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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 042 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 décembre 2014

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Mon nom est Jack Harris. Je suis le vice-président du comité en remplacement du président qui ne pouvait pas être ici aujourd'hui. Bienvenue à la séance no 42 du Comité permanent de la défense nationale. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la défense nord-américaine.
    Nos témoins d'aujourd'hui participeront par vidéoconférence.
    Nous accueillons aujourd'hui, à titre personnel, M. Christopher Sands, professeur principal chargé de recherches, et directeur, Center for Canadian Studies, Nitze School of Advanced International Studies, Johns Hopkins University; et Charles F. Doran, professeur titulaire de la chaire Andrew W. Mellon, International Relations, Nitze School of Advanced International Studies, Johns Hopkins University. Merci d'avoir accepté notre invitation.
    Au cas où celle-ci ne vous aurait pas été expliquée, notre procédure habituelle est de laisser environ 10 minutes aux témoins pour nous présenter leur exposé, après quoi nous avons une ou deux séries de questions de la part des membres du comité.
    Nous allons commencer par le professeur Sands. Vous avez la parole.
    Je tiens à remercier le comité de nous permettre de témoigner par vidéoconférence. C’est certainement beaucoup plus facile ainsi pour nous. Je suis très honoré de pouvoir participer à votre étude sur les besoins futurs des États-Unis, du Canada et de l’Amérique du Nord en matière de défense.
    Nous devons composer avec de vieilles menaces ainsi qu’avec de nouvelles. Nous devons défendre le continent contre des attaques militaires conventionnelles, mais aussi contre des cyberattaques, des pandémies, comme celles du virus Ebola qui menacent la santé de nos citoyens, et du terrorisme d’origine nationale, une menace qu’Ottawa connaît trop bien. Je sais que vous êtes nombreux à avoir essuyé une telle attaque il y a quelques mois. Nos propres citoyens sont influencés par des idéologies étrangères et peuvent donc constituer un danger pour nous.
    À bien des égards, la défense nationale s’est transformée; composée habituellement d’activités militaires expéditionnaires ou outre-mer, elle inclut maintenant la participation des agences traditionnelles d’application de la loi et des agents de la paix ici même au pays. Les agents des services frontaliers, le ministère de la Sécurité publique et la GRC ont aussi un rôle à jouer dans la sécurité des citoyens et des entreprises ayant des intérêts ici et à l’étranger. Dans le monde hautement interdépendant d’aujourd’hui où l’économie et notre gagne-pain sont liés à des réseaux financiers, au mouvement des personnes et à des chaînes d’approvisionnement très dynamiques, on ne peut rester indifférent aux situations qui surgissent dans toutes les sphères nationales et internationales.
    À cet égard, s’il y a une chose que j’aimerais que vous reteniez, c’est que les États-Unis et le Canada doivent être tous les deux disposés à dépenser davantage en matière de sécurité nationale pour faire face à cette réalité. Je sais que ce n’est jamais une chose facile. Il y a de nombreuses priorités à considérer dans les budgets, mais nos deux pays jouissent des retombées de la paix sans vraiment être en paix.
    Nos dépenses en matière de sécurité ont été réduites, alors que les menaces continuent de se multiplier. Cela ne signifie pas qu’il faut dépenser autant qu’avant. Il faut plutôt dépenser plus intelligemment. La technologie nous offre de nombreuses possibilités d'accroître le retour sur notre investissement en défense. Je sais qu'en tant qu’élus, vous vous souciez beaucoup de l’utilisation de l’argent des contribuables, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire, à court terme, de réinvestir dans la sécurité nationale, tant aux États-Unis qu’au Canada. Nous pouvons collaborer à ce chapitre, c’est-à-dire, coordonner les améliorations que nous devons apporter respectivement à nos systèmes de sécurité pour renforcer la relation canado-américaine, mais aussi notre capacité de collaboration à l’échelle mondiale de façon à pouvoir réagir à ces menaces.
    J’aimerais parler de trois questions en particulier afin d’attirer votre attention sur ce qui constitue, à mon avis, certaines priorités pour la relation de défense entre le Canada et les États-Unis et les investissements en défense. Premièrement, améliorer notre connaissance de la situation; deuxièmement, accroître notre capacité de collaboration; et, troisièmement, accroître notre capacité générale en investissant plus intelligemment et en améliorant nos systèmes d’approvisionnement. Je parlerai brièvement de chacune de ces questions et j’espère avoir suffisamment de temps pour répondre à toutes vos questions.
    D’abord, améliorer notre connaissance de la situation. Graduellement, la guerre au terrorisme se transforme en une guerre de renseignement. Il est extrêmement important pour nous de savoir ce que font certains individus qui sont souvent très habiles pour cacher leur trace. Parallèlement, en raison de la nature des cybermenaces, nous fouillons le cyberespace afin d’y trouver les empreintes floues des pirates informatiques qui peuvent être soutenus par des États, notamment la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord.
    Aussi, les pandémies ne sont pas nécessairement le résultat d’attaques armées ou biologiques. Il peut s’agir simplement d’une menace comme le virus Ebola qui se propage, par exemple, par l’entremise de travailleurs humanitaires qui rentrent à la maison ou de personnes infectées après avoir rendu visite à des membres de leur famille. Le défi consiste à savoir quand ces gens entrent au pays, à déterminer s’ils posent un risque et à s’assurer qu’ils disposent de l’aide dont ils ont besoin, mais aussi à assurer la sécurité du public.
    En ce qui a trait au terrorisme d’origine nationale, par exemple, le genre de renseignements dont nous aurons besoin proviendra de collectivités dignes de confiance disposées à collaborer avec nos organismes d’application de la loi afin de nous alerter lorsqu’un jeune homme ou une jeune femme est radicalisé ou songe à commettre un acte violent. Il faut alors les intercepter avant qui'ils ne s’en prennent à eux-mêmes ou à autrui.
(1540)
    Dans ce contexte, il est très important de s’appuyer sur la collecte traditionnelle de renseignements, mais aussi sur nos forces policières nationales. Il est également important de développer de nouvelles aptitudes à travailler dans le cyberespace, notamment, afin d’en savoir davantage sur les activités qui se déroulent sur notre territoire et de déceler les menaces avant qu’elles ne deviennent des dangers réels.
    Cela m'amène à la deuxième question: améliorer notre capacité de collaboration. Certains d’entre vous se souviendront qu’en 1986, les États-Unis ont adopté la loi Goldwater-Nichols qui réorganisait la capacité de défense du pays. Cette loi mettait l’accent sur l’importance de la collaboration. À l’époque, cela signifiait que la marine collaborait avec la force aérienne, que la force aérienne collaborait avec la force terrestre et que toutes les forces collaboraient avec les marines afin de coordonner les attaques et l’utilisation des ressources, de l’équipement et des munitions de façon à ce que toutes les forces américaines travaillent plus efficacement ensemble.
    Cette mission est aussi importante que jamais, mais elle a pris une autre dimension. Elle s’est élargie de deux façons. D’abord, il faut coordonner les forces nationales et internationales. La création du US. Northern Command après les événements du 11 septembre fut un pas important dans cette direction. Ce commandement demeure le deuxième intervenant dans de nombreuses situations domestiques et apporte un soutien au Canada et au Mexique, au besoin, une aide essentielle, notamment sur le plan logistique après un ouragan ou un tremblement de terre. Le commandement sert aussi de mécanisme de coordination pour communiquer avec les premiers intervenants locaux afin de s’assurer qu'ils disposent de l'information et des ressources nécessaires pour intervenir en toutes circonstances, que ce soient les Olympiques de Vancouver ou le Superbowl lorsque celui-ci a lieu à Détroit, donc des deux côtés de la frontière.
    Cette collaboration va dans les deux sens. Notre capacité de collaboration interfrontalière, non seulement aux plus hauts échelons, mais dans l’ensemble du système de sécurité, est importante, tout comme notre capacité à travailler main dans le gant avec les sources nationales et militaires. Le but est d’accroître notre capacité grâce à la collaboration et d’obtenir un meilleur retour sur nos investissements plutôt que de doubler nos efforts ou de créer une redondance délibérée. Nos deux pays peuvent faire beaucoup de choses pour se soutenir mutuellement à cet égard.
