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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 037 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 1er juin 2009

[Enregistrement électronique]

  (1510)  

[Traduction]

    Nous allons commencer notre 37ème séance. Aux termes du paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à l'étude de la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada.
     Nous sommes heureux de voir que tous nos témoins sont pratiquement installés. Que Joséphine se présente ou non... Nous allons commencer par Judit et Elita. Je ne sais pas laquelle d'entre vous va faire l'exposé de cinq minutes.
    Nous allons être généreux et vous accorder cinq minutes chacun. Si vous avez besoin de plus de temps pour énoncer vos conclusions, nous vous l'accorderons. Nous disposerons ensuite chacun de sept minutes pour vous interroger. Mme Chow sera là elle aussi. Les députés choisiront la personne à qui ils veulent poser les questions, à moins qu'ils décident de vous interroger tous.
    Nous allons commencer par Judit, la directrice des recherches de Lone Mothers: Building Social Inclusion. Elle partagera son temps avec Elita McAdam, assistante des recherches.
    Allez-y.
    Je vous remercie.
     Nous vous remercions de nous avoir invitées à participer à vos discussions sur la pauvreté. Nous allons mettre l'accent aujourd'hui sur la question des femmes seules qui sont pauvres en partant de l'étude nationale qui a été effectuée. Cette étude, qui s'intitule Lone Mothers: Building Social Inclusion, est un projet quinquennal réalisé dans le cadre d'une alliance de recherche universités-communautés réunissant des chercheurs de cinq universités du Canada, ainsi que des organismes gouvernementaux et communautaires sans but lucratif. Financés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, nos travaux portent plus particulièrement sur trois régions urbaines canadiennes: Vancouver, Toronto et St. John’s.
     Le mémoire que nous vous avons remis rend compte des résultats des recherches que nous avons effectuées ces trois dernières années. Nous avons interrogé chaque année sur une période de trois ans plus de 100 mères vivant seules à St. John’s, à Toronto et à Vancouver. Environ un tiers des femmes interrogées appartiennent à une minorité visible ou sont des Autochtones. Elles touchaient toutes des prestations d'aide sociale au début du projet, et bon nombre d'entre elles sont passées de l'aide sociale au marché du travail, et vice versa, pendant la durée de l'étude. Nous allons évoquer quelques exemples en vous renvoyant à notre mémoire pour une étude plus détaillée de la question.
    Nos recommandations partent du constat que les politiques actuelles visant l'égalité des sexes désavantagent directement les femmes canadiennes et ne permettent donc pas de lutter contre la discrimination. Les femmes sont plus pauvres que les hommes à pratiquement tous les stades de la vie et sont devenues les principales intervenantes sur un marché du travail de plus en plus précaire. Ces problèmes sont aggravés encore pour les femmes autochtones ou appartenant à des minorités raciales.
     Les femmes constituent 70 p. 100 de la main-d'oeuvre à temps partiel. Le salaire annuel moyen des femmes non autochtones est de 19 350 $. Les femmes autochtones n'en gagnent environ que les deux tiers, et celles qui appartiennent à des minorités visibles, les trois quarts environ.
     Pour ce qui est des différences de revenus entre les sexes, le Canada arrive au 14e rang des 15 pays de même niveau. Je vous renvoie aux nombreuses déclarations des femmes que nous avons interrogées et que nous avons citées dans notre mémoire.
     L'une des principales caractéristiques de notre projet, c'est que notre équipe de recherches a fait appel à des mères seules, que nous avons engagées et formées en tant qu'assistantes de recherches. Cela nous a permis de mieux comprendre les besoins et les aspirations de ces femmes et de leurs familles.
     J'ai à mes côtés aujourd'hui Elita McAdam, l'une des mères seules ayant opéré comme assistante de recherches au sein de notre projet au cours des trois ans et demi qui viennent de s'écouler. Je vais lui passer la parole pour qu'elle puisse évoquer les grandes questions soulevées par notre recherche.
     Il ne faut pas oublier qu'il y a des gens qui estiment que les personnes qui bénéficient de l'aide sociale ne sont que des ratés qui refusent de travailler. Je peux vous dire, après avoir parlé avec les femmes que nous avons rencontrées, que rien n'est plus faux. Elles veulent recouvrer la dignité qu'elles ont perdue en étant pauvres et à la merci de l'aide sociale.
     Nous avons entre autres rencontré des cas de mauvais traitements. Souvent, des femmes se rabattent sur l'aide sociale parce qu'elles ont été victimes de mauvais traitements. Entre un tiers et la moitié des femmes que nous avons interrogées se trouvent dans ce cas.
     Pour ce qui est de la pauvreté et des privations matérielles, ces femmes ne peuvent pas acheter suffisamment de produits alimentaires pour nourrir leurs enfants, et ne parlons pas de la nécessité de leur donner des produits meilleurs pour leur santé. Par ailleurs, 40 p. 100 des mères seules vivent au-dessous du seuil de la pauvreté établi par Statistique Canada.
     Il est très difficile pour les femmes de trouver de bonnes garderies, surtout lorsqu'elles doivent travailler après les heures ouvrables. Il est facile d'obtenir une subvention pour faire garder ses enfants, mais très difficile de trouver une garderie qui accepte ces subventions. Ça aussi, c'est un problème.
     Le logement est lui aussi très problématique. Au moins 27 des 42 femmes que nous avons suivies à Toronto ont déménagé avec leur famille dans les deux dernières années uniquement. Nous avons constaté que lorsqu'elles habitent des logements sociaux suffisamment bien entretenus, les mères seules réussissent bien plus facilement à se sortir de l'aide sociale.
     En matière d'éducation et de formation, je vais vous donner un exemple personnel. Je suis Autochtone, appartenant à une première nation, et j'ai dû lutter contre ma bande pour obtenir un financement. Ce n'est pas aussi facile qu'il ne paraît. Lorsque j'ai commencé à suivre les cours de l'Université de Toronto, j'ai été engagée en tant que préposée à l'aide des toxicomanes dans un centre de désintoxication. Grâce à l'argent que j'y ai gagné, j'ai pu payer mes études et obtenir un diplôme de conseillère en matière de toxicomanie. Il y a là un pas à franchir si l'on veut que les femmes aient facilement accès à l'université.
     Sur le marché du travail, la plupart des emplois sont payés au salaire minimum. Même lorsqu'elle gagne 12 $ de l'heure, une femme ne peut pas subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.
     Sur la question des insuffisances du filet de sécurité et des défaillances du système, les mères seules qui sont pauvres doivent s'en remettre à différents mécanismes et systèmes de soutien tels qu’Ontario au travail, le POSPH, l'aide à l'enfance ou les services de logement social. Elles sont souvent vulnérables parce qu'il leur faut se débrouiller toutes seules dans un véritable labyrinthe. On a l'exemple d'une femme qui a dû confier temporairement ses enfants à ses parents avant de pouvoir trouver un endroit où habiter. Une fois qu'elle a eu trouvé un logement, l'administration de l'aide sociale n'a pas voulu lui donner suffisamment d'argent pour payer le dernier mois de loyer parce qu'elle a estimé qu'il s'agissait d'une personne célibataire. Cette femme ne pouvait pas reprendre ses enfants tant qu'elle n'avait pas de logement, et elle ne pouvait pas obtenir un logement tant qu'elle n'avait pas repris ses enfants. C'était un cercle vicieux.
     Sur toutes les questions que nous avons évoquées, vous pouvez vous reporter à notre rapport.
     Je redonne la parole à Judit.
     Je vous remercie.

  (1515)  

    Est-ce qu'il nous reste du temps?
    Combien de temps vous faut-il encore?
    C'est bien comme ça. Nous avons évoqué les sept principaux sujets qui se rattachent, à notre avis, à la question des mères pauvres. Vous trouverez dans notre rapport douze recommandations qui sont essentielles pour traiter de ces questions.
    Oui. Nous pouvons les consulter. Elles figurent en bonne place dans votre document et nous nous y référerons lorsque nous vous poserons éventuellement des questions.
     Nous allons donner la parole à Yves Savoie.

[Français]

    Je vous remercie de votre invitation. Je vais m'adresser à vous uniquement en anglais, mais je serai très heureux de répondre à des questions en français par la suite.

[Traduction]

