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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 053 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 février 2011

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

     J'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue à nos témoins, Jeannette Corbiere Lavell, Claudette Dumont-Smith et Katharine Irngaut.
    Merci beaucoup d'être ici. Cela fait longtemps que nous attendons ce moment; c'est pour nous un plaisir que de vous avoir parmi nous. Nous sommes tous très contents d'avoir pu organiser cette séance et que vous puissiez nous accueillir.
    Avant de commencer, j'aimerais aborder rapidement deux questions relatives aux travaux du comité.
    Premièrement, nous avons reçu une lettre, dont copie a été distribuée à tous les membres, indiquant que l'honorable Rob Nicholson, l'honorable Vic Toews et l'honorable Rona Ambrose pourront bel et bien venir témoigner devant notre comité. La greffière est toujours en discussion avec les différents bureaux de ces personnes, qui ont promis de venir très bientôt avec leurs fonctionnaires respectifs. J'en conclus que la persévérance finit par payer et que nous aurons la chance de parler prochainement aux ministres et aux membres de leur personnel qui les accompagneront.
    Deuxièmement, nous avons perdu malheureusement deux membres précieux de notre comité, mais nous allons les remplacer. Nous avons perdu Mme McLeod; nous devrons donc élire une nouvelle vice-présidente du caucus conservateur. Nous pourrons le faire plus tard aujourd'hui ou remettre cela à mardi. Je vous laisse y réfléchir. Nous y reviendrons.
    J'ai échangé brièvement quelques mots avec nos témoins. Comme je l'ai dit en début de séance, cela fait longtemps que nous attendons avec beaucoup d'impatience leur participation aux délibérations du comité. J'ai noté que nous n'avons réservé qu'une heure, mais comme les représentants du ministère sont dans l'incapacité de venir, je propose, avec la permission des membres du comité, que nous prolongions les audiences un petit peu, afin d'avoir réponse à toutes nos questions et de nous entretenir plus longuement avec nos témoins.
    Est-ce que cela vous convient? Les membres du comité sont-ils d'accord pour que nous dépassions un peu l'heure prévue pour obtenir des réponses à toutes nos questions?
    Des voix: Oui.
    La vice-présidente (Mme Irene Mathyssen): Je vois que vous approuvez. Merci beaucoup.
    Je vais laisser la parole à qui voudra s'exprimer en premier. Vous disposez de 10 minutes pour vos déclarations liminaires.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    [Le témoin s'exprime en ojibway.]
    Conformément à nos traditions, j'aimerais rendre hommage à la Nation algonquine sur le territoire de laquelle nous nous réunissons aujourd'hui. J'appartiens à la Nation anishinabek. Je vous transmets les bons voeux de mon peuple établi dans le Nord de l'Ontario et un peu partout ailleurs, ainsi que de tous les membres de l'Association des femmes autochtones du Canada. Nous sommes une organisation qui regroupe des Indiens inscrits et non inscrits ainsi que des Métis et des Inuits membres de notre réseau provincial et territorial.
    L'Association des femmes autochtones du Canada, ou AFAC, s'est fixé comme objectif d'améliorer, de promouvoir et de favoriser le bien-être social, économique, culturel et politique des femmes autochtones. L'AFAC croit que les droits fondamentaux des femmes autochtones incluent le droit de vivre sans violence.
    Entre 2005 et 2010, l'AFAC a réalisé une étude pour documenter les cas passés et actuels de disparitions et d'assassinats de femmes et de jeunes filles autochtones. L'AFAC a travaillé en étroite collaboration avec les familles qui ont perdu un être cher pour partager leurs préoccupations et les aider dans leur épreuve, documenter leur histoire et trouver des failles dans le système de justice et les programmes d'aide. L'AFAC a travaillé avec des prestataires de services, des universitaires, ainsi que des représentants de tous les ordres de gouvernement pour améliorer l'offre de services aux femmes et à leur famille, ainsi que pour influencer les décisions stratégiques relatives à la violence et aux facteurs de vulnérabilité, comme la pauvreté, le sans-abrisme et le manque d'éducation, de solutions économiques et d'accès à la justice.
    En 2010, en publiant son rapport intitulé What Their Stories Tell Us, l'AFAC a rendu publiques des informations concernant environ 600 cas répertoriés de femmes autochtones disparues et assassinées dans chaque province et territoire du Canada. Bien que l'AFAC ne fournisse pas directement de services aux personnes, à la lumière des informations qu'elle a obtenues grâce à son travail auprès des familles, des prestataires de service et des organisations non gouvernementales, elle peut servir de guide à d'autres et les aider dans leurs démarches. Nos travaux de recherche et d'élaboration de politiques nous ont permis d'acquérir de l'expertise en matière de compétences et de sensibilisation aux programmes et aux services offerts dans les communautés. Quand ces programmes et services n'existent pas ou que nos femmes n'y ont pas accès, nous aidons les familles et les communautés à définir leurs besoins, et nous travaillons avec elles à la recherche de solutions.
    L'AFAC a mis au point des outils et développé des moyens pour les familles et ceux qui travaillent auprès d'elles, ainsi que pour l'ensemble des Canadiens, afin de sensibiliser la population à ces questions, d'appuyer les interventions efficaces et de prendre des mesures de lutte contre la violence répétée dont sont victimes les femmes et les jeunes filles autochtones au pays.
    Malheureusement, l'AFAC n'a pas encore réussi à réunir les fonds nécessaires pour poursuivre ou maintenir les travaux qui avaient si bien commencé, notamment avec l'initiative Soeurs par l'esprit. Nous aimerions toutefois que notre relation de travail avec les représentants actuels des différents ordres de gouvernement continue, pour nous permettre de poursuivre cette oeuvre utile.
    Au cours des 20 derniers mois, nous avons travaillé assidûment avec de hauts fonctionnaires du ministère responsable de la condition féminine, ainsi que des responsables de projets, dans le but d'obtenir le maintien du financement pour la prochaine phase de l'initiative Soeurs par l'esprit. Nous poursuivons nos travaux dans ce sens et espérons que cette rencontre nous donnera de bons résultats.
    Permettez-moi maintenant de faire un bref retour en arrière. Le 3 mars 2010, lorsqu'elle a entendu le discours du Trône, l'AFAC s'est sentie revigorée et animée d'un certain optimisme face à l'avenir de Soeurs par l'esprit. La gouverneure générale avait déclaré ceci:
Notre gouvernement prendra des mesures additionnelles pour réduire le nombre dérangeant d'affaires non élucidées de meurtres et de disparitions de femmes autochtones. L'initiative des Soeurs par l'esprit a attiré une attention particulière sur cette grande priorité de la justice pénale.
    Le 4 mars 2010, cet espoir a grandi un peu plus grâce à une annonce faite dans le cadre du budget fédéral et qui disait ceci:
Le gouvernement est déterminé à assurer la sécurité de toutes les femmes au Canada, y compris les femmes autochtones, où qu'elles habitent. Les femmes autochtones demeurent particulièrement vulnérables à la violence et peuvent avoir de la difficulté à recourir au système de justice, qui devrait les protéger.