    Les membres du comité savent probablement qu’en 2006, les États-Unis et le Canada ont investi dans le renouvellement du NORAD et élargi la mission de surveillance de l’organisation afin d’y inclure l’espace maritime. Parallèlement, ou dans les années subséquentes, nous avons mis au point le programme Shiprider pour la collaboration entre la GRC, la US. Coast Guard, la Garde côtière canadienne et la Marine canadienne. Dans le cadre de ce programme, les navires ont à bord un agent de l’autre pays lorsqu’ils enquêtent sur une menace ou une situation en particulier. Ainsi, lorsque le navire franchit la frontière de l’autre pays, il y a toujours un agent à bord ayant le pouvoir de mettre quelqu’un en état d’arrestation, d’enquêter ou de saisir des biens, bref, le pouvoir d’agir. Ce genre de collaboration doit aller au-delà de la surveillance maritime du NORAD.
    Fait intéressant, ces deux initiatives fonctionnent en silos. La première relève du côté militaire, alors que la seconde relève de ce que nous appelons aux États-Unis la « homeland security », ou la sécurité publique, au Canada. La nécessité d’établir un lien entre ces deux initiatives illustre bien le défi que nous devons relever au cours des prochaines années.
    Cela m’amène à la troisième question dont j’aimerais parler: l’acquisition de nouvelles aptitudes. Les incroyables percées technologiques que nous connaissons de nos jours sont prometteuses, notamment les drones de surveillance, la reconnaissance par satellite, et, bien entendu, les protections cybernétiques élaborées grâce aux pirates informatiques recrutés pour aider nos gouvernements à protéger leurs systèmes domestiques.
    Il y a un ensemble de nouvelles ressources sur le point d’entrer en fonction qui nous obligeront à accroître nos aptitudes militaires. Cette semaine, à Washington, le sénateur John McCain, le prochain président du comité sénatorial sur les services armés — il a déjà présidé ce comité — a dit qu’une des principales priorités des États-Unis au cours des prochaines années sera la réforme des acquisitions.
    Les États-Unis dépensent beaucoup, mais comme le Canada, l'industrie américaine de la défense a dépéri et continue de dépérir. En vertu d’un nombre moins élevé de sociétés capables de présenter une soumission pour des marchés, celles qui le peuvent font souvent des soumissions basses sur des contrats à prix coûtant majoré. Donc, nous signons un accord qui semble abordable, mais lorsque le prix coûtant est majoré, on se rend compte que le coût est très élevé pour acquérir la technologie en question.
(1545)
    Nous devons faire des choix judicieux. Les ressources financières consacrées à la défense ne se multiplieront pas indéfiniment et, comme vous le savez, il y a d’autres priorités à considérer dans les budgets. Nous devons donc dépenser sagement.
    Au moment où les États-Unis amorcent une réforme fondamentale en matière d’acquisition et de processus, l’occasion est belle pour renouveler les principes de l’Accord sur le partage de la production de défense conclu en 1956 dans lequel le Canada et les États-Unis ont convenu de coordonner leur approvisionnement et de puiser dans les bases de production de l’autre afin de satisfaire leurs besoins militaires en matière de défense. Il s’agit d’une belle occasion d’approcher ensemble la réforme en matière d’acquisition afin de nous assurer que nos systèmes se soutiennent l’un et l’autre. Ainsi, le Canada pourra tirer des leçons des gains que réaliseront les États-Unis grâce à ces réformes et il pourra également nous donner quelques conseils sur la façon de dépenser judicieusement. Le Canada connaît beaucoup de succès à cet égard.
    Cela dit, je tiens à vous remercier de votre attention. Je vais céder le temps qu’il me reste à mon collègue.
    Vous avez légèrement dépassé le temps de parole qui vous était alloué, mais nous vous remercions énormément de votre participation.
    Avant de passer aux questions, nous entendrons l’exposé du professeur Doran.
    Je me limiterai à trois ou quatre sujets, après quoi nous pourrons passer à la partie importante de cette séance, soit les questions et réponses.
    On peut faire trois grandes observations au sujet de la politique mondiale d’aujourd’hui qui ont une influence sur les États-Unis et le Canada.
    Premièrement, la politique des grandes puissances est de retour. Cela ne signifie pas que les vieilles questions et les plus récentes portant sur le développement économique, l’environnement ou la lutte contre le terrorisme ont été mises de côté. On remarque que les grandes puissances commencent à s’irriter mutuellement et la tension monte. C’est une situation très différente par rapport à ce que nous vivons depuis la fin de la guerre froide ou même depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
    Deuxièmement, nous remarquons qu'il y a trois grands conflits dans le monde. Auparavant, l’accent était mis sur le conflit. À l’époque des guerres de Corée et du Vietnam, par exemple, et même en période de paix, c’était assez clair.
    Aujourd’hui, nous nous retrouvons avec trois grandes régions de conflit. D’abord, il y a un conflit le long du littoral de la Russie qui implique également l’Europe et certains pays asiatiques. Le deuxième est nouveau et représente un obstacle très sérieux. Je parle ici de la présence de l’État islamique au Moyen-Orient. Ce conflit attire beaucoup l’attention et constitue en quelque sorte le prolongement d'un conflit qui dure depuis très longtemps dans cette région. Le troisième est la confrontation entre la Chine et ses voisins dans la mer méridionale de Chine et la mer orientale de Chine. Cette confrontation ne nous concerne pas directement, mais nous touche tous, notamment en ce qui a trait au transport dans la région et à nos alliances.
    Troisièmement, des changements structurels radicaux sont en cours dans le système. Il s’agit, selon nous, du changement du cycle de puissance de certains États. Par exemple, le Japon a atteint son sommet en matière de puissance et connaît maintenant un déclin marqué. L’Union soviétique s’est effondrée en 1989 à la fin de la guerre froide et la Russie cherche maintenant à s’extraire du creux de son cycle de puissance pour retrouver sa grandeur.
    Finalement, un autre changement important risque de survenir lorsque la Chine, qui a amorcé la remontée de son cycle de puissance, atteindra ce que nous appelons un point critique de changement, c’est-à-dire le moment où son pouvoir continue d’augmenter, mais à un rythme soudainement plus lent. La Chine aura beaucoup de difficultés à gérer ce changement, notamment en ce qui a trait à sa relation avec Taïwan. Non seulement sera-t-elle touchée par ce changement, mais nous le serons tous, y compris le Canada. Ce changement touchera les États-Unis de diverses façons; l’État devra notamment apporter des ajustements nécessaires pour gérer ces transitions.
    La politique mondiale vit des changements importants.
    En ce qui concerne les relations bilatérales, il existe, à mon avis, de nombreux secteurs de convergence et de coordination. Le secteur du pétrole est un de ceux ayant un impact important en matière de défense.
(1550)
    Il y a, bien entendu, le sort du pipeline Keystone. Je crois qu’il y aura des développements dans ce dossier, en raison des changements au Congrès après les élections de mi-mandat. Il y aura probablement un vote sur ce projet, mais le président, qui s’inquiète beaucoup des questions environnementales à long terme et qui vient de conclure un accord très important avec la Chine afin que celle-ci réduise sa pollution environnementale, notamment son impact sur le réchauffement climatique d’ici 2030… Ce projet de pipeline ne fait toujours pas l’unanimité et le président pourrait imposer son droit de veto si le Congrès choisit d’appuyer le projet.
    Je vais terminer mon exposé en parlant de la relation très importante et très positive entre les deux pays en ce qui concerne ce que l’on appelle le NORAD maritime. J'appuie ce concept depuis longtemps. J’ai présenté des arguments en sa faveur bien avant que cette terminologie ne soit adoptée. Je ne peux pas dire que j’ai eu un impact direct sur l’adoption de cette terminologie, mais en tant que spécialiste, j’ai défendu avec vigueur ce concept, tant au Canada qu’aux États-Unis, et je suis ravi de voir que des progrès ont été réalisés dans ce projet.
    Bien entendu, les deux gouvernements participent activement à l’identification et à la surveillance des déplacements de cargaisons illicites le long de nos côtes. Ces efforts sont coordonnés et il s’agit, selon moi, d'une façon très efficace de procéder à l’intérieur du cadre du NORAD et du NORTHCOM.