    Merci d'avoir invité la Société canadienne de la sclérose en plaques à témoigner aujourd'hui. Nous sommes heureux de prendre part à votre étude de la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada et nous félicitons votre comité d'avoir entrepris cette tâche importante.
     Nos recommandations portent principalement sur deux points — premièrement, s'assurer que les personnes qui souffrent de sclérose en plaques puissent continuer à travailler et, en second lieu, faire en sorte que celles qui travaillent ne se retrouvent pas dans la pauvreté. Nous faisons trois recommandations précises que je vais vous exposer: premièrement, permettre aux conjoints de toucher le crédit d'impôt pour les aidants naturels, ce qui — et cela pourra vous surprendre — est impossible à l'heure actuelle; faire en sorte que les prestations de maladie de l'assurance-emploi soient plus souples en permettant aux personnes souffrant de sclérose en plaques de travailler à temps partiel et de recevoir des prestations partielles; enfin, s'assurer que le crédit d'impôt aux personnes handicapées soit remboursé. Je vais évoquer chacune de ces mesures de manière plus détaillée.
     En autorisant les conjoints à toucher le crédit d'impôt pour les aidants naturels, on reconnaîtrait le rôle essentiel que jouent les personnes qui dispensent des soins, compte tenu notamment du fait que cette tâche incombe le plus souvent aux conjoints. Nous entendons souvent parler de ce problème, le plus souvent lorsqu'une personne qui cherche à comprendre comment on doit comptabiliser les sommes accordées aux aidants naturels appelle notre association. Leur conjoint devenant de plus en plus handicapé, bien souvent ces personnes ne peuvent plus travailler autant et doivent réduire leurs horaires de travail pour s'en occuper. Ces personnes lisent alors ceci en consultant la documentation fournie par le gouvernement:
un de vos enfants ou petits-enfants (y compris ceux de votre époux ou conjoint de fait), un de vos parents, grands-parents, frères, soeurs, oncles, tantes, neveux ou nièces (y compris ceux de votre époux ou conjoint de fait) qui résidait au Canada…
    Il y a là toute une liste, mais de toute évidence le conjoint de la personne handicapée n'y figure pas. Cela nous apparaît comme une faille majeure de la politique. On déprécie ce faisant les soins donnés quotidiennement par le conjoint, souvent au détriment de sa propre participation au marché du travail, chaque semaine, chaque année.
    Je vous signale en passant que la province du Manitoba vient d'instituer un crédit d'impôt remboursable pour les aidants naturels, conçu plus ou moins sur le modèle du crédit fédéral, mais dont l'application s'étend aux conjoints, qui peuvent eux aussi se prévaloir du crédit.
     Notre deuxième recommandation vise à donner aux personnes qui souffrent d'une maladie imprévisible ou épisodique la possibilité de travailler à temps partiel tout en bénéficiant de prestations de maladie partielles au titre de l'assurance-emploi. Cela les encouragerait à rester sur le marché du travail et inciterait les employeurs à garder des employés précieux, qui ne seraient plus considérés comme étant peu fiables et susceptibles d'être toujours malades.
     Les maladies épisodiques — parmi lesquelles se trouvent, outre la sclérose en plaques, le lupus, les maladies mentales, le cancer, l'arthrite, l'hépatite C, le VIH — sont des maladies caractérisées par des périodes de crise aiguë suivies de périodes de répit. Nous recommandons d'apporter des modifications aux règles de l’AE pour permettre à ces personnes de travailler à temps partiel et de bénéficier de la prestation de maladie partielle à partir de 150 demi-journées et non pas des 15 semaines de travail ou des 75 journées pleines qui sont exigées à l'heure actuelle.
     Nous considérons que cette petite amélioration serait profitable aux personnes souffrant de sclérose en plaques et d'autres maladies épisodiques, et profitera en outre à la société dans son ensemble. Il y a des avantages évidents, en plus de la perception des impôts, évidemment, à la participation au marché du travail. Les pauvres et les personnes handicapées nous le disent — ils veulent travailler.
     Nous reconnaissons effectivement que ce changement risque d'entraîner une augmentation des prestations de maladie au titre de l’AE, mais nous estimons que le coût en serait largement compensé par le nombre accru d'employés et l'intérêt évident de les faire entrer sur le marché du travail.
    Notre troisième recommandation a trait plus particulièrement aux personnes souffrant de sclérose en plaques qui sont le plus handicapées par cette maladie et qui ne peuvent travailler. Elle est toute simple: faire en sorte que le crédit d'impôt aux personnes handicapées soit remboursable.
     Le fait d'être handicapé signifie automatiquement que l'on a des frais qu'une personne valide n'a pas. Ces frais sont très importants. Pour nombre de personnes souffrant de sclérose en plaques, la fatigue est un symptôme invisible pendant toute la durée de la maladie. Cela seul peut empêcher la personne concernée de marcher, même sur de courtes distances. Il devient difficile de monter dans un autobus ou d'utiliser les services de transport public. Une automobile devient indispensable. Pour les personnes qui doivent se déplacer en fauteuil roulant, il faut nécessairement disposer d'une fourgonnette aménagée.

  (1520)  

    Nous considérons qu'en faisant en sorte que le crédit d'impôt aux personnes handicapées soit une prestation remboursable, on rendrait service aux handicapés qui n'ont pas un revenu suffisant pour prétendre toucher ce crédit.
     Je vois que le temps qui m'est imparti est écoulé, et je me contenterai de dire en terminant que l'adoption de ces trois changements pratiques et modestes nous permettrait de progresser rapidement dans un secteur très important. Nous en avons fait nos priorités parce que nous estimons que ce sont de petites améliorations relativement faciles à mettre en oeuvre, qui relèvent de toute évidence des compétences fédérales.
     Merci, monsieur le président.
    Nous allons maintenant donner la parole à John Myles, représentant de la Chaire de recherche du Canada sur le fondement social des politiques publiques à l'Université de Toronto.
    Merci, monsieur le président, et je remercie les membres du comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
     Avant de commencer mon exposé, je tiens à rappeler aux membres du comité que le Canada peut se prévaloir d'un grand succès au moins en matière de lutte contre la pauvreté. Lorsque j'ai débuté ma carrière il y a plus de 30 ans, le Canada enregistrait le taux de pauvreté le plus élevé de tous les pays occidentaux chez les personnes âgées. Il y était plus élevé qu'aux États-Unis au cours des années 1970. En l'an 2000, nos personnes âgées affichaient les taux de pauvreté les moins élevés de tous les pays occidentaux. Sur ce point, nous nous retrouvons à la hauteur de la bonne vieille Suède, si égalitaire. Je vous le signale parce que cela prouve que nous pouvons réussir quand nous le voulons. La grande question est de savoir si nous pouvons obtenir le même succès parmi les autres groupes défavorisés du Canada.
     Je suis persuadé que nous savons bien ce qu'il faut faire, mais nous ne savons pas comment y parvenir. J'entends par là qu'il y a de véritables problèmes pratiques de coordination. L'une des questions que je vais évoquer à la fin de mon exposé, si j'en ai le temps, et qui, à mon avis, intéressent votre comité, est celle des problèmes soulevés par les compétences fédérales et provinciales.
     Tout d'abord, il n'y a pas de solution magique dont on pourrait se prévaloir pour résorber ou faire baisser la pauvreté. Il faut un ensemble complexe d'institutions et de politiques coordonnées qui agissent toutes en même temps. Parmi toutes les mesures à notre disposition, c'est l'emploi qui est notre meilleure arme pour lutter contre la pauvreté. Celui qui a un emploi est le mieux à même d'échapper à la pauvreté. Il me faudrait aussi préciser que les psychologues sont surpris parfois en voyant que le fait d'avoir un emploi est probablement le meilleur indicateur d'une bonne santé psychologique et du bonheur individuel. C'est plus important que le salaire, par exemple.
     Le Canada ne s'est pas mal débrouillé sur le front de l'emploi, mais c'est loin d'être aussi bien qu'il aurait pu ou dû le faire. L'emploi chez les hommes a en fait diminué au Canada depuis les années 1980. Nous disposons aujourd'hui d'un grand nombre de recherches comparatives qui nous montrent que les pays qui ont le mieux réussi ces dernières décennies sont ceux qui ont fortement investi dans des politiques qualifiées d'actives sur le marché du travail. La notion de politique active sur le marché du travail peut être assez complexe, mais il s'agit en somme pour les gouvernements, lorsque des personnes ne peuvent trouver un emploi, de se doter d'institutions chargées d'offrir des emplois aux chômeurs et de dispenser l'information leur permettant de trouver un emploi.
     Des pays comme le Danemark et les Pays-Bas ont commencé à prendre vraiment au sérieux le droit au travail et à l'emploi au cours des années 1990. Ces programmes ont permis de faire véritablement la différence. Par contre, la part prise par le Canada dans ces stratégies actives est restée relativement modeste.
     Pour accéder à un haut niveau d'emploi, il faut aussi évidemment pouvoir disposer de bons services publics, notamment en matière de santé, d'éducation et de transports publics. Tout cela est lié. De nos jours, il faut aussi de bons programmes de garderies. En 1990, le Québec était de toutes les provinces celle qui enregistrait le taux d'emploi le moins élevé chez les mères seules. En 2000, il était devenu le plus élevé. L'explication en est bien simple, c'est la mise en place de services de garderie fortement subventionnés.
    L'emploi est la solution, mais pas si les salaires sont faibles. J'ai un autre petit fait à vous signaler. Le Canada partage avec les États-Unis le triste record des bas salaires au sein de l'OCDE. L'OCDE estime qu'environ 22 p. 100 des employés à plein temps canadiens occupent des emplois mal payés. En Europe continentale, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ce chiffre se situe aux alentours de 15 p. 100. Dans les pays nordiques, il ne dépasse pas 7 p. 100 au maximum. De ce fait, les Canadiens courent un grand risque de figurer parmi les travailleurs pauvres.
     J'ai fait quelques observations dans mes notes sur les stratégies permettant de remédier à cette situation, tant à moyen qu'à long terme, mais je n'en parlerai pas ici pour gagner du temps.

  (1525)  

