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Bonjour. Je m'appelle Kate McInturff, et je suis directrice générale de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale, ou AFAI. Je suis également l'ancienne coordonnatrice du Groupe de travail sur la disparité des sexes dans l'optique de la consolidation de la paix. Je vous suis reconnaissante de m'avoir invitée à m'adresser à vous ce matin.
D'après ce que j'ai compris, votre comité est chargé d'étudier la question de la terminologie. Néanmoins, comme vous le savez probablement, l'enjeu ici n'est pas seulement les mots que nous prononçons, mais les actions que nous commettons et l'effet qu'elles ont sur notre bien-être commun et notre capacité à tous de vivre une vie exempte de violence, de peur, d'humiliation et de souffrance — de vivre dans la dignité et la sécurité.
Aujourd'hui, j'aborderai trois points. Premièrement, je vous parlerai de l'abandon de l'utilisation du terme « égalité des genres »; deuxièmement, du fait que les modifications terminologiques sont révélatrices d'un changement encore plus significatif dans les ressources humaines et financières allouées aux efforts pour favoriser l'égalité des genres; et troisièmement, des changements immédiats et progressifs que nous pourrons effectuer pour appuyer le travail du gouvernement relativement à la promotion de l'égalité entre les sexes sur le plan international.
Premièrement, permettez-moi de vous parler des changements terminologiques.
Les déclarations de politique étrangère du gouvernement du Canada révèlent une forte préférence manifeste pour l'expression « égalité entre hommes et femmes » ou « droits fondamentaux des femmes et des filles », ou tout simplement « femmes et filles », plutôt que pour la formulation « égalité des genres ». Ce changement est important, parce que le terme « égalité des genres » englobe les forces sociales et culturelles qui sont à l'oeuvre pour favoriser tantôt l'égalité, tantôt l'inégalité.
D'après ce que j'ai compris, vous avez entendu le témoignage de M. Kessel mardi dernier. M. Kessel a indiqué que s'il était à la place d'un professeur d'université, il ne conclurait pas à l'existence de preuves suffisantes pour étayer cette affirmation concernant l'utilisation de la terminologie. En particulier, il a suggéré qu'on passe en revue les discours des ministres, les positions du gouvernement et les sites Internet gouvernementaux.
Eh bien, sachez que j'occupe un poste de professeur à l'université. J'ai justement donné des cours sur la méthodologie de recherche, et j'ai analysé les discours faits par les ministres, ainsi que les positions et les sites Internet du gouvernement. Donc, permettez-moi de prendre un moment pour fournir certaines de ces données probantes réclamées par M. Kessel.
Premièrement, au cours des 47 discours qu'il a prononcés durant son mandat, le ministre Cannon a mentionné à 17 reprises le mot « femmes ». Il a fait allusion une fois à l'« égalité des genres » alors qu'il félicitait Michelle Bachelet pour ses nouvelles fonctions, mais c'était en citant le nom exact de l'entité de l'ONU à laquelle elle avait été nommée, c'est-à-dire l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.
Deuxièmement, aucune des préoccupations prioritaires pour 2010-2011 précisées sur le site Internet des Affaires étrangères ne mentionne les femmes ou l'égalité des genres.
Troisièmement, au cours des trois débats du Conseil de sécurité des Nations Unies qui ont eu lieu entre 2008 et 2010 au sujet des femmes, de la paix et de la sécurité, l'ambassadeur canadien Normandin a recouru à l'expression « femmes et filles » 9 fois, au terme « femmes », 26 fois, et n'a pas utilisé une seule fois l'expression « égalité des genres ».
Quatrièmement, pendant un discours qu'il a prononcé le 24 septembre 2009, lors d'une rencontre des Nations Unies au sujet de la paix et sécurité grâce au leadership des femmes, le responsable des Affaires étrangères, Peter Kent, a recouru à l'expression « les femmes et les hommes » ou « égalité entre les femmes et les hommes » sept fois. Il a utilisé trois fois la formulation « femmes et filles », trois fois le mot « femmes », et pas une seule fois le terme « égalité des genres ».
Cinquièmement, on ne mentionne nulle part le terme « égalité des genres » dans les six déclarations concernant le droit international.
