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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, permettez-moi d'abord de vous remercier de me donner l'occasion d'exprimer mon point de vue aujourd'hui.
De 2009 à janvier 2013, j'ai été secrétaire adjoint à la Défense pour la Défense intérieure et les Affaires liées à la sécurité des Amériques. Dans le cadre de mes fonctions, j'étais responsable des relations et des politiques de sécurité entre les États-Unis et le Canada, ainsi que l'ensemble de l'hémisphère occidental.
Je suis ici aujourd'hui à titre personnel. Rien de ce que je dirai ne doit être considéré comme le reflet de la position du gouvernement des États-Unis. Mais je tiens à insister sur le fait qu'à titre de citoyen, je suis extrêmement reconnaissant de la collaboration qui existe entre le Canada et les États-Unis pour régler nos problèmes de sécurité communs, et surtout, je tiens à profiter de cette occasion pour honorer la mémoire des 158 hommes et femmes des Forces armées canadiennes qui ont sacrifié leur vie en Afghanistan. Les Américains se souviendront toujours de ce que les Canadiens ont accompli à Kandahar et ailleurs. Nous vous en sommes infiniment reconnaissants.
J'aime toujours commencer par ce qui est essentiel pour moi. Je veux faire valoir aujourd'hui que même si la collaboration entre le Canada et les États-Unis en matière de défense est extraordinaire et extraordinairement utile, je crois qu'il est possible d'approfondir et d'élargir cette collaboration dans de nouvelles sphères liées à la sécurité.
Deux raisons nous motivent à envisager cette collaboration élargie: d'abord, les nouvelles menaces qui pèsent sur la sécurité des États-Unis et du Canada en Amérique du Nord, et ensuite, les contraintes budgétaires qui touchent les deux pays. Je crois qu'il est possible de mettre en place des stratégies d'investissement axées sur la collaboration, d'établir des partenariats afin que nous sachions qui prendra l'initiative lors d'engagements internationaux dans certains pays et certaines régions du monde. Ce genre de planification conjointe permet d'utiliser de façon beaucoup plus efficace et efficiente les ressources canadiennes et américaines de la défense que si nous n'établissions pas de dialogue stratégique. Je vais vous donner quelques exemples de la façon dont ce dialogue peut être établi, mais mes commentaires seront très brefs, car je suis impatient de répondre à vos questions, d'entendre vos points de vue, et de vous permettre de stimuler notre sens des priorités aujourd'hui.
Je vais d'abord vous parler d'une occasion unique d'entretenir une plus grande collaboration: la résilience des infrastructures essentielles. Comme vous le savez tous, les États-Unis et le Canada partagent de multiples interrelations dans les domaines des infrastructures de gaz naturel, des infrastructures électriques et d'autres formes d'infrastructures essentielles. La société Hydro-Québec est très importante pour les États-Unis. Des sources équivalentes d'énergie sur la côte Ouest descendent vers la Californie et permettent la production d'électricité dans cet État grâce au gaz naturel provenant du Canada. À bien des égards, cette infrastructure est conçue pour aller du nord au sud, et non pas d'est en ouest, et l'interconnexion des infrastructures essentielles, en particulier les infrastructures énergétiques, entre les États-Unis et le Canada crée une possibilité de collaboration non négligeable.
C'est particulièrement vrai compte tenu de l'arrivée de nouvelles menaces contre les infrastructures essentielles. Monsieur le président, mesdames et messieurs, en ce moment même, certaines personnes déploient tous les efforts pour pénétrer les réseaux dont dépendent nos infrastructures énergétiques. Les réseaux informatiques sont pris pour cible; on cherche à les répertorier, à voler des données importantes, et possiblement à lancer des attaques contre les systèmes de contrôle de processus, les autres mécanismes qui assurent le fonctionnement de ces infrastructures essentielles.
Ni le ministère de la Défense nationale du Canada ni le département américain de la Défense n'a la responsabilité des infrastructures essentielles dans le secteur civil.