    Je pourrais poursuivre en évoquant d'autres domaines d'intervention politique indispensable pour lutter contre le problème de la pauvreté — le logement en est un exemple — et je n'ai pas dit grand-chose de certains groupes cibles précis, tels que les Autochtones.
     Est-ce que mon temps est écoulé?
    Oui, mais vous avez le temps de donner votre conclusion.
    Je conclus en disant que pour s'attaquer au problème de la pauvreté, il faut mettre en place tout un ensemble de politiques opérant toutes en même temps. Cela signifie que la lutte contre la pauvreté exige énormément de coordination au niveau politique. Si vous voulez optimiser l'emploi, par exemple, il vous faut aussi vous pencher sur les questions liées à la famille et aux garderies. On ne peut pas les traiter séparément. Toutefois, nos structures et nos institutions rendent la chose difficile.
     Il y a deux principaux obstacles qui s'opposent à la mise en oeuvre de politiques bien coordonnées. On retrouve le premier dans tous les pays, c'est celui de la répartition bureaucratique des tâches entre différents ministères du gouvernement. Nous avons parcellisé les politiques en petits blocs distincts plus faciles à gérer. Tous les pays ont ces difficultés. Le problème le plus l'urgent est celui du chevauchement des compétences fédérales et provinciales, notamment dans les domaines liés au marché du travail, problème que j'ai souligné cet après-midi.
     Y a-t-il une solution à ce problème? Votre comité pourra juger utile, s'il ne l'a pas déjà fait, d'étudier la stratégie de l'Union européenne pour remédier au problème encore plus complexe de la coordination entre différents pays membres. Il s'agit de ce que l'on appelle la méthode ouverte de coordination. Elle consiste à établir des objectifs communs, tels que les niveaux d'emploi, sans chercher à dicter aux différents pays les mécanismes politiques dont ils pourront se prévaloir pour atteindre ces objectifs. Elle fait appel aussi à un mécanisme intensif de vérification et d'analyse pour évaluer le succès de chaque pays dans la réalisation de ces objectifs.
     Ici, au Canada, nous avons aussi des exemples de mécanismes politiques encore plus exigeants, et j'en terminerai là-dessus. À titre d'illustration, je vais prendre l'exemple de la réforme du RAPC à la fin des années 1990, une réforme que presque tout le monde considère aujourd'hui comme étant l'un des grands succès de nos relations fédérales-provinciales. Qu'est-ce qui a motivé la réforme? On trouve en substance la réponse dans le livre publié récemment par Bruce Little, que je vous recommande à tous. En 1985, 10 ans avant que l'on pense à chercher une solution, le gouvernement fédéral et les provinces ont mis en place ce que j'appellerai un mécanisme obligatoire leur imposant la nécessité de trouver une solution conjointe aux problèmes liés à l'insuffisance du financement du RAPC, ceci en fonction des conclusions tirées par l'actuaire en chef. Les dispositions mises en place en 1985 en cas de financement insuffisant ont entraîné une intervention automatique lorsque l'actuaire en chef a remis son mémoire très pessimiste sur le RAPC en 1995. Les ministres fédéraux et provinciaux se sont vite retrouvés à la table des négociations, soit pour réduire les prestations, soit pour augmenter les contributions. Ils s'étaient automatiquement engagés dans le cadre de cet accord. S'ils n'étaient pas intervenus, les taux de cotisation auraient automatiquement été portés à quelque 14 p. 100 en 2030 et, pour des raisons d'équité entre les générations, personne ne voulait de cette solution. La réforme avait entièrement pour but d'exclure cette possibilité, et ils en sont venus à un accord permettant de maintenir pour longtemps des taux de cotisation stables à environ 9,9 p. 100. Que s'est-il passé ici?
     En dépit des énormes divergences politiques entre les provinces et le gouvernement fédéral, on a réussi à s'entendre sur des objectifs. On a alors adopté des mesures d'application obligatoire imposant la réalisation de ces objectifs: si l'événement X ne se produit pas, alors il faudra que l'événement Y intervienne. C'est exactement ce que je vous invite à envisager. Si le gouvernement du Canada veut réduire la pauvreté, il faut qu'il s'oblige, lui et ses successeurs, ainsi que les provinces, dans la mesure de ses moyens, à atteindre des objectifs précis. Il faut ensuite préciser ce qui doit se passer si ces objectifs ne sont pas atteints. Je considère qu'en procédant ainsi, on passerait un contrat de réduction de la pauvreté avec la population du Canada.
    Je vous remercie.

  (1530)  

     La parole est à Mark.
     Il arrive que ceux qui viennent témoigner en ces lieux, lorsqu'ils souhaitent qu'un plus grand nombre de leurs propos soient consignés dans le Hansard — je sais que Joséphine et d'autres intervenants ont bien compris la chose — profitent des questions pour faire passer leur message. Ils ne tiennent pas compte de la question et disent ce qu'ils ont à dire. Je vous rappelle quand même qu'il faut répondre aux questions.
     Je vais donner la parole à Mark. Mark est le président de l’Hamilton Roundtable for Poverty Reduction. Nous passerons ensuite à Sarah, en espérant que Joséphine sera prête à intervenir à ce moment-là.
     Mark, vous disposez de cinq minutes.
     Je vous remercie de me donner l'occasion d'intervenir. Je siège par ailleurs au Conseil national du bien-être social et je fais partie du groupe d'études statistiques sur la pauvreté de la province de l'Ontario.
     L’Hamilton Roundtable for Poverty Reduction est née des préoccupations de notre communauté au sujet de la pauvreté. Elle a été mise sur pied en mai 2005 pour mieux comprendre les taux élevés de pauvreté à Hamilton, pour attirer l'attention de notre communauté sur la pauvreté et pour entreprendre de trouver des solutions. Instituée au départ par la Fondation communautaire de Hamilton et par la municipalité de Hamilton, cette table ronde est aujourd'hui un organisme multisectoriel comportant 42 membres au sein duquel se sont regroupés plus de 900 organisations et 42 000 habitants de Hamilton pour faire en sorte que cette ville devienne le lieu rêvé pour élever une famille.
     Un tableau statistique sur la pauvreté établi lors du recensement de 2001 par Statistique Canada a permis de conclure que Hamilton était avec Toronto la ville qui comptait le plus fort pourcentage de personnes vivant au-dessous du seuil fixé pour les bas revenus: 20 p. 100 des résidents de Hamilton et un enfant sur quatre vivaient dans la pauvreté. Ce chiffre représente quelque 100 000 habitants et 25 000 enfants de moins de 14 ans.
     L’Hamilton Roundtable for Poverty Reduction a établi un cadre de changements s'appuyant sur un calendrier d'adoption de nouvelles politiques et de nouveaux systèmes et définissant les étapes clés du développement de l'enfant au cours desquelles des investissements stratégiques sont susceptibles d'apporter des résultats positifs. Figurent parmi ces secteurs clés d'investissement une bonne éducation des parents et l'apprentissage précoce des enfants, les qualifications offertes par le réseau d'enseignement, les activités et les loisirs, un développement adapté des compétences, l'emploi, l'acquisition d'actifs et la création de richesses. Autrement dit, nous avons examiné ce dont avait besoin une personne humaine pour être forte et en mesure de faire sa part au sein de la société, depuis la période précédant la naissance jusqu'au moment où elle occupe un emploi.
     Pour relancer les investissements communautaires, la table ronde a œuvré en collaboration avec des groupes de planification chargés d'évaluer les résultats et les répercussions de la pauvreté sur les enfants et leurs familles. Ces secteurs d'investissement essentiel sont le résultat de décisions communautaires bénéficiant d'investissements et d'une coordination politique au niveau de l'ensemble des gouvernements, y compris les municipalités. Nous avons privilégié des changements systémiques qui se traduiront par une réduction à long terme de la pauvreté. C'est ainsi que nous favorisons une multiplication des partenariats communautaires avec les gouvernements, ce qui octroie plus de souplesse dans le financement et la mise en oeuvre des programmes, tout en favorisant les solutions axées sur l'action.
     L'expérience de l’Hamilton Roundtable for Poverty Reduction prouve que l'on peut exercer une influence stratégique sur la pauvreté au sein de la communauté. Grâce à leur collaboration, les citoyens, les entreprises, les gouvernements et les organisations communautaires ont réussi à obtenir les résultats suivants: une réduction du taux de pauvreté, qui passe de 20 à 18 p. 100, ce qui se traduit par 6 000 citoyens de moins vivant au-dessous du seuil fixé pour les faibles revenus au moment où les taux de pauvreté augmentent dans les autres communautés; 175 solutions communautaires améliorant la situation des foyers et les conditions sociales de plus de 47 000 enfants, adolescents et leurs familles, notamment en augmentant les revenus, les possibilités d'accès aux garderies et à la formation professionnelle, les débouchés en matière d'emploi et l'accès au logement; plus de 10 millions de dollars investis dans des priorités locales visant à réduire la pauvreté par l'intermédiaire de la Fondation communautaire de Hamilton, de Centraide, de la municipalité de Hamilton, et surtout grâce à des investissements des entreprises et à de nouveaux crédits de la province et du gouvernement fédéral; une couverture sans précédent par les médias des questions liées à la pauvreté, ce qui a permis de faire comprendre à notre communauté que les pauvres n'étaient pas simplement des personnes qui ne voulaient pas travailler; enfin, la mise en place d'une stratégie de réduction de la pauvreté en Ontario.
     Pendant les quatre dernières années, nous avons tiré d'importantes leçons de notre action. Nous avons appris tout d'abord que le problème était complexe et multisectoriel. La solution doit faire intervenir toutes les parties prenantes: les gouvernements, les entreprises, le secteur à but non lucratif, la santé, l'éducation, les communautés locales et les pauvres. Finalement, nous sommes tous responsables du problème et nous devons donc tous participer à sa solution. Nous invitons le gouvernement fédéral à instituer un Secrétariat interministériel ainsi qu'un groupe d'étude national multisectoriel sur la réduction de la pauvreté.
     Deuxièmement, nous avons appris que de manière générale, nous savions quelles étaient les solutions à la pauvreté et que nous pouvions compter sur des gens en mesure d'apporter des solutions. Il est bien prouvé que les investissements effectués au niveau de l'apprentissage précoce, des logements sociaux, de l'éducation, de la formation professionnelle, de l'accueil des immigrés, des populations autochtones vivant en milieu urbain et de la sécurité des revenus, y compris en ce qui a trait aux mesures d'aide d'urgence telle que l’AE, ont des effets positifs sur les personnes, les communautés et le pays tout entier. Il n'en reste pas moins que pour que ces solutions soient permanentes, il nous faut investir ces ressources et nous doter des politiques indispensables pour réduire et prévenir la pauvreté. Nous devons nous assurer que ces investissements dans les programmes soient souples et durables, qu'ils aient un maximum de répercussions à long terme et qu'ils reflètent bien le caractère propre à chaque communauté.
     En troisième lieu, nous avons appris que les investissements qui sont faits en matière de pauvreté sont essentiellement les mêmes que ceux qui s'appliquent à la prospérité. Ce sont des investissements dans le capital humain et dans la capacité de résistance des personnes et des communautés. Dans un monde en pleine évolution, y a-t-il de meilleur investissement? Par ailleurs, si la pauvreté et la prospérité sont indissociables, il nous apparaît évident à Hamilton qu'il est impossible de mettre en place une stratégie économique nationale sans disposer par ailleurs d'une stratégie nationale de réduction de la pauvreté.

