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Bonjour, la séance est ouverte.
Je m'appelle Anita Neville et je suis députée de... ?
Des voix: Ah, ah!
La présidente suppléante (L'hon. Anita Neville): De Winnipeg-Centre-Sud. Je ne sais pas où nous sommes; nous avons pas mal voyagé.
Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie toutes d'être ici ce matin, malgré le temps froid.
Il s'agit de la 50e séance du Comité permanent de la condition féminine. Comme vous le savez, nous avons ni plus ni moins parcouru le pays pour étudier la violence faite aux femmes autochtones.
Pour ma part, je suis déjà venue à Yellowknife un certain nombre de fois, mais notre comité savait que cette ville allait être une étape importante de notre voyage. Nous avons très hâte d'entendre vos témoignages.
Nous allons entendre quatre exposés. Étant donné que notre horaire est assez chargé, même si je ne sais pas ce que vous avez préparé, je vous suggère de faire un exposé de sept minutes. Ensuite, les membres du comité poseront des questions. Si vous n'arrivez pas à dire tout ce que vous souhaitiez dire durant l'exposé, vous pourrez le faire à ce moment-là.
Commençons par Lorraine.
Lorraine, nous sommes enchantés de vous accueillir de nouveau.
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Je vous remercie de nous recevoir.
Je représente le Status of Women Council of the NWT. Même si nous n'offrons pas de service de première ligne, nous nous efforçons de défendre les femmes qui font appel à nous, sans doute après avoir épuisé toutes les autres ressources.
Les femmes autochtones qui nous demandent de les défendre nous ont indiqué qu'elles sont menacées au foyer, dans la rue et en milieu de travail. Lorsqu'elles songent à quitter un conjoint violent et qu'elles s'y préparent, elles doivent surmonter bien des obstacles et des difficultés sur les plans du logement, du revenu et du bien-être en général. Il importe que les femmes trouvent un refuge lorsqu'elles fuient la violence.
Quand elles quittent leur foyer, les femmes ont besoin de beaucoup de soutien, à la fois matériel et psychologique, pour retrouver leurs forces et repartir à zéro. Il y a des refuges et des foyers d'accueil à Yellowknife, mais ce ne sont pas toutes les communautés qui disposent de refuges, des services de la GRC ou d'autres ressources faciles d'accès. Cette année, 314 femmes et 253 enfants ont eu recours aux services d'hébergement, partout dans les territoires.
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien accorde des fonds de soutien à un réseau de 35 refuges, dont se servent les femmes des Premières nations qui vivent normalement dans les réserves. La plupart des communautés des Territoires du Nord-Ouest comptent beaucoup de femmes autochtones. Il y a une petite réserve où on pourrait demander une part de ces fonds, qui s'élèvent à près de 56 millions de dollars et qui, dans les faits, ne sont pas destinés aux communautés des Premières nations, car la majorité des femmes des Premières nations qui vivent dans le Nord n'habitent simplement pas dans des réserves établies.
Les Territoires du Nord-Ouest comptent cinq refuges dont profitent 33 communautés, réparties sur plus de 1,17 million de kilomètres carrés. Les programmes de refuges actuels sont limités pour ce qui est de répondre aux besoins des femmes et des enfants victimes de violence familiale. En outre, il y a un écart important dans le soutien offert aux femmes. Par exemple, certains refuges n'emploient que trois personnes et n'offrent rien de plus qu'un logement sûr, tandis que le niveau de fonctionnement d'autres refuges leur permet d'offrir certains programmes d'aide aux bénéficiaires.
Actuellement, il y a très peu de services consacrés à l'intervention, à la prévention et à la gestion du risque, en ce qui concerne la violence familiale dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y a beaucoup de cas de violence, mais peu d'options pour les familles aux prises avec la violence familiale.
Le nombre d'agressions sexuelles signalées dans les Territoires du Nord-Ouest en 2008 est six fois supérieur à la moyenne nationale. La plupart des communautés disposent d'une ressource établie dans la collectivité, comme une infirmière, un travailleur social, un travailleur pour le bien-être de la communauté et un agent de la GRC.
Étant donné que le soutien est limité et que les responsabilités sont nombreuses, le roulement de personnel est très élevé. Également, les résidents des petites collectivités ont peu de ressources pour se déplacer dans une autre localité et, souvent, ils ne peuvent pas profiter de soutien ou de services supplémentaires.
Dans le Nord, 11 communautés ne disposent pas de postes de la GRC et doivent compter sur le travail d'agents établis dans d'autres localités. De plus, les femmes autochtones sont victimes des formes de violence les plus graves; elles peuvent se faire agresser sexuellement et se faire battre, se faire sauter à la gorge ou attaquer. Dans certaines communautés, la violence faite aux femmes autochtones atteint 90 p. 100.
Nous recommandons d'augmenter le financement et de modifier les politiques sur le financement des réserves pour permettre au personnel des refuges et aux communautés des territoires de s'acquitter d'une tâche importante, soit réduire la violence faite aux femmes autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves. Nous vous demandons de bien vouloir examiner les politiques d'Affaires indiennes et du Nord Canada concernant le programme de prévention de la violence familiale. Nous devons élaborer des stratégies adaptées à la culture et offrir des services justes et équitables à toutes les femmes autochtones qui vivent dans des localités où le soutien est insuffisant. Il faut envisager l'adoption d'une stratégie nationale pour sensibiliser la population, prévenir la violence faite aux femmes et optimiser les services de prévention de la violence familiale. Il convient de coordonner tous les paliers de gouvernement, les ONG, les organismes de services, les corps policiers, les gouvernements autochtones et les autres organisations nationales et autochtones.
Le Status of Women Council of the NWT copréside la Coalition Against Family Violence avec la Native Women's Association of the NWT. Depuis l'an 2000, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest collabore, grâce à des partenariats officiels, avec divers organismes de services, des ONG et des professionnels du domaine pour élaborer et appliquer des stratégies adaptées et des plans d'action qui visent à améliorer les services offerts aux victimes de violence familiale. À l'heure actuelle, nous en sommes à la deuxième phase du plan d'action contre la violence familiale.
La Coalition Against Family Violence a participé à l'élaboration de la deuxième phase du plan d'action contre la violence familiale. La coalition aide aussi à surveiller la mise en oeuvre du plan, et elle a commencé à formuler d'autres recommandations qui seront soumises au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
Lyda Fuller, directrice exécutive de la YWCA de Yellowknife, est membre fondateur de la Coalition contre la violence familiale. Elle a été une intervenante clé dans les plans un et deux de lutte contre la violence familiale et elle continue de collaborer à ce chapitre.
Comme Lorraine l'a dit, depuis 1999, les organisations non gouvernementales s'emploient à régler les problèmes sociaux liés à la violence familiale et sollicitent l'aide du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dans ce dossier, particulièrement les ministères à vocation sociale, afin d'améliorer les conditions sociales relatives à ce problème très répandu.
Au départ, la coalition était vouée à la recherche. Nous voulions décrire la nature, la portée et l'incidence de la violence faite aux femmes dans les territoires. En décembre 2002, nous avons publié un rapport intitulé « Family Violence in the NWT: A Survey of Costs, Services, Data Collection and Issues for Action. » Nous avons pu orienter nos travaux en nous fondant sur quelques-unes des principales conclusions de ce rapport. Parmi ces conclusions, notons le manque de compréhension, dans les territoires, de la dynamique de la violence familiale ainsi que des attitudes et des croyances qui l'ont perpétuée; le sous-financement des refuges pour femmes maltraitées, ce qui fait en sorte qu'il y a un grand roulement de personnel et que les refuges doivent compter sur les bingos pour rester ouverts; la nécessité d'une collaboration accrue et constante pour éliminer les écarts; le besoin de ressources supplémentaires destinées aux enfants, aux jeunes, aux familles ainsi qu'aux communautés; et des actions concrètes de la part du système de justice.
Nos recherches ont mené à l'élaboration de recommandations. Nous avons déposé un plan d'action sur la violence familiale devant l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest pour la période de 2003 à 2006. Nous avons entre autres recommandé d'apporter des changements aux politiques et aux lois; d'étendre la portée de la coalition en dehors de Yellowknife; de renforcer les capacités des communautés; d'offrir une formation adaptée à la culture; de faire de la prévention en favorisant les relations familiales saines; d'éduquer et de sensibiliser le public; et d'améliorer les services offerts aux femmes, aux hommes et aux enfants.
En 2004, le gouvernement a donné suite à nos recommandations et a présenté un cadre d'action qui décrivait et coordonnait les efforts de divers ministères à vocation sociale à l'égard de 71 mesures qu'ils avaient convenu de prendre. Les ministères en question ont formé un comité directeur de mise en oeuvre, auquel siégeaient également deux membres des associations non gouvernementales, afin de discuter des progrès accomplis.
Malheureusement, plusieurs des 71 mesures étaient déjà en cours et en quelque sorte tangentielles au problème de la violence familiale. Cependant, on a tout de même réalisé des progrès concrets, notamment en adoptant de nouvelles mesures législatives comme la Loi sur la prévention de la violence familiale, en vertu de laquelle les femmes ont pu avoir accès à des ordonnances de protection d'urgence leur permettant d'occuper exclusivement le foyer familial avec leurs enfants.
Nous avons commencé à élaborer des protocoles inter-organismes, y compris des modèles adaptés aux communautés, afin de mieux collaborer et d'enrayer la violence familiale à Yellowknife. Nos recherches étaient axées sur les programmes à l'intention des hommes maltraitants. Nous pensons avoir réalisé des progrès. Nous avons entrepris la deuxième phase en proposant une autre série de recommandations auxquelles on donnera suite d'ici 2012. Nous avons tous travaillé ensemble pour obtenir le financement de 17 mesures essentielles et nous avons réussi. Nous amorçons maintenant la troisième phase.
En ce qui concerne la participation du gouvernement, l'une des difficultés qu'il faut surmonter est le roulement du personnel auquel on assiste tant de notre côté que du vôtre. Il faut que la communication et l'implication des gens demeurent actives; il est facile de perdre l'élan lorsqu'il y a autant de changements.
Je remercie les honorables membres du comité de me permettre de prendre la parole aujourd'hui. Je suis la gestionnaire des politiques et des programmes de prévention des abus au sein de Pauktuutit Inuit Women of Canada. Au nom de la présidente de notre association, Elisapee Sheutiapik, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous parler de l'élaboration et de la mise en oeuvre de notre stratégie nationale de prévention de la violence dans les communautés inuites.
Pauktuutit Inuit Women of Canada est une association nationale qui représente toutes les femmes inuites du Canada. Fondée en 1984, elle a pour mandat de sensibiliser davantage les gens aux besoins des femmes inuites et d'encourager ces dernières à prendre part, de manière équitable, aux enjeux communautaires, régionaux et nationaux.
L'organisme est présent dans une vaste gamme de secteurs, notamment les politiques et les programmes en matière de santé, l'égalité des sexes, la prévention de la violence et des abus, la préservation des connaissances culturelles et traditionnelles, le développement économique, les changements climatiques et la direction au chapitre de l'élaboration des politiques et du changement social à l'échelle de la communauté.
La prévention des abus et de la violence est au coeur des priorités de l'organisme depuis sa création, en 1984. Toutefois, la reconnaissance et les ressources font cruellement défaut et le changement ne s'opère que trop lentement. Nulle part ailleurs le découragement des intervenants en prévention des abus et autres services à la communauté — intervenants dans les refuges, conseillers en intervention d'urgence, guérisseurs inuits et policiers — n'est aussi grand que dans le Nord.
Par exemple, le système des cours itinérantes peut constituer un obstacle majeur à l'accès des femmes inuites à la justice. En outre, la dynamique de la violence et des abus dans les familles peut être différente dans les petites communautés aux prises avec des défis et des circonstances uniques comme les logements surpeuplés, la pauvreté et le coût de la vie élevé, de même que l'absence de programmes communautaires de base. En outre, plus de 70 p. 100 des communautés nordiques et éloignées ne comptent pas de refuge d'urgence sécuritaire pour accueillir les femmes qui tentent d'échapper à des situations d'abus.
Les femmes inuites font face à de nouveaux enjeux liés aux activités d'exploitation des ressources, aux travailleurs migrants et à l'augmentation afférente de la violence sexuelle et familiale, de l'exploitation, de l'alcoolisme et de la toxicomanie. En ce sens, il faut de toute urgence déployer des efforts colossaux et soutenus assortis des ressources adéquates.
Notre stratégie est le fruit de consultations auprès des victimes d'abus et des groupes de prévention et d'intervention en cas d'abus, et ceux ayant pour mandat d'offrir un refuge, des recours judiciaires et des mesures de redressement. Pauktuutit a rassemblé des équipes multidisciplinaires composées de représentants des soins de santé et des services sociaux, de la GRC, des tribunaux, des centres d'hébergement sécuritaires et des organisations inuites de l'Inuit Nunangat, de la Fondation autochtone de guérison, de l'Organisation nationale de la santé autochtone, ainsi que d'observateurs du Secrétariat des relations avec les Inuits et de la Direction générale de la politique sociale et des programmes du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, de Justice Canada et du Conseil consultatif Qulliit du Nunavut sur la situation de la femme. Ces entités ont toutes à coeur de prévenir les abus dans les communautés inuites et de collaborer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de cette stratégie unique axée sur la communauté.
La stratégie s'appuie sur les six principes inuits de guérison et de coopération: la collaboration pour le bien commun, le bien-être environnemental, le dévouement envers autrui et le leadership, l'autonomisation, l'esprit d'initiative et la capacité d'adaptation, ainsi que la coopération et le consensus.
La stratégie s'amorce par la vision d'une société inuite composée d'individus en santé qui respectent leur passé et sont tournés vers l'avenir en tant qu'Inuits, et qui évoluent dans des familles qui les soutiennent au sein de communautés bienveillantes où la violence et les abus se produisent rarement et sont réglés promptement selon les principes de justice inuite. Selon cette vision, les agresseurs sont tenus responsables de leur conduite, et les victimes, tout comme les agresseurs, sont soutenus dans le processus de guérison.
L'objectif de la stratégie est de diminuer progressivement la violence et les abus et vise la prédominance, à terme, de relations affectueuses, saines et respectueuses dans les communautés inuites. Nous prévoyons atteindre ces buts par le respect des objectifs énoncés dans la stratégie, c'est-à-dire l'établissement de liens solides entre les organismes partenaires déterminés à réduire la violence et les abus dans les communautés inuites; la coordination d'efforts faisant en sorte que les ressources pourront être utilisées aux meilleures fins possible et la mise en place de services et de programmes efficaces et adaptés à la culture pour prévenir les abus et favoriser la guérison.
