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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 mai 2014

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Le comité poursuit son étude de la défense nord-américaine, mais avant de commencer, je voudrais simplement saluer la présence dans la tribune du public de l'honorable David Price, qui a été président du comité.
    Monsieur Price, je vous remercie de votre visite.
    Nous accueillons aujourd'hui deux témoins. Le premier est M. Colin Robertson, vice-président du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute; le deuxième est M. Aurel Braun, professeur invité du département de sciences politiques à Harvard.
    Messieurs, soyez les bienvenus. Comme d'habitude, vous disposez de 10 minutes pour livrer votre exposé.
    Avant que nous ne commencions, je tiens simplement à présenter mes excuses à ceux qui se sont présentés ici en s'attendant à une séance d'une durée de deux heures. Apparemment, des questions de procédure à la Chambre exigeront notre présence, et il se peut que la sonnerie se fasse entendre. La séance risque donc, très probablement, d'être écourtée.
    C'est pourquoi je demande à M. Colin Robertson de commencer.
    S'il vous plaît, faites de votre mieux pour ne pas dépasser 10 minutes.
    Merci.
    Mes observations porteront sur le contexte stratégique, y compris les cybermenaces, la valeur de la diplomatie et la valeur durable de nos partenariats de défense avec les États-Unis, par l'entremise du NORAD et de l'OTAN; la valeur stratégique de la puissance navale et son importance pour notre économie; enfin, pourquoi il est temps d'intégrer la défense antimissile balistique dans la stratégie de défense Le Canada d'abord.
    Commençons par l'environnement opérationnel stratégique. Le maintien de l'ordre international oblige à une vigilance constante. Cela signifie un engagement à l'égard du pouvoir de contraindre et de celui de convaincre, mesuré en argent, en effectifs et en équipement pour nos forces armées et le service extérieur. Nous vivons dans un monde d'États souverains qui poursuivent des intérêts souverains. La force compte, comme M. Poutine l'a montré en Géorgie et, maintenant, en Ukraine. L'Iran cherche à se doter d'armes nucléaires. L'instabilité perdure au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les disputes territoriales maritimes entre la Chine et ses voisins arrivent au point critique dans les mers de Chine méridionale et de Chine orientale.
    Ces disputes maritimes, en particulier, pourraient avoir des conséquences beaucoup plus importantes que la contestation ou la modification de la propriété de récifs et de hauts-fonds; elles pourraient remettre en question l'ordre international fondé sur des règles, ce qui, à son tour, pourrait menacer la liberté des États côtiers, y compris du Canada.
    Dans cet environnement, les priorités centrales de la stratégie Le Canada d'abord continuent de s'appliquer: d'abord, défense de la patrie; ensuite, défense continentale par l'intermédiaire du NORAD, un accord de défense territoriale pour notre sécurité aérienne et maintenant maritime; enfin, contribution à la sécurité et à la stabilité internationales, principalement par l'entremise de l'OTAN et d'une doctrine stratégique de défense collective, de sécurité coopérative et d'intervention rapide.
    La nature de la guerre comme manifestation d'un conflit de volontés n'a pas changé. La technologie a changé ses caractéristiques par rapport à ses quatre éléments: la terre, l'air, la mer et l'espace. Nous en avons ajouté un cinquième, le cyberespace. La cyberdéfense exige une collaboration beaucoup plus étroite entre le secteur privé et nos gouvernements. La paralysie de notre réseau électrique risque de paralyser non seulement le Canada, mais aussi les États-Unis.
    Le Conseil canadien des chefs d'entreprise notait récemment, dans son rapport, que la collaboration intersectorielle et entre le public et le privé a déjà permis de réduire ou de contrecarrer la sévérité de nombreuses attaques. La mise en commun de l'information est essentielle à la cybersécurité de notre économie et de notre pays. L'environnement international met au tout premier plan la diplomatie, un atout traditionnellement canadien, négligé au cours des dernières années.
    À Washington, on se sert du renseignement et de l'intuition comme leviers stratégiques et on est curieux de connaître le point de vue du Canada sur le monde. En même temps, le reste du monde est très désireux de connaître notre perception des États-Unis, parce que, quand nous sommes à notre affaire, nous comprenons les Américains mieux que n'importe qui d'autre. Pour le Canada, notre rapport privilégié sera toujours avec notre continent, ce qui comprend maintenant le Mexique, mais c'est d'abord les États-Unis.
    Les États-Unis ne sont pas en déclin. Ils restent la nation la plus puissante du monde, une civilisation remarquable par son pouvoir d'innovation et sa résilience. C'est aussi le premier marché mondial, auquel nous avons un accès privilégié. Qu'on le veuille ou non, les États-Unis portent le fardeau de la responsabilité du monde. Consciemment ou non, on s'attend à ce qu'ils fassent preuve de maturité sur la scène internationale. L'attention constante qu'ils accordent aux crises font qu'ils n'ont pas toujours le temps de s'occuper des voisins sages. Cela signifie que, dans nos relations avec ce pays, l'initiative relève de nous. Comme un jardin, ces relations ont besoin de soins constants. Nous devrions être représentés dans les 50 États, par des consuls honoraires, par exemple, dans des réseaux locaux pour veiller à nos intérêts et à nos échanges commerciaux.
    Pour étayer notre diplomatie et notre politique étrangère, nous avons besoin d'une capacité militaire et de la démultiplier au moyen de nos alliances, le NORAD et l'OTAN. Pendant 65 ans, notre alliance avec l'OTAN a permis au Canada d'honorer ses engagements en matière de défense collective. L'OTAN est le gendarme international, l'organisation à qui s'adresser lorsque la force est nécessaire pour gérer le chaos et restaurer l'ordre. Une alliance stratégique d'États souverains et démocratiques: ces adjectifs sont à la fois un avantage et un inconvénient.
    Le commandant suprême des Forces alliées de l'OTAN, le général Philip Breedlove, était à Ottawa, plus tôt cette semaine. Je suis allé l'entendre, et il a posé des questions difficiles.
    D'abord, possédons-nous les bonnes structures pour assurer une réponse rapide et crédible? Ensuite, est-ce que l'alliance est suffisamment agile et flexible pour réagir convenablement? Enfin, la question la plus difficile, est-ce que nos forces sont en bonne posture pour réagir?
    Moins d'une poignée des 28 membres de l'OTAN satisfont actuellement à leur engagement de consacrer 2 % du PIB à la défense. Nous, au Canada, nous y consacrons 1 %. C'est le taux le plus faible parmi les principaux alliés de l'OTAN. Alors qu'il se prépare pour le sommet de l'OTAN, en septembre, le Canada peut faire preuve de leadership à l'intérieur de l'organisation en renforçant considérablement ses capacités militaires.
    Maintenant, je voudrais dire quelques mots sur la liberté des mers et l'ordre maritime. Notre prospérité dépend du droit maritime ainsi que de l'ordre et de la liberté des mers. La négociation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est l'un des plus grands triomphes de la diplomatie canadienne. L'autorité du Canada a été étendue à la plateforme continentale, ce qui a effectivement fait doubler notre territoire marin.
(1110)
    Comme 40 % de la superficie émergée du pays se trouve dans nos territoires du nord et que 25 % est situé dans la région arctique mondiale, l'obtention de la reconnaissance internationale et la protection du plateau continental étendu du Canada doivent être une priorité nationale. Le premier ministre Harper a dit du Canada, qui est adossé à trois océans et qui possède la façade maritime la plus longue du monde, et de son économie qu'ils flottaient sur l'eau salée.
    Tous les jours, le tiers des stocks d'entreprises comme Canadian Tire circule quelque part en mer. Nous exportons aussi par la mer nos principaux produits. Prenez, par exemple, les légumineuses, un secteur canadien qui pèse plusieurs milliards de dollars. La production a quintuplé ces 20 dernières années. Nous en sommes le premier exportateur mondial. Notre principal débouché est l'Inde, et il y en a 150.
    Nous sommes le premier producteur mondial de potasse, et nous pourvoyons à la moitié de l'offre mondiale. Nous en expédions dans 100 marchés. Nous pourrons être une superpuissance énergétique dès que nous aurons construit des pipelines qui traversent le pays d'est en ouest et des terminaux de gaz naturel liquéfié qui nous permettront d'acheminer notre pétrole et notre gaz au bord de l'océan et, par conséquent, sur nos marchés. Pour l'Europe, ces produits sont une solution de rechange stratégique à l'énergie russe.