Sécurité publique Canada et d'autres ministères que celui de la Défense jouent un rôle déterminant dans la surveillance de la cybersécurité des infrastructures essentielles. C'est la même chose aux États-Unis. C'est le département de la Sécurité intérieure, et non le département de la Défense, qui est le principal responsable de la cybersécurité du réseau électrique et d'autres infrastructures essentielles.
Je tiens à dire aujourd'hui que la résilience des infrastructures essentielles est de plus en plus importante pour le département américain de la Défense et qu'elle fournit des occasions de collaboration en matière de défense entre le Canada et les États-Unis. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
D'abord, même si nous continuons à collaborer à la mise en place de mesures de protection des réseaux contre les cyberattaques, je crois que tôt ou tard, une cyberattaque sera inévitablement lancée avec succès contre les infrastructures électriques ou gazières, ou d'autres infrastructures énergétiques dont dépendent nos deux pays. Les criminels mettent au point des armes trop rapidement pour que nous réussissions à nous défendre.
Je crois que l'ancien secrétaire Panetta avait tout à fait raison lorsqu'il a dit que les États-Unis risquent de subir une cyberattaque de type Pearl Harbor, qui entraînera une panne électrique si longue qu'elle pourrait éclipser la panne causée par la tempête Sandy ou tout autre événement antérieur.
Bien que je n'aie parlé jusqu'ici que des cybermenaces, d'autres dangers potentiels, tant d'origine naturelle que d'origine humaine, risquent de provoquer ces pannes électriques importantes aux États-Unis. De notre côté de la frontière, cela relèverait du département de la Défense.
Dans le cadre de mes responsabilités à titre de secrétaire adjoint à la Défense, j'ai dirigé les opérations du département de la Défense pour aider à rétablir le courant et à réduire les risques pour la santé et la sécurité du public durant la tempête Sandy.
Le département de la Défense a transporté par avion, de la côte Ouest à New York et au New Jersey, des centaines de camions utilitaires et des équipes affectées au rétablissement du courant pour accélérer les choses. Il a fourni des millions de gallons de carburants et des centaines de génératrices de secours afin que les hôpitaux, les maisons de soins infirmiers et les autres établissements de santé essentiels restent opérationnels durant les deux semaines où le réseau électrique n'a pas fonctionné.
Mais encore une fois, une panne de deux semaines aux États-Unis est loin d'être aussi grave que les pannes que nous pourrions connaître dans l'avenir. La demande à l'égard du département de la Défense pour aider à sauver des vies et à fournir un soutien défensif aux autorités civiles augmenterait considérablement.
Or, lorsque le département de la Défense sera appelé à aider les autorités civiles, surtout le département de la Sécurité intérieure et la FEMA dans notre système, il aura beaucoup plus de difficulté à fournir cette aide, car l'environnement dans lequel nous tenterons de le faire sera très gravement perturbé.
Ce serait formidable si de gros camions remplis de matériel d'assistance pouvaient emprunter les autoroutes pour se rendre dans la région touchée, mais comme vous le savez, toutes les pompes à essence fonctionnent à l'électricité. Quand il n'y a pas d'électricité, comme on l'a constaté à la suite de la tempête Sandy, les véhicules d'urgence, les autopatrouilles et tous les autres équipements nécessaires aux opérations de sauvetage ne peuvent être ravitaillés en carburant, à moins que le département de la Défense n'en fournisse.
Nous avons découvert que dans les tours essentielles de téléphonie cellulaire, qui heureusement étaient dotées de génératrices auxiliaires, il n'y avait assez de carburant que pour fonctionner durant deux ou trois jours. Lorsque la réserve de carburant a été épuisée, la livraison de carburant de secours avait été interrompue.
Ce que je veux dire, c'est que si nous manquons d'électricité ou de gaz naturel pour alimenter la production électrique dans un réseau étendu et durant une longue période, non seulement y aura-t-il une immense demande à l'égard de nos forces armées pour sauver des vies, mais notre capacité de fournir cette assistance sera perturbée, car les infrastructures dont nous dépendons pour fournir l'aide seront elles-mêmes très détériorées.
