NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 mars 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, bonjour.
Comme vous en avez été informés par un avis de la greffière, nous revenons à l'étude de la défense nord-américaine, étude que nous avons entreprise il y a un an, mais que nous avons mis en veilleuse pour l'étude des soins offerts aux membres malades ou blessés des Forces armées canadiennes. Nous accueillons aujourd'hui deux témoins, que je remercie de s'être présentés malgré le court préavis qu'on leur a donné.
[Français]
Nous recevons M. Philippe Lagassé, professeur agrégé d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa,
[Traduction]
et Mme Elinor Sloan, professeure au département de sciences politiques de l'Université Carleton.
Conformément à l'usage, nous débuterons par les déclarations de nos témoins, chacune de 10 minutes au maximum, puis nous passerons aux questions.
Monsieur Lagassé, allez-y, je vous en prie.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Ma présentation portera sur l'avenir du NORAD et les relations de défense continentale entre le Canada et les États-Unis.
L'idée qui animera mes commentaires est que le moment est venu d'élargir le rôle du NORAD et d'approfondir le niveau de coopération en matière de défense continentale. Avec la fin de la guerre en Afghanistan et la pause opérationnelle que vivront les Forces canadiennes dans les prochaines années, le temps est venu de s'engager davantage dans la défense de l'Amérique du Nord.
[Traduction]
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont approché le Canada au sujet de la possibilité de faire du NORAD un commandement de la défense continentale à part entière. Ottawa a rejeté cette idée.
En 2005, le gouvernement canadien a également rejeté l'idée que le Canada participe à la défense antimissiles balistiques de l'Amérique du Nord. Si, par la suite, bien des efforts ont été déployés pour renforcer la coopération de défense continentale entre les deux pays, notamment sur le plan de l'assistance militaire pour le maintien de la loi et la gestion des conséquences, le temps est maintenant venu de renverser les deux refus précédents.
Plus particulièrement, à l'heure où le Canada amorce l'examen de sa politique en matière de défense, et à l'heure où le Canada et les États-Unis cherchent à établir la meilleure façon de dépenser leur budget militaire respectif, désormais plus serré, il semble opportun d'étudier la possibilité d'élargir le NORAD en vue d'y intégrer une véritable approche binationale de la défense de l'Amérique du Nord dans les secteurs terrestre, maritime et cybernétique et dans l'Arctique.
Un NORAD élargi serait sans doute plus efficace et rentable que l'actuelle approche bilatérale de la coopération de défense continentale dans ces secteurs. En outre, il serait mieux à même de contrer les menaces potentielles à l'endroit du continent, en particulier dans l'espace cybernétique et dans l'Arctique.
En outre, l'élargissement du NORAD s'harmoniserait bien avec l'engagement du gouvernement envers la stratégie du périmètre relative à la sécurité du continent, comme le propose l'initiative Par-delà la frontière. Depuis le début des années 1960, le NORAD assure une évaluation tactique intégrée d'alertes et d'attaques des tirs de missiles balistiques contre l'Amérique du Nord. C'est cette fonction qui fait du NORAD un commandement de défense aérospatiale plutôt qu'un simple commandement de défense aérienne.
Dans le cadre d'une entente conclue en août 2004 entre le Canada et les États-Unis, la fonction d'évaluation d'attaque et alerte tactique (ITW/AA) du NORAD a été autorisée pour aider le système de défense antimissiles des États-Unis, en dépit du refus du gouvernement canadien de participer à ce système.
En 2010, l'OTAN a publié son plus récent concept stratégique. Le document comprend notamment un engagement, de la part de l'Alliance, envers la défense antimissiles balistiques de l'Europe et des États-Unis. En tant que membre de l'OTAN, le Canada a donc souscrit à la défense antimissiles de ses alliés, sans toutefois que le gouvernement canadien veuille que ces mesures de défense soient étendues au Canada.
Sur le plan politique, l'ambivalence du Canada au chapitre de la défense antimissiles balistiques est logique. Rien ne l'oblige à y prendre part, et un gouvernement qui demanderait de jouer un rôle officiel dans le système ferait l'objet de critiques. Néanmoins, l'abstention du Canada fait obstacle à un rapprochement au sein de la structure actuelle du NORAD. Elle restreint l'accès du Canada à l'information et aux technologies qui serviraient d'intérêt national, et elle pourrait le rendre plus vulnérable à la prolifération des missiles balistiques dans les décennies à venir.
Le temps est venu d'examiner si les fins politiques doivent continuer d'empêcher le Canada de prendre part à cet aspect de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord et de se joindre à ses alliés en acceptant pleinement la logique de maintenir la défense antimissiles balistiques.
[Français]
En somme, les relations de défense continentale entre les États-Unis et le Canada sont bonnes, mais elles pourraient être meilleures. Étant donné la révision politique de la défense canadienne qui est en cours, le moment est propice pour accroître notre intérêt quant à ce dossier.
Je vous remercie.
[Traduction]
Je suis heureuse d'être ici pour vous présenter un bref exposé sur les priorités relatives à la défense nord-américaine. Si j'ai bien compris, le comité tente de définir les paramètres de sa prochaine étude et d'établir sa liste de témoins. On nous a demandé d'examiner la défense nord-américaine de deux points de vue: la défense du territoire canadien et la défense du continent nord-américain en collaboration avec les États-Unis.
Selon moi, les deux secteurs de préoccupation importants pour la défense nord-américaine sont l'Arctique et cybernétique. Les deux chevauchent les relations de défense Canada-États-Unis et la défense conjointe de l'Amérique du Nord et ont une incidence sur celles-ci. Je vais donc parler brièvement de ces deux secteurs.
Tout porte à croire que le passage de l'Arctique se libère plus rapidement que ce qu'on avait prévu il y a quelques années à peine. Il y a de plus en plus d'activité dans la région lors de la saison estivale, et ce ne sont pas seulement les pays de l'Arctique qui les exercent, mais aussi de grandes puissances, comme la Chine.
Ce qui m'inquiète, c'est que le Canada n'a pas les ressources nécessaires pour effectuer la surveillance et le contrôle de la région maritime de l'Arctique. Il dépend des avions de patrouille à long rayon d'action Aurora et de la couverture par satellite offerte par RADARSAT, qui a une composante Polar Epsilon pour la défense — c'est ainsi qu'on l'appelle — pour effectuer de la surveillance. Nous avons des ressources de recherche et de sauvetage qui, elles aussi, sont assistées par satellite. Le Système d'alerte du Nord du NORAD offre une couverture radar et nous disposons également de quelques ressources de surveillance fixes le long des détroits les plus fréquentés.
Mais, ce qui nous manque le plus, ce sont des drones pouvant effectuer de la surveillance dans des conditions arctiques, comme les drones américains Predator et Global Hawk UAV. Ces appareils peuvent assurer une couverture en temps quasi réel des eaux de la région. Le Canada a un programme de véhicules aériens télépilotés — je n'épellerai pas l'acronyme, car il est long —, mais celui-ci n'a pas progressé. Il est sous la responsabilité de la Défense nationale. Idéalement, il nous faudrait trouver un appareil pour remplacer nos avions de patrouille à long rayon d'action.
Ça, c'est pour l'aspect surveillance.
Sur le plan du contrôle, nous ne disposons que de sous-marins diesels dont l'activité est limitée sous les eaux couvertes de glace.
Selon moi, le problème de contrôle que nous aurons au cours des prochaines années et des prochaines décennies en Arctique ne sera pas lié à la guerre. La menace prendra principalement la forme d'urgences qu'il faudra gérer, comme des déversements de pétrole, des navires de croisière ou des porte-conteneurs coincés dans la glace ou des activités terroristes ou de contrebande demandant l'intervention des forces de l'ordre.
Les problèmes viendront d'une combinaison de deux facteurs. Premièrement, la glace dans l'Arctique a suffisamment fondu pour que des pays et des sociétés se risquent à y faire circuler des navires. Deuxièmement, l'Arctique demeurera une région dangereuse en raison des conditions climatiques imprévisibles et qui change rapidement.
Étant donné ces facteurs, il est essentiel que le Canada se dote d'un nouveau brise-glaces de classe polaire promis à l'origine par le gouvernement Mulroney au milieu des années 1980. La souveraineté du Canada dans cette vaste région risque également d'être contestée. Mais, dans un monde d'échange de ressources, je me demande s'il est encore nécessaire d'aller de l'avant avec les navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique. Il serait peut-être plus économique d'investir dans des navires de la Garde côtière et de les armer.
Le Canada devrait dès maintenant amorcer les discussions avec les États-Unis afin de trouver des façons de collaborer sur la surveillance et le contrôle des régions maritimes de l'Arctique. À ce que je sache, de telles discussions n'ont pas encore eu lieu. On ne parle, pour le moment, que de conflits sur les frontières maritimes du passage Nord-Ouest, par exemple.
En vertu des changements à la dynamique des puissances mondiales, du déclin relatif des États-Unis, de l'apparition de nouvelles puissances dans le monde et des compressions budgétaires à la défense américaine, les États-Unis seraient peut-être davantage disposés à adopter des mesures de coopération avec le Canada dans le Nord. De telles mesures permettraient de régler le genre de problèmes de gestion d'urgence que j'ai souligné. Elles pourraient tourner autour des deux thèmes mentionnés, soit la surveillance et le contrôle. Le NORAD pourrait jouer un rôle en matière de surveillance; nous savons qu'il reçoit déjà des données sur la surveillance maritime sur les côtes Est et Ouest. Ce changement a été apporté en mai 2006.
En ce qui concerne le contrôle, comme l'a souligné le professeur Lagassé, en 2006, le Groupe de planifications nationales a étudié l'idée de confier au NORAD la responsabilité d'envoyer des navires dans le cadre d'un effort coordonné pour intervenir en cas de crise ou simplement pour effectuer des patrouilles. Ce rapport portait sur une période commençant en 2004. Si je ne m'abuse, c'était là une des recommandations formulées, mais les États-Unis et le Canada ont choisi de ne pas y souscrire. Donc, vous avez la réponse à cette question.
