budgétaire, une stratégie nationale de réduction de la pauvreté comportant les éléments suivants: des objectifs et des échéances mesurables, des indicateurs de pauvreté compréhensibles par le grand public, un mécanisme de surveillance et d’évaluation des progrès réalisés et des engagements budgétaires axés sur les besoins des personnes vulnérables. Nous avons justement entendu parler ici de certains groupes vulnérables, soit les femmes, les enfants, les groupes racialisés, les autochtones, les immigrants et les réfugiés.
     À ce jour, la ministre et le gouvernement fédéral n’ont pas encore formé de groupe de travail, ni établi de stratégie de réduction de la pauvreté.
    La table ronde qui a eu lieu il y a deux semaines en mai avec les députés à Ottawa s’est conclue par une entente remarquable entre tous les participants, qui représentaient tous les partis politiques. On y a convenu qu’une résolution réclamant l’élimination de la pauvreté au Canada ne conviendrait que si elle comportait un plan de mise en œuvre. En outre, on a également reconnu qu’un seul plan d’action visant l’éradication de la pauvreté au Canada aurait plus de poids et d’efficacité s’il comportait des objectifs et des échéances mesurables, des indicateurs compréhensibles par le grand public et un mécanisme de surveillance et d’évaluation des progrès réalisés.
    Les Canadiens tiennent à ce que le gouvernement rende des comptes quant à l’élimination de la pauvreté au Canada.

[Français]

    Tout au long de l'histoire du Canada, les Églises du pays ont affirmé la nécessité de soutenir les moins nantis, de se montrer charitable et d'oeuvrer pour la justice. Dans les années 1960, elles ont lutté en faveur de l'assurance-maladie et des soins de santé pour tous, quelle que soit la conjoncture économique. L'Armée du Salut, pour ne citer qu'un exemple, est le plus important fournisseur non gouvernemental de services sociaux directs au Canada.

[Traduction]

     C’est cependant au gouvernement du Canada qu’il incombe d’établir la justice pour tous et d’assurer le bien commun. Nous nous joignons à nos églises membres et à nos partenaires pour réclamer qu’il mette en oeuvre les initiatives politiques concrètes suivantes: un plan fédéral d’élimination de la pauvreté qui vient en complément des plans provinciaux et territoriaux — soit une véritable stratégie d’initiative fédérale et non une simple stratégie coordonnée à l’échelle nationale; des objectifs, des échéanciers et des indicateurs, particulièrement pour les familles autochtones, élaborés en coordination avec les Inuits, les Métis, les premières nations et les Autochtones établis en milieu urbain; des investissements fédéraux suffisants dans la sécurité sociale pour tous les Canadiens — financés notamment par l’imposition —, y compris l’augmentation des prestations pour les enfants des familles à faible revenu et une admissibilité accrue à l’assurance-emploi.

  (1145)  