    Nous sommes en train d'ouvrir l'océan arctique. En septembre dernier, le Nordic Orion chargé de charbon de la Colombie-Britannique destiné à la Finlande a été le premier porte-conteneurs à franchir le passage du Nord-Ouest.
    Notre capacité de faire respecter la loi et de garantir la sûreté du passage dépendent de notre puissance navale. Les marines dotées d'un appui aérien peuvent étendre leur pouvoir sur de grandes distance. La semaine dernière, pour combattre la piraterie et le terrorisme, nous avons déployé le NCSM Regina en mer d'Arabie, où nous avons maintenu une présence presque permanente depuis la guerre du Golfe, et effectué plus de 30 déploiements depuis le 11 Septembre 2001. Il a poursuivi sa route pour se joindre à la mission de rassurance de l'OTAN dans la Méditerranée.
    La capacité militaire étaye notre diplomatie en politique étrangère. Pour l'exercer, il faut une capacité industrielle de défense qui soit concurrentielle. L'une ne va pas sans l'autre. Le maintien simultané d'une capacité militaire pour la politique étrangère et d'une capacité industrielle de défense exige une volonté politique et un leadership constants, et c'est le rôle de ce comité.
    Pour le Canada, la capacité industrielle de défense est traditionnellement une suite d'entreprises internationales et des PME nationales de marché créneau qui s'insèrent dans des chaînes logistiques. La stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale et l'Institut d'analyse de la défense nous procurent un cadre pour la construction de notre nouvelle marine et de notre nouvelle garde côtière. Les principaux ressorts de notre processus d'acquisition doivent être l'obtention des navires dont nous avons besoin de manière opportune et selon un bon rapport coûts/efficacité.
    J'encourage le comité à répondre aux questions suivantes: d'abord, notre stratégie industrielle de défense prévoit-elle assez à long terme et systématiquement? Ensuite, comporte-t-elle des échéanciers clairs pour la livraison, assortis d'encouragements et de pénalités? Enfin, étant donné les longs échéanciers du développement, disposons-nous du consensus politique élargi qui est nécessaire pour résister aux changements de gouvernement?
    L'ancien secrétaire américain à la Défense Bill Perry m'a dit que personne ne s'y prenait de la bonne façon pour l'acquisition de biens, mais qu'il avait appris deux leçons: d'abord, acheter ce qui est en stock, le plus possible; ensuite, respecter les échéanciers, à cause de l'inflation que connaît la défense. Ian Brodie, mon collègue à l'école de politique publique de l'Université de Calgary propose d'utiliser les achats à des fins de défense comme levier dans nos négociations commerciales.
    J'aimerais aussi dire quelques mots sur la défense antimissiles balistiques. Il est temps, pour le Canada, de se ranger sous sa protection, parce que l'évaluation des menaces a changé.
    D'abord, la Corée du Nord a développé une capacité balistique mobile d'État voyou visant à cibler les États-Unis. Mais vu l'imprécision de ses moyens, quand elle en fait l'essai le 4 juillet, ses têtes nucléaires pourraient tout aussi facilement frapper le Canada. Ensuite, l'Iran, qui possède un arsenal de missiles balistiques, travaille constamment à le doter d'une capacité intercontinentale. Enfin, le Pakistan, avec ses missiles et ses armes nucléaires, s'il devait devenir lui aussi un État voyou ou perdre la maîtrise de son arsenal, pourrait présenter un problème. Nous verrons probablement se multiplier le nombre de voyous ayant accès à des ogives, à des missiles intercontinentaux et à des armes de destruction massive. Il ne s'agit pas d'armes seulement nucléaires mais aussi chimiques et biologiques.
    La défense antimissiles balistiques est une réponse proportionnée et prudente à des menaces tangibles. Elle a été avalisée par nos 27 partenaires de l'OTAN et par nos amis et alliés de la région indo-pacifique, l'Australie, le Japon et la Corée du Sud. Nous mettons en commun l'information et l'évaluation des risques et l'alerte avancée avec les États-Unis, grâce à notre participation au NORAD. Cela semble ridicule, mais quand vient le temps de prendre des décisions critiques de lancement, nos représentants doivent littéralement quitter la pièce.
    Les algorithmes élaborés par l'U.S. northern command pour protéger le territoire américain ne comprennent pas les villes canadiennes comme Edmonton ou Saskatoon. Sans notre participation, les États-Unis n'ont aucune obligation politique ou morale de défendre le Canada. À mon avis, c'est aux Canadiens de remédier à cette situation, par une annonce anticipée de participation à la défense antimissiles balistiques.
    Je conclurai en disant que l'accession à un programme de défense antimissiles balistiques est la meilleure assurance pour protéger les Canadiens. Les défis, qu'ils soient nouveaux comme les cybermenaces ou durables comme la production industrielle de moyens de défense, obligent les secteurs public et privé à nouer un partenariat solide.
(1115)
    Nous nous défendons dans l'ordre international grâce à des mécanismes de défense et de sécurité collectives, notablement l'OTAN et le NORAD. Pour notre sécurité et la promotion de nos valeurs, nous comptons sur notre service extérieur, dont les yeux, les oreilles et la voix sont présents dans tous les endroits importants du monde et je dirais aussi, aux États-Unis.
    Nous devons posséder des forces armées régulières et de réserve, robustes et bien équipées. Elles représentent notre disponibilité opérationnelle pour défendre notre patrie et nous acquitter de nos obligations de défense collective. Vu les échanges commerciaux et la mondialisation, cela exige une garde côtière et une marine canadienne prêtes elles aussi à intervenir.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Robertson.
    Monsieur Braun.
    Je remercie aussi le comité de m'avoir invité.
    Vous possédez la version longue de mes observations et sa traduction. Comme je dispose de peu de temps — les professeurs ont tendance à être beaucoup plus intarissables — je m'efforcerai de les condenser le plus possible.
    Mon sujet est la défense nord-américaine, la sécurité de l'Arctique et les illusions impériales russes, de grandes questions étroitement liées, mon objectif étant d'établir un contexte, des liens et une vue d'ensemble, en m'arrêtant sur certains détails clés.
    Il me serait impossible, vu le peu de temps qui m'est alloué, de procéder à une évaluation exhaustive. J'espère entrer dans plus de détails pendant la période de questions, mais je tiens au moins à examiner certaines des menaces potentielles auxquelles le Canada est exposé et des moyens à envisager pour les comprendre, les contrer ou du moins les atténuer.
    Il semblerait à première vue que le Canada dispose, pour garantir ses intérêts et sa souveraineté, d'une triple couche de protection des plus efficaces. Mon confrère a parlé de l'OTAN. C'en est une. La deuxième est le NORAD, le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, qui crée une alliance avec Washington destinée à assurer la protection de notre espace aérien, de notre souveraineté aérienne, et la défense globale de l'Amérique du Nord. Enfin, la troisième couche est le Canada lui-même. Nous tendons souvent à oublier qu'il fait partie du G7. Nous possédons une économie très importante et un grand potentiel économique. Nous sommes très polyvalents. On s'attendrait donc à ce qu'il n'y ait pas vraiment lieu de nous inquiéter pour notre sécurité, encore moins d'être alarmés par les menaces, et loin de moi l'idée d'alarmer quelqu'un, mais je pense qu'il importe d'examiner les possibilités.
    Je tiens tout d'abord à dire que nous ne sommes pas en guerre froide. Malgré tous les problèmes dans l'Est, dont nous sommes les témoins, les démocraties du monde ne font pas face à une menace militaire massive d'une superpuissance possédant des dizaines de milliers de chars d'assaut et d'innombrables avions prêts à traverser l'Europe ou résolue à dévaster l'Amérique du Nord ou ses villes dans une guerre motivée par l'idéologie et menée pour imposer une doctrine universaliste.
    Je ne ferai pas l'inventaire de tous les risques; je me contenterai d'en examiner certains. Mais je pense que nous devons aussi comprendre que nous ne pouvons pas simplement dissocier les événements de l'Est de nos préoccupations nord-américaines. Ce qui arrive en Ukraine, les menées russes qui y ont lieu, tout cela influe sur la sécurité du Canada. Cela a des conséquences pour la défense nord-américaine, la sécurité de l'Arctique et la souveraineté canadienne.
    Je commencerai par examiner d'abord les ambitions russes et leurs répercussions sur le Canada.