Depuis, la fonte des glaces en Arctique s'est accélérée.
Je sais que les Forces armées canadiennes utilisent maintenant une approche plus officielle pour le commandement de la composante maritime. Elles utilisent des renseignements de la Défense nationale, ce qui diffère de ce qu'elles faisaient en 2006. Cela pourrait entraîner un manque d'uniformité avec l'approche axée sur le NORAD.
Il faudrait examiner le niveau de participation du NORAD dans les activités de contrôle. Je recommande au comité sénatorial de tenir des audiences, d'entendre des témoignages et de produire un rapport sur la façon dont le Canada et les États-Unis peuvent collaborer pour effectuer la surveillance et le contrôle des eaux de l'Arctique. Le comité voudra inviter des représentants des États-Unis à témoigner.
De plus, le Canada devra déterminer comment il réagira face à ceux qui contesteront son affirmation des eaux nationales canadiennes en Arctique sous prétexte qu'il s'agit plutôt de voies d’eau internationales. Il ne faut pas oublier qu'il est impossible pour le Canada d'avoir une force pour les missions continentales et une autre pour les missions à l'étranger. Selon les forces armées, les opérations de déploiement dans l'Arctique sont aussi complexes que les opérations internationales et doivent être, elles aussi, autosuffisantes. Par conséquent, l'investissement dans les ressources pour l'Arctique ne doit pas se faire au détriment des autres missions.
Les sous-marins diesels-électriques conviennent à la fois aux opérations dans l'Arctique, avec certaines restrictions, et aux opérations de sécurité internationale.
La région de l'Asie du Pacifique fait l'objet d'une attention accrue en matière de sécurité internationale. La tension augmente dans cette région et il est très important pour le Canada, sur le plan économique, que la stabilité y règne. Les sous-marins conviennent bien aux opérations visant à maintenir ouvertes les voies de communication maritime. Les sous-marins canadiens de la classe Victoria et les sous-marins australiens de la classe Collins ont environ le même âge et devront être remplacés au cours de la prochaine décennie. Le Canada voudra peut-être étudier la possibilité de participer à un approvisionnement collaboratif.
Outre l'Arctique, une des principales priorités devrait être le rôle que jouera la Défense nationale en matière de cybersécurité au pays. Il semble y avoir une asymétrie entre l'approche canadienne et l'approche américaine en matière de cyberdéfense. L'armée américaine a créé un cybercommandement auquel elle a confié des responsabilités bien précises quant à la défense des infrastructures essentielles aux États-Unis et du territoire national. En comparaison, en 2010, le Canada a confié la stratégie en matière de cybersécurité à la Sécurité publique.
Le rôle que jouera la Défense nationale en cas d'événement cybernétique au Canada n'est pas clair, si ce n'est qu'elle devra défendre ses propres réseaux. Il est nécessaire d'examiner divers scénarios et d'attribuer des responsabilités avant qu'une crise ne survienne. La Défense nationale pourrait épauler les autorités civiles dans la gestion des conséquences si jamais une cyberattaque entraînait la perte d'une infrastructure essentielle et menaçait la vie des citoyens ou si une menace envers une infrastructure essentielle entraînait des pertes de vie. La Défense nationale devrait maintenir sa capacité à intervenir si jamais un tel événement se produit et sa propre cyberinfrastructure devrait résister aux attaques.
De nombreux pays voient la cybernétique comme étant un secteur où les conflits sont possibles. Il s'agit d'un autre élément du problème, l'aspect outre-mer, disons. Certains ont déjà déployé beaucoup d'efforts pour exploiter la cybernétique à des fins d'espionnage ou pour la militariser.
Je recommande au comité sénatorial de tenir des audiences, d'entendre des témoignages et de produire un rapport sur la défense des infrastructures essentielles du Canada en cas de cyberattaque. Étant donné la nature souvent homogène des infrastructures essentielles du Canada et des États-Unis, cette étude devrait tenir compte de l'approche américaine. Nous devons également examiner le rôle que pourrait jouer la Défense nationale dans l'environnement de sécurité de l'avenir si la cybernétique — autrement dit, la cyberarmée, y compris la marine et la force aérienne, le cyberespace — devient un secteur de conflit, ainsi que les capacités dont les Forces canadiennes auraient besoin. Le renforcement des capacités dans ce secteur demanderait un certain temps.
Honorable sénateur, ce ne sont là que quelques informations que j'ai recueillies sur les priorités canadiennes en matière de défense continentale pour l'avenir. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Merci, madame Sloan. Je tiens simplement à préciser que vous témoignez devant le Comité de la défense nationale de la Chambre des communes. Donc, vous êtes en présence de députés.
Nous allons maintenant amorcer notre première série de questions.
Monsieur Williamson, vous avez la parole pour sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Nous avons entendu deux exposés très intéressants et instructifs.
Monsieur Lagassé, j'ai bien aimé votre style. Vous êtes concis et efficace. Vous avez soulevé deux points intéressants.
Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur la structure que prendrait un NORAD élargi? Jusqu'où irait-on vers le Sud? Que proposez-vous comme composition possible?
Le Canada et les États-Unis demeureraient les deux seuls membres. Il ne s'agirait pas d'un commandement trinational. Un des problèmes, c'est que nous n'avons pas l'habitude de travailler étroitement avec le Mexique. De même, je ne suis pas certain que les États-Unis soient ouverts à un tel partenariat pour le moment, ou même si nous le sommes.
En ce qui a trait à la coordination des Forces, il s'agit simplement d'aller au-delà de l'approche bilatérale et d'adopter une structure de commandement où le Commandement des opérations interarmées du Canada et le commandement du Nord travailleraient ensemble. Le NORAD serait alors dans une position imprévisible. Les choses se déroulent un peu mieux depuis que le Commandement Canada a été intégré à un commandement opérationnel plus large. Malgré tout, le NORAD offre beaucoup de potentiel en matière de coordination des forces terrestres nécessaires, lorsque celles-ci sont disponibles, et pour la protection des océans et des côtes de la façon la plus efficace possible. Comme l'a souligné Mme Sloan au sujet de l'Arctique, il est de plus en plus clair pour moi…
Ce n'est peut-être pas l'opinion du public à ce sujet, mais en fin de compte, lorsqu'on tient compte des dépenses du Canada en matière de défense et de ses ambitions en matière de défense nord-américaine, il serait logique de travailler en étroite collaboration avec notre partenaire dans les domaines où nous partageons des intérêts et de permettre à la diplomatie de régler toute dispute au sujet des frontières. C'est simplement une question de faire le meilleur usage possible des fonds.
Très bien. Merci.
Selon vous, quelle direction ce débat ou cette discussion sur la défense antimissiles balistiques prendra-t-il? Je ne parle pas ici des conséquences nationales. Les États-Unis planchent-ils sur un projet pour l'Amérique du Nord? Si oui, est-ce que ça avance rapidement? Quel est l'impact de la participation ou même de la non-participation du Canada dans ce dossier?
Les États-Unis ont déjà installé deux systèmes terrestres en Amérique du Nord. D'autres sont en cours d'élaboration en Europe. Le plus efficace, c'est le destroyer antimissiles Aegis.
Dans la structure actuelle, ce qui m'inquiète sur le plan de la planification et de la mise en oeuvre du système, c'est dans quelle mesure ferait-on une analyse attentive des compromis liés au lancement de missiles pour protéger le plus grand nombre de villes possible si jamais un missile balistique ou un autre type de missile était lancé accidentellement sur l'Amérique du Nord.
Nous ne savons tout simplement pas pour le moment si les États-Unis sont disposés à sacrifier des missiles de défense pour protéger le plus possible des villes américaines ou s'ils sont disposés à élargir la portée de leurs missiles de façon à protéger aussi des villes canadiennes. Qu'on choisisse ou non de participer à ce système, il serait utile de savoir au moins quels sont les plans à ce chapitre de façon à ce qu'on puisse dire que sur le plan de l'aérospatiale, nous participons activement au projet, puisque nous fournissons déjà des données à un système conçu pour protéger l'Amérique du Nord.
Encore une fois, je trouve étrange, et c'est mon opinion, de ne pas au moins considérer un tel système pour le Canada si nous appuyons la mise en place de tels systèmes en Europe et aux États-Unis.
Très bien. Merci.
Madame Sloan, vos commentaires me semblent un peu plus… Les commentaires de M. Lagassé étaient plus larges, alors que les vôtres portaient précisément sur la région de l'Arctique. Vous avez bien décrit certaines des difficultés auxquelles les Forces armées canadiennes sont confrontées pour le déploiement des effectifs dans le Nord.
Vous avez parlé de cyberguerre. Vous dites que les problèmes dans le Nord seront plutôt liés à des accidents, comme les déversements de pétrole. Mais, avec le développement de la Russie — peut-être que la Russie retourne à ses racines… Selon vous, comment la Russie réagirait-elle face à nos intérêts dans le Nord par rapport à ses propres intérêts dans la région? Elle a déjà pris des mesures proactives par le passé, comme déployer son drapeau au pôle Nord ou remettre en question notre ligne côtière. Semble-t-il qu'aujourd'hui même, le NORAD a envoyé des chasseurs pour contrer une incursion russe dans l'espace aérien américain en Alaska.
Selon vous, quel impact aura la Russie sur la planification à long terme du Canada dans le Nord?