    Le mandat du NORAD maritime est simplement de faire rapport et d’informer les gouvernements en temps opportun. La prise de mesures d’interdiction relève de chaque chef de gouvernement, mais toutes ces activités sont coordonnées, ce qui est positif et essentiel. D’ailleurs, plusieurs alertes ont été déclenchées jusqu’à maintenant.
    J’aimerais souligner, en terminant, que le NORAD, dont certains avaient prédit la disparition en tant qu’organisation importante, est maintenant plus important qu’il ne l’était. En quel sens? Le NORAD s’est tourné vers les menaces à l’espace aérien. Au cours de la dernière année, plus de 400 bombardiers ont effectué des sorties le long de la côte nord-américaine, mais également près des territoires européens et des régions où la défense est une préoccupation. Il nous revient alors de déployer des chasseurs en réaction à ces sorties. Cela n’a rien de nouveau pour nous. Le NORAD a les compétences, le dévouement et l’expérience nécessaires pour traiter ce genre de situation et intervenir positivement.
    Si vous ne le permettez, j’aimerais citer le capitaine de la Marine américaine, Martin Beck, commandant du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord qui a dit: « Nous sommes de garde, et nous n’avons pas le droit d’échouer. »
    Je ne saurais dire mieux. Je crois que nous sommes entre bonnes mains. Je suis impatient de répondre à vos questions.
(1555)
    Merci beaucoup.
    Ensemble, vos exposés ont duré 20 minutes. C’est parfait. Merci beaucoup pour ces exposés.
    Nous allons amorcer la première série de questions. Chaque intervenant disposera de sept minutes pour poser des questions et obtenir des réponses.
    Monsieur Corneliu Chisu, du Parti conservateur, vous avez la parole.
    Messieurs, je vous remercie pour vos exposés.
    Je m’intéresse beaucoup à la situation en Arctique. La plupart des témoins que nous avons entendus ont dit que la détérioration des relations avec la Russie, en raison de la crise qui sévit en Ukraine, n’aura aucun impact sur les relations internationales en ce qui a trait à l’Arctique.
    Lundi, la Russie a mis sur pied son nouveau commandement stratégique mixte pour l’Arctique. Celui-ci est devenu opérationnel le 1er décembre. Le commandant de la flotte nordique, Vladimir Korolev, a annoncé que le quartier général du nouveau commandement, qui s’appuie sur la flotte nordique, sera installé à Severomorsk. Le commandement disposera également d’unités militaires, navales et de surface, de sous-marins nucléaires, et d’unités stratégiques de défense aérienne et aérospatiale, de ressources et de bases transférées à partir des districts ouest, sud et du centre, mais pas des districts militaires de l’est. Le commandement sera comparable à ces derniers.
    Le 24 novembre dernier, donc, il y a quelques semaines, le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé la création de ce nouveau commandement.
    Toute la flotte nordique relèvera de ce commandement, tout comme une partie importante de la première flotte de la Force aérienne et le commandement de la défense aérienne. Le transfert officiel se déroulera sur plusieurs semaines et se fera par l’entremise du ministère de la Défense. Ce nouveau commandement disposera également de bases aériennes et de garnisons nouvellement construites ou mises à jour et d’installations d’accostages, principalement sur territoires insulaires arctiques, y compris Novaya Zemlya et les nouvelles îles sibériennes, Wrangel Island et Cape Schmidt. Depuis octobre, celles-ci sont sous la responsabilité de la force opérationnelle interarmées et protégées par un système d’armes de défense aérienne et côtière à la fine pointe.
    La force terrestre du commandement est composée de deux brigades arctiques spéciales dont la première devrait être opérationnelle en 2015. C’est bientôt. Elle sera basée dans le village d’Alakurtti situé à 50 kilomètres de la frontière finlandaise. Cette brigade a été rétablie en mars. Il s’agit d’une flotte d’envergure dotée d’une unité du renseignement composée de 3 000 spécialistes. L’autre brigade devrait être opérationnelle en 2016 et basée quelque part dans le district autonome d’Iamalo-Nénétsie. Les travaux pour rendre ces brigades opérationnelles se font rapidement et sans interruption.
    Le 29 novembre, le chef du centre national de défense nationale, le général Mikhail Mizintsev, a dit que le projet allait inclure 13 nouveaux terrains d’aviation, des zones d’entraînement aérien et des zones de tir, des sites radar et de navigation aérienne, 150 navires de la flotte nordique et 1 200 unités et sous-unités, y compris une garnison éloignée.
    La Russie a également augmenté de plus de 30 % ses forces spéciales en Arctique, en vertu de la garnison restructurée du 61e régiment indépendant d’infanterie navale installé à la base Sputnik, à Pechenga, à l’intérieur du cercle polaire, soit à 10 miles de la frontière norvégienne et à 40 miles de la frontière finlandaise. Elle sera colocalisée avec la 200e brigade indépendante d’infanterie reformée en mai 2011.
    Souscrivez-vous à l’évaluation selon laquelle la Russie ne représente aucune menace pour le continent nord-américain?
(1600)
    Je dois d'abord préciser que je ne suis pas un spécialiste de la Russie, mais j'aimerais appuyer vos propos en y ajoutant deux observations.
    Au cours de la dernière année, pour des raisons qui sont propres à chacun des pays, les budgets de la défense des États-Unis et du Canada ont été réduits. Par exemple, aux États-Unis, nous avons eu les compressions budgétaires automatiques, ce qui a entraîné une réduction des dépenses militaires, tandis que la Russie a augmenté ses dépenses militaires de 18 %. J'ai bien dit 18 %.
    Mon deuxième commentaire — et cela concorde avec les vôtres, je pense — c'est que l'Arctique a atteint un seuil critique. Cela pourrait nous déplaire; c'est certainement mon cas. Le réchauffement climatique me préoccupe beaucoup, et il se produit à un rythme effarant. Le seuil critique dont je parle, c'est qu'avant de mettre fin à leurs activités de forage, les sociétés ExxonMobil et Rosneft ont découvert le premier gisement de pétrole exploitable d'importance, que l'on estime à trois quarts de milliard de barils de pétrole. Selon moi, cela entraînera une ruée vers le pétrole, ce qui signifie qu'il y aura un accroissement du trafic maritime dans l'Arctique. Je ne parle pas tant de navires qui traversent l'Arctique, mais de navires qui font la navette, ce qui nécessitera une surveillance. Les déploiements comme ceux que vous avez décrits préoccupent beaucoup la Russie, car elle a un long littoral ouvert dans cette région. En réalité, ce que signifient ces déploiements pour les autres pays, c'est qu'il faut les prendre très au sérieux.
    En conclusion, compte tenu de tous ces facteurs, je ne crois pas que nous — c'est-à-dire le Canada et les États-Unis, ou les Européens — accordons autant d'importance aux questions liées à la défense dans l'Arctique que nous le devrions.
    Permettez-moi d'ajouter quelque chose, très brièvement. Je pense que l'un de nos véritables problèmes, ce sont les disputes constantes entre le Canada et les États-Unis au sujet des frontières dans la mer de Beaufort. Dans la foulée de la directive décisionnelle présidentielle adoptée par le président Bush à la fin de son administration, nos efforts relativement à notre capacité d'assurer la sécurité dans l'Arctique se chevauchent. Nous travaillons à contre-courant plutôt que de collaborer. Le développement des capacités dans l'Arctique sera coûteux. Nous devrons agir rapidement pour évoluer au même rythme que les Russes et nous devrions le faire ensemble plutôt que de nous quereller et de rater cette occasion.
    Merci.
    Votre temps est écoulé, monsieur Chisu. Sept minutes exactement. Merci.
    La prochaine intervenante est Mme Michaud, du NPD.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs présentations. Je vais poser mes questions en français, en espérant que vous entendrez bien l'interprétation simultanée.
    Ma première question porte sur le système de défense antimissile.
     Au Canada, ce sujet est abordé de façon périodique. Différents témoins ont fait état de ce sujet en comité et ont exprimé des points de vue divergents. Un des témoins nous a dit qu'il pourrait être possible, pour le Canada, de participer au système de défense antimissile avec les Américains sans que notre pays augmente sa contribution financière ou matérielle. Par contre, d'autres témoins nous ont dit qu'il était totalement irréaliste de penser que le gouvernement américain accepterait une participation canadienne sans contribution supplémentaire.
    J'aimerais que les deux témoins me donnent leur avis à ce sujet.
(1605)