    La création d’un plan national de logement comportant d’importantes subventions pour le logement social et imposant aux provinces et territoires la responsabilité de fournir des logements sociaux constitue la pierre angulaire de toute stratégie fédérale anti-pauvreté ou d’allégement de la pauvreté. Le gouvernement fédéral a son rôle à jouer à cet égard.
    Il nous faut un système universel d’éducation et de garde pour les enfants en bas âge abordable et enfin, une loi fédérale anti-pauvreté requérant un engagement permanent du fédéral et lui imposant l’obligation de rendre compte des résultats.
    Enfin, nous pressons les experts eux-mêmes de manifester leur appui à la campagne Dignity for all lancée récemment par le mouvement Citizens for Public Justice, un organisme de politiques axées sur la foi, en partenariat avec Canada sans pauvreté, anciennement l’Organisation nationale anti-pauvreté.
    Nous vous invitons à visiter le site Web dignityforall.ca et à cliquer sur le bouton « I support ». Voilà qui met fin à mon exposé.
    Je vous remercie, madame Maybee.
    Nous allons maintenant entamer la première série de questions. Madame Minna, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je me réjouis de votre présence aujourd’hui.
    Dans le cadre de notre étude, la majorité des témoins ont demandé une stratégie nationale anti-pauvreté comportant divers volets. Il semble y avoir certains recoupements en ce moment, et c’est bon signe; il y a au moins consensus.
     J’aimerais revenir sur quelques questions qui ont été abordées tout à l'heure. L'une d'elles porte sur les femmes. Mme Simons du Congrès juif canadien l’a soulevée dans ses recommandations, ainsi que Mme Wybrow de la Fondation canadienne des femmes. Toutes deux ont évoqué la nécessité de renforcer les programmes et les mécanismes visant les femmes. Le Congrès juif l’a recommandé, puis Mme Wybrow a longuement parlé de l'importance des programmes économiques et d'autres programmes portant spécifiquement sur les femmes.
    Je crois déjà connaître la réponse, mais je voulais soulever ce point pour qu’il figure au compte rendu. Vous semblez toutes les deux lancer le message clair qu’investir dans les dossiers qui concernent particulièrement les femmes — que ce soit pour le logement, l'éducation, l'alphabétisation, le perfectionnement et la formation, notamment —, est l'un des meilleurs moyens, sinon le meilleur, de s’attaquer à la pauvreté infantile au Canada. Ai-je bien compris?
    Oui.
    C'est ce que j'appelle une réponse brève, mais je tenais à ce que ma question figure au compte rendu, parce qu'on ne parle jamais des femmes. J'ai fait partie du Comité permanent de la condition féminine. Selon les études que nous avons menées sur la sécurité économique des femmes et les analyses budgétaires comparatives entre les sexes, il est clairement ressorti que les budgets gouvernementaux étaient discriminatoires envers les femmes et que, sans analyse comparative entre les sexes, les programmes faisaient fausse route.
    J'étais curieuse de savoir si vous aviez lu quelques-uns de ces rapports. Étions-nous sur la bonne voie? Mes collègues en prendront connaissance eux aussi.
    Voici ce que je voulais dire par mon simple « oui ».
    Nous sommes fermement convaincues que le meilleur moyen d'aider les enfants pauvres consiste à aider leur mère. Bon nombre de recherches vont d'ailleurs dans ce sens, y compris l'évaluation de nos propres programmes de développement économique. Selon une recherche des Nations Unies et de la Banque mondiale, il ne fait aucun doute que ce sont les investissements ciblant les femmes qui donnent les meilleurs résultats en matière de démocratie et de vigueur économique. Les pays qui protègent le mieux les droits des femmes et qui investissent le plus dans la cause féminine sont ceux qui se portent le mieux. Et ce ne sont pas les données qui manquent pour le prouver.
    Nous l'avons d'ailleurs constaté lors de l'évaluation de nos programmes: dès que la situation financière des femmes commence à changer, elles commencent à investir dans leurs enfants. Elles leur permettent notamment de participer à nouveau aux fêtes d'enfants, auxquelles ils ne pouvaient pas assister auparavant, faute d'argent pour acheter un cadeau. C'est grâce à de petites choses toutes simples comme celle-là que l'on favorise l'inclusion des enfants et l'estime que ceux-ci ont d'eux-mêmes. Et ça ne s'arrête pas là, car comme le démontrent nos recherches, 30 p. 100 des participantes aux programmes que nous finançons sont maintenant actives dans leur milieu, donnant de leur temps en bénévolat ou contribuant de nouveau à la vie économique.
    Ce que nous avançons repose sur du solide.

  (1150)  