Sixièmement, sur les 10 discours prononcés entre 2008 et 2011 par la délégation à l'ONU, à New York, au sujet des droits de la personne, on a recouru au terme « égalité des genres » seulement deux fois et, dans les deux cas, on l'a fait en citant le nom d'un document de politique préexistant.
Septièmement, le nouveau plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité contient 62 références aux femmes et aux filles, 10 références aux hommes et aux femmes, 34 références aux femmes et une référence à l'égalité des sexes, encore une fois pour citer le nom d'un document préexistant.
Je pourrais continuer. J'ai d'autres listes. Je ne vous les lirai pas toutes, mais je serai heureuse de vous en dire plus au cours de la période des questions.
Je voudrais également faire une autre remarque. D'après ce que j'ai compris, M. Kessel a affirmé que cette terminologie était la norme, et qu'elle était en usage dans les pays de partout dans le monde. Mais j'aimerais revenir sur l'exemple du plan d'action national. Le plan national du Canada contient une seule allusion à l'« égalité des genres », et il s'agit d'une citation d'un autre document. J'ai passé un certain temps à faire un dénombrement; il existe actuellement 20 plans d'action nationaux dans des pays qui vont du Chili à l'Ouganda, en passant par la Suède, le Libéria, la Côte d'Ivoire, les Philippines, etc.
Si l'on compte les fois où le terme « égalité des genres » est utilisé dans l'ensemble de ces 20 plans d'action nationaux, on verra qu'il apparaît 139 fois, et le mot « genres », 1 046 fois. Le nombre moyen de mentions du terme « égalité des genres » dans chaque plan d'action est de sept, et l'on recourt 52 fois au mot « genres » dans des expressions comme « analyse selon le genre », « violence fondée sur le genre » et ainsi de suite. Donc, le Canada se situe bien en dessous de la moyenne internationale.
Du point de vue affirmatif, sur les 18 discours faits entre 2008 et 2011 par la mission du Canada auprès des Nations-Unies à New York au sujet des affaires économiques et sociales, le terme « égalité des sexes » est utilisé 12 fois — c'est-à-dire moins d'une fois en moyenne par discours. Par ailleurs, bien que l'égalité des genres et les droits fondamentaux des femmes ne fassent pas partie des préoccupations prioritaires du ministère des Affaires étrangères pour cette année, le site Web du MAECI indique que les priorités du Canada en matière de politique étrangère comprennent l'élimination de la violence contre les femmes, la participation pleine et égale des femmes à la prise de décisions et l'intégration de la perspective d'égalité hommes-femmes. En outre, depuis octobre dernier, le gouvernement du Canada s'est doté d'un plan d'action national pour la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, plan qui a été élaboré avec l'apport de la société civile.
Je considère tout cela comme des signes très positifs.
En conclusion, bien qu'« égalité des genres » soit utilisé à l'occasion, on peut observer une préférence flagrante pour le recours à des termes contenant le mot « femmes » au lieu de l'expression « égalité des genres » dans les énoncés de politique et déclarations publiques officiels en lien avec la politique étrangère du gouvernement du Canada.
Maintenant, la terminologie a-t-elle une importance? Oui. La question de la modification du vocabulaire est importante dans la mesure où elle reflète un changement dans la capacité du gouvernement canadien à promouvoir les objectifs des normes et des lois internationales concernant l'égalité des sexes et les droits fondamentaux des femmes. Si vous avez des questions là-dessus, je pourrai vous dire plus tard en quoi consistent ces normes.
Pour ce qui est des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité — un dossier dont est spécialement chargé le ministère des Affaires étrangères —, des progrès ont été réalisés vers l'atteinte des objectifs qui y sont précisés. Le nouveau plan d'action national constitue une étape très importante pour faire en sorte que le Canada contribue efficacement à l'atteinte de ces objectifs. Néanmoins, pour que ce document soit significatif, il faut prévoir des ressources humaines et financières suffisantes et mettre en place des moyens d'assurer la responsabilisation de tous les organes gouvernementaux chargés de sa mise en oeuvre.
