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Je déclare la séance ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent de la condition féminine poursuit son étude sur la violence faite aux femmes autochtones. Cette étude est le fruit d'une décision unanime du comité.
Nous nous penchons sur les causes profondes et l'étendue de la violence, de même que sur les différentes formes de violence dont sont victimes les femmes autochtones, et nous tentons de trouver des moyens de contrer cette violence. Les gouvernements prennent toutes sortes de mesures à cet égard depuis belle lurette. Toutefois, bien qu'elles partent d'une bonne intention, ces mesures ne donnent aucun résultat.
Nous estimons qu'en nous adressant aux communautés autochtones, non seulement aux dirigeants, mais aussi aux groupes communautaires et aux ONG, nous pourrons enfin trouver une solution efficace. Au terme de son étude, le comité déposera à la Chambre des communes, au Parlement, un rapport qui renfermera des recommandations. Le gouvernement disposera ensuite de 90 jours pour annoncer comment il compte donner suite aux recommandations.
Sans plus attendre, je vous informe que nous accueillons aujourd'hui deux groupes de témoins. Nous recevons Tracy Porteous et Marilyn George, de l'Ending Violence Association of British Columbia, et Asia Czapska, de Justice for Girls.
Chaque groupe dispose habituellement de 10 minutes pour faire sa déclaration.
Tracy et Marilyn, vous devez décider si une seule d'entre vous utilisera tout le temps de parole ou si vous le diviserez en deux. Quoi qu'il en soit, vous aurez la possibilité d'intervenir plus tard durant la période de questions.
Quant à vous, Asia, évidemment, vous avez 10 minutes.
À titre indicatif, sachez que vous n'êtes pas obligées d'utiliser tout le temps qui est à votre disposition. Je vous préviendrai lorsqu'il restera deux minutes et une minute à votre déclaration afin que vous puissiez conclure. Nous enchaînerons ensuite avec la période de questions.
Nous allons maintenant commencer. Qui se fera la porte-parole de votre groupe, Tracy?
Bonjour. Je m'appelle Marilyn George et je suis coordonnatrice des services d'extension, à Smithers, en Colombie-Britannique. Smithers se situe presque à mi-chemin entre Prince Rupert et Prince George, sur la Route des larmes où, jusqu'à présent, plus de 19 femmes ont disparu ou ont été assassinées.
Je représente également les femmes autochtones au sein de l'EVA BC, une organisation provinciale qui appuie 240 programmes de lutte contre la violence à l'endroit des femmes partout dans la province.
À l'instar de l'EVA BC, mon travail vise uniquement à mettre fin à la violence faite aux femmes, notamment la violence conjugale et sexuelle, l'exploitation sexuelle des enfants et l'harcèlement criminel. Je fais ce travail depuis 14 ans.
Je suis originaire de Sik-e-dakh, ou si vous préférez, de Glen Vowell, en Colombie-Britannique, dans la région d'Hazelton. Je suis venue jusqu'ici pour vous parler des niveaux alarmants de violence à l'égard des femmes et des jeunes filles autochtones de Colombie-Britannique.
Je ne crois pas avoir besoin de m'attarder sur l'étendue du fléau ni sur les différentes formes de violence dont sont victimes les femmes autochtones. Au cours des nombreuses audiences auxquelles vous avez assisté jusqu'à présent, vous avez probablement entendu que plus de 90 p. 100 des femmes autochtones ont soit été agressées sexuellement durant leur enfance, soit été victimes de viols collectifs à l'adolescence, soit été violées ou battues à l'âge adulte. D'après l'Enquête sociale générale menée par Statistique Canada en 2004, le taux d'agressions physiques et sexuelles envers les femmes autochtones est plus de trois fois supérieur à celui des femmes non autochtones. Les femmes autochtones semblent subir les formes de violence physique et sexuelle les plus graves et pouvant mettre leur vie en danger. Elles sont presque sept fois plus susceptibles d'être assassinées. Nous sommes en quelque sorte ciblées.
Comme vous le savez, la Colombie-Britannique est la province où l'on compte le plus de femmes disparues et assassinées au Canada — soit 160, selon le rapport des Soeurs par l'esprit. Il s'agit d'une réalité troublante dont il faut se préoccuper sans plus attendre. Je tiens d'ailleurs à vous remercier de tenir ces audiences.
Aujourd'hui, je concentrerai mes propos sur les mesures que nous devrions prendre pour remédier à la situation. Avant toute chose, je vous demanderais sincèrement de ne pas recommander, à l'issue de ces audiences, la rédaction d'autres rapports ou la réalisation d'autres études. Les peuples autochtones ont, plus souvent qu'à leur tour, fait l'objet d'études, et nous considérons qu'il est temps de passer à l'action.
Ces dix dernières années, l'EVA BC, en partenariat avec la Pacific Association of First Nations Women et la BC Women's Hospital, a tenu plusieurs réunions, rassemblant des femmes autochtones de partout dans la province pour discuter de la violence dont elles sont victimes et des mesures qu'il faut prendre pour l'enrayer. À l'occasion de ces rencontres, nous avons attentivement examiné le dossier. Nous avons passé en revue toutes les autres études qui ont été menées sur le sujet et nous avons nous-mêmes rédigé deux rapports. D'ailleurs, je vais partager le dernier avec vous aujourd'hui. Il s'intitule « Researched to Death » et je pense que le titre parle de lui-même en ce qui concerne la situation actuelle des femmes autochtones.
Les trois organisations ont trouvé les conclusions des rapports précédents tout particulièrement alarmantes car elles révélaient que le niveau de violence faite aux femmes autochtones était supérieur à celui subi par tous les autres groupes de femmes au Canada. Comme l'a déjà dit la regrettée Patricia Monture-Angus: « Chez les femmes autochtones, la violence commence habituellement durant l'enfance pour se poursuivre à l'adolescence, et ce, jusqu'à l'âge adulte. »
Il en est ainsi pour moi, de même que pour la plupart des autres femmes autochtones que je connais. La violence chez les femmes autochtones est un mal répandu, qui est exacerbé par le racisme systémique et institutionnalisé, de même que les effets de la violence historique, entre autres, les pensionnats indiens, la Loi sur les Indiens et les autres héritages de la colonisation. À l'école, j'ai grandi en me sentant méprisée et punie pour qui j'étais. Les gens avaient pitié de moi et de ma soeur car nous étions de « sales petites indiennes ».
Pour de nombreuses femmes autochtones, la violence est une réalité quotidienne, et beaucoup trop d'entre elles ont été assassinées ou se sont enlevé la vie.
De nombreux gouvernements ont financé des études dans ce dossier, mais très peu d'entre eux ont donné suite aux rapports et investi dans des solutions à long terme au problème de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles. Combien d'autres femmes devront mourir avant que l'on prenne des mesures concrètes?
Nous avons besoin de programmes conçus par et pour nous. Toute autre solution ne réglera rien. Nous devons prendre des mesures importantes à l'appui d'un réseau de services de lutte contre la violence dirigé par des femmes autochtones à l'intention des femmes autochtones. Partout en Colombie-Britannique et, en fait, dans chaque province et territoire du Canada, il existe des réseaux de services destinés à enrayer la violence à l'égard des femmes. Ce ne sont pas tous les territoires et provinces qui offrent suffisamment de ces services, mais du moins, ces services existent et ils donnent de bons résultats.
Comme je l'ai déjà dit, je travaille à l'un de ces services à Smithers et à Hazelton. Ces services de lutte contre la violence sont principalement ce que je qualifierais de services « usuels », c'est-à-dire des services établis par des organismes de services sociaux non autochtones, des associations de femmes et les gouvernements.
Partout dans le Nord de la Colombie-Britannique, je peux vous dire que bon nombre de ces programmes sont offerts par des femmes autochtones qui font de l'excellent travail, et que même si beaucoup d'entre eux s'emploient à aider les femmes qui vivent sur des réserves, il n'en demeure pas moins que beaucoup de femmes n'ont aucun moyen de sortir de la réserve et ne peuvent faire appel à ces services parce qu'elles sont sous l'emprise d'un conjoint violent ou qu'elles n'ont pas confiance, malgré l'aide qu'elles pourraient recevoir.
Sans entrer dans l'histoire de la colonisation, que vous connaissez sans doute très bien, sachez que le problème de la violence faite aux femmes autochtones qui vivent dans des réserves ou à l'extérieur est très complexe. Beaucoup de femmes qui viennent chercher de l'aide veulent que cela demeure confidentiel; par conséquent, les services existants doivent être dotés d'une formation et de compétences interculturelles et doivent être offerts par des femmes autochtones. Il faudrait prévoir un fonds destiné aux services de lutte contre la violence et même financer un poste d'intervenante ou de conseillère en la matière, mais surtout, faire en sorte que les services de lutte contre la violence soient offerts par et pour des femmes autochtones.
J'estime que ce travail de soutien individuel, ces services d'assistance, et les programmes d'éducation au sein de la communauté auront un effet très positif immédiatement et à long terme. Les solutions efficaces doivent à tout prix inclure nos femmes. Nous devons leur donner le pouvoir d'agir et d'aider les autres à dénoncer leur situation.
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Nous n'avons peut-être plus le temps.
La présidente: Pas de problème. Allez-y, continuez.
Mme Tracy Porteous: Je suis la directrice exécutive de l'Ending Violence Association of B.C. et je suis ici à titre d'alliée de Marilyn et d'autres femmes autochtones de la province et du pays.
J'aimerais revenir sur le rapport dont Marilyn vous a parlé plus tôt qui s'intitule « Researched to Death ». Pendant trois ans, nous avons mené des consultations auprès de femmes autochtones de partout dans la province pour savoir ce dont elles avaient vraiment besoin pour se sentir en sécurité au sein de leur communauté.
Les femmes autochtones nous ont répété que l'un des principaux problèmes réside dans le racisme et dans la mesure dans laquelle il est présent au sein des communautés partout au pays. Et je peux en témoigner puisque j'interviens auprès de ces femmes depuis de nombreuses années, que ce soit pour conduire à l'hôpital des femmes venant tout juste de se faire agresser sexuellement ou pour autre chose. Depuis que j'ai eu la chance de travailler avec une femme autochtone, je peux vous confirmer qu'on les traite différemment... Et c'est d'ailleurs inadmissible que ce soit encore le cas aujourd'hui.
Par conséquent, nous devons prendre d'autres mesures, en plus de celles déjà décrites par Marilyn, c'est-à-dire offrir aux policiers, aux avocats et à tous les gens du système une formation sur la lutte contre le racisme et l'oppression, car à mon avis, en 2011, ce n'est pas du tout acceptable. En outre, nous croyons qu'une formation doit être offerte aux femmes autochtones avant qu'elles... permettez-moi de revenir un peu en arrière. De nombreux programmes de lutte contre la violence veulent recruter des femmes autochtones, mais tous les programmes qui existent en Colombie-Britannique offrent uniquement une formation après emploi; il n'y a pas de formation préalable à l'emploi en ce qui concerne la violence faite aux femmes.
Nous en avons d'ailleurs discuté au Northern Lights College, situé à Terrace. Au collège, on est intéressé à offrir à des femmes des cours pour devenir intervenante ou conseillère en matière de lutte contre la violence; cela ressemblerait au programme du George Brown College en Ontario. Nous estimons que nous pourrions réellement faire avancer les choses si nous étions en mesure d'appuyer les collèges et les universités afin qu'ils offrent des cours permettant aux femmes autochtones de postuler à certains de ces postes.
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Je vous remercie de prendre le temps aujourd'hui de nous écouter.
Je m'appelle Asia Czapska et je suis la directrice des services d'assistance judiciaire à Justice for Girls.
Justice for Girls est un organisme sans but lucratif, établi à Vancouver, qui prêche en faveur de la justice sociale et de l'égalité et qui s'oppose à la violence faite aux adolescentes qui vivent dans la pauvreté. Nous défendons les intérêts des jeunes filles à faible revenu ou sans-abri, tant sur le plan individuel que sur le plan systémique, en dénonçant les lois, les politiques et les pratiques qui vont à l'encontre de leurs droits.
Au cours de nos 11 années de travail, nous avons remarqué que l'incidence des crimes violents est disproportionnée chez les jeunes filles autochtones. Elles subissent de la violence sexuelle et physique extrême et représentent une grande proportion des victimes de meurtre en Colombie-Britannique.
Justice for Girls s'est penché sur de nombreuses affaires de violence contre des adolescentes autochtones dans cette province. En fait, comme je dispose de 10 minutes, je pourrais vous parler de quelques dossiers précis que nous avons examinés et de certaines failles du système de justice dont nous avons été témoins dans le cadre de notre travail.
D'après le rapport de 2010 des Soeurs par l'esprit de l'Association des femmes autochtones du Canada, environ un cinquième des femmes autochtones assassinées ou disparues étaient des jeunes filles âgées de moins de 19 ans. Les Soeurs par l'esprit indiquent qu'un grand nombre de femmes étaient en fait des jeunes filles. Par conséquent, si vous comptez les femmes qui ont moins de 31 ans, si je ne me trompe pas, cela constitue une très grande proportion des femmes disparues et assassinées. Et comme je l'ai dit, selon le rapport des Soeurs par l'esprit, le cinquième des femmes était des jeunes filles, ce qui représente une petite proportion du nombre de femmes et de jeunes filles disparues et assassinées.
La colonisation historique et actuelle des peuples, des terres et des familles autochtones a fait en sorte que les adolescentes autochtones sont parmi les groupes les plus opprimés de la société canadienne. Elles sont souvent démunies et victimes de violence extrême de la part des hommes. Elles font face à des agressions sexuelles, à des viols, à des agressions sexuelles racistes et à du racisme. Elles risquent d'être emprisonnées et placées dans des institutions psychiatriques, et craignent d'être placées dans des établissements non autochtones de protection de l'enfance racistes et aliénants et de se retrouver sans-abri et davantage confrontées à la violence lorsqu'elles fuient ces situations abusives.
L'impact que ces agressions institutionnelles et coloniales ont sur les fillettes autochtones est inqualifiable. Par exemple, un nombre disproportionné de jeunes filles sans-abri sont autochtones. En Colombie-Britannique, une récente étude menée auprès de 400 jeunes autochtones a révélé que près de 60 p. 100 des jeunes filles autochtones avaient été victimes de violence sexuelle.
Au cours des trois dernières décennies, selon la police, au moins 12 adolescentes et jeunes femmes, dont la plupart étaient autochtones, ont été assassinées ou ont disparu le long de la Route des larmes, dans le Centre-Nord de la Colombie-Britannique, comme Marilyn l'a indiqué plus tôt, qui est du ressort de la GRC. Selon des membres de la communauté, il y a beaucoup plus de femmes et de jeunes filles qui ont été portées disparues.
La violence extrême à laquelle les jeunes filles sont confrontées démontre que la colonisation continue de ravager la vie des jeunes filles autochtones dans la société canadienne moderne. Dans les dossiers que Justice for Girls a examinés au fil des années, toutes les jeunes filles ou presque qui ont été exploitées par des hommes étaient autochtones. Nous avons remarqué que le racisme et le sexisme motivaient les hommes à commettre des crimes contre des jeunes filles autochtones. Ces filles sont la cible d'hommes violents non autochtones en partie à cause de leur vulnérabilité, qui est amplifiée par l'inaction de la police et des tribunaux face à toute cette violence.
Justice for Girls s'indigne devant les ratés du système de justice pénale, qui ne sévit pas contre la violence faite aux adolescentes autochtones dans cette province. Ces cinq dernières années, nous avons rencontré divers politiciens provinciaux, y compris le procureur général, et avec d'autres groupes, nous avons réclamé une vaste enquête à cet égard et nous continuons de le faire.
De manière plus générale, le gouvernement du Canada doit préserver les droits inhérents des femmes et des jeunes filles autochtones et faire tout ce qui est en son pouvoir pour remédier aux conséquences de la colonisation. Pour ce faire, le gouvernement doit respecter le leadership de l'Association des femmes autochtones du Canada, les groupes de femmes autochtones provinciaux ou territoriaux et les groupes de femmes communautaires comme le Aboriginal Women's Action Network, établi en Colombie-Britannique.
Puisqu'il me reste du temps, je vais vous donner des exemples de cas sur lesquels nous nous sommes penchés.
Comme certains d'entre vous le savent probablement, en 2004, l'ex-juge David Ramsay a plaidé coupable, à Prince George, à une accusation d'agression sexuelle causant des blessures et d'abus de confiance ainsi qu'à trois accusations d'avoir obtenu des services sexuels contre paiements et d'avoir agressé des mineures. Toutes les victimes étaient des jeunes filles autochtones de moins de 16 ans. Comme vous le savez sans doute, il a présidé le procès de certaines d'entre elles dans des dossiers relatifs à la protection de l'enfance. C'est lui qui a rendu la décision à savoir si les filles pouvaient garder ou non leurs enfants.
La GRC a commencé à enquêter sur les agressions du juge Ramsay en 1999. On l'a retiré de ses fonctions judiciaires trois ans plus tard. Selon les médias, il aurait commis des crimes jusqu'en 2001, soit deux à trois ans après le début de l'enquête. Ses jugements dans les dossiers d'agression sexuelle n'ont pas été révisés. Par conséquent, les décisions qu'il a rendues dans les cas de violence sexuelle devant le tribunal dans les communautés du Centre-Nord de la Colombie-Britannique n'ont jamais été revues.
Nous avons demandé à l'ancien procureur général, Wally Opal, de réexaminer ces dossiers, mais rien n'a été fait. Et ce n'est pas le seul dossier que nous avons porté à son attention.
Durant l'enquête sur les crimes commis par le juge Ramsay, on a appris que des agents de police de Prince George ainsi qu'un avocat spécialisé en droit de la jeunesse ont également été accusés d'avoir agressé des jeunes filles de cette communauté. Malgré les nombreuses revendications des groupes de défense, on n'a pas voulu ouvrir d'enquête indépendante sur les présumées agressions qui ont eu lieu à Prince George. Si les jeunes femmes autochtones n'ont pas confiance en la police, à mon avis, c'est en partie à cause de la violence qu'elle exerce à leur égard. C'est important de le souligner.
En 2003, toujours dans la vallée du bas Fraser, nous nous sommes penchés sur le dossier du délinquant sexuel, Martin Tremblay, qui a plaidé coupable à cinq chefs d'accusation d'agression sexuelle sur cinq mineures autochtones. Il a admis les avoir filmées et agressées chez lui alors qu'elles étaient inconscientes. Son ordonnance de probation ne précisait pas qu'il ne devait avoir aucun contact avec des enfants. Justice for Girls en a donc fait la demande à la Couronne, mais rien n'a été fait. À sa sortie de prison, Tremblay a fécondé une jeune fille de 14 ans. Depuis sa libération, des jeunes filles ont déclaré s'être fait offrir de la drogue et de l'alcool, puis un endroit pour fêter, et certaines se sont réveillées après un long moment d'inconscience, dévêtues et abandonnées dans différents lieux publics.
En 2010, deux jeunes filles, Martha Jackson Hernandez et son amie Kayla LaLonde, sont décédées après avoir ingéré une combinaison de drogue et d'alcool. Le corps de Martha a été retrouvé dans la résidence de Tremblay, mais aucune accusation n'a été portée contre lui.
Ce ne sont que quelques-uns des cas que nous avons examinés. J'imagine que le temps est venu de poser vos questions.
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Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de votre présence aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants.
Vous avez toutes abordé des questions dont nous étions au courant. En fait, vous avez probablement fait plus que les aborder, mais ce sont toutes des questions dont j'ai entendu parler, soit dans le cadre du comité ou de mes nombreux voyages dans l'Ouest canadien dans le dossier des femmes autochtones assassinées et disparues. Nous essayons de recueillir de l'information sur le racisme et l'injustice systémiques, l'inaction des organismes d'aide sociale et l'absence d'interventions adéquates de la part du système judiciaire, des tribunaux et de la police.
Je suis allée dans une communauté — pas avec le comité —, et les femmes qui s'y étaient réunies m'ont dit qu'elles ne se sentaient pas protégées ni appuyées au sein de leur communauté.
C'est un aspect que je tiens à souligner car, comme vous l'a laissé entendre ma collègue, cette situation nous horrifie. J'étais relativement au courant de ce dont vous avez parlé, Asia, particulièrement le cas du juge.
J'aimerais que vous nous disiez ce que nous devrions inclure dans nos recommandations, en gardant à l'esprit que nous sommes des députés fédéraux et qu'il y a des questions de compétence en jeu. Nous avons la possibilité de nous faire entendre, et j'espère que le rapport que nous déposerons sera percutant. À votre avis, quelles recommandations devrions-nous faire au gouvernement dans notre rapport? Quelles mesures devrait-il prendre dans l'immédiat? Je suis bouleversée par la situation que vous venez de décrire. Les gens de la Colombie-Britannique sont bien au fait des événements. Pour ma part, je viens du Manitoba. Donnez-nous vos meilleurs conseils afin que nous puissions formuler les recommandations adéquates.
Je vous pose cette question à toutes les trois.
En ce qui a trait au nombre de femmes qui sont en prison pour avoir répondu à la violence commise contre elles, je crois qu'au niveau national, la société Elizabeth Fry avait ces chiffres. En fait, je sais qu'elle les avait, mais j'ignore s'ils sont à jour actuellement.
Au niveau fédéral, il nous manque des organismes chargés d'assurer la transparence. À bien des égards, il nous manque une obligation redditionnelle pour la GRC, par exemple. Nous avons besoin d'une surveillance policière indépendante. C'est l'un des éléments fondamentaux. Il nous faut un organisme qui n'ait rien à voir avec la police pour enquêter sur la violence commise par les policiers, la mauvaise conduite ou le traitement inadéquat des dossiers, des enquêtes.
Il nous faut également un organisme indépendant pour mettre en oeuvre les recommandations des Nations Unies adressées au Canada. Nous savons que le comité onusien de la CEDAW a formulé toutes sortes de recommandations relativement à la situation des jeunes filles et des femmes autochtones au Canada et à la violence qu'elles subissent, mais aucun organisme fédéral n'est chargé de donner suite à ces recommandations.
En somme, il faut qu'on applique, à différents niveaux, les recommandations qui ont été faites, comme l'ont mentionné Marilyn et Tracy, depuis bon nombre d'années. Un organisme doit donner suite à ces recommandations. Il est sans aucun doute nécessaire qu'un ministère ou un service d'un ministère mette en oeuvre les recommandations des Nations Unies.
Comme nous l'avons déjà dit, le gouvernement fédéral doit maintenant écouter l'Association des femmes autochtones du Canada et surtout, il doit suivre ses directives. De plus, je sais que cela relève des provinces, mais le gouvernement fédéral doit consulter les groupes de femmes autochtones provinciaux et territoriaux.
Pour ce qui est de la criminalisation, il en va de même pour les jeunes filles autochtones. Elles représentent de 40 à 50 p. 100 des jeunes filles emprisonnées en Colombie-Britannique. Lorsque nous nous rendions à la prison de Burnaby pour faire de la sensibilisation auprès des jeunes filles, parfois, toutes celles qui étaient dans la pièce étaient autochtones. À notre avis, elles ne devraient pas être criminalisées du tout. Bien souvent, on envoie les jeunes femmes en prison afin de les protéger de la violence. Si elles fréquentent le quartier Downtown Eastside, par exemple, on leur imposera comme condition de ne pas s'y rendre, car c'est là qu'elles ont accès aux drogues. La police et les travailleurs sociaux croient les protéger mais, en fait, ils envoient plutôt ces jeunes filles en prison pour se protéger, en principe.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour.
Comme ma collègue Anita, je suis horrifiée. Comment se fait-il que nous n'entendions pas parler, dans l'est du pays, de ces histoires d'horreur? Comment se fait-il que nos voix s'élèvent pour dénoncer la situation des femmes en Afghanistan ainsi qu'en Iran et pour exiger que leurs droits soient respectés, mais que ces voix se taisent dans le cas des femmes des Premières nations? Nos voix devraient pourtant s'élever plus fort pour ces femmes.
Que peut-on faire? Comment se fait-il que des histoires comme celle de ce juge ne fassent pas la une des journaux? Pouvez-vous m'expliquer ce qu'il faut faire pour que ça fasse la une? Pour ma part, j'aimerais que ça fasse les manchettes. Ces histoires, je veux les dire, je veux les crier. Je veux que les femmes de partout décrient cette situation.
C'est honteux de laisser faire ça. Le fait que les policiers et le système judiciaire n'interviennent pas est honteux. Comment en est-on arrivé là? Pouvez-vous me l'expliquer? Est-ce de l'ignorance ou est-ce tout simplement qu'on s'en fout parce qu'on considère que les femmes autochtones ne méritent pas davantage? Est-ce la vérité à laquelle il faut faire face? Si c'est le cas, que va-t-il se passer? Nous faisons la tournée des provinces et on nous dit des choses. Puis, nous allons retourner à Ottawa pour raconter une belle petite histoire et la ranger sur des tablettes. De votre côté, vous allez continuer à vivre la même chose.
Marilyn, vous avez dit que le temps de parler était révolu et qu'il était maintenant temps d'agir. Je le crois également. Comme je le dis depuis le début, le but de cette tournée n'est pas de prendre des décisions, une fois que nous serons de retour à Ottawa, et d'adopter des positions à votre place. Nous voulons que vous nous donniez les outils nécessaires pour que vous puissiez prendre position vous-mêmes. À l'heure actuelle, nous essayons très fort de faire les choses correctement. S'il vous plaît, aidez-nous.
Je suis fâchée et blessée, en tant que femme.
Une de vous trois peut-elle répondre?
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Nous sommes en fait aux prises avec un problème relatif à la collecte de données en Colombie-Britannique. Je ne sais pas si c'est le cas dans le reste du pays.
On nous a dit que le taux de conformité des corps policiers de la Colombie-Britannique était d'environ 30 p. 100 seulement pour ce qui est de fournir des statistiques à Statistique Canada sur les crimes commis... relativement aux cas qui sont traités dans le système. Le processus est un peu différent en Colombie-Britannique, où les services policiers mènent les enquêtes, et le ministère public porte les accusations. La police n'a aucune prise sur les accusations portées par le ministère public, et cela rend les choses un peu plus complexes.