  (1535)  

    Malheureusement, nous avons aussi constaté que malgré tous nos efforts, nous n'avons pas réussi à faire sensiblement évoluer le taux de pauvreté globale au Canada au cours de ces quatre dernières années, sauf — je suis bien d'accord — pour les personnes âgées. Cela s'explique par de nombreux facteurs. Le plus important d'entre eux, cependant, c'est le fait que nous n'avons aucun sentiment d'urgence et que nous semblons trop bien nous adapter à cette situation en tant que Canadiens. Nous nous posons la question à Hamilton, est-ce qu'on considère la pauvreté comme une simple grippe ou comme le SRAS? Si l'on traitait la pauvreté comme on traite le SRAS, il y a longtemps que la question serait réglée. Ce n'est pas l'argent ou les solutions qui manquent; c'est une question de valeurs.
     Une fois que l'on a convenu, comme on l'a fait à Hamilton, que la pauvreté est tout simplement inacceptable au Canada — et si la pauvreté est inacceptable, celle des enfants ne peut que nous horrifier — il est indéniable qu'on ne peut manquer de supprimer la pauvreté. Il nous suffit d'établir des critères précis et des échéanciers pour réduire et finalement supprimer la pauvreté en nous fixant des objectifs plus élevés que nous ne l'avons fait jusqu'à présent.
     Je vous remercie.
    Merci, Mark. Vous avez réussi à nous dire un maximum de choses en peu de temps. Vous devez certainement faire de la course à pied ou des exercices aérobiques. Vous n'êtes même pas essoufflé.
    Je suis rapide, et nous vous avons envoyé par courrier un rapport plus complet.
    Il nous arrive parfois de devoir obliger l'orateur à ralentir à cause des interprètes, mais je ne les ai pas entendus se plaindre et ils ont donc dû se débrouiller.
    Nous allons maintenant entendre Sarah Blackstock, analyste des politiques et recherche du Centre d'action pour la sécurité du revenu. Vous disposez de cinq minutes.
    Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour prendre part à cette discussion, de plus en plus passionnante à l'échelle du pays, sur la réduction de la pauvreté. Je suis certaine que tout le monde s'accorde à dire qu'il était temps, et j'imagine qu'il en est de même pour vous.
    Comme l'a dit le président, je travaille pour le compte du Centre d'action pour la sécurité du revenu, une clinique juridique installée en Ontario qui se charge de plaider en justice des procès faisant jurisprudence, de faire réformer le droit et d'organiser la communauté dans le but d'améliorer la sécurité du revenu et l'insertion sociale des habitants à faibles revenus de l'Ontario.
    Comme je vous l'ai dit, l'objectif visant la réduction de la pauvreté a été adopté par toutes les provinces du pays, y compris l'Ontario. Nous avons des stratégies provinciales de réduction de la pauvreté, des lois sur la réduction de la pauvreté et, à l'heure actuelle, des programmes novateurs. Les provinces ont fini par comprendre que l'adoption de politiques publiques visant à réduire la pauvreté est non seulement une bonne chose, qui relève de notre devoir — et je dirai que c'est déjà là une raison suffisante pour agir — mais qu'en outre c'est ce que l'on peut faire de plus intelligent si l'on peut pouvoir compter sur une économie forte et sur des collectivités en bonne santé. En outre, comme Mark vient de le préciser, ce ne sont pas seulement les provinces qui entreprennent de réduire la pauvreté; ce sont les municipalités et les collectivités à l'échelle du pays, ce sont les militants sociaux, les enseignants, les professionnels de la santé, les communautés religieuses, les dirigeants des banques et les chambres de commerce, qui tous nous répètent qu'il faut s'atteler sérieusement à la réduction de la pauvreté pour des raisons de justice, d'équité, d'insertion sociale, de santé et d'économie.
    Comme on vous l'a déjà dit, l'Ontario a adopté une stratégie provinciale de réduction de la pauvreté, et je sais que le ministre Matthews a comparu devant votre comité pour vous en parler en détail. C'est une stratégie imparfaite, à mon avis, mais c'est un pas important dans la bonne direction.
    Ce qui est passionnant pour ceux qui comme nous travaillent en Ontario, c'est que des gens de toute la province, et au niveau local, s'impliquent dans le projet de réduction de la pauvreté. Il m'apparaît cependant que le Canada est plus que la somme de ses parties; nous constituons une nation. Certes, il y a de la diversité et d'énormes différences au sein de cette nation, mais nous partageons en même temps des valeurs et certaines aspirations, ce qui fait que l'Ontario n'est pas la seule province à exiger du gouvernement fédéral qu'il prenne la place indispensable qui lui revient de droit dans notre lutte commune pour réduire la pauvreté.
    Oeuvrant en collaboration et de manière transparente, le gouvernement fédéral et les provinces devraient se doter d'une stratégie nationale de réduction de la pauvreté qui complète et appuie les efforts des provinces et des territoires et qui soit guidée par un projet d'élimination de la pauvreté dans notre pays afin de respecter pleinement les objectifs de la charte et les droits de la personne. Il faut que ce soit une stratégie comportant des objectifs précis et des échéanciers. Je propose en outre qu'elle soit transparente, tant au niveau des décisions que des délibérations, du contrôle ou de l'évaluation.
    Je citerai en exemple le supplément de la prestation nationale pour enfants, qui constitue dans l'ensemble un excellent programme issu de négociations entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral, mais qui souligne par ailleurs les failles du fédéralisme coopératif, parce qu'aucun accord n'a été officiellement signé à la suite de négociations menées en grande partie à huis clos, sans aucune transparence et sans que l'on rende des comptes, ce qui revêtait pourtant une certaine importance pour nombre de partisans et de militants contre la pauvreté, qui souhaitaient que l'on prenne au sérieux leurs préoccupations. Nous n'avons pas pu avoir accès aux délibérations et avoir des échanges fructueux avec le gouvernement sur toutes les questions qui nous concernent.
    Les conditions préalables à la mise en place d'une stratégie nationale de réduction de la pauvreté sont à mon avis très claires et ont été exposées par les provinces et les municipalités de l'ensemble du pays ainsi que par les chercheurs, les militants, les citoyens indépendants et les personnes à faibles revenus elles-mêmes. Je vais donc me contenter d'évoquer rapidement trois points importants.
    Je ne suis pas la seule à exiger une réforme de l'assurance-emploi dans notre pays. Les chômeurs doivent pouvoir bénéficier de prestations leur permettant de s'en sortir financièrement, de bénéficier d'un appui suffisant ou encore d'acquérir une formation favorisant leur réintégration sur le marché de l'emploi. Je suis sûre que bien des gens qui ont comparu devant vous aujourd'hui vous ont rappelé que dans notre province, 32 p. 100 seulement des chômeurs ontariens pouvaient prétendre à bénéficier de l’AE. Comme bien d'autres, par conséquent, le Centre d'action pour la sécurité du revenu réclame des critères de prise en charge uniformes correspondant à 360 heures de travail, un niveau de prestations porté à 60 p. 100 des gains calculés en fonction des 12 meilleures semaines de salaire de l'employé, et un prolongement, jusqu'à un maximum de 50 semaines, de la période pendant laquelle il est possible de percevoir les prestations.

  (1540)  

    En second lieu, il convient d'augmenter le supplément de la prestation nationale pour enfants. C'est de l'argent qui est toujours bien dépensé. Il permet de nourrir, d'habiller et de prendre soin de nos enfants, et c'est aussi de l'argent, bien entendu, qui est immédiatement mis à profit par les collectivités locales, de sorte que c'est aussi une bonne chose pour les économies locales. Nous demandons que le supplément de la PNE soit porté à 5 200 $.
    Pour finir, j'évoquerai simplement le besoin urgent d'investir dans l'éducation de la petite enfance et les garderies. Nous recommandons que des crédits soient prévus à ce titre dans les deux prochains budgets fédéraux en englobant les dépenses d'exploitation et d'investissement, y compris en ce qui a trait aux frais d'agrandissement et de rénovation. Une stratégie nationale de garderies est de toutes façons indispensable si l'on veut réduire la pauvreté au Canada.
    J'arrête ici en vous disant pour terminer que je suis très heureuse de comparaître en ces lieux et j'espère que nos discussions seront très fructueuses.

  (1545)  