Je crois que le Canada doit réfléchir à ce que fait la Russie. Déjà en 2007, elle avait envoyé des bombardiers patrouiller dans le Nord. On aurait dit un retour à la guerre froide. Il est difficile de faire la distinction entre les fanfaronnades, les politiques nationales et ce qui est réel. J'ai entendu deux interprétations. La première, c'est que cela mènera à la militarisation du Nord, et la deuxième, c'est que la Russie se tournera vers l'UNCLOS et respectera les normes des Nations Unies pour la division de la région.
J'ai tendance à accepter la deuxième interprétation. Les États devront davantage traiter les situations d'urgence avec les voyages dans le Nord et l'UNCLOS se chargera de fixer les frontières et de prendre d'autres décisions semblables. Le processus semble suivre son cours et, selon moi, un jour, les frontières maritimes seront fixées légalement. Le plus gros problème, essentiellement, sera de déterminer comment gérer les situations d'urgence, car les navires commerciaux ne cesseront pas d'emprunter le passage de l'Arctique, puisque celui-ci offrira des transits plus courts. Plus le passage deviendra navigable, plus il y aura de circulation. C'est le genre de situation que le Canada devra gérer.
Très bien. Merci.
Vos commentaires me rappellent un peu une pause publicitaire de nature politique des années 1980 où tout le monde convenait qu'il y avait un ours à l'extérieur, mais personne ne savait quelles étaient ses intentions. Bien entendu, la réponse, c'est qu'il fallait être au moins aussi fort que l'ours pour faire face aux capacités de la Russie dans le Nord par rapport aux capacités du Canada et des États-Unis.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux pour ces exposés.
Ces propos sur la guerre froide me paraissent un peu prématurés dans le contexte de la situation en Crimée. Monsieur Lagassé, j'aimerais parler des ICBM. Certains membres du comité ont visité récemment le NORAD. La seule situation potentielle où l'utilisation d’ICBM serait nécessaire, c'est si la Corée du Nord réussit à envoyer des missiles vers l'Amérique du Nord. Est-ce une menace sérieuse? Ne pourrait-on pas la dissiper d'une autre façon ou sommes-nous contraints à nous lancer dans une autre course aux armements avec de possibles États voyous à cause des ICBM?
Existe-t-il d'autres façons de dissiper ce genre de menaces plutôt que de se lancer dans une autre course aux armements? Vous savez, la constance n'est pas toujours la meilleure façon de fixer des politiques étrangères. Nous l'avons constaté de nombreuses fois.
Merci.
Je dois admettre que la cohérence est souvent un luxe réservé aux universitaires, et peut-être pas aux politiciens; je le reconnais entièrement. Or, il y a d’autres facteurs que simplement ce qui nous semble être la situation stratégique dans le monde.
Je vais d’abord vous parler des autres moyens de résoudre le problème. Je conviens tout à fait qu’il existe assurément bien d’autres moyens pour nous de ralentir la prolifération des missiles balistiques et d’autres types de technologies. Nous le faisons par la voie diplomatique. Nous l’avons fait de bien d’autres façons. Dans le cadre de ses engagements durant la guerre froide, le Canada a soutenu activement la stratégie américaine de dissuasion nucléaire par l’entremise du NORAD, mais en même temps, il tentait de promouvoir le désarmement nucléaire et le contrôle des armes.
Nous l’avons beaucoup fait dans le passé quand nous avons soutenu un système existant qui aurait pu nous procurer un certain niveau de défense, mais nous avons aussi participé activement aux efforts en vue de nous défendre au besoin.
En ce qui concerne les conditions fixées par le premier ministre Martin quant à savoir si le Canada doit y participer, il a clairement dit qu’à son avis, le Canada devrait le faire uniquement si cela ne lui coûte rien et si aucun système favorisant davantage une course aux armements n’est installé dans l’espace. Je continuerais d’appuyer ces conditions de base, en ce sens que si le Canada participe en sachant qu’il ne lui en coûtera rien et que cela ne mènera pas à l’installation de plus d’armes dans l’espace, alors nous pourrions au moins avoir une approche à deux volets où nous reconnaissons la nécessité de la diplomatie. Nous reconnaissons la nécessité d’une course aux armements, mais en même temps, il nous faut reconnaître que le système est déjà en place en Europe. Rien de ce que nous faisons actuellement ne ralentirait la course aux armements qu'il pourrait engendrer. Le seul coût pour nous serait d’avoir davantage de protections.
Je pense qu’au bout du compte, si nous voulons participer davantage au système, si nous voulons nous assurer qu’il ne va pas au-delà d’une défense minimale contre les lancements accidentels ou tout type d’intimidation de la part de certains pays, il nous faut tout au moins participer et tenter de faire entendre notre voix et notre point de vue.
Merci.
Madame Sloan, vos observations sur l'Arctique m'intéressent beaucoup.
J'ai ici devant moi un document très élaboré datant de mai 2013 et intitulé United States Coast Guard Arctic Strategy. Il y a également la National Strategy for the Arctic Region, aussi présentée en mai 2013 par le président des États-Unis, ainsi qu'un document intitulé Implementation Plan for The National Strategy for the Arctic Region. Ces trois documents portent sur les plans et les espoirs des Américains dans l'Arctique.
Le Canada y est à peine mentionné, sauf en tant que membre du Conseil de l'Arctique. Ils ne semblent pas croire que c'est la voie à suivre pour eux, sauf en ce qui concerne l'engagement multilatéral au moyen du Conseil de l'Arctique. Ils parlent de participer à l'UNCLOS, la convention sur le droit de la mer, et ils prennent part notamment au processus de règlement de la mer de Beaufort, avec le Canada, au moyen de l'UNCLOS et de négociations.
Toutefois, je ne vois rien au sujet de la collaboration entre les deux pays. Ils ont également déclaré publiquement — et on nous en a parlé — ne pas être en faveur de la militarisation de l'Arctique. Ils s'intéressent à la connaissance du domaine et à d'autres choses de ce genre, auxquelles nous nous intéressons également, je crois. Ils se préoccupent aussi de la liberté des mers et ils seront dotés d'importantes capacités de déglaçage d'ici 2017. Il semble que nous soyons désavantagés sur le plan des capacités de déglaçage et de l'approvisionnement.
J'aimerais aussi que vous nous expliquiez pourquoi vous avez dit que la priorité qu'accorde le gouvernement canadien aux navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique n'est peut-être pas la bonne solution.
Pourriez-vous nous dire ce que nous devons faire pour être plus solides et ne pas nous attendre à ce que les Américains soient prêts à collaborer avec nous?
Beaucoup d'idées me sont venues en vous écoutant. Je vais essayer de toutes me les rappeler.
D'abord, à mon avis, il n'est pas étonnant que le Canada ne soit pas mentionné dans ces documents. Nous sommes souvent l'allié oublié. Il faudrait que ce soit nous qui tentions de mettre en place des mesures de coopération.
Je pense que c'est une chose que le comité pourrait légitimement faire. Il faudrait encourager la participation des États-Unis et tenter de prévoir comment nous pourrions coopérer dans le Nord. Il faudrait d'abord déterminer si la Russie constitue réellement une menace. Quelle est la menace? Je vous ai donné mon avis au sujet de la menace. Faites une évaluation, puis discutez de la façon dont nous pouvons collaborer: « Vous patrouillez d'un côté, et nous patrouillerons de l'autre ».
Je pense qu'à ce stade-ci, nous devons faire plus que ce que nous avons fait durant de nombreuses années, soit concurrencer les États-Unis dans le Nord en raison des frontières maritimes, de la présence de leurs sous-marins dans nos eaux durant la guerre froide et d'une divergence d'opinions sur le passage du Nord-Ouest. Je crois qu'il nous faut prendre des mesures de coopération concrètes dans le Nord. Il en est ainsi à cause de la fonte des glaces. Voilà pourquoi c'est important.
Pour répondre à votre question, j'ai vérifié les chiffres hier. Je savais indirectement que les États-Unis n'ont pas vraiment de capacités de déglaçage. Si les chiffres que j'ai vus hier sont exacts, les États-Unis ont deux brise-glaces; le Canada en a 18. Je crois que la Corée du Sud a plus de brise-glaces que les États-Unis; ils ont donc beaucoup de rattrapage à faire dans ce domaine.
Je ne m'étonne pas qu'ils indiquent, dans la stratégie nationale de mai 2013, devoir construire des navires. Toutefois, je serais surpris qu'ils aient beaucoup de brise-glaces en 2017.
Les États-Unis détiennent certains avantages sur le plan de la surveillance en raison de leurs ressources spatiales, dont nous ne connaissons pas tous les détails parce que nous avons dit non à la décision relative à la défense antimissile balistique. Ils peuvent aborder cette question, et nous pouvons aborder celle des capacités de déglaçage. Il pourrait peut-être y avoir des compromis.
Il est fort possible que d'autres intervenants soulèvent cette question. Je vous remercie.
Monsieur Norlock, vous disposez de sept minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Par votre entremise, je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
Mes questions s'adresseront principalement à Mme Sloan. Vos observations concernant les navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique m'ont particulièrement intéressé. Vous avez dit que nous avons l'intention d'améliorer notre capacité d'exercer notre souveraineté dans l'Arctique.
Vous avez mentionné que nous étions souvent l'allié oublié. Je pense que c'est parfois délibéré en raison de certaines aspirations, surtout de la part de nos amis, concernant l'Arctique. Certains d'entre nous croient que pour exercer notre souveraineté, nous devrions posséder des navires de patrouille capables de patrouiller les eaux qui relèvent, selon nous, de notre compétence.
Ne diriez-vous pas que les menaces...? Quand je parle de menace, je crois qu'elle pourrait être liée au respect. Quand nous parlons de menaces, il pourrait s'agir de la menace ou du respect par rapport aux situations auxquelles nos navires pourraient être confrontés lorsqu'ils patrouillent. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
À quels types de menaces le Canada et l'ensemble de l'Amérique du Nord sont-ils confrontés dans l'Arctique, selon vous? Qu'en est-il du respect de la souveraineté du Canada et des États-Unis? C'est une source de préoccupations pour les deux pays.
