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Je déclare la séance ouverte.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins, qui sont sorties malgré le temps glacial. Il fait froid dehors; je vous remercie donc d'être venues.
J'aimerais vous expliquer que conformément à ce que l'on appelle un article du Règlement, dans le cas présent, l'article 108(2), le Comité permanent de la condition féminine étudie la violence faite aux femmes autochtones, c'est-à-dire ses causes fondamentales, sa nature, ses divers types et sa gravité, qu'il s'agisse de violence conjugale, sociétale, psychologique, sexuelle ou autres. Nous nous penchons sur toute l'ampleur et l'étendue de la violence à l'encontre des femmes autochtones, quelle que soit la forme qu'elle revêt, et nous nous intéressons, bien entendu, à ses causes fondamentales.
Nous espérons sincèrement que les communautés autochtones pourront nous proposer quelques solutions, car il nous semble que nous nous attaquons à ce problème depuis des lustres, sans toutefois récolter beaucoup de résultats favorables. Nous sommes bien au fait des efforts déployés dans le cadre de l'initiative Soeurs par l'esprit, qui nous a communiqué énormément d'informations. Nous voulions toutefois parler aux femmes et parcourir le pays.
Maintenant, est-ce que quelqu'un sait où se trouve Marlene Bear et si elle vient? Non? Alors nous commencerons pas les cinq groupes qui sont présents, et si Marlene arrive, nous l'ajouterons à la liste des témoins.
Conformément à nos procédures habituelles, vous faites un exposé de cinq à sept minutes environ. Je vous ferai signe quand il vous restera deux minutes et une minute pour que vous sachiez quand conclure vos propos. Nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
Comme vous le savez, un comité permanent est composé de membres de tous les partis de la Chambre. Nous avons ici des députés du Parti conservateur, du NPD, du Bloc Québécois et du Parti libéral. Nous vous poserons donc des questions dans un certain ordre.
J'aimerais commencer par Lisa Cook, représentante de la Prince Albert Métis Women's Association et coordonnatrice pour les Autochtones en milieu urbain.
Lisa, pourriez-vous commencer?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de nous avoir invitées à témoigner aujourd'hui. Ce n'est pas très souvent qu'un comité permanent vient à Prince Albert. Je sais que c'est votre première escale dans l'Ouest canadien, et je suis enchantée que vous soyez ici aujourd'hui malgré la température qu'il fait à l'extérieur. Certains d'entre vous ne sont peut-être pas habitués à cette température, mais une fois que l'hiver est installé en Saskatchewan, il nous en fait voir de toutes les couleurs.
J'aimerais me présenter brièvement. Je m'appelle Lisa Goulet-Cook et je réside actuellement à Prince Albert avec ma famille, qui inclut mon mari, avec qui je suis mariée depuis 19 ans et trois adolescents. Je fais actuellement partie du comité directeur pour les Autochtones en milieu urbain, qui a élu domicile dans les locaux de la Prince Albert Métis Women's Association. C'est d'elle que nous relevons, en fait. Je travaille pour l'association depuis environ six mois maintenant. Elle accomplit beaucoup non seulement pour les femmes et les enfants autochtones, mais aussi pour l'ensemble de la famille.
Mais l'organisation pour laquelle je travaille est, comme je l'ai indiqué, le comité directeur pour les Autochtones en milieu urbain, qui reçoit du financement d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Ces fonds sont censés nous permettre de mettre en oeuvre les mesures que le comité a lui-même décidé de prendre. Nous effectuons les sélections et présentons un appel d'offres à la ville de Prince Albert.
Tous les organismes qui souhaitent soumettre des propositions pour améliorer leurs programmes sont libres de le faire. Ils exposent leur projet, que le comité évalue. Ce que nous voulons essentiellement, c'est éviter un chevauchement des services. Conformément à notre mandat, nous souhaitons améliorer ces services, en renforçant les capacités des employés ou en modifiant les programmes actuellement offerts, par exemple.
Présentement, notre mandat consiste avant tout à aider les femmes et les enfants autochtones, ce que nous faisons en améliorant leurs compétences de base dans la vie quotidienne. Nous tentons d'assurer le lien entre les divers organismes de la région de Prince Albert afin d'aider ces femmes à trouver d'autres appuis adaptés à leurs situations.
Nous soutenons un grand nombre d'Autochtones hors réserve. Notre mandat vise à aider les Indiens hors réserve qui vivent à Prince Albert.
Si l'on examine les chiffres à l'échelle nationale, on constate que la population de Prince Albert est constitué à 54 p. 100 d'Autochtones. Ces données sont tirées d'un recensement effectué par le département de développement communautaire de la First Nations University. Cette statistique ne vient donc pas d'un recensement officiel, mais d'une démarche effectuée auprès des étudiants de la First Nations University.
Ainsi, si l'on observe la situation au pays, on constate que Prince Albert affiche le plus important pourcentage d'Autochtones par habitant. Par « Autochtone », j'entends les Premières nations, les Métis, les Déné et les Indiens non inscrits, un statut revendiqué par quelques personnes.
Aucune autre ville du Canada n'a de pourcentage aussi élevé. Elles ont peut-être une population plus nombreuse, mais le pourcentage d'Autochtones n'est pas aussi élevé. En moyenne, ce pourcentage est d'environ 35 à 40 p. 100. Mais avec un pourcentage de 54 p. 100, Prince Albert a une population composée à plus de la moitié d'Autochtones, dont la majorité sont des enfants.
Il s'agit du pourcentage d'Autochtones le plus élevé au Canada. La population de Prince Albert est elle aussi diversifiée, mais, comme je l'ai souligné, nous nous intéressons principalement aux femmes autochtones.
Dans le courriel que nous a envoyé la greffière à la procédure, vous avez indiqué que vous cherchez les causes profondes de la violence et des pistes de solution. Pour ce qui est des origines de la violence, un grand nombre de personnes que nous rencontrons et de nos clients — pas seulement ceux avec qui je travaille, mais également ceux dont s'occupent les autres organismes — ont été victimes d'un grand nombre d'abus, d'ordre sexuel et physique par exemple, et considèrent qu'il n'y a rien de mal à faire subir le même traitement aux générations futures.
C'est, selon moi, le facteur le plus néfaste parmi les causes fondamentales. Les personnes victimes de ces d'abus ne possèdent pas l'estime de soi nécessaire pour s'élever contre ce genre de situation; c'est ainsi que tout ce scénario se perpétue d'une génération à l'autre. Et le fait que nous ayons été confinés dans des pensionnats n'a pas contribué à améliorer la situation.
Mais ce qui importe le plus présentement, c'est de recueillir des statistiques vraiment fiables pour commencer à accorder plus de financement aux organismes dirigés par des Autochtones. Il n'y a rien de plus décourageant pour une femme que de s'adresser à un organisme et de ne pas obtenir l'aide dont elle a besoin. Ce sont les enfants qui écopent au bout du compte.
Essentiellement, nous voudrions que les organismes dirigés par des Autochtones reçoivent davantage de financement pour pouvoir aider leur propre peuple. C'est la seule façon de rompre ce cycle de violence — sous quelque forme que ce soit: systématique, personnelle, conjugale — et de mettre fin à ce système de violence qui fait que des personnes sont traînées dans la boue encore et encore... il faut mettre un terme à cette situation en permettant aux Autochtones de s'aider entre eux.
Je vous remercie beaucoup.
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La Saskatchewan Aboriginal Women's Circle Corporation est une organisation provinciale dont la force repose sur ses membres, qui a pour mandat de favoriser et d'améliorer le statut des femmes autochtones dans toutes les sphères de leur vie. La SAWCC s'efforce d'unir et d'impliquer les femmes en s'attaquant aux questions préoccupantes en recourant à l'éducation, à la défense des droits, à la recherche et à l'échange de ressources. Nous cherchons à résoudre les questions et les problèmes des femmes autochtones en appuyant et en favorisant l'atteinte des buts communs pour que les Autochtones jouissent du droit à l'autodétermination et à l'autonomie dans leurs rôles de mères, de grands-mères, de soeurs, de tantes et de chefs. Travaillant en partenariat avec des organismes, des organisations et des gouvernements de la Saskatchewan, du Canada et du reste du monde, la Saskatchewan Aboriginal Women's Circle Corporation s'emploie à accroître la communication, la collaboration et l'accès aux ressources nécessaires à l'atteinte de notre but commun: l'égalité pour tous.