Le budget de 2010 prévoit un investissement de 10 millions de dollars sur deux ans pour faire face au problème du nombre élevé de femmes autochtones disparues ou assassinées. Des mesures concrètes seront prises pour veiller à ce que les organismes d'application de la loi et le système de justice répondent aux besoins des femmes autochtones et de leur famille.
(1110)
    L'AFAC a compris que le financement prévu dans le budget fédéral n'était pas destiné exclusivement à nos travaux et à notre organisation, mais nous avions bon espoir que cela pouvait déboucher sur un nouveau partenariat avec le ministère de la Justice qui nous permettrait de partager nos expertises respectives et de poursuivre notre oeuvre.
    L'AFAC s'est engagée à travailler avec le gouvernement fédéral, même si elle a conscience que les changements systémiques ne se font pas du jour au lendemain. Étant donné que les familles et les communautés ont un besoin constant et impérieux de ressources, nous nous efforçons de fournir des données factuelles aux décideurs, à tous les ordres de gouvernement, aux services de police et aux éducateurs, et de travailler avec les autorités policières et les prestataires de services pour que les besoins soient comblés.
    L'AFAC comprend que les fonds gouvernementaux sont en forte demande et qu'il y a une vaste gamme d'initiatives à soutenir, particulièrement en période d'incertitude économique et de restrictions budgétaires. Néanmoins, nous considérons qu'investir dans la prévention serait beaucoup plus profitable, à long terme, que de se contenter de financer des mesures en réaction à des actes de violence.
    Regardons, par exemple, combien coûtent au système de justice le procès et le prononcé de la peine de criminels prédateurs comme Robert William Pickton. L'AFAC sait que l'affaire Pickton a coûté environ 102 millions de dollars, ce qui est près de dix fois plus que les 10 millions de dollars que le gouvernement a prévus dans le dernier budget pour s'occuper des affaires de femmes autochtones disparues et assassinées.
    Même si l'AFAC a obtenu de la reconnaissance pour son initiative Soeurs par l'esprit, ses réalisations incroyables en matière de sensibilisation et ses travaux incomparables à l'intention des décideurs, elle se trouve dans une position de plus en plus difficile.
    Nous avons conclu un accord de contribution avec Condition féminine Canada pour un montant de 500 000 $, afin de financer la première phase du projet intitulé Du constat aux actes, qui a commencé le 31 mars 2010. Cette entente couvre une période de six mois s'étant terminée le 30 septembre 2010. Depuis ce moment-là, l'AFAC a travaillé avec Condition féminine du Canada pour assurer le financement de la prochaine phase de ce projet. Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de nouvelles. Notre dernière proposition a été examinée par un comité de révision, et nous attendons la décision définitive.
    Toujours est-il qu'au moment où je vous parle, nous n'avons pas encore conclu d'accord de contribution et, de ce fait, nous avons dû licencier du personnel qui travaillait pour le programme Soeurs par l'esprit. Même si nous pensions avoir des garanties que ce projet se poursuivrait, nous ignorons maintenant si l'initiative Du constat à l'action obtiendra du financement pour la nouvelle année.
    Depuis, j'ai été avisée que ce ne serait pas le cas et rien ne permet de croire que la situation pourrait changer. Ce mémoire a été préparé avant que nous en ayons eu la confirmation.
    Même si nous sommes déterminés à chercher de nouveaux partenariats et d'autres sources de financement, nous sommes limités par notre nouvelle capacité. Nos partisans et partenaires ont commencé à s'inquiéter sérieusement de l'état de notre financement, ce qui nous a détournés de nos objectifs de réduction de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles autochtones et d'amélioration de l'intervention des prestataires de services et des gouvernements auprès des victimes et de leurs familles.
    La définition des activités admissibles au Fonds communautaire pour les femmes a changé, ce qui nous empêche de poursuivre les travaux que nous avions entrepris. Au cours des dix derniers mois, par exemple, l'AFAC n'a pas été en mesure d'entrer des informations concernant de nouveaux cas dans la base de données, ni même de mettre à jour les dossiers existants; néanmoins, des personnes s'efforcent de faire ce travail de manière bénévole.
    Il y a eu 20 nouveaux cas d'homicide et 10 nouveaux cas de disparition de femmes qui n'ont pas encore été documentés. L'AFAC a été informée d'un certain nombre de cas anciens survenus en Colombie-Britannique sur lesquels il faudrait faire enquête et dont on devrait éventuellement entrer les informations dans notre base de données.
(1115)
    L'AFAC craint également que son incapacité à obtenir du financement pour mettre à jour cette base de données l'empêche de se concentrer sur l'incidence des cas. Il lui sera également plus difficile de déterminer jusqu'à quel point les mesures prises pour réduire la violence ont effectivement porté fruit dans quelques cas d'assassinat ou de disparition de femmes et de jeunes filles autochtones.
    Je sais que je vais bientôt manquer de temps, madame la présidente.
    Oui, vous pourriez peut-être conclure.
    Eh bien, je dirais, en guise de conclusion, que l'Association des femmes autochtones du Canada veut continuer de travailler, avec les différents ministères, notamment Condition féminine Canada, le ministère de la Justice et le ministère de la Sécurité publique à faire baisser les niveaux élevés de violence contre les femmes et les jeunes filles autochtones, qui ont atteint des proportions inquiétantes. Nous voudrions poursuivre nos relations de travail avec ces ministères. La base de connaissances développée par l'AFAC et Soeurs par l'esprit est reconnue à l'échelle nationale et internationale. Nous sommes désireux de travailler avec ces différents ministères pour nous attaquer au fléau de la violence faite aux femmes dans ce pays. Grâce à cette nouvelle reconnaissance dont nous sommes gratifiés, nous espérons poursuivre notre collaboration avec le gouvernement du Canada pour combattre la violence, et continuer de travailler avec nos familles.
    Pour résumer, j'aimerais dire que tout ce que je souhaite, c'est de pouvoir collaborer avec le gouvernement et les différents ministères au règlement des questions de justice, de sécurité et de respect des droits fondamentaux de toutes les personnes vivant au Canada.
    J'ai oublié de vous présenter mes collègues. Il s'agit de Claudette Dumont-Smith, directrice exécutive de l'Association des femmes autochtones du Canada, et de Katharine Irngaut, actuellement directrice de Soeurs par l'esprit. Elle est un peu seule maintenant, mais elle continue de travailler.
    Meegwetch. Merci de votre attention.
    Meegwetch, madame Corbiere Lavell. Nous vous remercions pour ces paroles de sagesse.
    Nous allons maintenant entreprendre une série de questions et réponses qui durera sept minutes. Madame Simson, vous pouvez commencer.
    Merci, madame la présidente.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins. Nous sommes vraiment honorés de vous avoir parmi nous.
    En écoutant votre déclaration liminaire... ce comité a voyagé un peu partout au Canada. Nous avons visité plusieurs endroits, et j'ai la chance de m'être jointe au groupe il y a quelques jours déjà. Les commentaires au sujet du financement me troublent quelque peu. Ce n'est pas tellement le montant des fonds qui m'inquiète; cela touche le financement de programmes bien particuliers, et certaines organisations passent un nombre incalculable d'heures et de jours, voire de semaines, à chercher du financement, à peaufiner les programmes et à attendre, en se rongeant les sangs, de savoir si elles obtiendront ce qu'elles demandent.
    Comme j'ai entendu cela à de multiples reprises, j'aimerais savoir si vous êtes aussi dans cette situation.
(1120)
    Puis-je demander à ma directrice exécutive de vous répondre? C'est elle qui s'occupe des projets et de la préparation des budgets.
    Je dois vous avouer que oui, nous sommes aussi dans cette situation. Les activités de l'AFAC sont davantage axées sur les projets. Nous obtenons du financement par projet pour fonctionner. Effectivement, comme vous l'avez mentionné, chaque année nous devons ajuster nos propositions pour qu'elles correspondent à certains critères exigés par différents ministères, dont Condition féminine Canada.
    Jusqu'à quel point faites-vous des ajustements? Ce que le gouvernement impose, comme critères, n'est pas nécessairement dans l'intérêt supérieur des communautés. Les ministères entreprennent-ils une forme de dialogue avant d'envisager la modification des critères?
    Je comprends que le plan de financement est toujours à recommencer, et que les choses changent, mais y a-t-il un certain niveau de dialogue?
    Cela fait des années que je travaille dans le domaine de la santé des Autochtones. J'ai travaillé avec d'autres ministères que Santé Canada, dont Condition féminine Canada. Autant que je me souvienne, et j'ai 30 ans d'expérience, jamais un ministère n'a demandé à une organisation autochtone comment il devait fixer ses critères.
    J'imagine que les ministères se fondent sur les recherches qu'ils ont effectuées ou sur les connaissances qu'ils ont accumulées dans une perspective globale. Ensuite, des organisations comme la nôtre, ou d'autres dans lesquelles j'ai travaillé, répondent à des demandes de propositions, par exemple, qui doivent satisfaire à des critères particuliers.
    Mais si vous n'êtes pas consultés, ça ne risque pas d'être très efficace, et je n'essaie pas de braquer les projecteurs sur vous. Vous avez certainement une opinion sur la façon de dépenser l'argent pour obtenir des résultats optimaux. Vraiment, nous devrions choisir les programmes en fonction des résultats et pas nécessairement en fonction de l'argent que nous y investissons.
    Je ne suis pas de votre côté — je suis du mien —, alors je ne sais pas. Je ne peux vous dire à 100 p. 100 de quelle façon ces critères, qui ont pour effet de filtrer les organisations autochtones, sont établis au niveau national, mais je crois que Mme Lavell a quelque chose à dire sur le sujet.
    Permettez-moi de prendre un peu de recul face à la situation et de vous dire que nous, femmes autochtones de partout au Canada, sommes conscientes de l'importance du travail de défense que nous réalisons auprès de nos familles, et de la compilation de toute cette information. Nous pouvons le faire parce que nous avons un rapport privilégié avec les personnes concernées, qui n'ont pas, à notre égard, de suspicion ou de crainte que l'information qu'elles nous communiquent sera utilisée à mauvais escient. Nous avons réussi à recueillir tous ces renseignements et à monter la base de données que nous avons actuellement.
    Lorsque nous sommes arrivés au bout de notre financement, en mars dernier, nous pensions que nous pourrions poursuivre cette initiative importante. Évidemment, nous n'avons pas été capables d'entrer en communication avec toutes ces femmes victimes, dans les communautés, mais nous pensions que nous devions poursuivre cette grande mission. Et c'est en travaillant avec Condition féminine Canada que nous avons compris que ces nouveaux critères dont vous parlez étaient en place. Ces critères sont axés sur l'éducation publique, la sensibilisation et la réceptivité des communautés, ce qui ne correspond pas au travail que nous avions entrepris dans le cadre du programme Soeurs par l'esprit. Nous l'avons accepté et avons dit que ces nouveaux volets étaient tout aussi importants que les autres.
    Néanmoins, nous aurions espéré pouvoir continuer notre travail auprès des familles et des ministères de la Justice pour recueillir cette information. Nous pensons évidemment que cela aurait facilité leur travail d'enquête sur des meurtres non élucidés et leur aurait permis de se concentrer davantage sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Nous croyons honnêtement que nous pouvions jouer un rôle central dans cette initiative. Mais les choses ont changé.
(1125)
    Il vous reste environ 45 secondes.
    Nonobstant les changements dans les programmes, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure cela va nuire au financement? Y a-t-il un effet domino?
    Je fais ici référence à un article que j'ai lu plus tôt cette semaine et à une intervention de Claudette Dumont-Smith au sujet de l'incidence que les programmes peuvent avoir sur les femmes et le pourcentage incroyable de femmes autochtones incarcérées dans les centres pénitentiaires fédéraux. Évidemment, leur incarcération a un coût pour les contribuables. Je suis curieuse de savoir si ce changement et cette réaffectation des fonds sont préjudiciables à vos yeux, et si cela aura une incidence...
    Il ne vous reste plus de temps, mais j'espère que vous pourrez répondre à cette question plus tard.
    Madame Demers, vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Corbiere Lavell, madame Dumont-Smith et madame Irngaut, merci beaucoup de votre présence ici ce matin. Comme ma collègue précédente, j'ai aussi participé à la tournée du comité. J'ai eu l'occasion de faire la plus grande partie de la tournée. Nous nous sommes rendus compte, surtout dans l'Ouest du Canada, qu'il y a une grande prévalence de racisme et de préjugés dans les grands centres, ce qui m'a beaucoup choqué. On s'est beaucoup demandé pourquoi ce racisme était aussi systémique. Par exemple, comment se fait-il qu'il y ait autant de racisme à l'endroit des autochtones et pourquoi sont-ils laissés pour compte dans les grands centres, même dans les grands centres où ils sont en majorité, comme à Prince Albert et Williams Lake.
    On a beaucoup entendu parler du fait que s'il y a autant de violence faite envers les femmes, c'est beaucoup à cause du fait que les hommes n'ont plus d'identité, ni de reconnaissance comme homme autochtone. Ils n'ont pas de travail. Il y a beaucoup de pauvreté et de proximité dans des logements qui sont trop petits et qui logent trop de personnes et si on veut guérir les femmes violentées, il faut prendre soin de toute la famille. Il faut guérir les hommes, les victimes que sont les femmes et aussi les enfants.
    Comment croyez-vous que nous puissions parvenir à voir l'ensemble de cette problématique? Je pense qu'il n'y a pas seulement la population autochtone qui est touchée par cette problématique. Il y a aussi la population blanche qu'il faut éduquer. Il faut faire comprendre à la population blanche que la population autochtone a le droit d'exister. Elle a le droit de vivre, d'être heureuse, d'avoir du travail, comme tous ceux qui habitent sur le territoire parce qu'ils y étaient avant nous tous. Comment peut-on faire comprendre cela?