De plus, les services de police viennent tout juste d'adopter un nouveau système d'enquête, appelé PRIME, qui permet aussi de recueillir des données. Il semblerait qu'il soit très difficile d'en tirer des statistiques, mais ce devrait être le contraire. La police de Vancouver a trouvé une façon de modifier certains éléments techniques de PRIME afin de pouvoir utiliser le système pour la collecte de données statistiques. Nous ne pouvons pas élaborer une politique sociale adéquate sans savoir si les choses que nous mettons en place fonctionnent ou non.
Lorsque nous sommes allés demander de l'information au ministère public et aux services policiers de la province, on nous a dit que l'information n'était pas disponible. Cela nous semble ahurissant de nous faire dire par les gens de notre direction de la justice pénale qu'ils sont désolés, mais qu'ils ne peuvent pas nous expliquer en quoi les cas de violence faite aux femmes progressent différemment devant les tribunaux actuellement comparativement à la période précédant le changement de leur politique, parce qu'ils n'ont plus accès aux anciennes données.
Je comprends qu'il s'agit d'un enjeu provincial, mais du point de vue fédéral, je crois qu'on peut mieux surveiller la GRC et l'obliger à rendre des comptes en lui demandant de répondre de ses actions à un comité ou à un bureau. Nous n'avons pas de bureau national qui s'occupe de la violence faite aux femmes en général ou de la violence faite aux femmes autochtones. Je partage l'avis de ceux qui disent qu'il nous faut appuyer l'Association des femmes autochtones du Canada et le travail qu'elles accomplissent, mais je pense qu'on peut faire beaucoup de choses immédiatement en demandant à la GRC de rendre des comptes.
Par exemple, j'ai demandé récemment à la GRC de me dire le nombre de femmes qui ont été arrêtées en Colombie-Britannique, seulement durant les six premiers mois de 2010. J'ai été estomaquée. Il serait intéressant de demander ces chiffres pour l'ensemble du pays, car je crois que cela pourrait changer bien des choses. Si on arrête une femme qui est victime de violence depuis 15 ans, elle n'appellera plus jamais la police. Elle ne cherchera jamais plus à obtenir de l'aide; donc, à l'avenir, sa vie et celle de ses enfants seront beaucoup plus à risque si la police fait une erreur la première fois que cette femme voudra obtenir de l'aide ou que quelqu'un appellera la police. Vous pourriez donc changer énormément les choses en demandant immédiatement à la GRC de rendre davantage de comptes.
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Nous avons probablement toutes parlé de l'impact considérable de la répression coloniale. Je pense que les jeunes filles et les femmes autochtones d'Australie vivent des situations semblables. Il y a une surcriminalisation. Dans les prisons, la majorité des femmes et des jeunes filles sont autochtones. Il y a extrêmement de violence. La police fait preuve d'inertie. Je crois que certaines choses dont nous avons parlé...
Mais pour répondre à votre première question, je sais que les responsables de l'Association des femmes autochtones du Canada vont vous parler des données et de la collecte de données, si elles ne l'ont pas déjà fait, et de l'initiative Soeurs par l'esprit. De toute évidence, ces femmes ont besoin d'être soutenues pour continuer à recueillir des données sur les femmes et les jeunes filles disparues et assassinées.
En ce qui a trait aux statistiques de la GRC, disons qu'il est très difficile d'obtenir des chiffres. Par exemple, les gens pensent qu'il y a des lois contre l'exploitation sexuelle au Canada et qu'elles sont appliquées, mais c'est tout simplement faux. Les hommes qui achètent des filles et des garçons à des fins d'exploitation sexuelle sont rarement poursuivis en justice, et même rarement accusés.
Nous avons beaucoup de difficulté à connaître le nombre d'hommes qui sont accusés puisque, par exemple, l'exploitation sexuelle n'est pas considérée de façon distincte. Le paragraphe 212(4) du Code criminel n'est pas pris isolément par la police. Elle le place sous les titres « agression sexuelle — autre » ou « infraction sexuelle — autre », ce qui fait en sorte que nous ne pouvons même pas vous dire combien d'hommes sont accusés d'exploitation sexuelle d'enfants et de jeunes au Canada actuellement. Il serait très utile pour nous de connaître ces chiffres, car nous pourrions dire, par exemple, qu'il y a dix hommes par province, et qu'un ou deux d'entre eux sont déclarés coupables chaque année...
Je tiens d'abord à vous remercier d'être venues aujourd'hui. Je sais que c'est difficile d'avoir une discussion et de répondre à ces grandes questions en sept ou dix minutes, mais j'espère que nous pourrons en discuter.
Pour faire suite à ce que vous avez dit, je tiens à souligner que le manque d'information est un problème. Lorsque Hedy et moi siégions à un autre comité et examinions le problème du commerce du sexe en ce qui concerne les adultes et non les enfants, il nous était très difficile d'obtenir de l'information sur ce commerce, qui était arrêté pour quel délit, quel était le degré de violence et comment cela était déclaré. Je crois donc que c'est un problème et je suis d'accord pour dire qu'il est très important de posséder de meilleurs systèmes de collecte de données.
Selon moi, ce que cela sous-tend — et Mme Demers a déjà posé cette importante question —, c'est que nous cultivons le déni. Pas tant du point de vue de la collectivité, car je crois qu'il y a beaucoup d'informations. Les cas dont vous avez parlé étaient des cas explosifs qui ont fait la manchette des médias durant des jours, sinon des semaines, mais dont on n'a plus entendu parler. La culture du déni se trouve davantage dans les services policiers, les différents ministères ou gouvernements.
Je sais qu'en 1999, quand j'ai commencé à parler du problème des femmes disparues à Ottawa, j'ai rencontré le ministre de la Justice, une très bonne personne, et il n'était pas au courant du cas le plus grave au Canada de disparition de femmes. Je dis cela pour répondre à votre question sur la raison pour laquelle on n'en a pas entendu parler dans l'Est du pays, notamment.
Je crois vraiment que cette question de déni est une partie importante du problème. Je me demande simplement, en passant, comment nous le gérons. Comment se fait-il qu'on s'intéresse à des procès comme celui de Pickton, puis qu'on tourne la page... et qu'ensuite, tout redevient comme avant? À mon avis, il s'agit carrément d'un problème systémique et nous devons tenter d'attirer l'attention sur cela.
Je veux simplement vous donner la possibilité de vous exprimer sur la façon dont nous pouvons attirer l'attention sur ces problèmes systémiques afin de pouvoir nous sortir de cette situation de déni.
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Je vous remercie beaucoup de cette question. Je crois que nous devons aussi agir avec circonspection. Je sais, d'après ce qu'ont dit mon amie Marilyn et d'autres femmes autochtones, qu'on ne peut pas simplement aller dans une communauté et commencer à parler de la violence, puis s'en aller. On ne peut s'attendre à ce que les femmes divulguent ce qui leur est arrivé, car cela pourrait les placer dans une situation dangereuse. Mon amie Marilyn vous a expliqué qu'à son avis, il serait important de mettre en place des services dirigés par les femmes autochtones pour les femmes autochtones dans chaque communauté autochtone de la province — ou, de votre point de vue, du pays.
Nous devons songer très sérieusement à mettre en place certains mécanismes de soutien avant de nous attendre à ce que les femmes parlent, parce qu'il doit y avoir un certain degré de sécurité et de surveillance dans une communauté, un lieu sécuritaire, une initiative de soutien et d'appui dans les communautés. L'une des initiatives fédérales en place actuellement, que j'appuie tout à fait, est l'élaboration de plans de sécurité communautaire dans les communautés autochtones. De plus, il ne s'agit pas seulement d'élaborer un plan ou un protocole. Il doit y avoir un soutien de façon continue. Il doit y avoir des services d'assistance.
Je veux seulement me faire l'écho de ce que Marilyn vous a suggéré, car plus que tout, si vous pouviez intégrer des intervenantes pour les femmes aux communautés, je crois que cela contribuerait énormément à aider les femmes à trouver leur voix.
Je crois que dans les collectivités non autochtones traditionnelles, c'est probablement la façon dont les femmes non autochtones ont trouvé leur voix: par la prolifération des services de lutte contre la violence, des voix féministes dans les collectivités de l'ensemble de la province. Évidemment, cela n'a pas mis fin à la violence, et chaque communauté est différente sur le plan de ces services, mais l'une des choses que nous disons à la Colombie-Britannique, en tant que province, parce qu'elle finance ces services provinciaux, c'est qu'elle doit financer des services dans les collectivités autochtones pour les femmes autochtones. Elle en finance quelques-uns, mais c'est loin d'être suffisant. Nous croyons vraiment, comme l'a dit Marilyn, que cela contribuerait grandement à améliorer les choses en ce qui concerne le déni, tout en assurant la sécurité des femmes.
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Si vous me permettez, je dirai que je suis tout à fait d'accord, et idem — la même chose — pour les jeunes filles autochtones et non autochtones: il doit y avoir des intervenants spéciaux pour elles.
En ce qui concerne le déni, il y a une chose, selon moi, qui pourrait aider. Parfois, nous rédigeons des rapports à l'intention des Nations Unies au sujet de la situation des jeunes filles sans domicile au Canada, au sujet de l'existence du sans-abrisme chez les jeunes filles au pays. Lorsqu'il doit se présenter devant les Nations Unies, le Canada prépare des rapports, comme vous le savez, pour divers comités chargés des conventions; je crois qu'il y a beaucoup de déni dans ces rapports. L'une des premières choses serait...
Certains pays disent dans les rapports qu'ils préparent à l'intention des Nations Unies: « Voici nos défis, c'est là où nous avons des difficultés, et nous n'avons pas fait ceci et cela ». Ils disent: « Les femmes et les jeunes filles ne réussissent pas dans ces domaines et voici ce que nous allons faire à cet égard ». Mais lorsque le Canada présente ses rapports aux comités des Nations Unies, je pense qu'il cache le plus de choses possible et nie autant qu'il le peut ce qui se passe. Ces rapports ne sont pas très utiles.
L'une des solutions, c'est que les ministères qui préparent ces rapports fassent preuve d'honnêteté relativement à la situation au Canada. Ils doivent en venir à considérer ces consultations ou exposés devant divers comités onusiens comme des occasions de donner suite aux recommandations, plutôt que de seulement expliquer en quoi le Canada est un chef de file extraordinaire en matière de droits de la personne. Je pense qu'ils devraient se dire: « Nous avons des problèmes, et c'est ici que nous devons y travailler ».
Et encore une fois, un organisme chargé d'assurer la reddition de comptes serait utile.
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Nous reprenons nos travaux.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent de la condition féminine mène une étude sur la violence faite aux femmes autochtones et pour le faire, il parcourt le Canada.
Une motion a été adoptée à l'unanimité par le comité pour étudier cette question, effectuer des déplacements au pays et rencontrer des communautés autochtones et d'autres groupes touchés par ce problème, afin qu'ils puissent nous parler de l'ampleur de la violence faite aux femmes autochtones, des types de violence, des causes profondes de cette violence et, bien entendu, des solutions possibles à ce problème persistant. Manifestement, malgré tous leurs efforts, les gouvernements précédents n'ont pas été en mesure de gérer la situation. Il faut donc que vous nous donniez beaucoup d'informations et que vous nous proposiez des solutions concrètes de sorte que lorsque nous rédigerons notre rapport, nous puissions au moins, comme certaines personnes nous l'ont dit, cesser d'étudier la question indéfiniment et en arriver à trouver des solutions.
Habituellement, comme vous le savez, il s'agit de réunions publiques qui sont enregistrées. Il peut aussi y avoir des médias. Leur présence est permise. Je tiens à souligner que des représentants du consulat général des États-Unis sont ici en tant qu'observateurs. Ils s'intéressent beaucoup à la question et assistent aujourd'hui à la réunion pour entendre les témoignages. Je tiens à leur souhaiter la bienvenue.
Aujourd'hui, nous accueillons des représentantes des organismes Battered Women's Support Services, Vancouver Rape Relief and Women's Shelter, Femmes contre la violence à l'égard des femmes et YWCA de Vancouver.
Vous disposez de cinq minutes chacune pour présenter votre exposé. Je vous ferai signe deux minutes et une minute avant la fin de votre temps de parole pour que vous sachiez quand il faudra conclure. Il n'est pas nécessaire que vous disiez tout ce que vous avez à dire dans votre exposé, car il y aura, je l'espère, quelques séries de questions au cours desquelles vous pourrez nous parler en détail d'autres points.
Nous allons commencer par Lisa Yellow-Quill, co-directrice du Programme pour les femmes autochtones, de l'organisme Battered Women's Support Services.
Lisa, vous disposez de cinq minutes.
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Est-ce que ça va? Est-ce que tout le monde m'entend?
Comme je le disais, je m'appelle Blue Thunderbird Woman, Strong Medicine Woman Standing, de Long Plains, au Manitoba, Pizhew Dodem. Mon nom colonial est Lisa Yellow-Quill, et je suis la co-directrice du Programme pour les femmes autochtones de Battered Women's Support Services.
Battered Women's Support Services est un organisme féministe à but non lucratif qui emploie des femmes de partout dans le monde. Il reflète nos valeurs d'équilibre, d'inclusion et d'unité. Il a été créé il y a 32 ans et offre des services d'éducation, de défense des droits et de soutien, y compris en matière juridique et de réforme du droit, aux femmes victimes de violence. Notre priorité est de mettre fin à la violence faite aux femmes.
Je vais vous parler des causes profondes de la violence faite aux femmes, qui ont engendré plus de 500 meurtres et disparitions de femmes autochtones dans toute l'île de la Grande Tortue, ainsi que de la nécessité d'une responsabilisation sociale et politique pour la guérison des femmes, de leurs familles et de leurs communautés. Ce discours se veut une position concertée prise par Battered Women's Support Services pour soutenir nos soeurs qui témoignent aujourd'hui et qui ont témoigné devant nous dans les provinces. Notre position est stricte. Nous croyons que l'inaction contribue à maintenir le statu quo en matière de violence faite aux femmes; nous réclamons donc des mesures concrètes.
Excusez-moi, je suis un peu déshydratée.
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J'ai demandé au Créateur et aux aïeules de venir parler à travers moi afin que vous ressentiez mes mots tout au fond de votre être et qu'ils résonnent dans le coeur de ceux qui exercent l'autorité pour qu'ils prennent le problème de la violence faite aux femmes autochtones au sérieux.
Nous, de l'organisme Battered Women's Support Services, reconnaissons que nous nous trouvons sur un territoire non cédé, le territoire des Salish de la côte, et nous demandons aux aïeules de bénir le travail que nous accomplissons aujourd'hui et de nous donner le courage, la clarté et les mots qui nous mèneront à des gestes concrets pour mettre fin à la violence faite aux femmes autochtones.
Nous savons que le fait que l'État poursuive la recherche sur les femmes autochtones sans toutefois prendre de mesures concrètes cause de ce fait plus de violence dans nos vies. Nous reconnaissons en outre qu'en participant à cette initiative de recherche administrée par Condition féminine Canada, nous pourrions être considérées comme complices ou parties prenantes de la chosification et de l'assimilation des femmes autochtones et de leurs situations par intérêt financier et masturbation politique si cette recherche débouche sur de simples solutions symboliques.
Nous savons également que les initiatives de recherche continues sans mesures concrètes ne sont que de fausses promesses. Il y a une grande quantité de documents de recherche qui sont préparés par le gouvernement, le milieu universitaire et même les travailleurs sur le terrain et qui fournissent des informations sur les causes profondes de la violence faite aux femmes autochtones et sur ses diverses formes, notamment l'impérialisme, le patriarcat, la colonisation et maintenant, la mondialisation.
À Vancouver, les femmes mettent en évidence la gravité de la situation en sensibilisant la population au moyen de l'initiative de l'organisme Battered Women's Support Services, soit la campagne « The Violence Stops Here », une formation élaborée pour inciter les hommes à s'engager à mettre fin à la violence faite aux femmes, de Walk4Justice, de la cérémonie de purification du quartier Downtown Eastside, et de la marche du 14 février en mémoire des femmes, entre autres, qui favorisent la guérison sur le plan personnel et communautaire.
À l'échelle nationale, il y a eu la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996, qui a mis en lumière les causes profondes qui mènent à la violence faite aux femmes autochtones. Il y a aussi le rapport d'Amnistie internationale intitulé On a volé la vie de nos soeurs. Discrimination et violence contre les femmes autochtones du Canada. Dans Black Eyes All of the Time, Anne McGillivray et Brenda Comaskey se penchent sur les causes profondes et formulent des recommandations avec clarté et concision sur les questions de la violence intime, des femmes autochtones et du système de justice.
Par conséquent, nous savons que le gouvernement canadien connaît bien les problèmes liés à la violence faite aux femmes autochtones et, tel qu'il existe, l'État patriarcal qui met en place, maintient et perpétue...
J'ai besoin d'un verre d'eau. Je ne peux même pas boire mon eau.
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En conséquence, nous savons que l'État canadien est bien au fait des problèmes de violence à l'encontre des femmes autochtones, car c'est son régime patriarcal qui crée, maintient et perpétue tous ces phénomènes — objectivation, stratification, normalisation, racialisation, invisibilisation, sexualisation, marginalisation, criminalisation, institutionnalisation, hospitalisation et colonisation — qui peuvent mener à l'extermination de nos femmes au sein d'une société où elles sont carrément maltraitées.
À nos yeux, cette attitude se manifeste de façon outrée dans le sentiment eurocentrique du droit au territoire qui prévaut au sein de nos entités politiques comme dans les sphères publiques et privées de notre économie. Je parle ici des agressions dont est victime notre Terre mère.
Nos principales préoccupations sont actuellement liées au racisme paternaliste inhérent aux lois et aux institutions sociopolitiques canadiennes, au manque d'éducation et de ressources pour les femmes autochtones, tant dans les secteurs ruraux qu'en milieu urbain, et aux lacunes du système judiciaire qui sont exacerbées par les obstacles découlant des questions de compétence.
Nous voulons des gestes concrets, car les femmes représentent 50 p. 100 de la population canadienne. Nous voulons que le « ministère de la Femme et de l'Égalité » soit rétabli en Colombie-Britannique, et que toutes les provinces canadiennes se dotent d'une instance semblable. Je vous signale d'ailleurs qu'il n'existe plus un seul ministère dont la dénomination fasse directement allusion aux femmes.
Nous voulons des gestes concrets. Nous voulons que tous les plans d'action fassent mention des femmes et que leur voix soit prise en compte dans tous les processus de planification et de prise de décisions au Canada, comme dans ses provinces.
Nous voulons des gestes concrets. Nous revendiquons une évolution des attitudes sociopolitiques.
Nous voulons des gestes concrets. Nous désirons que l'on braque les projecteurs sur l'auteur du crime, plutôt que sur la victime, dans les cas de violence à l'encontre des femmes. Trop souvent, les femmes sont blâmées ou jugées anormales au regard de la violence dont elles sont victimes.
Nous voulons des gestes concrets. Nous souhaitons des changements structurels au sein des gouvernements, des instances chargées de l'application de la loi et de toutes les autres institutions qui contribuent au maintien de l'inégalité entre les sexes.
Nous voulons des gestes concrets. Battered Women's Support Services demande la mise en place de services anti-violence s'appuyant sur une compréhension bien ancrée de la violence coloniale ainsi que sur la contribution directe des femmes autochtones.
Nous voulons des gestes concrets. Nous soutenons les revendications de l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) en faveur d'une diminution de la violence; d'une atténuation de la pauvreté; d'une réduction de l'itinérance via un meilleur accès au logement; d'un accès plus facile à la justice; des recommandations en matière de prévention découlant du symposium « La route des pleurs » tenu en 2006; du développement des collectivités et du soutien communautaire; de la planification de mesures d'urgence; de toutes les formes de soutien et de counselling pour les victimes et les familles.
J'ai presque terminé.
Sans rien enlever à la démarche d'aujourd'hui, il faut constater que Condition féminine Canada et la Chambre des communes se sont fait plutôt discrets dans ce dossier. Si l'on souhaite vraiment mettre fin à la violence à tous les niveaux de la société, il faut faire de la lutte contre la violence à l'égard des femmes une priorité nationale exigeant la mobilisation de toutes les institutions actives sur le terrain. Nous accomplissons notre travail sans bénéficier d'aucun soutien.
En terminant, je me permets de répéter les paroles du chef Robert Pasco de Merritt (Colombie-Britannique): « Quels que soient les termes dans lesquels seront libellés votre rapport final et vos recommandations, ils n'auront que peu de poids s'ils ne sont pas accompagnés de la volonté politique, des connaissances et des capacités nécessaires pour atteindre leur objectif ».
En outre, voici ce qu'on peut lire dans la section « Le point de départ » des points saillants du Rapport de la Commission royale des peuples autochtones :
Un changement de cette importance ne peut être mis en oeuvre par une réforme partielle des programmes et services existants — malgré l'utilité d'une telle réforme. Il faut poser un geste officiel manifestant une intention nationale — une déclaration d'intention symbolique mais substantielle, accompagnée des lois nécessaires à sa mise en pratique
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Nos 35 années de travail sur le terrain nous ont appris que les hommes s'en prennent aux femmes de leur propre race ou d'une race qu'ils considèrent inférieure, ce qui rend les femmes autochtones vulnérables à la violence des hommes, non seulement au sein même de leur collectivité et de leur foyer, mais aussi partout où elles se trouvent. Le système de justice pénal qui n'arrive jamais à offrir une protection suffisante aux femmes est particulièrement indifférent au sort des femmes autochtones victimes de la violence des hommes.
Qui plus est, les cas de criminalisation de femmes autochtones agissant en légitime défense contre des hommes qui les agressent sont extrêmement fréquents... J'encourage d'ailleurs les membres du comité à examiner les taux de condamnation pour les cas de violence signalés à la police par des femmes. Je peux vous garantir que vous serez estomaquées par le très petit nombre de cas qui sont pris suffisamment au sérieux par les forces policières pour que l'on mène une enquête en bonne et due forme et que l'on porte des accusations devant les tribunaux.
En troisième lieu, j'aimerais vous parler de la pauvreté chez les femmes en général, et les femmes autochtones en particulier. Lors des audiences tenues par votre comité en 2006 au sujet du trafic de personnes et de l'exploitation sexuelle, de nombreux témoins ont souligné que les Autochtones sont touchés de façon disproportionnée par la pauvreté dans notre pays. On vous a alors indiqué que 40 p. 100 des femmes autochtones vivent dans la pauvreté au Canada.
La pauvreté des femmes et la violence dont elles sont victimes sont deux forces oppressives très puissantes qui s'alimentent l'une ou l'autre. Ainsi, le ministère de la Justice du Canada reconnaît que la pauvreté est l'un des facteurs qui rend les femmes vulnérables à la violence. Selon l'Agence de la santé publique du Canada, « La pauvreté limite les choix et l'accès aux moyens de se protéger et d'échapper à la violence. »
Le Canada a été critiqué par les Nations Unies en raison du niveau honteusement bas de ses prestations d'aide sociale. Des femmes reprennent des relations abusives ou sont incapables de s'en affranchir parce que l'aide sociale ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Pour rendre les femmes, autochtones ou non, moins vulnérables à la violence des hommes, il faut absolument leur garantir une certaine sécurité financière. Nous préconisons l'instauration d'un revenu minimum garanti, mais il va de soi que l'on pourrait à moyen terme commencer par hausser les prestations d'aide sociale. À leur niveau actuel, elles sont nettement insuffisantes.
Traitons maintenant du problème de la prostitution chez les femmes autochtones. C'est par la voie de la prostitution que la violence à l'égard des femmes se manifeste de la manière la plus criante. Nous entendrons tout à l'heure les représentantes du collectif Aboriginal Women's Action Network nous parler de leur opposition à la prostitution et à sa légalisation.
Nous vous exhortons à faire vôtres les recommandations du rapport produit en 2007 par le Comité permanent de la condition féminine, « De l'indignation à l'action ». On y recommandait notamment que le gouvernement fédéral cible la pauvreté chez les femmes, les femmes autochtones tout particulièrement, et qu'il décriminalise les victimes, les femmes qui se prostituent — elles ne devraient pas être criminalisées alors qu'elles sont victimes d'iniquité et de violence — pour plutôt criminaliser les clients, les hommes qui exploitent la vulnérabilité des femmes, les consommateurs de prostitution et les proxénètes.
Mon dernier point concerne les enfants autochtones pris en charge par l'État. Comme je n'ai pas assez de temps pour vraiment rendre justice à cette problématique, j'encourage le comité à en faire le sujet de prochaines audiences. Les Autochtones comptent pour moins de 5 p. 100 de la population de la Colombie-Britannique, mais plus de la moitié des enfants pris en charge sont autochtones. Selon les chiffres du ministère des Enfants et du Développement de la famille, il y avait l'an dernier 4 666 enfants autochtones pris en charge par l'État. La province sépare ces enfants de leur mère pour les confier à grands frais à des familles d'accueil, plutôt que d'investir cet argent pour offrir aux mamans la sécurité financière nécessaire pour se payer un logement, de la nourriture et des services de garde, ce qui leur permettrait de subvenir elles-mêmes aux besoins de leurs enfants.
Je vous résume donc nos principales recommandations. Il faut consulter l'AFAC et lui offrir un financement adéquat; mettre fin à la pauvreté chez les femmes autochtones et les femmes en général, car c'est ce qui nous rend si vulnérables à la violence des hommes; éradiquer la prostitution en luttant contre la pauvreté d'une part et en criminalisant d'autre part les clients; et obliger les forces policières à s'acquitter de leurs responsabilités quant à la protection des femmes en menant des enquêtes approfondies, en portant les accusations appropriées et en poursuivant les hommes devant les tribunaux pour qu'ils aient à répondre de leur violence envers les femmes.
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Bonjour. Je tiens à remercier le Comité permanent de la condition féminine et la Chambre des communes de nous donner l'occasion de contribuer à ce travail important.
Mon nom traditionnel est Singing Thunderbird Child, Twice Standing Woman. Je suis une ojibway-crie, membre de la Première nation Peepeekisis de la Saskatchewan. Pour les non-Autochtones, je m'appelle Darla Laughlin et je suis actuellement coordonnatrice des relations avec les Autochtones et conseillère au centre d'intervention en cas d'agression de notre organisme (WAVAW) à Vancouver.