La SAWCC est l'une des 14 organisations qui composent l'Association des femmes autochtones du Canada. Les femmes des Premières nations, les Métisses, les Inuites et les femmes non inscrites de la Saskatchewan peuvent faire partie de notre organisme. Nous offrons nos programmes et nos services à toutes les femmes et à toutes les familles, conformément aux trois priorités suivantes: diminuer la vulnérabilité en luttant contre la violence faite aux femmes, aux aînés, aux jeunes et aux enfants autochtones; établir des réseaux et faire de la sensibilisation afin d'appuyer la participation individuelle et communautaire; et renforcer la création de capacité et de leadership et améliorer la capacité des jeunes.
Si je témoigne aujourd'hui, c'est pour vous exposer la réalité de la violence que subissent les femmes et les filles autochtones, et pour voir comment nous pouvons intervenir pour résoudre ce grave problème. Les femmes et les familles autochtones souffrent en raison d'un large éventail de facteurs qui les confinent dans une situation de violence et d'exploitation. Pour régler ce problème, nous nous intéressons aux causes fondamentales, aux circonstances et aux expériences, ainsi qu'aux réactions à la violence. Le degré disproportionné de violence dont sont victimes les femmes autochtones a été attribué à un certain nombre de facteurs qui tirent leur origine des impacts intergénérationnels de la colonisation, lesquels ont amoindri le rôle des femmes et des familles autochtones au sein des communautés. C'est le résultat de mesures législatives comme la Loi sur les Indiens et d'autres initiatives gouvernementales, comme les pensionnats, la rafle des années soixante et l’appréhension généralisée des enfants par le système de protection de la jeunesse. Les taux anormalement élevés de violence faite aux femmes et aux filles que l'on observe aujourd'hui, y compris la violence qui mène à des disparitions et à des décès, ont des origines à la fois historiques et contemporaines.
Grâce à des initiatives nationales comme l'initiative Soeurs par l'esprit, l'Association des femmes autochtones du Canada s'emploie depuis cinq ans à recueillir de nouvelles informations sur le vécu des femmes autochtones victimes de violence. Dans le rapport publié récemment sous le titre Ce que leurs histoires nous disent, l'AFAC fait état de la disparition et du meurtre de 582 femmes et filles autochtones. En examinant les cas de violence qui se sont soldés par des disparitions et des décès, nous en sommes arrivées à comprendre le spectre bien plus large de violence et de victimisation qui touche les femmes, les filles et les communautés autochtones.
Je commencerai mon exposé en donnant des informations de base et en expliquant le contexte entourant la violence faite aux femmes et aux filles autochtones en Saskatchewan et au Canada. Nous adopterons une approche coordonnée faisant intervenir les dirigeants fédéraux, provinciaux, territoriaux et autochtones. Nous présenterons également des recommandations et des prochaines étapes à suivre pour intervenir concrètement. Je parlerai des trois thèmes choisis au printemps dernier lors des audiences de Condition féminine Canada: les femmes autochtones assassinées et portées disparues; les services adaptés à la culture et les lacunes à combler à ce chapitre; et la nécessité de soigner les victimes, les familles et les communautés.
Il est difficile de résumer les informations de base et le contexte concernant la violence faite aux femmes et aux filles autochtones au Canada. Mais le fait est que les Autochtones sont surréglementés et surprotégés. Les statistiques sur les crimes violents, la victimisation et la disparition et le meurtre de femmes et de filles autochtones indiquent que ces dernières ont un taux de victimisation 3,5 fois plus élevé que ceux des femmes non autochtones.
Le taux d'homicide des femmes autochtones est sept fois plus élevé que celui des femmes non autochtones. Selon Statistique Canada, l'identité autochtone est l'un des plus importants facteurs propices à la violence, même quand on tient compte de...
On dénombre plus de 582 cas de disparition et de meurtre de femmes et de filles autochtones au Canada, dont 78 p. 100 en Ontario et dans l'Ouest de cette province. C'est en Colombie-Britannique que l'on a répertorié le plus grand nombre de cas — 160. Ces femmes et ces filles sont jeunes. Plus de la moitié d'entre elles n'avaient pas 30 ans au moment de leur disparition ou de leur décès.
Avec les informations dont nous disposons, nous savons que la vaste majorité de ces femmes étaient mères. Ces disparitions et ces meurtres dont donc des répercussions sur plusieurs générations, puisque les enfants ont perdu leurs mères, leurs tantes, leurs grands-mères et leurs soeurs. Il y a lieu de se demander comment ils font face à la situation, où ils vivent et de quel réseau de soutien ils disposent.
L'un des faits les plus importants que l'on a découverts, c'est que les femmes et les filles autochtones risquent autant d'être tuées par un étranger ou une connaissance que par un partenaire intime. Sachez de plus qu'à peine 53 p. 100 des affaires de meurtre se sont soldées par des accusations d'homicide, ce qui cadre avec les conclusions du rapport de l'initiative Soeurs par l'esprit.
La SAWCC fait partie du Provincial Partnership Committee on Missing Persons, que préside le ministère de la Justice de la Saskatchewan.
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Bonjour. Je m'appelle Shirley Henderson, présidente de la Commission des femmes du Grand conseil de Prince Albert.
La commission existe depuis 20 ans. Notre population compte bien plus de 35 000 habitants. Nous avons 14 membres au sein de la commission et 12 Premières nations dans le Grand conseil. Trois d'entre elles ne peuvent être jointes que par la voie des airs: Hatchet Lake, Black Lake et Fond du Lac. Depuis de nombreuses années, nous tentons d'obtenir du financement pour établir un refuge pour femmes et enfants de la région relevant du Grand conseil, mais nous nous sommes heurtés à de nombreux écueils et n'avons pu obtenir de fonds.
Pour ce qui est du refuge de Prince Albert, les femmes originaires du Grand Nord ont de nombreux obstacles à surmonter. La nourriture et la langue sont différentes. Un grand nombre de ces femmes ne parlent que leur langue autochtone quand elles arrivent en ville. La culture est complètement différente, et les femmes du Grand Nord sont confrontées à de nombreux obstacles. Nous espérons qu'un jour, certains programmes seront offerts dans les communautés, car ces femmes doivent parcourir de longues distances. Quant aux quelques femmes qui se présentent dans les refuges, elles n'ont souvent d'autre choix que de retourner dans leur situation de départ.
Les langues utilisées dans le Grand conseil sont le cri, le déné et le dakota. Nous espérions qu'en établissant notre propre refuge, nous pourrions offrir des services dans ces trois langues, car c'est un obstacle majeur pour les femmes que nous accueillons.
Les communautés du Grand Nord sont très pauvres et le coût de la vie y est faramineux. Bien souvent, la population ne peut même pas payer le billet d'avion pour envoyer quelqu'un à un refuge, comme celui de Prince Albert. Il y en a un également à La Ronge. J'espère qu'on réussira à offrir des programmes et des refuges dans certaines de nos communautés, car les femmes autochtones ont certainement besoin de services sur place.
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Merci beaucoup. Je suis heureuse d'avoir aujourd'hui l'occasion de venir parler des questions à l'étude.
Je tiens à répéter que la violence contre les femmes est attribuable, entre autres, à la colonisation et aux pensionnats indiens par lesquels sont passées plusieurs générations d'Autochtones. Vous pouvez imaginer la tourmente et les perturbations qu'ont connues les familles. Auparavant, la violence familiale n'était pas très répandue dans nos collectivités, car elle ne faisait pas partie de notre mode de vie ni de notre système de croyances. Nos femmes étaient très respectées et honorées dans le contexte traditionnel. Ce n'est plus tellement le cas de nos jours, en partie parce que c'est l'homme qui est le chef de famille. C'est, selon moi, ce conflit des systèmes de croyances qui a provoqué la chute du statut des femmes des Premières nations au Canada.