En outre, la stratégie nationale énonce les priorités stratégiques liées à la mise en oeuvre de la stratégie: faire des abus dans les communautés inuites une question prioritaire; accroître la sensibilisation et réduire la tolérance aux abus; investir dans la formation et le développement des capacités; soutenir les travailleurs de première ligne et les services communautaires; offrir des services de guérison pertinents du point de vue culturel; et étendre les programmes qui mettent à profit les forces inuites et préviennent les abus.
Le guide qui accompagne la stratégie, intitulé « Sharing Knowledge, Sharing Wisdom », contient des idées et des exemples pour inspirer les intervenants, les groupes et les communautés dans la mise en oeuvre de la stratégie nationale de prévention de la violence dans les communautés inuites. Le guide contient des outils destinés aux communautés inuites, notamment de l'information sur la mobilisation des communautés; des conseils du comité consultatif national en vue de promouvoir le changement; des faits et des statistiques pouvant être utilisés pour convaincre les autres; des réflexions sur les causes qui sous-tendent les problèmes d'abus dans les communautés inuites; les principes inuits de guérison et de coopération; les étapes de la planification d'activités et de mesures; ainsi que des sources de renseignements et de l'aide.
Depuis 2006, Pauktuutit Inuit Women of Canada utilise la stratégie nationale pour orienter l'élaboration et la mise en oeuvre de projets visant à prévenir les abus et la violence au sein des communautés inuites du Canada.
Au cours de l'exercice 2006-2007, grâce au soutien de Condition féminine Canada, Pauktuutit a mis en oeuvre un projet de lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants. Ce projet avait pour objectif de cibler des pratiques porteuses d'avenir en matière de prévention de la violence et des abus. Au total, 11 communautés ont participé au projet, chacune ayant mis sur pied sa propre cellule de coordination pour répondre aux besoins de sa communauté.
Au cours de cette période, Pauktuutit a entrepris une vaste campagne de diffusion de la stratégie nationale, y compris la tenue d'exposés à des conférences et ateliers. Grâce à sa stratégie, Pauktuutit a pu amorcer le processus menant à l'élaboration de la stratégie nationale de guérison liée aux pensionnats inuits. Cette stratégie a été mise en oeuvre dans le cadre de projets soutenus en grande partie par le MAINC.
Parallèlement, Pauktuutit a entrepris ses travaux à l'égard du centre d'hébergement pour femmes, y compris la création d'une association nationale de centre d'hébergement pour femmes inuites et l'élaboration d'un module de formation intitulé « Making our Shelters Strong » à l'intention des intervenants de première ligne. La formation sur ces centres d'hébergement a été offerte dans les quatre régions de l'Inuit Nunangat, et nous avons reçu des demandes de formation d'autres centres d'hébergement, mais aussi d'organismes gouvernementaux et de ministères.
En réponse à la rétroaction des participants, Pauktuutit est à créer une version Web du module de formation, des groupes de discussion dirigés à l'intention des intervenants en centre d'hébergement, un guichet unique pour l'association des centres d'hébergement et un blogue pour la diffusion de nouvelles pratiques et ressources partout dans le Nord.
Nous avons également mené ce que nous appelons des projets en milieu naturel. Au cours du dernier exercice, nous avons organisé une expédition d'une semaine dans la nature avec deux groupes de femmes, le premier réunissant des femmes âgées de 20 à 55 ans et le second des femmes entre 55 et 82 ans. Nous avons enseigné aux femmes plus jeunes à jouer un rôle actif face à la violence familiale. Nous avons intégré des aspects traditionnels, comme la fabrication de raquettes et la nature. En outre, nous les avons sensibilisées et nous leur avons donné les outils nécessaires afin qu'elles puissent être plus autonomes.
Le projet qui a connu le plus de succès jusqu'à présent est celui de la prévention de la violence faite aux aînés, auquel ont participé huit personnes âgées — dont la plus jeune était âgée de 82 ans. Dans le cadre d'une expédition d'une semaine à la campagne, tout près de Kuujjuaq, au Québec, les aînées ont non seulement pu retourner à leurs pratiques traditionnelles, mais aussi avoir accès à de l'information, à des ressources et à un endroit sécuritaire pour parler des mauvais traitements dont elles sont victimes.
Je vais m'arrêter ici. Bien sûr, je suis disposée à répondre à vos questions.
Merci.
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Je n'aurai pas besoin de 10 minutes.
Bonjour à tous. Au nom de la Yellowknife Health and Social Services Authority, j'aimerais remercier le comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
Tout d'abord, sachez qu'en tant que fournisseur de services dont le mandat est de protéger les enfants, nous voyons l'effet dévastateur que la violence familiale a sur les femmes autochtones et leurs enfants au quotidien. La violence faite aux femmes a un effet d'entraînement. La violence sème la peur, et cette peur a une incidence sur toutes les femmes, y compris les fournisseurs de services qui les appuient et les protègent. Notre personnel de la protection de la jeunesse est strictement composé de femmes. Les actes de violence suscitent habituellement beaucoup d'émotion et, à maintes reprises, j'ai vu quelques-unes de nos femmes être intimidées par des situations à haut risque que vivent tous les jours des femmes autochtones avec qui elles travaillent.
D'après notre expérience, les femmes autochtones ont de la difficulté à mettre fin à une relation abusive pour toutes sortes de raisons. Évidemment, il y a la crainte de représailles, non seulement de la part de l'agresseur, mais aussi de la part des membres de la communauté et de leur propre famille. Les femmes manquent souvent de ressources pour assurer leurs besoins fondamentaux et ceux de leurs enfants. Il est courant de voir des femmes autochtones qui ont tenté de fuir une relation abusive revenir au bercail parce qu'elles ne se sont pas senties appuyées par leur famille, leurs amis ou les organismes destinés à les aider à mener une vie sans violence.
Plusieurs femmes autochtones que nous rencontrons ont une très faible estime d'elles-mêmes en raison de la violence qu'elles subissent, directement ou indirectement, depuis qu'elles sont toutes jeunes. Pour atténuer la douleur, elles se tournent parfois vers l'alcool, les drogues illicites, les médicaments d'ordonnance ou les solvants. Malheureusement, cela ne fait que créer un effet de spirale, et c'est souvent la raison pour laquelle leurs enfants sont appréhendés.
En 2010, le ministère de la Santé et des Services sociaux de Yellowknife a reçu 74 rapports de violence dans des foyers où vivent des enfants. Ce chiffre ne reflète toutefois pas la réalité. La majorité de ces incidents impliquant de la violence conjugale ont été signalés par la police. Les incidents qu'on nous rapporte sont souvent des cas de négligence ou de problèmes liés à l'alcoolisme. Au cours de l'enquête, nous apprenons que la violence familiale est également en cause, et c'est souvent ce qui est à l'origine de la négligence.
Il y a à peine un mois, en décembre 2010, notre organisme avait 51 dossiers familiaux actifs, dont 34 concernaient des familles toujours aux prises avec des problèmes de violence familiale qui présentent un risque pour la sécurité de la mère et des enfants. Ces familles ont au total 71 enfants qui, d'une façon ou d'une autre, sont touchés par la violence conjugale.
Les enfants qui subissent la violence conjugale font face à de nombreux risques, y compris les traumatismes, la négligence — qui est souvent la raison pour laquelle on nous signale une telle situation — et les abus.
Ces femmes autochtones doivent pouvoir compter sur des outils facilement accessibles afin de trouver des solutions qui leur permettront de subvenir à leurs besoins. Je ne le dirai jamais assez. Il est important que les peuples autochtones soient respectés et écoutés lorsqu'ils partagent avec d'autres ce qui, à leur avis, servira le mieux leurs intérêts.
Il est également important que les agresseurs soient tenus responsables de leurs actes. Au sein des petites communautés, toutes les parties doivent avoir accès à des programmes, sans quoi la sécurité des femmes et des enfants autochtones sera toujours menacée. Il est impératif que le Comité permanent de la condition féminine continue de promouvoir les droits des femmes autochtones afin qu'elles puissent vivre à l'abri de la violence.
Je tiens à saluer toutes les femmes autochtones qui ont subi des actes de violence, perdu des membres de leur famille et réussi à surmonter des difficultés auxquelles elles ont été confrontées tout au long de leur vie. Notre organisme continuera de faire sa part pour défendre les droits des peuples autochtones afin qu'ils puissent avoir accès aux services qu'ils méritent pour régler les problèmes conflictuels auxquels nous assistons aujourd'hui.
Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré.
Je suis gestionnaire du Service de santé mentale communautaire et de lutte contre les dépendances du ministère de la Santé et des Services sociaux de Yellowknife. Le Service de santé mentale communautaire et de lutte contre les dépendances consiste en des services de consultation familiale où l'on offre un travail individuel auprès des hommes et des femmes, ainsi que des thérapies de couple. Nous effectuons un travail de santé mentale auprès des enfants pour le ministère de la Santé et des Services sociaux de Yellowknife; ainsi, 30 p. 100 des cas qui sont dirigés chez nous le sont par des services à l'enfance et à la famille et concernent des enfants. Pour la plupart, les enfants qu'ils confient à nos soins ont été victimes de violence familiale.
Les autres problèmes auxquels on pourrait être confronté sont le deuil, les agressions sexuelles, les comportements à risque ou l'absentéisme scolaire. S'il s'agit là des principaux facteurs relevés, la violence familiale se cache le plus souvent derrière.
Parmi les raisons pour lesquelles les adultes sont dirigés vers nous, il y a la dépression, le stress, l'un des partenaires d'une relation qui demande un soutien, le deuil, la séparation et le divorce et des problèmes de dépendance. Si nous regardons derrière, la plupart du temps, il y a un problème de violence familiale.
Au cours des trois derniers mois seulement, selon notre agente d'accueil, qui fixe des rendez-vous pour le jour même — nous avons fait en sorte qu'il puisse y avoir chaque jour deux prises de rendez-vous pour le jour même, afin que quelqu'un en situation de crise puisse appeler le matin et obtenir une rencontre —, elle aurait vu 19 femmes autochtones aux prises avec de la violence familiale, et 10 autres qui ont pu être inscrites sur notre liste d'attente. C'était au cours des trois derniers mois seulement.
Je suis ici depuis un an seulement. Donc, Yellowknife est très nouvelle pour moi, et je puis uniquement vous parler de cette ville. Nous avons deux communautés, celle de Lutsel K'e et de Fort Res, avec lesquelles je me suis familiarisée. Mais j'ai regardé le volume de cas que nous avons eus durant mon année en poste, et j'aurais pu retirer n'importe quand les dossiers de cinq ou six hommes de la pile. Si nous avions un groupe pour venir en aide à ces hommes ayant des problèmes de violence, ce serait une excellente chose. Je sais que nous collaborons avec des gens du ministère de la Justice et qu'il existe un partenariat pour la mise sur pied de ce genre de groupe. Mais à mes yeux, c'est l'un des chaînons essentiels qui manquent. Donc, pour changer les choses pour la famille, nous devons vraiment venir en aide aux hommes ayant des problèmes de violence.
Le deuxième élément manquant que j'ai relevé — je participe à des groupes de travail voués à la question de la violence familiale depuis 1989 — est les groupes d'éducation. Je sais qu'on en a parlé, mais à Yellowknife, on n'en trouve aucun. Et s'il en est ainsi à Yellowknife, il n'y en a sans doute pas davantage ailleurs dans les Territoires du Nord-Ouest. On les appelle des groupes de survivants, et ils sont habituellement administrés par des maisons de transition. Donc, des femmes suivies individuellement par un conseiller pourraient être aiguillées vers ce programme de groupe par l'entremise des services de transition. Elles suivraient ce programme d'éducation, puis reviendraient peut-être faire un travail individuel. Mais nous n'avons pas de groupe de ce genre, et nos refuges n'ont pas les ressources financières ou humaines nécessaires pour mettre en oeuvre ce genre de programme. Nous faisons un travail individuel auprès de ces femmes, mais j'aimerais beaucoup qu'on crée un programme de groupe. Cela ne veut pas dire que les services d'orientation familiale ne peuvent pas s'en charger — nous y songeons —, mais il est difficile de tout faire.
Nous avons une équipe régissant les protocoles en matière de violence familiale, et nous travaillons à un formidable outil commun, l'Évaluation du risque de violence familiale en Ontario, ou ODARA. Nous donnons de la formation partout dans les Territoires du Nord-Ouest quant à la façon d'utiliser cet outil. Le fait d'avoir un outil d'évaluation commun est très important, et je crois que nous faisons un excellent travail sur ce plan.
Les services de consultation familiale utilisent un outil d'évaluation pour les couples, alors nous en comptons beaucoup. Par ailleurs, nous continuons de recevoir du financement pour le travail auprès des couples, et on ne retrouve ce type de financement nulle part ailleurs au pays. Donc, c'est une véritable chance que nous avons. Il est certain que nous en avons besoin ici, en raison des problèmes familiaux auxquels nous faisons face. Donc, en plus de recevoir encore du financement pour notre travail auprès des couples, nous disposons d'un outil d'évaluation grâce auquel la majorité des couples font l'objet d'une analyse initiale pour déterminer si la violence est en cause. Il serait très bien de pouvoir faire de l'éducation auprès du partenaire masculin en ce qui a trait aux problèmes de violence, mais jusqu'ici, nous n'avons pas pu mettre un tel groupe sur pied. Et il nous faut une formation à cette fin. Selon moi, ce sont là des éléments importants qui brillent par leur absence.
Les soins primaires sont visés par un autre projet auquel participe le Service de santé mentale communautaire et de lutte contre les dépendances. Notre organisme, y compris nos services d'orientation familiale, a déménagé dans une clinique de soins primaires du centre-ville. Cela signifie que nos médecins peuvent assez facilement aiguiller les clients qui les consultent vers les services d'orientation familiale. Nous établissons les liens.
Nous avons réalisé hier un exercice en équipe où nous jouions le rôle des clients, et il y avait plusieurs de ces situations. Nous devions passer des services du logement, quelque part dans le YPCC, à un service de soutien du revenu quelque part ailleurs, puis à des services de santé mentale à un autre endroit. En tant que cliente, je devais suivre 22 étapes pour tenter d'obtenir ce dont j'avais besoin, et au bout du compte, on m'a enlevé mes enfants.
Vous savez, nous essayons de nous occuper des soins primaires, et nous nous efforçons vraiment d'aider, mais si nous regardons le client... Il fait si froid dehors, et il n'y a pas de moyens de transport. À Yellowknife, il en coûte très cher pour se loger. Il est très difficile d'obtenir un emploi. J'ai eu carrément le tournis en franchissant ces 22 étapes et en essayant de me rendre à tous les endroits où je devais aller. Finalement, j'avais fait tout ce que je devais faire — j'avais réclamé de l'aide pour mon problème de toxicomanie, je m'étais adressée aux services de soutien en santé mentale et de soutien au revenu, j'avais parlé à l'enfant et à la famille, tout cela — mais on m'a quand même enlevé mes enfants.
Donc, nous avons fort à faire.