À mon avis, il est essentiel que nous ayons une garde côtière armée. Il est beaucoup plus rentable d'emprunter cette voie, celle d'une garde côtière armée qui aurait recours à du personnel des Forces canadiennes.
Je dis cela parce que dans un monde idéal, nous aurions des navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique et des navires de la Garde côtière. Mais compte tenu des ressources limitées, je pense qu'il est plus raisonnable d'opter pour une garde côtière armée et de mettre l'accent sur les ressources maritimes qui sont utiles dans l'Arctique et les points chauds du monde. C'est pourquoi j'ai parlé des sous-marins. Dans un monde idéal, nous aurions les navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique, mais compte tenu des ressources limitées, c'est la voie que j'emprunterais.
Quant aux menaces dans l'Arctique qui proviennent d'autres pays, effectivement, tous ces pays du Sud construisent des brise-glaces. L'été dernier, je crois, un brise-glace chinois est passé dans l'Arctique. Il existe donc beaucoup de menaces d'autres pays du monde dans l'Arctique. Ils passent tous là-bas pour des raisons économiques. Garder un régime au pouvoir nécessite une économie forte, et les conditions économiques exigent que les temps de transit soient plus courts. C'est ce qui est à l'origine de l'activité dans l'Arctique.
Merci beaucoup.
Vous avez également parlé de la cybersécurité. Certains d'entre nous croient que la cybersécurité concerne autant la sécurité militaire que nos intérêts nationaux dans le cadre de nos investissements dans divers secteurs. Nous consacrons, par exemple, énormément de ressources à la protection des entreprises dans lesquelles nous investissons massivement et des universités. Je parle ici des progrès réalisés dans la recherche et la technologie, entre autres.
Sur le plan de la cybersécurité, que suggérez-vous? Premièrement, quelle orientation le Canada prend-il, à votre avis, en ce qui concerne la cybersécurité? Investissons-nous autant que nous le devrions? Devrions-nous augmenter notre capacité à ce chapitre? Dans quelle mesure devrions-nous mettre en commun les ressources liées à la cybersécurité avec nos voisins du Sud, qui ont très probablement d'autres préoccupations?
Je parle de la protection de la propriété intellectuelle, car les deux se chevauchent.
Oui. Comme je mets principalement l'accent sur les questions liées à la défense, je ne peux vous répondre au sujet des sommes investies pour la cybersécurité, les banques, les finances, etc. Selon ce que j'ai lu, elles sont insuffisantes, mais combien faudrait-il pour que ce soit suffisant?
Ce qui m'inquiète, c'est qu'on ne réfléchit pas suffisamment, du moins dans le domaine public, au rôle de la défense dans le monde cybernétique. Si une cyberattaque se produisait et entraînait la perte de vies, quel serait le rôle de la défense?
C'est un problème avec lequel l'OTAN est aux prises à cause des attaques contre l'Estonie. Les États-Unis ont créé leur propre cybercommandement. Je pense qu'il serait utile que votre comité se penche sur le rôle que devrait jouer la défense en matière d'intervention en cas de cyberattaques causant la perte de vies au Canada.
Merci beaucoup.
Pendant que nous parlons de cybermenaces, vous avez mentionné qu'au Canada, le financement dans ce domaine va principalement au ministère de la Sécurité publique. Vous avez indiqué que nous pourrions regarder du côté des Forces armées canadiennes. Avez-vous pensé peut-être — et je sors un peu du cadre — que le SCRS pourrait s'en occuper? C'est une combinaison entre la GRC, du côté civil, et le ministère de la Défense nationale.
Puisque nous sommes un petit pays et que nos ressources sont limitées, quel serait l'endroit approprié pour le cybercommandement, selon vous? À quel ministère affectons-nous la plupart de nos ressources?
Il serait probablement logique que le cybercommandement relève de la Défense nationale, afin qu'il y ait une cohérence avec les États-Unis. Le Département de la Sécurité intérieure a des responsabilités en matière de cybernétique, un peu comme le ministère de la Sécurité publique ici, mais il y a aussi une autre dimension.
Je ne peux vous donner de réponse satisfaisante à ce moment-ci. C'est une question, selon moi, qui doit être étudiée et sur laquelle votre comité pourrait se pencher.
Je vous remercie de vos témoignages devant notre comité.
La grande question que je me pose, c'est de quelle façon notre étude de la défense nord-américaine peut-elle s'orienter afin que nous puissions rendre compte des grands enjeux qui y sont liés.
Madame Sloan, il semble que, selon vous, les deux principaux enjeux relatifs à la défense nord-américaine soient la cybersécurité et l'Arctique, le Nord. Quand vous parlez d'aller au-delà de nos problèmes avec les États-Unis, d'améliorer notre collaboration et de travailler en partenariat pour trouver des solutions à la réduction du financement dans les deux pays, laissez-vous entendre que ce serait dans le cadre du NORAD et des prochaines phases, ou le NORAD ne serait-il simplement que l'un des outils pour le faire?
En ce qui concerne l'Arctique, en principe, je pense que c'est logique. Il y a déjà des renseignements de surveillance qui sont transmis au NORAD; donc, sur le plan du contrôle, on peut déployer des navires pour s'occuper du véhicule aérien sans pilote qui a été détecté dans le passage du Nord-Ouest, et il serait logique de passer par le NORAD. C'est ce que je dis. Le Canada et les États-Unis doivent unir leurs efforts, peut-être à l'initiative du Canada, et trouver un moyen de collaborer dans l'Arctique, ce qui serait vraiment un grand pas en avant par rapport à ce que nous connaissons depuis des décennies.
Si on le faisait, alors il faudrait une cellule de coordination pour déployer ces navires. Pourquoi pas le NORAD? Autrement, le Commandement du Nord travaillerait avec notre nouveau commandement mixte, un nouveau commandement mixte fusionné. Il serait plus logique d'utiliser le NORAD, d'autant plus que les renseignements de surveillance sont déjà transmis à cette organisation.
Merci.
Monsieur Lagassé, je crois que vous avez affirmé que vous ne recommanderiez pas d’élargir le NORAD pour inclure le Mexique, ou qu'il suffisait peut-être simplement de conclure une entente trilatérale. Étant donné l’intention annoncée par le premier ministre de renforcer les relations bilatérales de défense, et la déclaration d’intention à l’endroit de la coopération en matière de défense, croyez-vous qu’il s’agit d’une priorité importante pour la défense de l’Amérique du Nord, ou croyez-vous qu’il s’agit plutôt d’une priorité secondaire?
En regardant l’histoire des relations relatives à la défense de l’Amérique du Nord et comment ces relations ont évolué, vous constaterez qu’à l’origine, c’est l’approche bilatérale qui était de mise. Si on examine les rapports dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et du début des années 1950, on constate que la coopération entre le Canada et les États-Unis a été avant tout bilatérale.
Vous devez vraiment tenir compte de cela pour comprendre les doctrines communes, les ententes communes et les points de communication communs qui ont été mis en place entre les deux pays, et vous devez le faire avant de vous lancer dans quoi que ce soit de binational et, à plus forte raison, dans quoi que ce soit de trinational.
Oui. Alors, avant même de commencer à discuter de la possibilité d’une approche trilatérale pour la défense de l’Amérique du Nord, nous devons d’abord — du moins, dans le contexte canadien — établir consciencieusement les relations de défense bilatérales que nous avons avec le Mexique.
De la même façon, la mise en place d'une approche trinationale ne fonctionnera que si les États-Unis sont d'accord pour que nous ayons une telle coopération avec le Mexique.
Cela signifie que nous devons d’abord jauger leur propre intérêt en la matière.
Merci.
Je vais vous arrêter là, car j’ai encore une question à poser et je ne crois pas qu'il me reste beaucoup de temps.
Étant donné les compressions qu’a subies le budget de la défense nationale — des compressions qui, selon un analyste de la défense, place le budget de la stratégie de défense Le Canada d’abord à 30 milliards de dollars de ce qu’il aurait dû être —, pouvez-vous nous expliquer, madame Sloan, ce sur quoi les réductions ont porté et si l’équilibre actuel entre le personnel, l’équipement, l’entretien et les opérations est en mesure d’appuyer la défense de l’Amérique du Nord dans ces domaines clés, ou s’il y a lieu de repenser la répartition des réductions?
C’est une grosse question pour le peu de temps dont nous disposons.
Vous voulez savoir si les compressions ont eu un effet sur la défense continentale plus que sur nos missions à l’étranger, et dans quelle proportion? Eh bien, la vérité c'est qu'il n'y a pas vraiment de nouveaux équipements. Je ne sais pas si les compressions annoncées dans le budget auront une incidence sur la construction navale, mais, selon moi, c'est la priorité qu'il faut absolument soutenir.
C'est une bonne chose que le navire de soutien interarmées soit posté comme premier dans le port de Vancouver. Et je le dis même si je sais que le brise-glace a dû passer au second plan.
Les compressions n'ont pas eu d'incidence sur les navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique, alors rien n'a vraiment progressé, ce qui, en essence, a eu le même effet sur les opérations continentales et les opérations à l'étranger. À la page 12 du document sur la Stratégie de défense Le Canada d’abord, on indique que tous ces équipements seront achetés. Dans les faits cependant, aucun n'a été acheté.
Ceux que l'on désignait comme étant déjà en place sont toujours en place, comme les C-17, mais aucune des nouvelles choses annoncées n'est en place. Alors, pour ce qui est de savoir si ces équipements sont nécessaires ici ou à l'étranger, rien n'a bougé. Le mouvement vers l'avant est inexistant partout de la même façon.
Alors vous nous dites que rien n'a été fait jusqu'ici, mais que vous ne croyez pas que les compressions en sont la raison. Ou est-ce le cas?