[Traduction]

    Merci beaucoup de la question. Il s'agit d'un problème récurrent dans les relations entre le Canada et les États-Unis. Nous parlons de défense antimissile depuis que Ronald Reagan a lancé l'idée d'une initiative de défense stratégique, et je pense que le Canada doutait que la technologie puisse fonctionner.
    Toutefois, au fil du temps, les Américains ont démontré que la technologie peut fonctionner, pas de façon parfaite, mais que les systèmes de défense antibalistique sont possibles. Certains des arguments contre les systèmes de défense antibalistique voulant qu'ils puissent entraîner une déstabilisation des relations avec d'autres pays n'ont pas été prouvés. La Russie et la Chine ont moins souvent recours aux missiles, mais le fait que des pays irresponsables comme la Corée du Nord en utilisent davantage est devenu une préoccupation pressante.
    À mon avis, le problème ne sera pas de savoir si les États-Unis refuseraient la participation du Canada. Le problème, c'est que le Canada et les gouvernements canadiens — notamment le gouvernement Chrétien, le gouvernement Martin et même le gouvernement Mulroney — ont laissé entendre que le Canada pourrait être ouvert à une participation quelconque. Par conséquent, des présidents et des secrétaires d'État américains ont proposé des mécanismes relatifs à la participation du Canada, et à chacune des occasions, le Canada a finalement renoncé à participer. C'est votre décision et je n'y vois pas de problème, mais le Canada devra poser un geste pour démontrer qu'il souhaite vraiment participer cette fois-ci. Le cas échéant, je pense que votre participation serait la bienvenue.

[Français]

     Ma question visait davantage à savoir s'il est réaliste de penser que les Américains pourraient accepter une participation canadienne sans contribution supplémentaire de notre part, c'est-à-dire sans financement additionnel ou ressources matérielles. Ma question portait plus précisément sur cet aspect.

[Traduction]

    Je ferai simplement observer que peu importe la décision qui sera prise concernant la participation canadienne, c'est manifestement une décision qui relève du Canada. C'est ce que nous comprenons. Il n'y a aucune pression ni obligation. Il y a des préférences, peut-être, mais il n'y a rien qui vise à inciter le Canada à faire quelque chose qu'il ne veut pas faire.
    La question est simplement de savoir — et je dis « simplement » parce que nous savons à quel point les ressources sont rares — si ces fonds seront disponibles, et je suppose que les deux gouvernements pourraient en arriver à un arrangement. Je crois comprendre que les problèmes ne sont pas seulement liés au financement. Il semble y avoir une divergence d'opinions concernant la mise en oeuvre de cet effort concerté, la réussite de ce système de défense antimissile balistique et les règles à adopter cet égard.
    En conclusion, je dirais que ce que les gens doivent comprendre, tant aux États-Unis qu'au Canada, c'est que depuis longtemps, les Canadiens et les Américains se tiennent au courant des décisions stratégiques pour que leurs gouvernements respectifs soient informés des diverses menaces liées à l'espace aérien. À ma connaissance, c'est une réussite. Peu de raisons semblent justifier l'arrêt d'une telle collaboration et d'une telle coordination ou empêcher les deux pays de collaborer dans le secteur de la défense antimissile si les deux gouvernements veulent aller dans cette direction.
(1610)

[Français]

    Je vais passer à un autre sujet et vous demander de répondre brièvement parce qu'il ne me reste que très peu de temps.
    On sait que le gouvernement américain a déjà commencé à regarder au-delà des avions de chasse furtifs F-35, qui sont de cinquième génération. Ils ont déjà commencé à travailler sur des avions de chasse de sixième génération.
    Quelle incidence cela peut-il avoir sur le NORAD? Au plan de l'harmonisation des normes, quel effet pourrait avoir l'acquisition par le Canada d'avions F-35 ou d'un autre type de chasseurs de cinquième génération sur les opérations du NORAD?

[Traduction]

