:
Merci, monsieur le président.
Lorsque le chef d'état-major, le général Lawson, m'a confié le mandat de faire un examen des politiques des Forces armées canadiennes en matière de harcèlement et d'agressions sexuelles, il m'a dit vouloir obtenir le point de vue d'une personne à l'externe.
Mon rapport est le fruit d'un travail intense. J'ai rencontré plus de 700 personnes. J'ai fait une étude minutieuse des politiques et une revue de ce qui est présentement considéré comme les meilleurs pratiques dans le domaine du harcèlement et des agressions sexuelles.
Je ne commenterai pas ici mon rapport, mais je veux souligner deux points qui peuvent se résumer en deux mots: victimes et confiance.
Je vais commencer par parler des victimes. Chacune des 10 recommandations contenues dans mon rapport est de nature à améliorer le sort des membres des Forces armées canadiennes. L'impact doit se faire sentir à tous les niveaux, non seulement dans le milieu de vie quotidien, mais aussi dans le soutien aux victimes et la prévention des incidents.
Soutenir les victimes veut dire que les Forces armées canadiennes doivent donner la priorité aux besoins des victimes. En parlant de prévention, je fais bien sûr référence à la formation. Les Forces armées canadiennes doivent enseigner à leurs membres ce qu'est un comportement professionnel et ce qui n'est pas accepté. Prévenir veut aussi dire dissuader les contrevenants éventuels en imposant promptement des sanctions qui sont de nature à faire comprendre à tout le monde qu'il n'y aura pas de compromis.
L'importance accordée aux victimes ne peut pas être sous-estimée. C'est par elles que les Forces armées canadiennes pourront juger du changement de culture. Ce sont ces hommes et ces femmes qui permettront de vérifier le niveau du respect pour la dignité des personnes et le professionnalisme de nos forces armées.
[Traduction]
Mon second point est le principe directeur de ma recommandation. Il faut rebâtir la confiance des membres des Forces armées canadiennes envers leur organisation. Il faudra pour cela des mesures à court, à moyen et à long terme pour instaurer de véritables changements.
Le changement prendra du temps à s'opérer. La première étape, cependant, consiste à ce que les dirigeants des Forces armées canadiennes montrent à leurs membres par leurs actes qu'ils reconnaissent que le problème du harcèlement sexuel et de l'agression sexuelle dans les forces armées est bien réel. Surtout, il faut que les forces montrent qu'elles vont prendre toutes les mesures nécessaires pour s'attaquer au problème et favoriser des façons de faire considérées comme des modèles au Canada et dans le monde.
L'une des pratiques dont je me suis fortement inspirée correspond à ce que beaucoup de membres des forces et de personnes qui ont travaillé avec les victimes m'ont dit juger nécessaire. Il s'agit de la création d'un centre indépendant où les victimes pourraient obtenir de l'aide et des conseils. Il est fondamental que ce centre soit véritablement indépendant des forces armées pour rassurer les victimes; elles doivent avoir confiance que le fait de dénoncer un incident de harcèlement ou d'agression sexuelle leur permettra d'obtenir de l'aide sans conséquences négatives sur leur carrière ou leur vie personnelle.
Je me suis inspirée des modèles retenus par divers pays. Les forces américaines et australiennes ont créé leurs centres respectifs en 2005 et en 2012. L'été dernier, en 2014, les forces françaises ont également mis en place un centre qu'ils ont nommé la Cellule Thémis.
D'après mes consultations auprès de membres et de personnes qui ont travaillé avec des victimes de harcèlement et d'agression, j'ai constaté que la création d'un centre indépendant pour venir en aide aux victimes d'agression et de harcèlement sexuel est une mesure essentielle pour rebâtir la confiance des membres envers leur organisation.
Dans mon rapport, au sujet des méthodes d'enquête et des poursuites à mener en cas d'agression sexuelle, j'ai mentionné que chaque pays avait établi sa propre solution à ses problèmes. Le centre que je recommande n'est identique à aucun des centres existants, et j'estimais qu'il n'était pas de mon mandat de décrire dans le menu détail la forme qu'il devrait prendre.
Cependant, les Forces armées canadiennes doivent essayer de retenir les meilleures caractéristiques de chacun des modèles existants. À mon avis, plus ce centre sera indépendant, plus les victimes seront susceptibles d'aller chercher de l'aide et de signaler pleinement les incidents de harcèlement et d'agression sexuelle. Les signalements sont fondamentaux non seulement parce que les victimes ont besoin d'aide, mais également parce que les Forces armées canadiennes doivent savoir comment leurs membres se comportent.