Je comparais aujourd'hui à votre invitation pour vous entretenir des formes évitables de violence à l'égard des femmes autochtones dont nous avons pu être témoins à WAVAW. Dans le contexte du travail que nous effectuons, nous pourrions bien évidemment vous citer des cas horribles de mauvais traitements physiques, émotionnels et mentaux, de femmes qui ont été agressées sexuellement et exploitées. Il s'agirait d'une bonne illustration des différents types de violence auxquels les travailleurs de terrain sont confrontés.
Quand à savoir jusqu'où cette violence peut aller, je pense qu'il vous suffit d'ouvrir un journal. Des femmes autochtones sont assassinées et on a pu avoir l'impression récemment que cela laisse tout le monde indifférent. Pourtant, il faut bien avouer que certaines doivent payer de leur vie.
J'estime important de se demander comment notre société a pu en arriver à une situation où les femmes autochtones sont déconsidérées à ce point. Comment peut-on rectifier le tir et quelle serait la première chose à faire?
Permettez-moi de vous dire que les formes les plus graves de violence que nous avons pu constater jusqu'à maintenant sont attribuables au gouvernement lui-même du fait de ses attitudes patriarcales, racistes et sexistes. L'oppression systémique que l'on exerce ainsi sur les Autochtones est de loin la plus grande menace à leur bien-être. Pendant trop longtemps, le gouvernement du Canada a imposé systématiquement aux Autochtones, et à nos femmes tout particulièrement, ses mesures institutionnalisées d'oppression, de colonialisme et de répression politique.
À nos yeux, la situation ne s'est malheureusement pas améliorée. Nous sommes ici réunis pour étudier le phénomène de la violence à l'égard des femmes autochtones. Je dirais que nous connaissons déjà les formes d'oppression et de violence auxquelles les femmes autochtones sont confrontées. Nous avons des statistiques à ce sujet. Le gouvernement est désormais prêt à admettre que les femmes autochtones ont été laissées pour compte.
Je me demande donc pourquoi nous devrions faire une étude sur une problématique que nous connaissons déjà. Nous savons que les femmes autochtones sont victimes de marginalisation, de discrimination, de racisme et de sexisme. Nous savons que ces femmes doivent encore composer avec les séquelles laissées par les pensionnats. Pourquoi les organisations comme la nôtre ne bénéficient-elles donc pas d'un soutien suffisant pour aider ces femmes? Nous n'avons pas d'argent pour la formation. Nous n'avons aucun financement de base. Les programmes destinés aux femmes font l'objet de coupes de plus en plus sombres.
Je tiens à vous dire que les efforts déployés récemment pour étudier ces régimes d'oppression ne sont pas passés inaperçus. Nous n'avons cependant pu constater aucune augmentation du financement octroyé pour le counselling et les programmes à l'intention des femmes victimes de violence. Et nous voici encore réunis pour discuter de cette problématique.
Il est grand temps que le gouvernement comprenne que la situation ne va pas s'améliorer si l'on ne rend pas facilement accessible des ressources stables pour venir en aide à ces femmes. Celles-ci doivent pouvoir se tourner vers du counselling, un logement sûr et abordable et des services de garde d'enfants pour véritablement récupérer des effets de la violence. De toute évidence, les mesures d'atténuation des préjudices ne suffisent pas pour aider ces femmes à aller de l'avant. Le moment est venu d'amorcer une véritable démarche de décolonisation de telle sorte que ces femmes aient les outils nécessaires pour surmonter les effets de la violence.
Autre élément clé pour la guérison des femmes autochtones, il faut reconnaître la nécessité des façons véritablement traditionnelles de faire les choses. Pour contribuer à faire tomber les obstacles érigés par la méfiance, le gouvernement se doit de prendre en compte les modes traditionnels de guérison dans le cadre du travail qu'il effectue auprès des femmes. Celles-ci ont ainsi tout à fait le droit de faire appel à des guérisseurs traditionnels pour appuyer leur démarche, et nous nous devons, à titre d'agents de changement, de les assister dans leur recherche d'une voie de guérison ou d'intégrer ces valeurs traditionnelles à nos méthodes de travail. L'appui du gouvernement en ce sens n'est pas suffisamment bien senti à l'heure actuelle.
Nous sommes également témoins des risques auxquels s'exposent les femmes qui sont impliquées dans ce qu'on appelle l'industrie du sexe, ou qui essaient de s'en affranchir. Ces femmes ne reçoivent que très peu de soutien, alors que leurs clients ont droit à des programmes comme les cours de sensibilisation. Les femmes devraient avoir accès à une aide ne se limitant pas aux simples outils de réduction des méfaits, comme les condoms et les sites d'injection sécurisés.
Les lois doivent être changées et les coupables doivent être tenus criminellement responsables et condamnés aux peines les plus sévères qui soient. Notre pays doit comprendre à quel point il est odieux de permettre que l'on achète et vende ainsi les faveurs de ces femmes vulnérables qui craignent pour leur vie et leur sécurité.
Pour que les femmes exploitées sexuellement puissent reprendre une vie normale, il faut absolument leur offrir à long terme du counselling et des programmes d'acquisition de compétences fondamentales. Le gouvernement doit comprendre que l'exploitation sexuelle des femmes autochtones n'est pas une simple activité commerciale.
En terminant, je tiens à souligner que le ministère des Enfants et du Développement de la famille continue d'enlever des enfants autochtones à leur famille. C'est la conséquence directe du soutien insuffisant des ministères en matière de logement et de développement social. On demande à des femmes marginalisées — des femmes autochtones — d'arriver à payer loyer et factures et à nourrir leur famille à même des revenus inférieurs au seuil de la pauvreté.
Les deux ministères continuent de travailler en vase clos d'une manière qui favorise la détérioration de la situation des femmes autochtones et de leurs enfants. La conséquence directe est tristement déplorable: des femmes sombrent dans le désespoir, l'itinérance et l'industrie du sexe. Peut-on imaginer une attitude plus violente ou oppressive?
Nous sommes conscients que la réputation du Canada dans le monde évolue rapidement compte tenu de la façon dont nous présentons nos valeurs et des vérités que recèle notre absence de soutien aux femmes autochtones. Il est grand temps que le gouvernement fasse le nécessaire en apportant des changements concrets pour la sécurité et la qualité de vie des femmes autochtones.
Voici quelques statistiques tirées du rapport « Researched to Death: B.C. Aboriginal Women and Violence », produit en 2005 par le gouvernement de la Colombie-Britannique et le B.C. Women's Hospital and Health Centre. Les risques qu'une femme autochtone soit victime de violence sont 3,5 fois plus élevés que pour les autres femmes. Les jeunes femmes de moins de 18 ans comptent pour environ 75 p. 100 des membres des collectivités autochtones qui survivent à une agression sexuelle. Approximativement 50 p. 100 de ces filles ont moins de 14 ans et quelque 25 p. 100 n'ont même pas sept ans. Au Canada, les femmes autochtones de 25 à 44 ans sont cinq fois plus susceptibles de mourir des suites de la violence que les autres Canadiennes du même groupe d'âge.
L'étude en question a été menée en 2005. Depuis 2006, le gouvernement Harper a réduit le financement octroyé aux programmes universels de garde d'enfants ainsi qu'aux groupes et organisations travaillant sur le terrain pour défendre les intérêts des femmes et lutter contre la violence et les autres problèmes qui touchent les femmes autochtones tout particulièrement. Les chiffres que je viens de vous citer parlent d'eux-mêmes: il faut financer adéquatement les programmes destinés aux femmes autochtones victimes de violence.
Nous sommes heureuses d'avoir eu l'occasion de vous communiquer ces observations et nous vous remercions pour le temps que vous nous avez consacré.
Je tiens à remercier les femmes qui ont parlé avant moi. Je pourrais vous réitérer une bonne partie des arguments qu'elles ont soulevés, mais je vais éviter de le faire.
Je vous dirai simplement que j'ai consacré la quasi-totalité de ma carrière, soit une bonne trentaine d'années, si ce n'est davantage, aux problèmes qui touchent les femmes et notamment à la violence dont elles sont victimes. J'ai d'ailleurs déjà comparu devant des comités comme le vôtre pour traiter de ces questions. Malheureusement, les choses n'ont guère changé au fil de toutes ces années. Je crois même que la situation s'est détériorée.
Comme nous le savons toutes, les données, les statistiques et les constatations de longue date qui vous ont été communiquées aujourd'hui demeurent valables, alors que la situation est plus préoccupante que jamais pour les femmes autochtones exposées à la violence.
Je travaille pour le YWCA Crabtree Corner, un programme communautaire destiné aux femmes et aux familles du quartier Downtown Eastside à Vancouver. Pas moins de 99 p. 100 des dossiers que nous traitons impliquent des abus à l'égard des femmes et je dirais qu'environ 70 p. 100 de nos clientes sont autochtones.
J'aimerais vous parler des situations dont nous somme témoins. Je crois que les autres intervenantes ont bien expliqué les raisons pour lesquelles les abus sont si fréquents au sein des collectivités autochtones. Nous faisons les mêmes constatations à Crabtree Corner en déplorant ces comportements d'oppression. La pauvreté semble être la mère de tous les maux. Il est très difficile pour une femme de quitter une situation d'abus lorsqu'elle ne sait pas si elle pourra trouver un logement, lorsqu'elle vit de l'aide sociale — laquelle comme on vous l'a déjà fait valoir n'est pas suffisante pour subvenir à ses propres besoins sans compter ceux des enfants — et lorsque les ressources sont déficientes. Il n'y a ainsi qu'un seul centre de traitement où les femmes de la vallée du Bas-Fraser peuvent se rendre avec leurs enfants pour traiter des problèmes de toxicomanie. Il y a donc bien des facteurs qui obligent ces femmes à se résigner à leur triste sort.
On vous a aussi signalé ces cas où les forces policières sont appelées à intervenir chez une femme victime de violence. On constate alors un phénomène fort troublant: les gens du ministère viennent chercher les enfants. C'est comme si l'on agressait la mère une seconde fois. On lui dit qu'elle doit faire sortir l'homme violent de la maison, sans quoi elle ne pourra pas récupérer ses enfants. Comme les statistiques et les recherches nous le confirment, ce n'est pas ce qui va arriver, car il faut à une femme plusieurs tentatives pour quitter une relation abusive. On ne doit certes donc pas s'attendre à ce qu'elle y parvienne sur-le-champ. Nous devons ainsi travailler auprès d'un nombre croissant de familles autochtones ayant à leur tête une femme à laquelle on a retiré ses enfants en raison de problèmes de violence conjugale. Il va de soi que cela incite fortement les femmes à se taire et à ne pas signaler les abus dont elles sont victimes, compte tenu des problèmes qui s'ensuivent. Cela contribue en outre à exacerber la méfiance déjà ressentie à l'égard de la police et du système judiciaire.
J'ai mentionné, comme d'autres l'ont fait avant moi, la problématique de la pauvreté et les stéréotypes très tenaces entourant les femmes autochtones. Autant dans le cadre de mon travail, que dans mes rapports avec les personnes qui viennent faire des recherches chez nous, comme au sein de la communauté que nous desservons, j'ai pu être témoin de cette perception des femmes autochtones et de ces préjugés à leur égard... ce qui fait qu'elles deviennent quasiment invisibles pour le reste de la société. J'ai pu le constater à maintes reprises dans bien des contextes que l'on vous a déjà exposés comme ceux de l'industrie du sexe, de notre système de justice et du ministère des Enfants et du Développement de la famille.
Je vois bien également le fardeau que cette situation impose aux travailleurs de première ligne. Comme je vous le disais, voilà plus de 30 ans que j'oeuvre dans ce domaine et je sais à quel point il est difficile et exigeant pour ces travailleurs d'apporter l'aide requise en devant composer avec un manque criant de financement.
Ce n'est que depuis un an que nous pouvons compter sur un poste d'agent affecté à la prévention de la violence. Il a fallu bien des années pour obtenir du financement à cet effet et c'est finalement un donateur privé qui est venu en aide à notre organisme. Il demeure donc extrêmement difficile, même à notre époque, de convaincre les décideurs en place de l'importance de financer les interventions de ce type.
Il faut également déplorer un manque de ressources lorsqu'une femme en vient à demander de l'aide dans une situation d'abus. Il est alors difficile de l'aiguiller vers des ressources qui pourront l'aider, elle et ses enfants, ou de lui proposer des moyens de garder sa famille réunie. J'estime en outre que notre travail est rendu d'autant plus difficile du fait que le système judiciaire et le gouvernement n'ont pas la même définition de ce qui peut constituer un abus et de la façon dont on doit intervenir en pareil cas.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Mesdames, je vous remercie d'être présentes cet après-midi.
Tout d'abord, j'aimerais vous dire, Lisa, que votre texte était très fort. Parfois, lorsque vous le lisiez, je me sentais très gênée. À certains moments, je me suis sentie très concernée, par exemple quand vous disiez que nous parlions beaucoup, mais que nous agissions peu. C'est vrai. Vous avez tout à fait raison. Darla, vous en avez parlé également, et c'est la vérité.
Pourquoi faire une autre tournée? Pourquoi poser des questions sur les conditions de vie des femmes autochtones alors que nous les connaissons très bien? Nous savons quel genre de violence est faite aux femmes. Nous avons voulu faire cette tournée pancanadienne parce que nous ne voulions pas que seuls deux ou trois groupes viennent à Ottawa nous parler de la situation et qu'on nous dise par la suite que ces deux ou trois groupes importants ont parlé au nom de nombreuses femmes autochtones sans les représenter entièrement. Nous voulions aller sur le terrain pour que des personnes comme vous, qui représentent de plus petits groupes, nous décrivent la situation. De cette façon, nous pourrons retourner à Ottawa et démontrer que toutes ces femmes sont venues témoigner et affirmer que c'est bel et bien la situation des femmes autochtones au Canada.
Ce ne sont pas seulement l'Association des femmes autochtones du Canada, Femmes Autochtones du Québec et les chefs autochtones qui nous ont décrit la situation. Ce sont toutes les femmes autochtones qui nous ont parlé de cette situation et qui nous ont demandé de faire quelque chose pour l'améliorer. Votre voix est la plus importante parce que c'est celle de toutes les femmes autochtones. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
Madame Cameron, vous avez dit que rien n'avait changé en 30 ans. Pourquoi est-ce le cas, à votre avis?
J'aimerais aussi vous demander si le fait que le Canada ait signé la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, dans le cadre de l'ONU, et qu'il ait officiellement demandé pardon pour les événements entourant les pensionnats indiens va changer quelque chose, à votre avis. On n'a pas vu de changement au cours des deux dernières années et je me demande pourquoi.
Je veux d'abord toutes vous remercier pour votre présence aujourd'hui. Vous représentez de grandes organisations qui accomplissent un travail important dans notre ville.
J'ai bien envie de poursuivre la discussion au sujet du financement, car je crois que nous pourrions passer des heures à parler du manque de fonds pour la défense des droits et pour le fonctionnement des organismes. Je crois toutefois que ce serait une bonne idée de changer un peu de sujet de sorte que nos délibérations ne se limitent pas à ces questions et abordent le plus large éventail d'enjeux possible.
Je dois par ailleurs noter que j'ai bien senti le cynisme ambiant. Encore un comité, encore des audiences, un autre rapport... vous connaissez la chanson. C'est toujours la même rengaine. D'après moi, cela fait partie des défis que nous avons à relever. Comment pouvons-nous composer avec cette situation? Nous souhaitons toutes que des changements interviennent, mais nous sommes aux prises avec cette culture du déni. Nous sommes confrontées à ces graves problèmes systémiques qui se perpétuent, et il s'agit de savoir comment s'y attaquer. Je voulais seulement qu'on y réfléchisse.
Comme la question a été maintes fois soulevée, j'aimerais discuter des rapports avec les forces de l'ordre, un aspect extrêmement important. Ce n'est pas le seul élément, mais tous les groupes avec lesquels j'ai parlé de violence à l'égard des femmes, et des femmes autochtones tout particulièrement, ont fait mention du mode d'intervention des forces policières, ou de l'absence d'intervention... Il y a bien évidemment des policiers qui sont tout à fait compétents. Nous en connaissons toutes. Ces gens-là s'efforcent de faire de leur mieux à l'intérieur du système en place. Mais l'application des lois pose un problème plus profond encore et nous pourrons en parler tout à l'heure avec les deux hauts-gradés de la GRC qui témoigneront devant nous.
Il y a toutefois une question que je voudrais vous poser à ce sujet. Vous êtes toutes très actives dans la communauté. De quel ordre sont vos relations officielles avec la police vancouvéroise? Y a-t-il un mécanisme permanent vous permettant de soulever vos préoccupations de nature générale concernant la manière dont les lois sont appliquées afin d'éviter que l'on victimise de nouveau ces femmes victimes de violence ou que l'on porte des accusations à leur endroit du seul fait qu'elles sont pauvres, qu'elles travaillent dans l'industrie du sexe ou je ne sais trop?
Entretenez-vous des liens quelconques avec les forces de l'ordre? Comme vous êtes toutes à Vancouver, je présume que ce serait surtout avec la police municipale et, bien sûr, avec la GRC, pour l'extérieur de la ville. Mais j'aimerais savoir de quelle nature sont vos liens, car c'est une considération extrêmement importante. Je me demandais simplement si vous aviez des expériences en ce sens ou des suggestions quant aux changements à apporter pour que nous puissions en traiter dans notre rapport et faire le suivi qui s'impose.
J'ai une remarque à faire, qui sera suivie d'une question.
Ma collègue d'en face a demandé pourquoi on n'avait pas beaucoup entendu parler de la question. Je ne suis pas d'accord. Je pense que la question est tout à fait d'actualité depuis bien longtemps. J'ajouterais qu'il est étonnant qu'on y accorde autant d'attention en ce moment, compte tenu du manque de financement alloué aux groupes de défense, et de la crainte, de la part de nombreuses organisations financées par le fédéral, de dire ce qu'elles pensent par peur de subir davantage de représailles. Donc, je remercie de leur présence les personnes qui sont ici, et j'estime qu'on se penche depuis bien longtemps sur cette question, à divers degrés.
J'aimerais vous poser une question sur un sujet dont nous n'avons pas vraiment traité ici. À la fin des années 1990, une enquête a été réalisée par le ministre de la Justice de l'époque. Le public, qui y a pris part, a rencontré des femmes autochtones, et l'on a traité de la question de la violence faite aux femmes autochtones. Une femme sage qui participait de très près à ces discussions m'a dit que la réalité, pour de nombreuses femmes autochtones, était que l'inceste et la violence chez elles étaient considérés comme une norme de vie. Vous serez peut-être d'un autre avis.
La question que je voudrais vous poser est celle-ci. Dressez-vous encore le même constat — ou peut-être pas du tout —, à savoir que les femmes autochtones en sont venues, au fil des ans, à accepter la violence et l'inceste comme la manière dont les choses se passent dans une famille? Si oui, que pouvons-nous faire? Et s'il n'est pas ainsi, c'est tant mieux.
Pour revenir brièvement sur la question des excuses et de leur signification, j'estime que nous sommes sans doute d'accord au sujet de la nature systémique de la violence. Des actes de violence sont commis sur une base individuelle, mais nous paraissons d'accord pour dire qu'ils ont un fondement systémique. Donc, peut-être devrions-nous songer à des excuses de ce côté-là également.
Exprimer des excuses de façon formelle est très important, mais ce doit être permanent. Je pense que c'est ce que vous nous dites aujourd'hui: on doit donner suite à ces excuses sur le plan des programmes, des ressources, des lois, de la façon dont les choses sont faites... afin de s'attaquer aux iniquités. N'est-ce pas? Donc, le problème est également d'ordre systémique.
Vraiment, la question que j'aimerais vous poser — puisque la séance tire à sa fin — est celle-ci: comment entrevoyez-vous l'avenir? En êtes-vous à un point où vous avez l'impression que, même si les choses vont très mal, les gens sont davantage sensibilisés, ce qui vous rend optimiste quant à ce qui pourrait se passer au cours de la prochaine décennie, disons, peu importe l'ordre de gouvernement — municipal, provincial ou fédéral — auquel on aura affaire? Ou êtes-vous plutôt d'avis que la situation empirera? Je suis simplement très curieuse de connaître votre opinion.
Nous sommes ici maintenant; nous saisissons la réalité actuelle. Mais comment voyez-vous personnellement l'avenir? Les choses sont difficiles, mais croyez-vous qu'elles s'amélioreront parce qu'il y a une conscientisation accrue? Ou allons-nous nous enfoncer encore davantage, et la situation s'aggravera-t-elle encore avant de s'améliorer?
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Personnellement, l'avenir me semble incertain. À l'heure actuelle, avec les excuses qui ont été présentées... Si on peut parler d'excuses, car à mes yeux, quand on se dit désolé, on précise ce qui s'est produit et pourquoi. Mais personne ne nous a dit pourquoi on avait agi ainsi. On a passé cela sous silence, alors j'ai du mal à accepter ces excuses, tout comme bien des Autochtones que je connais.
Quoi qu'il en soit, avec ces excuses viennent des réclamations, si on peut dire. Une certaine forme de réconciliation est censée avoir lieu, et je me demande combien de temps il faudra pour cela; il aura fallu patienter des centaines d'années pour entendre exprimer ces regrets. Donc, pour moi, et pour tous les milieux autochtones partout où je vais, la question se résume à dire: « D'accord, nous vous avons dit être désolés; voici 50 $, taisez-vous maintenant »... Là est vraiment la question. Y aura-t-il de véritables programmes durables qui permettront de guérir les sept générations à venir... ?
Comme nous l'avons dit, les agressions, maintenant ancrées dans les familles autochtones et établies là stratégiquement, sont bien enracinées. Il faudra beaucoup pour renverser... Pour décoloniser les Autochtones de ce pays. La décolonisation n'est pas une mince affaire, et nous sommes loin d'avoir suffisamment de ressources humaines à cette fin. Nous n'avons pas assez de financement. Ce dont nous disposons en ce moment représente à peine une goutte d'eau dans l'océan comparativement à ce qu'il nous faudra pour guérir les jeunes et leurs familles, créer des relations saines et aider les jeunes qui luttent contre la violence systémique transmise de génération en génération... C'est une tâche énorme.
Donc, qu'est-ce que j'entrevois pour l'avenir? Je pense que tout dépend de ce que vous avez tous à offrir aux peuples autochtones de ce pays, et de ce qu'il s'agira ou non d'un engagement véritable, constant et à long terme.
Nous avons maintenant terminé cette série de questions. Je suis navrée, mais on a atteint les six minutes. Je vous rappelle que nous faisons des tours de cinq minutes. Je m'efforce d'accorder une marge de manoeuvre, mais je ne peux continuer à ajouter constamment des minutes. Je peux voir le prochain groupe de témoins qui est assis là-bas, et qui est prêt à venir prendre place.
Avant de voir si nous pouvons effectuer un troisième tour de table, ce dont je doute fort... Parfois, je m'abstiens de poser des questions. Si je juge qu'on a répondu à mes interrogations, je n'interviens pas nécessairement. Mais pendant la séance avec ce groupe de témoins, il s'est dit beaucoup de choses sur lesquelles j'aimerais revenir, peut-être de façon plus approfondie qu'en posant une question.
Nous avons parcouru le pays. S'il y a une chose que nous avons entendue à répétition, c'est bien que les causes profondes de la violence tirent leurs origines de la colonisation. J'ai entendu Nicole vous demander si vous pouviez nous citer un autre pays où la situation est meilleure. Eh bien, en 1997, lorsque le Canada — et j'étais la ministre responsable à l'époque — avait soulevé, à la Conférence de Santiago, la question des Autochtones et de leurs droits en tant que peuples, et non en tant qu'éléments démographiques, il y avait eu beaucoup de réactions négatives de la part des pays latino-américains, qui sont également des « pays du Nouveau Monde » et qui, par conséquent, ont colonisé leur population.
Nous avons visité l'Australie. Nous avons entendu des gens de Nouvelle-Zélande et le peuple sami, etc. Bien que j'estime qu'il y a un sentiment... Et je crois que vous avez parlé de façon très touchante de la discrimination systémique qui perdure. Elle est de nature systémique, et par conséquent, des excuses sont formidables, mais si le système ne change pas... et les institutions du système doivent changer. J'ai entendu des témoignages très touchants partout au pays, selon lesquels ces systèmes sont restés inchangés, et les belles paroles ne sont pas suivies par du respect et par une autonomisation, et n'arrivent pas à éliminer la croyance que les Autochtones sont une sorte de population de seconde zone. Qu'ils sont des groupes de sauvages qui ne sont plus capables de vivre parmi nous, et à qui on accole tous ces stéréotypes que les gens véhiculent au sujet des Autochtones, lesquels étaient ici 40 000 ans avant l'arrivée des colonisateurs.
Donc, vous avez tout à fait raison; et je veux que vous sachiez que notre comité a entendu dire partout au pays que vous ne vouliez plus être traités avec condescendance; que vous ne souhaitiez plus qu'on se penche sur la question, ni qu'on vous dise « d'accord, merci », pour vous donner ensuite une petite tape sur la tête et passer à autre chose; qu'il faudra des générations pour réparer les torts intergénérationnels; et que la guérison n'aura pas lieu sur-le-champ. J'ai entendu tout cela, et je voudrais seulement que vous sachiez que cela a été extrêmement émouvant pour nombre d'entre nous qui étions là, et pour nous tous qui avons entendu ces témoignages.
Si la volonté politique autour de cette table devait avoir un effet, je peux vous dire qu'en ce qui concerne les membres — qu'ils siègent au comité depuis longtemps, ou qu'ils y soient de passage seulement — le message a été transmis à bien des égards. Mais vous avez tout à fait raison: c'est de volonté politique dont on a besoin pour changer les choses. Pour notre comité, cela n'a jamais fait aucun doute quant aux conclusions qu'il tirera: en définitive, c'est une question de volonté politique. Donc, pour ce qui est de l'espoir que vous avez, je crois qu'il résidera dans la solidité de notre rapport et dans la volonté politique de veiller à ce qu'on tienne compte de son contenu.
Je tiens à vous remercier de votre venue.
Lisa, au tout début, vous m'avez rappelé — vous ne me l'avez pas vraiment dit, mais vous me l'avez rappelé — que nous tenons à remercier les Salishs du littoral de nous avoir permis de tenir notre réunion ici aujourd'hui, sur leur territoire.