    Il ne reste qu'une minute, environ.
    En guise de réponse, très brièvement, l'un des principaux avantages des capacités de furtivité, c'est leur utilité en situation de combat. Elles sont très importantes dans des régions comme le Moyen-Orient, et en ce qui concerne la défense du continent, les capacités de furtivité ne sont pas nécessaires, car il suffit d'être capable de détecter l'ennemi. Donc, le NORAD pourra fonctionner pendant quelque temps avec des chasseurs de cinquième génération, voire de quatrième génération, tandis que l'on développera les capacités destinées à des situations plus dangereuses où il est plus probable que notre présence soit détectée et contrée par des forces au sol.
    Allez-y, monsieur.
    Monsieur le président, à mon avis, ces avions sont d'excellents appareils. En fait, il a été démontré à l'échelle internationale que ce sont des aéronefs extrêmement manoeuvrables et rapides. Plus important encore, ce sont des appareils furtifs.
    Il y a toutefois des changements technologiques très importants dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la capacité de puissance de feu, mais dans le contexte du NORAD, je ne pense pas que ce soit l'enjeu majeur. Ces appareils sont d'abord conçus pour détecter les menaces aérobies et pour éviter d'être détectés par elles. Les appareils semblent être très efficaces dans les missions pour lesquelles ils ont été conçus.
    Merci, monsieur.
    La prochaine intervenante est Mme Cheryl Gallant, pour le Parti conservateur.
    Monsieur Sands, quelles mesures le Canada devrait-il prendre pour contrer les menaces provenant de technologies qui deviennent de plus en plus courantes, comme les drones?
    Merci beaucoup de la question.
    Je pense qu'il serait très important que nos deux gouvernements approfondissent d'abord leurs connaissances sur les drones. Le Canada a participé activement à nos programmes sur les drones en Afghanistan. À mon avis, lorsque les responsables militaires canadiens connaîtront mieux les drones, ce sera utile.
    Deuxièmement, nous voyons de plus en plus de drones dans l'espace aérien civil étant donné que les services d'application de la loi ont recours aux drones plutôt qu'aux hélicoptères pour la surveillance aérienne de certaines situations comme les manifestations publiques. Il est très important d'être conscients de ce fait.
    Troisièmement, on commence à voir des drones près des aéroports, et ils pourraient représenter une menace pour les avions de ligne civils. Il y a eu un incident de ce genre à Vancouver l'an dernier. Par rapport à ces incidents, nous devrons réfléchir aux contre-mesures efficaces qui devront être prises ainsi qu'à la réglementation nationale. Devrait-on avoir un permis pour piloter un drone? Devrait-on exiger une autorisation pour faire voler un drone dans l'espace aérien national, comme on exige un permis pour piloter un avion? Sur le plan de la réglementation, il y a un rattrapage par rapport à cette technologie, mais il reste beaucoup à faire.
    Monsieur Sands, comment qualifieriez-vous la collaboration entre nos militaires et nos forces de sécurité civile en cas d'incidents critiques? Par exemple, l'interopérabilité en matière de cybersécurité est-elle adéquate?
    En ce qui concerne la cybersécurité, en particulier, le problème c'est que nous sommes habituellement sur la défensive. Donc, nous réagissons aux événements. Dans beaucoup de situations où les services d'application de la loi et les militaires ont été obligés de collaborer, comme les Jeux olympiques de Vancouver, par exemple, ils ont eu l'avantage de pouvoir se préparer, de mener des exercices et de mettre des procédures à l'épreuve. Toutefois, dans le cas de la cybersécurité, les deux pays ont été pris au dépourvu, car nous essayons d'intervenir trop tard, après qu'une incursion s'est produite.
    C'est particulièrement vrai pour les réseaux civils, comme les réseaux des entrepreneurs d'un contrat de défense ou même les réseaux des services de santé publique qui peuvent être piratés de l'étranger, où nous n'exerçons aucune surveillance. Nous pourrions bien être les derniers responsables informés, et nous devons faire du rattrapage.
    En ce qui concerne la coordination en matière de cybersécurité, je pense qu'il est essentiel que les responsables du secteur de la cyberdéfense communiquent, mènent plus d'exercices et essaient de se préparer, car ils seront presque toujours en mode réactif, ce qui est un désavantage en cas de cyberattaque.
(1615)
    Monsieur Sands, vous avez décrit l'interception des communications en ligne des terroristes. Vous en avez parlé. Le groupe État islamique est lié au terrorisme, mais c'est aussi un enjeu militaire. Devrait-on consacrer plus d'efforts et de ressources à la surveillance de ce que l'on appelle notamment le Web profond, le Web invisible, soit la partie cachée d'Internet?
    Oui, mais avec une mise en garde. En ce qui concerne ce genre de choses, étant donné que nous sommes des démocraties, je pense qu'il est extrêmement important d'avoir une protection par rapport à la surveillance. Cela pourrait être une surveillance prévue par la loi ou une surveillance administrative exercée par l'intermédiaire de mécanismes judiciaires ou de comités.
    Le public a droit à la protection, et cela pourrait exiger que nos gouvernements surveillent les communications délicates, mais le public a aussi droit à ce que ces informations ne soient pas utilisées à mauvais escient ou à des fins politiques ou personnelles.
    Ce que nous devons faire, c'est de nous doter en parallèle de la capacité nécessaire pour surveiller le Web profond, l'Internet profond, et pour gouverner les responsables de cette surveillance. C'est là que la question de savoir qui surveillera ceux qui surveillent prend tout son sens. Dans tous nos efforts pour assurer la protection et la sécurité de nos citoyens, nous devons veiller au respect de l'obligation de rendre compte en démocratie.
    Monsieur Doran, je vous ai réservé une question vraiment difficile.
    Avec plusieurs de mes collègues, j'ai assisté à une conférence parlementaire de l'OTAN qui s'est tenue à La Haye. Un de nos amiraux y a décrit le mécanisme d'approvisionnement. Il a été question de ce qu'on appelle le modèle à « triple hélice », qui est une collaboration intégrée entre le gouvernement, le secteur de la défense, les entreprises et les institutions de recherche du secteur de la sécurité, et les institutions du savoir. Leurs activités consistent à évaluer et à être au fait des menaces émergentes, en particulier les menaces asymétriques, qui ne sont pas assujetties aux règles du droit international comme nous le sommes.
    Voyez-vous ce genre de collaboration entre les institutions canadiennes? Je parle des établissements d'enseignement, de l'industrie de la défense et du gouvernement. Ces entités travaillent-elles toutes ensemble ou fonctionnent-elles en silos?
    Eh bien, il y a certainement des silos, en particulier ceux que vous avez cernés. Lorsque je compare la façon dont le Canada et les États-Unis interagissent par rapport aux questions d'approvisionnement, particulièrement en ce qui concerne le lien entre les acquisitions et le degré d'interopérabilité, je pense que nous sommes bien en avance sur les Européens à cet égard, même s'ils décrivent leur coopération et la coordination comme étant très complexes. Même si je respecte leur point de vue, je pense que le Canada et les États-Unis — et cela concerne tant le secteur privé que les gouvernements — ont fait un excellent travail par rapport à ce genre de coordination. Par exemple, si vous regardez l'intervention en Libye, la coordination entre le Canada et les États-Unis n'aurait pu être meilleure. En fait, je crois que nous étions sous le commandement d'un officier canadien. Je pense qu'il est toujours possible de s'améliorer, mais notre interopérabilité est certes très bonne.
    Vous dites que nous avons réussi à nous améliorer sur le plan de l'interopérabilité. Qu'en est-il de l'évaluation et de l'anticipation des menaces futures? Avons-nous l'équipement nécessaire pour le faire?
    Comme le temps est écoulé, je vous demanderais de répondre très brièvement, s'il vous plaît.
    Encore une fois, nos deux gouvernements dépensent beaucoup d'argent pour étudier ces questions. Je sais pertinemment que c'est le cas. C'est quelque chose de très difficile. Il est très difficile de prévoir l'avenir; les budgets sont donc déterminés en fonction de probabilités, etc. Quoi qu'il en soit, l'effort d'analyse des scénarios et des problèmes futurs qui exigeront des capacités de défense adéquates se poursuit, et je pense qu'il donne d'assez bons résultats.
    Merci beaucoup.
    Le prochain sur la liste est...
    La greffière du comité (Mme Evelyn Lukyniuk): M. McCallum.
(1620)
    Monsieur McCallum, j'ai vu votre nom sur la liste plus tôt, mais je ne l'ai pas retenu.
    Nous sommes heureux d'accueillir au comité un ancien ministre de la Défense canadien. Soyez le bienvenu.
    Monsieur McCallum, du Parti libéral, vous avez sept minutes.
     Merci beaucoup. Les députés libéraux se trouvent à votre gauche, mais je suis ici.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. John McCallum: J'aimerais revenir sur la question de l'Arctique, mais l'aborder sous un angle quelque peu différent.
    M. Chisu a expliqué la menace russe, mais il ne faut pas oublier les questions entourant la souveraineté dans l'Arctique et le passage du Nord-Ouest. Comme le professeur Doran l'a mentionné, s'il y a beaucoup de pétrole en Arctique, il y aura inévitablement un plus grand nombre d'allées et venues de bateaux, ce qui pourrait engendrer des conflits et certainement causer des dégâts environnementaux.
    Je sais que les revendications canadiennes de souveraineté territoriale dans l'Arctique ne reçoivent l'appui ni des États-Unis, ni de l'Union européenne, ni de la Russie, ni d'à peu près n'importe quels pays autres que le Canada. Je crois savoir qu'il pourrait finir par y avoir des procédures judiciaires internationales visant à trancher la question, mais j'ignore à quel moment elles pourraient avoir lieu, et si d'autres pays accepteront même une telle procédure.
    Ma question s'adresse à l'un d'entre vous, ou à vous deux. Qu'adviendra-t-il à ce chapitre, selon vous? Compte tenu du rôle plus déterminant de la Russie, du pétrole qui se pointe possiblement à l'horizon, et du réchauffement de la planète qui ouvre une voie de transport plus vite que ce qu'on a cru, les enjeux pourraient être importants plus tôt qu'on aurait pu l'imaginer. Croyez-vous que le Canada et les États-Unis pourraient s'entendre ou trouver un compromis quant à une vision conjointe de la souveraineté, de façon à ce que nous puissions collaborer plus étroitement plutôt que de nous opposer, comme vous l'avez dit? De façon plus générale, quelle sera l'issue de la situation, d'après vous?
    Je vous remercie infiniment de la question. Je vais me lancer en premier.
    En tant qu'amis — le Canada et les États-Unis sont fondamentalement des nations amies malgré tous leurs différends à propos de l'Arctique — nous avons selon moi passé beaucoup de temps à discuter du problème sans toutefois le résoudre. Il est étonnant que nous nous disputions encore la frontière de la mer de Beaufort, non pas que le conflit n'est pas légitime, mais plutôt parce que nous en avons discuté, en avons tracé la carte et en avons débattu pendant longtemps. On se serait attendu à ce qu'une sorte d'entente soit conclue. Le fait que les États-Unis et le Canada travaillent à contre-courant depuis longtemps dans l'Arctique a selon moi incité les Russes et d'autres pays à essayer de définir une nouvelle réalité dans le secteur, à notre détriment.
    J'ai assisté à une réunion récemment où les États-Unis envisageaient sérieusement de créer un port au Groenland pour l'est de l'Arctique, simplement parce que nous n'arrivons pas à nous entendre avec le Canada sur l'emplacement d'une base dans l'Arctique pour les navires. Il s'agirait d'une sorte de port en eau profonde. C'est un véritable gaspillage d'efforts et d'argent, inévitablement.
    Je pense qu'il faut résoudre la question en deux étapes. Les États-Unis doivent commencer à accorder plus d'importance à l'Arctique. Le secteur est accessoire à bien des égards à la conception américaine de la sécurité nationale, mais cela doit changer. Je pense aussi que le Canada doit aller de l'avant. Au fil des ans, les gouvernements canadiens ont semblé espérer que les États-Unis signent le Traité sur le droit de la mer, qui aurait fourni un cadre à la résolution du conflit. Or, le Sénat refuse toujours de le faire malgré le soutien du Président Obama et de son prédécesseur, le Président Bush.