    Je vous remercie, Sarah.
    Nous allons maintenant passer la parole à Joséphine Grey. Je pense qu'elle est prête. Joséphine est la directrice administrative de Low Income Families Together.
    En fait, je comparais ici aujourd'hui en tant qu'observatrice sur place représentant le Canada au sein du Sommet mondial du développement social. Il m'a été demandé d'observer les négociations au Canada en 1995 à l'occasion du Sommet mondial du développement social. Il semble qu'il y ait déjà bien longtemps, mais je soulève la question parce que j'estime... Disons que je suis d'accord avec tout ce que viennent de dire ici les intervenants qui ont comparu aujourd'hui. Je tiens à aborder un certain nombre de problèmes qui touchent la question, vous parler du contexte et évoquer les enjeux politiques qui à mon avis se rapportent directement à notre sujet.
    Je vous parle du Sommet mondial sur le développement social ainsi que d'un certain nombre d'événements qui sont survenus au début des années 1990 parce que je considère qu'il est très important de ne pas oublier qu'à un moment donné nous avions fait de grands progrès, non seulement dans la voie de la réduction, mais aussi de l'élimination, de la pauvreté. Nous avions en commun pour objectif au sein de notre pays d'essayer d'établir un modèle et de donner l'exemple pour montrer qu'un pays peut réussir effectivement à éliminer la pauvreté — du moins, c'est ce que l'on soutenait à l'époque.
    Je dois préciser qu'en Ontario on avait engagé sur neuf ans et à un coût d'au moins 9 millions de dollars une procédure de réforme de l'aide sociale ayant permis de mieux comprendre dans quelle mesure il était possible d'instituer un réseau de sécurité sociale rendant véritablement service aux personnes à faibles revenus plutôt que de se transformer en une autre forme d'industrie exploitant la misère des personnes vulnérables.
    Tout cela s'est évaporé avec le temps, notamment sous la pression de l’ALÉNA, l'Accord de libre-échange nord-américain. Cet accord a eu des répercussions considérables sur nos politiques sociales pour diverses raisons. J'ai vu entre autres s'insinuer progressivement sur notre scène politique la notion selon laquelle on pouvait éventuellement privatiser différentes formes de services sociaux, ce qui m'a finalement permis de comprendre pour quelle raison un pays si riche, disposant de tant de ressources et d'un si grand nombre de connaissances, et qui jusqu'alors avait bien mieux réussi, était désormais aux prises avec une pauvreté en augmentation et avec un gel des salaires et des revenus, de sorte que sa population se retrouvait dans une situation de plus en plus désespérée et était de plus en plus pauvre.
    La seule explication que je pouvais découvrir, c'est que ceux qui tiraient les ficelles en se cachant derrière le gouvernement avaient vu éventuellement la possibilité de tirer profit de la misère humaine en privatisant les services sociaux. C'est d'ailleurs ce que nous avons bien vu durant la période qui a suivi — ainsi, pour ce qui est par exemple des mécanismes de justice pour les jeunes — alors que des sociétés privées profitent de l'existence de la pauvreté. Le réseau des prisons en est un exemple frappant.
    Il se trouve que j'habite dans une zone très peuplée, au sein d'une communauté très diversifiée, et j'ai vu de gros changements se produire. Lorsque le gouvernement fédéral a jugé bon d'abdiquer ses responsabilités pour s'en décharger en matière de pauvreté sur les provinces en remettant en question les normes nationales, la province a immédiatement réagi en pratiquant des coupures dans tout le reste, au point de regrouper quelque 130 lois et règlements au sein d'un seul projet de loi, sans que personne ne s'y oppose. Il n'y a eu personne pour dire quoi que ce soit. Lorsqu'on arrive à ce point, je me demande si nous vivons bien dans un véritable pays ou s'il ne s'agit que d'un ramassis de petits États balkanisés. Les conséquences se sont fait sentir très rapidement et la situation s'est révélée très grave. Au sein de ma collectivité, les activités criminelles, le trafic de drogue, le désespoir, etc., ont augmenté en flèche. Les effets ont donc été immédiats et très marqués.
    Toutefois, ce qui s'est passé par ailleurs dans notre comté, l'un des plus pauvres et des plus riches du pays, c'est que nos revenus locaux ont baissé d'un million de dollars par mois environ en raison des coupures pratiquées dans les programmes de sécurité des revenus — pour les personnes âgées, les réfugiés, les immigrants, les mères seules, etc. — ce qui a retiré de l'argent à notre économie locale.
    Je mentionne tout cela parce que je considère qu'il ne s'agit pas simplement d'évoquer quelques idées de bon ton pour réduire la pauvreté. J'estime que nous parlons de quelque chose de plus fondamental et de plus important. Comment se fait-il que le Canada, qui jusqu'alors recherchait le bien-être de tous, s'en désintéresse subitement et cherche à imiter les États-Unis dans tous les domaines? Nous avons institué le programme de travail obligatoire. Nous avons confié à des sociétés américaines la conception de nos mécanismes d'aide sociale et d'autres choses encore.
    Dans l'intervalle, certains d'entre nous qui avaient compris que nous n'avions aucune protection... D'ailleurs, si vous examinez de près la législation canadienne, vous constaterez que les personnes pauvres n'y sont aucunement protégées. Ce n'est pas une forme de discrimination et nous n'avons donc aucun recours. Cela autorise par conséquent quelqu'un comme moi à passer directement de ma collectivité locale aux Nations Unies, sans aucune étape intermédiaire, car le Canada ne doit rendre aucun compte de mes droits en tant que personne pauvre.
    Je me suis donc rendue aux Nations Unies. Je vous conseille de bien étudier ce que le comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels a eu alors à dire sur mon pays. Il a déclaré très clairement que nous avions misérablement échoué et que nous avions par ailleurs gravement enfreint les accords sur les droits de la personne que nous avons signés en 1976 en ne prévoyant absolument aucun mécanisme de responsabilité, aucun recours, aucune norme, etc. Je dois dire ici que toutes ces choses ont été signées en notre nom, en tant que peuple...
    Déjà cinq minutes d'écoulées? Excusez-moi, je vais terminer.

  (1550)  

    Quoi qu'il en soit, je vous invite fortement à étudier les déclarations de ce comité. Il a présenté un certain nombre de recommandations très intelligentes, qui insistent sur certains points très importants. Il est ridicule de devoir aller aussi loin pour être entendu et faire part ensuite à notre gouvernement des réalités qui sont les nôtres. C'est uniquement à la tribune de Genève que nous avons pu nous faire entendre. C'est la première fois depuis le début des années 1990 que nous avons pu instaurer un dialogue impliquant le gouvernement fédéral au sujet de la réduction de la pauvreté et des différentes questions qui s'y rattachent, et je trouve cela tout à fait extraordinaire.
    Je tenais aussi à signaler qu'à l'époque du Sommet mondial sur le développement social, Lloyd Axworthy s'était fortement impliqué dans cette grande réforme des ressources et du développement humain. Il s'agissait là encore de l'argent, des investissements, du temps et des efforts que la population canadienne avait consacrés de mon vivant pour essayer d'en arriver à un meilleur système. Pourtant, le jour de l'adoption du budget, alors que nous nous trouvions justement bien loin à Copenhague sans pouvoir dire grand-chose des plus grandes compressions budgétaires qui aient jamais été pratiquées dans l'histoire de la sécurité sociale, ce que Lloyd Axworthy m'a déclaré — et je peux vous le dire aujourd'hui — c'était que notre pays avait totalement changé d'orientation, que le ministre des Finances avait tout bouleversé, que le procédé était totalement antidémocratique et qu'il désespérait complètement de l'avenir de notre pays. J'ai dû en convenir avec lui et je peux vous dire que dans mon travail, compte tenu de ce que j'ai vécu et de ce que j'ai vu au sein de ma collectivité, de l'expérience qui a été la mienne auprès de mes enfants, qu'il s'agissait bien d'un véritable bouleversement qui a causé bien des souffrances pour tout le monde.
    Enfin, je tiens à signaler que même si toutes les recommandations qui sont faites ici sont très utiles et si je les appuie entièrement, j'estime qu'il nous faut adopter d'autres mesures respectant les droits de la personne pour que nous puissions nous prévaloir des engagements, des normes et des obligations découlant des droits de la personne pour faire en sorte que les provinces et le gouvernement fédéral se penchent par exemple sur le droit des sociétés. Les sociétés n'ont pas le droit de se retirer et de laisser les gens en plan sans leur accorder des indemnités de départ ou d'autres compensations. Voilà le genre de mesure qu'il nous faut commencer à envisager. Il y a une quantité d'activités insidieuses et non contrôlées qui causent encore plus de préjudice à notre population et la rendent encore plus pauvre.
    Ce ne sont donc pas uniquement les enjeux et les politiques liés à la sécurité sociale qu'il nous faut examiner lorsque nous nous penchons sur la pauvreté en général. J'estime que nous devons aussi nous doter de mécanismes exigeant que nous rendions des comptes et susceptibles d'infléchir le droit des sociétés, par exemple. Si nous ne réformons pas le droit des sociétés et notre cadre économique, nous n'allons pas beaucoup progresser parce que l'environnement dans lequel nous opérons gênera l'ensemble de notre action. Je crois que c'est absolument essentiel et j'espère que votre comité envisagera sérieusement de créer toutes sortes de mécanismes facilitant notre intervention.
    Nous allons donner la parole à Maria, qui va disposer de sept minutes pour commencer. Elle posera ses questions à l'un quelconque d'entre vous, ou éventuellement à plusieurs d'entre vous, et nous passerons à la suite.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous des exposés que vous venez de nous présenter cet après-midi.
    Comme je l'ai dit un peu plus tôt aujourd'hui, je vais commencer en précisant que je n'ai aucun désaccord avec tout ce que vous nous avez déclaré au sujet des besoins et des objectifs ainsi que des obligations qui sont les nôtres. Vous avez été nombreux à faire les mêmes recommandations en ce qui a trait à la législation, au programme national de garderies, au logement — qui sont à la base d'une stratégie nationale contre la pauvreté — à la situation, à ce qu'il nous faudrait faire et aux principaux enjeux. Je n'entrerai donc pas davantage dans les détails et je ne vous ennuierai pas avec cela.
    Je vais vous poser quelques questions sur certains points en particulier, éventuellement pour que cela soit consigné dans notre procès-verbal.
    Le premier domaine que je veux aborder est celui des sexes. Dans son exposé, le groupe des mères seules nous a dit que le système actuel, qui reste neutre vis-à-vis des sexes, ne fonctionne pas, et bien entendu je suis d'accord avec vous. Je ne sais pas si vous avez lu le rapport sur la budgétisation équitable selon les sexes qui nous a été présenté par le comité permanent de la condition de la femme. Nous avons tenu des audiences il y a un an et nous avons rédigé un rapport. Par budgétisation équitable selon les sexes nous entendons la nécessité de procéder à une analyse en fonction des sexes de tous les programmes gouvernementaux, des mécanismes d'élaboration des budgets et des divers programmes que le gouvernement contribue à mettre en place ou à administrer. L'analyse en fonction des sexes est essentielle si l'on veut pouvoir mesurer dans quelle mesure un programme se désintéresse des femmes, à dessein ou non, mais si les femmes sont laissées de côté comme c'est le cas, certains d'entre vous l'ont signalé, dans certains secteurs de l’AE et d'autres programmes.
    Avant tout, j'aimerais savoir si vous avez lu ce rapport et dans quelle mesure il correspond à ce que vous avez fait puisque de toute évidence vous aviez des choses précises à dire lorsque vous avez évoqué le problème de la neutralité en fonction des sexes. Vous pourriez peut-être nous en parler davantage. Je sais que nous avons procédé à une étude, mais il y a peut-être certaines choses que...