Merci beaucoup pour vos exposés. Je suis ici, à tenter de formuler ma question. Comme vous le savez sans aucun doute, nous sommes en déplacement, et nous avons entendu parler d'un certain nombre de situations, qui sont dans une large mesure les mêmes que celles dont vous avez fait état aujourd'hui — le manque de ressources et de personnel et le besoin d'un soutien accru.
L'une des choses qui m'ont frappée, tandis que je vous écoutais — et peut-être y a-t-il un élément qui m'échappe —, est le fait qu'il semble y avoir au sein de la communauté une volonté de coordination, de planification et de collaboration que nous n'avons pas vue dans bien d'autres communautés. En fait, dans certaines d'entre elles, c'était plutôt le contraire, et la situation était assez désastreuse.
L'autre chose que j'ai remarquée en vous écoutant, c'est que vous représentez toutes des organismes de prestation de services, et que vous parlez de... L'une d'entre vous — Lyda, je crois — a parlé de l'importance de respecter et d'écouter les clients.
C'était vous, Sheila? Je suis navrée.
L'une des choses qu'on nous a dites au cours de notre voyage, c'est que les femmes autochtones, en particulier, ne se sentaient ni respectées, ni écoutées, ni valorisées par les communautés, en plus d'être souvent marginalisées et traitées de façon très irrespectueuse.
Nous n'obtenons qu'un aperçu d'une demi-heure de vous cinq ici présentes, mais j'aimerais en savoir un peu plus sur la dynamique. Si j'ai raison de dire que vous collaborez en reconnaissant faire face à des problèmes de taille, mais en déployant des efforts concertés pour les régler, qu'est-ce qui rend cette collaboration possible?
J'estime que la Coalition Against Family Violence s'est avérée très efficace pour faire en sorte que nous collaborions tous. Ce n'est pas facile. Les membres doivent déployer beaucoup d'efforts — et faire preuve de doigté — pour faire des compromis et en arriver à une entente. Mais aux Territoires du Nord-Ouest, le problème est omniprésent et a une grande incidence sur la vie des femmes, et les employés de première ligne entendent parler et font l'expérience de si nombreux exemples qui donnent froid dans le dos, que cela nous incite vraiment à travailler en équipe.
Nous voulons progresser de manière planifiée. Barb Lacey parlait tout à l'heure de services offerts aux hommes violents; eh bien, la coalition travaille là-dessus depuis longtemps. Nous en sommes finalement au stade où il y aura un projet pilote, mais une quantité de temps énorme a été consacrée à l'élaboration d'un bon programme à cette fin, un programme qui sera efficace et tiendra compte de tous les enseignements tirés d'un bout à l'autre du pays.
Nous nous sommes livrés à une véritable partie de bras de fer en tentant de mettre en place ces 17 mesures tout en respectant le budget. Nous savions qu'il nous fallait financer les refuges existants, qui étaient sous-financés, et nous étions conscients que les femmes continuent de nous réclamer des services pour leurs partenaires. Alors avec un financement restreint, comment y parvenir?
Nos partenaires du gouvernement ont pris part aux discussions avec nous. Nous nous sommes finalement entendus sur le fait que nous financerions les refuges et chercherions des fonds à l'extérieur pour augmenter les fonds alloués, par le gouvernement territorial, à l'élaboration du programme destiné aux hommes violents. Nous avons eu des débats musclés et des échanges houleux, mais ce que nous voyons tous les jours, ainsi que la douleur des femmes, des enfants et des communautés entières — sans oublier les hommes — nous motive à agir.
Nous sommes un petit territoire. Nous établissons des liens entre nous, et une confiance se bâtit au fil du temps. Nous travaillons dur pour essayer de préserver cela et pour progresser d'une manière qui, au bout du compte, produira des résultats positifs pour ces femmes.
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Oui, j'aimerais également dire quelques mots. L'une des choses dont Pauktuutit tire une grande fierté, c'est que tous les projets, tous les programmes que nous offrons au sein des communautés, commencent par les communautés.
Tous nos projets sont portés par des comités consultatifs qui regroupent des membres de la communauté et des experts locaux, ainsi que nos partenaires, lesquels sont souvent les organismes de revendication territoriale, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement du Nunavut et le gouvernement régional du Nunavik. Nous commençons par dire: « Voici une idée. Travaillons ensemble. Dites-nous ce qui fonctionnera pour vous », au lieu de déclarer: « Nous pensons que vous devez faire ceci ».
Ce modèle a connu un succès exceptionnel, parce qu'il suscite une mobilisation de la communauté. De la création du projet à sa mise en oeuvre, et jusqu'à son terme, la communauté aura son mot à dire dans ce qui se produira. Tous nos projets sont adaptés aux besoins des communautés particulières. Nous appliquerons ce modèle, qui s'adaptera aux besoins d'une communauté.
De façon semblable à ce que Lyda disait, nous constatons, à l'échelle nationale, que les femmes craignent d'aller dans des refuges — à supposer qu'ils soient disponibles dans les communautés du Nord — de peur qu'on leur enlève leurs enfants. Et même si elles vont dans les refuges, les protocoles et procédures des diverses organisations, qui doivent être réunis pour pouvoir appuyer la transition des femmes vers une situation sécuritaire, sont incompatibles et souvent contradictoires. Donc, vous devez être inscrit sur la liste de personnes en attente d'un logement, mais pour ce faire, il vous faut une lettre du soutien au revenu précisant que vous obtiendrez une aide. Mais si votre mari a endommagé la résidence où vous vivez, vous demeurez responsable de payer les arriérés. C'est un cercle vicieux qui maintient les femmes en mauvaise posture.
L'une des préoccupations majeures que nous avons éprouvées, Anita — et nous en avons parlé —, concerne l'absence d'un financement permanent alloué aux refuges. Nous avons 53 collectivités éloignées du Nord qui sont accessibles seulement par avion. En date d'aujourd'hui, nous comptons 14 refuges opérationnels.
L'hon. Anita Neville: Ouah.
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Bonjour, mesdames. Je vous remercie de votre présence.
Je suis très surprise, ce matin, de constater qu'autant de personnes s'entendent sur les solutions à mettre en place pour contrer la violence faite aux femmes autochtones, d'autant plus que certains organismes sont des agences locales et reconnues. En effet, nous n'avons pas vu cela ailleurs. Il faut dire que nous n'avons pas entendu beaucoup de représentants d'agences, qu'elles soient locales, provinciales ou d'un autre ordre de gouvernement; les gens n'étaient pas présents.
Je suis contente de vous recevoir ce matin, madame Nelson et madame Lacey. Cela nous fait grand plaisir de savoir que vous travaillez ensemble. C'est étonnant, mais j'en suis vraiment contente.
À d'autres endroits, on veut se débarrasser des gens plutôt que de les aider. L'autre jour, on a appris que des médecins veulent se débarrasser de tous les drogués de Williams Lake. Ils veulent les sortir de la ville au lieu de les traiter. On ne leur offrira pas de traitement. Si des personnes, après avoir pris quelque drogue que ce soit, arrivent à l'hôpital parce qu'elles sont blessées ou qu'elles se sont cassé un membre, on ne les traitera pas, il est inutile même d'essayer.
La situation est très grave dans plusieurs endroits. Les femmes sont victimes de mauvais traitements. Votre coalition fonctionne très bien, mais fonctionne-t-elle aussi bien auprès de la communauté? Obtenez-vous le respect et le soutien de la communauté? Ce soutien s'étend-il aux personnes auxquelles votre coalition vient en aide? Vous cherchez des endroits où les femmes que vous voulez aider pourront vivre. Trouvez-vous des endroits abordables pour ces femmes, des lieux où elles pourront élever leurs enfants sans crainte?
Vous semblez vouloir me dire, madame, que c'est difficile. Y a-t-il du racisme dans la communauté? On nous a dit hier soir que c'est à Yellowknife qu'on retrouve le salaire moyen par ménage le plus élevé au Canada. Si c'est le cas, comment se fait-il que des femmes et des hommes autochtones soient pauvres? Le prix des maisons est d'au moins 350 000 $. Comment peut-on payer une maison à un tel prix?
J'aimerais que vous répondiez à ces questions.
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Oh, seigneur, c'est une question très difficile. Il est certain que ces points que vous avez soulevés sont tout à fait justifiés.
D'après l'expérience que j'ai acquise en travaillant en première ligne et en gérant une excellente équipe de travailleurs sociaux, lorsque nous cherchons à nous prévaloir de services, ceux-ci ne sont pas aussi aisément accessibles que nous le voudrions pour la clientèle que nous devons servir. Le logement pose assurément problème. Oui, les propriétés coûtent cher à Yellowknife. Beaucoup de nos familles ne peuvent se permettre de louer des appartements. Malheureusement, nous avons en ville un propriétaire qui possède une bonne partie des édifices, de sorte que si l'on est expulsé par ce propriétaire, il est souvent difficile de trouver un logement dans une autre unité.
Personnellement, je vous dirais, en m'appuyant sur ma propre expérience, que j'aimerais que les ministères collaborent plus étroitement. J'estime que les services en matière de logement et de soutien du revenu et les services sociaux offerts par notre ministère des services de santé et des services sociaux de Yellowknife doivent mettre au point un système facilitant l'accès aux services offerts aux familles auxquelles nous venons en aide.
À l'heure actuelle, en dernier recours, les familles sont aiguillées vers des services à l'enfance et à la famille parce qu'elles n'ont pas de logement. Nous essayons très fort de ne pas placer les enfants dans des foyers d'accueil parce qu'aucun logement n'est disponible. Très souvent, ce sont les services sociaux qui se retrouvent à payer les arriérés de loyer, afin que les gens aient un endroit où vivre. Pour moi, cela n'a pas de sens.
Il faut qu'il y ait plus de gens à la table pour trouver une solution qui maintiendra ensemble les familles ayant besoin de services. Cela crée un stress énorme pour les familles. Malheureusement, le stress vécu par les parents a une incidence sur les enfants. Aussi important qu'il puisse être pour nous d'éviter de prendre en charge les enfants, il arrive que nous le fassions.
Il se passe beaucoup de choses positives pour nous, ne vous méprenez pas; mais il y a encore des aspects que nous pourrions améliorer. J'estime que si nos ministères collaboraient davantage, nous fournirions globalement un meilleur service.
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Je crois fermement que les modèles que notre organisation a mis au point peuvent s'appliquer dans n'importe quelle collectivité du pays, particulièrement les communautés autochtones, qu'elles soient des Premières nations, métis ou inuites, car ils permettent à ces dernières d'avoir voix au chapitre et peuvent être adaptés en conséquence. Nous voulons également réintégrer complètement les traditions et les modes de vie culturels dans nos programmes.
Et nous réussissons fort bien sur les deux plans. C'est dans les projets en milieu naturel que nous avons connu l'une de nos plus belles réussites, à un point tel que certains gouvernements et conseils de santé régionaux et territoriaux ont déclaré que ces initiatives étaient si efficaces que leurs communautés en réclament davantage et qu'ils allaient offrir du financement. Nous nous sommes rendus sur place pour fournir des explications lors de la mise en oeuvre du projet-pilote dans les collectivités. Ces dernières ont réagi favorablement.
Nos communautés sont fortes. Les 53 communautés inuites éloignées et du Nord sont de solides survivantes. Elles accomplissent des merveilles en dépit du manque de ressources. Mais il faut tenir compte du fait que dans le Nord, un grand nombre de nos refuges n'accueillent les femmes que pour un séjour maximal de six jours. Comment peut-on s'occuper du logement, du soutien au revenu et des problèmes de santé mentale et de toxicomanie en si peu de temps? C'est impossible. Et encore faut-il que les femmes aient accès à ces refuges. Dans certaines communautés...
Toutes nos communautés ne sont accessibles que par la voie des airs. Or, je n'ai jamais rencontré de femme battue qui dispose de 5 000 ou 6 000 dollars pour acheter un billet d'avion afin de se rendre au refuge le plus proche ou pour fuir les mauvais traitements en allant dans le Sud, où elle est de nouveau victime de violence en raison de sa vulnérabilité.
Je crois qu'il importe également de reconnaître qu'en raison de l'absence de soutien, l'argent fait réellement défaut. Les femmes inuites se font souvent répondre par les services sanitaires et sociaux — et je ne blâme personne ici — qu'ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour leur faire prendre l'avion. Nous avons jusqu'à présent répertorié 16 cas où la femme qui a tenté de fuir la communauté a été tuée par son conjoint 48 heures après être retournée auprès de lui. C'est inacceptable, totalement inacceptable. Les personnes qui ont survécu à la violence, que ce soit des femmes ou des enfants, ne devraient jamais connaître un sort pareil.
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Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins qui comparaissent aujourd'hui. J'ai la chance d'être ici aujourd'hui parce que notre critique en la matière, Irene Mathyssen, ne pouvait assister à la séance. Mais je suis ravi de la remplacer, car j'ai passé ma vie dans les Territoires du Nord-Ouest et j'ai été un témoin quotidien de ces problèmes et je suis à même d'en observer les répercussions.
J'aimerais traiter brièvement des travaux de prévention qui ont été faits. Je me souviens que quand j'étais maire de Fort Smith, à la fin des années quatre-vingt, nous avons tenu la première marche « La rue, la nuit, femmes sans peur ». Certains hommes, réagissant de manière fort surprenante, s'étaient sentis terriblement menacés. Mais ces marches ont continué d'avoir lieu et cette réaction s'est dissipée au fil du temps.
Que pouvons-nous faire dans le Nord pour continuer de sensibiliser les hommes à leurs rôles, leurs responsabilités et leurs relations avec les femmes dans la société? Devrions-nous intervenir davantage dans les écoles ou lancer une campagne nationale de sensibilisation des hommes afin de poursuivre les efforts accomplis en ce sens?
Que pensez-vous que nous devrions faire au chapitre de la prévention?
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Merci d'avoir posé cette question, Dennis.
D'après ce que je puis constater sur le terrain — et je dois dire qu'il m'est souvent impossible d'intervenir à l'échelle de l'ensemble de la communauté, en raison de la charge de travail qui m'incombe — selon ce que je peux voir maintenant et ce que je voyais lorsque je travaillais dans l'est de l'Arctique... Dans cette région, je m'occupais des dossiers d'abus à caractère sexuel. À mes premiers pas dans le Nord, j'ai visité toutes les collectivités éloignées jusqu'à la terre de Baffin et je me demandais bien comment j'allais m'y prendre pour régler tous les problèmes que je pouvais constater. Je me suis alors dit que je ne pouvais pas agir seule. Il me fallait nouer des liens au sein des collectivités et trouver sur place quelques hommes bien solides qui allaient pouvoir dénoncer les abus à l'égard des enfants.
Je pense que nous devrions faire la même chose dans les Territoires du Nord-Ouest. J'estime qu'il nous faut intervenir au niveau local.