J'ai énormément de respect pour l'expertise et l'expérience de ceux qui oeuvrent au sein du ministère des Affaires étrangères. Je ne mets pas en doute leur engagement, dont ils ont fait la preuve en introduisant d'importants changements dans les politiques et programmes au cours des dernières années. Ces changements ont eu des effets appréciables sur la vie des femmes et des filles. Je vous parlerai avec plaisir de l'incidence de ces programmes sur la vie des femmes en République démocratique du Congo, par exemple.
Toutefois, certains changements opérés au MAECI pourraient avoir des conséquences pour la capacité de cet organisme à appliquer le nouveau plan d'action national. En 2008, on a procédé à une réorganisation de ce qui s'appelle maintenant la Direction des politiques des droits de la personne et de la gouvernance. Dans la foulée de cette réorganisation, la fonction de vice-présidence des femmes, de la paix et de la sécurité a été éliminée. Les fonds qui étaient autrefois spécialement attribués à des projets concernant les femmes, la paix et la sécurité ont été intégrés à une réserve de fonds plus large, pour laquelle des projets tombant sous les six ou sept priorités ministérielles étaient en concurrence. De plus, les postes ayant le mandat précis de fournir une analyse fondée sur les sexes ont changé de catégorie pour devenir des postes voués à la politique des droits de la personne.
La responsabilité du dossier des femmes, de la paix et de la sécurité est passée de la Direction de la politique des droits de la personne au Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, où l'on trouve actuellement une personne « spécialiste de la question des femmes, de la paix et de la sécurité ». En partie à cause des changements sur le plan du financement, la capacité de la société civile à agir en tant que solide interlocuteur et source de soutien et d'innovation sur ces questions a été réduite. Je serai heureuse de revenir sur cette question un peu plus tard également.
Enfin, le plan d'action national exige une reddition de comptes des ministères et organismes responsables de son application. Afin d'évaluer la réussite ou l'échec de la mise en oeuvre du plan d'action national — et, de fait, tous les progrès à l'égard des normes internationales et des lois sur l'égalité entre les sexes —, il faut soumettre les résultats des politiques et des programmes des divers ministères et organismes responsables à une analyse comparative entre les sexes uniforme et éclairée.
Néanmoins, dans son rapport de 2009 au sujet de l'analyse comparative entre les sexes, ou ACS, la vérificatrice générale du Canada concluait qu'aucune politique pangouvernementale n'obligeait les ministères et organismes à procéder à une ACS. La vérificatrice générale a également constaté que, parmi les ministères qui appliquaient une ACS, rares étaient ceux qui pouvaient prouver qu'ils s'en servaient au cours de l'élaboration de politiques publiques. Par conséquent, les réussites aussi bien que les lacunes des ministères et organismes responsables ne semblent pas être évaluées de manière uniforme à l'heure actuelle.
Un certain nombre de mesures peuvent être prises pour que le Canada soit un leader dans la poursuite des objectifs énoncés dans ses engagements internationaux concernant l'égalité entre les sexes, et ces mesures n'exigent aucune ressource financière additionnelle.
Premièrement, dans les ministères et organismes responsables de mener à bien ce dossier, des postes doivent être spécialement réservés à des conseillers en politiques ou autres personnes expertes de la question de l'égalité entre les sexes. Il y a des gens qui possèdent cette expertise au sein de notre gouvernement, mais nous ne pouvons nous en remettre à leur bonne volonté si ces personnes occupent des postes dotés d'un tout autre mandat.
Deuxièmement, les politiques et programmes doivent être assujettis à une analyse comparative entre les sexes constante et uniforme. Il n'y a pas d'autre manière de mesurer les progrès ou l'efficacité.
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Bonjour et merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous ce matin pour vous parler de cette importante question.
Il importe de s'attarder sur les modifications terminologiques, que l'on considère qu'il s'agit de sémantique ou d'un changement de politique au sein du MAECI et du gouvernement du Canada, puisque les deux ont des répercussions prononcées pour les femmes et les enfants et d'autres populations vulnérables dans les pays du Sud.
Je tâcherai d'être brève et de ne pas répéter les propos de Kate, car je suis consciente qu'il y a un grand nombre de sujets que nous ne pouvons couvrir au cours de ces 10 minutes.