  (1555)  

    Je n'ai pas lu ce rapport.
    Vous pouvez le lire sur Internet. Il s'agit de la budgétisation équitable selon les sexes aux termes de laquelle le comité permanent de la chambre s'est efforcé de faire deux choses. Nous avons rédigé un rapport sur la sécurité financière des femmes et nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas réussir tant que nous n'aurions pas procédé à une analyse de la budgétisation en fonction des sexes dans notre pays au niveau des différents programmes. Nous avons suivi essentiellement la procédure budgétaire en cherchant à savoir si l'on avait procédé dans nos budgets à une analyse véritable en fonction des sexes et où cela nous menait. C'est ainsi que nous avons suivi un certain nombre de programmes figurant dans les précédents budgets pour voir ce qu’ils donnaient du point de vue de la condition des femmes et dans quelle mesure ils affectaient celles-ci. Bien évidemment, la disparité entre les revenus était très grande au Canada, comme vous l'avez dit dans vos recommandations, et il s'agissait de savoir comment se décomposait la chose dans quelle mesure on pouvait modifier...
    Vous avez fait des recommandations ici. Sans avoir lu les rapports, et indépendamment de la disparité des salaires, avez-vous procédé vous-même à une analyse selon les sexes ou à une évaluation en association avec d'autres organisations en ce qui a trait à des programmes gouvernementaux autres que l’AE, comme le RAPC, par exemple? Je me demande si vous avez fait ce genre de choses et s'il y a là des travaux qui existent déjà et que nous n'aurons plus à refaire.
    Nous n'avons procédé à aucune analyse des programmes en fonction des sexes. Nous n'en sommes, comme je vous l'ai dit plus tôt, qu'au début de notre quatrième ronde d'entrevues et nous ne faisons que commencer à analyser un certain nombre de failles du système. Nous ne faisons que commencer à voir clair dans nos données et à comprendre ce que nous disent ces femmes depuis trois ans en nous rappelant que l'on ne tient pas compte du fait que ce sont des mères obligées d'élever seules leurs enfants.
    L'exemple qui nous vient immédiatement à l'esprit est celui de la formation dispensée dans le cadre du programme Ontario au travail. En Ontario, la majorité des programmes qui sont offerts à ces femmes ne leur permettent pas de sortir de la pauvreté. Il n'en va pas de même pour une famille bénéficiant de deux salaires ou pour une personne qui n'est pas chargée d'enfants. Lorsqu'on a des enfants et qu'on ne peut compter que sur son seul revenu, un programme qui procure des emplois à 10 ou 12 $ de l'heure, et qui bien souvent sont par ailleurs des emplois précaires, ne permet pas de se sortir de la pauvreté. Nous estimons que ces programmes ne tiennent pas compte du fait que la majorité des personnes qui y ont accès sont des femmes chargées d'élever des enfants. C'est un exemple frappant que nous revoyons constamment dans nos statistiques.
     Par ailleurs, nous n'avons pas cherché délibérément à étudier des femmes qui sont parties parce qu'elles avaient subi de mauvais traitements, mais nous nous retrouvons constamment en présence d'une majorité de femmes pauvres qui sont dans cette situation parce qu'elles ont été victimes de mauvais traitements, les mécanismes de soutien n'étant pas conçus à long terme pour leur permettre de résoudre ces difficultés tout en suivant des programmes de formation. On ne tient pas compte du fait qu'elles ont peut-être souffert de mauvais traitements pendant 10 ans et qu'on ne peut pas leur demander de se relever du jour au lendemain pour aller travailler. Voilà donc quelques-uns des exemples que nous relevons. Il y en a d'autres. Nous serons mieux en mesure d'analyser la situation à la fin.
    Il est évident, d'après tout ce que nous avons entendu et tout ce que je sais, qu'un programme national de garderies ainsi que le logement, l'éducation, la formation et le relèvement de la prestation pour enfants, qui doit être porté à un niveau minimum, sont essentiels si l'on veut pouvoir disposer d'une certaine stabilité et aider les femmes — l'ensemble des familles, mais de toute façon les femmes — à se sortir de la pauvreté.
    Vous êtes-vous demandé quelle était l'efficacité de la prestation fiscale pour le revenu du travail et dans quelle mesure elle pouvait être d'une aide quelconque? Je ne m'adresse pas seulement à vous, mais y a-t-il quelqu'un d'autre qui s'est penché sur cette disposition, la prestation fiscale pour le revenu du travail, qui a été annoncée récemment?

  (1600)  

    Nous l'avons évidemment examinée en ce qui a trait aux personnes handicapées. Structurellement, c'est une politique novatrice. Les montants sont très faibles et ils le restent pour l'instant. Nous sommes évidemment favorables à cette mesure, mais il faudra comme toujours voir à l'usage en fonction de l'augmentation des montants versés.
    J'ai deux autres questions à vous poser. L'une s'adresse à tous et l'autre plus précisément à la Société de la sclérose en plaques.
     Dans ce même ordre d'idées, nous avons la prestation pour enfants, qui est une mesure de soutien des revenus des familles ayant des enfants, et il y a ensuite la prestation fiscale pour le revenu du travail. S'il fallait en choisir une, quelle est la prestation que vous augmenteriez pour avoir le plus d'effet? Je sais que c'est bien difficile, mais il nous faut faire des choix, n'est-ce pas? Supposons que nous décidions d'augmenter ou de bonifier l'une des deux.
    C'est vraiment un choix difficile. Je crois qu'il y a de nombreux militants qui sont d'accord avec Yves Savoie pour dire que la prestation fiscale pour le revenu du travail est un bon programme. Les montants qu'elle procure restent assez minimes, il me semble, pour quelqu'un qui travaille à plein temps en Ontario.
     Je dois dire que la mise en place d'un programme national de garderies est indispensable. Il est évident par ailleurs que lorsqu'on parle de prestations pour enfants, il faut parler des garderies. En Ontario, nous disposons aujourd'hui d'un magnifique nouveau programme de prestations pour enfants. C'est un excellent programme et les personnes qui bénéficient de l'aide sociale peuvent conserver ces prestations lorsqu'elles quittent l'aide sociale. On ne peut pas obtenir et garder un emploi si l'on ne dispose pas de garderies à un coût abordable. La prestation pour enfants de l'Ontario a été instituée avec pour principal objectif politique d'aider les familles à faire la transition et à obtenir et conserver un emploi décent. On ne peut toutefois y parvenir en l'absence de garderies. Par conséquent, je n’insisterai jamais assez sur l'importance des garderies à un coût abordable.
     Je considère en outre que ce genre de mesure contribue par ailleurs à lutter contre les discriminations sexuelles et raciales liées à la pauvreté.
    Je vous poserai encore quelques questions plus tard.
    Pourriez-vous faire une réponse très courte? Nous sommes en retard. Vous avez la parole.
    J'ai oublié de parler de la prestation fiscale pour le revenu du travail lors de mon intervention.
     Nous connaissons bien, évidemment, ce genre de crédit d'impôt parce que notre voisin du sud a un programme bien plus étendu qui fonctionne depuis les années 1970. Aux États-Unis, c'est la principale source de réduction de la pauvreté et c'est devenu le plus gros programme d'aide sociale de ce pays. Cela s'explique en partie par la très faible importance de ses autres programmes.
     Je considère que c'est une très bonne solution à court terme au problème des bas salaires que j'ai évoqué. C'est une mauvaise solution à long terme parce que nous connaissons à l'heure actuelle les incidences de l’EITC aux États-Unis. Cette prestation favorise la multiplication des bas salaires. Elle subventionne les employeurs qui pratiquent des bas salaires comme elle le fait pour les travailleurs qui les perçoivent. Donc, en soi, si c'est le seul recours dont on dispose, ce n'est qu'un pis aller qui ne permet pas de remédier à la véritable situation.
    J'aimerais simplement évoquer rapidement le fait que l'on oublie toujours que les femmes, plus particulièrement, passent constamment d'un emploi au chômage. Très souvent, elles ne peuvent pas prétendre à bénéficier de l’AE. Par conséquent, qu'il s'agisse de leur prestation pour enfants, de leur prestation fiscale pour le revenu de travail ou de toute autre mesure, car certains versements sont mensuels et d'autres annuels, la situation est indémêlable. Ainsi, la plupart des femmes qui bénéficient de l'aide sociale ne touchent pas ce qu'elles devraient toucher. Très souvent, elles travaillent épisodiquement sans réussir à conserver leurs droits à bénéficier des prestations. Il faut donc qu'il y ait une certaine coordination entre les différents paliers de gouvernement sur cette question.
     Chaque fois que j'ai mentionné le fait que des femmes trouvent un travail puis se retrouvent au chômage trois ou quatre fois par an, on s'est désintéressé de la question. Il faut pourtant s'en occuper.

[Français]

    Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Vous soulevez des points très intéressants.
    Monsieur Savoie, j'ai reçu récemment une lettre d'un de mes concitoyens qui me disait dit qu'il souffrait de la sclérose en plaques, mais qu'il ne recevait des prestations d'assurance-emploi que pendant 15 semaines. Je lui ai demandé pendant combien de temps ces prestations devraient être versées à une personne atteinte de cette maladie, selon lui. C'est une question difficile.
    Je vous dirais d'abord que la sclérose en plaques est très variable. Toutefois, les gens qui en sont atteints sont généralement plus fatigués pendant une période pouvant être très courte ou durer quelques semaines, voire quelques mois. Ces personnes peuvent être en cours de traitement, par exemple, ou traverser une phase aiguë. Elles doivent alors diminuer leur nombre d'heures.

  (1605)  

    Ce n'était pas l'objet de ma question. Je connais cette situation: ma soeur est atteinte de sclérose en plaques. Je veux savoir combien de semaines devraient être accordées à ces personnes.
    On leur en accorde 15 présentement, mais nous demandons que ce soit le double, de façon à ce que ces personnes puissent recevoir des prestations d'assurance-emploi pendant la moitié du temps et travailler pendant l'autre moitié. Il en irait de même pour les gens suivant des traitements contre le cancer, par exemple. Ils pourraient travailler l'avant-midi et subir leurs traitements pendant l'autre moitié de la journée.
    D'accord, merci.
    Monsieur Myles, vous avez parlé d'une politique nationale gérée par chaque province, comme en Europe, si j'ai bien compris. Je trouve l'idée très intéressante, mais j'aimerais savoir si vous entendez par là que l'ensemble des programmes devrait être offert dans chacune des provinces et que celles-ci détermineraient elles-mêmes les objectifs à atteindre plutôt que de suivre des politiques précises. On a dit plus tôt qu'il y avait une nation et qu'on devrait s'organiser. Pour ma part, j'en connais au moins deux. En outre, il y a l'Assemblée des Premières Nations. Bref, il n'y a pas une seule nation, mais plusieurs, et les problèmes de Vancouver ne sont pas ceux de Terre-Neuve.
    Dans ces conditions, comment le gouvernement fédéral devrait-il procéder, à votre avis?