Je vais vous parler un peu de moi. Je l'ai dit, je m'appelle Angie Bear. Je travaille avec le programme ISKWEW, un programme d'entraide pour les femmes qui est directement axé sur les problèmes de violence. Nous dispensons des services de counselling individuel. Nous offrons un soutien aux femmes victimes de violence et les aiguillons vers des services. Sur demande, nous soutenons et représentons des femmes qui traitent avec d'autres organismes et ministères. Nous renforçons les réseaux et la collaboration entre les organismes et les groupes communautaires. Nous voulons, par l'éducation, sensibiliser le public à la violence familiale.
Je ne travaille avec le programme ISKWEW que depuis le 26 novembre. Avant cela, j'ai passé quatre ans au Grand conseil de Prince Albert, dans le domaine de la violence familiale.
J'ai moi-même observé bien des problèmes fondamentaux et j'en ai constaté la source. Je comprends le dysfonctionnement de nos familles et ce qui le cause. Je crois qu'au lever, le matin, quand les gens regardent par la fenêtre, ils ne comprennent pas, bien souvent, ce qui a amené tous ces problèmes et comment ils en sont arrivés là.
Je suis autochtone. J'ai grandi à Edmonton, et ma famille est originaire de la Saskatchewan. Enfant, j'avais le dégoût de moi-même, et je ne comprenais absolument pas pourquoi. Je me souviens d'avoir dit, au retour de l'école, alors que j'étais en première année: « Je ne veux pas être indienne parce que tout le monde nous hait ». Je le ressentais vraiment. Je pense que ce sont ces problèmes profonds qui nous marquent, même à l'âge adulte, quand on se rend compte qu'ils n'existent plus.
Alors je voudrais tout d'abord parler de certaines questions qui me paraissent très importantes.
Excusez-moi.
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Ça va. L'émotion m'envahit toujours un peu quand j'en parle, mais c'est bon. Je vous remercie.
Je voudrais parler de certaines des grandes préoccupations que me cause au quotidien mon travail auprès des femmes, à Prince Albert. L'une des plus grandes, sûrement, c'est lorsque des femmes viennent me voir, prêtes à se sortir de leur situation sur-le-champ, mais je ne peux pas leur trouver de place en refuge. Quand une femme vient me voir, enfin prête à se soustraire à cette violence, l'occasion pour elle peut être très éphémère. Il arrive que ces femmes retournent chez elles, où elles continuent d'être dominées, sans pouvoir de nouveau sortir sans risque avant encore un bon bout de temps. Alors quand l'occasion se présente et qu'une femme est prête à quitter sa situation, sur-le-champ, il est absolument essentiel de pouvoir lui offrir un refuge.
Ce qui arrive, en général, c'est qu'une femme vient me voir à mon bureau, et elle a peur pour elle et ses enfants. Parfois, ses enfants sont avec son partenaire à ce moment-là, alors elle ne peut pas le quitter immédiatement parce qu'elle ne partira pas sans les enfants. Quand les femmes partent sans leurs enfants, ils sont séparés, et c'est là que se pose tout le problème de la prise en charge des enfants par l'État. Donc, elles ne partiront pas sans leurs enfants, et elles finissent par retourner chez elles. Elles sont inscrites sur de longues listes d'attente. Nous avons le YWCA à Prince Albert. Je ne peux pas toujours trouver de place en refuge — selon les statistiques, les refuges sont plein 99,9 p. 100 du temps. Alors en réalité, il n'y a pas souvent de place. On finit par les inscrire sur une liste d'attente, et il faut téléphoner tous les jours, parfois deux fois par jour, pour savoir si des places se libèrent, parce qu'il y en a tellement peu.
Donc, il y a le YWCA, qui héberge des femmes et des enfants. Puis il y a Our House, qui est rattaché au YWCA et qui accueille les hommes et les femmes, mais qui n'offre pas de services pour les enfants. À moins qu'on puisse les faire admettre au YWCA, les femmes avec enfants n'ont en fait nulle part où aller. C'est pourquoi il importe tellement que la situation change en ce qui concerne les places en refuge en Saskatchewan.
Comme le disait Shirley Henderson, les femmes des Premières nations ont besoin d'endroits où elles peuvent se sentir bien accueillies, où on parle leur langue, où sont servis leurs aliments traditionnels, et où elles peuvent se sentir détendues et en sécurité.
Il faut aussi créer d'autres programmes. Il faut financer des cérémonies et programmes culturels pour faire disparaître ces obstacles qu'affrontent les femmes qui sont dans ce genre de relations.
Je veux aussi vous parler d'un autre sujet important, la violence sexuelle. Bien des femmes qui viennent me voir me disent être victimes de violence sexuelle depuis plusieurs années, et elles n'en peuvent plus. Elles laissent parfois leurs enfants chez elles, et elles se font dire que la garde des enfants pose problème. Elles consultent des médecins... Elles ne trouvent tout simplement pas d'aide. Il faut plus d'éducation et de soutien en ce qui concerne la violence sexuelle.
L'un des plus grands problèmes que je constate, c'est quand les enfants sont pris en charge et les femmes n'ont vraiment nulle part où aller chercher l'aide dont elles ont besoin. Elles sont victimes. Je pense qu'il faudrait qu'on se penche sur la question, sur ce qui arrive lorsque l'État prend les enfants en charge quand il y a de la violence dans leur foyer. Je ne trouve pas acceptable que la femme soit une fois de plus victime, quand elle se fait enlever ses enfants parce que son conjoint est violent. Je crois qu'il faut faire plus contre l'auteur de la violence.
Je vous remercie infiniment.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je tiens tout d'abord à vous remercier, chacune, d'être venue. Je sais que ce n'est pas toujours facile, et nous vous en savons gré.
J'ai bien des questions à poser, mais je commencerai par Wanda. Si vous le voulez bien, j'aimerais que vous utilisiez la moitié du temps dont je dispose, soit trois ou quatre minutes, pour nous parler de certaines recommandations que vous faites dans le document que vous avez préparé et dont vous n'avez pas pu achever la lecture.
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Je pense avoir commencé à parler de données dont nous disposons, selon lesquelles la plupart des femmes sont mères. Cela signifie qu'il y a d'énormes problèmes liés aux répercussions intergénérationnelles de la disparition et l'assassinat des femmes, quand des enfants perdent leur mère, une soeur... Bien des questions se posent sur la manière dont les enfants vivent cela, dans leur milieu — où est leur réseau de soutien?
L'un des constats les plus importants, c'est que les femmes et les jeunes filles autochtones risquent tout autant d'être tuées par des étrangers ou des connaissances que par un conjoint.
Un autre constat fondamental, qui confirme celui qu'ont fait les Soeurs par l'esprit, c'est que seulement 53 p. 100 des cas de meurtre ont abouti à des accusations d'homicide. À l'échelle du Canada, ce sont 84 p. 100 des cas d'homicides qui sont résolus. Nous avons aussi calculé le taux d'affaires classées par province. Il est très bas en Alberta, à 42 p. 100, et grimpe à 93 p. 100 au Nunavut. En Saskatchewan, c'est 78 p. 100, le plus haut parmi les provinces où sont assassinées un grand nombre de femmes et de jeunes filles autochtones. Cela donne à penser qu'il y aurait lieu de s'intéresser de près à ce qui fait le succès de la Saskatchewan.
Bien que le gouvernement ait pris diverses mesures pour lutter contre la violence — comme la création du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice autochtone, l'initiative FPT de lutte contre la violence familiale et le Forum FPT des ministres responsables de la Condition féminine —, tout démontre qu'il est impératif d'investir dans des programmes et politiques qui changeront les situations et les conséquences de la violence.
Nous avons reçu ce matin un autre organisme, qui nous a appris bien des choses. J'aimerais que chacune de vous m'explique la nature des rapports entre son organisme et d'autres organismes communautaires, ou encore des rapports qu'ont avec d'autres organismes communautaires, selon vous, les femmes qui s'adressent à votre organisme pour obtenir de l'aide, des soins, ou toute autre chose. Est-ce qu'elles reçoivent du soutien des services sociaux? Est-ce que la police leur offre le soutien dont elles ont besoin? Est-ce qu'elles en reçoivent d'organismes comme Second Harvest Circle et d'autres organismes communautaires?
Que vous a appris votre travail avec ces femmes, et que savez-vous de leurs rapports avec d'autres organismes?