Pour vous illustrer l'importance des mots... Cela me paraît un peu bizarre de citer un Américain de sexe masculin devant un Comité de la condition féminine, mais Barack Obama a fait valoir comme suit l'importance des mots:
Ne me dites pas que les mots n'ont pas d'importance. « J'ai un rêve » — est-ce là uniquement des mots? « Nous tenons pour évidentes les vérités suivantes » — que des mots? « Ne craignez rien que la peur elle-même » — voilà uniquement des mots, des discours?
Je crois que cela souligne l'importance des mots pour traduire les aspirations d'un peuple. Les valeurs philosophiques ou politiques des gens sont à la base des mots qu'ils utilisent.
Il s'ensuit donc selon moi que les mots ont également le pouvoir de rendre des gens invisibles, de les exclure et de maintenir un statu quo intenable. À mon avis, il est donc vraiment important de décortiquer la signification des mots, mais aussi du changement de politique.
Je voudrais faire valoir trois points concernant les changements de terminologie, qui sont à l'origine de notre présence ici ce matin. En premier lieu, il y a la question du mot « impunité » dans le contexte des violences sexuelles commises en République démocratique du Congo, et le manque de conformité par rapport à la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ou CEDAW — la résolution 1820.
La résolution 1325 stipule que le Canada presse instamment le gouvernement de la RDC de prendre toutes les mesures concertées nécessaires pour « mettre fin à l'impunité » en ce qui a trait à la violence sexuelle. Or, cela a été modifié pour: « Le Canada exhorte le gouvernement de la RDC à prendre des mesures concertées pour prévenir la violence sexuelle ». C'est un changement de paradigme majeur.
Je vais vous lire la partie de la convention CEDAW qui présente une notion bien plus robuste, inclusive et complète de la protection des femmes en matière de violence sexuelle. Mais ce que j'estime important également, c'est le manque de cohérence et de conformité avec les conventions internationales dont le Canada est signataire.
L'article 10 de la CEDAW « [d]emande à toutes les parties à un conflit armé de prendre des mesures particulières pour protéger les femmes et les petites filles contre les actes de violence sexiste, en particulier le viol et les autres formes de sévices sexuels, ainsi que contre toutes les autres formes de violence dans les situations de conflit armé ». Et l'article 11 « [s]ouligne que tous les États ont l'obligation de mettre fin à l'impunité et de poursuivre en justice ceux qui sont accusés de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, y compris toutes les formes de violence sexiste et autre contre les femmes et les petites filles, et à cet égard fait valoir qu'il est nécessaire d'exclure si possible ces crimes du bénéfice des mesures d'amnistie ».
Je pense qu'en reléguant cela à la prévention de la violence sexuelle, on opère vraiment un changement majeur. On abaisse le niveau de nos engagements sur la scène internationale. Ainsi que je l'ai dit, si nous voulons faire preuve de cohérence et nous aligner sur l'esprit des autres protocoles, conventions et documents dont nous sommes signataires, il faut veiller à ce que notre terminologie et nos énoncés de politique s'y conforment.
L'autre source de préoccupation, c'est que cela crée un système de deux poids, deux mesures. Nous l'avons entendu dire au sujet des problèmes de santé maternelle dont il a été question au G8 et au G20. Des femmes des pays du Sud se sont montrées très préoccupées et ont dit être traitées différemment et selon un principe de deux poids, deux mesures, parce que dans le Sud, elles ne jouissaient pas des mêmes droits que les femmes des pays du Nord. Si nous bénéficions de droits et de protections juridiques en matière de violence sexuelle, pourquoi ne pas être aussi — et je cite — « généreux » envers elles? Il me semble qu'il y a une double échelle de valeurs.
En troisième lieu, et cela sous-tend toute cette question, ces changements de terminologie ternissent notre réputation sur la scène mondiale. Si nous voulons retrouver notre statut de leader mondial sur le plan de l'égalité entre les sexes, nous devons déclarer sans équivoque nos principes. Nous nous montrons catégoriques dans d'autres dossiers liés aux activités internationales et au développement international, qu'il s'agisse du commerce avec la Chine ou de violations des droits de la personne en Chine et ailleurs. Alors pourquoi n'afficherions-nous pas une position cohérente et sans équivoque au sujet de la protection des droits des femmes, en leur accordant une panoplie de moyens d'aide allant de la prévention aux mesures judiciaires, pour s'attaquer à ceux qui commettent des violences envers des femmes?