    Depuis le retour, à la présidence, de M. Poutine, les revendications russes à l'égard de l'Arctique se sont multipliées. D'une certaine façon, cela rejoint les efforts soutenus de M. Poutine pour renforcer la puissance militaire de la Russie — les dépenses consacrées par la Russie à sa défense ont beaucoup augmenté —, mais cela témoigne aussi d'une vision globale « poutinienne » du monde ainsi que des considérations politiques nationales du Kremlin. Déjà, en 2007, la Russie avait, en plantant un petit drapeau russe en platine sur le plancher océanique, formulé une revendication assez chimérique, d'un style XVIe siècle, sans validité en droit international. Mais, depuis, des mesures plus concrètes ont suivi.
    Nous savons que M. Poutine a fait une déclaration, récemment, dans laquelle il a demandé à ses militaires d'accorder une grande attention à l'Arctique, ajoutant qu'il fallait assurer tous les leviers pour la protection de la sécurité de la Russie et de ses intérêts nationaux sur place. En outre, le Kremlin a entrepris la réouverture et le renforcement rapide de vieilles bases militaires dans l'Arctique, et, à l'automne de 2013, M. Poutine a ordonné la création d'un nouveau commandement militaire stratégique dans l'Arctique, pour sa mise en place d'ici la fin de 2014.
    Il convient de souligner que l'Arctique, dont l'écosystème est très fragile et très rude, passe généralement pour contenir peut-être jusqu'au quart des ressources énergétiques non découvertes de la planète. La Russie présente une bonne longueur d'avance sur les autres membres du Conseil de l'Arctique dans leur exploration. Une étude récente du Council on Foreign Relations, à New York, a révélé que sur près de 60 grands champs de pétrole et de gaz naturel découverts dans l'Arctique, 43 se trouvaient en Russie, 11 au Canada, 6 en Alaska et 1 en Norvège. Dans un certain sens, vu l'extrême dépendance de la Russie vis-à-vis de l'énergie, des exportations d'énergie, la militarisation russe concorde avec cette politique de plus grande portée. M. Poutine joue la carte militaire de nombreuses manières à l'intérieur d'un jeu politique russe plus vaste, mais cela fait aussi partie d'une grande illusion impériale dans laquelle vit la Russie.
(1120)
    Il importe de comprendre que la Russie aujourd'hui n'est pas une superpuissance, mis à part le fait qu'elle possède des armes nucléaires, et qu'il est très peu probable qu'elle finisse par le devenir. Son PIB est comparable, en termes nominaux, à celui de l'Italie, dépassant de peu le PIB du Canada, et au prorata de la population, à celui de la Barbade.
    La Russie est confrontée à d'importants problèmes démographiques, avec une population de 143 millions d'habitants, et à des tensions ethniques dans le Caucase. La Russie souffre en outre d'une économie unidimensionnelle désormais stagnante au sein de laquelle une réforme structurelle fondamentale s'imposerait pour lui permettre de se montrer concurrentielle dans un système international moderne. Son économie dépend largement des ressources énergétiques et de la vente d'armes. La Russie est très désireuse d'extraire davantage d'hydrocarbures, ce qui engendrerait beaucoup plus de pollution.
    M. Poutine a le choix d'établir un état réformateur ou une grande Russie impériale. Il semble avoir choisi la dernière option, et cela influe sur sa vision du monde. Au sein de la Russie, il y a une combinaison de ce que j'ai appelé dans plusieurs de mes écrits académiques...
    Monsieur Braun, je dois vous demander de vous arrêter ici, puis de poursuivre plus tard; il vous restera environ trois minutes et demie.
    Nous devons aller voter maintenant. Nous allons revenir, en espérant que nous aurons suffisamment de temps pour poser nos questions.
    Monsieur Bezan.
    Si je comprends bien, il s'agit d'une sonnerie d'appel de 30 minutes.
    Si le comité est d'accord, nous pourrions...
    Merci beaucoup.
    Ai-je le consentement unanime du comité pour laisser M. Braun terminer sa déclaration, de sorte que nous puissions enchaîner avec la période de questions à notre retour?
    Des voix: D'accord.
    Vous pouvez donc poursuivre, monsieur Braun, pendant trois minutes et demie. Nous devrons ensuite suspendre nos délibérations jusqu'après le vote.
(1125)
    Merci beaucoup.
    M. Poutine entretient une espèce de « réalisme politique magique » qui n'est pas sans rappeler, à certains égards, le « réalisme magique » employé en littérature. Il y a trop fréquemment une évasion des mesures rationnelles en faveur de la fantaisie politique. M. Poutine a un comportement très bizarre et répressif.
    Le système interne de la Russie est à la fois répressif et risible. M. Poutine crée l'illusion d'une Russie jouant un rôle central dans le système international, mais la Russie ne sera plus jamais l'Union soviétique. Elle n'a pas cette puissance. Toutefois, cela ne signifie pas que M. Poutine est en plein délire, même si Angela Merkel a indiqué qu'il était déconnecté de la réalité.
    Il faut comprendre aussi que de caractériser le comportement de M. Poutine de délirant n'implique pas une quelconque pathologie clinique irréversible, mais fait plutôt ressortir une indulgence politique alimentée par une opposition encore désorganisée au pays et des réactions maladroites de la communauté internationale face à l'agressivité russe en Crimée et en Ukraine.
    Je pense que cela influe sur trois aspects cruciaux de notre défense, de notre perception et de nos intérêts que j'aborderai peut-être durant la période de questions. Il s'agit du droit international, des Nations Unies et de la prolifération nucléaire. Pour chacun de ces aspects, il y a lieu de s'inquiéter considérablement.
    Les options du Canada sont tributaires de cette triple couche de protection. Les deux premières couches semblent très impressionnantes, mais ne dépendent pas au bout du compte des capacités des États-Unis, mais plutôt de sa détermination. Nous devons mobiliser le pouvoir. Les capacités ne sont pas abstraites; elles sont relatives et si elles ne sont pas mobilisées, elles sont gaspillées.
    Ce que nous avons vu dans le cas de l'administration actuelle, c'est une utilisation inefficace du pouvoir de contraindre. Le pouvoir effectif combine le pouvoir de contraindre et celui de convaincre.
    Comme l'a judicieusement observé le chroniqueur du New York Times, Frank Bruni, sous le régime du président Obama, les États-Unis « se font discrets ». Par conséquent, si le Canada veut préserver ses intérêts, il doit renforcer la troisième couche de défense. Nous devons en faire davantage, et la dissuasion a un prix. Des sacrifices et des mesures concrètes s'imposent. Nous devons améliorer considérablement nos défenses aériennes, tout comme l'a fait l'Australie face à la menace de la Chine. Nous devons insister pour acheter davantage de sous-marins, puis gagner en efficacité autant sur le plan matériel que sur le plan des idées, c'est-à-dire en continuant de s’assurer un solide appui diplomatique.
    Permettez-moi de conclure. Tout comme il n'existe pas de sanctions sans douleur, la dissuasion a son prix. C'est en renforçant chacune des trois couches de défense que non seulement le Canada, mais aussi les États-Unis parviendront à faire preuve de beaucoup plus de leadership. Nous devons introduire une sorte de confrontation à la réalité dans les rêves impériaux délirants de M. Poutine, en Ukraine mais aussi dans l'Arctique, où la Russie devient de plus en plus entreprenante. Les acquisitions matérielles doivent s'accompagner de politiques et d'énoncés clairs ayant pour avantage de faire valoir le leadership canadien.
    N'oublions pas que M. Poutine s'est lui-même montré, dans le passé, capable de coopération et de compromis, mais seulement lorsque toutes les autres options lui avaient été retirées.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur.
    J'encourage les députés à revenir dès que le vote sera terminé parce que nous reprendrons nos délibérations aussitôt que nous aurons le quorum.
    Merci.
    La séance est interrompue.

(1215)
    Nous reprenons la séance. Nous allons procéder à la période de questions.
    Mme Murray ne devrait pas tarder; je l'ai vue dans le couloir. Elle sera ici dans un instant pour rédiger le compte rendu.
    Nous allons entamer une série de questions de cinq minutes pour permettre à un plus grand nombre de députés de prendre la parole.
    C'est M. Leung qui ouvre le bal. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Nous avons beaucoup entendu ce matin à quel point le Canada devait pouvoir compter sur une force militaire solide, notamment pour protéger ses liens commerciaux, atténuer les effets des catastrophes et intervenir rapidement. Autrement dit, nous avons besoin d'une force « opérationnelle » lors de situations d'urgence.
    Il y a un autre aspect que je considère très important. Sachez qu'un grand nombre d'innovations, d'outils et de produits d'abord conçus à des fins militaires sont utilisés actuellement à des fins civiles, par exemple, l'Internet, les systèmes de GPS, les matériaux composites et les dispositifs de sécurité à bord des voitures, comme les freins ABS, et ainsi de suite.