[Traduction]

    Laissez-moi tout d'abord faire une observation. Les pays qui, dans le monde, en Europe de l'Ouest ou ailleurs, ont le mieux réussi dans ce domaine sont ceux dans lesquels la coordination se fait aisément, sans difficulté, et au sein desquels le niveau de confiance est élevé. On y a établi des institutions de longue date, ce que nous n'avons pas dans notre pays. En sciences politiques, nos institutions seraient considérées comme étant fortement sujettes à des conflits et peu susceptibles de favoriser la confiance. Il nous faut donc reconnaître que nos institutions posent un problème. On ne peut pas les changer du jour au lendemain.
     La forme la plus légère de coordination est à mon avis celle que j'ai évoquée lors de mon intervention, soit la méthode ouverte de coordination. Elle exige une adhésion aux objectifs fixés. Ainsi, l’UE s'est fixée des objectifs en matière d'emploi, notamment en ce qui concerne les femmes. Elle n'a pas imposé aux différents pays la façon dont ils devaient y parvenir, mais tout le monde a accepté de faire un effort pour s'y conformer en tenant compte des institutions nationales dont chacun disposait pour ce faire.
     Il faut pour cela procéder à des vérifications. Au Canada, la notion même de vérification et de production de données et de chiffres comparables entre les provinces est très controversée. Il est donc très difficile d'obtenir ce genre de statistiques, mais nous y parvenons parfois. C'est pourquoi j'ai pris cet exemple. Il semble que nous réussissions à collaborer sur certaines questions, mais pas sur d'autres.
     La meilleure méthode est celle que j'ai citée à propos du RAPC, où non seulement on s'est entendu sur des objectifs, mais où l'on a adopté un mécanisme d'application obligatoire imposant une intervention si certaines conditions n'étaient pas remplies. C'est une solution plus rigide, mais sur les points essentiels liés à la réduction de la pauvreté, notamment en ce qui a trait au marché du travail, nous n'avons pas le choix.

[Français]

    Je vais maintenant m'adresser à Mme Alcalde. Un peu plus tôt, vous avez parlé de certaines de vos recommandations, que j'ai lues. Cela revient à dire ce que l'on vient de mentionner. À mon avis, six des douze recommandations ont trait à un champ de compétence provinciale.
    Par contre, une recommandation s'adresse au fédéral, celle de l'assurance-emploi. Selon vous, l'assurance-emploi devrait être modifiée. Je suis tout à fait d'accord sur cela, surtout en ce qui a trait au délai de carence. D'ailleurs, c'est moi-même qui ai présenté le projet de loi.
    Ne croyez-vous pas que le régime d'assurance-emploi crée présentement de la pauvreté plutôt que d'aider les gens à se sortir du cycle de la pauvreté? Il y a un délai de carence de 15 jours, et seulement 43 p. 100 des gens y sont admissibles. L'assurance-emploi crée donc de la pauvreté puisqu'elle force les gens à bénéficier de l'aide sociale.

  (1610)  

[Traduction]

    Si l'assurance-emploi est créée... Je ne me sens pas qualifiée pour répondre à cette question. La plupart des femmes que nous interrogeons et dont nous connaissons les conditions de pauvreté n'ont pas accès à l'assurance-emploi parce qu'elles vivent dans un environnement précaire. Je considère qu'en partie notre recommandation consiste à séparer les prestations maternité de l'assurance-emploi pour que toutes les femmes puissent prétendre à en bénéficier. Toutefois, je ne me sens pas qualifiée pour vous répondre dans le cadre de notre recherche.

[Français]

    Madame Grey, trouvez-vous que le programme d'assurance-emploi, dans son état actuel, crée de la pauvreté plutôt que d'aider les gens à en sortir?

[Traduction]

    Dans la mesure où il y a si peu de bénéficiaires et où les règles administratives sont si strictes, je crois qu'effectivement ce programme crée beaucoup de pauvreté. Vous pouvez constater l'évolution considérable enregistrée en Ontario. J'ai beaucoup travaillé avec le gouvernement sur les questions d'aide sociale, et l'évolution enregistrée au sujet de l’AE a fait d'énormes différences ici en Ontario. Il est indéniable que cela crée de la pauvreté.
     Le faible niveau des prestations pose aussi un problème. Lorsqu'on demande à une personne qui vit depuis 20 ans avec un budget donné de survivre avec la moitié de ce budget, cela crée un problème en soi.
     Il y a aussi le fait que le gouvernement ait pu prélever des fonds dans cette caisse, à laquelle avaient cotisé les travailleurs, pour les intégrer à son budget général des dépenses, ce qui constitue pour moi un vol. Je dois dire que les Canadiens sont de plus en plus conscients de ces pratiques. Non seulement ils estiment que cela crée de la pauvreté, ce qui est effectivement le cas, mais ils comprennent par ailleurs qu'on leur a volé cet argent.
     Je vous avoue franchement que l'on entend non seulement parler dans la rue de ces 50 milliards de dollars et plus que l'on a prélevé dans la caisse de l’AE, mais aussi des quelque 200 milliards de dollars ayant servi entre autres à renflouer les banques. C'est devenu un gros problème. Les gens se rendent compte désormais. Ils ne sont plus aussi endormis qu'avant. Il y a une grande colère, parce que c'est notre argent et que nous le savons. Je dois vous dire que bien des gens estiment qu'il n'est pas seulement question ici de réduction de la pauvreté; il s'agit de nous dédommager en nous remboursant ce qui nous a été pris ces 15 dernières années lorsque tout le monde, pendant un temps, est resté obnubilé par toute cette question de déficits, entre autres.
     En ce qui me concerne, cela nous amène à nous demander, puisque notre gouvernement a estimé à un moment donné avoir le droit de procéder ainsi, s'il ne nous faudrait pas revoir notre cadre économique de façon plus large et nous poser des questions sur ce que nous considérons comme important et sur les objectifs qui sont les nôtres. Je dois dire que le seul engagement qu'a pris le Canada dans le cadre du Sommet mondial sur le développement social a été de revoir notre comptabilité nationale et notre façon d'évaluer certaines choses. Ce fut le seul engagement. Un certain travail a été fait mais on l'a tout simplement mis de côté, perdu et oublié.
     Je suis prête à affirmer qu'à une époque où nos économies sont en transition en raison de toutes les difficultés qui sont les nôtres à l'heure actuelle, c'est le moment idéal pour réexaminer toutes ces choses et nous demander comment modifier le cadre en place pour faire en sorte que lorsque quelque chose va bien pour les personnes les plus vulnérables de notre société, c'est en fait un succès non pas une perte. Tant que nous n'aurons pas un meilleur système de comptabilisation, ce sera sans espoir. Nous n'irons nulle part, en ce qui me concerne. L’AE fait partie d'un ensemble qui fait que l'on peut dire que l'on a réussi lorsqu'on obtient quelque chose de positif dans ce domaine, en dépit de toutes les souffrances de la population.
    Olivia, vous disposez de sept minutes.
    M. Myles et Joséphine Grey ont évoqué le régime d'assistance publique du Canada, supprimé depuis 1995 et remplacé depuis par un financement de base s'accompagnant de compressions budgétaires. Vous connaissez cette triste affaire. Pour que nous revenions à l'établissement de normes nationales, que ce soit en vertu de la méthode ouverte que vous avez évoquée ou dans le cadre de négociations du RAPC, de la méthode du regroupement social ou du régime d'assurance santé du Canada — il y a de nombreux champs d'intervention — proposez-vous que nous procédions en nous fixant des objectifs de réduction de la pauvreté, en effectuant des vérifications comptables ou des évaluations, ou pensez-vous plutôt qu'il nous faut agir par l'intermédiaire d'un régime canadien du logement, d'un régime canadien de garderies, etc., en privilégiant un élément en particulier ou en agissant au niveau de l'ensemble?
     Il y a évidemment un risque si l'on agit de manière globale. La classe moyenne vit dans la pauvreté mais n'en a pas l'impression et il est donc bien plus difficile de faire comprendre la chose sur le plan politique même si la population canadienne est censée s'en préoccuper. Ces 20 dernières années, comme vous pouvez le comprendre, ma confiance a été quelque peu érodée.
     Comment devrions-nous procéder, à votre avis? Est-ce en établissant des objectifs chiffrés en matière de pauvreté, telle qu'une réduction de 25 p. 100 sur cinq ans, par exemple? N'oublions pas que la majorité des gens qui vivent dans la pauvreté sont des mères seules et qu'au Canada on ne sait pas exactement si l'on doit en fait les considérer comme des mères ou des travailleuses, ce qui fait qu'elles n'appartiennent finalement ni à l'une ni à l'autre catégorie. Elles subissent les inconvénients des deux situations et ont très peu de pouvoir politique en conséquence.
     Comment devrions-nous agir à votre avis? C'est une question qui comportait un long préambule.