Je ne crois pas que les gens veuillent s'attaquer au problème de la violence. Ils savent bien que la violence est condamnable, mais ils craignent de prendre la parole. J'estime donc qu'il nous faut absolument nous adjoindre des hommes capables de parler de violence au sein de leur collectivité.
Je suis également tout à fait favorable au programme de sensibilisation dans les écoles. Je pense que nos jeunes enfants doivent apprendre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Bien que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ait adopté une politique de tolérance zéro, il arrive que des membres de mon personnel soient verbalement pris à partie par des visiteurs à mon bureau. Je me montre tout à fait inflexible en pareil cas; ces visiteurs sont avisés que leur comportement n'est pas acceptable. Il faut s'adresser aux gens de façon appropriée.
Je mettrais certainement tout en oeuvre pour m'assurer le concours d'un plus grand nombre d'hommes qui pourraient parler de violence dans les collectivités. Sinon, en l'absence de modèles semblables, je ne crois pas que beaucoup de changements interviendront.
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Nous nous efforçons surtout à ce moment-ci de stabiliser notre réseau de refuges, car sans les refuges, nous n'avons rien. Il n'y en a pas suffisamment.
Si vous me permettez de revenir en arrière, pour offrir de la formation aux femmes autochtones et aux femmes des territoires, nous avons misé sur un projet de trois ans, dont j'ai d'ailleurs parlé devant votre comité il y a peut-être un an et demi, qui porte sur la façon d'intervenir auprès des femmes marginalisées — c'est-à-dire les femmes qui vivent dans les refuges, les foyers pour sans-abri ou chez des connaissances. Elles ont pu participer à ce programme de trois ans pour apprendre des métiers non traditionnels.
Nous avons eu un problème de financement et ce projet a été en quelque sorte paralysé. Comme le gouvernement nous avait accordé trois ans pour travailler auprès des femmes marginalisées, ces femmes sont actuellement dans le système avec nous. Nous défendons leurs intérêts. Nous n'avons pas de fonds pour la dotation, mais les femmes participent toujours au programme et nous guidons leur cheminement. Lorsqu'elles s'adressent à nous, elles ont accès à tout un éventail de services. Alors, si elles ont besoin d'un logement ou de services de garde, si un obstacle se dresse sur le chemin de leur réussite, le projet a des fonds pour les aider par l'entremise de RHDCC et du MAINC.
Nous avons eu de belles réussites. Il y a des femmes qui étaient dans des refuges. Certaines femmes qui dormaient chez des connaissances ont maintenant un emploi chez DeBeers où elles participent à un programme de formation en apprentissage. Les chiffres ne sont pas nécessairement très impressionnants, mais sur un total de 30 femmes, 5 suivent maintenant un programme de formation en apprentissage et travaillent. Elles n'exercent pas nécessairement un métier, mais l'une d'elles est bibliothécaire dans sa localité.
Si nous voulons aider les femmes, il est absolument essentiel de leur donner accès aux outils nécessaires à leur réussite. Si on se contente de mesures à la pièce, elles se heurteront à la prochaine étape à un obstacle insurmontable.
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J'ai du mal à répondre à cette question.
À mon avis, l'origine de la violence qui sévit ici, c'est la colonisation, ainsi que l'oppression et les traumatismes qui ont eu une incidence sur des collectivités entières.
En plus, il y a d'autres facteurs de stress qui ajoutent certainement aux tensions. La pauvreté a un impact énorme sur les familles. C'est très difficile d'être pauvre. Il faut fournir des efforts énormes afin de répondre aux besoins courants. C'est un facteur de taille.
Je répète, c'est le logement qui est le facteur principal. Nous sommes confrontés à tant de situations de surpeuplement. Il en résulte des tensions et, pour corollaire, des disputes. Au refuge, nous recevons de nombreuses demandes de femmes qui viennent du Nunavut et de petites collectivités dans notre territoire cherchant à s'établir à Yellowknife où il y a davantage de services et de logements, bien que nous n'ayons certainement pas suffisamment de logements. On voit cette migration. On constate la pression. Les agences et les femmes elles-mêmes disent: « Nous nous sentons coincées. »
Pour ma part, le facteur clé est l'énorme rupture culturelle qui a eu lieu sur une longue période et qui se fait toujours ressentir, à laquelle s'ajoute la situation du logement.
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En fait, les deux sont possibles.
Le développement des ressources du Nord génère des revenus supplémentaires. Cependant, nous constatons, notamment dans cette région et également au Nunavut, que lorsque le mari ou le soutien de famille va travailler dans les mines ou sur l'oléoduc, il gagne un gros salaire et, en rentrant, il fait quelques arrêts et l'argent disparaît. Il rentre à la maison sans le sou. Le loyer n'est pas payé et il n'y a rien à mettre sur la table.
Ce phénomène aggrave, bien sûr, toute situation de violence familiale, parce que maintenant le logement est précaire, il n'y a rien à manger et aucun service de base. Je ne sais pas comment nous allons changer la situation. Dans bien des cas, il s'agit de personnes qui ont eu des revenus fort limités et qui maintenant gagnent des sommes importantes. Lorsqu'on se retrouve avec beaucoup d'argent tout d'un coup, on est fort tenté de le dépenser.
Il y a également les dépendances, notamment l'alcoolisme, qui accaparent tout l'argent. Nous entendons de nos contacts dans le Nord que la plupart de l'argent gagné est dépensé avant même que les familles ne le voient.
Cela conclut cette série de questions, mais il nous reste quelques minutes avant de terminer.
Sans trop insister, je tiens à faire des observations sur les propos de mes collègues, c'est-à-dire que vous formez vraiment une collectivité à part, bien que je doive ajouter que, dans le Nunavut, nous avons également observé la même conscience de posséder un caractère unique. J'ignore si c'est l'effet des territoires, le fait de vivre à plus petite échelle... Madame Nelson, vous désignez vos collègues par leurs prénoms. En Colombie-Britannique, la hiérarchie est omniprésente dans tous les services gouvernementaux. Elle part du sous-ministre et englobe cinq sous-ministres adjoints et six directeurs généraux. Avant d'arriver aux travailleurs de première ligne, on peut difficilement la faire bouger. Là réside peut-être le secret de votre réussite. Débarrassons-nous sans tarder des hiérarchies.
C'est important, et nous avons de nombreuses pratiques exemplaires à apprendre de vous et du Nunavut. Quand nous sommes passées par là, nous avons entendu la même chose.
Je tiens à aborder deux ou trois questions. Dona a parlé du phénomène, peu connu ici, qui consiste à crécher temporairement chez des amis, à tour de rôle. Ce n'est pas à cause du froid. C'est une façon, pour les femmes, de passer inaperçues. À Vancouver, et dans les grandes villes, c'est plus fréquent qu'on ne pourrait l'imaginer; il permet aux femmes de passer inaperçues. Les services à l'enfance et à la famille ignorent qu'elles n'ont pas de logement. Comme elles passent inaperçues, elles gardent leurs enfants.
Je tenais à en parler un peu. Mme Lacey a dit quelque chose de très important, qui m'a remuée. « J'ai essayé, vraiment essayé. J'avais beau me démener et être confuse, on m'a quand même pris mes enfants ». Au coeur de tout ce problème, se trouve l'éclatement des familles. Et il est extrêmement traumatisant pour les enfants qui sont déjà traumatisés par le fait d'être témoins de la violence familiale, par le départ de l'un des parents, invariablement la mère, d'être ensuite arrachés des bras de cette mère. On peut voir comment, d'une génération à la suivante... Nous savons que 45 p. 100 des enfants qui vivent la maltraitance familiale deviennent eux-mêmes violents quand ils sont adultes ou ils se lient à des personnes violentes. Il y a donc transmission aux générations qui suivent.
Sheila, il faut que je pose la question, et elle est difficile. Je n'essaie pas de vous complimenter parce que vous êtes dans une situation sans issue. Je vois que vous semblez vraiment comprendre la situation et vous en soucier. Mme Lacey m'a vraiment émue quand elle a dit qu'elle s'était néanmoins fait enlever ses enfants. Dans beaucoup d'endroits que nous avons visités, l'une des craintes les plus grandes des femmes qui signalaient la violence, c'est de ne pas savoir où aller ensuite; il n'existait pas de refuge pour elles, et, dans les communautés isolées, elles sont tout simplement coincées. Comme vous l'avez dit, elles n'ont pas l'argent pour payer le billet d'avion qui leur permettrait d'aller là où se trouvent des refuges. En outre, la durée d'accueil de ces endroits est limitée: 30 jours en certains endroits, mais six jours, c'est vraiment peu. Dans les faits, donc, elles ne bougent pas de l'endroit où elles se trouvent et elles continuent de vivre la violence.
J'ai entendu quelque chose de vraiment important, et je tiens à en savoir davantage. Le logement, bien sûr, est une question qui revient sans cesse, mais j'ai entendu une autre raison pour laquelle les femmes ne fuient pas une situation de violence: c'est que, en sortant du refuge, elles reçoivent si peu d'aide sociale pour payer le loyer... Nicole a soulevé la question plus tôt. Nous avons entendu que, dans certaines régions, le parent d'un foyer d'accueil peut obtenir 2 500 $ par mois pour s'occuper de trois enfants, tandis que la mère de ces enfants obtient environ 600 $ pour le même travail. Je ne demande pas qu'on me dise ce qui ne va pas, dans ce système; c'est une évidence. Qu'on m'indique plutôt des remèdes. Tout le monde est au courant, et il existe sûrement un préjugé inhérent. Je comprends que les femmes qui ont souvent été victimes de violence ne font pas de bons parents, tellement elles ont été battues, mais nous pouvons sûrement intervenir pour leur donner... Faute de leur trouver un logement, nous pouvons au moins leur payer un logement convenable du marché, si nous pouvons le faire pour le parent d'un foyer d'accueil.
Je pose précisément cette question à Sheila et à Barbara, d'abord, puis j'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
Sheila, que pouvons-nous faire pour empêcher cette véritable injustice et cette très grande tragédie?
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la violence faite aux femmes autochtones.
Vous savez que les comités permanents sont constitués de membres des quatre partis. En général, ils échappent à la partisanerie politique, parce que nous sommes des parlementaires et que nous voulons tous unir nos efforts. Nos constatations et notre rapport seront d'abord présentés au Parlement, puis, bien sûr, au gouvernement, qui dispose de 90 jours pour répondre au rapport et aux recommandations.
D'après les Soeurs par l'esprit, on a dénombré au pays plus de 580 cas de femmes autochtones disparues et assassinées. À la suite de cela, on a réclamé une enquête nationale. Nous savons que c'est un problème auquel, avec les meilleures intentions parfois, on a essayé de remédier depuis longtemps, sans beaucoup de succès. La plupart des gens nous disent que la question a été étudiée sous toutes ses coutures, mais, justement, nous n'essayons pas de l'étudier. Nous connaissons les données et les statistiques. Ce que nous voulons vraiment, c'est échanger avec les gens, sur le terrain, et voir s'ils peuvent discerner le coeur du problème, nous désigner les causes profondes et nous préciser la nature et l'étendue de la violence pratiquée contre les femmes autochtones. Je parle ici des différentes formes de violence. Comme vous le savez très bien, la violence peut être sexuelle, physique, psychologique, ancrée dans le système. Le racisme est une forme de violence.
Nous voulions donc examiner la nature et l'étendue de la violence. Nous voulions également scruter ses causes profondes, et je pense que nous entendons à satiété ce qu'elles sont. Mais nous préférerions également entendre les solutions que vous pouvez nous offrir — des solutions innovantes, parce que les bonnes vieilles recettes n'ont pas fonctionné. Nous aimerions donc entendre des solutions originales, qui s'appliquent aux causes systémiques, mais nous tenons à ce que vous soyez aussi franches et honnêtes avec nous qu'il est possible de l'être.
Cela dit, je vais faire les présentations. Quatre groupes sont représentés ici aujourd'hui. Nous vous accorderons entre cinq et sept minutes, qu'il ne faut pas dépasser. Si, de temps à autre, vous regardez dans ma direction, je vous ferai un petit signe pour vous indiquer s'il vous reste moins d'une minute, auquel cas, vous devez conclure votre exposé, pas immédiatement, mais en une vingtaine de secondes.
Nous commencerons avec la Native Women's Association of the Northwest Territories. Son porte-parole est Therese Villeneuve, qui est accompagnée de Mme Thomas. Merci.
Madame Villeneuve.
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Mahsi cho de m'avoir invitée.
[Le témoin s'exprime en déné.]
Je vous remercie d'avoir pris le temps de visiter Yellowknife et de venir constater de vos yeux ce qui se passe dans le domaine de la lutte contre la violence faite aux femmes autochtones des Territoires du Nord-Ouest. Comme vous le savez probablement, l'incidence de la violence est beaucoup plus élevée dans notre territoire. D'après les statistiques, elle est sept fois plus élevée qu'ailleurs, et nous savons que, en réalité, elle l'est sans doute encore beaucoup plus.
Ces statistiques n'ont pas évolué ces dernières années, et, dans de nombreux cas, la gravité des agressions semble augmenter. Je parle ici de la mort de conjointes. Les femmes sont parfois rouées de coups chez elles.
Les peines imposées ne sont pas en rapport avec la gravité de ces agressions. Comme vous pouvez bien vous l'imaginer, l'avenir ne permet pas de prévoir une baisse du phénomène, compte tenu du nombre d'enfants qui sont les témoins de ces actes de violence.
Pardonnez-moi, parce que, parfois, cette question soulève beaucoup d'émotions, particulièrement chez les femmes autochtones.
La Native Women's Association of the Northwest Territories a été établie et constituée en société sans but lucratif sous le régime de la Societies Ordinance, en 1978. Son siège est à Yellowknife. Nous offrons un programme de services aux victimes, un programme de mise en valeur des ressources humaines pour les Autochtones et un centre de formation à plein temps pour les adultes autochtones. Nous avons également signé un accord de contribution avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada, pour piloter un programme d'alphabétisation et de notions de calcul particulièrement adapté aux besoins des élèves de tous les Territoires du Nord-Ouest.
Le financement de base, accordé par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, nous permet de doter les postes de directeur, de gestionnaire financier et d'adjoint administratif. Notre association parraine également des ateliers et des manifestations spéciales telles que les dîners des Soeurs par l'esprit, des programmes de judo qui s'adressent aux jeunes, etc. L'un de nos principaux services, à Yellowknife, est directement relié au sujet dont nous discutons aujourd'hui.