    Pourriez-vous nous dire comment le Canada, en ce début de XXIe siècle, peut mieux s'adapter à ce modèle d'industrialisation sans toutefois entacher sa réputation, comme les États-Unis avec leur complexe militaro-industriel?
    Mon collègue a indiqué que les États-Unis étaient la superpuissance mondiale. Le succès des États-Unis au chapitre de l'innovation — Silicon Valley — n'est pas le fruit du hasard. Il y a un lien avec l'industrie militaire. La DARPA est à l'origine de nombreuses inventions. Je ne dis pas que la seule façon d'innover, c'est d'effectuer des dépenses militaires excessives, mais il y a quand même un lien important à faire.
    Une société qui accorde beaucoup d'importance à la liberté de communication et à l'entrepreneuriat et qui est ouverte au commerce et aux nouvelles idées a tout ce qu'il faut pour créer ce type de synergie qui amène une pensée progressiste, la réalisation, et au bout du compte, la capacité de produire.
    Je pense que le Canada est un État industrialisé très avancé. Nous connaissons beaucoup de succès. Souvent, quand je parle du Canada, les gens ne savent pas à quel point nos entreprises connaissent du succès ni à quel point nous sommes respectés et avons de l'influence à l'échelle internationale.
    Grâce à nos efforts de collaboration, à notre ouverture face aux nouvelles idées et à notre politique d'immigration, nous encourageons des gens brillants à venir au Canada. Nous devons également collaborer avec les États-Unis et nos alliés de l'Europe de l'Ouest — je pense qu'il faut cette combinaison — pour assurer notre défense. Nous devons intervenir sur de nombreux fronts.
    Monsieur Robertson.
    Merci, monsieur.
    J'aimerais répéter qu'aux États-Unis, comme vous l'avez dit, la DARPA a fait d'importants investissements qui sont en quelque sorte à l'origine de l'apparition d'Internet. Si je ne me trompe pas, vous même avez indiqué avoir travaillé pour RAND. Il s'agit d'un atout inestimable aux États-Unis qui s'est révélé très avantageux pour la société civile.
    Au Canada, en plus de nos forces navales, terrestres et aériennes, nous avions d'importantes capacités de recherche en matière de défense. D'ailleurs, George Lindsey est un grand Canadien qui y a contribué. Nous avons réduit nos activités à ce chapitre, et nous nous sommes davantage tournés vers le secteur privé.
    Nous avons des firmes de premier ordre, comme MDA, par exemple, qui exploite un système de télédétection spatiale de calibre mondial et qui est financée non seulement par le ministère de la Défense, mais aussi par le ministère de l'Industrie. Ce sont des atouts canadiens de taille que nous devrions encourager.
    Quel est le meilleur cadre organisationnel à adopter pour favoriser ce type d'innovation? Aux États-Unis, il y a un lien très étroit entre General Dynamics, Boeing, etc., et l'armée. Au Canada, quel serait notre meilleur moyen?
(1220)
    Je dirais que les chaînes d'approvisionnement ou les secteurs dans lesquels nous excellons sont les communications et le transport. Nous n'avons pas le choix d'être bons, compte tenu de notre géographie et du type de pays que nous avons. J'ai donné l'exemple du satellite de télédétection de MDA. Ce sont des joyaux de la Couronne. Il est important de poursuivre dans cette voie.
    Je crois que les partenariats publics-privés sont essentiels. Le modèle américain a pris cette direction. Nous devons également intervenir dans les chaînes d'approvisionnement, particulièrement avec les États-Unis — les États-Unis et tout le reste ont déployé beaucoup d'efforts au chapitre de la recherche en matière de défense —, mais aussi avec nos alliés européens, entre autres.
    Merci beaucoup, monsieur Robertson.
    Monsieur Harris, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président
    Merci, messieurs, pour vos exposés.
    Monsieur Robertson, j'aimerais vous adresser ma première question. Dans votre déclaration, vous avez indiqué que le Canada s'était engagé à consacrer 2 % de son PIB à la défense. Je n'ai jamais entendu cela. Je sais que vous avez longtemps fait partie du corps diplomatique, alors vous pourriez peut-être nous éclairer là-dessus.
    Si, en effet, vous croyez que c'est le cas, êtes-vous en train de dire — et je crois que vous avez parlé de 1,1 % ce matin lors d'un autre événement — que le Canada devrait doubler ses dépenses militaires, de sorte qu'elles atteignent 35 ou 36 milliards de dollars par année?
    Est-ce votre position? Et à quel moment le Canada a-t-il pris cet engagement?
    Monsieur, si vous regardez ma déclaration, ce que j'ai dit, c'est que nous étions bien en dessous de la cible de 2 % fixée par l'OTAN. J'ai examiné les chiffres de l'OTAN cette semaine et, comme vous l'avez indiqué, nos dépenses militaires correspondent à 1 % du PIB.
    Si nous nous retrouvons dans une situation où on s'attend à plus de notre part, nous devrons faire des investissements, pas seulement le Canada, mais tout le reste de l'alliance.
    Je pense également que nous ne devrions pas être liés par un chiffre, bien que les chiffres soient importants parce qu'ils sont une bonne indication de notre engagement. Ce qui est aussi important, ce sont la production et les résultats. Comme je l'ai dit à certains de mes collègues européens, je crois que notre contribution — par exemple, les CF-18 et le Regina qui a été déployé dans la mer Méditerranée — est logique, mais le problème, c'est que nous n'avons rien d'autre pour remplacer le Regina afin de remplir nos obligations collectives en matière de défense.
    Je ne veux pas vous interrompre, mais j'ai d'autres questions.
    J'ai essayé de trouver la déclaration de l'OTAN à l'égard de cette cible, mais je ne l'ai pas trouvée. Il y a certains pays, comme la Grèce, dont les dépenses militaires s'élèvent à plus de 2 % de leur PIB, mais c'est peut-être plus une fonction de leur PIB qu'un engagement à l'égard de la défense.
    J'aimerais maintenant parler de la défense antimissiles balistiques. Vous semblez préconiser cette approche, comme vous l'avez fait encore ce matin devant le Sénat. D'un point de vue stratégique, êtes-vous vraiment en train de nous dire que la Corée n'est pas une superpuissance, pas plus que la Russie, et qu'il est probable que les Américains laissent les Coréens en arriver à un point où ils poseraient une menace claire? Sérieusement? J'ai du mal à le croire.
    Nous avons vu ce qui s'est passé en Iran avec l'apparition de Stuxnet, et la possibilité que les Israéliens visaient les centrales nucléaires alors qu'il y avait une menace évidente.
    Pensez-vous réellement que la Corée représente une menace pour l'Amérique du Nord?
    Oui, monsieur
    D'accord. Merci.
    Vous avez également dit que le Canada n'a pas su tirer profit de son expertise ni de ses ressources diplomatiques, et je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Croyez-vous que l'OTAN, et le Canada, à titre de partenaire, devraient prendre au sérieux l'engagement, indiqué dans un concept stratégique de l'OTAN, visant à créer les conditions propices à un monde sans armes nucléaires, conformément aux objectifs du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, et appuyer les efforts d'Obama en faveur de l'abolition des armes nucléaires? Qu'adviendra-t-il du Pakistan, à qui les États-Unis accordent une importante aide militaire sans toutefois tenter de désamorcer la situation? Selon vous, est-il temps que le monde entier se mobilise et poursuive cette politique du zéro nucléaire? Devrions-nous recourir à nos leviers diplomatiques et économiques, quels qu'ils soient?
(1225)
    Oui, monsieur. Je crois fortement en la non-prolifération, mais je crois aussi qu'on ne choisit pas le monde dans lequel on vit; on le subit. Pour cette raison, nous devons nous préparer au pire, notamment en participant à la défense antimissiles balistiques.
    Est-ce que je souhaite que la Corée du Nord développe cette capacité? Bien sûr que non, mais malheureusement, ils sont sur le point d'y arriver; ils continuent leurs progrès. On a des preuves, et c'est pourquoi les Américains, sous le président Obama et le secrétaire Hagel, ont placé des intercepteurs en Alaska et en Californie, parce que la menace aujourd'hui est bien plus grande qu'elle l'était l'an dernier ou même il y a trois ans.
    Kim Jong-il vit dans sa bulle... On a parlé plus tôt du réalisme magique du président Poutine. Je considère que la Corée du Nord entretient ce même réalisme magique.
    Pour ce qui est du Canada — je me soucie uniquement de la sécurité des Canadiens —, je considère qu'il devrait prendre part à cet aspect de la défense et se joindre à ses alliés.