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Merci beaucoup pour cette question, Anita.
En général, les femmes qui font appel à notre organisme sont déjà passées par les services sociaux ou les services à l'enfance et à la famille. La plupart du temps, elles sont déjà dans les rouages du système judiciaire et doivent aller en cour, que ce soit pour des accusations ou pour témoigner contre leur assaillant, le plus souvent leur époux ou leur conjoint de fait. Alors elles connaissent déjà le système judiciaire à bien des égards. Des proches essaient de les aider, mais ce qui compte vraiment, c'est qu'elles viennent à nous pour s'aider elles-mêmes et qu'elles ne savent vraiment plus vers qui se tourner.
J'ai déjà été vécu dans un contexte de violence familiale. Je n'ai pas grandi dans la violence, mais j'ai subi la violence de mon époux. Il nous a fallu guérir, et cela n'a pas été facile. Cela a probablement été l'une des pires périodes de ma vie. Alors non seulement j'ai moi-même connu ce genre de situation, mais des clientes viennent à mon bureau, qui sont engagées dans tous ces systèmes sans pour autant recevoir l'aide dont elles ont besoin, surtout alors qu'elles portent sur leur visage et leur corps les marques de la violence qu'elles ont subie.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie beaucoup, mesdames, de vous être déplacées pour nous rencontrer. Votre présence ici cet après-midi est très importante pour nous.
Je vais continuer dans la même veine que ma collègue Mme Anita Neville. La question qu'elle vous a posée est très importante.
Ce matin, les personnes que nous avons rencontrées ont fait état d'un système de racisme quasiment intégré envers les femmes des Premières nations qui vivent ici, à Prince Albert. Malheureusement, cette violence est plus systémique qu'une simple violence familiale ou que d'autres formes de violence que nous rencontrons ailleurs.
On a entendu parler d'une violence instituée par les services sociaux, les services policiers et les banques alimentaires, dans le cadre desquels les femmes autochtones sont mal reçues. Il faut qu'on en parle. Si ça s'avère fondé, il faut trouver la source du problème. Ce n'est pas normal. Je suis certaine que ce n'est pas dû à la mauvaise foi, mais il doit y avoir une raison à cela.
Je vois qu'il y a dans la salle une personne qui appartient à un service de police. J'aurais aimé que cette personne témoigne aujourd'hui, de sorte que les services de police soient représentés. Je me demande pourquoi ce n'est pas le cas, compte tenu de la gravité de ce qui se passe ici. On parle de violence faite aux femmes des Premières nations, et je crois que les services de police font eux aussi partie de la solution. À d'autres endroits, des membres de services de police sont venus témoigner.
J'aimerais que vous me répondiez et que vous continuiez à répondre à la question de Mme Neville.
J'aimerais ajouter quelque chose. J'ai une nièce qui s'est retrouvée dans un refuge pour femmes ici. Elle y est arrivée parce qu'elle était victime de violence, mais elle est rentrée chez elle. Elle pleurait. Elle m'a dit: « Ma tante, devine ce qui est arrivé. » « Quoi, ma fille? Qu'est-ce qui s'est passé? » « Tu sais, je suis allée à Prince Albert, dans un refuge pour femmes, pour ne plus subir de violence. » Elle y avait emmené ses petites filles. Elle s'est effondrée en larmes. Je lui ai demandé: « Qu'est-ce qui ne va pas, ma fille? » Elle m'a répondu: « Ma tante, je suis allée à Prince Albert pour fuir la violence, mais j'y ai été victime de violence. Je me suis fait avoir. Mes enfants se sont fait avoir. » Je lui ai donc dit: « Alors nous allons trouver une solution. Nous allons parler. »
Je peux donc très bien comprendre ce que vous dites quand vous mentionnez qu'il y a deux policiers assis au fond de la pièce ici. Je viens d'une petite collectivité, Ile-a-la-Crosse. Il n'y a pas beaucoup d'aide policière là-bas. Quand on appelle la police au beau milieu de la nuit, quand une femme se fait agresser par son conjoint ou quelqu'un d'autre, les policiers n'arrivent pas tout de suite. Vous savez, nous avons un jeune qui s'est fait poignarder à mort à Ile-a-la-Crosse. Il est mort. Il a fallu une heure aux policiers pour arriver.
Je comprends donc ce que vous voulez dire.
C'est tout.
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Oui, je peux vous répondre.
Elle demande pourquoi nous ne recevons pas de services. Je peux confirmer ce que Wanda vient de dire. Je viens de Cumberland House, et je vois encore beaucoup de membres de ma communauté arriver en ville, mais ne pas y obtenir de services, simplement parce qu'il n'y a pas assez de membres de notre communauté qui s'occupent des membres de notre communauté. Quand on s'adresse aux services sociaux, ils ne sont pas très accueillants. Ils ne sont pas très gentils. Ils ne veulent pas vraiment nous aider.
Beaucoup de femmes de notre communauté, quand elles partent, partent avec leurs enfants, oui, mais elles laissent la stabilité financière derrière elles. Quand nos femmes partent, elles n'apportent que leur identité. Elles laissent tout derrière, y compris un foyer stable. Même si c'est un foyer violent, dysfonctionnel à un certain niveau, c'est quand même leur foyer. Elles y ont un lit. Tout ce qu'elles possèdent est là, leurs vêtements, leurs effets personnels.
Beaucoup de femmes partent sans rien apporter. Je connais des femmes qui se sont fait jeter hors de chez elles en sous-vêtements, littéralement. Elles se sont fait battre, puis jeter dehors dans la neige comme ça. C'est la dure réalité de nos femmes. Que nous soyons dans le Nord de la Saskatchewan ou en ville, c'est notre dure réalité.
Est-ce que nous recevons vraiment de l'aide des services policiers? Voyons les choses en face, beaucoup de femmes à qui je parle se font traiter très brutalement. Elles ne reçoivent pas le même respect que nos homologues non-autochtones. C'est la réalité. Demandez-le à toutes les femmes que vous voulez. Demandez-le aux enfants.
Quand les femmes partent, elles entrent dans le monde des services aux enfants et à la famille. J'ai travaillé dans ce domaine pendant un bon bout de temps. Je ne travaille plus dans ce domaine. Je ne crois pas que ce système soit conçu pour rassembler les familles. Je pense qu'il est là pour diviser les familles, si l'on regarde les choses en face, pour assurer un emploi stable aux travailleurs sociaux. C'est ce que je crois sincèrement.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais moi aussi remercier tous les témoins. Quel accueil chaleureux en cette journée glaciale! Je vous remercie. J'apprécie la franchise de tout le monde ici.
Je viens de la Colombie-Britannique, qui a une histoire affreuse à cet égard. Notre comité ratisse le Canada afin d'essayer de comprendre les causes fondamentales de ce problème, mais aussi de trouver des solutions. Malheureusement, nous ne pouvons pas récrire l'histoire, mais que pouvons-nous faire pour rectifier le tir à partir de maintenant?
Supposons qu'il n'y ait aucune contrainte budgétaire et que nous ayons tous les pouvoirs. Dans votre communauté, que feriez-vous pour prévenir le problème? Je vais laisser à chacune le temps de répondre à cette question. Que feriez-vous si vous n'aviez aucune contrainte d'argent ni de compétences? Ensuite, que feriez-vous pour aider les victimes actuelles? Je laisse le débat ouvert.
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C'est une excellente question. Il est vrai que quand j'élabore des programmes, je chercher toujours de l'argent pour les développer.
Le type de programme qui aiderait vraiment les familles à mon avis... Quand je siégeais au grand conseil, j'ai conçu un programme intitulé « Honouring our Traditions: Shaping Healthy Behaviours ». Il s'agissait d'un programme de gestion de la colère qui devait être déployé à Prince Albert. Il a reçu l'aval du comité de la SAVMU, puis devait être lancé dans nos communautés. J'espère qu'il va se poursuivre, parce que c'est là où nous devons concentrer nos efforts, d'après moi. Nous devons éduquer les gens pour qu'ils puissent relayer l'information dans leur communauté. Nous devons mettre à leur disposition des services, du matériel éducatif et des programmes pour qu'ils continuent d'offrir ces programmes.