La mission des services aux victimes de Yellowknife est d'offrir un appui de compassion ainsi qu'un service d'information et d'orientation sur le système. La majorité de nos clients sont des femmes autochtones; cependant, nous voyons également des hommes et des femmes non autochtones. Nous avons à notre service un coordonnateur et un travailleur qui fournit des services aux victimes. Nous embauchons également un moniteur qui s'occupe de la formation des bénévoles, à qui nous confions le travail après les heures normales. Nous fournissons un service de 24 heures, qui comprend l'accompagnement et la préparation judiciaires, un appui utilisant les déclarations de la GRC, des énoncés d'impact sur les victimes, de l'information sur le système de justice pénale, un appui psychologique, de l'intervention en situation de crise et un service d'orientation. Nous voyons principalement des victimes de Yellowknife, mais la demande dans les collectivités dépourvues de travailleurs fournissant des services aux victimes est de plus en plus forte.
Le quart des victimes bénéficiant des services d'aide aux victimes sont des femmes autochtones adultes victimes de crimes violents et graves. Nos programmes au centre de formation sont l'objet d'une demande sans cesse croissante. De nouveaux fonds fournis par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et par le gouvernement fédéral nous ont permis de les diversifier et de concentrer nos efforts sur l'élaboration de programmes de cours.
Actuellement, une quinzaine d'élèves sont inscrits à notre programme d'éducation et de cours préalables à l'emploi donné aux adultes. Nos cours continuent d'insister sur les mathématiques, l'anglais, l'informatique, les aptitudes à l'emploi et les aptitudes à la vie quotidienne, y compris aux activités traditionnelles. C'est un programme unique en son genre. Nous l'accordons principalement aux femmes qui sont très peu alphabétisées et qui possèdent très peu de notions de calcul et qui seraient laissées à elles-même, puisqu'aucun autre programme semblable, qui prend en compte la totalité de la personne, n'est offert à cette population.
La difficulté, et elle est de plus en plus grande, c'est d'obtenir un financement renouvelé tous les ans pour cette tranche de la population. Les fonds du ministère des Affaires indiennes et du Nord ainsi que d'autres ministères fédéraux ne sont pas disponibles pour l'engagement à long terme dont a besoin cette population. Nous croyons que si le gouvernement fédéral est sérieux dans sa volonté de réduire la violence contre les femmes autochtones, il investira dans l'éducation et le logement pour les femmes qui composent cette population.
Nos élèves veulent changer leurs vies, mais elles doivent affronter de nombreuses difficultés, notamment les toxicomanies, le fait d'être sans abri, la pauvreté, la violence dans leurs vies et l'absence de services de soins à l'enfance, parce que beaucoup de femmes dont nous parlons sont elles-mêmes mères monoparentales. La meilleure façon de réduire la violence contre les femmes autochtones est de les instruire. Parmi les autres ressources qui manquent, mentionnons les travailleurs et les conseillers d'intervention sur le terrain. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ne voit pas la nécessité de financer ces ressources.
Contre la violence faite aux femmes autochtones, le gouvernement fédéral pourrait notamment modifier le processus de financement à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. Une autre solution serait un programme de sensibilisation national, assorti d'un programme d'éducation à l'échelle locale et nationale, pour sensibiliser les gens à la maltraitance en milieu familial, à l'exploitation sexuelle, à l'alcoolisme et aux toxicomanies.
Vous avez parlé des causes profondes. Eh bien l'une de...
La présidente: Il vous reste 30 secondes.
Mme Therese Villeneuve: D'accord. Je veux tout simplement insister sur les causes profondes.
Comme vous le savez, beaucoup d'entre nous ont souffert des séquelles des pensionnats. Les peuples autochtones n'étaient pas violents dans le passé. Les hommes ne violentaient pas leurs épouses, leur famille. Nous avons été élevées en contact avec la nature. Les femmes étaient très respectées.
Je pense que si nous voulons revenir à cet état, on pourrait vraiment appuyer, notamment, le programme d'enseignement traditionnel. Nous pouvons retourner en arrière et remettre en vigueur tout le respect dans lequel nous sommes nés, auquel nous étions habitués et dans lequel nous vivions, parce que nous vivions notre culture autochtone. La situation dans laquelle nous vivons actuellement ne fait pas partie de notre culture autochtone.
La présidente: Pour le YWCA.
Mme Lyda Fuller: C'est exact, pour le YWCA, mais je veux vous parler de notre refuge pour les femmes victimes de violence et leurs enfants.
Je ne vous parlerai pas en détail des statistiques. Elles sont données ici. Il y a une très forte prévalence dans le Nord.
Je vous dirai simplement que les femmes de la plupart des collectivités des Territoires du Nord-Ouest ont beaucoup de mal à avoir accès à des services et à du soutien pour échapper à la violence. Les Territoires ne comptent que cinq refuges, qui desservent 33 collectivités dispersées sur une vaste superficie. Les femme qui vivent dans une collectivité dépourvue de refuge doivent faire appel au travailleur des services sociaux pour qu'il évalue la possibilité de payer les frais de transport jusqu'à un refuge. Il n'est pas rare que ce travailleur ait des liens avec le conjoint de qui la femme essaie de s'échapper.
La violence commence au début de la relation et se poursuit lorsque le couple a des enfants. De très jeunes femmes, déjà mères plusieurs fois, sont venues cogner à la porte de notre refuge à maintes reprises. Elles se trouvent pieds et mains liés en raison de leurs enfants au moment où elles pensent à se défendre. Les femmes ne voient aucune issue. Le fait qu'elles doivent s'occuper des enfants, que les options de logement sont restreintes et que la collectivité leur inflige des sanctions lorsqu'elles dénoncent la violence dont elles sont victimes sont autant d'obstacles qui les empêchent d'aller chercher de l'aide.
Les femmes utilisent les refuges pour bénéficier d'une période de répit qui leur permet de se ressaisir avant de retourner dans leur milieu. Même les aînées fréquentent les refuges dans cette optique. Des femmes de 60 et de 70 ans portant plusieurs vieilles fractures ont trouvé refuge chez nous après avoir été abandonnées dans la neige.
Souvent, les femmes ne croient pas que les choses peuvent changer, car la violence est endémique. Elles ne connaissent rien d'autre que la violence. Les femmes éprouvent de la sympathie pour leurs partenaires, qui, dans de nombreux cas, ont été agressés eux aussi. Il suffit de jeter un coup d'oeil aux causes profondes du désordre culturel, notamment les pensionnats, pour constater que tous les membres de la collectivité souffrent. Généralement, les femmes ne considèrent pas que le système leur offre un véritable soutien. Elles veulent que la collectivité dans son ensemble guérisse.
Nous observons principalement de la violence psychologique et physique, sous une multitude de formes: des femmes qui font une fausse couche au refuge parce qu'elles ont été battues, des femmes qui ont beaucoup de mal à marcher en raison des coups qu'elles ont reçus, des femmes qui sont battues à mort après avoir quitté le refuge. Nous voyons des femmes qui ont été séquestrées et agressées physiquement pendant de longues périodes, qui remettent à leurs enfants des notes à apporter à l'école pour demander de l'aide. Nous voyons des femmes qui ont sauté d'un véhicule dans le stationnement du magasin d'alcool pour s'engouffrer dans un taxi afin de se rendre dans un refuge.
De nombreuses jeunes femmes du Nunavut font appel à notre refuge de Yellowknife. Ces femmes sont encore plus isolées que celles de notre territoire: le transport coûte cher et nous sommes souvent leur solution la moins coûteuse.
Les ressources sont rares ou Nunavut. Au nom du Nunavut, je vous implore de soutenir davantage les refuges de ce territoire, car les besoins sont grands. Les femmes se résignent à retourner dans leur sombre situation. Certaines femmes des petites collectivités du Nunavut ont des enfants handicapés. Elles ont beaucoup de mal à s'en sortir. Il arrive que le conjoint fasse emménager une autre femme dans leur maison tandis qu'elles sont au refuge. Que leur reste-t-il? Ces femmes ne sont pas autonomes financièrement et cela leur laisse parfois peu d'options.
Récemment, une mère et ses cinq enfants ont été logés dans des cellules d'une prison du Nunavut, parce qu'il s'agissait pour eux de l'endroit le plus sécuritaire en attendant d'organiser leur transport par avion. Nous constatons toutefois que les partenaires n'hésitent pas à suivre leur conjointe jusqu'au refuge, où qu'il soit. Ils passent devant le refuge en s'assurant d'être vus, de nous et des femmes elles-mêmes. Cela devient une menace en soi. C'est intéressant d'entendre les collectivités et les agents d'orientation nous dire que les femmes viennent consulter. C'est leur problème, et elles viennent chercher de l'aide.
Nous facilitons la délivrance d'ordonnances de protection d'urgence. C'est une option très utile pour les femmes qui vivent là où la GRC est présente, sinon, ce n'est pas possible. Nous avons eu des appels de femmes ayant obtenu la délivrance d'une ordonnance de protection d'urgence et qui se sont retrouvées sans nourriture pour elle-même et le bébé et sans couches après le départ de leur conjoint. Nous leur apportons ce dont elles ont besoin, mais la dépendance financière tisse un lien étroit envers un conjoint violent.
Les femmes les plus vulnérables ne bénéficient pas d'un bon réseau de soutien à long terme. Nous tentons d'assurer leur sécurité dans nos logements de transition, mais si les autres locataires ont peur du conjoint, cela devient très difficile. Nous avons demandé la délivrance d'ordonnances de protection d'urgence, et cela s'est avéré utile.
J'aimerais vous parler finalement du travail que nous faisons avec les autres groupes de femmes dans les 11 villages qui n'ont pas d'agent de la GRC sur place. Je crois que ce travail est un volet clé de ce que nous voulons faire. Les collectivités doivent se guérir et pouvoir compter sur le développement communautaire.
Le ragoût et le pain bannock sont prêts. Nous sommes heureux de vous accueillir et vous êtes tous les bienvenus.
Je vous remercie de m'accorder quelques minutes pour m'adresser à vous, même si ce n'était pas prévu.
C'est quelque chose d'absolument essentiel pour nos services, car selon les définitions établies par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, les femmes habitant dans nos refuges ne sont pas considérées comme des femmes battues ou des femmes fuyant une situation de violence, bien que ce soit le cas pour chacune d'entre elles.
Notre refuge est classé dans la catégorie des refuges pour sans-abri, et nous recevons environ le tiers du financement dont bénéficient au moins certains refuges pour femmes battues.
J'aimerais notamment vous parler de notre travail, pourquoi ce que nous faisons est important et en quoi l'approche que nous adoptons est différente. Je tiens entre autres à signaler les obstacles systémiques auxquels nous nous butons en tant qu'organisme d'aide aux femmes marginalisées, et ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation.
Le Centre pour les familles du Nord a été fondé il y a 20 ans. J'y suis arrivée à 18 ans. J'ai fait de l'autostop pour fuir la ferme familiale, où j'étais victime de violence et d'abus sexuels. Je suis arrivée dans cette collectivité, où j'ai rencontré des filles et des femmes de N'dilo et de Dettah et les filles d'Akaitcho Hall, en qui j'ai trouvé une véritable famille, des femmes qui avaient vécu semblablement les mêmes choses que moi. Elles m'ont ouvert les bras et m'ont aidée à surmonter les difficultés que j'ai éprouvées alors que je tentais de me retrouver émotionnellement et physiquement afin de contribuer à fond à la collectivité dans laquelle j'avais choisi de m'installer.
Au fil des ans, le Centre pour les familles du Nord est né de l'entraide que s'apportait le groupe de femmes en difficulté que nous étions. Le tout a commencé avec des femmes qui avaient perdu leurs enfants aux mains des services sociaux, des femmes qui ne comprenaient rien aux documents qui leur étaient présentés en anglais, elles qui ne connaissaient pas cette langue et qui voyaient un système qu'elles ne comprenaient absolument pas leur enlever leurs enfants. Le Centre pour les familles du Nord possède une solide expérience en la matière.
Certaines personnes ont parlé plus tôt du mentorat et de l'importance qu'il revêt, et aussi de l'importance de considérer le vécu d'un intervenant comme un réel avantage lorsqu'il s'agit d'offrir des services à des femmes qui fuient la violence.
Le Centre pour les familles du Nord accorde en effet la priorité aux femmes autochtones et inuites dans ses programmes d'embauche et de formation. Des femmes autochtones occupent d'ailleurs des postes de gestion et de direction au sein de notre organisme. Nous rencontrons les chefs des collectivités. En fait, j'ai rencontré la semaine dernière le chef d'une petite collectivité qui s'est montré très réceptif, un homme très aimable et très drôle. À la fin de notre rencontre, il m'a dit qu'il ne pouvait pas rester là à parler des femmes toute la journée. Je lui ai répondu que j'avais terminé, et qu'il aurait tout le loisir de parler des hommes après mon départ.
Dans le Nord, les gens du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest ont généralement entendu parler du Centre pour les familles du Nord, et nous devons cette reconnaissance à l'Ordre du Canada que nous avons reçu pour notre travail. Mais surtout, nous recevons des appels de gens d'un peu partout aux Territoires et au Nunavut pour nous remercier lorsque nous osons prendre publiquement la défense des victimes de la violence au sein de la population du Nord en général, les femmes en particulier.
J'aimerais mettre l'accent sur le fait que la colonisation est à l'origine de la situation telle qu'elle est aujourd'hui, mais l'escalade de la violence faite envers les femmes est en partie attribuable, à mon avis, à l'oppression qui se poursuit. Les pensionnats sont toujours là. Cette méthode n'est pas disparue, elle est toujours présente. Elle a tout simplement pris la forme du système de placement familial et d'autres systèmes oppressants, comme le régime de soutien du revenu, les centres correctionnels et tous les systèmes qui reposent sur une approche véritablement européenne, qui est très loin de la façon dont la population du Nord fait les choses.
Je me souviens d'une étude réalisée dans une région des Territoires du Nord-Ouest qui démontrait que quatre filles sur cinq étaient abusées sexuellement avant l'âge de 18 ans, et que trois garçons sur cinq l'étaient aussi avant l'âge de 18 ans. Cette étude a été menée il y a longtemps.
Je souligne que deux défis se dressent devant nous. En fait, il y en a beaucoup plus, mais je veux me concentrer sur deux défis bien précis aujourd'hui. Il y a d'abord la violence raciale, que l'on trouve en forte concentration aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.
Ce qui complique aussi les choses, c'est qu'il s'agit de violence sexiste, pas de violence familiale. J'ai l'impression que nous n'avons pas le droit de parler d'autre chose que de violence familiale aux Territoires du Nord-Ouest. Selon moi, c'est parce que les gens veulent que ce soit perçu comme un problème familial plutôt qu'un problème sociétal ou systémique.
J'aimerais aussi parler de ce que cela signifie. Je reviens à ce que Lyda a dit, c'est-à-dire que la collectivité vit une véritable angoisse existentielle; on réalise que tout le monde est en difficulté, pas seulement les femmes. Que faire quand tout le monde souffre?