Merci.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner la possibilité de m'adresser au comité aujourd'hui afin de fournir une mise à jour sur les progrès que fait l'Équipe d'intervention stratégique des Forces armées canadiennes pour faire avancer le traitement du comportement sexuel inapproprié dans les forces.
Vous vous souviendrez que le rapport de la responsable de l'examen externe et le plan d'action élaboré par les Forces armées canadiennes pour traiter spécifiquement les 10 recommandations de Mme Deschamps ont été présentés à la population canadienne le 30 avril 2015.
Tout d'abord, j'aimerais dire que les 17 derniers jours depuis la publication du plan d'action ont été très occupés. Comme je le mentionnais au moment de la publication, le comportement sexuel inapproprié est un problème complexe qui ne se prête pas à des solutions rapides et temporaires. Pour le résoudre, notre approche vise à cerner et à traiter les causes fondamentales plutôt que simplement à traiter les symptômes. Les réflexions et l'analyse de Mme Deschamps sont essentielles à cette approche. Donc, qu'est-ce qui est ressorti pendant les deux dernières semaines et demie?
Premièrement, nous avons réaffirmé que la mission de l'Équipe d'intervention stratégique est d'améliorer la préparation opérationnelle des Forces armées canadiennes en éliminant, dans la mesure du possible, les incidents de comportements sexuels inappropriés et leurs répercussions.
L'objectif, c'est des Forces armées canadiennes qui préservent une culture de dignité et de respect pour tous; il s'agit de valeurs essentielles pour le Canada, et cette institution existe pour les défendre, au Canada et dans le monde entier. En d'autres mots, nous améliorerons à long terme la culture fondamentale des Forces armées canadiennes au point où les comportements sexuels inappropriés ne seront pas tolérés, autant par les cibles d'un tel comportement que par les personnes qui en sont témoins.
À court terme, nous induirons des changements positifs dans le comportement par une sensibilisation accrue aux normes, aux attentes, aux responsabilités et aux obligations de rendre compte en faisant participer la chaîne de commandement et les membres de l'ensemble de l'organisation.
De plus, la nouvelle Équipe d'intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l'inconduite sexuelle, que je dirige, continue de grandir et de mûrir. Il est à noter qu'il s'agit de la première fois dans l'histoire des Forces armées canadiennes qu'une entité est formée dans le seul but de traiter ce problème. J'ai rassemblé une équipe hautement compétente et multidisciplinaire composée de personnel civil, de militaires et d'anciens militaires possédant la bonne combinaison de compétences et d'expérience nécessaire.
Nous avons cerné quatre grands axes essentiels à l'atteinte de l'objectif. Comme nous le décrivons dans notre plan d'action, le premier est de comprendre le problème; le deuxième est de réagir efficacement aux incidents de conduite inconvenante, y compris par l'amélioration du processus de signalement; le troisième est de mieux appuyer les victimes pendant le processus; et finalement le quatrième est d'empêcher les incidents de survenir.
Nous avons déjà fait des progrès considérables dans bon nombre de ces efforts. En terme de compréhension, mon équipe a examiné attentivement le rapport de Mme Deschamps et a commencé à prendre en considération le meilleur moyen de traiter chacune des 10 recommandations.
Par exemple, une des recommandations clés du rapport était la création d'un centre indépendant pour traiter le comportement sexuel inapproprié, et elle a fourni plusieurs exemples, y compris les centres établis au sein de l'armée américaine et australienne.
L'analyse d'un centre indépendant sera le point central de la planification et du développement de l'Équipe d'intervention stratégique dans les prochaines semaines. Par conséquent, mon équipe et moi avons récemment rencontré des représentants américains au sujet de leur modèle de SAPRO et les représentants australiens sur l'organisation de leur SeMPRO. Les deux consultations ont été très productives et ont donné à l'équipe une meilleure perspective d'une option mise à l'essai sur le terrain ayant le potentiel d'illustrer de quelle façon une structure similaire pourrait être élaborée pour répondre aux besoins des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale.
En plus de ces deux visites, les membres de l'Équipe d'intervention stratégique ont visité le Service de police régional de Peel et le Collège d'état-major et de commandement des Forces armées pour amorcer les discussions au sujet des possibilités de formation. Ils ont participé à un atelier international à Genève qui rassemblait un large éventail d'experts internationaux sur les aspects essentiels du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles en milieu organisationnel. Ils ont participé à une conférence sur l'analyse comparative entre les sexes dans les opérations de sécurité et de défense, qui a eu lieu à Ottawa. Ils ont également rencontré l'ambassadrice Schuurman, la représentante spéciale du secrétaire général sur les femmes, la paix et la sécurité de l'OTAN.