Ce programme de gestion de la colère ne permettrait pas seulement aux communautés autochtones d'apprendre à gérer leur colère. Il leur permettrait... Mais d'où vient toute cette colère accumulée, en fait? Vient-elle... ? Nous allons nécessairement en revenir à la colonisation. Nous allons parler d'outils de gestion de la colère. Nous allons parler de violence familiale. Nous allons parler des modes de vie traditionnels. Il y a tellement d'aspects à ce programme. Il s'étendait sur neuf jours, et j'espère qu'il va se poursuivre.
S'il y a une façon dont nous pouvons vraiment aider les gens et enrayer ce fléau, c'est celle-là. La solution viendra de programmes conçus par nos membres eux-mêmes, pour nos membres, donc ce serait comme une formation que les gens pourraient adapter et transmettre aux leurs. Les Dénés pourraient y ajouter un volet culturel déné, par exemple, qui s'intégrerait tout à fait au programme, donc on peut l'adapter aux besoins de chaque peuple, tant qu'on conserve les outils de base qu'il propose.
C'est là où il faut investir d'abord et avant tout, je crois, pour créer un outil vraiment puissant. Dans les familles où il y a de la violence, les femmes n'ont aucune estime d'elles-mêmes. L'idée serait de donner des outils à ces femmes pour agir, pour comprendre leur histoire, ce qui leur est arrivé et ce qu'elles veulent faire de leur vie; de leur donner des outils pour mieux guider leurs enfants, pour qu'elles acquièrent elles-mêmes des compétences et se sentent valorisées. C'est la solution. C'est ce que je voudrais.
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J'aimerais ajouter une chose.
Je suis d'accord qu'il faut donner une dimension traditionnelle aux enseignements que offrons à nos familles, particulièrement aux femmes et aux enfants, mais j'aimerais aussi voir la famille traditionnelle réunie. Je veux dire par là qu'il faut aussi aider les agresseurs. Ils ont autant besoin d'aide que les femmes et les enfants. Si nous n'aidons pas tous les membres de la famille, comment pourrons-nous sincèrement affirmer que nous les avons aidés à se guérir des blessures du passé?
De plus, il est vraiment important d'inclure un volet traditionnel aux mécanismes d'aide très contemporains et de nous attaquer aux causes mêmes de ces problèmes pour véritablement guérir les familles. C'est essentiel pour améliorer leurs compétences de vie, mais aussi pour augmenter leur niveau d'éducation. C'est très important si nous voulons que ces personnes s'engagent sur la voie de l'indépendance.
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Merci beaucoup, madame la présidente. De toute évidence, je suis bien trop silencieuse. Je vais remédier à la situation.
Je tiens à vous remercier d'être toutes si candides. Nous entendons des choses très difficiles. Vous êtes toutes très ouvertes avec nous, et je l'apprécie beaucoup. Je vous remercie de votre honnêteté et de votre clarté
À la fin de la campagne des Soeurs par l'esprit, ou du moins quand l'AFAC en a tiré ses conclusions, elle a dit que son travail d'un bout à l'autre du pays lui avait permis de rassembler des idées très concrètes pour régler divers problèmes auxquels sont confrontées les femmes autochtones et leurs enfants. J'ai l'impression que c'est ce dont vous me parlez aujourd'hui.
J'aimerais creuser certains des points que vous avez abordés. Le premier est celui du déplacement des enfants. Dans ma collectivité, une collectivité autochtone principalement urbaine, nous entendons constamment dire à quel point cette méthode est destructrice. Pendant une très courte période, la province a dégagé des fonds, très modestes, pour que la communauté puisse prendre en charge les enfants autochtones qui en avaient besoin en les plaçant dans des familles autochtones. Il y avait donc un équilibre, un appui culturel. Je ne sais pas trop où est rendu ce programme, mais je pense qu'il n'est plus financé.
Est-ce une solution? Je présume qu'ici, le bien-être des enfants est du ressort de la province et qu'il faudrait discuter avec les représentants provinciaux de ce qu'on peut faire pour que les Premières nations puissent prendre en charge leurs propres enfants. Serait-ce envisageable pour vous et comment? Pourriez-vous soumettre l'idée au gouvernement provincial?
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Je vous remercie de cette question, Irene.
J'ai travaillé comme travailleuse sociale au Manitoba et en Saskatchewan. Au Manitoba, j'ai constaté que le système tenait beaucoup plus compte des besoins des membres des Premières nations, des Métis et des non-Autochtones qu'en Saskatchewan. Il y avait alors quatre organismes compétents conçus pour tenir compte des besoins des quatre groupes, parce qu'il y avait les Premières nations du Nord et les Premières nations du Sud.
Compte tenu de la diversité au Manitoba, chez les Premières nations du Nord, beaucoup de personnes vivent dans des endroits accessibles seulement par avion ou par train. Il n'y a pas de routes. Ces organismes étaient plus sensibles à la façon d'intervenir auprès des enfants autochtones. Si un Cri voulait adopter un enfant déné, par exemple, il ne le pouvait pas. Un enfant déné ne pouvait être adopté que par une famille dénée, et c'était vrai pour toutes les Premières nations.
Ici, en Saskatchewan, c'est un peu différent. Beaucoup de Premières nations ont leur propre organisme pour l'enfance et la famille, mais il y a encore beaucoup d'intervenants non-autochtones. La famille est carrément divisée quand l'enfant est déplacé, surtout s'il est placé à l'extérieur de la collectivité, dans un foyer non-autochtone ou dans un centre d'accueil dirigé par des non-Autochtones. En somme, on divise la famille, et nous, les travailleurs, n'avons pas vraiment le choix de le faire et de revenir au modèle des années 1960, de montrer aux enfants un système d'éducation et une structure familiale complètement différents de ceux de leur famille. Ce n'est pas constructif.
En fait, le gouvernement de la Saskatchewan fait l'objet de vives critiques pour cela en ce moment. Cela fait les manchettes. On en parle dans les journaux. Tout le monde sait que le système en vigueur en Saskatchewan n'est pas bon. Il est si cruel d'arracher un enfant à sa famille. Je le sais puisque j'ai été adoptée moi-même. En ce moment, je ne parle pas à mes parents biologiques simplement parce qu'il y a un système qui m'a éloignée de ma famille. J'ai eu l'immense chance de grandir dans la même collectivité, mais j'ai tout de même été arrachée à ma famille. Des centaines d'enfants subissent le même sort, ici, dans cette ville. Quand nous voyons nos mères subir de la violence ou quelque chose arriver dans une maison d'où l'on doit sortir les enfants, l'une des pires choses à faire, c'est de placer un enfant dans un milieu totalement différent. Ils ne connaissent personne. Il n'y a aucun visage familier. Ils ne connaissent rien de cette maison. C'est terrible d'entendre un enfant pleurer ou de le voir s'accrocher à vos pantalons parce qu'il ne veut pas rester quelque part. Cela crève le coeur.
Est-ce qu'il nous faut plus de travailleurs autochtones sur le terrain? Oui, bien sûr. Pourtant, quand on postule un emploi, on se fait toujours claquer la porte au nez.
Ce qui me peine vraiment quand je travaille auprès des femmes, c'est lorsqu'elles racontent leur histoire et relatent ce qui s'est passé lorsqu'elles ont signalé la violence familiale dont elles sont victimes. Lorsqu'une femme décide d'en parler, la police ouvre un dossier et le centre d'aide reçoit un appel. Il arrive que la femme quitte son conjoint et aille vivre au refuge. Elle finira quelquefois par se réconcilier avec son partenaire, mais il arrive que celui-ci ne cesse de la harceler et qu'elle finisse par croire qu'elle ne peut lui échapper. D'autres fois, le problème touche l'ensemble de la famille. Lorsqu'un agresseur finit par retourner à la maison, les enfants sont retirés du foyer. C'est un abus de plus envers la femme.
Cette politique doit donc être modifiée. Il faut prévoir d'autres mesures envers l'agresseur. S'il revient sans cesse à la maison, ce ne sont pas les enfants qui devraient être enlevés à la mère et intégrés au système; personne ne devrait être victimisé davantage. C'est plutôt l'auteur des sévices qui devrait payer le prix. Pourquoi finit-il toujours par s'en tirer? L'individu s'engagera ensuite dans une autre relation, puis cette famille aussi sera plongée dans la tourmente. Le drame se répète sans cesse. Il arrive qu'un agresseur soit lié à trois ou quatre familles, auxquelles il a infligé des sévices.