[Traduction]

    Meegwetch.
    Je suis heureuse que vous posiez cette question, parce qu'elle est très vaste et qu'il faut que nous en parlions, vous, en qualité de gouvernement, et, nous, en qualité de membres de notre collectivité.
    Parlons d'abord de notre responsabilité.
    Je sais qu'actuellement, les répercussions des pensionnats indiens, la toxicomanie et l'alcoolisme ont radicalement changé notre mode de vie traditionnel, nos rapports entre nous, et aussi les rôles traditionnels. Avant tout cela, je sais — les aînés de notre collectivité me l'ont confirmé, et je l'ai constaté dans le rôle qui était dévolu à mes grands-mères dans la famille — qu'il régnait un respect mutuel entre les femmes et les hommes, parce que nous avions tous des rôles à jouer, des rôles qui contribuaient à notre survie. Les enfants étaient accueillis dans le monde comme des dons du Créateur, et tous les membres de la collectivité participaient à la bonne éducation de ces jeunes, dans le respect de nos traditions, le respect d'autrui, l'équilibre et l'harmonie, et le souci constant des autres.
    Nous avions tout cela, mais comme je l'ai dit, les choses se sont détériorées. Nous devons donc maintenant réagir à cette perte de dignité et d'identité et, dans bien des cas, à beaucoup de violence, vous le savez et de nombreuses études l'ont démontré.
    La pauvreté et le manque de logements comptent actuellement au nombre des principaux facteurs qui exacerbent le problème et favorisent cette situation dans nos collectivités. C'est pareil dans les centres urbains. Là par contre, pour les familles, et surtout les jeunes femmes célibataires, qui parfois ont des enfants et qui veulent assurer leur subsistance... le manque d'argent les amène, quand elles n'ont pas d'autre choix, à faire le trottoir, et donc bien évidemment elles... elles enfreignent la loi et elles risquent la prison. Elles sont à la vue des autres membres de ces collectivités et comme, naturellement, elles sont faciles à reconnaître, elles suscitent davantage de racisme et d'incompréhension. Les communications sont inexistantes.
    C'est donc ce que nos organisations, et surtout les organisations féminines provinciales et territoriales de tout le Canada, s'efforcent de corriger; elles cherchent à établir cette communication avec les membres de la collectivité, et elles recourent pour cela aux fournisseurs de services et aux réseaux d'éducation provinciaux. Nous travaillons avec tous ces intervenants pour ouvrir des voies de communication, parce que, évidemment, nous n'aimons pas que de telles choses se produisent.
    Le Canada est actuellement un pays où il fait bon vivre. Bien des gens viennent au Canada, désireux de s'intégrer à la population canadienne, et nous voulons faire en sorte que ce soit un bon pays, un pays sain et sécuritaire pour tous ses habitants.
(1130)

[Français]

    Toutefois, on a vu que dans plusieurs provinces, les services sociaux et les services policiers — mais les services sociaux, plus particulièrement — reproduisent encore les mêmes patterns qu'avec les pensionnats. Ils retirent les enfants des milieux familiaux et les amènent à l'extérieur pour des périodes de temps très longues. Les parents n'ont plus accès aux enfants et les enfants n'ont plus accès au milieu familial ou au milieu familial élargi.
     Je crains que cela fera la même chose. Si les enfants ne sont pas dans le milieu familial, les traditions et les valeurs ne leurs seront pas non plus enseignées. Dans vingt ans, on aura encore des milliers d'enfants qui n'auront pas appris les traditions et les valeurs de leur culture. Ils seront aussi perdus et auront aussi de la difficulté.

[Traduction]

    La déshumanisation des gens est l'une des armes les plus efficaces qui soient pour favoriser le racisme. Je pense que l'importance que revêt la recherche qu'ont menée les Soeurs par l'esprit vient de sa nature à la fois quantitative et qualitative... Elle donne un visage aux femmes et aux filles dont on entend parler, on se dit — « Mais dites-donc, elles aiment les croquants au chocolat, comme moi! », et en fait un portrait élémentaire qui nous amène à nous reconnaître des liens avec ces femmes et ces filles portées disparues ou qui ont été assassinées.
    Nous avons fait le constat sans équivoque que la pauvreté semble être un crime dans le système d'aide sociale à l'enfance. Ce n'est pourtant pas une question de manque d'amour, mais de manque de ressources. Si vous y regardez bien, vous verrez que cette espèce de discrimination fondée sur la pauvreté transparaît dans toutes les politiques, depuis les toutes premières lois qui ont été rédigées au Canada.
    Nous travaillons avec les services aux victimes et avec la police; nous tentons de modifier les perspectives et les perceptions de nos peuples autochtones, de pousser la communauté à collaborer avec les services aux victimes plutôt que de leur faire obstacle. Ce travail se poursuit; mais les perceptions sont indubitablement en cause, et pour les changer, il faut une campagne de relations publiques.
(1135)
    Je vous remercie.
    Madame Boucher, vous avez sept minutes.

[Français]

    Bonjour mesdames et bienvenue. Cela me fait un grand plaisir que vous vous soyez déplacées. Je vous remercie pour l'excellent travail que vous faites auprès des femmes autochtones. C'est vraiment apprécié. Malheureusement, je n'ai pas eu la chance de faire le voyage parce que j'avais des problèmes personnels, mais j'ai beaucoup entendu ce qu'ont dit le membres de ce comité qui ont été capables de le faire et de voir sur place votre réalité et s'inspirer des choses que vous leur avez dites.
    En tant que femmes blanches, souvent, on ne vit pas votre réalité et on la comprend mal. Nous sommes peut-être moins bien informées et on a peut-être une idée déformée de ce que vous êtes vraiment. Plus tôt, vous avez beaucoup parlé de financement et j'aimerais que vous m'expliquiez quelque chose.
    Quand vous avez entré les données et quand vous avez fait tout ce travail, avec qui le partagiez-vous? Est-ce que vous avez des partenaires comme la GRC, les Peacekeekers, dont je ne connais pas le nom français, ou les policiers autochtones? Est-ce que vous communiquez les informations que vous avez aux ministères auprès desquels vous voulez du financement? Est-ce que cette base de données est disponible pour nous, pour les ministères, comme le ministère de la Condition féminine ou le ministère de la Justice? Est-ce que ce sont des partenaires avec lesquels vous partagez ces informations?