    Merci, monsieur Robertson.
    Monsieur Chisu, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup messieurs Braun et Robertson, pour vos exposés.
    Dans le contexte de la défense du continent nord-américain, je vais maintenant parler de l'Arctique. De plus, dans un contexte différent, monsieur Braun, vous avez indiqué que la Russie n'était pas une superpuissance, et par le fait même, nous éliminons la Chine. Les relations de la Chine et de la Russie en matière de défense sont excellentes, et nous avons vu que les alliances de l'Axe nous ont souvent causé des problèmes au cours du dernier siècle.
    En ce qui concerne l'Arctique, selon vous, comment les États-Unis et le Canada peuvent-ils mieux collaborer dans cette région? Je ne connais rien au sujet des politiques des États-Unis à l'égard de l'Arctique, mais, évidemment, comme vous l'avez dit, nous sommes préoccupés par le déploiement militaire russe dans cette partie du monde.
    Merci, monsieur Chisu.
    C'est une question importante à laquelle il est très difficile de répondre. Vous avez posé une question au sujet de la Chine, et je ne crois pas avoir le temps d'entrer dans les détails, mais la Chine coopère avec la Russie. Ce pays agit indirectement dans l'Arctique. C'est un pays qui veut s'assurer d'avoir un approvisionnement énergétique. La Chine a des fonds importants, mais pas la Russie. Je ne suis pas entièrement convaincu que cette coopération est très étroite. Les deux pays nourrissent également beaucoup de soupçons l'un envers l'autre, mais ils coopèrent certainement.
    Nous devons comprendre la nature de la menace. Monsieur Harris, je crois que vous avez soulevé certains points importants lorsque vous avez demandé s'il y avait une menace directe et flagrante, et si nous pouvions croire que les États-Unis ne réagiraient pas si le Canada était directement menacé.
    J'aimerais respectueusement préciser que ce n'est pas le problème. Si la Russie envahissait un territoire canadien, et si elle attaquait ouvertement le Canada, en vertu des ententes que nous avons signées avec les États-Unis, les Américains devraient manifestement réagir. Mais cela ne se produit pas souvent dans les relations internationales.
    Les menaces peuvent être subtiles; elles peuvent être ponctuelles, et c'est dans ces cas-là que nous devons préparer une réponse. C'est pourquoi, lorsqu'il s'agit des trois niveaux de défense, il ne faut pas oublier le troisième niveau. Ce n'est pas une question de pourcentage — nous dépensons 1,1 %, 1,5 %, 2 %. Dépensons-nous suffisamment pour garantir notre souveraineté? Nous assurons-nous d'être en sécurité? Pouvons-nous compter sur un allié qui a prouvé qu'il n'était pas particulièrement fiable dans bien des cas? Renforçons-nous ce troisième niveau, tout en renforçant les autres niveaux de façon diplomatique et continue?
    Oui, nous avons une bonne coopération avec les États-Unis, mais couvre-t-elle tout le spectre? Nous ne savons pas de quelles façons nous serons mis à l'épreuve. Pouvons-nous donc nous permettre de ne pas avoir la capacité nécessaire dans l'Arctique de défendre nous-mêmes directement certains intérêts essentiels, et de ne pas avoir de puissance aérienne? Pouvons-nous nous permettre de ne pas avoir de brise-glaces qui sont nécessaires pour ouvrir le passage? C'est ce que nous devons nous demander. Prenons-nous notre souveraineté au sérieux? Prenons-nous au sérieux le danger présent dans l'Arctique, non seulement en ce qui concerne la force militaire utilisée là-bas, mais également l'exploration?
    Les Russes prétendent que toute la dorsale Lomonosov leur appartient et ils revendiquent maintenant, auprès des Nations Unies, la dorsale Mendeleev. Elle couvre la plus grande partie de l'Arctique. Les antécédents de la Russie en ce qui concerne l'exploration terrestre sont catastrophiques. Pouvez-vous imaginer les répercussions sur l'environnement fragile de l'Arctique? Ce n'est pas une menace militaire directe, mais nous devons avoir la capacité nécessaire là-bas.
    C'est pourquoi nous devons examiner l'attitude de la Russie à l'égard du droit international, c'est-à-dire la mauvaise utilisation du droit international. Que se passe-t-il dans le cas de l'Ukraine? Des paroles dignes d'un livre de George Orwell, le droit international bafoué et détourné... Si nous nous préoccupons du droit international, cela doit nous inquiéter.
    Nous avons parlé de prolifération. Quel est le message? Quel est le message envoyé par l'Ukraine? L'Ukraine a abandonné ses armes nucléaires en 1994, car non seulement la Russie, mais également les États-Unis et la Grande-Bretagne, lui avait dit qu'ils assureraient l'intégrité de sa souveraineté. Si l'Ukraine avait conservé ses armes nucléaires, il est très improbable, à mon avis, que la Russie aurait pris le risque d'envahir la Crimée. Quelle est la leçon à retenir? À l'échelle internationale, la leçon à retenir en ce qui concerne la prolifération, c'est que si vous avez des armes nucléaires, conservez-les, et si vous n'en avez pas, procurez-vous-en.
(1230)
    Merci beaucoup, monsieur Braun.
    La parole est maintenant à Mme Murray; elle a cinq minutes.
    J'aimerais vous poser des questions sur des enjeux différents.
    Monsieur Robertson, vous avez mentionné, je pense, les éléments clés de la défense, c'est-à-dire la terre, la mer, l'air, l'espace et le cyberespace. J'aimerais poser quelques questions sur le cyberespace en ce qui concerne la défense du Canada et celle de l'Amérique du Nord.
    Récemment, le Centre de la sécurité des télécommunications Canada a soulevé la controverse en suivant les Canadiens par l'entremise de leur adresse IP, afin de créer un cadre d'analyse. De plus, on se demande avec inquiétude si de grandes quantités de données sont recueillies par le gouvernement sans mandat, et peut-être en vertu des pouvoirs des ministères. Enfin, les activités du CSTC ne sont pas vraiment assujetties à un mécanisme de reddition de comptes à la population par l'entremise du Parlement, et cela soulève également la controverse.
    Dans le cadre de nos efforts en vue d'atteindre un équilibre entre la protection des renseignements personnels, afin que les gens ne se sentent pas surveillés à chaque pas, et la mise en oeuvre des mesures de sécurité qui nous permettent de recueillir les renseignements nécessaires pour répondre à nos besoins réels en matière de sécurité, y a-t-il des améliorations à apporter à la production de rapports et aux autorisations?
    Quels sont les avantages et les inconvénients liés à la mise en oeuvre de ce système, étant donné qu'il est si différent du Groupe des cinq, car il n'exige pas de mandat, d'autorisation de diffusion et de reddition de comptes?
    J'aimerais seulement dire quelques mots, car je sais qu'il s'agit d'un domaine dans lequel M. Braun a une certaine expertise. J'aimerais seulement préciser, madame, que les enjeux que vous avez soulevés concernent non seulement les Canadiens, mais également les Américains et les Européens. Partout dans le monde, on se penche sur ces enjeux, et surtout dans les sociétés ouvertes.
    Dans les sociétés fermées, on traite ces enjeux de façon différente. On recueille...
    Je crois qu'il s'agit de bonnes questions pour lancer un débat, et je crois qu'au bout du compte, les décisions seront prises par le Parlement. Les lois que nous adoptons pour décider — il s'agit d'un nouveau domaine, car il y a 10 ans, ce n'était pas vraiment un enjeu, mais c'est certainement un enjeu très important aujourd'hui.
    À mon avis, il faut atteindre un équilibre en ce qui concerne la sécurité et la protection des renseignements. Je penche personnellement du côté de la protection des renseignements personnels, mais je crois qu'il faut également s'assurer que les besoins collectifs en matière de sécurité sont comblés. Je crois que le débat en cours aux États-Unis reflète assez fidèlement la discussion que nous avons en ce moment sur le degré d'intervention de l'État. Certains des exemples que donnent les dirigeants étrangers ou les participants à certains sommets me semblent certainement dépasser les bornes.
    Croyez-vous que nous avons atteint le bon équilibre, ou reste-t-il du travail à faire pour atteindre cet équilibre?
    Je crois que nous en sommes encore aux premières étapes. On pourrait comparer la situation à la période qui a suivi l'invention du téléphone, car il faut du temps pour déterminer toutes les répercussions qui seront engendrées. Je ne crois pas que nous ayons atteint cet équilibre. Je sais qu'aux États-Unis, la Cour suprême et les tribunaux ont étudié cette question, et je sais qu'en tant que parlementaires, vous y ferez également face.