  (1615)  

    Je suis prêt à accepter ce que l'on voudra bien me donner, mais si j'ai insisté sur l'emploi et les salaires, c'est parce qu'à mon avis c'est la meilleure stratégie de réduction de la pauvreté que nous ayons à notre disposition. Les questions d'emploi relèvent évidemment de la compétence conjointe du gouvernement fédéral et des provinces.
    Vous parlez du salaire minimum, par exemple.
    Oui, mais même... Ottawa administre le programme d’AE. Le gouvernement fédéral a sa propre version en réduction des projets de formation et des politiques d'intervention sur le marché du travail. Certaines d'entre elles ont fait l'objet d'une délégation de pouvoirs, le plus souvent en faveur des provinces. Toutefois, il y a de toute évidence des chevauchements de compétences.
     Maintenant, quand à savoir si l'on peut parvenir à un consensus avec les provinces... Et il se peut que dans certaines occasions il faille recourir à un fédéralisme asymétrique; on discute avec ceux qui viennent à la table des négociations au sujet de l'emploi, des salaires et des projets susceptibles d'être mis en place. J'estime que l'on pourrait bénéficier d'une plus grande légitimité politique de cette façon, même du point de vue de la classe moyenne, plutôt que de parler de stratégie de réduction de la pauvreté.
    Nous devrions donc dire que 16 200 $ par an en moyenne pour une mère seule, ce n'est pas assez, alors que c'est le salaire moyen; il faudrait donc préciser: voici quels sont les critères, tant de dollars, et négocier avec...
    Nous sommes bien persuadés qu'il ne faut pas que les mères seules restent très longtemps tributaires de l'aide sociale. Elles ne se sortiront jamais de la pauvreté si elles se remettent uniquement à l'aide sociale.
     Il faut évidemment pouvoir compter sur un bon réseau d'aide sociale. Toutefois, si l'on veut résoudre les problèmes de ces femmes, il faut qu'un jour elles puissent occuper de bons emplois offrant des salaires décents. Et un emploi...
    Avec un réseau de garderies, sinon elles ne peuvent pas travailler.
    C'est tout à fait vrai.
     Je pense justement au cas des travailleurs handicapés, ceux qui souffrent de sclérose en plaques. On a traité la question en réclamant des politiques d'intervention active sur le marché du travail. Il n'est pas question de prestations de maladie. Il s'agit de reconnaître que pour certaines catégories de travailleurs — et il nous faut considérer ces gens comme des travailleurs potentiels — il va nous falloir... J'en ai en quelque sorte soupé des stratégies telles que le recours exclusif aux subventions salariales sur les 30 prochaines années. Je trouve que nous avons bien mieux à faire.
     Toutefois, dans des pays comme le Danemark ou les Pays-Bas, la stratégie adoptée reconnaît expressément que certaines catégories de personnes ayant différents types de handicaps vont devoir bénéficier en permanence de subventions salariales tout au long de leur vie. Cela fait partie intégrante de la politique d'intervention active sur le marché du travail. Autrement dit...
    Donc, si je vous comprends bien, il faudrait finalement que le gouvernement fédéral, en plus de se donner un objectif de réduction de la pauvreté — 25 p. 100 sur cinq ans, par exemple — devrait avoir une stratégie liée au marché de l'emploi et se fixer des normes nationales indiquant aux provinces ce qu'il leur faut obtenir, éventuellement en recourant à la méthode ouverte que vous avez évoquée de manière à procéder à des contrôles et à évaluer les résultats obtenus. On pourrait encore préciser davantage en disant éventuellement que si l'on n'obtient pas tel ou tel résultat, ce serait par conséquent un échec et il y aurait des pénalités. Ce serait donc ce genre de pourparlers qu'il nous faudrait mener collectivement, entre le gouvernement fédéral et les provinces? C'est bien cela?

  (1620)  

    Cela correspond à peu près à mon projet.
    C'est intéressant, parce que la population des pays nordiques n'est pas dans une situation aussi catastrophique. Les employés et les serveurs de restaurant de ces pays ne sont pas soumis à une telle pression parce qu'ils touchent des salaires suffisants pour être en mesure de nourrir leurs enfants tout en payant leur loyer. Au Canada, la disparité des revenus, tout particulièrement entre les sexes, fait que nous arrivons au 14e rang sur les 15 pays classés. La situation est si grave que même les personnes qui travaillent doivent occuper trois emplois pour survivre.
    J'ai parlé des différences institutionnelles. Les accords au niveau des institutions ne sont pas les mêmes. N'oubliez pas que dans la plupart des pays d'Europe, à l'exception du Royaume-Uni, 80 p. 100 des travailleurs, des employés, sont protégés par des contrats signés avec les syndicats.
    Oui, je le sais bien.
    Voilà pourquoi on a pris des décisions de ce genre. Toutefois, au Canada et aux États-Unis, la situation n'est pas la même. Nombre de ces pays n'ont pas de salaire minimum. Le salaire minimum résulte des négociations menées entre les employeurs et les syndicats et s'applique à l'ensemble de la main-d'oeuvre.
     À certains égards, nous nous en remettons aux deux paliers de gouvernement pour jouer le rôle que jouent les syndicats dans toute l'Europe. C'est quelque chose dont on doit tenir compte. Nous n'avons pas ici de syndicats pour s'en charger et il faut donc que les gouvernements prennent la relève.
    J'aimerais ajouter quelque chose concernant la façon dont on coordonne ce genre de mesure en Europe.
     Je me suis intéressée de très près à la façon dont ces pays ont fait le suivi du Sommet mondial sur le développement social. Ils ont tout d'abord veillé à respecter leurs engagements en faisant participer les gens directement concernés à l'élaboration des politiques. Toutefois, si l'Europe réussit dans ce domaine, c'est aussi parce que tous ces pays ont des normes et ont pris des engagements en matière de droits de la personne, parce qu'ils les prennent au sérieux et parce qu'ils disposent de mécanismes de contrôle à tous les niveaux. Toute la différence est là, en fait.
    Je vous rappelle cependant que les provinces ainsi que le gouvernement fédéral ont signé et ratifié ces accords. On peut partir de là en constatant que l'on dispose au moins d'un cadre fixant certains principes liant en droit le gouvernement fédéral et les provinces, comme cela se fait en Europe. Si certains de ces engagements étaient pris au sérieux et s'ils étaient suivis d'effets, on s'apercevrait qu'il est possible d'obtenir des résultats similaires.
     Nous avons un ou deux sites à visiter tout à l'heure. Je vais en finir rapidement en vous posant deux ou trois questions, nous n'utiliserons pas nécessairement les sept minutes prévues, et il nous faudra ensuite nous séparer de tous les intervenants qui sont venus témoigner aujourd'hui.
     Ma première question s'adresse à John.
     Je me réfère à la viabilité des programmes sociaux à l'avenir, parce que certains universitaires nous parlent d'un gel démographique au Canada, avec un taux de naissance qui diminue dans tout le pays. Pour l'instant on réussit tout juste à remplacer notre population, mais le taux continue à baisser. J'aimerais rapprocher cette réalité de la proposition faite par Judit et Elita, qui réclament dans leur 11e recommandation que les prestations de maternité soient détachées de l’AE et mises à la disposition de toutes les femmes. Il y a des pays comme la France, le Japon, et d'autres encore, qui ont dû réfléchir à cette question en termes de démographie. Comment maintenir nos programmes à l'avenir si ce n'est en recourant à l'immigration, à l’augmentation du taux des naissances ou à des politiques comme celles qui ont été préconisées par Judit et Elita? Comment en assurer la viabilité? Est-ce que vous voyez se profiler des écueils, des obstacles, lorsqu'il s'agit d'assurer la pérennité de notre main-d'oeuvre?
    En raison du vieillissement de la population canadienne.

  (1625)  

    En effet, parce qu'on ne la remplace pas.
    Depuis des années, mes recherches portent principalement sur les politiques de pensions. Je suis très connu dans ce domaine en Europe. On m'a demandé de venir en parler.
     Tous les 10 ans environ, on s'intéresse au Canada aux politiques des pensions. Pour bien des raisons, ce sujet n'éveille pas le même intérêt politique au Canada qu'en Europe, et il y a de très bonnes explications à ce phénomène. Notre régime de pension public est très peu coûteux. Nous consacrons quelque 5 p. 100 de notre PIB à notre régime de pension public tout en n'ayant qu'un faible taux de pauvreté comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Les pays européens consacrent entre 10 et 15 p. 100 de leur PIB à leurs régimes de pensions publiques. Nous avons des mécanismes de financement très différents. La moitié de notre budget de sécurité de la vieillesse, du moins dans le secteur des pensions, est prélevé sur le budget général des dépenses plutôt que d'être alimenté par des prélèvements sur les salaires. Cela nous a épargné bien des pressions qui s'exercent dans les grands pays européens.
    Est-ce que nous devrions faire quelque chose pour favoriser les naissances dans notre pays, comme l'ont fait la France, le Japon et d'autres pays?
    Devrions-nous faire quelque chose pour encourager les naissances? C'est bien difficile à dire. Il y a bien des exemples qui s'offrent à nous. On pourrait prendre le cas du Québec. Il est très difficile dans la pratique d'affirmer qu'une politique des naissances a permis de redresser la situation, mais il est indéniable que les changements apportés au Québec en matière d'aide familiale et de prestations pour enfants ont en quelque sorte renversé la vapeur. Jusqu'à une date récente, le Québec avait un des taux de naissances les plus faibles dans le monde.
    Il y a des gens qui ont été marginalisés et mis dans l'impossibilité de participer pleinement au marché de l'emploi en raison des structures familiales ou d'un handicap qui ne devraient pourtant pas les empêcher de travailler. Les recommandations que nous avons faites sont très modestes et très pratiques, et partent finalement du principe qu'il est indéniable que tous ceux qui souffrent de sclérose en plaques veulent travailler, sans pouvoir toutefois le faire en raison des failles de notre système au niveau des transports publics, de l'encadrement infirmier et des soins à domicile.
     On fait le choix de recourir aux prestations d'invalidité à un stade bien trop précoce d'une maladie qui est progressive comme la sclérose en plaques. Alors que ces gens pourraient travailler utilement 15, 25 ou 30 heures par semaine et payer des impôts, ce qui est au coeur de votre question, on fait le choix de leur verser à plein temps une prestation d'invalidité. Les bénéficiaires perdent ce qui fait la valeur sociale du travail, la motivation qui en découle, mais surtout la possibilité de contribuer utilement en tant que citoyens à notre économie et en tant que contribuables à notre fiscalité.
     Pour répondre à votre question, je dirai qu'il faut examiner la chose de manière globale. Je considère qu'il y a bien des gens qui sont marginalisés et ne peuvent participer en permanence au marché de l'emploi, non parce qu'ils ne veulent pas ou ne peuvent pas travailler, mais parce que le système les empêche de le faire.
    Je voudrais ajouter que la complexité administrative nous coûte très cher et que le fait d'investir tant d'argent pour éviter les fraudes, etc., est très coûteux. Si nous avions des systèmes plus simples, nous pourrions affecter des crédits à des projets bien plus importants et utiles que ceux qui consistent à faire la police et à s'assurer que certaines personnes ne profitent pas du système. Je crois que c'est absolument essentiel.
    Je remercie chacun d'entre vous: Judit, Elita, Josephine, Yves, John, Mark et Sarah. Nous avons apprécié votre participation et nous en tiendrons compte. Nous poursuivrons ce dialogue dans tout le pays dans les jours à venir.
     Nous avons terminé notre séance. Vous pouvez rester aussi longtemps que vous voulez.
     La séance est levée.
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