Eh bien, des compressions ont été annoncées dans le plus récent budget, mais il y avait aussi 7 milliards de dollars en crédits non utilisés pour de l'équipement provenant d'exercices antérieurs. Alors, cela explique-t-il en partie pourquoi ces achats n'ont pas été faits?
Non. Les compressions auront eu une incidence sur les avions sans pilote, par exemple, sur le programme JUSTAS — le Système interarmées d'acquisition d'objectif au moyen de véhicules aériens télépilotés de surveillance — et sur d'autres petits programmes semblables qui sont importants pour la défense de l'Arctique.
Qu'en est-il de toute la capacité requise pour concrétiser les projets d'achat de ces équipements — se peut-il que ce soit une conséquence involontaire qui a fait en sorte que rien n'a avancé quant aux équipements dont vous avez parlé?
La gestion de projet est un problème depuis 1995, depuis le gouvernement Chrétien, et il semble que nous ne nous soyons pas encore remis de ces compressions.
Merci beaucoup, madame.
Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions. Nous allons la diviser en segments de cinq minutes, et nous allons commencer par Mme Gallant.
Allez-y, je vous prie.
Merci, monsieur le président.
Avant de commencer, je tiens à rectifier les faits et à corriger ce qu'a dit la députée qui m'a précédée. Depuis qu'il est au pouvoir, notre gouvernement a augmenté les dépenses militaires de 27 %.
Nous pourrions faire des comparaisons avec cet âge des ténèbres où les soldats qui quittaient le théâtre des opérations devaient, sur le tarmac de l'aéroport, remettre leurs vestes de protection contre la fragmentation à ceux qui venaient les remplacer. Nous avons vu nos soldats se rendre en Afghanistan avec du camouflage pour la fôret plutôt que pour un climat désertique, alors que ceux des autres pays portaient le bon. Je me souviens qu'à l'époque, le général Andrew Leslie avait dit que c'était pour que nos soldats se démarquent des autres.
Et l'on ne parle pas ici des manques en matière de transport stratégique. Nous avons vu que l'arrivée des Chinooks a fait baisser drastiquement le nombre de victimes, car nos soldats n'avaient plus à marcher le long de la route où ils risquaient constamment d'être la cible d'engins explosifs improvisés. Tout cela prend sa source dans l'annulation par les libéraux du marché des EH101, parce qu'il y avait trois différents hélicoptères dans ce marché, trois versions distinctes du même appareil. Il y en avait un pour les opérations de recherche et sauvetage, un autre qui devait remplacer les Sea Kings — et que nous n'avons pas encore vu à cause de cette annulation — et, bien entendu, celui destiné au transport aérien. Le fait d'avoir différentes versions du même appareil nous aurait permis d'être moins exposés au problème d'approvisionnement en pièces, puisqu'elles auraient été plus facilement interchangeables.
Aujourd'hui, nous avons un bien meilleur accès aux programmes et aux équipements, et nous protégeons nos soldats dans les missions que nous leur confions, mais les questions que j'ai pour Mme Sloan portent plutôt sur la cybersécurité.
Le comité s'est fait dire que les Forces canadiennes sont surtout axées sur la protection de leurs propres biens, qu'elles cherchent avant tout à protéger leurs propres infrastructures et leurs systèmes de communication plutôt que d'être dans un mode offensif. Devrions-nous selon vous utiliser la cybersécurité ou la cybertechnologie d'une manière plus agressive?
D'après ce que je comprends, nos capacités cybernétiques ne servent qu'à défendre nos réseaux de défense. Cela fait partie de la stratégie de cybersécurité. Alors, la question est de savoir quel rôle la Défense nationale jouerait pour défendre les infrastructures civiles névralgiques. Les infrastructures névralgiques sont surtout civiles: les oléoducs, les réseaux d'électricité, etc., et même les réseaux d'aqueduc. C'est là-dessus qu'il faut se pencher. Attendu que la Défense nationale protège d'office ses propres biens, quel rôle devrait-elle jouer dans la défense des infrastructures civiles névralgiques?
Les témoignages que nous avons entendus jusqu'ici indiquent que la défense du territoire est en fait le rôle de la Sécurité publique, dans une certaine mesure. Du point de vue de la défense et de la sécurité nationale, devrions-nous selon vous accorder une plus grande place à la communication et au partage interorganisationnel d'information afin de mieux protéger nos infrastructures des cyberattaques?
Je ne suis pas au courant de ce que fait précisément la Défense nationale pour défendre ses propres immeubles, mais la question est de savoir si elle ferait la même chose — quels qu'en soient les moyens — pour les infrastructures civiles. Alors oui, la coopération et les discussions interorganisationnelles seraient nécessaires, mais cela nécessite une profonde réflexion. D'où je suis, on dirait presque les paramètres de l'aide au pouvoir civil. Dans quelle mesure la Défense nationale s'intéresse-t-elle sur une base régulière à la protection des systèmes d'une infrastructure civile comme, disons, le Parlement?
Les soldats sont surtout formés dans une optique de mouvement de manière à être prêts à aller au combat ou à faire respecter des traités de paix, mais ce sont des soldats. Nous ne disposons donc pas nécessairement de militaires en nombre suffisant ou ayant les capacités voulues pour ce genre de travail. Devrions-nous selon vous orienter le recrutement pour nous attacher plus de personnes dans ce domaine, ou faire équipe et former plus de partenariats avec le secteur privé, voire avec nos alliés internationaux?
J'opterais pour le développement des capacités au sein des Forces canadiennes, en mettant l'accent sur l'unité qui s'occupe de la sécurité des communications.
Je n'ai pas répondu à votre question sur l'offensive de guerre à l'étranger.
Vous aurez peut-être l'occasion d'y revenir. Merci beaucoup, madame Sloan.
Madame Michaud, s'il vous plaît.
[Français]
Vous disposez de cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur présentation.
Monsieur Lagassé, je vais m'adresser à vous en premier. Vous avez parlé d'élargir le rôle du NORAD dans le cadre des compressions pour mieux utiliser nos ressources. Je vais être honnête avec vous et vous dire que je trouve cela un peu particulier. Mme Sloan a dit que les besoins actuels en équipement n'étaient pas comblés. Dans le dernier budget, il y a un report de plusieurs années au chapitre des achats militaires pour une somme de plus de 3 milliards de dollars. Encore là, les besoins de nos troupes ne sont pas comblés.
Pouvez-vous nous donner une meilleure idée des coûts liés à la mise en place d'un système de défense antimissile balistique au Canada et les ressources humaines et matérielles qui seront nécessaires? Pour pouvoir déterminer si cela représente un meilleur usage de nos ressources, il faut avoir une idée des coûts. Qui plus est, ce système a encore des ratés aux États-Unis et il n'a pas entièrement fait ses preuves.
J'aimerais vous entendre un peu plus à ce sujet.
Vous avez confondu deux points que j'ai abordés.
J'ai dit qu'il était temps d'élargir le rôle du NORAD dans la défense des secteurs terrestre, maritime et cybernétique et dans l’Arctique. C'était le premier point. L'autre point concernait le bouclier antimissile.
Je vais parler du premier point. Dans son rapport sur la transformation, l'un des points les plus importants que soulève le général Leslie est qu'on dépense énormément pour l'administration et le personnel administratif. Pourquoi ne pas voir où on pourrait éliminer les doubles emplois dans le commandement et aux quartiers généraux? De plus, y aurait-il moyen de s'assurer que le NORAD joue un rôle plus efficace que celui que joue actuellement le Commandement des opérations interarmées du Canada? C'est la première réponse.
La deuxième réponse, c'est qu'on doit également séparer l'acquisition des équipements, les coûts liés au personnel et ceux des opérations. Sur le plan des opérations et du personnel, on pourrait être plus efficaces si on travaillait plus étroitement avec nos alliés.
C'est le point que je voulais soulever. On pourrait faire des économies liées au personnel et aux opérations en travaillant plus étroitement avec un allié...
Excusez-moi, mais je dois vous interrompre car je n'ai pas beaucoup de temps.
Je comprends bien la distinction que vous faites ici, mais j'aimerais revenir à ce qui m'intéressait au début, à savoir le système de défense antimissile balistique. J'aimerais avoir une idée des coûts liés à la mise en place des ressources nécessaires à cet égard. C'est ce qui m'intéresse le plus.
Comme je l'ai dit dans une autre réponse, en 2005, le premier ministre Paul Martin a posé la condition suivante: le Canada ne deviendrait membre de ce système que si aucun coût ne lui était imposé. Si on maintenait cette condition, il n'y aurait presque pas de coûts pour le Canada.
Il faut aussi garder à l'esprit que compte tenu du NORAD, le Canada est déjà impliqué de près dans l'utilisation du système, et ce, à chaque niveau. Il y a même un soldat canadien qui se trouve dans la même pièce qu'un soldat américain en train d'exploiter le système.
Donc, selon vous, une plus grande participation du Canada n'entraînerait pas nécessairement un investissement en ressources matérielles ou financières. On pourrait simplement accroître notre participation actuelle.
Je vais le répéter pour une troisième fois. Si on maintient la condition selon laquelle il n'y a pas de coûts à la participation du Canada, qu'on utilise le personnel déjà sur place et qu'on n'envisage aucune installation sur le territoire canadien, on ne ferait qu'utiliser les ressources existantes.
D'accord.
Je ne vous ferai pas répéter pour une quatrième fois. Je vous remercie beaucoup.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Sloan.
Vous avez mentionné que, pour le comité, il pourrait être intéressant de se pencher sur un rôle accru de la Défense nationale dans la cyberdéfense. Vous avez probablement des idées sur la façon dont le ministère de la Défense nationale devrait accroître ses capacités dans ce cas. Comment cela pourrait-il se faire?