    Je ne connais pas la réponse. On a effectué beaucoup de travaux et de recherches.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Braun, car je sais qu'il se penche sur cette question.
(1235)
    Nous savons qu'au XXI e siècle, un autre élément lié à la guerre concerne la guerre cybernétique, et nous savons qu'elle gagne en puissance, car dans une certaine mesure, tous les pays — mais surtout la Chine, les États-Unis et la Russie — consacrent de vastes ressources à ce type de guerre.
    Dans un sens, le problème, c'est qu'il faut se protéger contre la guerre cybernétique. Il faut comprendre ce type de guerre, mais les démocraties ont également l'obligation de protéger les droits de leurs citoyens. C'est ce que nous tentons de faire. Fondamentalement, les démocraties ne cherchent pas à faire preuve de vertu, mais à protéger les droits. Il s'agit d'un enjeu extrêmement important. Dans la mesure où nous sommes des sociétés résilientes et compétentes, nous avons grand intérêt à protéger les renseignements personnels, la sécurité et les droits de nos citoyens. Toutefois, il s'agit d'un domaine qui évolue constamment et qui n'est pas très bien compris, même par les experts, car il est très segmenté.
    À mon avis, l'un des problèmes qui se posent, c'est qu'il n'y a pas de communication entre les différents domaines. Nous avons des experts en guerre cybernétique et des experts en électronique, mais ils ne parlent pas à leurs avocats, et ils ne parlent pas — ou pas assez — aux défenseurs de libertés civiles.
    Le regroupement de ces différents niveaux d'expertise est l'une des choses que nous devons faire et que les parlementaires peuvent accomplir dans le cadre de leur leadership, afin de remplacer la segmentation par l'intégration pour atteindre un équilibre qui permettra de protéger les droits nationaux et de protéger nos sociétés démocratiques contre des opposants potentiels.
    Merci beaucoup, monsieur Braun.
    La parole est maintenant à M. Williamson; il a cinq minutes.
    Je suis heureux de vous voir tous les deux aujourd'hui.
    Mon collègue de l'autre côté semblait surpris à l'idée que la Corée du Nord pourrait obtenir la permission de mettre au point des armes nucléaires de capacité continentale, ce qui leur permettrait d'atteindre l'Amérique du Nord, et c'est pourquoi j'aimerais que nous examinions un exemple réel ailleurs dans le monde.
    N'est-il pas exact que la politique énoncée par l'administration actuelle et les administrations précédentes des États-Unis visait à ne pas permettre à l'Iran de mettre au point des armes nucléaires?
    Oui, aux États-Unis, le président Obama, comme d'autres présidents américains, a déclaré que l'enjeu qui l'inquiète vraiment, c'est la prolifération nucléaire. Le président Obama a lancé, il y a quelques années, à Philadelphie... Il y a eu des réunions depuis à Séoul et en Europe pour tenter d'empêcher l'irréparable de se produire. Cela comprend la participation et l'appui de ceux qui ont ces armes, y compris la Russie.
    À votre avis, comment les choses se passent-elles? On semble maintenant croire que l'Iran se dirige dans cette voie. Les États-Unis ont perdu leur élan en ce qui concerne cet enjeu. Quel est votre avis à l'égard de la voie suivie par l'Iran?
    Ce qui m'encourage, c'est que les pourparlers de Genève se poursuivent, mais ils n'aboutissent pas aussi rapidement que nous le souhaitons. Je suis encouragé par certaines des discussions que j'ai organisées à Washington avec des experts sur ce qu'on appelle le projet sur l'Iran, et auxquelles ont participé de nombreux Américains extrêmement bien informés et qui ont une vaste expérience. L'objectif, au bout du compte, est d'empêcher l'Iran d'acquérir la capacité nucléaire nécessaire pour fabriquer des armes. Je crois que c'est l'objectif de la plupart des pays, dont le Canada. Vous continuez de vous attaquer à cet enjeu, mais en même temps, il faut se préparer pour le pire, et c'est pourquoi j'ai répondu à M. Harris que si nous avons accès à un dispositif de protection et qu'on prévoit des ennuis, nous voulons profiter de cette protection.
    C'est exactement ce que j'allais dire. Les Américains ne mettent pas en place cette protection au-dessus de l'Amérique du Nord dans l'espoir que la Corée du Nord construira un missile, mais pour se préparer au jour où cela pourrait justement arriver.
    Pourriez-vous approfondir le sujet, s'il vous plaît?
    Oui, monsieur, c'est bien cela. Encore une fois, les six puissances, y compris la Chine... La Chine prend la tête. La Chine ne veut pas que les Coréens du Nord augmentent leur capacité. Je crois que tout le monde comprend cela. Personne ne veut qu'on commette l'irréparable. Je ne crois pas que les Russes le souhaitent non plus. J'ai discuté avec des représentants de la Russie, et je les crois lorsqu'ils disent qu'ils ne veulent pas que l'Iran acquière la capacité de produire des armes nucléaires, car la relation Iran-Russie n'a pas toujours été très amicale. Nous souhaitons tous empêcher l'irréparable de se produire, mais nous vivons dans le monde réel et nous nous efforçons de créer le monde dans lequel nous aimerions vivre.
(1240)
    Il me semble que nous avons deux choix. Nous pourrions retourner... Nous pourrions continuer d'utiliser l'approche traditionnelle, c'est-à-dire la destruction mutuelle assurée, ou nous pourrions examiner les solutions de rechange, et c'est ce que Washington est déjà en train de faire, c'est-à-dire examiner la faisabilité, la possibilité et la construction d'une défense antimissiles. Êtes-vous d'accord avec cela? Ce sont vraiment les deux choix. Il y a peut-être un autre choix.
    Je crois qu'il y a une série de choix, mais je pense également qu'étant donné l'évaluation des menaces, qui n'a pas été effectuée par moi-même, mais par des experts auxquels je fais confiance, dans les circonstances du Canada aujourd'hui, tout comme les 27 autres membres de l'OTAN et nos partenaires dans le Pacifique, l'Australie, la Corée, le Japon... Ce sont des pays sérieux qui ont décidé de souscrire à une police d'assurance. Il y a maintenant une menace potentielle à l'égard du Canada, et je crois qu'en raison de cette menace, nous devrions tirer parti de l'invitation. Les Américains ne nous obligent à rien, mais cette invitation à souscrire à la police d'assurance et à profiter de cette protection si elle est mise en oeuvre représente un choix très sensé.
    Si j'habitais à Saskatoon ou à Edmonton — et j'ai de la famille là-bas —, c'est ce que je souhaiterais.
    Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Robertson.
    Madame Michaud, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie beaucoup.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier les témoins de leurs présentations. Ma première question s'adresse à M. Robertson.
    Toutefois, monsieur Braun, vous aurez la possibilité de faire des commentaires, s'il y a lieu.
    Monsieur Robertson, lors de votre présentation, vous nous avez parlé des grands besoins du Canada en matière d'équipement militaire et, donc, des lacunes majeures sur le plan de notre matériel actuel. Vous avez aussi mentionné le besoin d'améliorer le processus d'acquisition de matériel militaire pour combler ces besoins. Notamment, vous avez beaucoup parlé de bateaux, de brise-glaces et de frégates, pour lesquels il y a présentement de très grands retards. Nous ne sommes pas capables de combler nos besoins rapidement.
    Ces lacunes du processus d'acquisition militaire pourraient-elles être considérées comme une menace potentielle à la sécurité du Canada? Avez-vous des modifications au processus actuel à nous suggérer rapidement?
    Madame, je veux juste dire que la situation de l'approvisionnement et de l'acquisition est très difficile partout dans le monde. J'ai parlé avec beaucoup d'experts. Tout le monde me dit que c'est très difficile.
    Selon l'ancien secrétaire d'État à la Défense des États-Unis William Perry, le plus important est de respecter l'échéancier tout en achetant des choses disponibles pour tout le monde.
    Parlez-vous de choses qui existent déjà? Il ne s'agit donc pas d'avoir nécessairement les capacités de tout construire chez nous, au Canada, mais plutôt de se prévaloir du matériel qui existe déjà dans le monde et qui est déjà utilisé par de nombreux alliés.
    Ai-je bien saisie votre dernière intervention?
    Oui, madame.
    La plupart de nos achats proviennent de producteurs outre-mer. Nous faisons partie d'une chaîne d'approvisionnement. C'est très important pour nous. C'est notre niche. Si nous achetons pour l'avenir, nous allons acheter outre-mer.