    Je vous remercie.
    C'est une leçon que nous semblons bien comprendre lorsqu'il s'agit de programmes de développement international. En tant qu'ancienne ministre responsable de l'ACDI, je sais que le ministère accorde beaucoup d'importance à cette question-là, mais à voir nos propres politiques, on dirait que nous ne sommes pas tous allés à la même école, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je tenais à aborder la question dans les rapports rédigés par le comité permanent. Pour la première fois dans l'histoire de notre pays — depuis quoi, un an ou deux, peut-être trois — le Canada peut compter sur un comité permanent de la condition féminine. Auparavant, aucun comité permanent n'était chargé de se pencher sur les conditions de vie des femmes du pays et d'évaluer les enjeux de leur point de vue. Je tiens seulement à ce que cela figure dans le compte rendu.
    J'aimerais aborder l'un des volets dont nous parlions tout à l'heure, c'est-à-dire l'éducation de la petite enfance et les services de garde. On nous dit toujours, et nous l'avons entendu encore ce matin, qu'il s'agit de deux éléments essentiels pour lutter contre la pauvreté. Pourtant, d'un côté nous avons un programme qui vient d'être éliminé, et de l'autre un chèque de 1 200 $, alors clairement ce n'est pas assez.
    Je m'adresserai d'abord à Mme de Oliveira, car j'aimerais revenir sur certains de ses propos. Vous nous avez dit ce matin que les transferts monétaires directs étaient peu efficaces, et que, pour créer des places en garderie, les transferts aux provinces donnaient de meilleurs résultats. J'en déduis qu'au lieu du programme actuel, qui prévoit le versement de 1 200 $ aux familles, vous préféreriez que l'on transfère l'argent aux provinces et que l'on crée un programme national de garderies, en partenariat avec les provinces, parce que les familles trouveraient ainsi plus facilement une place pour leurs enfants. Est-ce bien cela?
     C'est exact. Le gouvernement fédéral devrait transférer l'argent, comme il le fait maintenant. On devrait continuer ainsi, sauf que l'argent dont il est question, au lieu d'être remis sous forme de versement ou de chèque, devrait être utilisé par exemple pour offrir des services de garde ou financer des initiatives destinées aux enfants.
    En ce qui concerne les mères et les femmes, ma recherche montre également que les mères jouent aussi un rôle clé — les parents en général en fait, mais les mères plus particulièrement, parce que la tendance nous montre que ce sont elles, surtout, qui s'occupent des enfants. Parmi les autres programmes à envisager, je songe notamment à des programmes de soins prénataux, à des programmes qui ciblent directement les femmes, pas seulement lorsqu'elles deviennent mères, mais avant. Les recherches nous montrent que ces types de programmes peuvent être bénéfiques pour les enfants, même lorsqu'ils sont encore dans le ventre de leur mère.
    Que proposez-vous, alors? Car j'ai l'impression que vous recommandez davantage un programme de soutien du revenu qu'un programme de services de garde. Prendriez-vous les 1 200 $ et les ajouteriez-vous au montant de base de la Prestation fiscale canadienne pour enfant? En feriez-vous un revenu direct en augmentant la Prestation fiscale canadienne pour enfant? En feriez-vous plutôt un montant forfaitaire que vous transféreriez aux provinces pour qu'elles s'occupent des services de garde? Les laisseriez-vous là? Je pose la question, car pour le moment, ces 1 200 $ sont versés dans le cadre d'un programme universel de garde d'enfants qui n'a d'universel que le nom.
    Je suis d'accord avec votre dernière proposition voulant que l'on transfère l'argent aux provinces, pour qu'elles s'occupent des services de garde ou qu'elles financent d'autres initiatives destinées aux enfants. Je tiens cependant à souligner qu'en soi, les transferts monétaires ne sont pas si efficaces que cela. Ils doivent au contraire être accompagnés de transferts non financiers. Le fait que nous ayons des transferts monétaires... Comme vous le savez, ce type de transferts fait augmenter le revenu des familles, substantiellement dans certains cas, ce qui leur donne les moyens d'acheter certains biens et services. Par contre, il arrive que certaines familles ne sachent pas exactement comment dépenser l'argent qu'on leur remet, alors je propose un...
    J'aimerais m'assurer d'une chose en terminant. Si nous faisions ce que beaucoup nous ont recommandé, c'est-à-dire augmenter les mesures de soutien du revenu associées à la Prestation fiscale canadienne pour enfant à 5 000 $ ou à 2 000 $, puis établir un programme national de services de garde, ou un programme de services d'éducation à la petite enfance — je vous rappelle qu'il s'agit de deux choses distinctes, l'une étant programme de soutien du revenu, tandis que l'autre est un programme de services de garde — nous pourrions certainement en faire beaucoup...

  (1155)  

    En effet.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Je cède maintenant la parole à M. Ouellet.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    On sait — et vous l'avez dit — que la pauvreté est très liée au genre de logement que les gens occupent. La pauvreté des femmes pourrait être quelque peu atténuée si elles avaient accès à des logements sociaux raisonnables. La même chose s'applique aux groupes arabes et juifs à travers le Canada.
    Depuis 1993, sauf pour une rare exception d'un milliard de dollars, il n'y a pas eu de nouvel investissement dans le logement social au Canada. Il y en a un actuellement, mais ce n'est qu'un faible montant destiné aux personnes âgées et aux personnes handicapées. C'est bien, mais il ne touche pas les familles, les femmes seules, les personnes qui arrivent au pays ou celles qui sont en difficulté.
    Madame Wybrow, concernant la question des femmes, quel rôle le gouvernement pourrait-il jouer dans le logement social? À quel point pourrait-il aider les femmes à se sortir de la pauvreté?