En ce qui a trait à toute cette question d'égalité entre les sexes, je crois que Kate a parlé des relations de pouvoir et du contexte social et culturel entourant cette terminologie, en disant qu'il n'était pas seulement question d'égalité entre les hommes et les femmes. Encore une fois, qui est exclu? Qui est rendu invisible? Et qui est dans l'impossibilité de participer aux décisions de financement pour la constitution d'une capacité? Regardez ce que vivent les gais, les lesbiennes, les bisexuels et les transgenres dans certains pays, où ils encourent la peine de mort ou sont emprisonnés pour leur identité sexuelle. Il s'agit de veiller à nous doter d'un paradigme inclusif et d'une terminologie inclusive pour que personne ne soit laissé de côté.
Je fais maintenant un petit aparté, mais je sais que MATCH a présenté une demande de financement, et on nous a dit que les femmes ne pouvaient diriger un projet. Alors n'importe qui peut présenter une demande — c'est comme de dire que tout le monde a le droit d'aller au Ritz — mais il est certain que les critères excluent des gens. Or, ces mêmes personnes que nous excluons sont celles qui ont le plus besoin de protection, de soutien et de renforcement des capacités pour pouvoir faire de la sensibilisation et changer les choses en ce qui concerne l'oppression subie dans le monde.
La troisième chose qui m'a vraiment frappée est l'élimination du terme « enfant soldat », et la dissociation de ces deux mots. On veut essentiellement rendre les enfants équivalents à de mini-adultes. Je trouve cela tellement régressif. Nous avons passé près d'un siècle à parler des stades de Piaget, entre autres notions plus ou moins abstraites liées au développement des enfants. Le fait de revenir en arrière et de les traiter comme s'ils avaient l'autonomie et l'indépendance voulues pour prendre des décisions d'adultes est selon moi un énorme recul. Je crois qu'il y a un contexte où il faut utiliser l'expression « enfant soldat »; c'est le contexte où les enfants sont forcés à participer à la guerre et à commettre des gestes qu'ils n'auraient jamais commis en dehors d'une situation de conflit.
S'ils le font de façon « volontaire » — j'encadre ce mot de guillemets également —, ce pourrait être pour survivre, ou pour se venger de gens qui ont commis des atrocités contre leur famille. Donc, je crois qu'il y a tout un contexte associé au terme « enfant soldat ». En dissociant ces deux mots, on ne tient plus compte du contexte de la guerre en tant que facteur déterminant de ces autres activités qui peuvent avoir lieu. Les jeunes femmes également peuvent prendre part à un conflit pour échapper à l'esclavage domestique ou à la violence familiale, ou parce qu'elles y sont forcées. J'estime que la sémantique compte, si nous analysons l'intention qu'il y a derrière.
Ces changements à la politique nuisent selon moi à la réputation du Canada. Qui plus est, pour les groupes plus vulnérables, qu'il s'agisse des femmes, des enfants ou d'autres groupes de population touchés par ces changements, j'estime que c'est un réel retour en arrière. Je pense que nous avons là une occasion à saisir. Je suis heureuse que votre comité se penche sur ces modifications terminologiques pour voir ce qu'elles signifient, qui elles touchent et à qui elles causent du tort, pour ensuite réagir en conséquence. Je crois que Kate a déjà formulé d'excellentes recommandations.
Je sais que nous ne sommes pas venus ici simplement pour parler de la protection et de la sécurité des êtres humains et d'autres changements de terminologie. Je m'en tiendrai là. Je vous remercie de m'avoir permis de m'adresser à vous.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie également les témoins de leur présence. Comme Mme Neville, j'ai vraiment eu l'impression en discutant avec les gens d'organisations qui représentent les femmes et qui reçoivent des fonds du gouvernement fédéral que, si on critique les autorités, on sera sanctionné, que le financement sera interrompu ou qu'on subira les conséquences de ses opinions.
J'espère qu'on est au courant et qu'on veut changer les choses au Canada. Comme moi, la plupart des Canadiens doivent croire que le pays est juste et équitable et que nous pouvons dire notre point de vue sans craindre les reproches.