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Je ne sais pas si je peux rester concise, mais je vais essayer.
Après avoir écouté attentivement, je constate que toute la question du retrait des enfants du foyer ainsi que les répercussions de la violence familiale ont vraiment été au centre des préoccupations aujourd'hui. Je crois que nous avons beaucoup de matière à réflexion.
En tant que membres d'un comité du gouvernement fédéral, notre tâche est d'explorer ce que nous pourrions recommander au gouvernement pour remédier au problème de violence familiale. Sans aucun doute, vous êtes toutes conscientes de la question des compétences: les gouvernements provincial et fédéral sont chacun responsables de certains aspects.
J'aimerais savoir ce que vous pensez ou recommandez de proposer au gouvernement fédéral pour améliorer la vie des victimes de violence.
Je prends trop de temps.
Vous avez bien sûr parlé des aspects du problème liés aux relations entre générations et à la colonisation. Or, que pourrait aujourd'hui changer le gouvernement fédéral pour atténuer toute forme de violence familiale ou de violence contre les femmes, à défaut de l'éliminer?
Des recommandations pour le gouvernement... À l'heure actuelle, je pense que les solutions que le gouvernement propose pour aider les Premières nations sont symboliques. Il accorde un peu de fonds pour la mise en place d'un programme, qui manque d'argent tout juste après son implantation. Il est arrivé à diverses occasions que des gens soient embauchés dans différents domaines, mais que le financement cesse après un an, parfois cinq. Ce n'est jamais continu, alors que ce devrait l'être.
Comme je l'ai dit, si vous examinez le budget du ministère des Affaires indiennes, vous remarquerez que presque rien n'est attribué au counseling. Sur les réserves, les services sociaux se limitent à distribuer un chèque d'aide sociale, qui n'est accompagné d'aucun service. Les gens vont y chercher leur allocation alimentaire et leur allocation de logement, mais c'est tout. Ils n'offrent rien d'autre que ce chèque, pas même des travailleurs sociaux formés en counseling. Vers qui les gens peuvent-ils se tourner? Ils vont ramasser leur chèque au bureau du conseil de bande. Il arrive que les centres de santé offrent du counseling, mais encore, si vous examinez les budgets en santé... je suis au courant de la situation en tant que directrice dans le secteur de la santé. J'assume cette fonction à Montreal Lake depuis plusieurs années, et bien peu d'argent est alloué au counseling. Il s'agit de nos agents des services à l'enfance et à la famille. On est beaucoup trop enclin à retirer les enfants de leur foyer sans offrir de counseling aux familles. Il faut briser ce cycle dans tous les organismes de nos collectivités, que ce soit l'aide sociale, la santé, les organismes de services à l'enfance et à la famille, et même la GRC, qui devrait soutenir ces familles.
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Dans le cadre de mon travail, j'ai fait plusieurs choses liées au service de police de Prince Albert. Lorsque je travaillais au sein du Grand conseil, j'organisais une marche commémorative au cours de laquelle nous honorions la mémoire de nos frères et soeurs disparus ou assassinés. Cet événement m'a permis de très bien connaître le service de police. À Prince Albert, nous organisons également un rassemblement en faveur d'une ville sans violence, au cours duquel nous honorons les services policiers avec qui nous travaillons.
Je pense que notre situation est tout à fait particulière. Pour la première fois, une agente de police m'a demandé de l'aider dans une affaire de violence familiale. Que je sache, ce n'est jamais arrivé, et je suis vraiment emballée de constater que les services policiers collaborent avec les organismes communautaires pour renforcer cet aspect.
J'ai aussi eu des contacts avec l'agent de police Matthew Gray, qui met en place des programmes et aimerait travailler avec les organismes communautaires. En toute honnêteté, vous pouvez dire que le travail avec les services policiers a déjà vraiment posé problème, mais je crois que nous renouons de bonnes relations et que les gens essaient vraiment fort de collaborer avec nos communautés des Premières nations. Je sens un grand respect à mon égard lorsque je travaille avec eux. Je travaille avec les services d'aide aux victimes et avec beaucoup de ces agences communautaires, et c'est pourquoi je veux en parler.
De plus, lorsqu'ils créent certains programmes, les services policiers tentent d'établir des liens avec les programmes relatifs aux disparitions et assassinats de femmes. On m'a invitée à prendre part à une équipe chargée de dossiers non résolus. Je crois que Rhonda Meakin, l'agente de police en question, a été affectée ailleurs depuis. Mais les nouvelles personnes, les nouveaux agents de police, puisqu'ils se font souvent transférer dans les diverses collectivités de la communauté... Nous devons toujours travailler avec de nouvelles personnes, qui conservent toujours cette relation. Je tiens donc vraiment à dire que le service policier de Prince Albert a déployé de grands efforts pour créer ce lien avec les services communautaires. Je pense qu'il essaie vraiment fort de mettre de bons programmes en place.
Nous travaillons ensemble à cet égard. Nous allons même former un comité qui se penchera sur la question et en discutera directement; ce sont les agents de police eux-mêmes qui s'en occupent et qui invitent des gens de la communauté à y prendre part. J'espère que tous les invités y participeront, car je crois qu'il s'agit d'un bon outil de prévention.
Je travaille aussi pour la santé mentale... et je travaille avec le programme Choices for Men. Je suis l'une des facilitatrices du programme Eve, qui est une sorte de miroir... Lorsque les hommes intègrent le programme, les femmes suivent exactement le même programme. Au cours des quatre dernières années, j'ai aussi travaillé aux services de probation qui s'occupent des hommes accusés de violence familiale. Ce sont les services de probation qui en sont responsables. J'y ai travaillé pendant quatre ans.
À Prince Albert, nous avons du mal à mettre en place un programme de lutte contre la violence familiale. Saskatoon et Regina possèdent chacune un tribunal pour les causes de violence familiale. Là-bas, les hommes accusés de violence familiale intègrent un programme. À Prince Albert, nous n'avons pas suffisamment d'argent pour soutenir ce genre de programme. Nous avons élaboré une proposition en collaboration avec le chef de police, des procureurs et des juges. Le projet a été présenté. En réponse, les services policiers ont reçu un peu d'argent pour mettre en place certains programmes, et c'est ce qu'ils font. Toutefois, ce programme contre la violence familiale est vraiment essentiel, d'autant plus que nous desservons un grand nombre de collectivités nordiques. C'est vraiment l'un des chaînons manquants à Prince Albert.
Actuellement, un des objectifs de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, c’est de réunir tous les intervenants à Prince Albert pour offrir — l’expression me déplaît beaucoup — un guichet unique où les clients dont les besoins ont été évalués peuvent obtenir des services. Notre comité en discute présentement. J’ai élaboré le programme et nous le mettrons en oeuvre.
Lorsque ce sera fait, nous réunirons les intervenants de Prince Albert, comme Angie, et divers organismes pour trouver la meilleure manière de servir les clients qui en ont le plus besoin. La situation actuelle ne peut pas durer. Il y a tellement de programmes innovateurs offerts à Prince Albert, mais ce ne sont pas tous les clients qui les connaissent et qui savent comment nous pouvons les aider. Nous devons informer les clients des ressources disponibles.
La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain est un projet pilote du ministère des Affaires indiennes mené dans différentes villes canadiennes. Ce qu’il nous faut, c’est un financement de base bonifié et régulier pour élaborer davantage de programmes de prévention. Je souhaite qu’à Prince Albert, tous les organismes trouvent ensemble la meilleure façon de servir les clients. Mais il nous manque le financement de base. Le projet se termine à la fin de l’exercice de 2011, en mars prochain, et nous n’avons pas d’argent pour continuer après cela. C’est un des problèmes avec lesquels nous sommes tous aux prises; lorsque, de concert, les organismes d’aide aux Autochtones mettent en oeuvre un excellent programme de prévention, un plan d’action ou quelque chose dans le genre et que les clients commencent à en profiter, on coupe tout simplement le financement de base. Que devons-nous faire de nos clients, alors?