Merci beaucoup à vous qui êtes venus ici aujourd'hui, et merci également pour votre discussion très ouverte.
Avant que vous ne partiez, nous pourrions effectuer un autre tour de trois minutes, si vous voulez ajouter quelque chose. Mais cela veut dire que je me montrerai intransigeante au sujet des trois minutes. D'accord?
Bien, on me dit...
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
La présidente: Si nous faisons cela, cependant, nous n'aurons pas beaucoup de temps, alors pourquoi ne pas interrompre la séance? Pour deux minutes?
Merci.
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Nous reprenons nos travaux.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité, le Comité de la condition féminine, étudie la question de la violence faite aux femmes autochtones. Pour mener cette étude, nous avons un comité parlementaire composé de membres de tous les partis politiques. Nous avons ici quatre partis. Nous sommes à bien des égards non partisans, et nous tâchons vraiment d'unir nos forces, en tant que parlementaires, pour résoudre certaines questions qui à notre avis doivent être résolues.
Nous nous penchons sur le fait que la violence à l'encontre des femmes autochtones dure depuis longtemps maintenant, et, pour parler aimablement, avec les meilleures intentions de tout un chacun...
Tout le monde y a mis du sien à divers degrés — les gouvernements, les institutions et les groupes communautaires. Nous n'avons pas vraiment pu changer les choses, et la situation perdure, alors nous voulons que vous nous parliez un peu des causes profondes, de l'ampleur et de la nature des différents types de violences commises envers les Autochtones.
Nous avons visité des réserves. Nous sommes allés dans des régions isolées, mais aussi dans les villes. Nous savons que les formes de violence envers les femmes autochtones dans les régions isolées, dans les réserves et dans les villes comportent des éléments différents, qui appellent peut-être des solutions très diverses. Donc, nous vous demandons également de proposer des solutions. Vous savez, nous l'espérons, que vous pouvez parler en toute liberté et que nous vous écouterons. Nous souhaitons que vous parliez le plus franchement possible.
Commençons d'abord par un exposé de cinq minutes de chacun des témoins. Je vous préviendrai deux minutes, puis une minute avant la fin pour vous permettre de conclure. Je sais que ces cinq minutes vous paraîtront peut-être insuffisantes pour dire tout ce que vous avez à dire, mais nous pourrons entrer dans les détails au cours de la période des questions et réponses. Vous aurez la possibilité, comme c'est le cas durant la période des questions à la Chambre, non pas de répondre à la question, mais de vous assurer de faire entendre votre point de vue. Ainsi, vous pourrez au moins compenser pour le temps qui vous aura manqué pour faire les déclarations que vous souhaitiez.
Nous n'avons encore parmi nous aucun représentant de l'Union of British Columbia Indian Chiefs. L'organisme était censé comparaître aujourd'hui. Si ses représentants arrivent en retard, nous les accueillerons et les prierons de faire leur déclaration.
Je voudrais simplement souligner la présence de Mabel Todd dans l'assistance. Mabel a 76 ans, et elle a pris part à la Marche pour la justice. Elle a traversé le Canada à la marche.
Mabel, voudriez-vous vous lever pour nous permettre de vous rendre hommage?
[Applaudissements]
La présidente: Merci beaucoup de nous avoir fait gré de votre présence aujourd'hui. C'est un honneur de vous compter parmi nous.
Nous tenons également à remercier les Salishs du littoral de nous avoir permis de tenir cette séance sur leur territoire.
Je vais d'abord céder la parole à Russell Wallace, de la Warriors Against Violence Society.
Je veux vous remercier, monsieur Russell, car nous voyons rarement des hommes comparaître pour parler de ces questions. Je sais que les hommes s'en soucient, mais ce serait une très bonne chose qu'on vérifie de temps à autre s'ils veulent intervenir et être pris en compte. Donc, merci d'être venu.
Vous disposez de cinq minutes; veuillez donc commencer. Je vous avertirai à deux minutes, puis à une minute de la fin.
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Très bien. Merci de m'accueillir.
Huy chexw a, ha7lh kwakwayel. Soyez les bienvenus.
Je siège au conseil de direction de Warriors Against Violence. En fait, j'ai été enrôlé dans cette organisation à la dernière minute, alors, comprenez que je ne suis peut-être pas au courant de tous les faits.
Warriors Against Violence a été créé à la fin des années 1990 par Daniel Parker et Joseph Fossella. Cette société est née du besoin qu'il y avait dans la communauté que les hommes puissent se réunir et parler de la violence qu'ils perpétuaient eux-mêmes.
Daniel et Joe ont tous les deux eu recours à la violence dans leurs relations auparavant, et ils sont arrivés à un point où ils ont pris conscience que cela ne pouvait plus continuer et que leurs épouses ne les laisseraient pas faire, alors, ils ont décidé de travailler ensemble. Ils ont suivi des programmes comme Change of Seasons. Dans cette initiative, il y avait une sensibilité culturelle pour trouver des façons de mettre un terme à la violence. Alors, une fois tous les autres programmes terminés, ils ont mis sur pied la société Warriors Against Violence et ont décidé qu'ils devaient maintenir des programmes actifs pour les hommes.
Les participants à la société Warriors Against Violence se réunissent. Une des choses que la société fait, c'est améliorer la prise de conscience par l'éducation, la promotion de la santé et la formation. Elle a également la capacité de fournir des services de consultation et de soutien au besoin. Elle forme des participants pour qu'ils deviennent eux-mêmes des animateurs, parce que, étant donné que nous sommes situés à Vancouver, à la Kiwassa Neighbourhood House, on demande souvent aux animateurs d'aller dans différentes collectivités, beaucoup de collectivités éloignées. Ils ont constaté qu'il était nécessaire de former des animateurs, alors, ils ont mis sur pied des programmes par l'intermédiaire du Native Education College ainsi qu'à la Warriors Against Violence Society.
Warriors Against Violence encourage les participants à respecter les points de vue traditionnels. Les hommes se réunissent dans des sueries ou se réunissent pour chanter. Ce sont des façons de trouver un lien spirituel, mais c'est également une façon de lier les hommes entre eux, ce que nous ne trouvons pas dans une ville.
Warriors Against Violence croit à l'idée de confronter la violence au moyen de la culture. C'est comme déterminer les responsabilités traditionnelles des hommes dans la collectivité et prendre conscience que la violence n'est pas une des responsabilités que nous avons, alors, nous devrions y mettre fin.
Nous croyons également que les femmes et les enfants des Premières nations sont essentiellement pris en otage par les valeurs et les croyances actuelles de la société dominante. Cela signifie essentiellement qu'il y a différents types de violence contre les femmes et l'une d'elles, c'est la violence sociale, économique et systémique. Beaucoup de femmes qui participent au programme nous disent comment les travailleurs sociaux les ont menacées en leur disant que dans certaines circonstances, on pourrait leur retirer leurs enfants. Nous encourageons les femmes à documenter toutes les situations de ce genre, et nous fournissons du soutien au besoin.
Nous voulons également aborder tous les problèmes qui causent du tort aux familles et aux collectivités des Premières nations, que ce soit l'alcoolisme, la toxicomanie, les agressions sexuelles... beaucoup de problèmes sociaux qui sont apparus. Il y a également les répercussions des pensionnats indiens sur les générations qui ont suivi.
Nous nous réunissons. Cela a débuté comme un programme destiné aux hommes, mais nous avons pris de l'expansion pour inclure les femmes, et maintenant, nous avons un programme pour la jeunesse. Le programme destiné à la jeunesse touche des jeunes de plus en plus jeunes. Alors, nous offrons des événements culturels pour les jeunes. Par exemple, le week-end dernier, les jeunes ont pu faire une sortie pour observer des aigles. Beaucoup de jeunes dans les villes n'ont pas la possibilité d'aller sur le terrain, alors, voilà une façon pour eux d'observer des aigles dans leur milieu naturel.
Nous avons également débuté un programme qui s'adresse exclusivement aux femmes. Alors, nous fournissons un programme familial, un programme pour les femmes et un programme pour les jeunes, et nous nous réunissons trois fois par semaine.
Je crois que c'est tout ce que j'avais à dire.
Je vous remercie de votre temps.
Kukwstum'ckacw.
Je veux corriger cela immédiatement, parce que quelqu'un pense qu'une criminologue est arrivée; c'est ma deuxième carrière. Je ne pense pas que ma présence ici soit liée à ma capacité de criminologue, bien que j'enseigne dans des domaines liés au sujet dont il est question ici aujourd'hui.
Je pense que c'est mon expérience... 33 années au sein du système de justice pénale et mon travail de bénévole actuel, à la fois dans le cadre du règlement des conflits impliquant les pensionnats indiens et à titre de membre des gardiens de la vision pour le pavillon de ressourcement de Service correctionnel Canada et Okimaw Ohci dans le sud-ouest de la Saskatchewan. Les principaux dossiers dont je me suis occupée au SCC étaient liés aux femmes autochtones, aux femmes dans le système correctionnel, les victimes et la justice réparatrice.
C'est simplement en ce qui concerne mes antécédents, de manière qu'elle ne pose pas des questions à la criminologue. Je ne m'identifie pas comme une universitaire. J'essaie d'apporter à mes étudiants des expériences réelles que j'ai vécues au cours de mes 33 années de service dans ce genre de travail, juste pour équilibrer le volet universitaire. Bien sûr, le volet universitaire est important, mais ce n'est probablement pas mon point fort.
De façon inattendue, l'an dernier, le 3 janvier, jour de mon 60e anniversaire, une femme autochtone que j'ai connue en prison et avec qui j'avais renoué au sein de la collectivité s'est présentée à ma porte avec une jeune femme. Elle m'a demandé si mon mari et moi pouvions accueillir son jeune enfant pendant son hospitalisation pour subir un traitement.
C'est là que je dois commencer, parce que mon année a été utilisée pour expérimenter sur le terrain ce que je croyais savoir, et que je savais, de bien des façons, par le travail que j'ai fait au cours des années à titre de bénévole et à titre d'employée rémunérée du gouvernement. Mais cette dernière année n'a fait que confirmer à mes yeux la situation dans laquelle nous sommes, l'état pitoyable de notre système.
Je ne veux pas insinuer qu'il n'y a pas de bonnes personnes qui travaillent dans le système. J'étais une de ces personnes qui a travaillé très fort, qui a fait de son mieux, lorsque j'étais au gouvernement fédéral. Et j'ai vu au cours de la dernière année... nous en sommes maintenant à notre quatrième travailleuse. Elle est aussi admirable que les trois autres, et elle fait de son mieux, mais il y a de très, très nombreux défis.
Nous avons accueilli ce jeune enfant de sorte que sa mère puisse essayer de vaincre un problème de toxicomanie. Son histoire, si nous devions la décrire, pourrait vous paraître très familière, probablement, à partir de ce que vous avez entendu pendant votre voyage d'un bout à l'autre du pays. Mes collègues qui témoignent aujourd'hui diraient probablement que son histoire ressemble beaucoup aux histoires qui, nous le savons, sont liées à la situation complexe de la violence faite aux femmes autochtones. Ses antécédents comportaient de la violence au cours de son enfance. Ensuite, elle a fait preuve de violence à l'égard des autres et elle s'est fait du mal à elle-même. Elle a passé la plus grande partie de sa vie dans des établissements pour jeunes délinquants, provinciaux et fédéraux. Elle n'avait pas commis de délit depuis sa sortie de prison il y a quelques années, mais elle a dû faire face aux défis de la réinsertion.
C'est pourquoi j'ai décidé de me concentrer sur quelques recommandations seulement concernant la réinsertion, parce qu'il s'agit d'un sujet important que vous abordez, et je sais que nous sommes un des derniers endroits que vous allez vous arrêter. Vous l'avez entendu. Vous l'avez entendu de la bouche d'experts qui ont une expérience et une expertise beaucoup plus vastes que les miennes, alors, je voulais simplement concentrer un peu de cette expérience vécue cette année et également de mon expérience à l'extrémité aval du système de justice pénale.
Récemment, je suis tombée sur un modèle autochtone appelé Circle of Courage, dont les principes sur le développement de l'enfant amérindien ont formé la base d'un ouvrage intitulé Reclaiming Youth at Risk: Our Hope for the Future, rédigé par un Amérindien du nom de Martin Brokenleg et d'autres. Cet ouvrage a été à l'origine d'un mouvement qui connaît un certain succès en ce qui concerne le travail auprès des jeunes Autochtones à risque. J'aimerais utiliser ses principes pour encadrer quelques recommandations que je vais faire au sujet de l'extrémité aval du système et des femmes autochtones qui sortent du système carcéral.
Les quatre principes sont l'appartenance, la maîtrise, l'indépendance et la générosité. L'appartenance est le principe organisateur dans les cultures de partenariat comme celles des Premières nations. M. Brokenleg dit que dans une culture autochtone, une personne se sent importante par son appartenance, tandis que dans les cultures dominantes, une personne prend de l'importance en se distinguant des autres, ce que l'on voit souvent comme l'hyperindividualisme de notre société occidentale.
Cela me fait penser à combien il est important, lorsque les femmes autochtones retournent dans la collectivité, qu'elles aient l'occasion de créer un sentiment d'appartenance à leur culture et à la société plus large qui, en raison d'une longue incarcération, leur est devenue plus étrangère et hostile. Elles ne peuvent créer un lieu d'appartenance à moins que la société plus large soit accueillante. Cela veut dire à mes yeux qu'une société qui comprend que le système de libération graduelle de prison est un élément clé de la réussite de la réinsertion est importante, comme l'est une société qui peut se débarrasser de ses peurs et de sa mentalité du « nous contre eux ».
Collectivement, en tant que citoyens, nous devons avoir le courage d'être plus accueillants. En faisant cela, nous allons renforcer nos liens communautaires et notre confiance de pouvoir prévenir les crimes dès le départ.
Les programmes éducatifs sont essentiels à cette fin. Les médias devraient être une cible majeure de telles campagnes de sorte qu'ils puissent éduquer d'autres personnes.
Je me souviens d'avoir fait partie du comité de planification d'une conférence intitulée « Incarcération, libération conditionnelle et les médias ». Une des détenues autochtones que nous avions invitée à faire partie du comité de planification a dit à un des journalistes, qui était également membre du comité de planification: « J'aurais ma libération conditionnelle dans quelques semaines. Pouvez-vous me dire si les choses sont vraiment aussi mauvaises que le laissent entendre vos grands titres? »
Une des idées clés du Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale était que toute femme devrait avoir un agent communautaire du début à la fin de sa sentence.
[Le témoin s'exprime en mohawk.]
Je vous parle dans ma langue, le mohawk, du Territoire des Six Nations de la rivière Grand, et je vous ai donné mon véritable nom qui est Gowehgyuseh, qui signifie « elle est en visite ».
En fait, cet exposé est dédié à ma cousine, Tashina, qui a été portée disparue et dont le corps a été retrouvé dans une fosse peu profonde. Elle a été assassinée dans ma propre collectivité des Six Nations. Elle était également enceinte et mon exposé est dédié à son enfant mort avant la naissance, à lui aussi. Elle l'avait déjà nommé Tucker.
De même, cet exposé est dédié à toutes les femmes autochtones disparues et assassinées au pays, à leurs enfants morts avant la naissance, à leurs enfants et à leurs mères, à leurs pères et à leurs familles. J'ai connu un grand nombre de ces familles partout au Canada. J'ai encore une relation très étroite avec elles. Je prie constamment pour que justice soit rendue à celles qui attendent toujours le retour d'un être cher et qui, comme la nôtre, ont dû porter en terre des êtres aimés à la suite d'un meurtre horrible et d'une violence horrible.
Moi aussi, je suis bien consciente de la violence. Je suis une survivante de la violence comme enfant, comme jeune fille et comme jeune femme. Mais je suis une survivante de la violence, et j'ai consacré le reste de ma vie à combattre la violence sous toutes ses formes.
Je tenais à venir ici parce que les familles avec qui je suis en contact et dont je défends encore les intérêts ont des préoccupations au sujet du présent comité. C'est au sujet du mandat et du fait qu'il y a eu de si nombreuses études. La commission royale, les enquêtes, les rapports, les rapports de la Fondation autochtone de guérison, les organismes de femmes, les organismes de femmes autochtones, les organismes autochtones, les rapports d'enquête, les rapports de recherche, le rapport intitulé « On a volé la vie de nos soeurs », le rapport Soeurs par l'esprit, tous les rapports, parlent des causes fondamentales. Tous ces rapports parlent de la nature et de l'ampleur de la violence qui se déroule dans les réserves et à l'extérieur des réserves, dans les villes et dans les collectivités rurales.
Alors, nous savons qu'on a déjà dépensé des millions de dollars pour financer ces études de recherche et les milliers de recommandations qui doivent être mises en oeuvre. Combien en a-t-il coûté au présent comité pour faire la présente étude? Nous n'avons pas besoin d'une autre étude. Nous avons besoin d'action.
Je crois que l'étude de la Chambre des communes et son processus créent plus de silence pour les femmes autochtones, et ce silence est violent.
Permettez-moi de m'expliquer. Les familles des personnes disparues et assassinées n'étaient pas et ne sont toujours pas au courant de l'existence de ce processus. Lorsqu'elles l'ont appris, elles n'étaient pas au courant du processus à suivre pour faire un exposé. Lorsqu'elles ont assisté à certaines de vos séances, elles ont été incapables de prendre la parole, parce qu'elles ne connaissaient pas le processus. Alors, elles continuent d'être frustrées, non seulement à cause des injustices qu'elles continuent se subir, mais elles sont frustrées et choquées du fait qu'une étude puisse être réalisée sans leur apport, un apport qui est absolument nécessaire puisqu'elles ont une expérience directe à communiquer au comité. Alors, je demande respectueusement au comité de rencontrer expressément les familles des femmes autochtones disparues et assassinées.
Dans mon discours en réponse aux excuses du gouvernement au sujet des pensionnats, j'ai dit qu'il fallait du respect pour les femmes autochtones, qu'il fallait que le gouvernement agisse. Ce qu'il faut, c'est agir. Comme je l'ai dit, il y a tellement de ces recommandations. Il s'agit de les mettre en oeuvre.
Les effets des pensionnats constituent une cause fondamentale. Ils sont une cause fondamentale du cycle de la violence qui se poursuit jusqu'à ce jour. Il y a différents types de violence — physique, émotionnelle, mentale, spirituelle, sexuelle, raciale et sexuelle — dont les femmes autochtones sont victimes directement, comme ce fut le cas d'Helen Betty Osborne et de Pamela George.
Tous les problèmes liés à la violence ont été étudiés, il y a eu des tonnes de recommandations, comme je l'ai dit, alors, nous devons étudier les ressources qui sont nécessaires, ou les ressources qui sont consacrées actuellement dans les collectivités. Qu'est-ce qui fonctionne? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Quel genre d'étude faut-il réaliser pour corriger la situation? Qu'est-ce qui fonctionne vraiment?
Si des ressources sont consacrées à la question de la violence faite aux femmes, pourquoi la violence se poursuit-elle? Pourquoi y a-t-il encore autant de femmes qui sont portées disparues? Pourquoi y a-t-il autant de femmes qui sont assassinées? Où sont les services de prévention? Où sont les ressources éducatives?
Bien que j'aie un très grand respect pour la présente étude et pour le témoignage des gens qui viennent ici, ce que je constate, c'est qu'il n'y a pas de volonté politique pour investir les ressources nécessaires pour mettre véritablement fin à la violence faite aux femmes autochtones. Des ressources sont nécessaires pour revitaliser les enseignements traditionnels au sujet du respect des femmes en tant que porteuses de vie, pour revitaliser la langue dans laquelle ces enseignements ont pris racine et pour assurer les services de consultation et de guérison nécessaires aussi bien aux hommes qu'aux femmes pour guérir de cette violence.
Nous sommes aux prises avec la violence interne dans nos collectivités, celle qui est le fait de nos hommes. Nous sommes aux prises avec la violence externe des hommes de race blanche et des effets du racisme et du sexisme — des femmes comme Helen Betty Osborne et Pamela George. Mais aujourd'hui, un élan est en train de se bâtir au niveau des collectivités locales, sans les ressources gouvernementales. Nous voyons Walk4Justice, et ces femmes qui sont ici aujourd'hui pour représenter cet organisme, parmi lesquelles figure Grandma Mabel, des femmes qui ont eu la force de pouvoir faire ce travail de base qui doit être fait.
Les familles des personnes disparues et assassinées, de même que certaines autres personnes, mènent la charge pour mettre fin à la violence. Mais pour qu'il y ait réparation et réconciliation, puisque le gouvernement a accepté une certaine part de responsabilité à l'égard de la cause fondamentale de la violence, à savoir les pensionnats — et qu'il a reconnu avoir fait cela à notre peuple dans ce pays —, le gouvernement doit fournir ces ressources.
Il y a des besoins précis. Les besoins des familles des personnes disparues sont différents de ceux des familles des personnes assassinées. Dans le cas des familles des personnes disparues, il faut des ressources pour les recherches, les récompenses, les déplacements des familles qui reçoivent des renseignements, la publicité, les services de guérison, les services de consultation pour la perte d'un être cher et le deuil, et les rassemblements familiaux. Dans le cas des familles des personnes assassinées, il faut des ressources pour l'aide juridique, la connaissance du processus, les services aux victimes avec formation sur la connaissance culturelle concernant les besoins des familles, les ressources pour les services de guérison et les rassemblements familiaux.
Je vais terminer ici, mais la dernière recommandation que je ferais, c'est que si le présent gouvernement veut vraiment faire un changement pour mettre fin à la violence faite aux femmes, ce qu'il peut vraiment faire, c'est adopter une loi, comme on l'a fait aux États-Unis, pour mettre fin à la violence faite aux femmes. Je vais m'arrêter ici.
Je veux également m'assurer... il y a également un lien direct entre la violence faite aux femmes et la violence faite à l'égard de notre mère, la terre. Tant que, à titre d'êtres humains, nous ne reconnaîtrons pas qu'il y a une relation directe entre les deux, nous allons continuer dans cette voie, jusqu'à la destruction de toute vie. Je sais que j'ai pris l'engagement de mettre fin à cette violence pour mes générations futures. Est-ce que nous pensons tous aux sept prochaines générations?
Merci.
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Bonjour, je m'appelle Janine Benedet et je suis professeure à la Faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique où j'enseigne, entre autres choses, le droit pénal et le droit en matière d'agression sexuelle.
Je fais de la recherche sur le traitement juridique des différentes formes de violence faite aux femmes par les hommes depuis environ 15 ans. Mon travail de recherche actuel porte en particulier sur la violence sexuelle, y compris la prostitution. J'utilise mes travaux de recherche et la tribune publique que mon poste me procure, en collaboration avec un certain nombre d'organismes, pour promouvoir l'égalité des femmes et la lutte contre la violence, aussi bien au niveau local qu'au niveau national. Alors, je suis très heureuse de participer aux présentes audiences sur la question très importante de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles autochtones.
Je suis certaine que de nombreux experts ont comparu devant le comité pour parler de l'importance du problème, de son coût énorme pour les femmes autochtones et leurs collectivités, et de certaines des causes fondamentales de la violence des hommes à l'endroit des femmes. Ainsi, bien que le court exposé que je vais donner touche nécessairement à certaines de ces questions, je veux limiter principalement mes observations aux aspects juridiques, mon domaine d'expertise, aussi bien la loi telle qu'on la retrouve dans les livres que son application au sein du système de justice pénale.
Je pense que la première question que nous devons nous poser, c'est: avons-nous besoin de nouvelles lois ou de peines plus sévères? J'ai écouté avec intérêt la suggestion de Bev Jacobs au sujet d'une loi portant sur la violence faite aux femmes, dans le sens où cette loi existe aux États-Unis.
En ce qui concerne le droit pénal, il est toujours tentant, lorsque nous faisons face à une crise, de penser que des lois ou des peines plus sévères au criminel constituent la solution au problème. En fait, nous avons un ensemble assez complet de lois portant sur l'agression et l'agression sexuelle dans les livres. Les peines possibles pour ces infractions sont assez sévères. De toute évidence, la première préoccupation dans ce domaine est la prévention de la violence, et nous savons que le droit pénal n'est pas un outil particulièrement efficace et efficient à cet égard.
La réalité, c'est que la très grande majorité des actes de violence physique et, certainement, de violence sexuelle, ne sont jamais signalés aux autorités et leurs auteurs ne sont jamais traduits devant le système de justice pénale.
L'autre observation préliminaire sur laquelle j'aimerais insister, c'est que je pense que le gouvernement, et le gouvernement fédéral en particulier, a un rôle réel à jouer à cet égard. Ce rôle va bien au-delà de l'idée que des mesures plus coercitives sont nécessaires pour régler ce problème, mais il s'agit plutôt de s'assurer que les femmes sont en mesure d'exercer leurs droits fondamentaux en matière de sécurité de la personne et d'égalité entre les sexes. Et cela ne se fait pas uniquement par le biais du droit pénal et du châtiment des délinquants.
J'aimerais parler spécifiquement, pendant un instant, de la façon dont la violence sexuelle faite aux femmes autochtones est traitée par le système de justice pénale et du fait qu'il y a là des raisons réelles de s'inquiéter de l'application des lois. L'élément le plus important, je dirais, c'est que nous continuons de voir les femmes autochtones comme des délinquantes, plutôt que des survivantes ou des victimes. Nous continuons de voir, dans de nombreuses administrations, des accusations portées contre les deux conjoints dans les cas de violence familiale, où la femme est accusée au même titre que l'homme qui l'agresse, ou nous voyons des femmes qui sont accusées pour s'être défendues contre des hommes qui ont fait usage de violence à leur endroit, y compris des femmes prostituées qui sont accusées d'agression contre des clients et des proxénètes.
Nous continuons de voir des femmes qui, systématiquement, plaident coupables à des accusations moindres dont elles ne sont pas du tout coupables, simplement pour éviter la menace d'incarcération dans un pénitencier fédéral ou une peine d'emprisonnement à perpétuité, selon l'accusation qui est portée contre elles. À mes yeux, c'est là un domaine qui nécessite une attention urgente.