Merci encore d'être là. J'espère que d'autres groupes pourront témoigner.
Ce que vous avez dit est très, très différent des propos tenus mardi. En fait, c'est comme si on nous avait dit que le sujet était futile. Quant à moi, il est très clair que c'est tout le contraire.
Je m'intéresse aussi aux enfants-soldats, car cette semaine, on nous a dit des choses tout à fait troublantes sur le transfert d'enfants à la direction de la sécurité nationale, en Afghanistan.
Le Canada doit bien sûr protéger les enfants contre la torture. Nous avons signé des accords internationaux à cet égard. Je repense aux horreurs survenues en Sierra Leone et en Côte d'Ivoire et aux enfants forcés de commettre des actes ignobles. Le gouvernement du Canada a dit qu'il fallait soutenir et prendre soin des enfants et que nous devions leur offrir des thérapies pour qu'ils s'épanouissent et qu'ils puissent participer pleinement à la société.
Le gouvernement n'a pas tenu parole. On n'a qu'à penser aux enfants afghans ou à Omar Khadr, qui est et a été traité comme un adulte, alors qu'il était un enfant au moment de son arrestation.
Je me demande quelles conséquences juridiques et politiques il peut y avoir à passer de l'expression « enfant-soldat » à « enfants dans les conflits armés ». Pouvez-vous nous donner une idée de ce que cela signifie et de l'importance du changement concernant ce qui se passe en Afghanistan?
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Merci, madame la présidente.
Je tiens simplement à dire qu'étant donné que j'ai fait beaucoup d'édition, je prends le langage très au sérieux et que les mots comptent vraiment.
Madame Bulger, vous avez parlé de ce qu'a dit Barack Obama et vous avez affirmé que les mots importaient. J'aimerais prendre un moment pour dire que je siège au comité des transports et que, durant la campagne électorale, M. Obama a souvent parlé de train rapide. Cela a soulevé des hypothèses et influencé les décisions. Le comité des transports s'est rendu à Washington pour discuter avec les membres du Congrès et connaître leurs intentions, de même que l'incidence que les trains rapides auraient sur le Canada et certaines décisions.
Nous avons compris qu'il n'avait jamais été question de train à grande vitesse. On était prêt à investir pour que les trains soient plus rapides de 13 milles à l'heure; on ne parlait pas d'avoir des trains filant à 300 kilomètres à l'heure, comme la plupart des gens se l'imaginaient. Les mots sont tout à fait essentiels et il en va de même pour la terminologie examinée.
Madame la présidente, si je peux revenir là-dessus, il faut prendre très au sérieux les allégations voulant que le gouvernement rejetterait les projets devant être dirigés par les femmes. Je demande à la présidence qu'on nous fournisse les projets pour les étudier. J'aimerais aussi voir la justification des refus. A-t-on rejeté les demandes parce que les projets allaient être dirigés par des femmes? Dans l'affirmative, cela me surprendrait beaucoup et j'en serais offensée. Je pense que le comité doit examiner la question. Si possible, veuillez remettre les documents à la présidence.
M. Kessel est fonctionnaire et il est chargé d'appliquer les directives du gouvernement. Il est en poste depuis bon nombre d'années et il a vu passer plusieurs gouvernements. Il n'a pas de parti pris philosophique ou idéologique. Il doit simplement mettre en oeuvre les directives du gouvernement.
L'autre jour, M. Kessel a dit que la politique n'avait pas changé et que les représentants du Canada employaient le langage des instruments internationaux. Je le cite: « Ce sont les instruments internationaux qui dictent la terminologie que nous utilisons; nous ne créons pas notre propre terminologie. » M. Kessel a répondu à qu'il n'y avait ni reformulation ni changement. Il a ensuite ajouté que la terminologie était celle qu'avait utilisée l'ancien gouvernement libéral et qu'elle n'avait aucunement été modifiée par le présent gouvernement.
Ma question s'adresse à Mme McInturff. Vous avez dit que vous avez recherché et compté des mots dans les 47 discours donnés par l'actuel ministre des Affaires étrangères et les ambassadeurs. Avez-vous effectué une comparaison avec les ministres précédents?
Je vous demande toutes les deux si vous traitez M. Kessel de menteur. Dites-vous que M. Kessel cherche à duper le comité?