[Traduction]

    En cinq années d'existence, les Soeurs par l'esprit se sont employées activement à recueillir des données et, également, à légitimer les recherches de l'organisation. La collaboration avec Statistique Canada pour confirmer notre méthodologie et nos procédures de recherche a contribué à nous conforter dans notre conviction qu'il fallait entreprendre ce travail, qu'il était important, qu'il allait combler une lacune du système, et que personne n'avait encore recueilli ce type de renseignements ni ne les avait bien exploités. Nous sommes parvenues au point où on commence réellement à faire appel à nous, à vouloir travailler avec nous. Nous avons donc entrepris de conclure des protocoles d'entente en matière de partage des renseignements avec l'OPP, avec le Manitoba Action Group on Exploited and Vulnerable Women et avec la GRC, qui a une base de données nationale.
    Pour ce qui est de la protection des renseignements personnels dans ces bases de données, comme nous avons fait signer des formulaires de consentement par les familles, il faudrait que nous retournions les voir pour vérifier si elles veulent bien que nous partagions ce type de renseignements. Au lieu de cela, nous publions chaque année notre rapport de recherche, où nous traitons des nouvelles tendances observées et confirmons ce que nous pouvons faire avec ces données, sans divulguer de renseignements personnels.

[Français]

    À l'Association des femmes autochtones du Canada, vous avez bénéficié d'un financement pour l'initiative importante de collecte d'informations et d'établissement de bases de données. Quel financement avez-vous eu depuis cinq ans? Quelles sont les mesures importantes qui sont ressorties de ce grand projet?

[Traduction]