Voilà le problème auquel nous sommes confrontés aux États-Unis. Les dirigeants de notre communauté de gestion des urgences et les dirigeants du département de la Défense ont convenu que nous ne prévoirons pas seulement de faire mieux la prochaine fois que frappera une tempête Sandy; nous présumerons qu'une catastrophe bien pire, d'origine naturelle ou d'origine humaine, est sur le point de se produire et qu'elle pourrait frapper en tout temps. Par conséquent, du point de vue du département de la Défense, la préparation à soutenir les autorités civiles et à mener des opérations d'intervention en cas de catastrophe est une mission de défense primordiale.
Il y a une autre façon dont la pensée évolue aux États-Unis, et c'est relativement au soutien en vue du rétablissement du courant. Dans le genre de catastrophe dont je parle, rien n'est plus important pour sauver des vies que de remettre le réseau électrique et le système de gaz naturel en état de fonctionner. Il y a une limite à ce que peut faire l'alimentation de secours pour sauver des vies. Il est absolument essentiel d'assurer le fonctionnement du réseau et du système de gaz naturel.
J'ai mentionné que durant la tempête Sandy, le département de la Défense a mené des opérations sans précédent destinées à aider les entreprises privées de services publics qui exploitent notre réseau et le vôtre à déplacer leurs ressources pour appuyer les accords d'assistance mutuelle qui sont si efficaces au Canada et aux États-Unis. Nous nous efforçons, dans notre pays, de déterminer ce qu'il faudrait faire pour assurer un soutien mutuel dans l'éventualité d'une catastrophe nationale pire que la tempête Sandy. C'est là qu'intervient la possibilité d'une collaboration binationale.
Aujourd'hui, à Halifax, les organismes de réglementation des infrastructures énergétiques des États-Unis et du Canada se rencontrent pour discuter de la façon dont nous pouvons, dans le cadre d'une initiative binationale, nous soutenir mutuellement si une catastrophe se produit au Canada ou aux États-Unis et de la façon dont les services publics peuvent franchir la frontière plus efficacement. Une collaboration de la défense est également possible pour soutenir ces déplacements.
Mais il y a une possibilité encore plus intéressante de collaboration en matière de défense. Aux États-Unis, nous avons une stratégie d'assurance de la mission au département de la Défense. Permettez-moi de vous en parler.
Le département de la Défense dépend de l'industrie de l'énergie électrique pour 99 % de l'électricité qu'il utilise. Si le réseau électrique est en panne durant une période prolongée aux États-Unis, la capacité des installations militaires américaines d'assumer leurs responsabilités à l'égard de la nation pourrait très rapidement être compromise. Le département de la Défense possède très peu de capacité de production et ne réglemente pas les centrales électriques, et ne devrait pas non plus le faire. Il doit plutôt y avoir un partenariat entre le département et l'industrie afin de renforcer la résilience du réseau électrique.
Au sein du département de la Défense, les dirigeants examinent sérieusement la vulnérabilité des forces armées américaines à une attaque asymétrique, c'est-à-dire non pas une attaque contre nos forces quand elles sont déployées à l'étranger, mais une attaque contre les infrastructures essentielles dont nous dépendons aux États-Unis.
Ce sont là des exemples d'occasions d'approfondir la collaboration. Je serai heureux de vous en parler davantage relativement à l'hémisphère occidental, à l'Arctique, etc.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie, monsieur Stockton, de votre exposé.
Je comprends l'essence de votre discours, mais est-ce que vous suggérez que le budget militaire ou que l’armée est responsable d’accroître la résilience des pipelines ou des installations d’Hydro-Québec? Dans votre pays, le département de la Sécurité intérieure prend cela très au sérieux; il dispose d’un budget pour cela, il y travaille, etc., et Sécurité publique Canada est responsable de la cybersécurité. Le ministère travaille en collaboration avec les gardiens et les exploitants des infrastructures essentielles, et les aide à assurer une certaine cybersécurité.
Ce que je ne comprends pas, c’est comment… mis à part le rôle de planification, qui est assez clair des deux côtés. Le volet militaire et celui de la société civile sont très importants, et il serait bon de savoir combien de générateurs seront disponibles de sorte que les pompes puissent acheminer l'essence vers les points critiques pour veiller à ce que les voitures de police puissent rouler, etc.