Je suis également préoccupée par le fait que l'attention très importante que nous accordons maintenant à la violence commise par des étrangers, lorsque nous examinons la question des femmes autochtones disparues et assassinées, vienne occulter le problème de la violence au sein des collectivités autochtones et de ses racines qui remontent à des années de politiques gouvernementales regrettables.
Pour revenir brièvement à la question de la violence sexuelle, nous continuons également de voir un certain nombre de tendances vraiment décevantes, je pense, dans la façon dont ces cas sont traités lorsqu'ils parviennent devant les tribunaux. Nous continuons de voir de nombreux cas où des femmes autochtones sont traitées comme ayant donné leur consentement même lorsqu'elles sont fortement enivrées ou presque inconscientes. Et nous voyons une réticence entêtée de la part des juges à invoquer les dispositions relatives à la détermination de la peine du Code criminel pour les crimes motivés par des préjugés, à savoir le sous-alinéa 718.2a)(i), qui précise que lorsque l'infraction est motivée par certains facteurs, dont le sexe et la race, la peine peut être accrue si ces derniers constituent des circonstances aggravantes — il est très difficile, voire impossible, de trouver un cas de violence ou de violence sexuelle faite à des femmes et à des jeunes filles autochtones qui est traité comme un crime motivé par la haine ou le préjugé. Mais c'est exactement de cela qu'il s'agit.
Le dernier point que j'aimerais faire valoir est lié à la question de la prostitution dans la mesure où elle est liée à la question de la violence faite aux femmes autochtones. Je pense que nous continuons de constater, à la fois dans les médias et, regrettablement, dans certains milieux publics et gouvernementaux, que la violence faite aux femmes autochtones est écartée comme étant liée aux modes de vie à haut risque des femmes: prostitution, auto-stop, toxicomanie, fugue.
En réalité, cela ne fait que reproduire une tendance que nous avons observée dans le système de justice pénale historiquement et consistant à blâmer les femmes pour leur propre victimisation ou, du moins, à situer la source de la violence chez elles plutôt que chez les hommes qui pratiquent cette violence à leur endroit, et dans le système sociétal plus vaste de l'inégalité entre les sexes. Je pense que c'est également quelque chose qui est important et que nous devons prendre en considération, tout comme l'est la tendance actuelle à encourager la légalisation de la prostitution des femmes par les hommes comme une solution à la pauvreté et à la violence touchant les femmes autochtones.
Je termine ici en disant simplement que j'espère que l'attention du présent comité, du fait qu'il s'agit du comité de la condition féminine, continuera de porter sur l'égalité entre les sexes.
Merci.
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En fait, je n'ai pas eu de participation aux activités de l'AFAC depuis mon départ en septembre 2009, mais je sais que l'intention de l'initiative Soeurs par l'esprit était de faire en sorte que les familles jouent le rôle de chef de file, qu'elles dirigent le processus. Alors, nous avions des rassemblements familiaux, mais avec les ressources que nous avions, nous ne pouvions pas exiger de contribution et être inclusifs à l'égard des familles. Une partie de ce processus est de rassembler les familles, parce que c'était un tel réseau pour elles que de pouvoir se réunir et parler des problèmes qui les touchent et de la guérison... c'était un processus si bénéfique qu'elles pouvaient suivre.
Je vais parler de moi-même en tant que membre d'une famille, comme quelqu'un qui faisait partie de Soeurs par l'esprit, dans ce sens que cela va continuer que l'initiative se poursuive ou qu'elle prenne fin — les familles sur le terrain vont continuer leur travail. Elles m'ont dit qu'elles vont le faire de toute manière, alors, c'est une question de temps et de ressources et de ce que nous pouvons faire pour elles. La recommandation en quittant un organisme politique, c'est que ce n'est pas un problème politique dans le sens que les organismes politiques peuvent rivaliser pour avoir compétence sur le problème; c'est un mouvement de la base qui se produit. C'est ce que j'essaie de dire: cela va se poursuivre de toute façon. Mais en ce qui concerne la recherche et le développement de politiques, cela doit se poursuivre. Cela doit se poursuivre et la question, c'est de savoir si ce sont les familles qui le feront elles-mêmes.
Le but de cette étude et la détermination de la cause fondamentale, voilà également quelle était l'intention derrière l'initiative Soeurs par l'esprit et je pense qu'une partie de l'étude et une partie du rapport a reconnu cela. Il est difficile lorsque je parle aux familles en tant que membre de la famille du besoin, parce que c'est de cela dont il s'agit; c'est au sujet du besoin pour leur permettre de guérir par le biais de ce qui leur est arrivé et de ce qui nous est arrivé.
Ayant eu l'expérience de rencontrer les familles depuis maintenant... cela fait maintenant presque 10 ans que j'ai commencé à travailler avec Amnistie. Une partie de toute cette question, c'est une reconnaissance que ce cycle de violence qui se produit a débuté quelque part. Il a commencé par ce que j'appellerais un contact, à cause du manque de respect à l'égard des femmes autochtones dans notre pays et à cause des politiques, les politiques génocidaires, du gouvernement canadien pour éradiquer complètement... Comment éradiquer une population? Vous vous débarrassez des femmes.
Pour faire face à cette situation, la guérison se fait dans nos collectivités. Les ressources sont nécessaires. Je ne sais pas quoi d'autre ajouter.
Merci.
J'utilisais cela comme une façon de parler des préoccupations concernant les femmes autochtones. Et j'aime ces notions d'appartenance, de maîtrise, d'indépendance et de générosité comme étant des notions qui ont une valeur centrale dans la collectivité autochtone. Je pense que pour les femmes qui sortent de prison, qui est le domaine que je connais le mieux, ce sont des éléments clés autour desquels nous pourrions élaborer des recommandations.
Nous devons améliorer l'élément communautaire. Et je dis cela non pas parce que je suis nécessairement en faveur ou non des prisons, mais parce que les prisons sont une réalité de notre monde. Alors, sortir de prison est une réalité de notre monde, et nous devons faire en sorte que cela se fasse mieux. Nous devons donner aux femmes non seulement la chance d'appartenir, notion dont j'ai déjà parlé, mais également la chance de maîtriser. La maîtrise, c'est en comparaison non pas des autres, ou de normes et de règles inflexibles, mais par rapport à leur propre rendement antérieur, de sorte que nous avons la souplesse nécessaire pour travailler avec les femmes de manières qui fonctionnent pour elles.
Dans le cas de la femme que j'ai côtoyée au cours de la dernière année, il est possible qu'elle ait pu faire une rechute, mais elle fait mieux qu'il y a un an. Alors, le système doit trouver une façon de reconnaître cela, plutôt que de la revictimer et de la retourner dans un milieu où elle ne peut se rétablir et où elle est encore plus éloignée de son enfant, et trouver des façons de travailler à la reconnaissance des progrès qui ont été réalisés, même s'ils sont modestes et graduels. Voilà un élément.
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La recherche nous indique que les programmes communautaires fonctionnent mieux. C'est vrai. Et cela est sensé, quand on y réfléchit bien.
Cela ne veut pas dire que je ne crois pas que les gens puissent apprendre quelque chose dans les prisons. En fait, une des ironies, c'est que c'est en prison que les femmes autochtones découvrent parfois leur culture pour la toute première fois. J'ai vu des choses assez incroyables survenir en prison lorsque les femmes autochtones prennent contact avec notre culture et les aînés. Ce n'est pas la nature de la prison qui crée cette occasion; ce sont les personnes spirituelles qui se rendent en prison et l'occasion de fraterniser avec des consoeurs, de se rassembler et d'avoir ce sentiment d'appartenance qu'un si grand nombre d'entre elles n'ont jamais eu.
Le problème, c'est que lorsqu'elles ont acquis cela et qu'elles font cette transformation et ce travail difficile par elle-même et avec l'aide des personnes spirituelles, alors, nous ne pouvons sortir cela à l'extérieur. Lorsqu'elles sortent, tout cela semble s'effriter.
J'ai vécu une situation ironique un jour où un aîné m'a suggéré de réunir certains de mes étudiants avec des femmes en liberté conditionnelle dans la communauté plutôt que de me rendre sur place; habituellement, je me rends en prison avec mes étudiants. J'ai accepté et nous nous sommes rassemblés dans un centre d'amitié. Mes étudiants ont vécu une merveilleuse expérience, comme c'est habituellement le cas. Cette rencontre a transformé leur façon de penser et de comprendre. Mais les femmes autochtones en liberté conditionnelle ont dit: « Pourquoi ne pouvons-nous pas faire cela? » C'était la première fois qu'elles participaient à un rassemblement.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas de programmes — ce serait tout simplement faux, parce qu'il y en a — mais il en faut davantage. La recherche nous indique que si nous offrons ces occasions dans la communauté, cela fonctionne beaucoup mieux.
Il faut que quelqu'un les accompagne. Nous parlons constamment de cette notion d'accompagnement. J'ai lu récemment que dans le système de soins de santé, on propose qu'il y ait quelqu'un qui vous soit assigné une fois que l'on vous a diagnostiqué un cancer afin que vous ayez quelqu'un pour vous guider à l'intérieur du système. Nous avons besoin de ce guide, mais il faut que ce soit vrai. Nous en avons parlé auparavant, dans les centres correctionnels, mais nous devons le faire réellement et désigner un guide. Je ne pense pas que cela devrait coûter bien cher. Il pourrait même s'agir de bénévoles. Vous avez besoin de quelqu'un qui vous servira de guide, qui a peut-être déjà vécu cette situation, de sorte que lorsque vous sortez, vous pouvez compter sur ce guide pour vous aider.
Ensuite, nous devons créer des occasions pour favoriser l'appartenance, et la maîtrise et l'indépendance. Cela signifie la chance d'avoir du pouvoir. Dans les sociétés autochtones, le pouvoir ne signifie pas le pouvoir sur autrui; il signifie le pouvoir de diriger sa propre vie. Nous devons créer ces occasions.
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Ce gouvernement peut faire beaucoup de choses. J'en ai mentionné plusieurs dans mon exposé.
Un élément, les programmes de langues. Le gouvernement conservateur a sabré dans les programmes de langues pour nos collectivités. La langue est à la base de notre identité. Elle est à la base de nos enseignements. Elle est à la base de nos lois, de nos traditions et de notre culture. Lorsque nous avons la langue, cela renforce notre esprit, ce qui fait partie du processus de guérison. Comme je l'ai dit, la langue fait partie de la guérison de notre esprit et fait partie de ces enseignements.
Il y a des enseignements très précis dans notre culture concernant les relations respectueuses. J'ai dû réapprendre ces enseignements, parce que ma grand-mère, qui était dans un pensionnat, n'a pas été en mesure de me les apprendre. Cela fait partie des responsabilités des femmes d'enseigner aux jeunes gens et cela fait partie des responsabilités des aînés dans notre collectivité de nous enseigner comment avoir des relations respectueuses les uns envers les autres lorsque nous débutons une relation. Ce cycle de violence prendra fin lorsque nous aurons eu cet enseignement sur ces relations respectueuses et lorsque nous aurons eu cet enseignement sur nous-mêmes, sur notre identité et sur nos origines.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons besoin de ressources, très spécifiquement pour les femmes et les hommes dans nos collectivités, de sorte qu'il y ait des services de guérison. La Fondation autochtone de guérison était l'une de ces fondations qui étaient capables de fournir des services de guérison et de consultation. Peut-être que Santé Canada pourrait également participer pour faire en sorte que ces services soient accessibles de façon continue aux femmes et aux hommes autochtones qui sont en train de guérir de la violence...
Des ressources sont nécessaires pour les familles des personnes disparues, comme je l'ai dit, et pour les familles des personnes assassinées. Il y a des besoins très précis pour chacune d'entre elles. Lorsque vous pensez à quelqu'un qui était présent dans votre vie et qui est porté disparu, vous espérez son retour tous les jours. Vous y pensez tous les jours. Il y a un traumatisme tous les jours. Lorsque vous êtes aux prises avec ce traumatisme et que vous asseyez de vous faire à l'idée que quelqu'un est porté disparu et qu'il ne fait plus partie de votre vie, vous avez un sentiment de perte et de deuil. Ensuite, lorsqu'on découvre que la personne en question a été assassinée, il y a tout le processus de deuil. Quelqu'un que vous connaissez ne fait plus partie de votre vie. Mais pourquoi? Parce que cette personne a été assassinée.
Il y a l'éducation. Il y a la prévention. Alors, il y a tellement à faire. Nous savons que cela se fait dans nos collectivités, mais il en faut davantage.
Je vais m'arrêter ici.
Eh bien, toute la journée nous avons entendu des témoignages et des observations vraiment incroyables. Je veux simplement revenir à la façon dont Beverley a débuté son exposé, parce que je pense que tout le monde a soulevé ce point: un autre comité, une autre étude.
Je me souviens que lorsque j'ai été élue pour la première fois, le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones venait tout juste d'être publié et j'ai commencé à le lire. Il s'agissait d'un rapport incroyable et il y avait des centaines et des centaines de recommandations. L'une d'elles me revient à l'esprit. Il s'agissait d'embaucher 10 000 travailleurs et travailleuses de la santé autochtones. Cette recommandation est restée gravée dans ma mémoire parce que le chiffre de 10 000 était un beau chiffre rond, et je m'en suis tout simplement rappelé. Je suis certaine que cette recommandation n'a jamais eu de suite.
Vous avez vraiment soulevé des questions très importantes, comme: voilà, c'est reparti. Et nous ressentons tous cela d'une certaine façon. Alors, c'est une autre réunion autour de la table. C'est un autre hôtel. C'est une autre audience et voilà, la roue tourne. Je pourrais vous dire pourquoi je pense que les choses tournent en rond, mais je suis intéressée à savoir ce que vous avez à dire également.
Une des choses qui me frappent, c'est que lorsque ces questions sont soulevées, elles semblent si énormes que les gens ne savent pas par où commencer. Même les gouvernements, d'une façon quelconque, ne semblent pas savoir par où commencer. L'argent, dans la mesure où il est lié à l'égalité ou à l'inégalité, joue un rôle très important. Mais je me demande si nous ne devons pas nous tourner vers une réponse beaucoup plus locale. Vous avez un peu abordé cette question lorsque vous avez dit que peu importe ce que nous faisons, le travail au niveau de la base se poursuivra. Et c'est ce que je vois à Vancouver. Les initiatives qui sont mises en oeuvre localement sont les initiatives qui fonctionnent vraiment. Peut-être que notre rôle, au niveau fédéral, c'est de nous assurer qu'il y a des points de référence et des normes appropriés — et je sais que nous allons entendre parler de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes plus tard. Peut-être que nous devrions remettre tout ce dossier entre les mains des gens. Plus c'est local, plus c'est de petite taille et, d'une certaine façon, plus c'est gérable pour les gens qui doivent faire face à ce problème.
Je me demande si quelqu'un parmi vous pourrait nous livrer le fruit de sa réflexion sur cette question. Peut-être que c'est quelque chose à laquelle nous devrions réfléchir dans nos propres réponses structurelles de manière à ne pas répéter ce même cycle, le même genre de recommandations encore et encore, sans que rien ne se produise. Voilà un premier point.
Le deuxième point, je m'intéresse à la question des lois. Nous avons deux points de vue différents ici. Personnellement, j'ai le sentiment que de façon générale, le point de vue simpliste voulant qu'une nouvelle loi, une autre loi, parviendra à résoudre ces problèmes complexes n'est absolument pas réaliste. C'est une illusion.
Mais, Beverley, vous avez dit que les États-Unis avaient adopté une loi précise, et vous avez laissé entendre que vous pensiez que c'était bon et que cela fonctionnait — je l'ignore —, alors, peut-être pourriez-vous nous en parler un peu plus. J'ai toujours pensé que les lois, telles qu'elles sont, sont là, mais que ce qui importe, c'est ce que nous en faisons et comment nous les mettons en application ou non. Mais c'est également avant cela. C'est la prévention. C'est une question d'argent et de pouvoir, et où sont consacrées les ressources plutôt qu'une question de lois.
De toute manière, ce sont simplement deux points que je soulève, si vous voulez y répondre.
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En ce qui concerne ce dont vous parlez — les ressources locales —, je donne en ce moment un cours à l'Université de Calgary sur l'autodétermination, la gouvernance autochtone.
J'ai toujours abordé cette question en parlant du soi comme d'un individu au sein d'une collectivité. C'est là que débute la guérison, avec le soi et l'estime de soi. Tout ce qui a besoin de guérison à l'intérieur du soi a un effet d'entraînement sur votre famille, sur votre clan, sur notre nation. Alors, pour moi, c'est là qu'il faut consacrer des ressources. On en a besoin sur cette base individuelle pour faire face au cycle de la violence et y mettre fin.
L'organisme de Russell, Warriors Against Violence, est un excellent exemple des ressources qui sont nécessaires pour les hommes, parce que cela ne s'est pas fait non plus. Les femmes sont en guérison. Il y a beaucoup de femmes qui sont en guérison, mais nous avons encore besoin que nos hommes guérissent. Nous avons encore besoin que nos hommes comprennent le rôle qu'ils jouent comme guerriers, comme protecteurs, parce que c'est cela qu'ils étaient et c'est cela qu'ils sont censés être.
Alors, ce genre de ressources est nécessaire. Nous pourrions faire une étude des ressources qui sont offertes: à quoi elles sont consacrées, dans quelle mesure elles sont efficaces et si elles sont efficaces.
La raison pour laquelle j'ai proposé cette nouvelle loi ou cette législation, c'était pour qu'elle puisse être une façon de démarrer ces ressources locales. Ce pourrait être une façon de démarrer la discussion que nous continuons d'avoir et ensuite, avoir finalement quelque chose de tangible qui pourrait changer les choses.
Je n'ai pas fait une étude approfondie de cette loi — parce qu'elle est nouvelle aux États-Unis — pour ce qui est de savoir quand elle a été adoptée et si elle a changé des choses. Je ne sais pas si Janine a examiné cette question, mais elle pourrait probablement répondre à cette question. Mais je connais des femmes aux États-Unis qui vivent les mêmes problèmes. Je ne sais pas si elles estiment que la loi qui a été adoptée a été d'une certaine utilité. Ce serait une autre bonne étude à entreprendre.
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Merci, madame la présidente.
Eh bien, Janine, vous avez lu dans mon esprit. J'écoutais Bev, à qui j'ai parlé fréquemment, et elle parlait de son scepticisme par rapport à une autre étude. Mais nous voici, nous sommes au beau milieu de tout cela; nous sommes un comité qui fait rapport au Parlement, et le gouvernement est tenu de nous répondre. Donc, nous avons une certaine... Je ne sais pas s'il s'agit d'influence, mais c'est sans aucun doute une certaine importance.
Je suppose que ce que je demanderais à chacun de vous...
Permettez-moi de revenir en arrière. L'autre jour, nous avons parlé du rapport que nous allons présenter. Une de mes collègues du NPD, Irene Mathyssen, qui est absente aujourd'hui, a dit que ce sera un rapport étoffé, et on nous l'a répété à maintes reprises. Et nous en avons beaucoup entendu parler.
Donc, je vous demanderais à chacune d'entre vous de faire un peu comme Janine l'a dit et de nous faire part de vos trois principales recommandations ou priorités que vous aimeriez voir dans le rapport. Que considérez-vous comme les trois choses les plus importantes — un, deux ou trois — que le comité peut recommander? Parce que nous nous ferons entendre.
Permettez-moi de revenir en arrière pendant un instant, Bev; le processus est peut-être cynique, je crois qu'il permet de sensibiliser les législateurs au problème. Il est à espérer que cela aura une incidence.
Je ne sais pas qui veut commencer.
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Une partie du problème réside dans le fait que les écoles elles-mêmes ne sont pas un endroit sûr pour l'élève. Voilà de quoi nous parlons: fournir de la sécurité. Donc, si on ne leur donne pas accès à un lieu sécuritaire, que ce soit dans leur propre collectivité ou dans un centre urbain, offrir un cours précis pourrait être, en partie, une des nombreuses choses à faire, parce qu'on parle aussi de dynamique familiale. On parle d'élèves qui vivent dans la violence.
Je vais parler de moi. Enfant, j'ai été violée; pour moi, l'école était une façon de me cacher de ma famille. C'était une forme d'évasion de ce qui m'arrivait. Donc, l'école était un endroit sécuritaire pour moi. Par contre, à certains endroits, l'école n'est pas un milieu sécuritaire. On ne peut donc pas fournir des ressources à une école à moins de savoir qu'il s'agit d'un endroit sécuritaire.
Encore une fois, si vous parlez d'estime de soi, vous devez aussi parler de culture. Vous devez leur parler de leurs origines, de leur identité, et la langue — et je vais continuer à revenir sur ce point — en fait partie. Chez moi, là d'où je viens, nous avons une école d'immersion où nous enseignons la langue, mais ceux qui sortent de certaines de ces écoles ne sont toujours pas dans des relations saines. Par conséquent, si on ne leur fait pas connaître les enseignements de la langue par rapport aux relations saines, c'est là que se trouve le noeud du problème, à mon avis. Une partie de l'enseignement que l'on apprend lorsqu'on grandit, c'est qu'il y a certaines choses qu'on fait et d'autres qu'on ne fait pas. De l'enfance au passage à la vie adulte, c'est ce que nos aînés nous enseignaient. Il y a des cérémonies pour cela; elles servent à acquérir l'estime de soi. Si on ne vous l'enseigne pas, on ne peut pas le savoir.
Donc, c'est plus important que le petit cours donné dans une école.
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Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Beverly, je sais que vous êtes grand-mère, je sais que vous aimez beaucoup votre petit-fils, celui que je connais. Je sais que vous avez parlé du programme de langue qui existait auparavant. Je sais qu'un des programmes de langue qui existait autrefois dans certaines des collectivités avait été mis en oeuvre pour que les grand-mères enseignent la langue aux petits-enfants, aux enfants de la collectivité. Je trouvais que c'était un programme fantastique, non seulement parce qu'il permettait aux enfants de passer du temps avec les grands-mères, mais aussi parce qu'il leur permettait de connaître leur identité par l'intermédiaire de leur langue.
Dans votre exposé, vous avez parlé des sept prochaines générations. Je pense que penser aux sept prochaines générations est une des plus importantes croyances des Premières nations. Je pense que nous devrions tous penser aux sept prochaines générations. Malheureusement, on a mis fin à ce programme. Je ne sais pas pourquoi, parce que c'était un des plus importants programmes.
À mon avis, ce dont Mme Cadman a parlé est une des choses les plus importantes. Si vous voulez inculquer l'estime de soi à un enfant, c'est avec la connaissance de l'identité de l'enfant que cela commence. On doit commencer par lui faire connaître sa culture, sa langue, ses traditions et ses valeurs. Tout commence au sein de sa collectivité avec ses parents, sa grand-mère, son grand-père. Voilà où tout commence. Ici, vous n'y avez pas accès, vous ne pouvez pas avoir d'estime de soi. Je crois donc que ce serait le programme le plus important à remettre en oeuvre. Ce programme de langue serait l'un des plus importants.
Un autre qui serait important était un programme de prévention pour les jeunes filles qui étaient enceintes et qui avaient un problème d'alcool, un problème lié au syndrome d'alcoolisation foetale. Voilà un autre programme que je suis triste de voir disparaître parce qu'il est très triste de voir de jeunes enfants naître avec ce syndrome. Cela fait en sorte que plus de personnes se retrouvent en prison. Que davantage de jeunes soient en prison est aussi quelque chose de très triste.
Donc, si vous voulez nous faire des recommandations, je vous propose de nous recommander de ramener ces programmes.
Un bon nombre des témoins qui ont parlé plus tôt aujourd'hui, et d'autres, j'en suis sûre, ailleurs au pays, ont mentionné l'importance de rendre des comptes. En Colombie-Britannique, l'enquête Oppal, une enquête publique, fait tout juste commencer, et cela aura des conséquences énormes en ce qui a trait à l'obligation de rendre des comptes. Je me rends compte que le travail que nous faisons actuellement et le rapport qui est produit auront le même effet. Je me demandais donc si vous aviez des suggestions ou des commentaires sur la façon d'y consigner les questions relatives à l'obligation de rendre des comptes.
Nous parlons des cycles de la violence et des problèmes systémiques. Nous parlons aussi de l'inégalité et de l'écart qui ne cesse de grandir entre les riches et les pauvres. Enfin, nous parlons de colonisation, de pensionnats indiens — de tous ces cycles finalement. Comment, alors, commençons-nous à mettre en place des mécanismes de reddition de comptes dans les rapports qui sont produits ou dans les recommandations formulées, afin que nous brisions le cycle de la façon dont ces rapports sont produits?
Beverley, ce que vous avez dit me dérange beaucoup, parce que je pense que c'est la pure vérité. Est-ce que quelqu'un a une idée sur la façon d'en tenir compte dans notre travail et dans ce qui est produit? Je suis certaine que le rapport sera fantastique. Je n'en doute pas. Comment pouvons-nous nous assurer que l'obligation de rendre des comptes est respectée, même dans ce rapport, concernant le suivi? Si vous avez des idées à ce sujet, n'importe quelle idée, cela pourrait nous aider.
Avant que nous passions aux observations finales, car nous aurons le temps d'entendre vos dernières observations, qui consistent à nous dire en une minute ce qui vous semble vraiment important avant de nous quitter, je voulais seulement poursuivre sur la question des chiffres élevés dans l'Ouest.
Pendant que nous parcourions le pays, vous avez constaté que dans l'Ouest, un plus grand nombre d'Autochtones vivent dans les villes. Ce sont des gens vivant hors réserve. Il semble que le nombre d'Autochtones qui habitent dans les villes soit plus grand dans l'Ouest qu'ailleurs au Canada. Que ce soit lié au traité ou que ce soit lié... je n'en ai aucune idée. Par ailleurs, je veux poser une question, car je l'ai déjà posée et je veux vraiment bien comprendre; qu'arrive-t-il aux gens lorsqu'ils quittent la réserve...
Je sais que dans la réserve, si une personne est victime de violence familiale, elle n'a nulle part où aller. S'il n'y a pas d'endroit sécuritaire où elle peut aller, il lui est impossible de quitter la réserve, car elle est trop loin. Et le manque de services et la vie dans la collectivité, etc., c'est difficile. Toutefois, lorsque les gens quittent la réserve pour se rendre dans les villes, ils sont littéralement perdus — et bien des jeunes femmes nous ont dit qu'elles avaient fui la réserve, qu'elles avaient fui ce qui est à leur sens de la violence familiale. Personne — et c'est ma question — ne semble vouloir assumer la responsabilité de la situation des Autochtones vivant en milieu urbain.