    Nous avons reçu de Condition féminine du Canada un financement d'un million de dollars par année sur cinq ans, avec l'approbation du gouvernement. C'est tout ce que nous avons eu pour ce travail.
    Quant aux mesures concrètes que nous avons mises en oeuvre, un financement temporaire du Fonds communautaire pour les femmes nous a permis de réaliser l'initiative « Du constat aux actes », du 31 mars au 30 septembre 2010. Donc, au total, nous avons reçu 5,5 millions de dollars jusqu'ici.
    Nous avons aussi, notamment, constitué ce réseau de soutien et de partenariats entre les familles et les organisations soeurs, et nous avons rassemblé les forces de la lutte contre le problème de la violence faite aux femmes autochtones. Les médias ont parlé de nous, et toutes ces voix se sont jointes aux nôtres. Nous avons tenu des vigiles, chaque année, depuis cinq ans. Au 4 octobre dernier, il y en avait eu 84.
    Donc, c'est devenu un enjeu, nous sommes un peuple fier, nous prenons le flambeau, et ainsi nous habilitons les femmes et les familles à créer elles-mêmes leurs propres organisations et associations. Nous essayons aussi de tenir des rassemblements familiaux tous les ans, où se révèlent des dispositifs de soutien dont les gens ignoraient l'existence jusque-là. Il est très difficile pour une femme de retourner seule dans sa collectivité d'origine quand elle pense n'avoir personne à qui parler.
    Cela fait seulement quatre ans que nous tenons ces réunions familiales, et je connais deux membres d'une famille qui sont entrés dans la lutte et qui ont fait suffisamment de chemin sur la voie de la guérison pour se faire les porte-parole d'autres personnes. Nous sommes très fières de contribuer au soutien de ces personnes et des démarches qu'elles mènent dans leur propre collectivité. Alors je pense que l'espoir que nous avons insufflé a largement contribué à aider et à soutenir les familles.
(1140)
    Puis-je ajouter un commentaire sur les effets positifs du financement fourni aux Soeurs par l'esprit? Nous entretenons maintenant des relations de travail avec divers organismes policiers provinciaux. Auparavant, par exemple, il n'y avait dans la base de données de la police provinciale de l'Ontario que deux cas de femmes autochtones disparues ou assassinées, alors que, d'après nos propres données, il y en avait 70. C'est un écart énorme. Nous pourrons donc collaborer, et ainsi aider les services de police de la province à être plus efficaces. Je suis sûre que nous pourrons faire bien d'autres choses encore pour les appuyer.
    Une autre chose importante est le partage des renseignements sur les prostituées disparues, parce que nous avons des modèles de suivi et de repérage qui ont permis d'en retrouver certaines. Nous avons aussi pu recueillir ce type de renseignements.
    Il existe donc des moyens de circonscrire ces situations et de les prévenir. Il y a aussi de nombreux homicides qui n'ont pas encore été résolus, et nous avons pu fournir un soutien dans ces dossiers.
    Malheureusement, c'est tout.
    Nous allons maintenant laisser la parole au Nouveau Parti démocratique, pour cinq minutes. Je tiens à vous souhaiter encore une fois la bienvenue.
    J'aimerais revenir sur l'excellente question qu'a posée Mme Simson, au sujet de l'article qu'a publié un membre de la Société Elizabeth Fry sur la proportion excessive de femmes autochtones, métisses et inuites dans les prisons. D'après cet article, 30 p. 100 des femmes, dans les prisons, sont autochtones, et 30 p. 100 d'entre elles souffrent de troubles de santé mentale. Toujours d'après cet article, je crois, le nombre de femmes incarcérées aurait connu une hausse de 90 p. 100 depuis environ 2001.
    Je crois que la question que posait Mme Simson portait sur le coût de tout cela pour les femmes et leurs familles, et pour la collectivité dans son ensemble. Je vous propose, si vous voulez, d'y répondre.
    Oui, un article a été publié en réponse à une étude qu'avait effectuée Mme Mann, je pense, laquelle traitait de cette question, à savoir qu'il y a dans les prisons un nombre disproportionné de femmes autochtones.
    Bien que nous n'ayons pas fait de recherches sur le sujet depuis plusieurs années, nous savons que les femmes autochtones souffrent de graves troubles de santé mentale. Nous savons qu'il n'existe aucun programme particulier — à notre connaissance, en tout cas — qui soit axé sur leurs problèmes de santé mentale. Nous savons en outre et nous sommes convaincues que les programmes généraux de santé ne répondent pas toujours aux besoins particuliers des femmes autochtones. Par contre, bien des femmes autochtones réagiront favorablement à des soins culturellement appropriés, pour ainsi dire. Dans le domaine de la santé mentale tout spécialement, les thérapies ou les tests courants ne conviennent pas pour les femmes autochtones.
    Nous espérons que cet article encouragera le gouvernement à s'adresser à nous, parce que nous sommes toujours prêtes à collaborer avec lui pour améliorer la santé et le bien-être de nos femmes autochtones. Nous sommes tout à fait disposées à collaborer à l'élaboration de programmes susceptibles de vraiment répondre aux besoins des femmes détenues dans les prisons.
    Je suis convaincue que plus nous creuserons le sujet, plus nous trouverons de situations lamentables et nous découvrirons probablement que beaucoup de ces femmes autochtones vivent dans l'isolement, qu'elles n'ont aucun rapport ni avec leur famille ni avec les membres de leur collectivité. C'est pourquoi je pense qu'il faut faire passer ce problème au premier plan et le régler.
    Je répète que l'AFAC est toute disposée à collaborer avec les ministères.
(1145)
    Est-ce au gouvernement qu'il incombe d'agir? Pourriez-vous demander au gouvernement une aide pour créer des programmes de soutien?
    Je me demande aussi si la perte de la Fondation autochtone de guérison n'a pas empiré les choses.
    J'ai oublié de dire que nous analysons la question sous un autre angle aussi. Nous avons reçu un financement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour étudier la question selon la perspective de la Commission de vérité et de réconciliation. Nous venons à peine de nous y mettre. Nous avons embauché quelqu'un qui doit recenser les femmes autochtones incarcérées pour en connaître le nombre exact, bien que, selon moi, l'étude de Mme Mann devrait nous y aider.
    Une fois que nous aurons recensé ces femmes, nous aurons des entrevues avec elles dans le but de déterminer si elles ont touché les fonds mis à la disposition des victimes des pensionnats indiens. Il y en a sûrement qui ont connu ces écoles, mais n'ont pas cherché à accéder aux fonds réservés à leur intention.
    C'est l'un des créneaux que nous allons exploiter. Je suis sûre qu'au cours de la prochaine année, cet article, par les nombreuses questions qu'il aura soulevées, aidera l'AFAC à poursuivre son oeuvre dans le dossier des femmes autochtones incarcérées. Je sais d'ores et déjà qu'il sera question de santé.
    J'aimerais simplement faire une dernière observation. Sachez que le manque d'aide juridique est un problème auquel doivent faire face les femmes autochtones. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi il y en a autant qui sont incarcérées. Étant donné qu'elles n'ont pas d'avocat, ces femmes sont souvent condamnées à la peine la plus sévère lorsqu'elles comparaissent en cour.
    Elles se retrouvent donc en prison pour longtemps, où elles n'ont pas accès à des programmes d'aide adaptés à leur culture en raison d'un manque de communication ou, j'imagine, de coupures dans le système. De plus, on a dû placer leurs enfants quelque part, et elles n'ont aucun moyen de savoir où ils se trouvent.
    Cela ne fait que s'ajouter à leurs problèmes. Il n'est donc pas surprenant qu'elles aient des problèmes de santé mentale. Je serais anéantie devant une telle situation. Des accusations ont été portées contre elles et elles doivent se défendre. C'est là le problème. Si nos femmes pouvaient compter sur une aide juridique, je ne crois pas qu'il y en aurait autant qui finiraient en prison.
    Par ailleurs, la plupart de ces femmes vivent dans la pauvreté. Elles demeurent donc en prison parce qu'elles n'ont pas les moyens... et je ne crois pas que les autres Canadiennes soient aussi durement touchées que les autochtones. On parle ici de jeunes femmes ayant plusieurs enfants.
(1150)
    Merci beaucoup. C'est très apprécié.
    Nous allons maintenant entreprendre un tour de cinq minutes. Nous cédons la parole aux libéraux.
    Monsieur Dosanjh.
    Je vais vous poser deux questions, après quoi je vous laisserai répondre.
    Ma première question est plutôt d'ordre général. Vers la fin de votre déclaration, madame Lavell, vous avez dit qu'on ignore si les mesures qui ont été prises jusqu'à maintenant ont permis de réduire le niveau de violence commise à l'endroit des femmes autochtones — ou quelque chose du genre. J'aimerais que vous m'en parliez davantage et que vous me donniez votre avis là-dessus.
    Mon autre question porte sur la situation en Colombie-Britannique et la commission Oppal. Il se peut que vous vous soyez adressées à la commission. Elle tient des audiences en ce moment. Vous aimeriez peut-être nous dire ce que vous avez déclaré ou ce que vous avez à nous dire de toute façon.
    Je suis au courant de la situation parce que c'est moi, lorsque j'étais procureur général, qui ai annoncé la récompense de 10 000 $ pour toute information concernant la disparition des femmes, en 1997 ou en 1998 — je ne me souviens plus —, et cela avait même été diffusé à l'émission America's Most Wanted.
    J'aimerais que vous répondiez à ces deux questions.
    Je vais m'en remettre à Katharine pour la première question.
    L'une des méthodes d'évaluation que nous utilisons est évidemment la recherche, et si on ne finance ni nos études ni la promotion de nos droits, je ne crois pas que nous serons en mesure de réaliser des évaluations convenables. Je pense que la recherche est un aspect très important. Si on décide de ne plus financer nos études ni la promotion de nos intérêts, cela aura pour effet de limiter considérablement nos méthodes d'évaluation. J'ignore comment nous saurons si nos activités sont efficaces au sein de la communauté si nous ne sommes pas capables de les évaluer.
    En ce qui a trait à la commission Oppal, nous avons participé aux audiences du 31 janvier. En fait, nous avons présenté un exposé en vue de comparaître devant la commission pour lui communiquer les données que nous avons recueillies sur la Colombie-Britannique et la violence à laquelle nous assistons.
    Nous espérons que dans le cadre de la commission Oppal, nous pourrons tirer profit des connaissances et de l'expertise des gens de partout au Canada afin de remédier au problème de la violence en Colombie-Britannique.
    Cela dit, si nous déployons tous ces efforts, c'est parce que nous y croyons et parce que cela fait partie du mandat de notre organisation. Cependant, en tant que présidente, j'ai su que notre organisation, étant nationale, n'était pas admissible à un financement dans le cadre de la commission Oppal. Nous nous retrouvons donc face à un dilemme, mais nous estimons que...
    Qui vous a dit que vous n'étiez pas admissibles au financement en raison de votre statut national?
    Cela fait partie des critères établis par la commission Oppal.
    Les critères ont été un peu modifiés. Je pense que les paramètres prêtent à confusion, et c'est d'ailleurs pour cette raison que nous aimerions participer à cette audience. Nous voulons tirer les choses au clair.
    Merci.
    Toutes mes excuses. J'ai été retenue ailleurs.
    J'ai beaucoup de questions, mais mes deux principales portent... Le comité a voyagé dans l'Ouest canadien. Nous avons vu et entendu des choses extraordinaires et nous allons en faire rapport. Et pour ce qui est du racisme systémique, c'est quelque chose qui nous a tout simplement renversés.
    Ce qui est entre autres ressorti des audiences — et je reprends les propos de Michelle et d'Irene —, c'est le pourcentage élevé des femmes qui sont en prison parce qu'elles ont répondu à des actes de violence.
    Depuis, j'ai eu des discussions avec des représentantes de la Société Elizabeth Fry, et j'espère qu'on les fera comparaître devant le comité. Elles m'ont cité des cas où des femmes ont pu défendre leur cause parce qu'elles ont eu accès à de l'aide juridique et ont pu négocier un plaidoyer.
    Avez-vous mené des travaux en particulier à l'égard de ces femmes qui ont été mises en prison après avoir répondu à la violence?
(1155)
    Soyez très brève, je vous prie.
    Pas particulièrement.
    Toutefois, d'après nos familles qui sont dans cette situation et nos autres organisations provinciales, nous savons que c'est exactement ce qui se passe. Étant donné que les femmes n'ont pas accès à ces ressources, elles ne peuvent pas se faire entendre. On ne connaît pas leur version de l'histoire. Nous sommes aussi aux prises avec d'autres problèmes, notamment les barrières linguistiques et la réticence des femmes à témoigner devant le tribunal en raison de la honte qui les habite. Ces femmes finissent donc en prison.
    Madame Cadman, allez-y, je vous prie.
    Merci beaucoup, mesdames.
    Ma question porte sur un sujet un peu différent, mais sur lequel je m'interroge. Selon vous, qui sont les auteurs des violences à l'endroit des femmes autochtones? J'aurais tendance à penser que ce sont davantage des autochtones, dont leurs conjoints.
    Avez-vous mis sur pied des programmes à l'intention des hommes — pour leur apprendre à ne pas frapper, à ne pas boire et à devenir des hommes meilleurs? Offrez-vous des programmes du genre?
    Nous sommes l'Association des femmes autochtones du Canada. Nous croyons en la famille et nous voulons qu'elle demeure unie. Cependant, nous n'avons pas les fonds nécessaires pour mettre en place des programmes à l'intention des hommes. Nous avons à peine suffisamment de ressources pour financer nos programmes destinés aux femmes. Donc, la réponse est non.
    Quant à savoir qui commet des actes de violence contre ces femmes, avons-nous des statistiques là-dessus?
    Je sais qu'il y a beaucoup plus de cas de violence conjugale. Mais encore une fois, nous avons besoin de nouvelles données là-dessus. Nos données se font vieilles, c'est pourquoi nous devrons mener de nouvelles études pour déterminer si les mesures que nous avons prises, dans les années 1980 et 1990, pour sensibiliser les gens à la violence conjugale ont été efficaces. Je pense qu'il est temps que nous nous replongions dans ce dossier et que nous menions de nouvelles études.
    Les femmes et les jeunes filles autochtones sont plus susceptibles de subir de la violence de la part d'inconnus ou de connaissances que les femmes non autochtones. Dans les cas de violence conjugale, je pense que ce sont les conjoints qui sont en cause. Cependant, dans le cas des femmes autochtones disparues ou assassinées, qui ont été victimes d'une violence spontanée, ou plutôt ciblée, cela pourrait être n'importe qui au sein de la population puisque, dans la mentalité de beaucoup de gens, les femmes sont sans importance, et les femmes autochtones, d'une bassesse extrême.
    Malgré les similitudes, la violence commise par des inconnus ou des connaissances et la violence conjugale sont deux problèmes très différents.
    Je pense que tous les groupes de femmes de partout au pays devraient se mobiliser, élire un chef, puis se battre ensemble. Unissez vos forces. Je ne sais pas si c'est possible, mais à mon avis, une organisation d'envergure aurait beaucoup plus de poids. Ce serait extraordinaire.
    Je vais partager mon temps avec M. Armstrong.
(1200)
    Merci. Je vous remercie pour votre exposé d'aujourd'hui. Je ne suis pas un membre habituel de ce comité, mais je suis très heureux d'être ici aujourd'hui.
    Avant d'être député, j'étais le directeur d'une école primaire. Mon école comptait beaucoup d'élèves autochtones. En fait, tous les enfants autochtones de niveau primaire de ma communauté fréquentaient cette école.
    Durant la première année suivant l'ouverture de l'école, nous avons vécu un événement très tragique. Une mère, qui était aussi prostituée, a été assassinée et son corps a été jeté dans un escalier. Ses deux jeunes garçons fréquentaient mon école — l'un était âgé de sept ans et l'autre de neuf ans — et nous avons dû déployer beaucoup d'efforts pour régler leur cas.
    Parmi les 10 millions de dollars qui ont été annoncés en octobre dernier, il y a plusieurs programmes qui s'offrent à vous. Je me demandais si votre organisation en avait profité. Je vais exposer brièvement quelques-uns d'entre eux.
    Il y a un fonds, administré par le ministère de la Justice, réservé aux projets scolaires et communautaires, de l'ordre de 1 million de dollars. Il y a aussi un fonds qui sera ajouté au fonds d'aide aux victimes du ministère de la Justice. Il permettra aux provinces de l'Ouest, où l'incidence de ces cas est la plus élevée, d'offrir des services d'aide aux victimes autochtones adaptés à leur culture. Il y a des plans de sécurité communautaire. Le ministère de la Sécurité publique verse la somme de 1,5 million de dollars sur deux ans aux groupes autochtones afin qu'ils puissent élaborer et exécuter des plans de sécurité communautaire à l'appui de ces femmes, dans le but d'assurer leur sécurité.
    Il y a également des documents de sensibilisation que peuvent utiliser les différentes communautés. Ces documents sont très instructifs. On a consacré 850 000 $ aux groupes autochtones en matière d'éducation qui interviennent auprès des Autochtones.
    Après vous avoir lu ceci, dès que je retournerai dans ma communauté, je vais m'assurer que toutes les bandes des Premières nations connaissent l'existence de ces programmes. Toutefois, je me demande si votre groupe a déjà envisagé de recourir à certains de ces programmes ou même présenté une demande en vue d'offrir des programmes de sensibilisation et de soutien, et ce, avant même que ces crimes ne soient commis.
    Encore une fois, je vous prierais d'être très brève.
    Nous collaborons actuellement avec le ministère de la Justice concernant le fonds d'aide aux victimes. Je rencontre d'ailleurs des représentants à 13 h 30 aujourd'hui. Je suis très heureuse qu'on donne suite à nos propositions.
    Je sais que le fonds d'aide aux victimes doit être renouvelé en mars à titre de programme de financement. Par conséquent, notre financement pourrait être subordonné à son financement. Il y a donc tout cet effet d'entraînement à l'heure actuelle en ce qui a trait à ces programmes.
    Je tiens aussi à dire qu'il ne suffit pas d'offrir des services; il faut offrir les services adéquats. J'ai rencontré une mère de famille qui avait du mal à joindre les deux bouts. Elle s'est adressée à un bureau d'aide aux victimes en vue de subvenir aux besoins de ses enfants, mais on n'est pas intervenu assez rapidement. Il a fallu trop de temps pour remplir la paperasse, et ses enfants ont dû être placés. On lui a ensuite offert un programme qui était, au fond, un cours de cuisine pour l'aider à fournir une saine alimentation à ses enfants. De toute façon, il était trop tard et le programme en question ne répondait pas du tout à ses besoins. Mais c'est la seule chose qu'on ait pu lui offrir.
    Nous devons à tout prix offrir des services opportuns et pertinents sur le plan culturel. C'est dans cette optique qu'il faut prendre des mesures concrètes.
    Monsieur Desnoyers.