Je voulais notamment souligner que les gens ne se reconnaissent absolument pas dans ces mesures systémiques fondées sur une approche européenne. Ce sont des mesures très discriminatoires et punitives. Je précise que 97 p. 100 des enfants pris en charge par le système de protection de l'enfance des Territoires du Nord-Ouest sont autochtones. C'est un chiffre faramineux si on pense que le pourcentage est de 50 p. 100 dans l'ensemble du Canada, et certains diront même que c'est déjà trop pour le soutien qui est censé être offert aux familles.
Dois-je conclure?
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Bonjour. Je suis un peu nerveuse. C'est formidable, n'est-ce pas?
Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis la fille de John et Mary Head de la Première nation de Mistawasis. Je suis Dakota-Cri, née à l'époque du traité no 6. J'ai exercé les droits que me confère ma nation et ma liberté de circulation et d'établissement, et je me suis jointe à la Première nation Lutsel K'e lorsque j'ai épousé mon conjoint, Denis Sikoulin.
J'aimerais également rendre hommage aux enseignements de mes aînés, cela m'aidera moi aussi. Ils me disent que lorsque je prends parole dans de telles occasions, je dois bien préciser que je ne parle pas au nom de tous les Autochtones. Je dois aussi prendre un moment pour prier, car mes ancêtres vivent en moi, et j'espère avoir une influence sur l'avenir.
J'ai envie de pleurer. Je dois me calmer. Je vais prendre une minute pour le faire. J'espère que cela n'offensera personne.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Je vous demande de venir parler avec moi aujourd'hui, mon grand-père, mon aide. Créateur, je vous remercie encore de m'avoir donné la vie et de me permettre de partager ce vers quoi vous me guider. Pardonnez-moi si je ne dis pas ce qu'il faut et si je blesse des gens.
En tant que présidente du comité des peuples autochtones des Territoires du Nord-Ouest, j'estime qu'il était très important de former un tel comité. En 1994, l'Alliance de la Fonction publique du Canada, le syndicat, s'est aperçu que les peuples autochtones n'étaient pas reconnus comme tels au Canada. Cette idée progressiste du syndicat devait être appuyée par un exposé de principe. J'aimerais vous en lire quelques extraits et vous parler brièvement de notre collectivité du Nord, car nous sommes très engagés envers la justice sociale. Je tiens aussi à vous dire que j'ai moi-même fréquenté un pensionnat, et je fais partie des personnes qui ne reçoivent pas la reconnaissance qu'elles méritent. Le gouvernement a décidé que ce nous avons vécu n'existait pas. Je suis également parent d'une famille d'accueil et membre de la collectivité.
La politique de 1994 prévoit que l'Alliance de la Fonction publique « soutient le droit des peuples autochtones à l'autodétermination, encourage tous les gouvernements du Canada à s'acquitter de leurs obligations historiques stipulées dans les traités... », et je me permets d'ajouter quelque chose ici.
Je crois que c'est très important, parce que beaucoup de Canadiens oublient qu'ils sont aussi visés par un traité. Nos écoles et nos gouvernements ne nous le disent pas. Les Canadiens sont aussi visés par des traités, car ces traités n'ont pas été conclus en vase clos seulement avec nous. Ils l'ont été au nom des Canadiens et du Canada. En tant qu'Autochtones, aujourd'hui, nous voulons bénéficier de ce traité comme en ont bénéficié les Canadiens.
Dans l'alliance, nous voulons inciter tous les gouvernements au Canada à respecter leurs obligations historiques issues de traités et nous réclamons le règlement de façon rapide et équitable de toutes les revendications territoriales. L'alliance croit que les Autochtones sont historiquement défavorisés, tant dans la société que dans le milieu de travail, et elle est en faveur de mécanismes visant à redresser ce préjudice.
Les Autochtones ont le droit de travailler dans la profession qu'ils ont choisie. L'alliance croit que les initiatives liées à l'équité en matière d'emploi sont pleinement justifiées et sont des mécanismes nécessaires pour que les Autochtones aient la possibilité de poursuivre la carrière de leur choix. L'alliance veillera à ce que notre syndicat soit entièrement accessible à tous les membres autochtones et qu'il représente vraiment leurs intérêts.
Ici, dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons formé un comité. Nous avons plusieurs objectifs, mais il y en a un qui me tient particulièrement à coeur. Nous travaillons avec d'autres organisations, nous formons des partenariats. Nous y croyons, car c'est une question de culture. Nous ne parlons pas des familles ou des personnes comme si elles étaient isolées; nous parlons de la nation et de la communauté. C'est la réalité; nous essayons encore de vivre de cette façon et lorsque nous sommes confrontés à certaines politiques, cela nous touche au coeur même de notre identité.
Quand ma soeur dit que certaines politiques nous touchent encore, c'est tout à fait vrai. Je sais qu'au sein de l'AFPC, nous nous pencherons sur les politiques systémiques qui favorisent l'assimilation et tuent notre culture. Nous allons examiner cela.
Nous voulons apporter notre soutien. Notre comité s'efforce d'appuyer les Autochtones, mais pas seulement au travail. On ne peut séparer la vie au travail, à la maison et dans la société; tout est lié. Nous voulons soutenir les Autochtones dans leur lutte pour le plein accès à tous les droits de la personne et aux libertés fondamentales liées à leur droit de préserver et de renforcer leurs propres traditions et institutions politiques, économiques et juridiques.
Nous voulons être actifs dans notre propre pays. C'est notre terre natale. Ce n'est pas comme si nous pouvions retourner quelque part. C'est ici. Nous voulons ce dont les gouvernements parlent et ce dont les fournisseurs de services parlent dans le cadre des partenariats. Nous ne voulons plus nous contenter de voeux pieux. Nous voulons participer.
Pour ce faire, ce qui doit d'abord être reconnu, c'est qu'en tant que femme autochtone — je vais maintenant parler en mon nom —, je suis née dans le racisme systémique. Il existait et il existe encore, alors quand j'entends toutes les choses que disent mes soeurs — et je vais en parler parce que je n'ai pas beaucoup de temps... Il y a encore beaucoup de services systémiques qui profitent aux fournisseurs de services et dont en viennent ensuite à dépendre les Autochtones.
Quand nous devenons dépendants, que perdons-nous? Nous perdons notre autonomie, et les gouvernements et les fournisseurs de services disent ensuite: « Mais nous le faisons pour votre bien ». Quand ils veulent mettre sur pied des cercles de guérison pour les enfants et les familles, par exemple, où nous pouvons faire quelque chose dans la communauté, il faut que ce soit selon leurs cadres culturels. Ils ne reconnaissent pas... Comme l'a dit notre président dans les Territoires du Nord-Ouest, Terry Villeneuve, nous avons des pratiques de mieux-être qui doivent être reconnues au même titre que certains services sociaux ou certaines traditions juridiques, et elles doivent devenir obligatoires, car elles fonctionnent pour nous.
De plus, il nous faut un financement éthique. Nous commencerons à obtenir un financement comme l'initiative Soeurs par l'esprit. Cela fonctionne très bien, n'est-ce pas? Le gouvernement s'en est emparé et l'a repris à son compte. Mais beaucoup de travail reste encore à accomplir.
J'aimerais vous en parler davantage.
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Je serai brève. Je crois que les services de soutien aux familles doivent recevoir du financement, car les mesures de lutte contre la violence ne concernent pas seulement les refuges pour femmes battues et les tribunaux.
Ensuite, au sud, il y a des gens dans les bandes pour représenter les enfants devant le tribunal, parce qu'ils sont des membres de la bande et qu'ils sont concernés par ce qui arrive. Cela n'existe pas dans le Nord. Il n'y a pas de représentant qui se rend au tribunal pour dire: « Nous sommes concernés par ce qui arrive ».
Il faudrait également qu'il y ait, à mon avis, des normes fixées par le gouvernement fédéral — elles ont été abandonnées au fil des ans —, ainsi qu'une analyse comparative entre les sexes. Le financement pour les femmes autochtones et inuites est essentiel pour qu'elles puissent se faire entendre, car leur voix est souvent étouffée par les collaborations. Les collaborations sont fantastiques, sauf si on doit respecter la ligne de parti. Vous savez mieux que quiconque à quel point cela peut parfois vous priver de tout pouvoir.
Il n'y a que deux autres éléments auxquels j'ai réfléchi. L'un d'eux concerne un soutien financier égal. À Yellowknife, par exemple, les parents n'obtiennent que 4,50 $ par jour pour nourrir leurs enfants. Les parents de familles d'accueil, eux, obtiennent un montant minimal de 25 $ par jour, et je crois qu'on consacre plus d'argent à nourrir les prisonniers que les parents n'en reçoivent pour nourrir leurs enfants. Le gouvernement fédéral doit donc agir concrètement pour uniformiser le financement ou expliquer les raisons pour lesquelles les enfants, qui sont les plus importants, obtiendraient des prestations différentes selon leur situation.
La dernière chose qui contribuerait, selon moi, à faire nettement avancer les choses, c'est de nous assurer que nous avons des programmes réparateurs qui sont adaptés sur le plan culturel. D'après mon expérience de travail de 30 ans dans le Nord, on a convaincu la population qu'il n'existe aucun problème systémique. Les Autochtones sont convaincus qu'ils ne sont que des ivrognes qui ne peuvent tout simplement pas s'en sortir. Il y a quelques années, le seul traitement qui leur était offert était une cure de désintoxication, car il ne s'agissait que d'ivrognes. Ce n'est pas ce que je constate. Je crois que des programmes réparateurs et adaptés sur le plan culturel, qui reconnaissent la colonisation et l'oppression constante, créeraient tout un changement dans les communautés autochtones et inuites.
Merci.
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Je tiens à souligner très brièvement qu'il y a des femmes qui apprécient les programmes.
Parlons de l'identité. Sharon McIvor a tenté de le faire en disant: « Ce n'est pas à vous de nous dire qui nous sommes. Écoutez-nous. » Elle a proposé des solutions, mais le gouvernement n'est pas allé plus loin.
Le gouvernement fédéral a donc un rôle à jouer. Il doit le prendre au sérieux et mettre en oeuvre nos accords sur les traités. Il doit commencer à appuyer l'Assemblée des Premières Nations au lieu de supprimer son financement lorsqu'elle fait quelque chose qui l'offusque.
Je parle donc de financement éthique. Le financement que vous accordez doit être géré par la communauté: de quoi avons-nous besoin, pour combien de temps? J'ai bien aimé ce que j'ai entendu tout à l'heure à propos des programmes, qui sont stratifiés plutôt qu'universels. Il y a certaines femmes... et je suis reconnaissante, car j'étais l'une de ces femmes qui vivaient dans la rue, et j'ai effectué une guérison par étapes. À Edmonton, il y a des programmes de ce genre, mais nous n'en avons pas dans le Nord. Nous n'avons qu'un centre de traitement. Les gens du Nord affirment depuis toujours qu'ils ne sont pas tous alcooliques. Tout le monde a d'autres problèmes liés à des traumatismes. Nous n'avons pas de tels services. Les communautés doivent préciser quels sont leurs besoins.
Je suis d'accord avec ma soeur Arlene quand elle dit qu'il nous faut du leadership. Nous avons un gouvernement; le gouvernement public est également le gouvernement autochtone. Il doit être reconnu en tant que tel. Le président pour les Territoires du Nord-Ouest demande aussi de nous donner du financement éthique, et pas seulement de nous dire: « Nous contribuons; voici le financement ».
Nous devons commencer à reconnaître la violence systémique, mais tant que le gouvernement fédéral n'examinera pas les politiques en vigueur qui nous oppriment ou nous assimilent, nous aurons les mains liées. Je crois qu'il doit le reconnaître et former des partenariats avec beaucoup de gens afin de corriger la situation.
Merci.
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J'ai vraiment de la difficulté, car vous parlez de la violence que subissent les femmes autochtones — je viens de publier un article dans le
Time à ce sujet — et vous parlez des femmes comme si nous étions séparées du reste de la collectivité, ce qui est très difficile. Si vous me faites mal, vous faites mal à mon enfant, vous faites mal à mon mari, vous faites mal à ma collectivité et vous faites mal à ma nation. Alors j'aimerais une démarche plus globale, peu importe ce que vous choisissez de faire.
Vous devez vous pencher sur la façon dont vous nous empêchez d'avoir notre propre nation. À cause du système actuel, notre terre est divisée, tout est divisé, parce que vous ne reconnaissez pas que nous formons une nation à part entière. Toute nation a besoin de sa terre.
Je le répète et je continuerai de le dire jusqu'à ma mort: c'est ma patrie, ici, mais on m'étudie à n'en plus finir, en tant qu'Autochtone et, maintenant, en tant que femme autochtone, sans arriver à me comprendre au moins un peu.
Je vis la décolonisation et c'est douloureux. Je peux exprimer ce qui arrive. Nous abordons des questions d'ordre public comme celle-ci et nous les exprimons, mais nous devons quand même les subir, puis nous en détacher. Malgré tout, peu importe les raisons, le Canada ne veut toujours pas vraiment corriger les injustices que nous avons subies et ainsi respecter notre traité et les ententes conclues avec les Inuits et les Métis. Il faut reconnaître la situation et assurer la rééducation, et partir du principe selon lequel notre peuple forme un tout qui vit encore beaucoup en harmonie avec sa terre et qui souhaite la coexistence.
En tant qu'infirmière, je le reconnais. Je prône la médecine traditionnelle. J'ai la chance inouïe de pouvoir offrir une démarche holistique aux personnes qui veulent avoir des choix.
Nous ne disons pas que rien ne va. Le Canada nous offre bien des bonnes choses, mais il faut que nous soyons reconnus en tant que nation. De grâce, reconnaissez que nous formons une nation globale, et adoptez une démarche globale.
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J'aimerais rapidement parler de notre expérience, quand nous avons conçu un programme, ou établi un partenariat en vue de mettre sur pied un programme de guérison destiné aux femmes du Nord qui ont été victimes de violence.
Les femmes qui ont participé au programme avaient vraiment beaucoup de mal à s'adapter à la thérapie d'origine européenne. C'est constant: les Autochtones du Nord, les Inuits et les membres des Premières nations de partout au Canada doivent toujours adapter leur guérison ou leur expérience à une démarche européenne qui ne fonctionne pas.
Donc, en fin de compte, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a cessé de financer ce programme parce qu'à son point de vue, il ne fonctionnait pas. Il n'est pas allé jusqu'à reconnaître les grandes découvertes que nous avions faites et à les mettre à profit.