À mon sens, le gouvernement fédéral est fiduciaire de tous les Autochtones, peu importe où ils vivent. Je sais que nous parlons de compétences. Je sais qu'à bien des endroits, on nous a dit que dans les villes, les services sociaux enlèvent les enfants. De plus, si les femmes n'ont pas assez d'argent pour louer un logement pour garder leurs enfants, elles sont terrifiées à l'idée de déclarer des actes de violence ou de partir, car on leur enlèvera leurs enfants. Elles restent donc dans un milieu violent. Elles se retrouvent dans l'impasse, dans une très mauvaise situation.
Cependant, je crois toujours que lorsque nous cédons à d'autres paliers de gouvernement une partie de la responsabilité de s'occuper des besoins des Autochtones, dont le gouvernement fédéral est le fiduciaire — et je sais que j'ai demandé à ce que nous obtenions les renseignements sur le fait qu'il y a bon nombre d'années, la Cour suprême a rendu une décision concernant l'obligation de fournir les ressources à un nombre X de personnes dans une réserve, de sorte que si elles quittent la réserve, elles ont les ressources nécessaires et n'ont pas à se battre à l'extérieur de la réserve pour tenter de trouver un gouvernement responsable —, c'est à mon avis un problème cyclique énorme auquel les peuples autochtones habitant en milieu urbain font face: personne ne veut assumer la responsabilité pour eux. J'aimerais vous entendre à ce sujet, si vous voulez vous hasarder à intervenir.
Une autre question que je voulais vous poser porte sur la guérison. Vous savez qu'à une certaine époque, lorsqu'initialement, à défaut de présenter des excuses on a exprimé des regrets, on a créé un fonds pour les Autochtones destiné à être géré par les Autochtones. Il s'agissait de la Fondation autochtone de guérison. Cet arrangement n'existe plus, et c'est maintenant géré par une organisation bureaucratique. Nous avons entendu dire que la violence systémique au sein des organisations bureaucratiques et des institutions constitue le coeur du problème de la discrimination systémique. Nous avons donc remis le tout dans les mains d'une organisation bureaucratique quand AINC a démontré que l'arrangement fonctionnait, qu'il redonnait aux gens le pouvoir et l'autonomie qu'il leur fallait pour s'occuper de leur guérison. J'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de la Fondation autochtone de guérison.
Et pour terminer, il y a la question de l'estime de soi. Nous avons tous participé aux réunions, et j'ai écouté avec attention. À l'époque où j'étais secrétaire d'État, j'ai rencontré beaucoup d'Autochtones qui ne s'exprimaient pas dans des tribunes publiques, mais nous avons simplement discuté ensemble et j'ai appris beaucoup de choses. De plus, je comprends ce que le système colonial et les pensionnats ont fait. Je crois que la sensibilisation du public est importante. Je ne crois pas que beaucoup de gens savent en quoi consistait le système de pensionnats. On enlevait les enfants de force et on les envoyait dans des endroits où ils n'avaient pas de famille, où ils se sentaient isolés, sales et horribles parce que leur langue, leur race et tout ce qui les concernait étaient horribles. Les cours de confiance en soi n'effacent pas la honte, car en sortant des cours, les gens retournent dans un système où ils sont déjà jugés par tout le monde parce qu'ils sont Indiens.
Cela fait partie de cette hiérarchie. Ces jeunes sont sortis des pensionnats indiens et ne savaient pas de quelle manière agir pour être de bons parents. Ils n'avaient pas de relations avec leurs parents. Ils ont donc dû avoir recours à la seule éducation qu'ils ont reçue, c'est-à-dire l'éducation des pensionnats indiens. Nous nous retrouvons dans un cercle vicieux, c'est-à-dire leur incapacité d'assumer leur rôle de parents et leur incapacité de développer une estime de soi. En tant que peuple, vous êtes fiers. Votre identité, votre langue et tout ce qui vous rend fiers d'être qui vous êtes ont été perdus et le sont toujours.
J'aimerais vraiment que quelqu'un aborde ce sujet, parce que je ne crois pas que beaucoup de personnes savent ce qu'étaient les pensionnats indiens. Les gens croient que les jeunes allaient tout bonnement à l'école, que c'était comme une école privée et qu'ils ont été expulsés. Ils se demandent: pourquoi n'allez-vous pas mieux. Ne serait-il pas temps que vous vous en remettiez?
Je n'adhère pas à cette école de pensée, parce qu'il s'agit d'un cycle. Les gens sont incapables d'agir comme des parents ou des grands-parents, parce qu'ils ne savent pas ce que cela veut dire. Leur jeunesse leur a été volée. Ensuite, il y a la honte d'être qui vous êtes. Chaque fois que vous marchez dans la rue, peu importe à quel point vous êtes fier de vous-même, quelqu'un vous pointera en disant: « C'est un Indien ».
Comment pouvez-vous vous sortir de cette violence systémique alors que les gens vous jugent à la minute où ils vous voient, parce que vous ressemblez à un Indien ou que vous en êtes un? Que pouvons-nous y faire? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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C'est drôle que vous parliez des pensionnats indiens, parce que nous en discutions justement dans mon cours aujourd'hui. J'enseigne à des étudiants de deuxième année en criminologie. J'ai demandé qui dans le cours avait déjà entendu parler des pensionnats indiens. Pratiquement tout le monde a répondu que oui. Ensuite, je leur ai demandé de me parler d'une notion dont ils étaient certains au sujet des pensionnats indiens. Dans mon petit sondage de ce groupe d'étudiants en criminologie, le taux d'inexactitudes et d'erreurs était élevé. Certains ont même nié ce qui s'est réellement passé dans les pensionnats indiens. Heureusement que nous étions dans un contexte propice à ce genre de discussions, où la vérité pouvait être racontée, où nous pouvions aborder la question.
Cela fait six ans que je participe à des méthodes d'audiences parallèles et que j'écoute beaucoup d'aînés, parfois sur leur lit de mort, parler de leur expérience des pensionnats indiens. Je leur ai dit que j'ai maintenant compris que leur principal souhait est d'avoir l'occasion de raconter leur histoire et d'entendre les excuses, et non de recevoir une quelconque compensation financière. S'ils souhaitent recevoir de l'argent, c'est surtout pour pouvoir le laisser en héritage à leur famille. Les gens ont vraiment besoin de cette guérison et de cette écoute. Ce processus, bien qu'il soit limité, offre un élément très positif, à savoir qu'il accorde une période de temps aux gens pour leur permettre de raconter leur histoire et de relater tous les éléments sans être interrompus.
J'essayais d'expliquer à mes étudiants ce qui est évoqué pendant ces séances. Cela me dérangeait au début de ces rencontres lorsque parfois, si un élément qui ne figurait pas dans le rapport écrit qu'ils avaient remis était révélé — la case n'était pas cochée et un élément a été divulgué —, les responsables renvoyaient l'information aux enquêteurs. Un certain nombre ont protesté et dit: « Non, l'histoire doit être racontée. Ce sont des vérités. » Cela démontre des blessures profondes, de la douleur et de la honte et tout ce que vous venez de décrire.
Je ne peux pas parler de la Fondation de guérison précisément, parce que je ne la connais pas, mais je tiens à dire au comité que je crois qu'il y a un profond besoin pour ce genre de mesures de guérison. Cependant, j'espère que ces initiatives seront bien mises en oeuvre. Je souhaite que ce rapport puisse mettre de l'avant ce que les peuples autochtones ont à offrir à notre nation, à savoir ce qu'ils jugent comme étant nécessaire à tous. Ma vision de la justice réparatrice est profondément ancrée dans les traditions autochtones — pas seulement la tradition, mais aussi de quelle manière elle peut être mise de l'avant pour que nous, les Canadiens, puissions trouver des méthodes de guérison, de collaboration et de réparation pour communiquer et nous épanouir.
J'espère que votre rapport y parviendra de manière positive pour que nous puissions mettre de l'avant l'héritage des Premières nations.
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Le sujet de votre première question, soit la Fondation autochtone de guérison, était en fait ma deuxième priorité, à savoir l'ajout de ressources pour la guérison des hommes et des femmes pour mettre fin à la violence. Le mandat de la fondation de guérison était, entre autres, d'aborder le cycle de la violence comme une conséquence des pensionnats indiens. À mon avis, ces ressources doivent être rétablies. Il s'agissait d'un très bon processus, parce qu'il se déroulait dans le milieu communautaire où ces ressources étaient utilisées. La fondation offrait les services de counselling et les services d'aînés. Elle offrait même des programmes de langue, d'estime de soi, et tout ce qui s'y rattache.
J'aimerais aussi parler du fait que notre société est encore très raciste. Nous vivons dans une société où les Autochtones sont encore considérés comme inférieurs. Les gens continuent de nous voir comme ils le faisaient à l'époque: ils pensent que nous sommes primitifs. Donc, en partie, ce processus n'est pas seulement axé sur ce dont les Autochtones ont besoin, mais aussi sur ce que les Blancs en général ont besoin d'apprendre en tant que descendants de signataires de traités, en tant que descendants de colons, parce qu'ils doivent aussi mettre fin au racisme.
J'enseigne depuis bon nombre d'années, et j'aborde ces sujets avec mes étudiants et c'est souvent la première fois qu'ils en entendent parler. Le système d'éducation en général doit revoir la manière dont l'histoire est enseignée. Toute l'histoire du système des pensionnats indiens doit être expliquée dans son contexte historique dans les écoles. Il faut aussi expliquer qui nous sommes en tant que peuple et faire valoir que nous existons encore.
Madame la présidente, vous avez dit que certains éléments ont été perdus. Eh bien, ils ne le sont pas. Nous sommes toujours là. Je suis encore là, en tant que Mohawk, pour vous raconter ce qui s'est passé dans ma collectivité. Nous avons encore des aînés dans notre collectivité qui parlent la langue. Nous possédons encore notre résilience grâce à notre spiritualité. En dépit de tout ce qui s'est passé, en dépit de plus de 500 années de colonisation, notre esprit est encore fort.
Je peux donc discuter avec vous dans le respect des effets sur notre peuple et sur les femmes en particulier. J'ai toujours remercié mes ancêtres et ceux qui m'ont enseigné l'honneur et le respect d'être une femme, mais aussi le respect que nous avons lorsque nous le transmettons, et les responsabilités que nous continuons d'assumer.
Nous avons assumé nos responsabilités. Maintenant, c'est à votre tour de le faire. Je reviens toujours à notre traité de la ceinture wampum à deux rangs. Nous avons fait ce que nous avions à faire dans nos canots. Nous avons respecté notre souveraineté dans nos canots. Toutefois, les colons non autochtones et leurs descendances ne l'ont pas fait. Ils ont violé ce traité, parce qu'ils n'ont jamais assumé la responsabilité d'assumer leurs responsabilités.
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Nous reprenons nos travaux.
Nous sommes le Comité permanent de la condition féminine. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la violence faite aux femmes autochtones. Le comité en a décidé unanimement. Il est composé des quatre partis politiques élus à la Chambre des communes, qui ont tous dit que nous devrions réaliser une étude.
Ce n'est pas une étude au sens où tout le monde essaye de trouver ce qui se passe, mais nous tenions vraiment à rencontrer les peuples autochtones du pays et à les écouter. En nous fondant sur le travail accompli par l'organisme Soeurs par l'esprit et en le poursuivant, nous voulions poser des questions aux Autochtones et aux gens qui les côtoient de quelque façon que ce soit. Quelles sont les causes profondes de la violence faite aux femmes autochtones? Quelle est l'étendue de cette violence? Quelles formes prend-elle?
Nous sommes allés dans des réserves, dans des régions éloignées et dans des villes. Nous avons étudié les problèmes des femmes dans ces divers milieux.
Nous espérons que vous pourrez nous parler de ces enjeux et nous donner des solutions qui, selon vous, fonctionneraient, parce que rien ne semble avoir fonctionné au cours des années où tout le monde a fait tout ce qu'il croyait devoir faire. Nous croyons donc que vous aurez peut-être des solutions qui pourraient fonctionner.
Étant donné que vous êtes un gros groupe, j'ai l'intention d'accorder cinq minutes à tout le monde. Chaque organisme, et non chaque personne, aura droit à cinq minutes. Vous devrez donc décider qui parlera. Je devrai vraiment vous demander de vous en tenir au strict minimum. Pour vous aider, je vous préviendrai lorsqu'il vous restera une minute pour vous laisser le temps de conclure. Vous aurez l'occasion de répondre au cours des discussions. Beaucoup d'entre vous étaient assis dans le public, et vous avez vu de quelle manière fonctionne le comité. Lorsque nous vous poserons des questions, vous aurez l'occasion de dire ce que vous n'avez pas eu le temps de dire dans votre exposé.
Je commencerai avec le Aboriginal Women's Action Network. Il y a Darlene Rigo et Laura Holland. Qui parlera au nom de votre organisme? Darlene.
Ensuite, j'ai le groupe B.C. CEDAW, qui a deux représentants: Shelagh Day et Sharon McIvor. Qui parlera au nom de votre organisme? Shelagh, vous aurez cinq minutes.
Représentant la Pivot Legal Society, nous avons Darcie Bennett. Il n'y a qu'une personne.
Pour la Gendarmerie royale canadienne, nous accueillons le sergent Bruce Hulan et le surintendant Russ Nash. Qui parlera au nom de votre organisme? Les deux.
Représentant l'organisme Walk4Justice, nous recevons Gladys Radek et Bernie Williams. Qui parlera au nom de votre organisme? Bernie.
Ensuite, bien entendu, nous entendrons l'Union of Bristish Columbia Indian Chiefs. Il n'y a qu'une représentante. Je n'ai donc pas besoin de vous demander qui prononcera l'exposé.
Maintenant, cela étant réglé, la parole est au Aboriginal Women's Action Network.
Darlene, vous avez cinq minutes.
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Tout d'abord, j'aimerais souligner que nous sommes sur le territoire non cédé des Salishs du littoral.
Ensuite, j'aimerais remercier le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes d'avoir invité le collectif Aboriginal Women's Action Network à venir faire un exposé ici aujourd'hui.
Je m'appelle Darlene Rigo, et je suis de descendance Ojibway. Je n'ai ni un nom traditionnel, ni une terre ancestrale précise que je peux revendiquer, et je ne peux retracer mes origines autochtones que jusqu'à ma grand-mère. Le racisme, la violence et la Loi sur les Indiens sont responsables de la séparation de ma famille de son fier héritage autochtone et de son manque d'appartenance à une collectivité au sens large.
Avant d'aller plus loin, je dois vous informer que l'Aboriginal Women's Action Network, l'AWAN, dont je suis membre, est un collectif et n'y a pas de représentants attitrés. Je parle au nom du collectif aujourd'hui, parce que je le veux bien et que je le peux.
L'AWAN est un regroupement communautaire de bénévoles qui a été fondé en 1995, parce que les femmes autochtones ne peuvent pas parler des éléments qui ont des conséquences dans nos vies. Notre groupe a commencé par tenir des discussions passionnées dans les refuges pour femmes. Nous abordons entre autres des enjeux importants comme la violence, la pauvreté, la prise en charge des enfants par l'État, le projet de loi C-31 et la prostitution. Nous ne sommes pas ici parce que nous sommes payées pour le faire, et certainement pas parce que cela hausse notre cote de popularité. Nous sommes ici parce que nous nous sommes engagées à essayer de sauver la vie des femmes autochtones en sensibilisant les gens aux réalités de leur vie, tout en essayant de sauver la nôtre.
Au moment où je vous parle, bon nombre de mes soeurs sont sans abri, ont froid, ont faim, sont droguées, se font violer, sont kidnappées, sont achetées, puis sont revendues, et elles sont peut-être même tuées, et tout cela se déroule au bout de cette rue. À l'est de l'hôtel se trouve ce que nous appelons la réserve urbaine, un quartier tristement célèbre pour la pauvreté, les dépendances, la prostitution et la violence qu'on y retrouve. Ici, à l'abri dans ce lieu spacieux et dispendieux, nous participons à une autre étude sur ce qui pourrait bien être une catégorie abstraite de gens différents: les femmes autochtones. Vous avez probablement eu vent des statistiques et des chiffres sans fondement, qui sont malheureusement dénaturés en raison de problèmes d'identification imprécise et des rapports de piètre qualité.
Je vais vous épargner des répétitions. Espérons que les gens qui ont de l'influence et qui peuvent faire une différence ne continuent pas uniquement de nous étudier jusqu'à ce que nous soyons morts, mais qu'ils s'occupent en fait de notre dure réalité et passent à l'action et apportent de vrais changements.
Il m'arrive aussi d'être subjuguée dans les recherches et les statistiques, mais je suis certaine que vous avez une idée des chiffres épouvantables. Je m'attarderai donc à mettre en contexte mes connaissances et mon expérience de vie et celle de ma mère.
Je vais briser le mur du silence: ma grand-mère était une prostituée autochtone. La majorité de ce que je sais sur sa vie provient d'histoires terrifiantes au sujet de la mort prématurée de sa mère qu'elle me racontait alors que je n'étais encore qu'une enfant. Mes renseignements sont aussi issus d'histoires qui m'ont été soufflées à l'oreille par de proches parents après le décès de ma grand-mère, et d'autres histoires que ma mère m'a racontées sur son lit de mort il y a quelques années. Ensuite, ma mère a insisté sur le fait que je devais raconter nos histoires.
Comme je l'ai appris, ma grand-mère, comme ma mère, avait honte d'être une Autochtone, honte dont on ne parlait jamais ouvertement. Je peux seulement imaginer ce qu'elles pouvaient ressentir à cette époque dans les années 1920 et 1930. Je me souviens d'avoir été taquinée en maternelle. J'ai été pourchassée par de jeunes apprentis cow-boys qui avaient des fusils jouets. Ma mère m'a confié que, durant son enfance, elle attendait avec impatience le jour où elle pourrait friser ses cheveux noirs et droits, puis teindre les racines foncées.
Les expériences de vie de ma mère et de ma grand-mère et la mienne m'ont permis d'apprendre de première main la nature intergénérationnelle de la violence faite aux femmes autochtones. Elle débute à l'enfance, avec la violence faite aux fillettes autochtones, et cette violence remonte très loin dans le temps.
Ma grand-mère est devenue enceinte de ma mère à l'âge de 12 ans. Sa fille lui a été enlevée à la naissance. Nous ne savons pas encore qui des deux frères blancs adultes est responsable, mais leur mère a emmené le bébé chez elle. Ma grand-mère disait qu'elle lui avait volé son enfant.
Par l'entremise d'une maltraitance cruelle, ma mère a appris à haïr ses origines, à se haïr, à haïr sa propre mère, qui l'avait donnée, selon ce qu'on lui avait dit. Elle ne se sentait pas aimée, et elle croyait que quelque chose clochait chez elle. Elle portait de beaux vêtements, et on la gardait séparée de ses jeunes frères et soeurs, qui ne se portaient guère mieux. Ma grand-mère avait 10 autres enfants qui vivaient dans une pauvreté extrême sans suffisamment de nourriture, de chauffage et d'eau chaude. Son mari était un alcoolique qui était rarement à la maison. Elle laissait ses enfants à la maison pour aller se prostituer et essayer de les nourrir.
Il s'agissait d'un secret honteux bien gardé, dont je n'ai eu que quelques signes pendant mon enfance, mais qui a été abordé plus tard avec discernement, même par mon père, qui battait ma mère, qui voulait la tuer et qui m'a abandonnée aux bons soins de ma mère. Ma mère a réussi à échapper à mon père, mais elle a marié un autre homme violent qui est devenu l'un de mes agresseurs.
Comme c'est le cas pour bien des femmes autochtones, les traumatismes, la violence et les dépendances sont des éléments bien présents dans la vie des membres de ma famille élargie. C'est omniprésent dans la société canadienne, et l'origine des causes peut être retracée jusqu'à la colonisation. Toutefois, selon nous, les femmes autochtones ont une dignité et doivent être respectées.
Je saute à mes suggestions, parce que je veux vous en parler. Je ne pensais pas que mon histoire prendrait autant de temps à raconter.
Nous désirons mettre fin au cercle vicieux de la retraumatisation de la violence faite aux femmes autochtones. Pour y parvenir, nous croyons qu'il faut dire non à la légalisation de la prostitution.
Nous croyons que les clients, les trafiquants et les proxénètes devraient être considérés comme des criminels, mais pas les prostituées. Cette mesure protégerait les femmes.
Pour mettre un frein à ce cycle, selon nous, il faut plus de traitements de désintoxication, parce que la violence engendre une dépendance.
Nous avons besoin de centres de rétablissement pour donner aux femmes les outils culturels pour qu'elles s'en remettent et qu'elles comprennent les origines de la violence dans leur vie, avec des activités de conscientisation pour qu'elles puissent enrayer la prostitution.
Nous voulons des soins médicaux complets fondés sur la compassion, un revenu garanti suffisant, de la formation et des logements adéquats pour abriter les femmes et leur famille.
Les femmes autochtones sont intelligentes, fortes et fières. En tant que survivantes, nous savons ce que nous voulons, et nous savons ce que nous ne voulons pas.
Si la prostitution est complètement décriminalisée, les hommes jouiront d'une plus grande liberté pour nous violer, nous battre et nous tuer. Nous ne le souhaitons pas. Nous ne voulons pas qu'une autre de nos soeurs soit volée, blessée et tuée.
Nous voulons la liberté et de vrais choix. Nous voulons être en sécurité, pas seulement plus en sécurité. Nous voulons éliminer les préjudices, pas seulement les réduire. Nous demandons le respect et la dignité que nous méritons.
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Bonjour, tout le monde.
Je m'appelle Michelle Corfield. Je suis membre de la Première nation Uchucklesaht, qui fait partie du Conseil tribal Nuu-chah-nulth.
Dans le passé, j'étais une politicienne et je représentais 14 Premières nations. Dans le cadre de mes fonctions, j'ai été témoin du meurtre de deux jeunes adolescentes, et j'ai assisté aux procès.
Cet aspect est profondément ancré dans les collectivités et les réserves où nous vivons. Nous pouvons voir cela comme de la pauvreté structurelle: une marginalisation économique est causée par le système patriarcal qui nous a été imposé.
C'est notre réalité. Selon nous, si vous voulez parler des causes profondes, c'est la faute du système patriarcal, y compris la Loi sur les Indiens, qui nous a été imposé. Notre situation découle de cet élément.
Vous avez demandé des solutions. Je commencerai par cela. Si j'ai le temps, je vous raconterai une histoire, mais les cinq minutes accordées sont vraiment insuffisantes. Au lieu de me plaindre, je vais tout simplement poursuivre mon exposé.
Nous demandons la tenue d'une enquête indépendante sur les enfants disparus et assassinés.
Il faut un plan d'action national qui mettrait l'accent en premier sur le soutien aux familles.
Nous ne devons pas seulement assurer plus de protection; de manière plus générale, nous devons aborder les causes profondes. Cela nécessite un engagement important des collectivités et une reconstruction des collectivités, et il faut mettre l'accent sur le rôle crucial des femmes dans le règlement des conflits et en tant que guérisseuses communautaires.
Les femmes sont le noyau de nos collectivités. Elles sont au centre. Elles ne peuvent pas participer. Elles sont exclues à l'échelle locale, régionale, provinciale et nationale. Il faut augmenter le nombre de femmes chefs et le nombre de femmes qui siègent aux divers conseils. Nous devons leur accorder les mêmes possibilités qu'aux autres.
Jusqu'à présent, il ne s'agit que de mesures réactives, et les ressources ne sont que dans les mains des autorités. Il faut faire mieux. Nous devons soutenir les familles et collaborer pour trouver de meilleures solutions. Il faut d'abord cibler les nouveau-nés, puis remonter. Nous devons élever des enfants en santé pour obtenir des femmes éduquées, fortes. De cette manière, les femmes pourront pourvoir aux besoins de leur famille et elles ne seront plus prisonnières du cycle de la pauvreté.
Il nous faut un soutien financier pour créer du changement dans la collectivité et le maintenir. Nous avons besoin d'éducation, de formation et de guérison. Il faut créer de nouvelles personnes. Nous devons nous occuper de nos femmes et de nos jeunes tant sur les plans mental, spirituel, physique qu'émotionnel.
Si nous mettons en place certaines de ces suggestions, nous diminuerons la violence faite aux femmes. Comme je le dis, au nom de Beatrice Jack et de Kayla John, nous devons faire mieux pour éviter que d'autres adolescentes de 12 ans ne soient violemment assassinées dans leur collectivité.
Il le faut. Nous ne pouvons plus considérer ce comportement comme acceptable. Nous devons apporter des correctifs et les mettre en oeuvre dès maintenant.
Donc, d'un point de vue politique, merci.
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Je suis honorée d'être accompagnée aujourd'hui de Sharon McIvor, que les membres du Parlement connaissent déjà, j'en suis sûre. Sharon jouit également d'une très longue expérience en la matière, puisqu'elle a siégé au comité sur la violence faite aux femmes ainsi qu'au cercle des femmes autochtones de ce comité; elle a aussi siégé au comité qui a supervisé les travaux du pavillon de ressourcement en Saskatchewan. Je suis sûre que le moment venu, vous aurez des questions pour Sharon, et pas seulement pour moi.
Le B.C. CEDAW Group est une coalition d'organisations féminines de Colombie-Britannique. Au cours des huit dernières années, nous avons présenté des rapports à des organismes créés en vertu d'un traité auxquels le Canada rend compte, au sujet du respect par notre pays de ses obligations internationales en matière de droits de la personne, particulièrement en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, d'où vient notre nom, mais aussi au Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Nous avons également participé à l'examen périodique universel en la matière.
Comme vous le savez bien, au cours du dernier examen, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a fait des recommandations au Canada, notamment au sujet de la violence faite aux femmes et de la disparition et de l'assassinat de femmes autochtones, et il a demandé au Canada de faire rapport sur ces questions en priorité. C'est ce que le Canada a fait en 2009.