[Français]

    Merci, madame la présidente. Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Dans un premier temps, parlez-moi un peu de la banque de données que vous continuez à compléter, une banque de données qui a été mise en place par Soeurs d'esprit? Cette banque de données représente un point d'ancrage important en regard de toute la situation actuelle sur la disparition de femmes un peu partout au Canada, et spécifiquement sur la disparition de femmes autochtones.
    D'ailleurs, une autre est disparue la semaine dernière à Vancouver. Il semble que le problème persiste et persistera toujours parce qu'on n'injecte pas d'argent au bon endroit. À vous écouter aujourd'hui, il me semble que c'est simple. Le gouvernement devrait vous entendre et simplement dire ce qu'on devrait faire et comment on devrait le faire. Plusieurs organisations comme vous l'ont déjà dit.
    Dans un premier temps, pouvez-vous me parler de la banque de données et de son importance pour l'avenir? La deuxième question est plus spécifique. Vous avez soulevé divers aspects tels que la prévention et la protection et vous avez parlé des 10 millions de dollars du gouvernement conservateur. On ne semble pas savoir où est allé cet argent. Il ne semble toutefois pas que cet argent ait été alloué à l'aide aux femmes autochtones. J'aimerais donc aussi vous entendre à ce sujet.
(1205)

[Traduction]