Un élément clé du changement de comportement et de culture auquel j'ai fait allusion plus tôt est d'entretenir des liens avec les membres des Forces armées canadiennes à tous les niveaux de l'organisation, y compris en première ligne, afin de mieux faire connaître la réponse des Forces armées canadiennes au rapport de Mme Deschamps et d'inspirer un dialogue ouvert et une réflexion personnelle sur les problèmes de comportements sexuels inappropriés dans l'ensemble des forces. Cela s'apparente grandement à l'approche utilisée précédemment pour changer les préjugés internes et les comportements entourant le trouble de stress post-traumatique et les blessures de stress opérationnel, ce que nous avons grandement réussi à faire à la fin des années 1990 et au début des années 2000.
Avec des membres de mon équipe, j'ai commencé à tisser des liens directs avec les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes de l'ensemble du Canada depuis le 1er mai, le jour suivant la publication du rapport. Par une série de réunions générales, de séances individuelles et de questions et de réponses, de discussions avec la chaîne de commandement locale ainsi que des interactions avec des médias locaux et régionaux, l'Équipe d'intervention stratégique prend contact avec les membres des Forces armées canadiennes et établit les conditions pour un dialogue continu.
Je commence chaque séance en reconnaissant qu'à l'intérieur des Forces armées canadiennes, ce problème est important et que malgré le fait que personne ne veut vraiment parler du problème des comportements sexuels inappropriés, il est important de lancer la discussion. Jusqu'à maintenant, nous avons visité six bases et escadres, où j'ai renseigné environ 5 300 militaires lors de 16 séances générales. Les questions, commentaires, préoccupations et perspectives que ces séances ont suscités, y compris les anecdotes d'expériences personnelles positives et négatives, ont renforcé deux réalités. Premièrement, le problème est très complexe. Deuxièmement, bien qu'il y ait une volonté collective de faire avancer l'organisation, il n'y a guère de consensus quant à la gravité du problème existant.
Au cours des prochains mois, je compte terminer les réunions générales dans les 33 bases et escadres pour garantir que la majorité des membres des Forces armées canadiennes aient l'occasion d'entendre et de comprendre ce que fait l'équipe et où s'en vont les forces, de poser des questions et d'exprimer des opinions.
Par ailleurs, mon équipe et moi continuerons nos consultations ciblées avec les entités nationales et internationales qui font face à des problèmes semblables aux nôtres. Cela comprend les organisations militaires, gouvernementales, policières et les autres organisations non gouvernementales en mesure de nous donner un aperçu applicable des meilleures pratiques et des leçons apprises.
L'une des raisons pour lesquelles la réponse des Forces armées canadiennes au problème du comportement sexuel inapproprié sera plus efficace cette fois-ci, c'est l'importance accrue de la mesure des résultats. Même les plans et résultats les plus élaborés ne se concrétisent pas s'ils ne se traduisent pas par des résultats tangibles sur le terrain. À cette fin, mon équipe étudie les méthodes d'évaluation des programmes pour garantir que nous sommes capables de déterminer dans quelle mesure les changements mis en place sont efficaces en pratique.
Le rapport se fera de pair avec la mesure du rendement. Dès l'automne, je livrerai au chef d'état-major de la Défense le premier rapport trimestriel sur le progrès des Forces armées canadiennes en réponse au problème de l'inconduite sexuelle. Le rapport sera également communiqué à la population canadienne. Nous nous engageons pleinement à avoir un dialogue ouvert et transparent avec les intervenants externes. Au cours des 25 derniers jours, nous avons interagi avec un total de 88 médias différents, par des présentations de groupe ou individuelles. Mon équipe et moi sommes déterminés à défendre cette réalité cruciale et à rendre publiquement des comptes, et nous continuerons à être activement engagés auprès du public, du Parlement et des médias.
Nous avons également commencé à examiner de quelle façon nous pouvons améliorer l'approche des Forces armées canadiennes en matière de formation afin de changer la culture militaire pour améliorer le niveau de dignité et de respect. De plus, en collaboration avec d'autres membres du personnel des forces et du ministère de la Défense nationale, l'équipe révise la politique existante, évaluant sa clarté, sa cohérence, sa pertinence et son applicabilité. Dans le cadre de cet effort, l'ensemble de la terminologie et des définitions en lien avec le comportement sexuel inapproprié seront examinés attentivement.