    Je pense que nous aurons peut-être besoin de trouver une nouvelle route pour sortir du continent. Un geste du Canada pourrait être nécessaire, mais dans l'ensemble, je pense que nous devons trouver un moyen de nous entendre, puis de faire front commun devant le reste du monde.
     Permettez-moi simplement de dire que je suis d'accord avec l'esprit de vos remarques, si j'ai bien compris, à savoir qu'il faut peut-être améliorer la collaboration et la coordination étant donné la circulation importante de navires qui entrent dans ces secteurs et en ressortent.
    Puisque quelque 400 secteurs de mines et de forage ont été identifiés, je pense, il y aura beaucoup de va et viens de navires qui amèneront de l'équipement et transporteront le produit. Le problème n'est pas tant la circulation dans ces régions, car c'est plutôt une bonne nouvelle. Ici, la région est communément appelée le passage du Nord-Ouest. Eh bien, le problème n'est pas tellement que le passage sera très bientôt emprunté dans les deux directions. Il y a toutefois du va et viens dans l'Arctique, plus particulièrement du côté des Russes, et ces derniers prendront les questions de sécurité très au sérieux.
    Nous n'en avons pas encore parlé, mais il n'y a pas que nos interactions avec les Russes qui entrent en ligne de compte. Il faut examiner la zone sur le plan des activités terroristes. Il est effrayant de constater à quel point la baie d'Hudson est située près des villes et du cœur même du Canada et des États-Unis. En fait, un nombre grandissant de sous-marins et de navires de surface aussi peuvent pénétrer ces zones. À ce stade-ci, je dirais que nous commençons tout juste à pouvoir déterminer ce que transportent ces navires, par exemple.
    Mais je pense que l'esprit de vos propos est correct. Nous devons collaborer et coordonner nos efforts.
    Je devrais dire que les Canadiens et les Américains sont de nature assez pragmatique. Ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, c'est simplement de convenir que nous avons un désaccord. Nous avons ensuite essayé de faire de notre mieux sur le plan de la collaboration.
(1625)
    Écoutez, je pense que nous convenons que la question gagne en importance pour diverses raisons, et qu'il faut faire quelque chose, mais nous semblons également convenir que les choses n'avancent pas vraiment. Il faut résoudre le problème.
    Dans un tout autre ordre d'idée, j'aimerais parler d'interopérabilité. Je sais que l'armée canadienne aime acquérir exactement le même équipement que ses cousins américains.
    Une des raisons pour lesquelles nos armées sont aussi interopérables, comme vous le dites, c'est que nous, les Canadiens, nous procurons toujours à peu près le même équipement que vous, les Américains. Voilà ce qui nous rend interopérables, mais cette stratégie pourrait aussi nous nuire à d'autres égards.
    Si vous prenez l'exemple du F-35, je ne crois pas qu'il soit nécessaire que nos pays aient des appareils identiques pour être interopérables. Je pense par exemple à l'armée française, qui a été plutôt interopérable avec les États-Unis malgré ses avions différents, tout comme d'autres gouvernements. Je suis d'avis que nous pourrions lancer une sorte d'appel d'offres ouvert pour un nouvel avion de combat. Il est possible que le F-35 l'emporte, ou non. Mais compte tenu de ce qui s'est passé avec d'autres pays, il ne me semble pas être obligatoire de faire l'acquisition d'un appareil identique à celui des États-Unis.
    J'aimerais savoir si vous êtes d'accord ou non avec ce point de vue.
    J'aimerais simplement dire que vous soulevez un point intéressant, monsieur. Je ne suis pas d'avis que l'équipement du Canada doit être identique au nôtre.
    Ce que nous constatons sur le terrain, c'est que la taille des troupes canadiennes déployées, surtout hors de l'Amérique du Nord, est si petite qu'elles doivent travailler au sein d'un plus grand commandement américain ou britannique. Nous l'avons remarqué à deux ou trois occasions, et le fait d'avoir le même matériel permet au Canada d'avoir accès à l'entretien, aux pièces de rechange et à d'autres améliorations. Il y a donc des avantages sur le plan de l'interopérabilité. Je conviens toutefois qu'il n'est pas obligatoire que le matériel soit identique ou, comme il a été dit en réponse à une question posée tout à l'heure, que l'année du modèle soit la même, pour autant qu'il y ait une compréhension mutuelle de la technologie et que nous puissions nous entraider.
    Votre temps est écoulé, monsieur McCallum. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions de cinq minutes.
    Le premier intervenant à interroger les témoins sera M. Williamson, du Parti conservateur.
     Il est très intéressant d'entendre vos commentaires, messieurs, et je vous remercie de discuter avec nous aujourd'hui.
    J'ai une brève observation visant simplement à remettre les propos de M. McCallum dans leur contexte. Il était en fait le ministre canadien de la Défense lorsque le Canada s'est joint au programme d'avions de combat interarmées pendant le mandat du gouvernement de Paul Martin. C'est donc un enjeu politique constant ici: les libéraux ont pris position et ont emprunté une voie lorsqu'ils étaient au pouvoir, puis une fois dans l'opposition, ils ont des doutes et oublient comme par hasard le rôle qu'ils ont joué dans le débat entourant les F-35.
    Professeur Doran, je pense que c'est vous qui avez parlé dans votre exposé, quoique brièvement, de l'incidence des compressions budgétaires automatiques. Je serais curieux de savoir quels en ont été selon vous les effets réels sur les forces armées américaines. Nous entendons toutes sortes d'histoires au Canada. Certains disent que les réductions des dépenses du gouvernement américain étaient une bonne chose, et d'autres, que c'était négatif. Certains laissent entendre qu'il s'agissait d'un dégraissement, ou encore d'un ralentissement.
    J'aimerais que vous me parliez de l'incidence globale des compressions, puis plus particulièrement de leurs répercussions sur la préparation des États-Unis et de leurs forces armées.
(1630)
    Je vous remercie de cette question qui n'a rien de simple.
    Tout d'abord, aucune compression, petite ou grande, ne peut être considérée comme utile sur le plan de la sécurité. Néanmoins, dans la mesure où l'événement est isolé, il peut y avoir certains avantages. En fait, les compressions nous ont obligés à réévaluer nos dépenses et à modifier certaines priorités. Ainsi, nous en faisons probablement plus avec les fonds dépensés, qui sont utilisés plus efficacement.
    Cela dit, je pense que nous rencontrerons de grands problèmes si nous continuons à réduire les dépenses ainsi. Compte tenu du taux d'augmentation annuel des dépenses en Chine, des dépenses accrues de la Russie, et de ce qui se passe au Moyen-Orient avec l'État islamique, par exemple, il semble que les problèmes et les défis gagnent en importance alors que les efforts collectifs des démocraties, disons, vont dans la direction opposée. Voilà qui entraînera tôt ou tard de graves problèmes.
    Monsieur Williamson, permettez-moi d'ajouter rapidement qu'une des choses qu'on a selon moi perdues de vue dans le débat, c'est la manière dont le Congrès a mis en place le mécanisme de compressions budgétaires automatiques. Il a redéfini la partie du budget allouée à la Défense nationale, après quoi un budget correspondait en quelque sorte aux dépenses nationales liées aux droits. Le Congrès a divisé le budget en deux.
    Au lieu de limiter la Défense au Pentagone, qui représente les forces armées traditionnelles, le Congrès y a inclus les départements d'État et de la Sécurité intérieure des États-Unis.
    La Défense a évidemment très bien réussi à protéger les militaires sur le terrain, les salaires et les programmes déterminants. Puisque le département d'État n'avait pas beaucoup d'argent à économiser, il n'a pas été touché aussi durement. Mais le département de la Sécurité intérieure a dû ralentir bien des projets pilotes en matière de coopération dans le cadre de l'entente Par-delà la frontière. Il n'a pas pu acheter du matériel, et a dû freiner ses efforts de recrutement et de formation.
    Pour ce qui est de la sécurité frontalière et de notre capacité à collaborer afin de faciliter les échanges commerciaux, un domaine d'une importance capitale pour le Canada, je pense que nous avons quelque peu nuit à la procédure. Compte tenu des compressions budgétaires automatiques, la Sécurité intérieure n'était tout simplement pas dans une position aussi solide pour défendre son territoire.
    J'aimerais maintenant parler par conjecture. J'aimerais connaître votre point de vue, compte tenu de votre expérience et de l'endroit où vous êtes. Pour ce qui est des dépenses dans ces domaines, quelle orientation prendra le débat, selon vous? Compte tenu de la fin du mandat du président dans deux ans, et des républicains qui contrôlent désormais le Congrès, peut-on s'attendre à ce que le cap soit maintenu, à ce qu'il y ait peut-être des hausses modestes, ou à ce que l'accent soit mis sur la réduction du déficit et des dépenses, évidemment?
    Je vous demanderais de répondre brièvement, s'il vous plaît.
    En bref, je pense qu'on essaiera d'aller dans les deux directions. Une des choses qu'il ne faut pas oublier à propos des deux prochaines années, c'est que la Maison-Blanche et le Congrès à majorité républicaine devront faire des compromis s'ils veulent que les choses avancent. Compte tenu du pouvoir, du droit de veto, ainsi que de la possibilité de diviser même un caucus républicain uni, il y a bien des membres du gouvernement qui pourraient prendre une autre direction sur les questions liées aux dépenses. Je crois donc que ce sera un véritable combat et que seuls les compromis nous permettront d'aller de l'avant. Il y aura probablement des mesures de réduction du déficit, mais il faudra aussi continuer à limiter les dépenses de la Défense et les dépenses liées aux droits afin de survivre aux deux prochaines années.
    Permettez-moi de dire brièvement que les actions dépendront de ce qui se passe sur la scène internationale. Puisque la situation est de plus en plus grave, je pense que les dépenses vont augmenter.
    Merci, monsieur.
    C'est maintenant au tour de M. Tarik Brahmi du NPD, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Professeur Sands, je vous remercie d'avoir soulevé dans vos remarques d'ouverture un point que je trouve assez intéressant et qui me concerne particulièrement.
    Vous avez énuméré les menaces à la sécurité nord-américaine. Vous avez mentionné le home grown terrorism, qu'on pourrait appeler du terrorisme fait maison. Je suis le député de la circonscription où un membre des Forces canadiennes a été attaqué et tué par un automobiliste. Je suis donc directement concerné par la menace à la sécurité nord-américaine que représente le terrorisme d'origine intérieure, qui est le sujet de notre étude aujourd'hui.
    Cela soulève une question que plusieurs de mes concitoyens me posent souvent. À partir de quel moment peut-on qualifier d'attaque terroriste une attaque, par exemple, contre un membre des Forces canadiennes?
     Vous avez donné l'exemple de l'attaque qui est survenue à Ottawa, mais dans l'attaque dont je viens de parler, la personne avait à sa disposition un couteau et conduisait une voiture Nissan 2000. C'était là son équipement et ce qu'il avait à sa disposition. Elle n'avait pas de formation.
    Vous êtes des experts en sécurité, mais vous ne l'êtes pas en matière de propagande. En tant qu'experts en matière de sécurité, placeriez-vous au même niveau l'attaque contre le World Trade Center, qui a nécessité une coopération internationale organisée et où des personnes ont été envoyées dans un pays pour y recevoir une formation de pilote d'avion, et l'attaque que commet une personne qui a accès à une rhétorique terroriste dans Internet, mais qui est seule chez elle et isolée et qui, en raison de problèmes de santé mentale, ne peut pas avoir de liens avec ses voisins ou ses proches?
    Est-ce que ces deux attaques peuvent être mises sur le même niveau? Quelle est votre appréciation par rapport à ces deux phénomènes?
(1635)