On cesse de financer les programmes conventionnels, mis sur pied par les organisations communautaires et la plupart du temps axés sur les besoins des clients, quand ils commencent vraiment à donner des résultats, après un ou deux ans. Nous ne pouvons pas compter sur un financement durable et nous ne savons pas comment aider les clients, les rediriger ici, éviter de les malmener et faire en sorte qu’ils n’abandonnent pas leur plan de mieux-être. Les bénéficiaires deviennent tout juste indépendants que, soudain, ils ne peuvent plus profiter des services qui étaient offerts.
Étant donné qu’il reste un peu plus de 25 minutes, nous pourrions entamer une troisième série de questions.
Cependant, je veux simplement rappeler au comité et aux témoins que nous sommes ici pour parler non seulement de violence familiale, dont il a beaucoup été question, mais aussi de la nature de la violence. Autrement dit, les femmes autochtones sont-elles victimes d’autre chose que la violence familiale? Si c’est le cas, nous pourrions maintenant discuter d’autres sortes de violence, comme de celle qu’on subit en société et dans la communauté ou de la violence systémique, des manières de contrer et de prévenir la violence, des thérapies possibles, de la réhabilitation, de la sensibilisation qu’il faut faire ou de je ne sais quoi.
C’est ce que je propose, étant donné que nous avons seulement parlé de violence familiale. Dans d’autres régions, on nous a dit que les femmes autochtones subissaient bien d’autres formes de violences, en particulier en milieu urbain.
Je vous laisse le choix. C’est simplement une suggestion. Vous n’avez pas à en tenir compte si vous préférez poser d'autres questions.
Anita, vous avez cinq minutes.
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Merci, madame la présidente.
On a dit un certain nombre de choses. Je comprends les préoccupations concernant le financement de base et le financement temporaire. Évidemment, il n'est pas uniquement question du gouvernement fédéral. J'ai travaillé dans le système provincial et je suis devenue très méfiante. C'est bien quand le financement de projets donne de bons résultats, mais il est très difficile d'accepter que, cinq ans après sa mise en oeuvre, un programme qui connaît du succès soit supprimé. On se demande presque s'il vaut la peine de défendre les programmes qui ont fait leurs preuves. C'est ce qui se passe au gouvernement provincial.
J'aimerais savoir deux choses. On a parlé de former les formateurs et d'intégrer les méthodes conventionnelles dans les pratiques actuelles. Sans conteste, le programme d'autogestion de la maladie chronique a remporté un franc succès. Avez-vous songé à adopter un tel programme dans les communautés éloignées du Nord, où des gens ont reçu une formation et peuvent offrir du soutien? Avez-vous réussi à combattre la violence et les abus?
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Ils ont toujours dit que c'était une question de santé. Toujours. Ils nous disent toujours la même chose. « Puisque cette personne a besoin d'être déplacée, les frais de transport devraient être imputés au budget de santé. » Une grande partie de notre budget de santé, environ 75 p. 100 à l'époque, je crois, servait au transport des victimes qu'on éloignait de leur environnement pour finalement les retourner au même milieu familial dysfonctionnel, si je peux m'exprimer ainsi. Une grande partie de nos fonds servait au transport.
Nous avons tenté de nombreuses façons d'établir des partenariats avec nos homologues provinciaux, de leur dire « Voici ce que nous proposons: concevons ensemble un programme qui nous permettrait non seulement d'éduquer les mères et les enfants, mais aussi de faire intervenir les pères. » Essentiellement, il fallait demander au juge ou au gouvernement d'obliger un homme accusé de violence familiale ou d'agression envers sa conjointe de participer à une séance de thérapie avec sa conjointe et ses enfants. Environ 99 p. 100 du temps, il acceptait et, bien souvent, la thérapie fonctionnait, tant et aussi longtemps que les services de soutien étaient offerts. Mais dès que les services de soutien n'étaient plus disponibles, sans financement de base, tout s'écroulait.
Il y en a certains pour qui la thérapie a été très bénéfique, je peux vous en assurer. C'est ce qui s'est produit pour environ 60 p. 100 des participants, mais c'est vraiment les 40 p. 100 qui restent qu'il faut aider. Nous avons aidé ces familles à devenir plus indépendantes. C'est vraiment cela l'objectif.
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Merci, madame la présidente. Je vous remercie de me permettre de parler français.
À la suite de tout ce que j'ai entendu cet après-midi, je crois que l'une des causes fondamentales de la violence est la très grande pauvreté des femmes des Premières nations. À mon avis, cette très grande pauvreté se traduit aussi par un manque de logements sociaux, par un manque d'éducation, par un manque de soutien social et par un manque de pouvoir des femmes.
N'y aurait-il pas lieu de faire appel aux programmes de Condition féminine Canada relatifs à l'autonomisation des femmes? En effet, les femmes des Premières nations gagneraient beaucoup à se prévaloir de ces programmes et à prendre le contrôle de leur vie, à prendre le contrôle de qui elles sont et à devenir fières de qui elles sont, fières d'être des femmes autochtones, et à devenir des leaders dans leur communauté, comme vous l'êtes sûrement déjà. Elles pourraient ainsi devenir des leaders au sein de la communauté de Prince Albert et des autres communautés, siéger au conseil de ville, occuper des postes dans les sphères décisionnelles afin de changer la donne et la façon de faire. C'est seulement de cette façon qu'on va vraiment changer la situation et arrêter la violence.
Je constate que vous travaillez toutes très fort, mais vous le faites à contre-courant, parce que la violence continue et perdure. Pour que la violence arrête, il faut que la pauvreté arrête et il faut que les femmes croient en elles-mêmes et qu'elles s'aiment. C'est ainsi qu'on mettra fin à la violence.
Merci.
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La pauvreté est un facteur important à tous points de vue. Il faut se demander pourquoi les gens sont si pauvres. Lorsqu'il est question de pauvreté, il faut examiner ce qui s'est produit lors de la colonisation du Canada. Nous n'avons aucun droit sur nos ressources et nos minéraux.
Je vis au sein d'une collectivité de Premières nations. Quand nous voulons créer des programmes et encourager un certain développement économique, les mêmes obstacles surgissent toujours: vous devez faire ceci ou cela. Il y a tellement d'obligations à remplir avant de pouvoir exploiter une petite entreprise dans une collectivité des Premières nations. Si ce sont ces obstacles qui empêchent les gens de progresser et qui créent la pauvreté.... Il y a deux volets: oui, il y a la pauvreté, mais bien des gens pauvres mènent une bonne vie sans violence. Il faut d'abord comprendre d'où ils viennent et quelles sont leurs valeurs traditionnelles. Ils doivent pouvoir s'identifier à ces valeurs et vivre dans un environnement qui leur permet d'entretenir leurs traditions dans le respect, et il faut que les membres de la collectivité acceptent cela.
Prenez une cérémonie aussi simple que celle où les participants portent les peintures traditionnelles et font brûler du foin d'odeur ou de la sauge. Beaucoup de nos installations ne permettent pas la tenue de ce genre de cérémonie. Donc lorsqu'on crée des groupes ou des programmes, la tenue de cette simple cérémonie devient problématique. Alors, nous ne pouvons pas nous adonner à certaines de nos traditions. Nous croyons qu'il s'agit d'une façon importante de nous exprimer lors de nos réunions en tant que peuple des Premières nations.
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Merci, madame la présidente.
Je vais poursuivre dans la foulée de Hedy, et aussi de Nicole, car elle a touché un point que j’allais soulever, soit la violence sociale et la façon dont celle-ci est perpétuée dans les collectivités.
Plus particulièrement, le manque de logements abordables est-il un problème à Prince Albert et dans les autres collectivités que vous desservez?Pouvez-vous nous décrire votre expérience à cet égard?
En ce qui concerne la pauvreté, j’ai l’impression que…. Quelqu’un a dit que les membres des Premières nations se font souvent refuser des emplois. Ils se présentent pour un emploi, et on leur dit : « Non, pas vous; nous ne voulons pas de vous. » Alors, puisque nous parlons de la nécessité d’offrir de la formation professionnelle, jusqu’à quel point le chômage entraîne-t-il la violence? Quelqu’un a dit ce matin que les membres des Premières nations n’ont tout simplement pas les compétences ou les acquis scolaires qu'il faut pour suivre la formation dont ils ont besoin.