L'autre aspect que je souhaite brièvement décrire, c'est que je vois deux problèmes, aux échelons fédéral et territorial, quand le gouvernement annonce l'affectation de fonds. Premièrement, les annonces de financement se font toujours dans le Sud. Comme vous le savez, tous les centres d'excellence dans tous les domaines se trouvent dans le Sud; cependant, c'est dans le Nord que sont les problèmes, là où il n'y a jamais de centre d'excellence. Nous n'avons pas les ressources en recherche pour démontrer que nous avons des solutions qui fonctionnent. Regardez seulement Sheway, à Vancouver. On en dit que c'est formidable, qu'il s'agit d'une bonne pratique, qu'on y dispense le meilleur service, et je suis d'accord. Nous faisons la même chose ici, mais on estime que nous sommes fous, décentrés, pas tout à fait corrects et complètement désorganisés, et que nous ne devrions pas obtenir de fonds. C'est parce que nous n'avons pas de lien avec la recherche ou les ressources longitudinales qui nous permettraient de démontrer que nous faisons un travail fantastique.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie toutes encore une fois d'être venues nous faire profiter de votre sagesse. Je m'en voudrais de ne pas vous dire que je remplace notre porte-parole, Irene Mathyssen, qui a dû s'absenter.
J'ai grandi dans une collectivité nordique de taille moyenne, ce qui m'a permis de voir la situation évoluer, et je suis tout à fait d'accord avec Lyda. Ce que j'ai constaté, c'est que l'amélioration du logement joue un rôle très important dans le développement de toute collectivité. Dans ma collectivité, l'amélioration de la situation a suivi celle du logement. Nous avions aussi des chefs de file. Soeur Sutherland a parrainé les refuges destinés aux femmes et aux familles. Dans une petite collectivité, cela apporte beaucoup... On trouve sans doute plus d'organismes et de conseils dans les grandes collectivités.
En ce qui concerne les petites collectivités, je veux aussi mentionner les groupes interorganisations. Nous avons eu un excellent groupe interorganisations composé non seulement de représentants des groupes sociaux, mais aussi des écoles, de la GRC et des bandes. Ce groupe se réunissait une fois par mois pour discuter des problèmes au sein de la collectivité. Il essayait d'adopter une démarche globale quant à l'utilisation de ses fonds et à sa façon de traiter les divers problèmes sociaux. Parfois, c'est ce genre d'organisme qui permet à une collectivité de taille moyenne d'obtenir davantage de ressources.
Therese, je n'ai pas votre expérience d'une petite collectivité comme Fort Resolution. J'aimerais vraiment que vous nous donniez la perspective d'une petite collectivité, que vous nous parliez de la façon dont ces problèmes ont évolué au cours de votre vie, des options qui seraient positives pour vous et de ce qui n'a pas fonctionné dans votre petite collectivité.
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Je viens d'une collectivité qui compte 400 personnes principalement autochtones — dans une proportion de 90 p. 100 je crois. Nous avons des problèmes de consommation. Ce n'est pas que l'alcool; il y a aussi des drogues. Je dirais que le changement que je constate, c'est que quand j'étais jeune, je ne voyais pas d'alcool. Je n'ai su qu'à l'adolescence ce que c'était. Les choses ont empiré par la suite et, maintenant, l'alcoolisme est très présent.
Dans les cas où ces problèmes sont liés aux conséquences des pensionnats, les réactions diffèrent. Les personnes enivrées n'agissent pas comme quand elles sont sobres. Dans certains cas, ce sont de bonnes personnes quand elles sont sobres, mais quand elles boivent, elles ont des problèmes différents.
Je m'inquiète pour les plus jeunes, parce qu'ils grandissent dans ce contexte de violence. Ils ont toutes sortes d'autres distractions, comme la télé et les jeux auxquels ils jouent; il n'y a que de la violence. On la voit. Elle est à la télé et, parfois, elle est dans leur propre foyer. Elle est dans leur collectivité. Ils grandissent dans cette violence.
Je m'inquiète vraiment des générations à venir. Au moins, quand j'étais jeune, je ne voyais pas de consommation d'alcool ou de quoi que ce soit d'autre. Certains des jeunes ne peuvent en dire autant, car l'alcool est partout, et non seulement dans ma collectivité. Ils ne peuvent même pas faire de comparaison entre le temps où les choses allaient bien et ce qui prévaut maintenant. C'est ce qui m'inquiète, surtout dans une petite collectivité qui ne leur offre pas de ressources.
L'été, quand je vais à Ottawa pour y assister à des séances, je crois qu'il serait formidable que les jeunes puissent voir ce qu'il y a là-bas. Il y a aussi du bon là-bas, mais les jeunes n'ont accès à aucun financement qui leur permettrait de sortir de leur collectivité, si ce n'est pour le sport. Il n'y a pas que les sports, dans la vie.
C'est ce qui m'inquiète, en ce qui concerne les jeunes, les générations futures.
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Je suis membre de la Première nation de Lutselk'e, laquelle est signataire d'un traité. À l'époque où je vivais dans la collectivité, mon beau-père, Morris Lockhart — avant qu'il nous quitte —, disait de l'éducation de nos jeunes qu'on les faisait regarder par la fenêtre, regarder la terre.
Quand je suis venue m'installer ici — la colonisation nous a causé beaucoup de souffrances et nous avons appris à catégoriser les gens — certaines personnes nous disaient que nous n'étions pas d'ici, et ainsi de suite, et cela nous blessait, bien sûr. Mais il y avait aussi cette aînée, qui nous a quittés depuis, Annie Calflick, qui me disait: « Tu sais, tu n'es pas d'ici. » En tant qu'êtres humains, nous le savons quand nous pouvons répondre en toute sécurité. Je lui ai donc dit: « Pourquoi dis-tu ça? Tu sais que ça me blesse. » Et elle m'a répondu ceci: « Eh bien, je sais, à la façon dont tu marches, que tu n'es pas habituée à cette terre. Il faut que tu crées cette relation. Alors, tu marcheras avec la terre. »
Cet enseignement ne se transmet pas en ce moment. Il n'est pas reconnu dans nos écoles. Mon beau-frère est un agent culturel; on n'a pas rendu obligatoire, à l'échelle du Canada, la reconnaissance des cultures autochtones et des perspectives locales. C'est bien que nous le fassions, mais ce n'est pas obligatoire et je crois qu'il faudrait que ce le soit. Nous allons dans la nature, comme bien des gens le font dans les collectivités, mais ce n'est pas reconnu comme le sont les sciences humaines. Comme l'a dit Therese, on n'estime pas que vous consultez un thérapeute quand vous participez à nos programmes de guérison en milieu naturel.
Cela ne signifie pas qu'un thérapeute ne peut pas venir, mais nos guérisseurs traditionnels ont beaucoup de difficulté à obtenir ce qu'il leur faut; je le sais car on m'appelle souvent au travail parce que je suis une coordonnatrice en bien-être autochtone. La politique de soins de santé est très discriminatoire. Ce qu'ils disent, c'est que si j'ai besoin de voir un neurologue, pas de problème, ils m'enverront à Edmonton. Je peux obtenir auprès d'un guérisseur traditionnel des services de santé non assurés, mais il faut que ce soit dans ma collectivité, dans ma propre province ou mon propre territoire. Je n'obtiendrai pas d'argent pour aller à l'extérieur.
En réalité — et ils ne s'en rendent peut-être pas compte —, cette politique comporte bien des préjugés. Elle s'appuie sur le principe selon lequel aucun effort de colonisation n'a cherché à étouffer la culture. On présume que toutes nos traditions sont connues partout, et ce n'est pas le cas. Nous devons aller dans d'autres provinces pour bénéficier de nos méthodes de guérison traditionnelles. Nous n'avons pas les moyens de le faire car c'est très coûteux.
Nous en revenons à la nécessité d'envisager globalement la politique. Nous reconnaissez-vous? Le Canada reconnaît-il qu'il y a coexistence avec une autre nation au sein du Canada? S'il n'y a pas reconnaissance de cet état de fait, tout le reste n'est que voeux pieux.
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J'ai élevé quatre petits-enfants. Ils aiment effectivement beaucoup la technologie. Comme ma soeur Therese l'a signalé, la technologie véhicule un message très violent. Pourquoi ne pouvons-nous pas collaborer avec les entreprises? Pourquoi nos bandes ne peuvent-elles pas s'associer avec les entreprises pour obtenir les outils technologiques?
Cependant, la terre est toujours présente. Nul d'entre nous ne pourrait vivre sans elle, n'est-ce pas? Nous devons, je pense, nous réapproprier les enseignements de nos aînés sur notre rapport à la terre. Ma soeur Arlene ici présente et moi — soeur à cause de nos affinités syndicales, et je ne veux blesser personne en employant ce terme —, nous estimons qu'il s'agit de renouer les liens pour nous retrouver.
Que préconise-t-on pour l'ensemble des Canadiens? Leur montrer la décolonisation. C'est une nécessité. On peut du jour au lendemain adopter, à notre insu, une attitude de colonisateur. Il en découle honte et préjudice, avec lesquels il faut composer. Si le tout se fait dans la collaboration, le Canada en sortira gagnant. Si le Canada nous inclut, s'il emploie le « nous » et cesse de parler des « Autochtone du Canada », expression que je déteste parce que je n'appartiens à personne tout comme les Canadiens ne sont pas des Américains. J'estime que c'est la voie à suivre.
Vous avez parlé des jeunes... Ma petite-fille fait un travail sur les pensionnats. Elle se demande comment il se fait que nous nous retrouvons dans une telle situation. Elle n'a que 11 ans, pourtant elle demande pourquoi nous n'administrons pas notre argent. Je lui réponds que c'est à cause du colonialisme. Elle ne peut pas encore comprendre ce que ça signifie, mais j'estime que, si nous commençons par... Il ne s'agit pas tant de guérison. Il faut plutôt, je pense, retrouver notre véritable identité. Il faut avant tout savoir où nous allons. Nous pouvons y parvenir.
Quand le Canada cessera-t-il de nous causer préjudice et pourquoi est-ce toujours nous qui devons passer par la guérison? Je pense que nous réagissons simplement contre les politiques systémiques qui ne cessent de nous faire du tort.
Sur notre territoire, nous essayons de défendre les ententes de gestion par un tiers. Nous essayons de reconnaître un traité qui était censé entrer en vigueur il y a longtemps. Nous souhaitons son entrée en vigueur. Je sais que la nation Gwich'in demande quand il entrera en vigueur et pourquoi on tarde alors que le tout a été signé il y a longtemps.
À mon avis, on nous en demande trop et on n'en demande pas assez au Canada. Quelles sont les intentions du Canada? Quelles mesures êtes-vous prêts à prendre afin d'obliger le gouvernement à changer l'attitude des Canadiens vis-à-vis nous? Lors d'une cérémonie de remise des certificats de citoyenneté à des immigrants il y a quelques années, le premier ministre avait déclaré alors que ceux-ci avaient vécu la même chose que les Autochtones, nos premiers immigrants. Non, nous ne sommes pas des immigrants.
Je ne veux pas le critiquer car, lui aussi, c'est ce qu'on lui a inculqué. Me comprenez-vous? C'est ce qu'on vous enseigne dès le berceau. Eh bien, je pense que les Premières nations, les Métis et les Inuits doivent revoir ce traité avec les Canadiens, afin que nous puissions coexister dans la paix et l'amitié, que notre peuple soit reconnu, que tous en sortent gagnants et que le Canada retrouve la fierté d'être un pays pacifique, ce qu'il n'est plus aujourd'hui.
Mahsi.
Sandra, cette femme vous a dit que vous ne marchiez pas avec la terre, et je peux vraiment le comprendre. Je suis née dans le quartier du Red Light de Montréal. C'est beaucoup comme le district de Hastings, à Vancouver. Quand je retourne dans mon quartier, quoi qu'il advienne, je me sens en confiance. Ce sont mes racines, et je marche avec la terre. Je n'ai pas peur. Je me sens chez moi, et je marche avec la terre.
Je peux donc comprendre ce que cette femme vous a dit. Quand on est sur sa propre terre, on se sent chez soi. Comment se fait-il qu'après tant d'années, on n'ait toujours pas compris qu'il s'agit de votre terre? Comment expliquer qu'après tout ce temps, vous ayez encore à vous battre? Comment se fait-il qu'on doive encore faire des tournées comme celle-ci et que vous ayez encore une fois à nous répéter ce que vous venez de nous dire? Pourquoi? Comment se fait-il qu'après tant d'années, on n'ait toujours pas compris? J'ai honte. J'ai honte. Je ne sais pas quoi vous dire. Je ne le sais pas.
J'aimerais que tous les Canadiens soient instruits, qu'ils connaissent l'histoire et sachent que les peuples autochtones, les Premières nations, n'étaient pas des immigrants, mais qu'ils venaient d'ici. C'est vous qui nous avez accueillis, qui avez accepté que nous vivions sur vos terres et qui avez accepté de conclure des traités à cet effet. L'argent qu'on vous donne aujourd'hui vous est dû; ce n'est pas de la charité. On refuse de vous donner ce qui vous est dû. J'aimerais que les gens le sachent. Comment faire? Dites-le-moi.
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Encore une fois, je ne m'excuse pas de mon attitude, mais je vous sais gré de votre bienveillance.
Les idées se bousculent dans ma tête. C'est bizarre, j'ai dû être rééduquée moi aussi. Mon mari m'a aidée à employer le terme décolonisation. J'ai dû passer par un processus de décolonisation en ce qui concerne le territoire. J'y suis parvenue au sein de la collectivité de Lutsel K'e, car j'ignorais la distinction entre la Loi sur les Indiens et le traité. Les gens de Lutsel K'e m'ont énormément appris et je suis fière d'être l'une des leurs. Je suis également fière d'être membre de la Première nation Mistawasis qui m'a vue naître.
Cette terre nous aime tous. Notre mère nourricière, la Terre, nous aime tous. La première fois que je suis arrivée dans le Nord, j'ai senti l'énergie monter le long de mes jambes en débarquant du véhicule à Fort Providence. Je me suis dit que cette terre déterminerait ma destinée. J'étais confuse, croyez-moi. Lorsque je suis arrivée dans le Nord, je me cherchais depuis trois ans. J'allais d'un endroit à l'autre, pensant que c'était normal. Le Nord m'a donc été très salutaire. Mes soeurs ici présentes ont toutes contribué à mon bien-être d'une façon ou d'une autre, et je leur en suis reconnaissante. Et j'en suis même reconnaissante au Créateur. Lorsque nous nous réunissons entre Autochtones, nous remercions toujours le Créateur. Notre travail consiste à favoriser la guérison spirituelle, qui fait partie du rétablissement. Nous avons tous besoin de spiritualité, à mon avis.
Je souhaiterais que le comité reconnaisse toute cette question de traité et de nation. C'est la première étape. Comment pouvons-nous changer la donne? Je sais que le Canada se penche sur ce dossier. Les prémices économiques sont là. Les diverses organisations et les ordres de gouvernement ont mis la main à la pâte. L'être humain est de nature avide. Nous devons occuper la place qui nous revient. C'est dans notre nature. Si nous ne reconnaissons pas le Créateur et ne demandons pas son aide, nous sommes dans le pétrin car nous sommes des êtres humains.
Je ne saurais quoi ajouter, sauf que vos propos sont agréables à entendre. C'est bien de savoir pour une fois que vous nous avez compris. C'est un changement. J'en resterai là.