[Traduction]

    Je suis convaincue, comme je l'ai déjà dit, que le logement est l'une des clés qui permettra de combattre la pauvreté, particulièrement chez les femmes. Je crois que le gouvernement fédéral doit se doter d'une stratégie nationale en matière de logement et faire de l'analyse comparative entre les sexes une partie intégrante de cette stratégie, en plus d'augmenter le financement consacré à certains groupes de femmes et à certains types de logements. Par exemple, les maisons d'hébergement prolongé font très souvent une différence à savoir si les femmes victimes de violence réintégreront ou pas le milieu qu'elles tentent de fuir. Pourtant, au pays, ce type de maisons d'hébergement peut compter sur très peu d'appuis, et leur nombre a diminué dramatiquement. Elles jouent pourtant un rôle essentiel. Elles offrent du soutien à long terme, puisque les femmes peuvent y demeurer jusqu'à un an, avec leurs enfants, contrairement aux refuges d'urgence, où elles ne peuvent demeurer que de trois à six semaines. On ne peut pas tout changer dans une vie en trois à six semaines.
    Le gouvernement fédéral doit également investir dans la construction de logements abordables, notamment pour les femmes autochtones, qu'elles vivent sur les réserves ou non, pour les populations nordiques, pour les femmes victimes de violence familiale et pour les femmes handicapées.
    Il faut donc de l'argent pour construire et rénover les logements sociaux. Il faut également accroître le soutien destiné à certains types de logements, comme les maisons d'hébergement prolongé.

[Français]

    Merci.
    Madame Oliveira, un bon logement social peut-il aider les enfants à sortir de la pauvreté? Est-ce un élément important?

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Même si je n'ai pas mentionné expressément les logements sociaux, ils demeurent importants. Ils constituent notamment un bon exemple de ce que j'appelais tantôt les transferts non financiers, vu qu'ils permettent aux familles et à leurs enfants d'obtenir des services.
    Je n'ai pas étudié en profondeur la question du logement chez les enfants ni l'incidence qu'il peut avoir, par exemple, sur leur santé, leur éducation, leur bien-être ou leur vie en général. Je crois néanmoins qu'il s'agit d'un besoin essentiel à combler, car une fois qu'un enfant a un toit sur la tête, ses parents peuvent alors se concentrer sur les autres éléments qui contribuent à son développement, en tant qu'enfant, mais aussi en tant qu'adulte en devenir, en tant que citoyen qui évoluera sur le marché du travail.

[Français]

    Madame Simons, est-ce qu'on a besoin de logements sociaux? Est-ce important? Comment voyez-vous le logement social?

[Traduction]

    Sans aucun doute, oui. Il faut plus de logements sociaux, et il faut que l'on consacre plus d'argent à leur entretien et à leur rénovation.
    Chez nous, nous avons conclu des partenariats avec certains propriétaires. La fédération comble l'écart entre le loyer réel et le prix du marché, et offre des logements subventionnés aux familles et aux femmes célibataires avec enfants, mais aussi aux aînés, qui sont également très vulnérables.
    Alors la réponse à votre question est oui, absolument.

  (1200)  

[Français]