Le comportement sexuel inapproprié demeure un problème complexe qui ne se prête pas à des solutions rapides et temporaires. Mon équipe est déterminée à engager un changement novateur et majeur adapté aux besoins des membres des Forces armées canadiennes et fondé sur les meilleures pratiques et leçons apprises provenant d'une vaste gamme de sources. Il s'agit d'une mission qui ne peut échouer pour les Forces armées canadiennes et à laquelle mon équipe et moi nous dévouons entièrement.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Merci de votre présence, madame Deschamps et major-général Whitecross.
Madame Deschamps, je tiens d'abord et avant tout à vous remercier pour votre rapport et pour votre examen très approfondi. Vous avez brossé un tableau fort inquiétant de la situation qui prévaut dans nos forces militaires, ce qui confirme les révélations publiées en 1998 par Maclean's et en 2014 par L'actualité.
Il est particulièrement préoccupant de noter le manque fondamental de confiance envers la capacité du système de justice militaire et de la police militaire à traiter ce genre de problèmes, à un point tel, comme vous l'indiquez, que la vaste majorité des victimes choisissent de ne pas signaler les incidents qui se produisent. En conséquence, il nous est impossible de vraiment saisir toute l'ampleur du problème.
Je m'inquiète aussi du fait que l'on utilise toute une variété de termes et de définitions, comme vous l'avez souligné et comme cela transpire même également dans le titre de votre rapport suivant lequel l'examen portait sur l'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel. L'agression sexuelle est bien évidemment un acte criminel qui donne lieu à des poursuites en conséquence au sein de notre système civil de justice pénale. Ce genre de crime sexuel semble être traité de façon moins rigoureuse par nos militaires, une situation pouvant être attribuable à certaines définitions qui sont utilisées.
Pouvez-vous nous dire, d'abord et avant tout, comment il se fait que les officiers de la police militaire peuvent choisir de ne pas porter d'accusations et que, lorsqu'ils décident de le faire, ils doivent obtenir l'approbation de la chaîne de commandement? Pourquoi ai-je l'impression que c'est une façon de faire qui n'est pas près de changer?
:
Mais nous avons bel et bien sur les bras un problème grave qui ne va pas s'estomper de lui-même. Nous avons appris la semaine dernière qu'une officière de prévention du harcèlement sexuel a elle-même été harcelée au Collège militaire royal par des cadets qui, de toute évidence, ne comprenaient rien à la notion de harcèlement sexuel ou n'avaient peut-être jamais été sensibilisés aux considérations qui leur étaient soumises.
J'aimerais être capable de pouvoir encore dire, et je pense que les Canadiens aimeraient l'entendre, que les femmes ne s'exposent pas à un danger particulier en joignant les forces militaires. À la lumière de ce qu'on peut lire dans ce rapport, je dois conclure que ce n'est plus le cas.
Comment allez-vous pouvoir, de concert avec le chef d'état-major, le ministre — je sais bien qu'ils ne sont pas ici, mais nous les avons invités —, rassurer les parents en leur disant que leur fils ou leur fille peut s'enrôler ou poursuivre sa carrière militaire sans craindre d'être victime d'un acte criminel ou de harcèlement et en sachant que ses éventuelles plaintes seront prises au sérieux? Je ne crois pas avoir besoin de vous relire tout le contenu du rapport de madame la juge Deschamps. Il en ressort en effet très clairement que, si des cas ne sont pas signalés, c'est parce que les plaintes ne sont pas prises au sérieux, que l'on n'effectue pas d'enquête approfondie... Dans bien des cas, la police militaire ne semble avoir aucune idée de ce qu'est un consentement. Nous avons un très sérieux problème sur les bras, à tous les niveaux de la hiérarchie.
Est-ce que l'on reconnaît effectivement qu'il y a crise? Je crois vous avoir entendu dire que l'on ne s'entend pas sur la gravité de la situation, mais je pense qu'il y a une sonnette d'alarme qui s'est fait entendre dans l'esprit de bien des gens.
:
Merci, monsieur le président, et par votre entremise, j'aimerais remercier nos témoins.
Tout d'abord, j'aimerais remercier les deux témoins pour le travail qu'ils accomplissent dans ce dossier très difficile.
Je vous suis reconnaissant d'avoir préparé votre rapport, madame Deschamps.
Général Whitecross, je suis heureux que vous ayez mentionné que vous étiez fière de votre carrière militaire, car j'aimerais vous remercier de tout ce que vous avez fait pendant votre carrière. Cette tâche fait probablement partie des tâches très difficiles qu'on vous a confiées, et je sais que vous ferez un travail formidable en ce qui concerne la mise sur pied du centre indépendant et de l'équipe d'intervention stratégique dont les membres se pencheront sur les 10 recommandations.