Si vous le désirez, vous pouvez écouter l'interprétation simultanée.
Je peux répéter la question. J'espère que je ne serai pas pénalisée en ce qui a trait au temps dont je dispose.
Je m'excuse madame Michaud, mais votre temps est écoulé.
[Traduction]
Nous reviendrons peut-être à cette question plus tard.
Monsieur Chisu, c'est à vous. Vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins de leurs exposés.
Ma question s'adresse à vous deux. Comment les menaces à la sécurité de l'Amérique du Nord ont-elles changé au fil du temps et que sont-elles devenues avec la dernière aventure russe en Ukraine, la démonstration de force de la Chine au sujet du récif de Scarborough qu'elle conteste aux Phillippines, ses prétentions de souveraineté sur les îles japonaises, et ainsi de suite? Ces deux pays sont très près l'un de l'autre et ils ont entre autres discuté d'une sorte d'alliance militaire. De plus, les deux pays ont des régimes semblables. Alors, à quelle menace le continent nord-américain doit-il se préparer, et que pensez-vous que le Canada — le deuxième plus grand territoire au monde — devrait faire?
Vous savez que la Chine et la Russie ont eu des discussions sur de possibles alliances militaires. Vous avez parlé des sous-marins. Les Chinois ont 70 sous-marins dans le Pacifique et nous en avons un. Les Américains n'en ont pas beaucoup non plus. Alors, ils font une démonstration de force avec leur flotte. Ils ont dit que l'Arctique les intéressait, mais ils ne peuvent pas y accéder sans conclure une alliance avec la Russie.
Je vous demande de nous dire comment les menaces sont en train de se transformer — les menaces pour le continent nord-américain et pour le Canada — et comment nous devrions réagir selon vous.
Bien entendu, la Russie est déjà dans l'Arctique et la Chine s'y rend sans difficulté sans l'aide des Russes. Selon moi, la menace pour le Canada concerne l'augmentation de la circulation dans cette région. Je ne suis pas certaine que le lien que vous faites entre la Chine et...
Je parle de la menace militaire d'une alliance entre les deux pays. À la Seconde Guerre mondiale, il y avait une alliance entre l'Allemagne et l'Union soviétique. L'histoire se répète, comme d'habitude, et maintenant nous avons la Russie et la Chine, deux pays avec des visées expansionnistes.
Oui, ils ont tous les deux des intérêts expansionnistes. Vous vous demandez s'ils vont travailler ensemble? Je ne vois pas comment cela pourrait se produire.
Je ne vois pas comment ils pourraient travailler ensemble. Historiquement, à partir de 1949, ils avaient beaucoup de raisons de collaborer, mais ils ont eu un important différend en 1962. Je ne vois pas deux puissances expansionnistes travailler ensemble au point d'avoir deux régimes de coopération distincts — l'Organisation de coopération de Shanghai et ce genre de choses. Ils participent à des opérations communes, mais chacun poursuivra ses propres intérêts en ce qui concerne l'Arctique. Je ne crois pas qu'ils collaboreront à ce sujet.
Personnellement, je ne crois pas que la Chine et la Russie puissent travailler ensemble. Sur le plan historique, cela aurait pu arriver il y a 50 ou 60 ans. Nous croyions que cela allait arriver, mais ce n'est pas arrivé. Et je ne pense pas que cela va se produire.
M. Lagassé a peut-être un point de vue différent à ce sujet.
À mon sens, il s'agit essentiellement d'établir comment la menace pour l'Amérique du Nord peut augmenter. Nous savons que les deux puissances continueront sans doute à améliorer leurs capacités navales conventionnelles, lesquelles pourront leur servir en zone extracôtière, voire en Arctique. Nous devons donc nous tenir bien informés des développements réalisés dans la technologie des destroyers, comme la défense aérienne de ces navires, laquelle nous empêchera de nous approcher de certains d'entre eux.
Un peu dans la même optique, il y a la capacité de surveillance aérienne des Russes dans le Nord, à laquelle participent peut-être aussi des bombardiers à long rayon d'action qui sont aussi potentiellement capables de lancer des missiles de croisière.
Or, à mon avis, rien de tout cela ne se produira dans le cadre d'une attaque inopinée. Cela pourrait se produire dans le cadre d'un événement d'envergure internationale. Dans ce contexte, une menace à l'endroit de l'Amérique du Nord pourrait être utilisée comme moyen de persuasion pour modifier le cours des choses. Je crois que c'est la principale préoccupation. Je crois que c'est ce qui l'a toujours été, en ce qui concerne l'Amérique du Nord. Nous n'avons pas à craindre une attaque directe par une grande puissance, mais la menace d'une attaque du continent pourrait être utilisée pour désamorcer une intervention des alliés dans le cadre d'un événement international. C'est ce dont nous devons nous tenir informés plutôt que de la possibilité d'une alliance.
Merci, monsieur le président.
On m’a informé qu’il y avait un problème avec le système.
Je crois que l’un de nos meilleurs outils est la diplomatie. Je peux affirmer avec une grande fierté que bon nombre de nos alliés auraient beaucoup à apprendre du Canada en la matière.
Cela étant dit, les rapports nous disent que les systèmes de défense antimissile balistique ne sont pas encore à la hauteur. L’administration vient de le mentionner. Il était question d’un troisième site, mais la proposition a été rejetée pour diverses raisons. Premièrement, cela coûte très cher. Deuxièmement, nous ne connaissons pas les contre-mesures; ces dernières n’ont pas vraiment fait l’objet d’examens approfondis. Troisièmement, l’incidence sur les relations internationales est bien réelle; ce n’est pas une hypothèse. Voilà un aspect dont il faut toujours tenir compte. Quelle direction voulons-nous prendre? Ne serait-ce pas une méthode qui diffère de celle que nous avons toujours préconisée jusqu’à présent et dont je suis très fier, soit la voie diplomatique?
Monsieur Lagassé, vous avez dit plus tôt que rien ne garantit que les Américains s’emploieront à défendre le Canada, même si nous nous joignions à eux en ce qui a trait aux systèmes de défense antimissile balistique. Bref, combien devons-nous investir pour avoir une telle garantie, si nous choisissons d’emprunter cette voie?
D’entrée de jeu, si nous prenons part au système, je suggère d’obtenir au moins des États-Unis qu’ils s’engagent à ce que le système fasse partie du NORAD. Lorsque ce sera fait, le commandement aura nécessairement l’obligation de défendre les deux États. Par conséquent, si nous arrivons à un accord politique par la voie diplomatique, le NORAD aura le mandat, en tant que commandement binational, de protéger de manière égale l’ensemble du continent, plutôt que de mettre l’accent sur certaines régions, au détriment d’autres endroits.
En ce qui concerne l’autre aspect de votre question, je crois qu’il faut souligner que nous sommes bel et bien engagées sur le plan diplomatique, sauf en ce qui concerne notre défense par le système. Nous avons affirmé dans le cadre de notre alliance au sein de l’OTAN que nous appuyons le système. Selon moi, c’est l’élément qui cloche. Par le passé, nous étions engagés à cet égard sur le plan militaire, mais nous nous y opposions sur le plan diplomatique, tandis que maintenant nous y sommes favorables sur le plan diplomatique, mais c’est tout le contraire sur le plan militaire. Nous nous trouvons donc dans une situation étrange; cela nous encourage tout simplement à avoir le courage de nos convictions. Si nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un système qui nuit à nos relations internationales, j’avance qu’il nous incombe donc d’essayer de convaincre nos autres alliés de l’OTAN de reconsidérer la question, plutôt que de signer sans rien dire.
Dans le présent système, de combien de missiles parlons-nous en théorie, parce que ce ne sont que des hypothèses?
Je dirais qu’il y en a un nombre très limité; le système est seulement fait pour un très petit nombre de missiles. Même si ce ne sont que des hypothèses, voilà pourquoi la Russie perfectionnera continuellement ses missiles balistiques intercontinentaux et ses missiles balistiques lancés à partir de sous-marins; elle veut s’assurer de toujours avoir une longueur d’avance sur tout système nord-américain.
Bref, il s’agit d’un système conçu principalement pour intervenir en cas de lancements accidentels ou d’attaques secondaires d’une plus faible puissance avec laquelle nous serions en conflit. Le système sert en fait vraiment à empêcher de faire chanter l’Amérique du Nord. Dans le même ordre d’idées, pourquoi l’Europe s’en soucie-t-elle? Les États européens craignent principalement que certains pays utilisent la technologie pour les menacer, même si la question ne concerne pas du tout l’Europe.
Donc, c’est vraiment un système conçu simplement pour essayer de réduire au minimum le chantage et intervenir en cas de lancements accidentels. Sa fonction n’est aucunement d’essayer de défendre l’Amérique du Nord ou l’Europe contre la Russie ou la Chine, d’ailleurs.
Merci.
Madame Sloan, vous avez parlé de l’Arctique et des océans. Je ne sais pas si vous avez une opinion sur la défense de la souveraineté de notre territoire en ce qui concerne, par exemple, nos troupes d’élite, l’amélioration de l’équipement, le temps de déploiement et notre vieil équipement que nous venons de rapatrier d’Afghanistan et qui n’est pas nécessairement adapté à notre propre territoire.
À quel point verrons-nous encore les répercussions de la crise environnementale? À quel point devons-nous nous y adapter? Je sais que je vous ai posé quelques questions, mais...
Selon moi, les grands changements environnementaux dans le Nord canadien concernent les mines. Il y a des inquiétudes en ce qui a trait au terrorisme et à la contrebande, par exemple. C’est déjà le cas. C’est évidemment un aspect que le Canada devra avoir à l’oeil. Il s’agit encore davantage d’un enjeu lié aux eaux côtières, parce que la masse continentale est immense. Je ne pense pas que nous ayons vraiment besoin de défendre notre territoire, à l’exception des zones côtières où, entre autres, le secteur minier a accès au Passage du Nord-Ouest.