    Par ailleurs, nous avons une industrie au Canada, au Québec, qui est très importante pour nous parce qu'elle produit des emplois pour les Canadiens. C'est un équilibre. Heureusement, depuis 1941, nous avons une entente avec les Américains, l'Accord sur le partage du développement industriel pour la défense intervenu entre le Canada et les États-Unis d’Amérique, qui a bien servi les Canadiens.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    La coopération en matière d'approvisionnement est un phénomène qui s'étend à l'échelle mondiale. Aucun pays n'a la capacité de tout faire par lui-même, et cela comprend les États-Unis. Les Américains importent des véhicules aériens sans pilote et d'autres choses. Nous devons coopérer avec eux. Certaines de nos entreprises, par exemple Bombardier, BlackBerry et Bell, ont la capacité nécessaire. Le problème, c'est que lorsque les dépenses et les acquisitions sont très peu élevées dans le domaine de la défense — et c'est le cas au Canada, surtout en ce qui concerne nos besoins —, nous réduisons notre droit à la parole. En ce qui a trait à l'approvisionnement d'aéronefs, si vous en achetez peu, vous êtes chanceux d'obtenir moins relativement au contrat de coopération.
(1245)

[Français]

    Comme vous parlez de coût, si vous me le permettez, je vais poser une autre question à ce propos. Je voudrais passer à un autre sujet qui est lié en partie aux dépenses militaires.
    Vous avez mentionné que vous considériez qu'il serait important que le Canada participe au système de défense antimissile. Jusqu'à présent, le professeur Philippe Lagassé a été le seul témoin de ce comité à avoir dit qu'il pourrait n'y avoir aucun coût supplémentaire pour le Canada s'il voulait accroître sa participation dans ce domaine. Les autres témoins nous ont tous dit que c'était assez invraisemblable et qu'en fait, il faudrait accroître substantiellement notre participation.
    Avez-vous une idée des coûts qui pourraient être engendrés pour le Canada dans une telle participation?
    Franchement, madame, je n'en ai aucune idée.
    Je peux toutefois dire que j'ai parlé avec des Américains. Comme ils ont déjà construit l'édifice, on estime que les coûts seraient minimes parce qu'il est déjà fait. Maintenant, on protège les renseignements grâce à l'Accord du NORAD.
    Les installations actuelles seraient-elles suffisantes? Prévoyez-vous des investissements supplémentaires de la part du Canada, que ce soit en ressources matérielles, humaines ou financières?
    Franchement, on ne peut pas être absolument certain, parce que la menace change.
    Nous avons des satellites et d'autres équipements qui sont peut-être déjà utilisés. Cela dépend de ce qui se passe du côté de la Corée du Nord et des autres pays. Si la situation change... Il y a trois mois, qui aurait prévu que les Russes décideraient d'envahir l'Ukraine?

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Robertson.
    Madame Gallant, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de poser mes questions, j'aimerais apporter une correction pour le compte rendu. Les libéraux ont adopté la devise de Joseph Goebbel selon laquelle si vous racontez un mensonge assez gros et que vous n'arrêtez pas de le répéter, les gens vont finir par le croire. On a dit que le gouvernement du Canada suivait les Canadiens par l'entremise de leur adresse IP. Dans son témoignage, le commissaire au CSTC a affirmé qu'on exigeait des mandats dans ces cas et que cet organisme n'avait commis aucun acte répréhensible.
    Cela dit, j'ai quelques questions pour M. Braun. Les États-Unis ont souvent répété, pendant nos réunions de l'OTAN-AP, qu'en ce qui concerne la DMB, ils souhaitaient coopérer avec les Russes. Même s'ils ont des missiles pointés vers leurs voisins de l'Europe de l'Est, l'intention de la DMB était d'installer des capteurs et de réagir seulement en mode défensif, contrairement à eux, car ils sont en mode offensif.
    Étant donné ce qui s'est produit en Crimée au cours des dernières semaines, à votre avis, va-t-on reconsidérer les choses?
    Les sages décideurs s'adaptent toujours aux nouvelles situations. Il faut se demander si l'administration Obama est prête à le faire.
    Je suis sûr que vous savez que l'entente prévoyait une défense antimissile renforcée dans l'Europe de l'Est. En Pologne et en République tchèque, les gouvernements ont fait face à la critique de leur population.
    Lorsque le président Obama est arrivé, il a changé cela derrière l'idée de repartir à zéro... l'idée selon laquelle en quelque sorte, la Russie pourrait être amenée à coopérer davantage si les États-Unis étaient plus ouverts. Ce que les États-Unis ont proposé et ce qui est mis en oeuvre est bien moindre que ce que l'on prévoyait au départ. Je pense qu'il y a de bonnes raisons à cette étape-ci d'essayer de rassurer les alliés de l'Europe de l'Est sur l'importance des garanties de sécurité, la raison pour laquelle ils se sont joints à l'OTAN, et que cela inclut la DAB.
    Je ne sais pas si l'administration américaine est prête à faire cela. Si nous examinons le régime de sanctions qu'ils ont imposé, c'est une initiative réactive et non active ou proactive. Cela n'a pas du tout eu l'effet désiré et, par conséquent, n'a pas dissuadé la Russie. Je pense qu'il y a un très grave problème.
    Maintenant, les États-Unis ont dit que la DAB ou le MAMB ne visait pas la Russie, mais l'Iran. Je suis beaucoup moins optimiste que mon collègue au sujet de l'Iran. Je crois que les négociations ne permettront pas de réaliser l'objectif voulu. La situation a changé, et il ne s'agit pas seulement d'un changement sémantique, mais d'un changement conceptuel, et il y a une grande division entre Israël et les États-Unis.
    Israël dit que ce qui aurait dû se passer dans le cas de l'Iran, c'est que l'Iran ne devait avoir aucune capacité. Cependant, l'administration Obama dit maintenant qu'il n'aura pas de capacité de projection — eh bien, pas une petite capacité. Ce n'est pas la même chose; c'est vraiment très différent.
    L'autre chose concernant l'Iran, c'est que lorsque l'on parle de la capacité nucléaire, il ne s'agit pas seulement de l'arme en tant que telle, mais des dispositifs de lancement. Le pays s'est lancé à fond de train dans son projet sophistiqué de développement de dispositifs de lancement à longue portée, qui peut atteindre n'importe quelle région de l'Europe, et il pourrait finir par avoir une capacité qui atteint des régions encore plus éloignées.
    L'Europe est menacée sur différents plans, et le Canada pourrait finir par l'être également. Nous dépendons beaucoup des dirigeants américains. Les Américains ont les capacités qu'il faut; il faut déterminer si diriger à l'arrière-plan peut être considéré comme du leadership.
(1250)
    Merci.
    Monsieur Braun, en ce qui concerne l'OTAN, on nous dit que nous entrons maintenant dans la troisième phase. On nous dit de voir l'énergie comme un outil servant à résoudre des problèmes géopolitiques, comme la question de la sécurité des approvisionnements. Le Partenariat transpacifique et l'AECG, de même que la version américaine, peuvent fournir un second point d'ancrage pour unir nos sociétés.
    Puisque vous avez parlé d'énergie, pouvez-vous nous parler des différentes mesures que nous pourrions prendre en ce sens?
    Je suis sûr que vous et d'autres personnes ici savez qu'au départ, l'OTAN n'a jamais été conçue pour être exclusivement une organisation militaire. C'était également une organisation politique, et les politiques doivent être interprétées de façon large. Si vous regardez les critères à respecter pour faire partie de l'OTAN, il y a des critères politiques et des attentes. L'énergie, surtout dans le cas de la Russie, fait partie des considérations politiques. Nous l'avons vu à maintes reprises.
    La coopération dans le secteur de l'énergie comme moyen de défense et de dissuasion est particulièrement importante. Des mesures ont été prises pour ce qui est de l'énergie à débit inverse. C'est très difficile. Par exemple, l'une des mesures qui est prise mais pas assez efficacement, c'est que l'Ukraine recevra du gaz naturel par la Slovaquie, qui a la capacité de...
    Merci beaucoup, monsieur Braun. Le temps est écoulé depuis un moment.
    C'est maintenant au tour de M. Harris, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Robertson, j'ai béni ce que vous avez dit sur Edmonton et Saskatoon. Ce sera intégré dans une brochure politique aux prochaines élections. Je sais ce que vous vouliez dire. Je voudrais répliquer avec les observations qu'a faites le sous-ministre des politiques du MDN. Il a dit que le Canada ne fait l'objet d'aucune menace directe ou imminente, et les gens de Saskatoon et d'Edmonton peuvent dormir la nuit, comme c'était le cas pour nous, en passant, et probablement pour vous, en 1962, soit au beau milieu de la guerre froide lorsque nous étions confrontés à un risque potentiel imminent.