    En ce qui a trait à la base de données, je conviens qu'il s'agit d'un point d'ancrage important. Lorsque je me suis jointe à l'organisation, au début, je travaillais directement sur la base de données. C'était ma priorité.
    Évidemment, pour toutes sortes de raisons, la base de données sera très importante pour l'avenir. Nous aimerions compiler d'autres données en fonction de l'information que nous avons. Nous aimerions élargir certains secteurs. Nous avons plus d'un suspect pour chaque crime. Ce n'est pas une seule personne qui commet un crime contre une autre personne. C'est plutôt un groupe de gens qui s'en prend à une personne. Nous devons donc élargir les paramètres des 250 variables que nous avons à l'heure actuelle.
    Nous aimerions également cartographier les collectivités. Il est souvent utile de tracer les limites pour savoir exactement où surviennent les événements et pour déterminer s'il y a un chevauchement ou un défaut de compétence. Nous aimerions aussi mener une analyse plus exhaustive des séries chronologiques.
    En ce qui concerne les besoins des familles, il faut savoir que l'admissibilité n'est pas automatique. Il arrive qu'on offre des services d'aide à des victimes seulement lorsqu'un crime a été commis. Étant donné que la disparition d'une personne n'est pas considérée comme un crime, les proches des victimes n'ont souvent pas accès aux services. Dans certaines collectivités, on n'offre pas de services tant que des accusations n'ont pas été portées. Et sachez que les accusations sont rares lorsqu'il s'agit de femmes ou de jeunes filles autochtones.
    Je vais laisser mes collègues vous parler du financement.
    En ce qui concerne le fonds de 10 millions de dollars et les critères à respecter, d'après ce que nous avons compris, notre organisation ne pourrait pas nécessairement bénéficier de ce financement, mais pourrait collaborer avec divers ministères, c'est-à-dire les ministères de la Justice, de la Sécurité publique et de la Condition féminine, pour ensuite travailler auprès de ses organisations membres provinciales et territoriales de partout au Canada qui relèvent de sa responsabilité. Notre organisation les représente.
    Bien que les organisations des Prairies, du Manitoba jusqu'à la Colombie-Britannique, pourront bénéficier de ce fonds, ce ne sera pas nécessairement notre cas. Cependant, je crois savoir qu'il y a d'autres fonds que nous pourrions considérer, en tant qu'organisation nationale qui oeuvre auprès de groupes provinciaux, et des relations de travail que nous pourrions développer conformément aux critères. Nous n'avons pas encore réglé tous les détails, mais nous sommes disposés à travailler avec eux.
    Il est important que nous collaborions avec nos membres à l'échelle locale. Nous avons la confiance et l'expérience, particulièrement dans les domaines de la prévention de la violence et de la disparition des jeunes femmes.
    Comme vous l'avez dit, il y a deux femmes qui viennent tout juste d'être portées disparues en Colombie-Britannique. C'est un problème qui perdure.
    Les divers corps policiers de partout au Canada ont indiqué, au Conseil de la fédération, qu'ils faisaient de ce dossier leur priorité. D'ailleurs, nous travaillons très étroitement avec eux là-dessus. Comme il a déjà été mentionné, le Manitoba est un chef de file dans ce dossier.
    Pardon, mais c'est tout.
    Je voudrais moi-même poser quelques questions.
    Madame Lavell, vous avez soulevé à deux ou trois reprises le problème de la pauvreté, une réalité à laquelle les femmes autochtones sont confrontées. Dans cette liste des mesures financées par Justice Canada, on peut lire des chiffres et de brèves descriptions, mais je m'inquiète de l'absence d'éléments pratiques. Je crois que c'est ce que vous appelez des outils. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
    Je pense notamment au logement abordable et à un nombre accru de refuges pour les femmes victimes de mauvais traitements; aux programmes d'éducation et de formation pour aider les femmes à s'affranchir du cycle de la pauvreté; aux services de garde leur permettant de suivre cette formation et de trouver un emploi; et aux programmes de prévention et de traitement des toxicomanies. Toutes les initiatives en ce sens semblent se heurter à des contraintes de financement.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1210)
    Je dois dire que vous avez tout à fait raison. Les sources de financement de la sorte, pouvant nous permettre d'aider nos femmes à l'échelon de la communauté, sont très limitées, voire inexistantes. Lorsqu'une jeune femme ou une mère seule aurait besoin d'une aide financière semblable au sein même de sa collectivité, les restrictions applicables font en sorte qu'elle n'y a pas droit. Il en découle donc de nombreux problèmes. Il faut aussi bien sûr considérer que, partout au Canada, nos communautés dans les réserves doivent composer avec un manque criant de logements et de nombreux problèmes de santé qui viennent exacerber le phénomène de la perte d'identité et de sensibilisation aux rôles traditionnels. Les aînés de nos différentes nations font tout ce qu'ils peuvent pour freiner ce phénomène incessant.
    Reste quand même que les femmes autochtones n'ont pas accès à toutes ces ressources dont elles ont tant besoin. Mais nous faisons de notre mieux avec le peu que nous avons. Nos grands-mères et nos enseignants... Étant moi-même une enseignante à la retraite, je sais à quel point une bonne formation peut être importante pour en arriver à subvenir aux besoins de sa famille. C'est en reconnaissance de ce besoin crucial que l'AFAC offre des programmes de formation à l'intention des femmes. Dans certains cas, il s'agit de les aider à terminer leurs études secondaires; d'autres ont besoin d'une formation spécialisée.
    Selon les statistiques disponibles, nos femmes réussissent mieux à ce chapitre. Ce n'est pas une question de volonté. Comme vous l'avez dit, c'est dû au manque de ressources pour répondre à certains besoins spéciaux, comme la garde des enfants. Si vous avez deux ou trois enfants à la maison, comment peut-on s'attendre à ce que vous puissiez poursuivre des études universitaires? Ce sont des éléments très importants. Et nous devons régler ces questions si nous souhaitons mettre un frein à tous les autres problèmes, dont la violence, et je dirais aussi la discrimination et le racisme qui l'accompagnent.
    Au fil de nos déplacements au pays, nous avons pu entendre les représentantes de différentes organisations non gouvernementales qui oeuvrent au sein même des collectivités afin d'améliorer le sort de ces femmes et de ces enfants. On nous a répété à maintes reprises que le financement était accordé à la pièce. On vous donne un peu d'argent pour offrir un programme pendant une très courte période. Même si le programme fonctionne à plein régime et produit d'excellents résultats, le financement n'est pas maintenu. Dès que le programme prend fin, l'organisation doit se débrouiller à nouveau pour trouver d'autres sources de soutien. Et ces nouvelles sources ne permettent pas nécessairement de répondre aux besoins de la collectivité.
    Vous avez aussi indiqué que vous attendiez toujours pour connaître le financement octroyé à l'AFAC.
    Je crois d'ailleurs, Madame Irngaut, que vous rencontrez aujourd'hui même les gens du ministère de la Justice pour déterminer ce qu'il adviendra de votre financement. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'incertitude dans tout cela. Nous sommes en février et ces choses doivent être réglées d'ici la fin mars. Comment arrivez-vous à composer avec la situation? Comment vous tirez-vous d'affaire? Comment allez-vous pouvoir maintenir à jour votre base de données? Est-ce que cela vous inquiète?
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus?
    C'est toujours un problème avec bien des ministères. Nous n'obtenons du financement qu'en toute fin d'exercice, et nous devons faire de notre mieux pour réussir quand même à accomplir notre travail. Je suis persuadée que s'il existait un mécanisme en vertu duquel notre financement serait garanti à compter d'avril, mai ou juin, nous pourrions offrir un produit de meilleure qualité. Vous savez, nous devons mettre les bouchées doubles pour réaliser en trois mois un travail qui aurait dû s'étendre sur l'année entière. Pour autant que je sache, c'est comme ça que les choses se passent.
    Je crois que vous aviez une autre question.
    J'y reviendrai au prochain tour. Je n'ai plus de temps. Je présume que le financement de base serait...
    Oh, vous parliez de...
    Nous passons maintenant à Mme Grewal.
    Merci, madame la présidente.
    Je veux remercier nos témoins pour le temps qu'elles nous consacrent. Nous leur sommes très reconnaissantes de venir nous faire bénéficier de leurs points de vue particuliers.
    La violence à l'égard des femmes est un problème très grave. Nous en sommes toutes conscientes. Mais nous pourrions tout aussi bien nous intéresser à la violence contre les immigrants. Malheureusement, il s'agit d'un problème très complexe pour lequel il n'existe pas de solution facile.
    Ma question est très simple. Pourriez-vous nous proposer des pistes de solution, des questions à explorer pour aider le gouvernement à s'attaquer à ce problème?
(1215)
    Je constate, et je ne vous apprendrai rien, que les instances gouvernementales fonctionnent en vase clos. Si un ministère s'attaque à un aspect du problème pendant qu'un autre s'intéresse à une autre question, on ne met pas les efforts en commun dans le cadre d'une démarche concertée.
    Tant que des attitudes semblables persisteront, on continuera à travailler ainsi en vase clos. Il sera impossible d'en arriver à une solution globale permettant d'aborder tous les aspects de la problématique — logement, éducation, pauvreté.
    Toutes les interventions sont faites à la pièce et dans le cadre de projets. Rien n'est permanent. Je pense que c'est là que réside la solution: les différents ministères doivent conjuguer leurs efforts lorsqu'ils s'attaquent à un problème touchant un groupe particulier de manière à pouvoir mettre de l'avant des solutions holistiques et globales. C'est toujours ce que j'ai cru et je pense que tant qu'on n'y parviendra pas, la situation actuelle va perdurer, non seulement pour la violence, mais pour tous les problèmes.
    Avez-vous une idée de la façon dont le gouvernement pourrait régler...
    Eh bien, je pense que le ministère des Affaires indiennes et du Nord pourrait fort bien prendre l'initiative. Il pourrait s'adjoindre Condition féminine Canada, Santé Canada, la Société canadienne d'hypothèques et de logement et les ministères de l'Éducation, dans le cadre d'une démarche globale. J'ai bien souvent l'impression que la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite.
    En outre, il y a toute la problématique des questions de compétence. L'éducation relève des provinces, mais l'éducation des Premières nations est une responsabilité fédérale, ce qui ne manque pas de créer beaucoup d'obstacles.
    Les réunions se suivent et tout le monde parle de ces obstacles. Comme je vous le disais, j'ai 30 ans d'expérience et je ne me souviens pas d'un temps où l'on ne discutait pas de ces obstacles. Mais on n'a rien fait pour les abattre — à mon avis, tout au moins.
    On se penche sur les problèmes de façon ponctuelle. Tout le monde essaie de faire de son mieux, mais est-ce qu'on progresse vraiment? Peut-être que oui, mais très lentement.
    Depuis 2007, si je ne m'abuse, quelque 150 projets pour un total d'environ 28,7 millions de dollars ont été financés via Condition féminine Canada afin d'éliminer la violence à l'encontre des femmes. Nous finançons des programmes de prévention, des refuges dans les réserves et des services pour les victimes.
    Nous voulons également nous assurer que le système judiciaire répond aux besoins des femmes autochtones et de leurs familles. Auriez-vous des réformes judiciaires ou des modifications législatives à nous suggérer?
    Je ne suis pas avocate, mais je sais que le projet de loi C-3 traite de certains de ces éléments. Il y avait beaucoup de conflits entre les familles, mais je crois qu'on peut aller de l'avant grâce aux solutions qui ont été apportées.
    Ce n'est peut-être pas ce que vous vouliez savoir. Katharine pourrait sans doute ajouter quelque chose.
    Un exemple des aspects sur lesquels nous avons travaillé au sein du système juridique serait le concept du plus proche parent. Bon nombre des dossiers que nous avons à traiter par l'entremise de Soeurs en esprit portent sur les impacts intergénérationnels. Lorsqu'une femme ou une fille est tuée, qu'advient-il de ses enfants? Ils sont souvent pris en charge par les grands-parents, mais il arrive que ceux-ci ne soient pas considérés comme les plus proches parents; c'est parfois plutôt le suspect, qui est alors le seul à avoir accès aux services offerts aux victimes.
    Il faut faire montre d'une plus grande souplesse quand vient le temps de déterminer qui peut prendre en charge les enfants afin de mieux tenir compte des structures familiales au sein des collectivités autochtones, d'autant plus que les femmes et les familles autochtones sont parmi celles qui ont le plus besoin des services aux victimes.
    Il s'agit donc de changer notre conception de la famille en s'assurant de pouvoir l'adapter aux différentes situations.
(1220)
    Nous allons maintenant faire un dernier tour où chacune aura droit à trois minutes. Je vous prie donc d'être aussi concises et succinctes que possible.
    Madame Neville.
    Je ne sais pas si je suis capable d'être concise et succincte.
    Je veux revenir à la question des données. Dans son annonce, le gouvernement a indiqué qu'une somme de 4 millions de dollars était allouée à la GRC pour la cueillette de données. Qu'adviendra-t-il des données que vous avez vous-mêmes recueillies? Seront-elles intégrées à la nouvelle base? La GRC va-t-elle simplement refaire tout ce que vous avez déjà fait? Où ces données seront-elles entreposées?
    Je veux surtout savoir, et c'est ce qui importe vraiment à mes yeux, comment nous allons assurer la survie de Soeurs en esprit.
    Partout où je vais — et j'ai beaucoup voyagé au Canada —, Soeurs en esprit représente la vision et la voie privilégiée vers lesquelles tendent les préoccupations et les efforts de tous, qu'il s'agisse des forces policières, des organisations de défense ou des femmes travaillant sur le terrain.
    Alors, vous avez une minute pour répondre à mes questions au sujet des données et de la survie de Soeurs en esprit.
    Je vous laisse répondre.
    Pour ce qui est de la base de données, nous travaillons — oh, désolée.
    J'aimerais seulement faire quelques observations.
    Je vous remercie pour votre question, car elle illustre très bien le dilemme auquel nous sommes confrontées. En raison des cinq années de travail accomplies par l'entremise de notre organisation, Soeurs en esprit est une initiative reconnue partout au Canada, non seulement par les femmes, mais aussi par les différents organismes communautaires ainsi que les forces policières. Chacun reconnaît que nous avons effectué un travail nécessaire, pertinent et efficace; un travail qui n'aurait pu être réalisé sans notre intervention. Je crois que c'est l'un des éléments clés. Les renseignements que nous avons pu recueillir... Les différents corps de police ou la GRC n'auraient pas eu droit à la même collaboration des familles ou des collectivités.
    Cela étant dit, je ne crois pas que les gens de la GRC aient communiqué pour l'instant avec nous — mais il est possible que je me trompe — relativement à ce qui arrivera des données en notre possession. Nous demeurons ouvertes aux propositions à ce sujet. Bien évidemment, nous voulons nous assurer que l'on met en place des initiatives efficaces et positives pour freiner cette violence qui fait rage ainsi que pour reconnaître que ce mouvement, Soeurs en esprit, ne va pas disparaître. C'est un mouvement national, et même désormais international, qui est là pour rester. Nous pouvons actuellement compter sur des femmes qui travaillent bénévolement à cette initiative parce qu'elles y croient profondément, et c'est la même chose pour nous.
    Nous avons maintenant une question de Mme Boucher.