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Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous. Je n'ai pas participé à une séance du comité depuis un certain temps. C'est toujours aussi animé.
Bienvenue à nos invités.
D'abord, j'aimerais rappeler que demain, le 3 décembre, la première femme élue au poste de premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador — d'où je suis originaire — sera assermentée. J'ignore si cela s'est déjà produit, bien que je ne le crois pas, mais les trois partis politiques de la province — le NPD, le Parti libéral et le Parti conservateur — sont dirigés par une femme.
[Applaudissements]
M. Scott Simms: Plutôt que de dire « bravo » ou « félicitations », beaucoup de ceux à qui j'en parle disent qu'il était temps.
J'ignore si ma question est pertinente compte tenu des documents que j'ai devant moi, mais je me suis toujours posé cette question au sujet du langage. Le problème n'est pas vraiment la terminologie utilisée pour décrire la politique, mais plutôt celle utilisée pour condamner des gestes.
Il y a deux jours à peine, j'ai lu un article sur une femme qui a été exécutée en Iran. Selon moi, le langage utilisé pour dénoncer cette exécution n'était pas suffisamment sévère. J'ai trouvé que certains pays, dont le Canada... Le Canada condamne-t-il aussi sévèrement ces gestes que les autres pays? À mon avis, les accusations portées contre cette femme — et pour lesquelles elle a été reconnue coupable et exécutée — découlaient de sa relation avec des hommes, la femme étant soumise, etc., peu importe que ce soit pour des raisons religieuses ou autres.
J'ai simplement été surpris par le manque de sévérité de notre réaction et, selon moi, le problème ne réside pas que dans les mesures prises par la suite, mais aussi dans la terminologie employée. Pourriez-vous nous donner votre opinion à ce sujet? Est-ce une chose sur laquelle vous vous être attardée dans le cadre d'une étude ou de façon informelle?
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Permettez-moi de vous donner un exemple bien précis. Le ministère des Affaires étrangères compte sur des conseillers en genre, ou des spécialistes de l'analyse des genres ou des questions liées à l'égalité des sexes. Cela signifie que, lorsqu'il embauche quelqu'un pour occuper ce poste, il s'attend à ce que cette personne possède des connaissances spécialisées du domaine.
Or, un conseiller en droits de la personne ou un analyste des droits de la personne — et je crois que c'est le cas au sein de la Direction des politiques de la sécurité humaine, mais il faudrait leur demander, car ces processus ne sont pas totalement transparents, si vous voulez mon avis — peut avoir des compétences spécialisées en matière de protection des civils, par exemple, mais presque aucune expérience des normes et des lois internationales sur l'égalité de genre.
Hier, madame Bejzyk a clairement dit que ces gens allaient conseiller nos agents du service extérieur au sujet des normes et des lois internationales sur l'égalité du genre et les droits humains des femmes. Donc, un changement de terminologie peut entraîner un changement dans les compétences de la personne qui occupe ce poste, ce qui a des conséquences sur le genre de conseils que reçoivent nos agents du service extérieur.
Cela signifie que les agents, des gens très intelligents, très instruits et bien formés, pourraient être mal informés. Au mieux, cela pourrait entraîner le genre de problème de communication dont faisait état Mme Brown lorsqu'elle parlait de la « haute vitesse » par rapport à la « vitesse plus élevée ». Il pourrait aussi y avoir des problèmes de communication avec d'autres membres de la communauté internationale, puisque la terminologie utilisée est différente. Au pire, cela voudrait dire qu'ils ne sont pas bien outillés, en raison du manque de conseils éclairés nécessaires pour établir ces normes.
En ce qui concerne les normes sur la protection des femmes, la réaction à la violence axée sur le genre, l'égalité des femmes et l'égalité de genre, il est rare qu'on impose des sanctions économiques ou qu'on envoie des Casques bleus. Ça arrive, mais rarement. Ces normes sont établies principalement grâce à une coopération, à un consensus et à un dialogue international et à des discussions, parce qu'on nomme des gens et qu'on les montre du doigt, et parce que ces normes sont utilisées et répétées. Si les intervenants n'utilisent pas tous le même langage, cela peut nuire au processus.