    Monsieur Braun, j'ai écouté avec intérêt vos observations sur la Russie et la nécessité d'avoir des brise-glaces. Nous, les gens de Terre-Neuve-et-Labrador, nous pensons que l'achat de brise-glaces est une excellente chose, et nous en avons besoin pour les traversiers qui se rendent au Labrador et qui en reviennent. Ils sont très importants pour nous, et je suis d'accord avec vous à cet égard. Toutefois, encore une fois, bon nombre d'Américains, de Canadiens et de témoins nous ont dit que l'Arctique n'est pas une zone de guerre, et il est peu probable qu'il le devienne. C'est un élément de préoccupation différent. Comme vous le dites, il nous faut augmenter les capacités dans l'Arctique nous permettant d'agir et de protéger l'environnement, et ce sont des menaces potentielles, d'autant plus que les changements climatiques peuvent les renforcer davantage.
    Je reviendrais à vous, monsieur Robertson, sur la question des dépenses en défense. Il est probable que cette aspiration — c'est ainsi que je l'appelle — de l'OTAN ne se réalisera pas. En fait, il ne semble y avoir aucune volonté dans quelque région que ce soit au Canada d'accroître les dépenses en défense.
    Quelles devraient être les priorités du Canada dans la défense de l'Amérique du Nord, si l'on tient compte des préoccupations de M. Braun au sujet de la souveraineté et de notre grand périmètre de sécurité, le besoin de surveillance, etc.? Quelles devraient être nos priorités? Pouvez-vous en dire davantage sur l'idée selon laquelle le Mexique doit participer à la défense de l'Amérique du Nord, ou qu'il joue un rôle de plus en plus important. Pourriez-vous nous en dire davantage à cet égard?
(1255)
    Monsieur Harris, je ferais peut-être quelques observations.
    Nous voulons nous assurer que l'Arctique ne devienne pas une zone de guerre. La meilleure façon de s'en assurer, c'est d'éliminer les risques. Lorsque nous voyons les Russes faire des revendications saugrenues sur de vastes parties de l'Arctique, chercher à obtenir de l'énergie sans trop se soucier de l'écologie fragile, se moquer carrément du droit international, ce qu'ils font, il est essentiel que nous prenions des mesures raisonnables, tant sur le plan matériel que logiciel, pour essayer de faire obstacle à cet enhardissement d'un régime qui se comporte de plus en plus comme un État voyou plutôt que comme un membre responsable de la communauté internationale.
    Souvent, nous n'avons pas le choix. Je préférerais que l'argent soit investi en éducation ou dans nos soins de santé plutôt que dans la défense, mais nous avons des responsabilités envers nos citoyens. De plus, nous faisons partie d'un certain nombre d'alliances, et nous avons des responsabilités à l'égard de nos alliés également. Il nous faut développer différentes capacités.
    Je crois qu'en tant qu'État industrialisé et avancé, le Canada joue un rôle moteur dans le monde. C'est l'un des pays les plus importants au monde. Nous défendons la démocratie, ce qui doit être pris au sérieux, et cela comporte l'obligation de faire ce qui est nécessaire, et c'est parfois très difficile. Comme je l'ai dit plus tôt, la dissuasion a son prix.
    En ce qui concerne les priorités, ce sur quoi portait la question, je pense que les Canadiens appuieraient cela, car nous sommes des gens du monde. À Toronto, la moitié des gens sont nés à l'étranger. Nous nous sommes toujours enorgueillis de ce que nous faisons à l'étranger, et en partie par notre service diplomatique, qu'il coûte beaucoup moins cher de préserver. Les dirigeants militaires vous le diront: il est de loin préférable que nous réglions les problèmes par la voie diplomatique, car lorsque nous utilisons les forces militaires, cela ne règle pas toujours le problème. De plus, comme nous le savons, cela coûte très cher.
     Pour ce qui est du Mexique, je crois que ce pays a beaucoup progressé. Il est partie prenante de l'Accord de libre-échange nord-américain; c'est un pays partenaire. Parfois, les Mexicains sont aux prises avec des problèmes liés aux drogues sur la frontière nord et d'autres problèmes pour lesquels nous pourrions leur être utiles. Nous avons des frégates là-bas ainsi que des sous-marins pour les problèmes liés à la drogue entre autres. Nous pourrions aider les Mexicains davantage. Je crois que le Mexique deviendra un partenaire du NORAD un jour, ce qui serait logique.
    Merci beaucoup, monsieur Robertson.
    Avant que nous passions au prochain intervenant, il y a une question que le président a pratiquement déjà posée à deux autres témoins. Elle porte sur une question qui a été soulevée par M. Robertson au sujet de l'angoisse concernant l'acquisition.
    Notre pays est sur le point de remplacer un appareil très dispendieux, le F-18. Je pense que vous connaissez le dossier et je n'entrerai donc pas dans les détails. Nous avons un choix. Nous pouvons acheter un autre appareil que le F-35, pour lequel nous faisons partie d'un consortium, et tirer des avantages régionaux pour chaque appareil acheté. Toutefois, nous pourrions choisir le F-35 et avoir la possibilité de tirer des avantages économiques pour chaque appareil produit; je crois qu'on parle de centaines. L'un des autres avantages, c'est l'interopérabilité, car le consortium est composé de bon nombre de nos alliés de l'OTAN.
    J'aimerais que vous fassiez tous les deux parvenir par écrit vos observations au comité à cet égard, car je ne veux pas enlever plus de temps de parole aux députés.
    C'est au tour de M. Opitz, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai déjà été membre du comité et je suis heureux d'être ici aujourd'hui. Je savais que vous seriez ici, et je suis désolé d'avoir manqué vos exposés.
    Monsieur Robertson, vous avez raison. Notre corps diplomatique est remarquable. Il est composé de personnes très compétentes, expérimentées, intelligentes qui connaissent leurs dossiers et travaillent d'arrache-pied. L'approche pangouvernementale est très importante, mais nous n'avons pas encore ce qu'il faut dans ce monde pour nous passer des forces militaires. Je crois que les militaires canadiens se distinguent dans ses fonctions dans le monde.
    Mes questions seront assez générales.
    Notre premier ministre a été très clair avec les membres du G7 et d'autres pays au sujet de M. Poutine. Il a dit très clairement que M. Poutine ne veut pas être notre ami, mais bien notre rival. Je pense qu'il l'a prouvé de bien des façons. Bien entendu, l'Ouest espérait que l'intégration avec la Russie sur le plan de l'économie et de l'énergie, par exemple, calmerait la situation, et que grâce à l'intégration, les choses fonctionneraient mieux qu'auparavant. Cela a semblé être le cas pendant un certain temps, mais il est clair que depuis quelques années, il indiquait que quelque chose était sur le point de changer.
    Il y a quelques jours, un des conseillers importants de l'Union européenne a produit un article dans lequel il rapporte qu'il y a quelques années, lorsqu'il a dit que l'Ukraine était un État artificiel et que la Crimée appartiendrait toujours à la Russie, on a pris cela à la légère. J'espère que deux ans plus tard, les gens réalisent que ce n'était pas une farce et qu'il sondait déjà le terrain sur ce genre de choses.
    La Russie a sans aucun doute changé la situation géopolitique. Elle a changé la façon dont nous voyons les menaces. Nous espérions que ce ne soit pas le cas, mais c'est en grande partie les stratégies soviétiques datant de 75 ans, qui remontent à la Révolution russe. Les Russes ont perfectionné la technique...
(1300)
    Monsieur Opitz, pourriez-vous poser une question?
    Oui, d'accord. Je croyais que vous aviez dit cinq minutes, mais...
    C'est un État voyou et impérialiste.
    Monsieur Braun, quel est le rôle du Canada à votre avis? Avons-nous une responsabilité envers nos alliés, surtout ceux de l'OTAN, pour ce qui est d'assurer la stabilité énergétique?
    Monsieur Braun, auriez-vous l'obligeance de répondre à cette question par écrit au comité? Nous avons déjà bien dépassé le temps dont nous disposions. Des questions très importantes ont été posées et si vous voulez ajouter d'autres observations aux réponses que vous nous avez fournies, vous êtes parfaitement libres de le faire en communiquant avec la greffière. Le comité en serait bien ravi.
    Si vous voulez répondre par écrit à des questions auxquelles vous n'avez pas pu répondre, nous en serions très ravis.
    La séance est levée.
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