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Merci. Je suis ravi d'avoir l'occasion de poser d'autres questions. Je cherche cependant la voie que nous pourrions prendre.
J'ai le sentiment que vos propos sont des plus importants.
J'ai en tête un aîné pour qui j'avais beaucoup de respect. Il buvait, mais on disait de lui qu'il était utile. Un des problèmes avec lesquels nous sommes confrontés actuellement, c'est que les hommes sont respectés pour ce qu'ils accomplissent dans la société. Dans notre société, le respect se mesure à l'épaisseur du portefeuille, quelle que soit la provenance de son contenu. L'homme autochtone a perdu la dignité qu'il tirait de son respect des traditions.
Cela me rappelle le problème des caribous de l'an passé et, en fait, plusieurs problèmes sur lesquels je me suis penché, sur le rôle de l'homme dans le Nord: nous sommes demeurés des chasseurs et des cueilleurs, un aspect très important de notre profil psychologique et de notre identité dont on a fait fi.
Étant la seule voix masculine ici aujourd'hui, j'ai pensé qu'il serait préférable de demander votre avis sur le rôle des hommes dans notre société, celui des hommes autochtones, ainsi que sur l'importance de prendre des mesures pour contrer la violence familiale et favoriser la cohésion familiale.
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Je voudrais vous faire part d'une distinction importante entre le Nord et le Sud sur un point primordial. Ma soeur fait partie du conseil de bande dans une réserve du Nord de l'Ontario, une réserve dotée de frontières. Qu'il s'agisse d'une question liée aux forces de police ou à la protection de l'enfance, le conseil de bande doit donner son autorisation si quelqu'un veut intervenir. C'est clairement établi.
C'est loin d'être établi aussi clairement dans les Territoires du Nord-Ouest, parce qu'on n'y retrouve aucune réserve à l'exception d'une seule de taille vraiment réduite. C'est un gouvernement populaire qui tranche. Cela se fait entre amis et dans la collaboration. Lorsque nos gens doivent composer avec d'autres façons de faire, ils sont perdus devant le racisme sous-jacent.
Je vous donne un exemple. J'assiste quotidiennement aux travaux de notre assemblée législative. Presque toutes les fois qu'ils répondent à une question portant sur les Autochtones ou non, les députés s'en tiennent à la politique gouvernementale, ce qui sème la confusion en l'absence d'une distinction nette entre les droits des Autochtones et ceux des non-Autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest. Contrairement à ce qui se passe dans la réserve de ma soeur, un responsable des services d'aide sociale à l'enfance peut intervenir dans une famille des Territoires du Nord-Ouest pour lui retirer un enfant pendant un maximum de 45 jours. Auparavant, il pouvait le faire sans qu'aucune question ne soit posée, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Cependant, les questions sont posées par les représentants du gouvernement, dont les méthodes sont empreintes de racisme et discriminatoires. En fait, les violations des droits de la personne sont foison dans les Territoires du Nord-Ouest. C'est un problème que certains ne comprennent pas.
Voici un bref exemple d'un cas survenu récemment. Un travailleur social venait d'être embauché dans les Territoires du Nord-Ouest. Pendant des années, nous n'avions que des intervenants en services d'aide sociale à l'enfance. C'est la triste réalité. Cependant, ce nouveau travailleur social avait été engagé par des avocats de la défense pour interviewer les victimes de la violence. Les femmes croyaient toutefois avoir affaire plutôt à un intervenant en services d'aide sociale à l'enfance. En fait, elles s'adressaient à une personne qui était à la solde des avocats défendant les agresseurs et qui cherchait à discréditer celles-ci. Nous étions pris au dépourvu.
Nous ne pouvions pas faire savoir aux femmes qu'elles devaient faire attention à ce travailleur social qui prend rendez-vous avec elles alors qu'il travaille pour celui qui les a battues ou violées. Notre situation est diamétralement opposée à celle qui règne dans le Sud.
La question des droits inhérents des Autochtones et des Inuits est fort nébuleuse. Nous avons l'impression de tous se concourir au bien commun, ce qui n'est absolument pas le cas en raison des pratiques discriminatoires enracinées ici et jamais remises en question.
On a coupé les vivres à notre organisation parce qu'elle n'était pas d'accord avec le gouvernement sur ses politiques en matière de protection de l'enfance. C'est écrit noir sur blanc. On nous a coupé les vivres. Nous sommes donc démunis. De plus, le gouvernement fédéral a établi des exigences très précises régissant le transfert au gouvernement territorial de fonds qui doivent servir à fournir aux collectivités des services auxquels on ne croit pas nécessairement. Nous ne pouvons donc pas nous y opposer et dire: « Ce n'est pas ainsi que nous fonctionnons. Nous devons disposer de notre propre argent. »
Vous devez être conscients que le Nord est dans une situation périlleuse à cause du racisme qui se profile derrière les efforts apparents de concourir au bien commun.
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Je vous dirai que la politique partisane est absente des Territoires du Nord-Ouest. La majorité des députés de notre assemblée législative sont des Autochtones, qui sont cependant astreints aux règles d'un système de gouvernement public. Il n'y a pas de réserve à laquelle je pourrais avoir recours et à laquelle surtout les membres de la collectivité pourraient avoir recours, une structure permettant de contrôler ce qui se passe ici. Une famille dans le pétrin ne peut donc pas notamment demander l'aide d'un représentant d'un conseil de bande, entre autres parce qu'on lui enlève ses enfants ou qu'il y a de la violence familiale. Il faut alors s'en remettre au gouvernement public qui offre divers services.
Je ne pourrai jamais oublier ce qui s'est passé récemment à notre assemblée législative. Un membre de la collectivité avait demandé à son député de poser une question en chambre. Le député s'est exécuté, et le ministre, qui est un Autochtone, a répondu: « Vous savez, il faut s'en tenir à la politique établie. J'aimerais bien vous aider, mais je ne le peux pas à cause de cette politique. » Un autre député lui a rétorqué: « Êtes-vous un leader ou un bureaucrate? Votre rôle se limite-t-il à appliquer la politique? À quoi servez-vous donc? »
Par contre, les choses sont claires dans le Sud. Les distinctions sont bien établies entre les services fournis dans les réserves et ceux offerts aux Autochtones habitant à l'extérieur de celles-ci. Les fonds sont directement versés aux bandes dans le Sud. Chez nous, l'argent est accordé au gouvernement territorial.
Prenez l'exemple du PNLAADA, le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones. Un jeune Inuit de chez nous voulait participer à un programme réservé aux Inuits à Ottawa. C'est le seul programme de ce genre en vigueur au Canada. Ce jeune était un sans-abri qui voulait un programme offert dans sa langue et tenant compte de nos particularités. Contrairement à tout autre gouvernement au Canada, notre gouvernement territorial a refusé cette demande parce qu'il ne reconnaissait pas le programme.
Le système en vigueur dans le Nord s'inspire du modèle européen, ce qui semble convenir aux Autochtones, parce que nos députés sont précisément des Autochtones. Dans le Sud, il y a au moins quelqu'un qui n'hésite pas à affirmer: « Non, ce n'est pas ainsi que les choses se passent chez nous. »
C'est une différence entre le Nord et le Sud. C'est un aspect très important. Le gouvernement fédéral insiste pour que le gouvernement territorial convienne de l'usage des fonds qu'il reçoit.
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Deux femmes, une nordiste de longue date et une Autochtone qui a de l'expérience en ressourcement, se sont rendues dans cinq des onze collectivités, je crois. Nous travaillons discrètement. Nous ne nous présentons pas dans les collectivités en disant que nous voulons aborder le sujet de la violence, parce que nous ne voulons pas soulever la colère des citoyens. Nous rencontrons les femmes en petits groupes d'abord, puis en groupes plus importants lors de notre deuxième visite. Nous leur parlons et leur demandons quels sont leurs attentes et leurs besoins. Par exemple, dans une des collectivités, les femmes ont dit qu'elles n'ont pas vraiment le droit de se réunir entre elles. Alors, elles voudraient faire de la randonnée en montagne, car de cette façon, dans les montagnes, elles pourraient se réunir loin des autres et discuter. C'est ce que nous voulons faire; nous voulons leur permettre de faire de la randonnée en montagne.
Avant, la tradition voulait que les femmes tannent le cuir d'orignal. C'est une chose qu'elles faisaient ensemble. Selon les femmes que nous avons rencontrées, cette activité leur permettait de partager leurs émotions. Les sages en profitaient pour établir des comparaisons avec la vie des femmes et pour guider celles-ci. C'est très intéressant. Malheureusement, pour l'instant, elles ne peuvent pas se réunir pour entretenir ce genre de tradition. Donc, d'un côté, nous cherchons à obtenir des fonds pour qu'elles puissent entretenir leurs traditions et, d'un autre côté, nous cherchons d'autres occasions pour qu'elles se retrouvent entre elles.
On dirait que l'essentiel, c'est de ne pas faire de grabuge. Par exemple, dans une autre collectivité, les femmes ont dit que, si elles voulaient se réunir entre elles, sans craindre de représailles, elles devaient obtenir l'autorisation de la collectivité. Alors, elles ont organisé une célébration communautaire. Nous avons trouvé les ressources nécessaires pour accueillir 90 personnes de la collectivité, et le lendemain, un grand nombre de femmes ont pu se réunir.
Donc, chaque collectivité est différente, et nous suivons l'orientation que nous donnent les femmes de ces collectivités.
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Je préside le comité à l'AFPC, et le coprésident est un homme. Nous sommes très satisfaits de cette structure. Nous avons un cercle national des peuples autochtones à l'AFPC. Nous avons deux représentants: une femme, Karen Wright-Fraser, pour le compte des trois territoires du Nord, et un homme.
Encore une fois, c'est une question de culture. Il doit y avoir un équilibre, parce que je ne pourrais pas vous dire comment c'est pour un homme. Mon mari pourrait vous le dire. Moi, sa femme, je peux voir l'impact du changement culturel sur sa dignité.
Mon mari amène nos fils se promener dans la nature. Nous avons adopté mon petit-fils selon nos coutumes. Bon sang, j'aurais beaucoup de choses à dire à ce sujet et au sujet des placements familiaux. Mon mari amène notre petit-fils faire ces promenades depuis qu'il a deux ans, alors il se débrouille bien dans la nature. Il souffre de l'ETCAF. Donc, ces promenades sont bénéfiques pour sa santé et lui permettent, entre autres, de se définir.
Je crois que, pour avoir une idée globale de la situation, un comité permanent doit être composé de femmes et d'hommes autochtones. Les hommes ont été durement touchés, parce qu'ils ont perdu leur utilité — leur rapport à la terre. Beaucoup d'hommes ne sont pas scolarisés, alors ils ne sont pas appréciés à leur juste valeur. On accorde plus d'importance à l'éducation qu'à la terre. Donc, les hommes sont affectés par beaucoup de choses.
Je sais qu'à Yellowknife — j'en ai entendu parler, mais je n'y ai jamais été invitée —, il y a un genre de programme de ressourcement pour les hommes. Mais je crois qu'il y a beaucoup de femmes qui y participent, beaucoup de gens de Yellowknife. Je ne veux pas offenser quiconque, mais lorsque j'entends parler des hommes violents, il est habituellement question d'hommes autochtones de la collectivité. On ne semble pas considérer l'impact des pensionnats et le fait qu'on leur a volé leur identité comme facteurs ayant contribué à cette violence — le fait de ne plus être des partenaires à parts égales.
On se comprenait avant. On m'a enseigné de façon un peu différente. Nous avions des mesures bien précises pour lutter contre la violence et composer avec la maladie. Ces problèmes existaient, et parfois, c'était difficile.
La pire chose que j'ai entendue, c'est qu'on pouvait vous expulser de la collectivité et vous envoyer ailleurs pour vivre seule. La chose la plus difficile à faire, c'est vivre seule. C'est ce qu'on fait dans le système judiciaire; on vous isole pour vous punir, non?
Je crois que, d'une certaine façon, lorsqu'on parle de ressourcement sans tenir compte du point de vue des hommes, on recrée cet isolement. On leur met tout sur le dos. On se demande ensuite pourquoi ils réagissent ainsi.
Encore une fois, je crois que, lorsqu'on traite les Autochtones avec des médicaments... Nos approches tournent toujours autour de la toxicomanie. On ne se dit jamais que ces gens prennent des médicaments, parce qu'ils n'ont rien d'autre dans la vie. On ne cherche pas suffisamment à réduire les préjudices. Je dis à mes enfants de boire avec modération. Je ne leur dis pas que c'est mauvais de prendre de l'alcool et qu'ils vont devenir des alcooliques. Il faut respecter les effets de l'alcool, et c'est en buvant avec modération qu'on le fait. Les drogues sont illégales. Elles proviennent de plantes. Alors, j'adopte une approche plus holistique, et ça fonctionne. À un moment donné, mes enfants vont vouloir essayer certaines drogues. Je veux alors qu'ils viennent m'en parler.
Je vais laisser une minute à chacune de nos invitées pour conclure, mais auparavant, Sandra a dit qu'elle ne pouvait pas parler au nom des hommes. Nous ne nous déplaçons pas pour rencontrer uniquement des femmes. Nous abordons la question de la violence systémique faite aux femmes et le fait que très peu a été accompli jusqu'à maintenant pour renverser la situation. C'est sur ce point que nous voulions faire enquête.
Des hommes sont venus témoigner. Ils nous ont parlé de la perte d'identité, de dignité et de valeur. Des femmes sont venues nous supplier de comprendre cela, que le rôle des hommes a changé. Bon nombre d'entre eux sont sans emploi et très peu scolarisés, et ils ne trouvent pas d'autres façons d'être utiles. Ils deviennent donc inutiles. Ils se fâchent.
Fait intéressant, les femmes venues témoigner hier ont dit que les femmes autochtones deviennent de plus en plus fortes — elles ont conservé leurs rôles traditionnels, soit d'avoir des enfants, de les élever, de les nourrir, etc. Cependant, elles assument un plus grand rôle que les hommes au sein de la famille. Mais elles nous ont dit qu'elles doivent faire attention comment elles assument ces rôles afin que leurs conjoints ne se sentent pas de nouveau persécutés.
C'est une question très importante. Je suis heureuse que vous l'ayez abordée, Dennis. On nous a souvent répété que les hommes ont été dénigrés et qu'ils ont complètement perdu leur dignité.
Je vais demander à Therese, Lyda, Arlen et Sandra, dans cet ordre, de nous résumer leur position. J'aimerais que vous nous disiez principalement quelles recommandations on pourrait faire pour aller au coeur de ce problème.
Nous avons entendu parler, entre autres, de systèmes. Peut-être qu'il faudrait effectivement modifier les systèmes. Que peut-on faire, à votre avis? Quelles sont les priorités absolues pour aller au coeur du problème et trouver des solutions? Donc, essayez de répondre à ces deux questions.
Therese.