    Monsieur Boudjenane, pensez-vous que le gouvernement devrait aider votre communauté en ce qui a trait aux logements sociaux, ou l'entreprise privée répond-elle à tout?
    Elle ne répond vraiment pas à tous les besoins. Comme vous l'avez dit, depuis au moins une vingtaine d'années, il n'y a pas eu d'investissement sérieux sur le plan du logement social au Canada.
    Pour répondre à votre question, j'aimerais énoncer la prémisse suivante. Je pense que toute stratégie visant à répondre aux questions liées à la pauvreté doit, comme je l'ai dit lors de ma présentation, tenir compte de l'analyse raciale. Les stratégies pour le logement, l'accès à l'éducation, l'accès à l'emploi et l'accès à la santé ne considèrent pas la situation de la discrimination raciale, les éléments historiques qui ont fait que certaines communautés, comme les communautés autochtones, ont été marginalisées au Canada. Si l'on ne tient pas compte de cette analyse, on ne pourra pas éventuellement étoffer ou développer des programmes qui vont répondre de manière efficace aux besoins de ces personnes.
    Je vais vous donner un exemple, une statistique qui, à mon avis, est assez éloquente et assez choquante. Au Canada, de 1980 à 2000, la pauvreté des Canadiens d'origine européenne a été réduite de 20 p. 100. Dans cette même période, la pauvreté a augmenté de 360 p. 100 au sein des communautés autochtones et des minorités raciales.
    On a éventuellement développé des projets et mis de l'avant des stratégies, mais si ces stratégies ne s'adressent pas de manière aiguisée à ces communautés particulières, qui souffrent déjà de discrimination à la base, on ne pourra pas régler cette question. C'est la même chose pour la question du logement.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    C'est maintenant au tour de M. Martin. Vous avez sept minutes.
    Je vous remercie.
    Merci à vous d'être ici ce matin. Les renseignements que vous nous avez présentés comme les idées que vous nous avez soumises étaient très instructifs. C'est toujours aussi intéressant d'entendre le point de vue de groupes confessionnels aussi variés et du monde des affaires.
    À Halifax, les représentantes du YWCA sont venues nous expliquer que, parmi toutes les personnes qui souffrent de la pauvreté, les femmes sont les plus mal en point. Elles sont venues réclamer non pas la charité, mais la justice. On nous a d'ailleurs rappelé ce matin, pas seulement vous, mais aussi d'autres groupes qui ont comparu avant vous, que tout ce que le gouvernement fédéral fait — et c'est précisément le rôle que nous tentons de définir ici aujourd'hui — doit s'articuler autour des droits de la personne et lui permettre de s'acquitter de ses responsabilités morales.
    La difficulté, on dirait — et croyez-moi, j'en ai vu d'autres — consiste à organiser une campagne sur la pauvreté qui saura mobiliser le discours public et qui réussira à faire bouger les leaders politiques fédéraux. Je suis ravi de voir que le milieu des affaires s'est engagé, car j'ai déjà pu constater par moi-même que, lorsqu'il s'y met, il peut faire de grandes et de belles choses, même ici, dans notre pays.
    J'ai par contre l'impression que les groupes confessionnels gagneraient à être plus actifs. C'est une bonne chose que le forum ait eu lieu à Ottawa, et il faudrait que nous ayons plus d'événements du genre. Je vous disais tout à l'heure que, dans ma propre paroisse, à Sault Ste. Marie, on a mené un sondage pour savoir ce que les gens pensaient de l'éducation des adultes et connaître ce qui allait être le sujet chaud de l'automne. Eh bien, c'est la justice sociale qui est ressortie grande gagnante. Selon moi, les gens ont toujours senti, comme moi, qu'ils avaient une certaine responsabilité morale à cet égard, mais maintenant plus que jamais, cette responsabilité prend tout son sens.
    Comment peut-on mobiliser la population, réussir à influer sur les décisions que nous prenons ici et convaincre le gouvernement d'adopter la stratégie nationale anti-pauvreté qui semble faire consensus?

  (1205)  