D’accord. À votre avis, nos troupes d’élite n’ont pas nécessairement besoin de plus d’équipement et de plus d’instruction.
Vous avez parlé de drones. Les considérez-vous comme un équipement pour la surveillance en mer et sur la terre? Qu’en pensez-vous?
Je n’ai pas les chiffres, mais les rangs de nos troupes d’élite ont passablement augmenté au cours des dernières années sous le gouvernement Harper. Étant donné qu’une poignée de dollars ne nous permet pas de faire grand-chose, je n’affecterais pas plus de ressources dans ce domaine. D’après moi, l’installation navale de Nanisivik et aussi le Centre d’instruction des Forces armées canadiennes dans l’Arctique qui ont vu le jour sont la bonne manière de procéder.
L’important pour nos troupes d’élite est d’être en mesure de se rendre sur le territoire, de faire valoir notre souveraineté et parfois d’intervenir en cas de menaces ou de catastrophes, mais je n’investirais pas mes ressources limitées dans ce secteur pour le moment.
Merci, madame Sloan.
Merci, monsieur Larose.
Monsieur Bezan, vous avez cinq minutes, s’il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins d’être présents aujourd’hui et de nous faire part de leurs idées et de leur expérience.
J’aimerais revenir un instant sur le commentaire de M. Harris au sujet de la guerre froide; étant donné que j’ai des racines ukrainiennes, je m’inquiète beaucoup de ce qui se passe en Ukraine, dans la péninsule de Crimée, des gestes illégaux et des propos incendiaires de la Russie en ce moment à l’endroit aussi d’autres territoires en dehors de l’Ukraine. J’ai eu des sueurs froides hier concernant cette possible nouvelle guerre froide lorsque j’ai été inscrit sur la liste avec d’autres collègues de la Chambre des communes. La nouvelle ère du régime Poutine qui débute nous inquiète tous grandement. Tant qu’il sera au pouvoir, l’impérialisme russe sera bien vivant. En tant qu’État voisin de la Russie, nous devons nous préoccuper énormément de cette mentalité.
Je m’intéresse à la discussion que nous avons au sujet de l’Arctique, parce que c’est une région où non seulement nous voulons démontrer notre souveraineté et notre intérêt, mais nous y avons aussi des responsabilités avec le NORAD. Maintenant que nous avons étendu le NORAD à la mer et à l’air, j’aimerais savoir si nous avons suffisamment de radars et de satellites pour protéger efficacement le continent nord-américain et suffisamment de forces aériennes pour effectuer une surveillance adéquate de la région.
Nous avons déjà abordé les navires de patrouille en haute mer et dans l’Arctique. Madame Sloan, vous avez parlé des sous-marins. Outre ce que nous pouvons faire avec nos propres sous-marins, que pensez-vous de la surveillance sous-marine dans l’Arctique?
Je vous pose la question à tous les deux.
Certains d’entre vous ont peut-être feuilleté un livre que j’ai écrit il y a quelques années. Mes informations y sont quelque peu désuètes, mais je crois que les capacités du NORAD dans le nord sont vraiment très limitées. Nous avons le Système d’alerte du Nord qui se trouve au 70e parallèle. Plus au nord, c’est de la surveillance satellitaire. Encore une fois, mes renseignements sont peut-être désuets, mais la couverture satellitaire la plus importante se fait par le satellite RADARSAT du Canada, le projet Polar Epsilon et la Constellation RADARSAT, qui a été promise, mais ce n’est pas encore chose faite. Il est crucial d’avoir ces trois ou cinq satellites en orbite basse qui scrutent l’Arctique en tout temps.
Le Canada est en avance sur les Américains dans ce domaine. Les États-Unis avaient un programme en place, mais le financement a notamment été réduit. Les responsables se penchaient au cours des dernières années sur la Constellation RADARSAT du Canada. Nous devons aller de l’avant à l’égard de la surveillance en haute altitude. Pour ce qui est de la surveillance en basse altitude, nous devons nous tourner vers les véhicules aériens sans pilote que je considère comme essentiels. Ces appareils sont la manière d’assurer une surveillance continue en temps réel d’un grand territoire désertique.
Plus au sud, nous avons évidemment les avions de patrouille à long rayon d'action Aurora, qui sont de vieux appareils en mauvais état qui ne seront pas remplacés, comme nous l’avons appris il y a environ trois semaines.
En ce qui a trait au milieu sous-marin, je crois que nous avons installé des systèmes acoustiques. C’est délicat, parce que les sous-marins que nous détectons sont souvent des sous-marins américains Trident, mais le secteur de la R-D de la Défense a testé des systèmes acoustiques sous-marins en vue de détecter les sous-marins.
Je suis en général d’accord avec ma collègue. Pour l’instant, nous devrions certainement examiner à quel point nous pourrions améliorer notre surveillance grâce à des systèmes peu dispendieux. L’avantage supplémentaire des véhicules aériens sans pilote est qu’ils ont tendance à être plus rapidement remplaçables, ce qui permet d’avoir des appareils à la fine pointe de la technologie d’année en année.
Dans le même ordre d’idées, si nous essayions de collaborer de manière plus coordonnée avec les Américains au sujet de l’Arctique, ces derniers seraient en mesure d’investir davantage avec nous en vue de mettre au point d’autres technologies spatiales et satellitaires pour perfectionner le tout. Si nous adoptions une approche binationale au sujet de l’Arctique, on peut même présumer que nous serions en mesure de mieux comprendre où se trouvent les sous-marins, même si notre allié ne nous en dévoile pas exactement la position. À certains égards, cela nous donnerait une meilleure compréhension des menaces et de la nature des navires qui s’approchent de notre territoire.
Très rapidement. Vous avez tous les deux fait allusion au NORAD dans le contexte du système de défense antimissile balistique. Colin Robertson a témoigné devant le comité sénatorial. Comme je suis persuadé que vous le savez, Colin travaille au Canadian Defence and Foreign Affairs Institute. Il a mentionné que:
La Corée du Nord a procédé à plusieurs essais de missiles balistiques en prétendant qu'il s'agissait tout simplement de satellites lancés de façon pacifique. Ce pays a déclaré que ses missiles à longue portée étaient pointés sur les États-Unis, et il a développé des missiles balistiques mobiles.
L'Iran dispose d'un grand nombre de missiles balistiques.
Il a ensuite dit que:
Grâce au NORAD, nous échangeons des renseignements, des alertes rapides et des évaluations des attaques avec les États-Unis.
Cela dit, lorsque vient le moment de prendre des décisions clés en ce qui concerne le lancement, nos représentants doivent littéralement quitter la salle.
En effet, les algorithmes que le Commandement du Nord des États-Unis a créés pour protéger son territoire ne comprennent pas des villes comme Calgary, Edmonton, Toronto ou Montréal.
Si nous participions à cette défense, nous aurions le privilège de pouvoir demeurer dans la salle et de participer aux discussions sur la façon de protéger les Canadiens.
Il mentionne ensuite ce que nous pourrions faire en tant que participants au système de défense antimissile balistique. Il a avancé que:
La participation à la défense antimissiles balistiques constitue à la fois une police d'assurance pour notre sécurité intérieure et un renouvellement de notre engagement à l'égard de la défense collective contemporaine.
Je suis curieux de savoir si vous êtes d’accord avec de telles déclarations.
Merci, monsieur le président.
J’aimerais poursuivre un peu sur la notion selon laquelle la coopération peut aider à améliorer le domaine du renseignement.
Comme je crois que vous l’avez mentionné, madame Sloan, ce sont parfois nos alliés qui nous font le plus de concurrence dans ces domaines, en particulier en ce qui a trait aux sous-marins. Lorsque ces derniers sont en plongée, nous ne le savons pas. Les Américains ne nous informent pas que des sous-marins américains emprunteront le Passage du Nord-Ouest. Nous avons évidemment des différends avec eux à cet égard.
En ce qui concerne de tels désaccords sur des politiques fondamentales qui existent entre le Canada et les États-Unis ou leur approche quant au maintien d’une telle position en haute mer, à quel point une coopération est-elle possible dans le domaine du renseignement et de la surveillance, par exemple? N’est-ce pas là le domaine qui pose problème en matière de coopération? Comment aborder la question?
Il s’agit d’un domaine de coopération. Ce qui est intéressant au sujet des changements climatiques dans l’Arctique, c'est que cela rendra plus pertinents nos sous-marins et que cela fera perdre l’avantage que détiennent actuellement les sous-marins américains, parce que ces derniers peuvent circuler sous les glaces pendant de longues périodes, alors que les nôtres ne le peuvent pas. Si nous présumons que les changements climatiques se poursuivront et qu’il y aura plus d’eaux navigables, nos sous-marins pourront y naviguer. Étant donné que les sous-marins diesel sont plus silencieux que les sous-marins nucléaires, nous saurons où se trouveront les sous-marins américains. Par conséquent, les États-Unis voudront peut-être mettre en place des mesures de coopération.
Eh bien, nous ne le savons pas pour l’instant. Donc, comment pourrons-nous le savoir? Croyez-vous que nos sous-marins auront la capacité de détecter les sous-marins nucléaires américains dans l’ensemble de l’Arctique?
Eh bien, tout dépend bien entendu du nombre de sous-marins que nous avons. Le problème est que les sous-marins Trident peuvent naviguer sous les glaces loin de l’endroit où pourraient se trouver des sous-marins diesel, mais si les glaces se retirent, nous serons libres d’y circuler.
Cela répond-il à votre question?
Certains avancent que nous devrions offrir une certaine coopération dans le domaine du renseignement et de la surveillance par l’entremise de satellites, par exemple, et que l’information communiquée serait incomplète en raison de désaccords sur la politique. Dans votre concept de coopération, comment réglons-nous cette question? Croyez-vous qu’un conflit existe?