[Traduction]

    La situation est très délicate. Je commencerai par présenter mes condoléances aux citoyens de votre circonscription et du Canada qui sont touchés. C'est très difficile.
    À certains égards, peu importe si les motifs sont politiques ou attribuables à une instabilité mentale. Nous avons été secoués par des incidents horribles de fusillades en milieu familial et d'autres drames qui sont survenus parce que de jeunes hommes — il y a parfois des femmes, mais il s'agit souvent d'hommes — commettent un acte de violence pour toutes sortes de raisons. Ils sont frustrés. Sur le plan de la sécurité, la première étape est d'éviter que ces drames ne surviennent, et d'essayer d'arrêter l'individu avant qu'il ne s'en prenne à d'autres ou à lui-même. Peu importe son motif, nous voulons assurer la sécurité des gens. Qu'il s'agisse d'une tuerie en milieu scolaire, de la fusillade de l'École polytechnique de Montréal, ou d'un drame du genre, nous devons essayer de protéger les gens.
    Nous finissons toujours par nous poser très humainement une question inévitable: pourquoi? Aurions-nous pu faire quoi que ce soit pour éviter le pire? Aurions-nous pu en faire plus si nous en avions su davantage? C'est la raison pour laquelle je soulève la question du renseignement à l'échelle très locale. Dans la vaste majorité des activités terroristes que les États-Unis ont été en mesure d'empêcher, et même dans le cas des fusillades en milieu scolaire et des actes isolés de violence apolitique qu'ils ont pu arrêter, les États-Unis ont découvert que le renseignement ayant permis de sauver la situation provenait de gens du milieu qui connaissaient le jeune ou les individus, et qui ont faire part de leur inquiétude aux forces de l'ordre. Le renseignement provenait aussi des agents qui ont écouté et compris ce que les gens leur disaient, puis qui ont travaillé avec eux afin d'essayer d'éviter que l'individu ne s'en prenne à lui-même ou à d'autres.
    C'est ce que nous avons observé dans le cas de la Cellule de Lackawanna à Buffalo, à Detroit, et lors de bien des incidents. Je pense que nous devons établir un climat de confiance entre les milieux policiers, les parents, les professionnels qui travaillent auprès des jeunes à l'école, et les agents qui sont là pour assurer notre sécurité. Ne vous inquiétez pas autant du motif, et concentrez-vous plutôt sur la façon d'aider et de protéger les gens.
    Le temps est écoulé. Merci, monsieur Brahmi.
    Nous passons à M. James Bezan du Parti conservateur.
    Je veux remercier les deux témoins qui comparaissent aujourd'hui. J'ai trouvé vos observations fort intéressantes.
    Je veux revenir rapidement à la question de la défense antimissile balistique. Le Canada n'a pas adhéré au programme nord-américain, mais il a appuyé celui mis sur pied en Europe dans le cadre de l'OTAN. Comme vous le savez sans doute, le Sénat a mené une étude sur la défense antimissile balistique, et nous examinons avec soin ses conclusions.
    Bien qu'il y ait tout lieu de s'inquiéter vivement des propos apparemment toujours belliqueux de Poutine, nous savons tous que la défense antimissile balistique ne nous met pas à l'abri d'une attaque aux missiles en provenance de la Russie. Mais parlons un peu des autres acteurs étatiques et non étatiques et de la menace qu'ils représentent.
    D'après vous, où en sommes-nous dans nos relations avec les Nord-Coréens? Qu'en est-il des aspirations des Iraniens qui sont en quête d'ogives nucléaires? Nous avons déjà parlé de l'utilisation des drones et de la prolifération des missiles de croisière aux mains d'acteurs étatiques et non étatiques au cours des dernières années ainsi que de la lourde menace qu'ils font peser sur la sécurité en Amérique du Nord. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
(1640)
    Je conviens d'abord avec vous que ce sont tous là des enjeux très importants. À mes yeux, la question de la prolifération des armes de destruction massive, même s'il est difficile dans tous les cas de se défendre contre leur utilisation, est surtout problématique au Moyen-Orient. C'est d'ailleurs pour cette raison que les négociations avec l'Iran sont cruciales et doivent être couronnées de succès. Sans cela, il faudra sans doute faire usage de la force, ce qui n'offrirait pas selon moi une solution permanente en plus de présenter bien des difficultés, surtout dans le contexte des autres événements qui se déroulent là-bas.
    Et pourquoi devrait-on considérer que la prolifération est si problématique dans cette région? Si les Iraniens acquièrent les armes de destruction massive convoitées, il y aura un effet de propagation en ce sens que les autres gouvernements de la région leur emboîteront le pas — et je ne parle pas d'Israël qui possède déjà de telles armes.
    La situation est d'autant plus risquée qu'il s'agit de petites populations urbaines. Une attaque peut être lancée très rapidement, et c'est une région où les attaques surprise sont fréquentes. Les conditions sont donc réunies pour que les choses s'enveniment considérablement. En conséquence, nous devons non seulement miser sur les technologies de défense dans la mesure où elles peuvent nous aider à contrer cette menace, mais tabler également sur la réussite des négociations en cours.
    Sans vouloir prendre trop de votre temps, j'ajouterais seulement qu'il y a deux éléments à considérer. Il y a d'abord le véhicule utilisé pour lancer une attaque, mais aussi le type d'arme employé, qu'elle soit chimique, nucléaire ou peu importe.
    Les efforts de non-prolifération des armements sous toutes leurs formes sont essentiels si on veut empêcher les gens de les utiliser. Si vous voulez un missile ou un drone, vous n'avez qu'à vous rendre au Walmart ou au Canadian Tire. Il est devenu très facile de se procurer la technologie nécessaire à bas prix. Nous profitons actuellement d'un répit du fait que les Nord-Coréens n'atteignent pas leurs cibles avec régularité, mais ça ne durera pas. Ils vont s'améliorer.
    Les missiles sont devenus une réalité. Nous devons faire de notre mieux pour nous assurer qu'ils n'abritent pas une arme de destruction massive. Je ne crois pas que nous puissions en faire davantage.
    Je veux revenir à ce que disait M. McCallum. Il soutenait que nous aimions bien avoir les mêmes équipements que les Américains, mais il y a en réalité toute une différence entre les activités et les plateformes de notre armée et de notre marine et celles de leurs équivalents américains.
    Vous avez dit que les avions furtifs ont leur utilité, mais pas nécessairement dans le contexte canadien. Lorsque nous discutons du remplacement de nos CF-18, ne devrions-nous pas miser sur l'effet dissuasif puissant des avions furtifs pour la surveillance de notre espace aérien, surtout dans l'Arctique où les avions Bears de la Russie sont si nombreux? N'y penserait-on pas à deux fois avant de s'approcher de l'espace aérien défendu par le NORAD si l'on était dans l'incertitude quant à la présence d'avions furtifs pour le surveiller?
    Il y a toute une gamme possible de degrés de furtivité. Dans l'Arctique, nous voulons leur faire savoir que nous sommes présents et qu'ils devraient rebrousser chemin, ce qui fait que les avions furtifs ne sont pas vraiment nécessaires. Je conviens avec vous que l'on ne sait jamais d'où les attaques vont provenir, mais ce n'est tout de même pas un avion invisible. Il s'agit plutôt de prendre l'ennemi par surprise. Dans l'Arctique, nous souhaitons toutefois que les Russes sachent que nous sommes là et que nous sommes conscients de leur présence.
    En terminant, je voudrais...
    Votre temps est écoulé.
    Êtes-vous certain, monsieur le président?
    Je suis vraiment désolé de devoir vous interrompre, monsieur Bezan, mais nous en sommes à cinq minutes neuf secondes et je ne peux pas vous permettre de poser une question une fois que vos cinq minutes sont écoulées. Merci beaucoup. Vous aurez peut-être une autre chance.
    Nous passons à Mme Michaud du Nouveau Parti démocratique.
(1645)