    À qui s'adresse votre question?
    À tout le monde, en fait. Peut-être au Conseil canadien des églises.
    Une voix: Voulez-vous y aller en premier?
    J'aimerais revenir sur ce que j'ai dit à propos d'une analyse qui engloberait la réalité des communautés raciales, les disparités entre les sexes, les personnes handicapées et les Autochtones.
    Je crois que le Canada doit absolument éviter les erreurs et les écueils que les autres pays n'ont pas su esquiver. Je ne voudrais certainement pas que se reproduisent ici les émeutes qui ont secoué la banlieue parisienne il y a quelques années parce que les gens étaient victimes d'injustice sociale crasse, de discrimination et de marginalisation. Pourtant, les signaux d'alarme ne manquent pas au Canada, pour peu qu'on y prête attention. Ainsi, dans les grands centres urbains, la très grande majorité des gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté sont soit des mères célibataires, soit des gens issus des communautés raciales ou autochtones. J'ai bien peur que la situation aura de graves conséquences pour la cohésion sociale du pays.
    Comme nous l'avons dit, nous devons inciter ces gens à participer à un dialogue constructif, mais nous devons aussi nous doter de lois, de stratégies et de politiques qui s'attaqueront sérieusement à l'injustice. Prenons seulement l'exemple de l'équité en emploi dans la fonction publique fédérale. C'est un principe inscrit dans la loi, mais nous savons tous que les gens issus des communautés raciales, que les femmes, que les personnes handicapées et que les Autochtones n'ont pas accès à ces emplois. Nous savons que le racisme et le profilage racial sont bel et bien réels, ici au Canada, et je crois qu'il faut absolument faire quelque chose.
    Je suis d'accord avec une grande partie de ce qui a été dit jusqu'à maintenant. Je dois toutefois préciser, et cela fait partie des statistiques citées dans notre mémoire, que 85 p. 100 des Canadiens qui se disent de confession chrétienne fréquentent des églises membres de notre conseil. Cela donne une bonne quantité de gens ce qui, en toute franchise, ne manque pas de retourner une partie du fardeau sur nos épaules. Je pense que les églises du Canada doivent aussi consentir davantage d'efforts à l'éducation et au travail à l'interne de manière à consolider les bases du mouvement et de la coalition pour le changement visant à mettre fin à la pauvreté au pays.
    Il s'agit vraiment d'un partenariat. Les églises accomplissent notamment un travail de sensibilisation à l'interne, sans compter leur participation dans le cadre de leur ministère à l'échelle des quartiers et des collectivités, de même que dans le contexte des programmes sociaux. Mais il ne faut surtout pas négliger l'importance des actions menées en matière de justice, de défense des intérêts et de droits de la personne. Ainsi donc, la campagne Dignité pour tous, dont traite la dernière partie de notre mémoire, est l'une des mesures prises pour faire avancer ces objectifs. On essaie d'y définir, à partir de quelques éléments essentiels, les souhaits des Canadiens en matière de réduction de la pauvreté et la manière dont nous voudrions que le gouvernement du Canada rende des comptes à cet égard.
    Mais comme ce fut le cas pour d'autres changements sociaux d'importance, y compris l'établissement du régime universel de soins de santé au Canada, la démarche exige une vaste intervention via une coalition des différents secteurs de la société civile. Il faudra donc encore une fois que tous conjuguent leurs efforts, tant du côté du gouvernement qu'au sein de la société civile et des communautés religieuses.
    Je sais que du côté chrétien, il y a l'Alliance évangélique du Canada et le Conseil des églises, mais est-ce que Mme Simons pourrait nous dire s'il existe une organisation ou une initiative multiconfessionnelle?
    À l'échelle provinciale, il y a l'ISARC. Bien qu'un grand nombre de membres de cette coalition interconfessionnelle représentent des organismes nationaux, il n'y a pas à ma connaissance de coordination à l'échelle du pays. C'est une lacune que nous devrions absolument corriger, car j'ai la ferme conviction que les groupes confessionnels ont un rôle très important à jouer dans la création d'une tribune politique permettant de discuter sans risque de questions qui ont toujours suscité la controverse et qui n'ont jamais été, disons, très populaires auprès des Canadiens, comme celle de la réforme de l'assurance-emploi et des dossiers semblables. J'estime que les gouvernements sont souvent très réticents à engager des dialogues de cet ordre et préfèrent se replier vers des sujets moins controversés touchant la pauvreté des enfants. Mais comme nous avons pu l'entendre aujourd'hui, cette problématique ne peut pas être examinée en vase clos; on ne peut pas s'attaquer à la pauvreté infantile sans considérer des stratégies visant à appuyer les mères seules tout particulièrement, mais aussi les groupes ethniques et les familles. Ainsi, bien des ménages où les deux conjoints travaillent demeurent aujourd'hui parmi les familles à faible revenu.
    Il est possible que le rôle du gouvernement fédéral consiste en fait à reconnaître ce secteur, de même que les organismes sans but lucratif et le tiers secteur dans son ensemble, et à offrir le soutien nécessaire à ce chapitre. Mais la contribution des groupes confessionnels en général est aussi très importante, surtout pour ce qui est de la distinction à établir entre justice et charité. Il ne s'agit pas ici de charité; il est plutôt question de justice. C'est une affaire de droits de la personne.