En terminant, est-ce qu’un quelconque programme abordable et fiable de garde des enfants pourrait aider les femmes qui, peut-être, désirent suivre une formation ou se trouver un emploi, ou qui veulent simplement se libérer d’une dépendance ou se sortir du traumatisme que leur a causé la violence subie? Est-ce que cela pourrait faire partie de la solution lorsqu’on parle d’une collectivité qui s’aide elle-même?
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La question du logement aurait dû faire partie des premières questions soulevées aujourd’hui. Il est difficile pour les femmes de se loger. C’est probablement une des raisons qui explique pourquoi il est si difficile pour les femmes de trouver une place dans les maisons de refuge. Il n’y a pas que des femmes battues dans ces maisons; il y a aussi des sans-abri, des gens qui n’ont nulle part où aller, et ils occupent les places disponibles.
C’est regrettable, mais une femme qui essaie de s’enfuir d’une situation de violence ne pourra pas se trouver une place dans une maison de refuge en raison de la pénurie de logements. Une fois qu’elles obtiennent une place, elles se cherchent un logement partout dans Prince Albert, mais c’est impossible de trouver un logement abordable. Habituellement, elles prennent ce qu’elles arrivent à trouver. Ce n’est pas toujours idéal. Généralement, elles doivent consacrer une grande partie de leur allocation alimentaire à leur loyer.
Il y a aussi la question de la garde des enfants. J’élève deux de mes petites-filles, une de neuf ans et une de quatre ans. La situation des garderies est épouvantable. Il est très difficile d’avoir une place en garderie. Il y a des listes d’attente. Si, comme moi, vous travaillez et que votre revenu est un peu trop élevé, vous devez payer le coût total de la garde de l’enfant, même si vous êtes les grands-parents. Il n’y a aucun soutien pour les grands-parents. Ça, c’est un autre problème. On doit offrir un meilleur soutien aux grands-parents qui s’occupent de leurs petits-enfants, car ils sont nombreux dans la collectivité à se trouver dans cette situation.
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Il est vrai que le manque de logement, d’emplois et de places dans les maisons de refuge est à la source de beaucoup violence. Tout est interrelié.
La situation du logement ici est incroyable. Les gens paient entre 1 000 $ et 1 200 $ par mois pour une maison de plain-pied de trois chambres à coucher. Ajoutez à cela les services publics, et vous êtes rendus à au moins 2 000 $ par mois. Si vous et votre conjoint n’êtes pas des professionnels, je suis désolée, mais vous n’arriverez pas à joindre les deux bouts. En ce qui concerne les logements sociaux, il n’y a rien de disponible. Nous en avons cherché la semaine dernière, et nous n’avons absolument rien trouvé.
Un appartement d’une chambre à coucher offert par Weidner Investment Services, une entreprise qui achète de nombreux édifices à logement dans la région, vous coûtera 850 $ par mois. Les appartements de trois chambres à coucher se louent environ 1 100 $ par mois. Comment pouvons-nous affirmer offrir beaucoup de services, alors que les gens n’ont pas accès à des logements abordables?
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J'aimerais vous remercier toutes d'être venues aujourd'hui.
Maintenant que toutes les participantes ont eu la chance de s’exprimer, j’aurais quelques questions à poser. J’aimerais revenir sur quelques points.
Mme Demers a demandé plus tôt si l’on pourrait mettre un terme à la violence en éliminant la pauvreté. J’étais médecin dans une autre vie, et je sais que des femmes très riches sont victimes de violence elles aussi. Alors, je crois qu’il s’agit plutôt d’une question de prise en main personnelle, et que l’éducation serait l'une des meilleures façons d’y arriver. Si une femme peut se trouver un emploi parce qu’elle est éduquée, elle peut se prendre en main et dire : « Je peux m'occuper de moi-même. Je n’ai pas besoin de vous, ni de votre système de soutien. Je peux répondre à mes besoins et à ceux de mes enfants. »
Comme vous l’avez dit, il y a de nombreux facteurs à considérer, mais j’aimerais revenir sur la question que nous avons abordée, soit celle de la violence familiale. D’autres groupes ce matin ont parlé de violence systémique. Les femmes portées disparues ou tuées ne sont pas des victimes de violence familiale, n’est-ce pas? Alors, pourquoi est-ce que personne dans la collectivité ne fait un suivi sur toutes ces femmes autochtones portées disparues ou tuées? De toute évidence, il existe une autre forme de violence dont nous n’avons pas encore parlé, soit la violence communautaire dans les centres urbains, car la plupart de ces victimes viennent des régions urbaines.
La question que j’aimerais examiner rapidement concerne les réserves — et c’est la raison pour laquelle nous nous rendons dans les réserves, les régions urbaines et les régions isolées, car nous croyons que les problèmes diffèrent beaucoup d’une région à l’autre. Jusqu’à maintenant, les témoignages que nous avons entendus nous ont permis de découvrir que, dans les régions urbaines, il y a toujours des querelles concernant les compétences : est-ce la responsabilité de l'administration municipale, du gouvernement provincial ou du gouvernement fédéral? Donc, diverses compétences entrent en jeu lorsqu’il est question des problèmes que vivent les Autochtones dans les régions urbaines où existe, entre autres, la violence sociétale.
Ma question comporte deux volets. Premièrement, pourquoi n’y a-t-il pas de ressources offertes dans les réserves? Le gouvernement a une responsabilité fiduciaire dans les réserves. Pourquoi le MAINC n'établit-il pas tous les guichets uniques, les maisons de refuge et autres services nécessaires dans les réserves? C’est là ma première question. Et si le ministère dispensait ces services, est-ce qu’au moins cela réglerait les problèmes dans les réserves?
Deuxièmement, pourquoi l'Autochtone qui part de la réserve pour s'installer dans une région urbaine ne bénéficie-t-il plus des soins et du financement qui sont offerts dans la réserve?
Troisièmement, à l’époque où Paul Martin était premier ministre, il a tenté de conclure ce qu’on appelait l’Accord de Kelowna, qui aurait permis aux Autochtones, qu’ils habitent dans une région urbaine ou une réserve, de s’occuper eux-mêmes des trois principaux aspects, soit le logement, l’éducation et la santé. Si l’accord avait été conclu, est-ce que cela aurait réglé certains de vos problèmes?
J’aimerais connaître vos réponses à ces questions.
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En tant que solution? Oui, cela pourrait aider.
Ma famille accordait beaucoup d’importance à l’éducation. Mes parents nous ont éduqués et ils nous ont aidés du mieux qu’ils pouvaient. Quand ils n’avaient pas les moyens de nous aider, nous obtenions un prêt étudiant. Parce que j’ai reçu une éducation et que je suis indépendante, si j'étais victime de violence, je pourrais me prendre en main, me remettre sur pied et améliorer mon propre sort.
Si les Autochtones pouvaient recevoir leurs allocations de logement, d’études et de santé, peu importe où ils habitent, cela les aiderait à être plus indépendants à bien des égards et de bien des façons.
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C’était un accord intergouvernemental entre les provinces, le gouvernement fédéral et les collectivités autochtones qui aurait permis aux Autochtones de recevoir ces fonds, notamment pour répondre aux besoins...
Merci beaucoup. Je vous remercie toutes d’être venues, d’avoir fait preuve d’ouverture et d’honnêteté et d’avoir répondu à nos questions au meilleur de vos connaissances. Je sais que c’est d’une séance de six heures dont nous aurions besoin pour bien faire le tour de la question, mais je tiens à vous remercier pour les réponses que vous nous avez fournies.
Au nom des membres du comité, je vous remercie de nous avoir aidés à comprendre certains de ces problèmes et à essayer de prendre un instant…. Comme vous le savez, ce rapport tiendra compte de l’information que nous avons obtenue et le comité s’appuiera sur cette information pour formuler ses recommandations. Ensuite, comme le font tous les autres comités, nous présenterons nos recommandations à la Chambre des communes et le gouvernement aura 90 jours pour réagir. C’est le processus que suivent ces rapports.