[Français]

    Je vous écoutais parler tout à l'heure et, franchement, je trouve très intéressant ce que vous nous dites. Malheureusement, comme je le disais précédemment, nous ne sommes pas souvent appelés à voir cette réalité des femmes autochtones. Nous la connaissons parce que nous sommes des parlementaires. Beaucoup de gens ne savent pas à quel point vous êtes isolées.
    Votre Association des femmes autochtones du Canada travaille-t-elle avec les autres organisations autochtones? Tout à l'heure, je me posais la question par rapport à la disparition et aux assassinats de femmes autochtones. Je ne parle pas nécessairement de la police, mais travaillez-vous avec d'autres organisations autochtones qui vous aident à aller chercher ces données, ces informations?
(1225)

[Traduction]

    Nous parlons au nom des familles et nous sommes issues du milieu local. Nous reconnaissons le travail de toutes les organisations communautaires qui ont conjugué leurs efforts pour contribuer à l'avancement général du mouvement Soeurs en esprit. À cet égard, je pense tout de suite à l'organisme Walk4Justice de Vancouver. Sans la collaboration de ces organisations, il nous aurait été impossible de mettre en oeuvre cette approche. Ce qui nous isole dans nos collectivités, c'est leur caractère rural et l'absence d'infrastructures permettant d'établir des connexions entre nous.
    J'allais simplement ajouter que j'ai eu la chance de rencontrer très récemment le grand chef de l'Assemblée des Premières Nations. Nous avons convenu de travailler ensemble en vue de contrer la violence à l'égard des femmes autochtones et de nous pencher sur le problème des femmes disparues ou assassinées. Nous avons donc établi une approche de collaboration pour ce faire. Ce n'est qu'un début, mais nous espérons bien pouvoir étendre cette approche de manière à produire des résultats concrets. Je crois qu'il y a également un chef qui a été désigné pour travailler avec la GRC. C'est un autre élément qui pourrait nous être utile.
    J'ajouterais que les sites de réseautage social nous ont également été d'une grande utilité. C'est gratuit pour ainsi dire. Les nouvelles voyagent rapidement au sein des collectivités, ce qui fait que nous sommes très vite informées des évènements locaux que nous devrions ajouter à notre base de données.
    Les trois minutes sont écoulées. Je suis vraiment désolée.
    Madame Demers, vous avez trois minutes.

[Français]

    Durant la période de temps que Soeurs d'esprit a prise pour colliger les informations pour votre base de données, soit de 2005 à 2010, vous nous avez fait un rapport fantastique sur les 500 femmes et plus disparues et tuées.
    La Gendarmerie royale du Canada de Vancouver a fait une étude similaire et a établi une base de données sur les disparitions de femmes autochtones, sur l'autoroute des pleurs. On parle de 18 cas. Cela a été fait avec des ressources de beaucoup supérieures aux ressources de Soeurs d'esprit et avec des montants d'argent de beaucoup supérieurs à ceux qu'avaient Soeurs d'esprit.
     Comment expliquez-vous que, maintenant, on ne vous aide pas à continuer votre base de données, que vous ne pourrez plus continuer à l'alimenter et à la faire vivre si vous n'avez pas d'argent pour la continuer? C'est une chose si essentielle pour faire connaître la vérité et savoir ce qui se passe?

[Traduction]

    Je crois que c'est dû au fait que nous ne sommes pas considérées comme des fournisseurs directs de services et que nous ne menons pas d'enquêtes sur les cas identifiés. En quelque sorte, nous n'effectuons qu'un recensement des cas qui se produisent. Nous parlons aux membres de la famille et il nous arrive aussi de discuter avec l'agent de police en charge du dossier, mais nous n'exerçons aucune influence quant aux enquêtes qui peuvent être menées ou non.
    Je peux vous dire que lorsque nous avons collaboré avec le Manitoba Action Group, nous étions en contact avec l'un des initiateurs de l'Autoroute des pleurs. Il accorde beaucoup d'importance à la cueillette de renseignements et nous encourage à maintenir notre base de données, car nous sommes toujours disposées à mettre en commun l'information.
    Je dirais donc que les raisons sont plutôt simples. Premièrement, nous ne recevons pas de fonds pour la recherche, et nous ne pouvons rien y faire. Deuxièmement, nous ne sommes pas des fournisseurs directs de services, bien que certains experts en services aux victimes pourraient vous dire le contraire en raison du travail de réunification que nous effectuons auprès des familles. Il s'agit en quelque sorte d'un service que nous offrons, mais nous ne recevons aucun financement à titre de fournisseurs directs de services aux familles.
    J'ajouterais que, dans chaque province et territoire, nous avons une organisation membre qui a la possibilité et le mandat de collaborer avec les différentes forces policières. Nous servons en quelque sorte de passerelle vers ces organisations.
    Pour ce qui est de l'Autoroute des pleurs, si nos organisations de défense des femmes en Colombie-Britannique pouvaient travailler avec la GRC et obtenir toutes les ressources et le financement nécessaires, il va de soi qu'elles auraient de bien meilleurs résultats, et c'est la même chose dans toutes les régions du Canada.
    Voilà déjà cinq ans que l'Association des femmes autochtones de l'Ontario s'emploie à lutter contre la violence. Elle accomplit un excellent travail d'éducation, de sensibilisation et d'intervention auprès des hommes au sein des collectivités.
    Quelqu'un demandait s'il existait des programmes; il y en a un réalisé en collaboration avec un autre partenaire par l'entremise des centres d'amitié autochtones qui s'intitule « Being a Good Man ». Il existe donc certains programmes. Ils sont offerts à l'échelon provincial, plutôt qu'au fédéral, mais ils sont accessibles.
    Merci beaucoup.
(1230)
    Je vous remercie.
    De toute évidence, l'AFAC a un rôle important à jouer, mais les critères semblent vous exclure. Est-ce qu'un financement de base vous aiderait beaucoup dans le travail que vous accomplissez et dans votre recherche de solutions?
    Certainement. Je crois que le financement ponctuel ne permet pas de faire la transition entre un projet qui est conclu et l'entente de contribution suivante. Le financement de base est important pour permettre aux organisations d'assurer la poursuite de chaque projet pendant ces périodes de transition. Idéalement, j'estime que l'on pourrait fixer à trois ans la période entre chaque nouvelle demande à soumettre pour que le financement soit renouvelé.
    Le financement de base permet d'adopter une perspective globale quant à la manière dont nous voulons effectuer notre travail. Pour que les objectifs d'un projet puissent être réalisés, il faut notamment que des personnes comme moi travaillent dans un bureau devant un ordinateur.
    Si nous bénéficiions d'un financement de base pour poursuivre notre travail dans ce dossier, cela nous permettrait de remettre sur pied notre service des communications. À l'heure actuelle, nous n'avons plus personne qui s'occupe des communications. Et c'est un élément essentiel si l'on souhaite rejoindre non seulement les femmes dans nos collectivités, mais aussi tous les autres fournisseurs de services. Notre site Web est réduit au strict minimum pour l'instant, car nous ne disposons tout simplement pas de personnel affecté aux communications. Et même lorsque nous travaillons avec des ministères gouvernementaux, nous ne sommes financés que très partiellement. En fait, nous n'avons aucun financement à cette fin actuellement. Mais même pour nos autres programmes, les fonds sont plutôt limités. Nous apprécierions vraiment bénéficier d'un financement accru.
    Madame Dumont-Smith.
    J'allais simplement préciser que le financement de base vous permet de planifier à plus long terme et de mettre certaines choses en place. Nous serions ainsi mieux aptes à gérer nos programmes. On peut planifier à plus longue échéance. On peut évaluer les résultats.
    Pour le programme Evidence to Action, nous avons obtenu un financement pour trois ans, ce qui est une bonne chose. Mais le financement de base demeure absolument essentiel à notre organisation et il nous en faut davantage. Si nous voulons vraiment aider les femmes qui en ont besoin avec tout l'impact voulu, c'est absolument primordial.
    Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier au nom du comité.
    Madame Corbiere Lavell, nous avons eu le plaisir de rencontrer votre fille à Thunder Bay. C'est une jeune femme dynamique et extrêmement compétente. Je vois en elle une future chef de file. Je suppose que c'est de famille.
    Merci aux membres du comité de nous avoir permis de prolonger notre séance. Je pense que cela sera très bénéfique pour notre étude.
    Merci encore une fois pour votre participation.
    Nous voulons vous remercier à nouveau de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.
    Je voulais juste ajouter qu'il est dommage que vous n'ayez pas eu la chance de rencontrer ma mère et ma grand-mère, car nous avons toutes assumé notre rôle au sein de notre collectivité. Nous avons pris nos responsabilités.
    Cela aurait été pour nous un privilège et un honneur. Merci.
    Je crois que les conservateurs ont indiqué qu'ils souhaitaient procéder à l'élection de leur vice-présidente mardi prochain. Alors tout est en ordre.
    La séance est levée.
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