  (1210)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Vellacott.
    Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais parler un peu avec Mme de Oliveira de la question des transferts de biens et services, comparativement au versement de fonds.
    Si j'ai bien compris ce que vous avez répondu à Mme Minna, ce n'est pas vraiment que vous condamniez les transferts en espèces; c'est simplement que vous en arrivez à la conclusion, à la lumière de certaines recherches, je suppose, que l'aide financière directe est préférable dans certains cas, alors que le soutien sous forme de biens et services convient mieux dans d'autres situations. Est-ce que je me trompe?
     Je souligne seulement que les recherches indiquent que le simple versement d'une somme forfaitaire à une famille n'a que peu d'impact sur les résultats constatés chez les enfants en matière de santé, de pauvreté et de réussite scolaire, notamment.
    J'essaie de vous dire que, tout en poursuivant les transferts en espèces, nous devrions surtout mettre l'accent sur les transferts sous forme de biens et services. Il faut en effet concentrer nos efforts sur ces derniers types de transferts pour améliorer les résultats obtenus chez les enfants, notamment en matière de santé et de scolarisation.
    Si l'on pense à une mesure assez uniforme, la prestation fiscale pour enfants, je crois qu'elle se chiffre à 5 000 $ ou 6 000 $ par enfant. Je ne comprends pas vraiment. Êtes-vous en train de nous dire qu'il serait préférable d'utiliser ces fonds pour financer des biens et des services?
    Je crois que oui. Je ne préconise pas l'élimination complète des transferts monétaires; je pense que l'on devrait en conserver une partie, mais qu'il convient d'investir davantage dans les transferts en nature. Il s'agit de financer les services, plutôt que de simplement transférer de l'argent aux familles en les laissant libres d'en disposer à leur guise. Il faut offrir les services qui, de l'avis du gouvernement, des chercheurs et des décideurs, sont davantage susceptibles d'influer sur les résultats des enfants. On a ainsi constaté que les services s'adressant aux mères ou aux femmes enceintes ont des répercussions plus importantes, non seulement sur la mère, mais également sur l'enfant au cours de ses premières années et, plus tard, dans sa vie d'adulte.
    D'accord. Je m'efforce de comprendre, parce que la plupart des groupes qui ont comparu devant notre comité jusqu'à maintenant ont affirmé très catégoriquement que le montant actuel de 5 000 $ ou 6 000 $ devrait être augmenté.
    Allez-vous maintenant nous dire encore une fois que vous estimez préférable d'utiliser ces fonds, dans l'ensemble, pour financer des programmes et des services, alors que vous savez pertinemment que cela va à l'encontre d'autres témoignages que nous avons entendus. Ces gens n'avaient aucune hésitation. Ils nous ont indiqué simplement qu'il était nettement préférable d'augmenter les sommes allouées. C'est ce qu'ils ont recommandé au gouvernement fédéral.
    Je ne sais pas si vous êtes prête à les contredire, mais vous vous rendez compte que votre opinion est certes un peu différente de celle des autres.
    Mme Claire de Oliveira: Oui.
    M. Maurice Vellacott: Vous en êtes consciente...
    Mme Claire de Oliveira: Oui...
    M. Maurice Vellacott: ... et cela ne vous surprend pas.
    Non. Je conviens que les deux types de transferts ont leur place et que l'on devrait poursuivre dans le même sens, mais nous ne devrions pas essayer d'augmenter les transferts en espèces pour verser toujours plus d'argent.
    Vous dites bien que nous ne devrions pas.
    Oui. Nous devrions plutôt affecter ces ressources au financement de biens et services de manière à garantir, par exemple, que les enfants ont accès à l'éducation dont ils ont besoin, que les parents peuvent bénéficier de services de garde ou que chacun puisse se procurer certains biens essentiels. Je ne préconise pas la suppression des transferts monétaires.
    Non, je sais. Vous dites simplement qu'il ne faut pas les augmenter.
    Je pense plutôt que nous devons nous efforcer de trouver de meilleures façons d'affecter ces ressources, car nous ne sommes pas toujours sûrs de la manière dont l'argent ainsi transféré directement va être dépensé. Je ne veux pas dire que les parents ne savent pas quoi en faire, mais il arrive que certains investissements soient mieux appropriés pour atteindre les objectifs visés.
    Par exemple, si nous avons pour objectifs la santé et l'éducation de nos enfants, il existe certaines stratégies nous permettant d'y parvenir. Dans toute la mesure du possible, nous devrions essayer, non seulement d'informer les parents et les familles, mais aussi d'influer sur leurs habitudes de consommation de manière à tendre vers ces objectifs. Il va de soi que tout cela est fondé sur les résultats incontestables d'une recherche de qualité.
    Nous avons ici une discussion assez franche. Sans vouloir couper les cheveux en quatre quant à la formulation, vous faites valoir qu'étant donné que l'utilisation de ces fonds est laissée à la discrétion des parents, ils ne servent pas nécessairement à l'atteinte des résultats visés. Cela revient à dire que vous ne faites pas nécessairement confiance — voilà, le mot est lâché — à ces gens quant à l'utilisation appropriée des sommes versées.

  (1215)  