Nous avons également déposé un rapport, à l'époque, dont j'ai ici des exemplaires, au cas où il vous intéresserait. Essentiellement, comme vous pourrez le conclure à la lecture du titre de notre rapport, nous avions conclu que le Canada n'avait « rien à déclarer ». Il n'avait rien fait, à l'époque. Et nous ne voyons aucune action concrète concernant cette question cruciale des droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles autochtones.
Tous les rapports, aussi bien les nôtres que ceux présentés par d'autres, ainsi que les observations de toutes les organisations de femmes autochtones sur le sujet, voient le problème sous deux angles. Le premier concerne le manquement de la police à protéger les femmes et jeunes filles autochtones et à intervenir adéquatement en cas de violence. Le deuxième porte sur les conditions économiques et sociales difficiles dans lesquelles les femmes et jeunes filles autochtones vivent, ce qui les rend vulnérables à la violence ou incapables de s'y soustraire.
Il se trouve que ces deux aspects du problème sont incroyablement importants. J'aimerais m'attarder un instant sur le deuxième, car il me semble que nous n'en avons pas discuté assez — au moins au cours de l'après-midi où j'étais présente. Je suis vraiment très contente que l'AWAN en ait parlé, ainsi que Michelle, parce que je considère que c'est essentiel.
Nous devons voir la situation économique et sociale des femmes et des jeunes filles autochtones comme faisant partie intégrante de ce problème de violence, sinon nous n'arriverons jamais à l'éliminer; nous ne pourrons jamais nous en débarrasser. Nous avons affaire à des femmes prisonnières de conditions de vulnérabilité extrêmes, ce qui les pousse vers la prostitution, où elles sont encore victimes de mauvais traitements. En vérité, ces femmes sont dans l'impossibilité d'élever leurs enfants en sécurité.
Sharon et moi avons parcouru la province au cours de la dernière année pour parler aux femmes travailleuses de première ligne dans la province. Elles nous décrivent le cercle vicieux dans lequel les femmes se retrouvent et dont il est extrêmement difficile d'échapper. Il comporte la violence des hommes, une assistance sociale inadaptée, des logements inadéquats, la perte de la garde des enfants, la toxicomanie, la maladie mentale et la descente aux enfers. Lorsque vous êtes happés par cette spirale, il est très difficile d'en sortir.
En vérité, j'irais jusqu'à dire que dans ce pays, nous ne croyons pas que nous sommes capables de mettre un terme à la violence, particulièrement celle dont sont victimes les femmes et jeunes filles autochtones. Nous ne croyons pas que les politiques en place permettent de le faire. Le 6 décembre dernier, nous avons tous porté des rubans blancs et fait des voeux pieux au sujet de la violence et de la violence contre les femmes en général et les femmes autochtones en particulier, mais il n'existe pas de politiques pour s'attaquer véritablement à ce problème.
Les femmes victimes de violence ont besoin de ressources économiques adéquates et de logements adaptés. Il ne faut pas qu'on leur retire leurs enfants sous prétexte qu'ils sont négligés, car le fond du problème tient à la pauvreté; il faut donner à ces femmes la capacité de reprendre leurs enfants avec elles. Elles ont besoin de services pour traiter leur toxicomanie et vivre en toute sécurité. Ces politiques n'existent pas.
Nous affirmons que rien ne se passe. Le gouvernement fédéral a débloqué 10 millions de dollars. Ces 10 millions ne représentent que 0,003565 p. 100 des 280,5 milliards de dollars du budget de 2010. Ce n'est pas ainsi qu'on réglera le problème, pas plus qu'avec la commission d'enquête en Colombie-Britannique, qui ne s'occupera que d'une infime partie du problème. Peut-être est-ce une bonne chose, mais on ne s'attaque pas au problème dans son ensemble, en tenant compte de son importance et de ses multiples facettes.
Il nous faut une enquête nationale, une enquête auprès des services de police pour déterminer comment ceux-ci doivent s'organiser pour affronter le problème. Il nous faut un plan d'action national et, je suis désolée de vous le dire, je me moque des différences entre les sphères de compétences fédérales, provinciales et territoriales. Ce qui m'importe, ce sont les droits fondamentaux des femmes.
Pourriez-vous, s'il vous plaît, dépasser vos problèmes de sphères de compétences et nous aider?
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Je représente la Pivot Legal Society, qui est une organisation de défense juridique à but non lucratif établie dans le quartier est du centre-ville de Vancouver.
Comme nous l'avons entendu, il s'agit là d'un problème très complexe. Dans votre introduction, vous avez déclaré qu'il semblerait qu'on n'ait pris aucune mesure pour le combattre. Je vais me contenter de faire un exposé très succinct et vous parler essentiellement de trois problèmes fondamentaux liés aux droits de la personne que le gouvernement fédéral, selon moi, n'a pas la capacité de régler. Il s'agit des trois enjeux suivants: l'accès à la justice, l'accès au logement et le respect de l'intégrité des familles autochtones à l'égard du bien-être des enfants.
En travaillant dans le quartier est du centre de Vancouver, la Pivot Legal Society, grâce à ses interventions dans la communauté et à ses programmes d'affidavit, a dégagé six grands domaines d'intérêt qui fixent les paramètres de nos travaux. Il s'agit du maintien de l'ordre, du logement, de l'industrie du sexe, de l'accès à la justice pour les femmes, de la protection de l'enfance, des politiques en matière de drogue, et toutes ces questions ont une incidence majeure sur la vulnérabilité des femmes autochtones et les violences que ces femmes subissent.
Dans mon exposé d'aujourd'hui, je vais m'attarder tout particulièrement sur les trois sujets que je maîtrise le mieux, à savoir: l'accès au système de justice, le logement et la protection des enfants. J'aimerais faire quelques recommandations concrètes de changements qui, ne nous méprenons pas, ne permettront pas de régler la totalité des problèmes. La situation est très complexe, mais je crois que cela aurait un effet bénéfique immédiat sur la sécurité et le bien-être des femmes autochtones avec lesquelles nous travaillons.
L'une de mes fonctions, à la Pivot Legal Society, consiste à coordonner le Jane Doe Legal Network. Il s'agit d'un programme qui offre une aide juridique et du soutien aux femmes victimes de violence. Étant donné que nous travaillons dans le quartier est du centre-ville, nos services sont d'abord taillés sur mesure pour répondre aux besoins des femmes qui vivent dans la pauvreté, dont beaucoup sont autochtones.
L'approche que nous avons adoptée à l'égard de la violence et des femmes que nous rencontrons vise à reconnaître que les mauvais traitements prennent de nombreuses formes différentes, qu'ils ne se limitent pas aux relations intimes, mais se produisent également dans les familles élargies, entre personnes qui ne se connaissent pas; cette violence peut aussi être exercée par des gens en position d'autorité, comme les propriétaires de logements, les policiers ou les employeurs.
Nous comprenons également très bien et reconnaissons que les expériences de violence s'accumulent tout au long de la vie, qu'elles peuvent toucher une communauté entière et qu'elles ont des incidences intergénérationnelles. Dans ce contexte, il est absolument impératif que lorsque des femmes autochtones s'adressent à un avocat ou demandent une aide juridique, elles aient accès de manière efficace et appropriée au système de justice.
En Colombie-Britannique, nous avons constaté que nous étions bien loin de cela. Ces huit dernières années, nous avons remarqué une érosion constante de l'accès à la justice dans cette province. Ce sont les femmes vivant dans la pauvreté qui ont le plus durement ressenti les coupures, et ces femmes sont très majoritairement autochtones. Le gouvernement fédéral doit tenir la Colombie-Britannique responsable du manque d'accès au système de justice des femmes autochtones, des femmes pauvres. Il doit réinvestir dans l'aide juridique dans des domaines comme le droit des pauvres, le droit de la famille et la représentation des victimes. Des programmes comme celui de la clinique de droit familial, ici à Vancouver, que nous avons perdu l'année dernière, étaient conçus et adaptés pour donner du soutien aux femmes aux prises avec des problèmes complexes en matière de droit de la famille, de protection de l'enfance, de pauvreté, d'incapacité et de violence. Ces programmes doivent être rétablis et bonifiés.
L'un des principaux problèmes auxquels nous nous attaquons chez Pivot, c'est celui du logement. Même si la violence faite aux femmes touche toutes les couches économiques et culturelles de la société, pour les femmes vivant dans la pauvreté, le manque d'accès à des logements sûrs et abordables constitue un obstacle majeur pour prévenir la violence ou y échapper et permettre aux femmes et à leurs enfants de vivre en toute sécurité.
Parce qu'elles n'ont pas accès à des logements sûrs, les femmes autochtones vivant dans les refuges de Vancouver et dans la rue sont exposées à un risque extrême de violence. Et les mères vivant dans la pauvreté voient leur sécurité encore plus compromise par la difficulté à trouver un logement adéquat. Nous savons que les taux de pauvreté des enfants autochtones sont près de deux fois supérieurs à ceux des enfants non autochtones, et on ne tient même pas compte des 20 000 enfants autochtones vivant dans les réserves, car ceux-ci n'entrent pas dans les statistiques.
À l'extérieur des réserves, les besoins impérieux en matière de logement chez les familles autochtones sont 76 p. 100 supérieurs à ceux des ménages non autochtones. Le gouvernement fédéral a cessé de fournir des logements et d'investir dans les logements sociaux il y a à peu près 20 ans maintenant. Le gouvernement fédéral doit s'engager à élaborer un programme national de logement entièrement subventionné et à travailler avec les communautés autochtones, ainsi qu'avec tous les ordres de gouvernement, pour répondre à cette nécessité impérieuse. Les gens ont besoin de logements sûrs pour pouvoir commencer à régler toute une série de problèmes dans leur vie, particulièrement au sein de leur famille.
Enfin, il y a la protection des enfants. Je ne crois pas, d'après mon expérience, que l'on peut comprendre la violence que subissent les femmes autochtones si on ne prend pas en compte les problèmes liés à la protection des enfants, aussi bien pour les parents que pour les enfants eux-mêmes.
En 2008, j'ai participé à la rédaction d'un rapport que nous avons publié et qui s'intitulait Broken Promises. Plus de la moitié des mères qui ont pris part à l'étude étaient Autochtones, et 65 p. 100 d'entre elles avaient déjà bénéficié de soutien, d'une manière ou d'une autre. L'interaction entre la violence qu'elles ont subie dans leur vie et le système de protection des enfants était un thème central. Les femmes qui ont survécu à la violence sont très peu soutenues et parfois victimisées à nouveau par le système de protection de l'enfance. Il existe également un lien très étroit entre les expériences de violence des femmes et d'autres raisons pour lesquelles la garde des enfants est retirée aux mères, comme la toxicomanie et la maladie mentale.
On ne peut retirer du giron familial des enfants qui ne sont pas maltraités par leur mère à cause de problèmes de violence masculine dans la famille. En outre, les personnes qui travaillent dans le système de protection des enfants auprès des familles autochtones doivent comprendre la dynamique de la violence contre les femmes et avoir une compréhension historique de la violence coloniale. Ceci est essentiel pour avoir un système de protection de l'enfance qui ne revictimise pas les femmes et les enfants mais qui, au contraire, donne à ces femmes le moyen d'assurer leur propre sécurité et celle de leurs enfants.
Au coeur de notre travail se trouve la croyance selon laquelle les personnes qui ont été marginalisées sont expertes de leur propre vie et que les femmes autochtones savent ce dont elles ont besoin pour assurer leur sécurité et celle de leur famille. Il reste que le gouvernement fédéral et tous les autres ordres de gouvernement ont le devoir de donner à ces femmes les ressources nécessaires pour trouver et mettre en oeuvre les solutions qui s'imposent.
Merci.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. J'aimerais vous remercier d'avoir invité la Gendarmerie royale du Canada à répondre aujourd'hui à vos questions.
Je m'appelle Bruce Hulan et je suis le sergent d'état-major à la tête du projet E-PANA, l'enquête sur les femmes assassinées et disparues le long de l'autoroute 16 dans le nord de la Colombie-Britannique, souvent appelée « l'autoroute des pleurs » dans les médias.
Je suis accompagné du surintendant Russ Nash, officier responsable de la Section des crimes graves de la Division E.
Comme je l'ai dit, le Projet E-PANA est l'enquête sur les femmes assassinées et les femmes disparues présumées mortes à la suite d'un acte criminel dans le nord de la Colombie-Britannique. Le projet, mis sur pied à l'automne 2005, constitue une initiative à long terme qui a pour but d'examiner et d'analyser des dossiers répondant à certains critères, et d'enquêter sur eux.
Le projet a un double mandat: le premier est de déterminer, par l'analyse de chacun des dossiers, s'il y a suffisamment de pièces à conviction pour étayer la théorie selon laquelle un tueur en série est l'auteur de plusieurs des homicides commis le long de l'autoroute 16. Le deuxième est d'élaborer et de mettre en oeuvre des stratégies d'enquête qui feront avancer chacun des dossiers.
Pour atteindre les objectifs du mandat, on a adopté une démarche en trois phases: la recherche d'affaires présentant des faits similaires; la collecte et l'analyse des dossiers particuliers; l'enquête complémentaire. Les deux premières phases sont terminées et la troisième, celle portant sur l'enquête des dossiers, est en cours depuis février 2009.
Afin de s'acquitter du mandat du projet et de déterminer si un tueur en série est l'auteur d'un certain nombre de ces crimes, on a établi des critères de recherche pour retracer les dossiers que l'équipe de projet pourrait examiner. Voici ces critères: la victime était une femme; la victime se livrait à une activité qui la mettait en danger, comme l'autostop, la consommation de drogue ou la prostitution, ce qui la plaçait à la merci d'un inconnu ou d'un suspect potentiel; la victime a été vue pour la dernière fois ou trouvée morte le long d'une des grandes routes du nord de la Colombie-Britannique — autoroute 16, autoroute 97 ou autoroute 5.
On a eu recours à plusieurs bases de données de la GRC pour déterminer quels dossiers seraient examinés, dans le Système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes (SALVAC), le Centre d'information de la police canadienne (CIPC) et le Système de récupération des renseignements judiciaires (SRRJ), pour n'en citer que quelques-uns.
Les recherches dans les bases de données ont permis d'identifier 13 affaires d'homicides et cinq affaires concernant des personnes disparues, susceptibles d'être examinées dans le cadre du projet. Les 18 enquêtes en question couvrent une période allant de 1969 à 2006 et une zone géographique s'étendant de Prince Rupert, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, à Kamloops et Merritt, au sud, et à Hinton, en Alberta, à l'est. La victime était une femme autochtone dans sept des homicides et une femme de race blanche dans les six autres. Pour ce qui est des affaires de personnes disparues, trois des femmes sont autochtones et deux sont de race blanche.
Dès le début de la mise sur pied du projet, il est apparu évident que certains des parents de victimes se sentaient tenus à l'écart des enquêtes. La police s'est alors engagée envers les membres des familles à les rencontrer régulièrement afin de les tenir au courant de l'évolution de ces enquêtes. Le surintendant Nash et moi continuons d'inviter les familles, collectivement, à des réunions régulières lors desquelles nous leur fournissons des informations récentes sur le projet et faisons de notre mieux pour répondre à toutes leurs questions. Nous avons tenu sept réunions avec les familles depuis mars 2006 et au cours d'une d'elles, nous avons invité les familles au quartier général du projet à Vancouver pour qu'elles visitent l'immeuble et rencontrent les membres de l'équipe.
L'équipe affectée au projet d'E-PANA comprend des membres réguliers de la GRC, des enquêteurs, des spécialistes judiciaires, des employés de la fonction publique et des employés civils temporaires. Le niveau de dotation du projet se maintient à environ 75 personnes, mais peut varier en fonction des exigences du moment et des mutations internes. La majorité du personnel travaille dans la région métropolitaine de Vancouver, mais nous avons aussi des ressources affectées au projet à Prince George.
Nous disposons de ressources suffisantes pour satisfaire aux exigences de chacune des affaires. Nous sommes également certains de pouvoir faire appel à des ressources supplémentaires si le besoin des enquêtes venait à l'exiger.
Un important volet du Projet E-PANA est l'échange d'informations avec le personnel des détachements de la province ainsi que l'échange de renseignements avec des projets ayant un mandat comparable, comme le projet Evenhanded en Colombie-Britannique et le projet KARE en Alberta. Nous avons même collaboré avec les autorités policières de l'État de Washington, compte tenu de leur proximité géographique.
De nombreux détachements de la province dans les environs desquels ces crimes ont eu lieu sont des détachements à affectations d'une durée limitée et voient donc un roulement constant de personnel. Bon nombre des policiers ayant une connaissance directe des affaires travaillent maintenant ailleurs.
Pour élargir et rehausser le niveau des connaissances du personnel actuel des détachements, l'équipe du projet a créé un site Web interne qui documente l'historique de chaque affaire et explique comment communiquer toute nouvelle information à l'équipe du projet. Les membres de l'équipe tiennent aussi des séances d'information dans les détachements et lors des réunions des chefs de district.
Je vous ai donné un bref aperçu de certaines des initiatives menées actuellement dans le cadre des enquêtes et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Je voudrais vous dire d'emblée que Skundaal est mon nom autochtone. On m'a ensuite donné celui de Bernie Williams. Je suis une survivante des pensionnats indiens. Mon matricule est 6690064101. J'appartiens à la Nation haïda. Je fais également partie de la bande de Nuchatlaht et de celle de la Première nation Stellat'en.
Je voudrais saluer les députés ici présents et deux de mes collègues dans la salle.
En parcourant sa déclaration, je me suis rendu compte que le sergent d'état-major a parlé de 18 affaires. C'est plutôt 45 selon moi, mais nous ne sommes pas ici pour contester ce chiffre.
Je suis l'une des fondatrices de Walk4Justice. Nous sommes également des intervenantes de première ligne, comme l'ont été les sages dont je voudrais souligner la présence ici aujourd'hui. Je voudrais vous ramener à 1986 pour vous résumer ce que Harriet Nahanee, Phillipa Ryan, Reta Blind, Carol Martin et moi avons accompli. De nombreuses femmes ont joué un rôle clé dans ce qui a été fait dans le quartier Downtown Eastside et à l'échelle du pays.
Je suis l'une des fondatrices de Walk4Justice. La première marche a eu lieu en 2006. Nous avons parcouru de Prince Rupert à Prince George pour assister au symposium sur les femmes disparues et assassinées, lequel a débouché sur 33 recommandations dont seulement deux ont été mises en oeuvre. Nous sommes donc ici aujourd'hui pour défendre la cause des personnes intervenant dans les ruelles et les rues.
On a commencé à collecter des données en 1986. Nous en sommes rendus à un peu plus de 4 000 femmes à l'échelle pancanadienne. Dans le quartier Downtown Eastside, le chiffre s'établissait à 69, et nous estimons qu'il a triplé depuis. Après l'arrestation de Pickton, d'autres femmes ont été portées disparues ou assassinées.
On a remarqué notamment que de nombreux établissements ont ouvert leurs portes à Downtown Eastside. Beaucoup ont prospéré au détriment des nôtres, des femmes autochtones plus particulièrement. À Downtown Eastside, on y accueille les Indiens, les toxicomanes ainsi que les survivants de pensionnats. Ces établissements ont prospéré au détriment de ces gens.
Nous avons exigé la tenue d'une enquête publique, il y a près de 20 ans, mais nous avons demandé qu'elle soit nationale. Nous avons commencé à inciter les familles à signaler la disparition de leurs proches, ce qu'elles ne pouvaient pas faire auparavant.
Nous avons collaboré avec l'Union of B.C. Indian Chiefs, le Sommet des Premières nations et les représentants régionaux de l'APN. Des résolutions nationales sur la tenue d'une enquête publique ont été signées en 2007 et en 2008 à Ottawa grâce au concours des Premières nations assujetties aux traités 1 à 11, au Congrès des Peuples Autochtones, à l'Association des femmes autochtones du Canada et à l'Union of B.C. Indian Chiefs. C'est grâce à cette dernière organisation et aux intervenantes que nous sommes ici parmi vous aujourd'hui.
De concert avec l'Aboriginal Women's Action Network et tous les autres groupes de femmes, j'ai demandé pourquoi il a fallu attendre la disparition de 69 femmes. Il ne s'agissait pas d'incidents isolés ni de faits nouveaux. Des femmes ont été assassinées dans le quartier. Le service de police a organisé des forums communautaires, ce qui n'est pas la solution selon moi. Pourquoi avoir attendu toutes ces années? Le sang a déjà coulé.
Avant que la police n'intervienne, pourquoi a-t-il fallu qu'une jeune autochtone prénommée Ashley soit précipitée d'une fenêtre? Après tout, nombreux sont ceux et celles à avoir subi le même sort.
Pourquoi les prostituées sont-elles incarcérées alors que leurs clients ne le sont pas?
Pourquoi ces organisations permettent-elles...? Vous savez, il a fallu que des femmes soient violées dans des refuges, etc.
Pour les Autochtones, rien n'a changé au cours des 650 dernières années et quelques.
Vous demandez ce qu'il faut changer dans le système? Ce que les intervenantes réclament notamment, c'est d'avoir nos centres nationaux de santé, de guérison et de mieux-être. Nous savons comment nous occuper des nôtres et quels sont les problèmes. Nous voulons pouvoir recourir à nos aînés et à nos guides spirituels. Nous avons le pouvoir de nous faire entendre. Nous sommes une nation très forte.
Hedy, je vous ai vue à l'oeuvre pendant toutes ces années. Vos propos ont gagné mon admiration. Vous avez dit notamment quelque chose de très profond et de très simple: « Nous voulons travailler main dans la main. »
Vous savez, je suis l'objet de railleries. Je suis une femme, je suis lesbienne et je suis autochtone. J'ai donc trois prises contre moi. Pendant longtemps, j'ai prétendu être originaire des Philippines parce que j'avais trop honte. On respectait beaucoup plus les immigrants.
Ma mère a été assassinée dans le Downtown Eastside. Notre vécu est dans ce quartier, et nous en parlons. Combien d'autres tribunes et combien d'autres tables rondes faudra-t-il?
Deux de mes soeurs ont été assassinées dans ce quartier. Il y a trois ans, mon jeune frère a été tué en été. Rien n'a été fait.
Et la liste s'allonge sans cesse. À la fin des années 1960 ou au début des années 1970, un membre de ma famille est disparu le long de la route des pleurs. Elle s'appelait Irene White.
Cependant, il a fallu une femme blanche de la classe moyenne pour que les choses changent sur la route des pleurs. Nous avons rencontré sa famille lors de notre marche entre Edmonton et Red Deer.
Pourquoi a-t-il fallu la disparition de toutes ces 69 autres femmes?
Et pourquoi Wally Oppal est-il à la tête de la commission et de l'enquête publique?
Nous avons beaucoup de questions, car j'estime certes qu'on n'a pas été équitable. Je sais ce qui doit être fait. J'en ai assez de ces hommes qui exploitent nos femmes. Je suis d'accord avec l'AWAN, qui a accompli un travail colossal: ces femmes sont des victimes quotidiennement.
Nous avons réclamé d'avoir nos propres locaux, à l'instar du conseil des sages du Downtown Eastside Women's Centre qui le demande en vain depuis de nombreuses années.
C'est nous qui sommes les experts. C'est nous qui intervenons dans ce quartier, et nous le faisons bénévolement. Je tiens à ce que tous le sachent clairement parce qu'on croit que nous croulons sous l'argent, que nous avons beaucoup de ressources. C'est l'Union of B.C. Indian Chiefs qui reçoit l'argent et les dons pour le compte de Walk4Justice.
Je veux vous demander quelque chose. Je voudrais vous mettre au défi de nous accompagner pour une promenade dans le quartier Downtown Eastside avant votre départ. Vous aurez une excellente idée de ce qui s'y passe parce que ce sera la soirée du bien-être social. Vous pourrez constater par vous-mêmes ce que nous, les femmes de ce quartier, vivons. Nous ignorons combien de femmes de ce quartier mourront au cours des quatre prochains jours. Nous l'ignorons.
Je suis une survivante des pensionnats indiens, mais je ne veux pas de cet argent parce que c'est l'argent du sang. Il aurait plutôt dû être versé dans un compte fiduciaire pour qu'on puisse construire des centres de santé, de guérison et de mieux-être ainsi que des refuges sûrs pour nos enfants.
Un des plus importants réseaux de traite des personnes sévit dans ce quartier.
Il y a de nombreux hommes comme Willie Pickton. Pourquoi peuvent-ils circuler librement?
J'ai déjà travaillé pour une des églises du quartier — et je ne m'éterniserai pas sur la question, Hedy —, qui offrait un refuge. Cinq femmes avaient été violées dans un centre censé offrir la sécurité aux personnes qu'on y accueillait. Il est financé par la ville et le gouvernement provincial. Pourtant, lorsque ces femmes...
Demain matin, je rencontre la Pivot Legal Society. Ça suffit: ce sont des crimes contre l'humanité. Lorsque nous intervenons dans le quartier, nous sommes attaqués quotidiennement par des trafiquants de drogue, des immigrants, et les policiers les laissent vendre de la drogue et tuer les nôtres, et ce en face du Carnegie Centre.
Par où faut-il commencer? Par le service de police de Vancouver et la GRC, à qui il faut demander des comptes. Il est sans cesse question de transparence et de reddition des camps. Commencez par les têtes dirigeantes. Il faut leur poser des questions. Nous sommes nombreuses à vous le demander ici aujourd'hui.
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Il me semble que les exemples abondent de la façon dont le système punit les femmes pour être des victimes de la violence. Darcie et d'autres témoins en ont cité quelques-uns. Je vais renchérir sur les propos de Darcie.
En Colombie-Britannique, si votre conjoint ou votre client est violent envers vous... Disons qu'il s'agit de votre conjoint, que vous quittez le foyer et que vous demandez de l'aide sociale parce que vous n'avez pas d'autres sources de revenus... Nous savons que, au Canada, l'aide sociale ne permet pas à une femme d'avoir les ressources nécessaires pour assurer la sécurité de ses enfants et se procurer un logement convenable.