Madame Deschamps, j'ai aimé la façon dont vous avez commencé votre exposé. Vous avez parlé de deux choses, c'est-à-dire les victimes et la confiance. Un volet de la confiance est lié à la question de la culture présente au sein des Forces armées canadiennes. Comme vous l'avez dit, c'est une culture très sexualisée. Comment pouvons-nous commencer à changer cette culture? Je crois que la première étape a été franchie par la publication de votre rapport, et par la mise sur pied de l'équipe d'intervention stratégique par le général Whitecross. J'aimerais souligner que ses membres rencontrent nos militaires en service partout au pays.
La première étape de ce processus concerne la sensibilisation, et ensuite l'éducation. J'aimerais que vous nous décriviez toutes les deux la façon dont vous visualisez le nouveau centre indépendant comme endroit où les gens peuvent se sentir à l'aise et espérer obtenir des résultats, à la fois en ce qui concerne leurs droits en tant que victime et — comme je le sais en raison de certaines de mes lectures et de mon examen du modèle américain, du modèle australien et d'autres modèles — le travail qu'ils peuvent accomplir pour améliorer l'éducation et la sensibilisation au sein de l'armée, afin de favoriser l'évolution de la dynamique présente au sein de cette culture.
:
Votre question concerne la culture et la façon dont le centre peut être lié à cette culture.
La culture est une notion beaucoup plus étendue que le centre.
Le centre vise à soutenir les victimes et à regagner leur confiance. Les victimes savent qu'elles ne subiront aucune conséquence si elles signalent un incident. Par exemple, si elles présentent un signalement restreint, c'est-à-dire le type de signalement par lequel elles demandent seulement un soutien, il serait possible d'interrompre ce que je décris dans mon rapport comme étant l'effet boule de neige, c'est-à-dire lorsqu'une histoire liée à des conséquences fâcheuses est racontée aux autres et détruit la confiance qu'ils éprouvent envers le système. On pourrait donc mettre fin à cette réaction.
D'une certaine façon, le centre est l'un des morceaux du casse-tête, l'un des éléments de l'ensemble de la stratégie qui vise à rétablir la crédibilité de l'organisme, car les victimes sauront que si elles tentent d'obtenir du soutien, elles ne subiront pas de conséquences négatives.
Pour changer la culture, il faut beaucoup plus que la création du centre. Il faut obtenir la participation des dirigeants et déployer de nombreux efforts dans la formation. C'est un processus qui nécessite des ressources à tous les niveaux.
:
Madame Deschamps, vous pouvez peut-être répondre à ma question, car vous avez beaucoup appris au sujet de la culture militaire. Manifestement, vous avez appris des choses sur la chaîne de commandement et sur son importance pour le leadership militaire, mais également pour ceux qui se trouvent à l'échelon le plus bas. Une partie de cette culture repose sur le principe qu'on ne présente pas les plaintes à l'extérieur de la chaîne de commandement; elles doivent être traitées à l'interne.
Pourtant, comme vous le signalez, la grande majorité des personnes interviewées qui avaient franchi la première étape, c'est-à-dire présenter leur plainte à leur superviseur — et la plupart ne l'avaient pas fait —, n'ont pas été prises au sérieux. On leur a répondu, entre autres, qu'elles s'exposaient à des conséquences négatives sur leur carrière si elles persistaient à vouloir présenter leur plainte ou on ne les a pas crues du tout. Ironiquement, les avertissements concernant les conséquences négatives sur leur carrière pourraient être fondés, comme en témoigne l'expérience vécue par un grand nombre de personnes qui ont rendu leur situation publique.
Je suis d'accord avec vous: il est nécessaire de créer un centre complètement indépendant de la chaîne de commandement. Comment une personne qui souhaite déposer une plainte — et je crois que vous l'avez mentionné dans votre exposé — peut-elle obtenir de l'aide sans enclencher un processus officiel de plaintes et sans s'exposer à des conséquences négatives sur sa carrière ou dans sa vie personnelle?
Pouvez-vous m'aider à comprendre cela? Si une personne présente sa plainte au conseil ou au centre indépendant et demande seulement de l'aide, et qu'elle affirme qu'elle ne va pas présenter de plainte, car elle sait que cela pourrait entraîner son renvoi de l'armée, où est la justice lorsque cette personne souhaite vraiment pouvoir déposer une plainte et recevoir l'assurance qu'elle ne sera pas victimisée et renvoyée de l'armée, que sa carrière ne sera pas terminée ou qu'elle ne sera pas traitée avec mépris par les autres soldats ou par les membres de la chaîne de commandement? Comment cela fonctionne-t-il?