Je dirais que ce sont les points qui doivent être examinés. Il y a bel et bien des désaccords. J’ai notamment mentionné que nous avons plus de plateformes de contrôle que les États-Unis, tandis que les Américains ont plus de plateformes de surveillance que nous. Il pourrait y avoir une sorte d’échange en ce qui a trait aux plateformes de surveillance, soit les sous-marins. Nos capacités en matière d’imagerie provenant de satellites en orbite basse sont bien entendu supérieures à celles des Américains.
Tous ces éléments pourraient être regroupés et mener à une coopération, en utilisant comme toile de fond les enjeux croissants en Arctique en raison des changements climatiques. Selon nos informations, tout indique que cela ne changera pas. Ensuite, il y a le déclin relatif des États-Unis ou l’essor d’autres puissances dans le monde et la réduction des budgets consacrés à la défense.
D’après moi, Washington est peut-être davantage enclin à coopérer ou plus flexible en ce qui a trait à des mesures de coopération.
Les véhicules aériens sans pilote présentent des options intéressantes. Vous avez mentionné les systèmes Global Hawk et Predator qui sont tous deux extrêmement chers. On a par ailleurs laissé entendre qu'ils pourraient bien ne pas convenir pour l'Arctique et pour le type d'usage que pourrait en faire le Canada.
Ne pensez-vous pas qu'on devrait étudier plus en détail les options qu'offrent ces véhicules avant d'y engager des dépenses considérables? Je sais que les Américains mènent eux-mêmes une étude à leur sujet et les documents dont j'ai parlé en font d'ailleurs mention.
Ne pensez-vous pas que ces options devraient faire l'objet de débats, de recherches et de transparence plus poussés avant que le gouvernement ne prenne des engagements?
Je ne sais pas exactement combien d'études la Défense nationale a déjà menées à leur sujet. Son programme de véhicules aériens sans pilote a débuté à la fin de 2005. Je suppose qu'il y a eu beaucoup d'études menées et que c'est une des plates-formes qui n'a pas avancé pour des raisons financières.
Oui.
L'Accord d'Ogdensburg semble être l'ancêtre des accords conclus entre le Canada et les États-Unis en matière de défense. Nous avons toujours la Commission permanente mixte de Défense.
L'un d'entre vous aurait-il des observations à faire sur le rôle de cet accord et les opérations de la commission? Par rapport au sujet que nous traitons et la défense de l'Amérique du Nord, faudrait-il examiner davantage le dossier?
Je n'ai pas assisté à des réunions de la commission, mais je crois savoir que c'est dans cette tribune que se discutent, depuis 1940, tous les enjeux importants de la défense continentale. On en a parlé à l'issue de la décision prise en 2005 à propos de la défense antimissiles balistiques et les États-Unis n'étaient pas contents. Toutes ces questions devraient certainement être débattues au sein de la Commission mixte.
Merci, monsieur le président.
Je veux partager mon temps de parole avec le secrétaire parlementaire Bezan. J'ai des questions à poser sur les capacités de l'avion de chasse.
La flotte des CF-18 vieillit et doit être remplacée au cours des prochaines années. Je pense — mais je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi — que des avions de chasse font partie intégrante de la défense de l'Amérique du Nord, et en particulier des régions nordiques.
Pouvez-vous nous dire quelles capacités le nouvel avion de chasse devra avoir pour éviter les menaces auxquelles est exposée l'Amérique du Nord? Deuxièmement, quelles menaces pourraient peser sur cet appareil dans la défense de l'Amérique du Nord?
Je demanderais au député d'être dispensé de répondre à cette question, tout simplement parce que je suis encore examinateur indépendant des options envisagées pour remplacer les CF-18. Même si le groupe dont je fais partie a terminé ses travaux, nous avons convenu de ne pas en parler avant la publication du rapport.
Dans toutes les opérations qu'elles mènent au pays et à l'étranger, les Forces canadiennes doivent disposer d'un avion capable de mener des opérations air-air et air-sol. Le CF-18 était optimisé pour les opérations air-air et a été modifié par la suite pour les opérations air-sol. L'avion de combat interarmées aurait d'emblée les deux capacités. Le F-22, que nous ne sommes pas autorisés à acheter, mais dont disposent les États-Unis, a de fortes capacités pour les opérations air-air. Voilà les différences.
J'avais l'habitude de dire qu'il y avait un théâtre d'opérations au pays et un autre à l'étranger, mais je ne le crois plus. Nous devons réellement considérer nos opérations de défense comme un tout. Il nous faut une plate-forme qui puisse opérer à la fois au pays et à l'étranger. Sur le continent, nous avons besoin d'opérations air-air; et nous n'allons certainement pas mener des opérations air-sol, qui pourtant s'imposent à l'étranger. C'est exactement ce dont nous avions besoin en Afghanistan. Certes, nous n'y avons pas envoyé d'avion, mais les Britanniques, les Français et autres nous fournissaient un appui air-sol.
Il nous faut une plate-forme qui puisse faire les deux.
Monsieur le président, j'aimerais revenir sur les commentaires de Mme Sloan concernant la cybersécurité.
Vous avez mentionné qu'en plus des disciplines de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air, nous devrions mettre en place un commandement chargé de la cybersécurité. J'aimerais explorer davantage ce concept, car les menaces à la cybersécurité nous inquiètent beaucoup. Nous avons vu ce que l'Iran a pu faire aux États-Unis. Nous savons que la Russie a des capacités de cyberattaque qu'elle a d'ailleurs exercées récemment.
J'aimerais savoir si vous considérez que cette question relève du CSTC ou s'il faudrait la confier à une toute nouvelle structure de commandement placée sous l'égide des Forces canadiennes.
Il y a cinq domaines dans lesquels la guerre peut s'exercer: l'armée de terre, la marine, l'armée de l'air, la cybernétique et l'espace. La cybernétique est évidemment distincte de ce dont nous parlions auparavant, à savoir les infrastructures critiques, la sécurité intérieure, etc. La cyberguerre est un outil non cinétique qui consiste à se saisir des plates-formes de l'ennemi ou à utiliser d'autres capacités cybernétiques. Autrement dit, la guerre de l'information offensive est ouverte à la cyberguerre, pour répondre à la question que l'autre député avait posée.
À mon avis, il est logique que cette forme d'activité soit confiée à la Défense nationale, puisqu'il s'agit d'une activité de guerre. Opérant par le truchement du ministère de la Défense nationale, le Canada doit alors réfléchir sur l'ampleur qu'il doit donner à la cyberguerre offensive. Ce n'est que récemment que les États-Unis ont admis ou déclaré publiquement qu'ils menaient des opérations offensives semblables à celles que la Russie avait conduites en Georgie en été 2008. Le Canada doit déterminer s'il aura recours aux cyberattaques comme forme de guerre, de la même façon qu'il aurait recours à l'armée de terre, à la marine et l'armée de l'air.
J'aimerais revenir sur le sujet des garde-côtes armés par rapport à ce que l'on peut observer dans d'autres pays. Comme nous le savons tous, l'Alaska, par exemple, n'a pas de marine mais seulement une garde côtière. Les navires de la garde côtière sont-ils équipés d'armements? En quoi est-ce comparable à la surveillance de la garde côtière que les États-Unis exercent à nos côtés dans les Grands Lacs et l'estuaire du Saint-Laurent? En quoi est-ce comparable avec les opérations de la garde côtière en Europe? Est-ce qu'en Europe, la garde côtière est armée ou exerce-t-elle simplement des activités policières, de recherche et de sauvetage?
La garde côtière des États-Unis est composée d'une flotte de navires armés. C'est en fait l'une des plus importantes au monde. En temps de guerre, elle relève du Pentagone et en temps de paix, du ministère de l'énergie, mais je n'en suis pas sûre. C'est donc une flotte armée et c'est ce qui la distingue principalement de notre garde côtière.
Je crois que la garde côtière américaine réagit aux menaces pouvant survenir jusqu'à 500 miles de la côte, alors qu'au Canada, diverses agences s'occupent de la réglementation maritime. Nous avons bien sûr la garde côtière, mais ce serait la marine qui s'occuperait des événements survenant à 400 ou 500 miles de la côte. Leur façon de procéder est beaucoup plus facile à conceptualiser, parce qu'ils ont seulement la garde côtière pour s'occuper des événements survenant dans un rayon de 500 miles du continent, le Commandement du Nord des États-Unis et le NORAD s'occupant respectivement de la composante aérienne et terrestre.
Il serait logique que le Canada s'oriente dans cette direction.
Merci beaucoup.
Nous approchons de la fin de la réunion, chers collègues. J'aimerais me prévaloir de la prérogative de la présidence, de poser une question.
Pendant la guerre froide, la doctrine de destruction mutuelle assurée était très importante; d'aucuns diraient qu'elle a été déterminante pour prévenir la guerre. Est-ce que cette doctrine pourrait s'appliquer à la cyberguerre en ce sens qu'à un moment donné, les deux parties pourraient perdre le commandement et le contrôle de la situation?
Il est très difficile d'appliquer la doctrine de destruction mutuelle assurée qui avait cours pendant la guerre froide à la cybernétique… Il y a deux difficultés, en fait. Vous devez pouvoir assigner une attribution — la dissuasion suppose l'assignation d'une attribution. Deuxièmement, la cybernétique est tellement difficile à contrôler. Le virus Stuxnet, par exemple, a paralysé les centrifugeuses en Iran, mais aussi, je crois, en Allemagne — dans des endroits non souhaités par les États-Unis et Israël. On ne peut donc pas le contrôler comme un domaine de guerre.
Si le Canada devrait envisager la cybernétique comme un domaine de guerre, il ne faut pas oublier que le recours à cet outil peut comporter de réels désavantages.
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