Et, comme l'a souligné Darcie, si les enfants ont été témoins de violence masculine ou si les responsables de l'aide sociale déterminent que le logement ou la nourriture ne conviennent pas, ces enfants seront retirés du foyer pour le motif qu'ils sont privés de soins. Voici ce qui est survenu en Colombie-Britannique: un représentant de l'aide à l'enfance et à la jeunesse a signalé le cas d'un jeune couple d'Autochtones qui avait un bébé de trois mois. Ce jeune couple était tout à fait en mesure de s'occuper de leur enfant. Il voulait s'en occuper. Les autorités ont toutefois décidé que le logement n'était pas adéquat. Au lieu de les aider sur le plan du logement comme elles étaient autorisées à le faire, elles ont décidé de leur enlever la garde de leur enfant pour le placer en famille d'accueil. L'enfant a subi une blessure qui a entraîné des séquelles permanentes. Un an plus tard, il a été remis à ses parents. Il avait perdu l'usage d'un oeil, il souffrait de paralysie cérébrale et avait besoin de mesures de soutien pour les personnes handicapées pour le reste de ses jours.
Vous avez là un système dysfonctionnel. Si j'ai bien compris, il y a aujourd'hui davantage d'enfants autochtones en famille d'accueil qu'il n'y en a eu jadis dans les pensionnats indiens. Les problèmes que nous avions cernés se répètent donc, parce que nous ne croyons pas les femmes, que nous ne les appuyions pas et que, quel que soit le système en vigueur, nous ne sommes pas en mesure de leur venir en aide adéquatement, surtout lorsqu'elles sont victimes de violence.
Par conséquent, ce n'est pas uniquement que le système ne répond pas à leurs besoins, c'est aussi qu'il les punit.
J'ajouterai une précision au sujet des services de police. Le problème est le même avec eux: lorsqu'une femme a recours aux policiers en cas de violence masculine, ils ne prennent pas les bonnes mesures face à la situation. C'est le problème auquel se heurtent constamment les femmes.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie beaucoup de votre présence ici cet après-midi. Nous l'apprécions beaucoup. Je sais qu'il se fait tard et que vous avez été ici pendant une grande partie de l'après-midi.
Sergent Hulan, j'aimerais savoir une chose. Dans le document que vous nous avez présenté, vous parlez d'un projet qui a débuté à l'automne 2005. Vous documentez 18 cas qui sont encore à l'étude et pour lesquels vous n'avez pas encore trouvé de coupables, je présume, puisque vous n'en faites pas état. Je présume aussi que vous n'avez pas trouvé de coupables pour les meurtres des 17 personnes, et que vous n'avez pas retrouvé non plus les sept personnes disparues.
Pendant la même période de temps, de 2005 à 2010, avec très peu de ressources, l'initiative Soeurs d'esprit a fait un travail de recherche de fond exceptionnel. Ses représentants nous ont présenté un rapport à la fin de l'année dernière sur l'ensemble des personnes disparues ou tuées.
Comment expliquez-vous que vous n'ayez pas plus de résultats, compte tenu de toutes les ressources dont dispose la Gendarmerie royale du Canada? Comment se fait-il que vous ne soyez pas rendus plus loin que cela? Chez vous, 75 personnes travaillent sur ce dossier depuis 2005. Comment expliquez-vous cela? S'il vous plaît, donnez-moi une réponse. Je suis confondue, je ne comprends pas.
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J'ignore si vous avez entendu quand on a parlé des écoles pour clients de la prostitution. Il s'agit des hommes qui achètent et vendent nos femmes et nos enfants.
Mais après avoir survécu aux abus des services de police, je crois qu'il y a fort à faire pour imposer ce que j'ai entendu appeler la « transparence ». Mais je les écoute et ils doivent surveiller leurs moindres paroles. Quand nous avons débattu d'une question la semaine dernière avec le service de police de Vancouver, nous avons vu comment ils aiment embellir les choses. Ils doivent absolument faire preuve de transparence, car s'ils font beaucoup de bien, ils font aussi énormément de mal. Or, c'est ce qu'ils font de mal que l'on voit surtout dans la rue.
La semaine dernière, un homme des Premières nations assis derrière moi parlait au sergent adjoint parce que l'agent Jim Chu était absent, et il lui a demandé pourquoi ils ne faisaient rien au sujet des mauvais policiers qui s'en prenaient encore aux femmes autochtones. Ces policiers sont ceux qui commettent le plus abus envers les femmes autochtones. Je crois qu'il forment tous une clique, qu'ils soient de la GRC, de la sphère politique ou d'ailleurs.
Nos femmes nous disent que ces policiers s'en prennent à elles. Si elles sont visées par un mandat d'arrêt, ils exigent qu'elles leur donnent... n'importe quoi. Et aucun d'eux n'a eu à répondre de ses actes. Ce sont des brutes en liberté.
Nous avons vu ce qu'ils font aux sans-abri sur la rue. Ils passent à côté des revendeurs de drogue et prennent à partie les femmes qui luttent pour subsister, qui sortent simplement pour acheter du lait ou des couches. Forts de leur pouvoir, ces hommes embêtent les femmes en leur disant qu'ils peuvent les dénoncer au ministère si elles ne font pas ce qu'ils leur demandent. C'est ainsi depuis des années, et rien n'a changé.
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Je commencerai par traiter brièvement de la question des services destinés aux hommes. J'ai demandé l'autre jour à un groupe de travailleurs sociaux pourquoi l'accent est toujours mis sur les femmes. Ils m'ont répondu que c'est parce que rien n'était prévu pour les hommes. Peut-être savent-ils que la femme retournera auprès de son conjoint ou que ce dernier refera sa vie avec une autre.
Nous avons également constaté que bien souvent, on conseille aux hommes violents de suivre une thérapie de maîtrise de la colère. Or, il faut comprendre que le problème n'est pas tant une affaire de colère que de pouvoir et de contrôle.
Notre projet portant sur le statut de la femme a reçu du financement pendant trois ans, soit 60 000 $ la première année et 80 000 $ les années subséquentes. Les fonds sont presque entièrement dépensés. Nous espérons malgré tout pouvoir continuer d'offrir ce service. Quand nous avons lancé le projet, nous voulions combler certaines lacunes afin d'aider les femmes à accéder aux services juridiques. Or, la situation a empiré au cours de ces trois années.
Nous avons notamment tenté d'établir des cliniques juridiques accessibles aux femmes, y compris celles qui ont des problèmes sur les plans du droit de la famille, du bien-être de l'enfant ou de l'immigration. Mais la pauvreté cause bien des soucis. Ces femmes sont aux prises avec des questions de droit criminel, et nous les dirigeons vers des avocats qui comprennent ces aspects et cette dynamique.
Notre travail consiste en grande partie à former celles qui travaillent auprès de ces femmes, que ce soit dans des établissements ou des maisons de transition, car avec la disparition de l'aide juridique, nous constatons qu'elles accomplissent de plus en plus le travail que les avocats faisaient auparavant.
Ainsi, nous avons vraiment tenté, avec ce projet, de combler les lacunes au chapitre des services. Mais ce que ces femmes ont réellement besoin, c'est d'être défendues par un avocat qui comprend la dynamique de la violence faite aux femmes et qui peut les épauler tout au long du processus.
Nous avons tout de même eu une certaine incidence, aidant certaine femmes à visiter leurs enfants et à obtenir une ordonnance de non-communication. Mais toutes importantes que soient ces victoires, elles ne remplacent pas un service d'aide juridique financé et la formation d'avocats déjà débordés afin d'aider les femmes à préparer des affidavits et d'autres documents juridiques.
Je le répète, ce service est important, et sa disparition serait une véritable tragédie. Mais ce n'est qu'un baume.
Je tiens tout d'abord à remercier les témoins de comparaître aujourd'hui. C'est une journée vraiment chargée, et je suis heureuse que nous ayons entendu tout le monde. Si seulement nous pouvions en entendre davantage.
Kelly vient de me communiquer une bribe d'information, que je vais vous transmettre, mais j'essaie de cerner des thèmes communs dans les interventions d'aujourd'hui. Certains problèmes ressortent des questions qui nous sont malheureusement bien connues parce que nous en avons régulièrement entendu parler: la pauvreté, le racisme, la discrimination, l'inégalité, la brutalité, la violence, tous des problèmes systémiques qui perdurent. Mais un fait qui m'a frappée et qui ne change pas, c'est l'absence d'un lien de confiance. Il me semble qu'entre les institutions au pouvoir et ceux qui s'efforcent d'améliorer la situation, il n'existe aucun rapport, aucune collaboration afin de changer les choses. C'est un véritable problème, qui nous ramène, selon moi, à la question de la transparence.
Même si nous déposons un rapport aussi étoffé que ceux qui ont déjà été publiés — et j'ai déjà fait partie de comités parlementaires qui ont préparé d'excellents rapports contenant des recommandations éclairées —, je crois que le défi consiste maintenant à mettre en oeuvre les recommandations et à réaliser des progrès. Nous devons déterminer comment nous y prendre pour accomplir ces progrès.
J'aimerais donc vous demander votre avis sur la question et savoir si vous avez des suggestions que nous pourrions ajouter au rapport. Il faudrait préparer des rapports d'étape, fixer des repères, et établir des objectifs et un mode d'évaluation. Il faut s'assurer que les intervenants rendent des comptes, qu'il s'agisse de la police, des législateurs, des travailleurs sociaux ou de je ne sais qui d'autre.
Kelly, avec qui je discutais à l'instant, m'a parlé d'une activité qui s'est tenue l'été dernier à Crab Park, un petit espace vert bien connu de la population de Vancouver qui a mis bien du temps à devenir un parc public riverain. En août dernier, on y a organisé une cérémonie très importante qui a réuni un certain nombre d'intervenants, dont la GRC, des représentants de la Ville et la police de Vancouver. Les participants se sont entendus sur un détail: offrir un soutien financier aux familles pour les aider à couvrir les frais du monument, de la cérémonie funéraire et du rapatriement. Mais rien ne s'est fait.
Kelly m'a indiqué qu'on a rencontré la police à quelques reprises afin d'obtenir de l'argent pour que les familles puissent au moins enterrer les membres de leur famille disparus ou assassinés ou acheter un monument funéraire, le tout dans la dignité, l'honneur et le respect. Mais même cette promesse ne s'est pas concrétisée. Selon moi, il faudrait qu'il y ait un minimum de confiance et que l'on tienne ses promesses.
J'aimerais donc savoir ce que vous nous recommanderiez de faire au chapitre de la transparence pour que notre rapport ne reste pas lettre morte. Il ne faut pas qu'il soit inutile et finisse sur les tablettes. Ce serait la fin de... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... ensemble de recommandations. C'est ce que nous voulons éviter.
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Permettez-moi de traiter d'abord du cadre de reddition de comptes, un mécanisme que je considère extrêmement important, et pas simplement en ce qui a trait au présent rapport.
De par sa substance même, ce rapport concerne les droits fondamentaux des femmes et des filles autochtones. Nous pensons que les démarches entreprises auprès des organes de défense des droits créés en vertu d'instruments internationaux s'inscrivent dans les mesures qui obligent le Canada à respecter les droits des femmes et des filles autochtones, mais quand nous revenons au pays, nous réalisons qu'il n'y existe aucun mécanisme pour mettre en oeuvre les recommandations reçues.
C'est pourtant parfaitement clair. On a répété autant comme autant aux autorités canadiennes que ces droits font partie du cadre juridique des droits internationaux de la personne auquel le Canada adhère et que les observations des organes concernés au sujet du respect de ces droits sont importantes. Alors où sont les mécanismes internes qui nous permettraient de veiller à ce que ces recommandations soient prises au sérieux et mises en oeuvre?
Le mécanisme de reddition de comptes que nous et les organes responsables réclamons doit couvrir toutes les sphères de compétences, car les droits de la personne et leur mise en oeuvre relèvent des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
Voilà pour le premier point.
Pour ce qui est de la nature de l'enquête nationale, eh bien, il me semble qu'en vertu des lois canadiennes, une telle enquête peut prendre l'allure que veut bien lui donner le gouvernement. Ce dernier peut établir un mandat suffisamment large pour englober le problème dans son ensemble. Je crois que le processus actuel s'inscrit dans cette démarche, car si nous poursuivons nos efforts, c'est pour en arriver à convaincre les autorités d'avoir la volonté politique d'accepter leurs responsabilités.
Si nous nous fions au droit international conventionnel, c'est en partie parce qu'il indique clairement les obligations du gouvernement, contrairement à ce qui se fait au Canada. Aucun ordre de gouvernement n'a encore indiqué qu'il comprenait qu'il avait des responsabilités et des obligations fondamentales envers les femmes et les filles autochtones. Ce que nous attendons d'une enquête nationale, c'est que le gouvernement nous dise qu'il comprend la nature de ses obligations, les mesures qu'il doit prendre et le rôle que les Autochtones doivent jouer.
Quant au plan d'action national, il doit comprendre les démarches évoquées ici. Il faut déterminer quelles sont les mesures prioritaires. Débattons de ces priorités, couchons-les sur papier pour avoir des démarches concrètes, des repères, des délais, etc. afin de nous attaquer à une question cruciale et complexe d'envergure nationale, celle des droits fondamentaux des femmes et des filles autochtones.
L'hon. Anita Neville: Merci.
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Comme Shelagh l'a indiqué plus tôt, nous avons parcouru la province et parlé avec ceux qui travaillent en premières lignes, principalement avec les femmes qui sont tombées dans le cycle du bien-être social. Ces dernières ne peuvent s'en sortir sans aide.
Nous avons constaté que les préoccupations relatives aux enfants font partie de ce cycle. Quand ces derniers s'en vont, c'est la fin de la famille. Les femmes sont incapables d'en ravoir la garde, car une fois qu'ils sont partis, elles perdent les prestations d'aide sociale et le logement nécessaires pour les récupérer. Peu importe ce qu'elles font, les enfants sont partis pour de bon. À partir de ce moment, la mère s'engage habituellement dans un cycle qui la mène sur la voie de l'autodestruction.
Il faut donc intervenir avant le départ des enfants; mais avec l'aide sociale, le soutien et les coupures effectuées dans les programmes, c'est hautement improbable. Quand nous avons visité la province, nous avons vu des cas où on s'inquiétait des enfants dès la naissance. Il s'agissait de femmes qui avaient déjà eu des enfants dont elles avaient perdu la garde et qui étaient de nouveau enceintes. Les travailleurs sociaux, intervenant au moment de la naissance, ordonnaient au personnel médical de ne pas laisser sortir le bébé de l'hôpital et mettaient ainsi la main sur l'enfant, qui n'était jamais rendu à sa mère.
Notre consultation nous a également permis de détecter un problème criant concernant le taux de prestation d'aide sociale. Quand on retire un enfant de sa famille, une politique prévoit qu'on le laisse de préférence dans la communauté et la famille élargie, particulièrement s'il s'agit d'un enfant autochtone. Or, deux fois plus d'enfants sont confiés à des étrangers qu'à des membres de la parenté, ce qui ne cadre pas avec la politique voulant que l'on garde la famille ensemble.
Le problème est trop vaste pour qu'on puisse le résoudre simplement en injectant de l'argent ou en lançant des programmes. Il s'agit d'un problème systémique, et on aura beau en examiner individuellement tous les aspects, c'est une solution globale qu'il faut adopter. Il faut notamment informer les personnes qui, comme vous, sont bien placées pour faire bouger les choses. Si vous prenez des décisions sur les taux de prestations d'aide sociale sans comprendre ce qui se passe sur place, je ne vois pas comment on s'en sortira.
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En fait, c'est quelque chose dont je m'occupe également depuis 30 ans.
L'expérience m'a montré que tout projet de loi qui ferait passer les droits de la bande avant ceux des femmes désavantage ces dernières. J'ai beaucoup travaillé dans des régions où la culture est utilisée pour éviter de respecter les droits des femmes à l'égalité. Ainsi, chaque fois que vous dites que vous allez nous soustraire au régime de protection courant, comme vous et Hedy le feriez, et que vous faites une distinction...
Il existe d'excellentes lois à cet égard, et on sait qu'on dispose d'un mécanisme pour rectifier les injustices. Ces lois ont été édictées pour une raison, et c'est pourquoi elles ont été instaurées. Mais dans les communautés autochtones, le gouvernement affirme qu'en raison des différences culturelles, les hommes — car il s'agit surtout d'hommes — peuvent continuer de maltraiter les femmes et de bafouer leurs droits, car ils en ont le droit culturel. Et c'est prévu dans la loi sur les biens matrimoniaux et la propriété sur les réserves. Et je peux vous dire que tant qu'il en sera ainsi, les femmes continueront d'en faire les frais.
Nous avons réalisé un projet à ce sujet, et nos recherches ont démontré que sur les réserves, environ 90 p. 100 des terres appartiennent à des hommes. Selon la politique patriarcale du gouvernement, les femmes ne pouvaient figurer sur le titre de propriété. Quant au faible pourcentage de femmes qui sont propriétaires, elles ont reçu le titre de leur père, qui n'avait pas de fils. C'est ainsi que leurs noms se sont retrouvés sur le titre de propriété. Quand on veut agir de manière équitable, comme le prévoient les lois provinciales de la famille, il faut qu'à la séparation, la terre soit répartie également entre les deux parties, sans égard au nom qui figure sur le titre. Pourtant, un mécanisme permet de contourner ces lois.
Dans la réalité, ce n'est pas ce que les lois prévoient. Je crois que j'étais là quand la première affaire a éclaté — il y a je ne sais combien d'années — à cause de cet état de fait.
Aujourd'hui, le gouvernement fédéral continue de dire aux femmes autochtones qu'il laissera leurs droits fondamentaux au bon vouloir de quelqu'un d'autre.
Lorsque nous recevons des recommandations ayant trait aux droits de la personne, les organismes créés en vertu d'un traité savent bien — contrairement au gouvernement du Canada, semble-t-il — que la responsabilité de garantir le respect de ces droits peut incomber à différents ordres de gouvernement.
Admettons, par exemple, que nous voulions véritablement nous conformer aux recommandations faites au gouvernement du Canada en matière d'aide sociale. Les organismes créés en vertu d'un traité ont déjà dit que les mesures envisagées sont inadéquates et que le Canada devrait adopter des normes nationales pour éviter d'importants écarts entre les provinces et les territoires et pour garantir des normes convenables pour tous. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent collaborer pour adopter et appliquer des normes acceptables ainsi que pour déterminer les fonds que le gouvernement fédéral devra transférer aux provinces et aux territoires à cette fin. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent interagir et travailler là-dessus.
Ce qui ajoute au mécontentement, c'est que cette relation s'est dégradée, en quelque sorte; les gouvernements provinciaux tiennent le gouvernement fédéral responsable des problèmes, tandis que celui-ci prétend que la responsabilité incombe aux gouvernements provinciaux. C'est particulièrement vrai pour les questions qui concernent les femmes et les jeunes filles autochtones.
Les différents ordres de gouvernement ne semblent pas pouvoir s'entendre. Malheureusement, je crois que cette situation leur sert de prétexte pour dire qu'ils ne peuvent rien faire afin de régler ces questions de droits fondamentaux de la personne. Nous soutenons donc qu'il faut un mécanisme de mise en oeuvre ou de responsabilisation qui rassemble les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. En réponse à votre question, Hedy, je dirais que le mécanisme ne porterait pas sur des problèmes isolés, car il faut éviter le morcellement. Ne perdons pas de vue que ces recommandations viennent d'organismes créés en vertu d'un traité. Je vous parle de nos erreurs, de nos lacunes et de nos échecs en matière de respect des droits de la personne. Il faut une véritable collaboration entre les ordres de gouvernement pour y arriver.
Est-ce que la fédération des provinces, ou je ne sais quel nom on lui donne actuellement... À un moment donné, j'ai cru que ce genre de mécanisme serait assuré par l'Entente-cadre sur l'union sociale. Les membres doivent occuper des postes si élevés que nous faisons directement affaire avec ceux qui ont suffisamment de poids ou de pouvoir pour changer les choses. Nous ne voulons pas que ce comité de fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, qui s'occupe des droits de la personne, n'ait aucun pouvoir.
C'est tout, Libby.
Nous n'avons pas le temps de procéder à une autre série de questions. Il ne reste que six minutes environ. J'aurais aimé que chacun ait 30 secondes pour s'exprimer, mais Libby a soulevé une question très importante qui, selon moi, mérite qu'on s'y attarde.
À mon avis, la responsabilisation est au coeur du problème. Qu'entend-on par là? S'agit-il d'investir 50 millions de dollars là où la vérificatrice générale l'a recommandé? Je crois que cela en fait partie, mais ce n'est pas tout. La responsabilisation, comme Libby l'a dit plus tôt, c'est s'engager à atteindre un objectif. Il convient d'examiner la situation au moment de la mise en place de structures et de stratégies, puis, trois ans plus tard, de nous demander: « Sommes-nous près de l'objectif? L'avons-nous atteint? Allons-nous dans la mauvaise direction? Régressons-nous? » La responsabilisation, c'est l'atteinte des objectifs fixés.
J'aimerais aussi parler un peu de la GRC.
Je ne veux pas m'en prendre à vous, mais vous êtes les seuls représentants de la police à cette table, alors...
De toute évidence, ce que la GRC vous suggère de faire comporte une part de responsabilisation. Or, vous vous présentez à une rencontre comme celle-ci, où l'on parle de problèmes et d'obstacles réels sur le terrain, qui vous empêchent d'atteindre vos objectifs consistant a) à protéger la société, y compris les femmes autochtones, et b) à prémunir les femmes contre la violence, et vous croyez que les stratégies des instances supérieures ne fonctionnent pas en pratique. Ne pensez-vous pas que vous devriez faire quelque chose à partir de la base? Ne pensez-vous pas que vous devriez retourner dire à vos supérieurs que leurs stratégies semblent fonctionner en théorie, mais que la réalité est tout autre puisque ces stratégies ont pour effet de victimiser davantage les femmes et non de les protéger et de leur trouver des lieux sûrs?
Faites-vous cela? Je sais que c'est difficile, mais le faites-vous?
C'est la question que je veux vous poser, la question de Libby sur la responsabilisation, dont Shelagh a parlé. Finalement, lorsque l'organisme multilatéral des Nations Unies s'adresse à un pays, il parle à une nation-État. Que cela nous plaise ou non, le Canada est la nation-État qui doit rendre des comptes à cet organisme international.
Nous savons qu'en tant que fédération, le Canada dispose de compétences constitutionnelles. Le gouvernement fédéral ne peut pas imposer n'importe quoi à une province. Mais cela signifie... Shelagh, selon moi — puisque je siège au cabinet depuis longtemps —, il incombe au gouvernement fédéral de trouver une façon de répondre à ce qu'on nous demande en tant que nation-État. Et c'est le gouvernement qui doit trouver la structure adéquate et montrer la voie à suivre.
[Applaudissements]
La présidente: Vous savez, c'est ce dont j'aimerais que le comité discute; j'aimerais que nous mettions fin à ces absurdités, car parmi tous les laissés pour compte, les Autochones sont les seuls qui doivent continuer à se battre pour cela. J'ai vraiment l'impression, et j'espère... et c'est ce que vous nous dites. Vous l'avez extrêmement bien expliqué.
Je voulais simplement reprendre la question de Libby sur la responsabilisation, et aussi parler de la réalité de l'atteinte des objectifs.
Russ ou Bruce, que pensez-vous de ce qui a été dit aujourd'hui, et comment changerez-vous les choses à votre retour? Je sais que vous êtes seulement deux...
Je ne vais pas vous mettre sur la sellette...
Surint. Russ Nash: Oh, d'accord.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Non, non, mais vous devez avoir des mécanismes qui vous permettent de dire: « Vous savez quoi? Cela ne fonctionne pas sur le terrain. »
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Merci de votre question, madame la présidente.
J'ai bien écouté aujourd'hui, et j'ai beaucoup appris. En réponse à la question sur la capacité de la GRC de modifier ses comportements et réactions dans les domaines ou auprès des personnes sur lesquels elle a une influence, je crois qu'on a laissé entendre, aujourd'hui, que le problème ne vient pas uniquement des opérations de police. De fait, Shelagh a mentionné deux problèmes majeurs. Il est vrai que l'un d'eux visait la police. Mais l'autre découlait du contexte socioéconomique — les conditions de vie de ces pauvres victimes. Certaines choses sont hors de notre contrôle.
Les politiques de la GRC évoluent et changent constamment dans les limites des pouvoirs dévolus. Lorsque nous constatons que quelque chose ne va pas, nous en parlons.
Je suis l'agente de police responsable du Groupe des crimes graves de la Division E pour toute la province. Quelque 400 employés relèvent directement de moi. Ils me font part assez régulièrement des questions de protocole ou de politiques que nous pourrions modifier, et nous le faisons. Nous continuons d'évoluer dans le cadre des politiques de la division et des politiques nationales. Lorsque nous voyons que nous pourrions nous améliorer dans certains domaines, nous le faisons. Pour ce qui est de la violence dans les relations, je trouve que nous avons une excellente politique.
Étant donné ce que vous avez dit plus tôt, je crois que vous avez l'impression que nous retirons la victime de son foyer dans tous les cas de violence dans les relations. Ce n'est pas notre politique. Lorsque nous avons des preuves d'une agression, il est clair que nous sortons l'auteur pour que la victime soit en sécurité chez elle.
Admettons que nous recevions un appel, mais qu'aucune infraction flagrante n'ait été commise. Si nous croyons que la présence des deux personnes dans le foyer pourrait créer d'autres problèmes ou que l'un pourrait s'en prendre à l'autre, l'un des partenaires pourrait volontairement quitter le foyer. Il y a des refuges.
Pour ce qui est de l'expulsion de force quand il n'y a pas d'infraction... nous n'expulsons personne de force. Je pense que vous avez aussi entendu parler des services sociaux, qui peuvent suivre la victime lorsqu'elle revient avec le contrevenant; malheureusement, on peut expulser certaines personnes pour éviter de mettre les enfants en danger.
D'autre part, la responsabilisation compte parmi nos valeurs fondamentales. Il est certain que je demande des comptes à mes employés, et nous nous efforçons de... Chaque jour, les 400 personnes sous ma responsabilité viennent travailler animées du désir de faire de leur mieux pour les citoyens de la province et du pays. Je suis fier d'eux au quotidien. Commettons-nous des erreurs? Absolument. Apprenons-nous de ces erreurs? C'est à souhaiter. Nous nous en inspirons pour modifier nos politiques et procédures afin d'offrir, je l'espère, les meilleurs soutien et service possibles pour nos concitoyens.