    Ce n'est pas nécessairement le cas, car il arrive que des familles à faible revenu ne disposent tout simplement pas de ressources suffisantes. Comme certains de mes collègues l'ont mentionné, c'est en pareil cas que la communauté a un rôle très important à jouer. Il s'agit parfois d'informer les familles pour leur dire ce qu'il serait sans doute préférable qu'elles fassent. Il n'est pas rare que des familles à faible revenu, voire des familles marginalisées, n'aient pas accès à ce genre de service, d'où l'importance d'assurer leur intégration à l'échelle communautaire pour que l'information pertinente leur soit transmise. Autrement dit, les familles ne sont pas toujours bien informées, mais ce n'est pas par mauvaise volonté de leur part; c'est souvent par manque d'accessibilité.
    Merci. C'est vrai que...
    Mme Beverley Wybrow: Puis-je me permettre un bref commentaire à ce sujet?
    M. Maurice Vellacott: D'accord, après quoi j'aurai une autre question.
    Tout dépend également de la disponibilité du service. C'est un élément très important. Ainsi, une famille qui dispose des ressources nécessaires n'a pas toujours accès localement à des services de garde d'enfants parce que la liste d'attente peut s'étendre jusqu'à deux ans. Il arrive que des services de garde à coût abordable ne soient pas accessibles, ou pas en quantité suffisante. C'est une composante majeure de l'équation. La problématique ne se limite pas aux choix faits par les parents; c'est une question de choix en fonction des ressources disponibles.
    Tout à fait. Je voudrais maintenant aborder l'aspect des soins de santé, et des soins prénataux notamment.
    Je vais poser ma question très rapidement en l'adressant à Mme de Oliveira. J'invite les autres témoins à y répondre aussi brièvement.
    Dans le cadre de la Prestation universelle pour la garde d'enfants, une famille admissible comptant trois enfants reçoit 300 $ par mois. Ce n'est pas à dédaigner. C'est un formidable soutien qui revêt une grande importance pour ces familles de petits salariés. Êtes-vous en train de nous dire que le gouvernement devrait maintenant retirer cette aide précieuse qu'il a consentie aux familles?
    Non, je dis qu'il faut maintenir cette aide, mais qu'on ne doit pas... Les familles doivent conserver ce soutien financier, mais je ne pense pas qu'on doive l'augmenter, comme certains le préconisent. Parallèlement aux transferts en espèces, nous devrions instaurer des transferts non financiers, mais sans...
    Vous ne voulez pas dire que ces versements de 300 $ par mois doivent nécessairement être retirés aux familles.
    Non.
    D'accord.
    Merci.
    Je sais que Mme Minna souhaiterait enchaîner avec une question rapide.
    Je voulais adresser ma question à Mme Campbell, mais j'aimerais me faire un peu plus directe pour clarifier quelque chose, dans la foulée de la discussion en cours, car j'estime que cela est important pour la suite de nos travaux.
    Depuis un certain temps déjà, il ressort clairement de nos débats que nous nous partageons en deux camps: ceux qui sont favorables au transfert de 1 200 $ et ceux qui voudraient plutôt que l'on crée de nouvelles places en garderie.
    Ma question est très simple, car le temps est venu d'aller droit au but. Le montant de 1 200 $ est imposable. Il ne s'agit donc pas de 300 $ par mois, car les familles doivent payer de l'impôt sur ces versements. Nous le savons tous. C'est la première chose.
    J'adresse ma question à Mme de Oliveira. Êtes-vous d'avis que la prestation pour enfants devrait être augmentée, comme bien d'autres l'ont recommandé au cours des dernières semaines, une augmentation qui pourrait atteindre 5 000 $, et que l'on devrait également créer un programme national de garde d'enfants? Il s'agit de deux mesures interdépendantes, contrairement à ce qui se passe actuellement avec le versement de 1 200 $.
    Estimez-vous plutôt qu'il ne faut pas augmenter la prestation pour enfants, mais simplement établir un programme national de garde d'enfants, ou est-ce que vous préconisez toute autre chose? Je ne vois pas clairement où vous voulez en venir.
    Pour ce qui est de l'augmentation de ce versement, je préfère ne pas me prononcer quant à l'ampleur qu'elle devrait prendre. À la lumière de mes propres recherches et de ce que j'ai pu comprendre, je n'arrive pas à me faire une idée précise. Certains travaux ont été menés à ce sujet et j'ai eu l'occasion d'en discuter avec d'autres personnes. Si vous me demandez quel devrait être le montant optimal, j'aimerais mieux ne pas m'avancer ou vous donner...
    Croyez-vous qu'il faut continuer à verser des prestations de soutien du revenu?
    Oui, surtout pour les familles à faible revenu, afin de leur garantir l'accès à des services de garde. Des études menées par d'autres économistes quant à la pertinence d'un régime universel de garde d'enfants ont produit des résultats peu concluants, voire contradictoires, mais il a été démontré qu'il est bénéfique d'offrir des services de garde s'adressant aux familles à faible revenu.
    Je tiens à remercier nos témoins pour leur présence et le temps qu'ils ont pu nous consacrer aujourd'hui, malgré leur horaire très chargé.
    La séance est levée.
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