Mais je ne sais pas… et je regarde ici une entente entre le Canada et les États-Unis sur l’aide aux autorités civiles, que vous connaissez probablement. C’est la version 2013 du Plan d'appui aux autorités civiles canado-américain. Est-ce que le plan comporte des lacunes à combler ou des points à approfondir?
Vous dites que nous pouvons trouver des occasions de collaborer, mais je crois que nous les avons trouvées, et nous les avons à tout le moins mises sur papier, et nous avons des ententes à ce sujet, sur qui va faire quoi et tout cela.
Pourriez-vous nous dire quelles sont les lacunes de ce plan, ou si vous pensez à accroître le rôle de la collaboration intergouvernementale?
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Monsieur Stockton, merci beaucoup de votre exposé. Nous vous sommes également reconnaissants de pouvoir compter sur votre expertise dans le domaine des cyberattaques, notamment.
Tout d’abord, je vous remercie beaucoup d’avoir mentionné nos sacrifices en Afghanistan. Le 9 mai, ce vendredi, ce sera la Journée nationale de commémoration en l’honneur de nos militaires, hommes et femmes, qui ont participé à la mission en Afghanistan.
J’ai servi en Afghanistan. Vous avez parlé de Kandahar. Je travaillais avec les forces américaines. J’ai aussi collaboré avec les forces américaines en Bosnie. Je vais donc revenir à l’aspect militaire de ces enjeux.
Comme vous le savez, la plupart des victimes canadiennes et américaines... Les attentats du 11 septembre étaient rudimentaires, en quelque sorte. Le World Trade Center a été attaqué à l’aide d’avions remplis de carburant. Dans le cas des engins explosifs improvisés, même si les bases militaires étaient protégées contre la détonation à distance à l’aide de bulles de protection électroniques, on peut dire que le simple fait de brancher deux fils a fait beaucoup de victimes en Afghanistan. L’activité militaire normale a donc une composante rudimentaire que l’on ne peut dissocier des cyberattaques.
Je vais revenir aux opérations militaires et me concentrer principalement sur l’Arctique. Si vous le pouvez, j’aimerais que vous disiez qui vous considérez comme étant actuellement une menace pour les États-Unis et le Canada, et surtout dans l’Arctique. L’Arctique suscite de l’intérêt. Quelle est votre opinion à ce sujet? Bien sûr, à partir de là, nous verrons de quelle façon nous pourrions collaborer dans l’Arctique et dans d’autres régions.
J’ai aussi mentionné le changement de la politique étrangère des États-Unis, qui sont désormais tournés vers le Pacifique.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le témoin de sa présence parmi nous.
J'ai trouvé très intéressantes votre perspective et votre présentation. Ce dont vous nous parlez, au fond, c'est du ravitaillement de l'intérieur. Autrement dit, la capacité de défense repose toujours sur la capacité d'alimenter les forces au front. Vous parlez ici de ce qui se fait à l'intérieur de l'Amérique du Nord mais, fondamentalement, on parle de ravitaillement. C'est ce que vous nous avez mentionné.
Vous nous avez parlé de résilience. Je suis un informaticien de carrière et, dans ma tête, ça sonne comme le mot « redondance ».
J'aimerais savoir une chose. En ce qui a trait aux États-Unis, vous avez donné l'exemple des génératrices au diesel qui, après deux ou trois jours, n'ont plus d'essence et où on est incapable d'en assurer le ravitaillement. Aux États-Unis, a-t-on commencé à regarder la capacité d'utiliser des formes d'énergie différentes pour l'alimentation en énergie?
Par exemple, quand les génératrices tombent en panne, l'énergie solaire pourrait-elle être une solution de rechange pendant un certain temps en attendant qu'on soit en mesure de rétablir l'approvisionnement classique.
Les Américains ont-ils commencé à regarder à une diversification de la provenance de l'énergie afin justement de pallier les incidents qui, à cause des changements climatiques, risquent d'être de plus en plus nombreux et importants?