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Dans le contexte du NORAD, j'aimerais aborder un peu plus la question du domaine cybernétique, qui est assez important.
    En plus de la défense de ses propres réseaux, le NORAD a-t-il un rôle à jouer dans le domaine cybernétique ou peut-être en ce qui concerne la perspective nord-américaine en matière de cybervigilance et d’alerte?

[Traduction]

    Les États-Unis ont confié la responsabilité de la cyberdéfense au commandement stratégique. Même si le NORAD relève du Commandement du Nord, nous essayons d'offrir une protection non seulement aux militaires, mais également aux services civils.
    Ce transfert de la responsabilité principale à un autre organe de commandement fera toutefois en sorte que le NORAD sera à la remorque des autres, plutôt que d'agir comme chef de file. Le NORAD devra protéger ses propres systèmes, mais il y a peu de chance qu'il soit à l'avant-garde de nos actions de cyberdéfense. Ceci dit, si le Canada souhaite investir dans des capacités de cyberdéfense au sein du NORAD, je crois que les États-Unis seraient prêts à en discuter.
    Je suis d'accord. La cyberdéfense est un domaine complexe qui évolue rapidement et exige d'importants investissements. Dans ce contexte, il est peu probable que l'on puisse lui trouver pour le moment un cadre institutionnel favorable au sein du NORAD. Toutefois, dans la mesure où des percées technologiques pourront permettre des progrès durables, le NORAD pourrait certes héberger une telle capacité. Ce n'est toutefois pas une plateforme propice aux innovations technologiques à ce chapitre.

[Français]

    Lors de l'une de nos réunions précédentes, nous avons reçu un major-général à la retraite qui nous a parlé des drones et de leur utilisation, principalement dans l'Arctique, pour des questions de surveillance du territoire et pour d'autres types d'activités. Selon lui, les drones pourraient constituer une solution adaptée à la surveillance de l'Arctique en tant que tel.
    Quels sont vos commentaires sur cet aspect?

[Traduction]

    Je suis d'accord. Je pense que les drones peuvent être utiles. Leurs coûts d'opération sont inférieurs à ceux d'un avion de chasse ou de n'importe quel aéronef. On pourrait par exemple faire appel aux drones pour confirmer s'il y a vraiment lieu de déclencher une alerte ou si c'est simplement une volée d'oiseaux ou quelque chose du genre qui a été détectée par les radars. C'est le genre de vérification que l'on pourrait faire au moyen de drones.
    Ils sont moins chers, plus légers et plus faciles à mettre à niveau en plus d'offrir une excellente portée. Le Canada a un littoral très étendu et un vaste territoire à surveiller. Pour le même prix, un essaim de drones pourrait en faire davantage qu'un seul avion chasseur. Dans cette optique, c'est une technologie très prometteuse.
    Je crois effectivement que les drones offrent des perspectives très intéressantes pour des investissements à venir. Il s'agit assurément d'outils de surveillance très efficaces qui peuvent accomplir le travail à un coût moindre que d'autres technologies.
    Il ne faut toutefois pas en conclure, par exemple, que nos avions chasseurs sont devenus désuets. Leur grand avantage réside dans leur pouvoir de dissuasion manifeste. C'est vraiment ce qu'on recherche lorsque les avions Bears se pointent à l'horizon et que nous voulons qu'ils rebroussent chemin. Nous devons alors pouvoir miser sur une certaine force de conviction, ce que les avions de chasse nous offrent pour l'instant.
    Il vous reste environ une minute.

[Français]

     D'accord.
     Sur le plan de la défense de l'Amérique du Nord — entre autres dans l'Arctique — et aussi de façon plus générale, quel est, selon vous, le niveau de coopération qu'on pourrait anticiper entre le Canada et les États-Unis pour les activités qui sont liées aux drones? Je vous demanderais de me donner une réponse brève.

[Traduction]

    Je ne crois pas qu'il nous manque grand-chose... Nous serions très heureux de mettre en commun nos capacités technologiques, et je crois d'ailleurs que nous le faisons déjà. Le NORAD peut déjà accepter les données télémétriques en provenance des satellites et des autres stations radars, et on pourrait ajouter les données transmises par les avions et les drones. Je ne pense pas que les exigences seraient énormes. Ce serait facilement réalisable.
    Monsieur Doran, souhaitez-vous répondre?
    Je suis certes du même avis. Il importe surtout que ceux qui sont appelés à utiliser ces nouvelles technologies et ces nouveaux équipements en connaissent bien toutes les facettes. C'est un domaine où la technologie évolue très rapidement.
    Il ne s'agit pas uniquement d'acquérir la technologie. On doit offrir la formation requise et assurer la coordination nécessaire pour déterminer comment ces nouveaux équipements seront utilisés dans différentes circonstances et dans quelle mesure ils s'harmonisent avec la technologie actuelle qui mise essentiellement sur les avions de chasse.
(1650)
    Merci beaucoup.
    C'est encore une fois au tour de M. Chisu pour les cinq prochaines minutes.
    Monsieur Doran, vous vous êtes présenté comme un ardent partisan du NORAD maritime.
    Oui.
    Vous avez indiqué que le NORAD maritime servira à la surveillance des navires et autres bâtiments à la surface.
    Je m'interroge au sujet des sous-marins. Vous avez aussi souligné que la Chine dispose d'une flotte de sous-marins de haute mer qui prend de l'ampleur. Juste au sud du détroit de Bering, on arrive dans la région du Pacifique où la Chine fait étalage de sa force sur le haut-fond de Scarborough et revendique des îles japonaises en se dotant d'une flotte de sous-marins de mieux en mieux garnie.
    Lors de la Seconde Guerre mondiale, nous avons vu ces U-boat qui sont arrivés de l'Atlantique pour remonter le fleuve Saint-Laurent. Qu'en est-il de la situation 70 ans plus tard?
    Le Canada a un sous-marin en service sur la côte du Pacifique. Je ne sais pas combien les Américains en ont déployé, mais les Chinois en ont 70.
    Comment le NORAD maritime parviendra-t-il à assurer la surveillance de ces créatures sous-marines? D'après ce que je puis comprendre, vous pouvez exercer une surveillance à la surface. Vous pouvez suivre les mouvements des navires. Mais sous l'eau, c'est une tout autre histoire.
    Je sais que les États-Unis peuvent jouer un rôle déterminant quant aux intérêts des gens du Sud, du Pacifique, mais quelles nouvelles menaces fait peser sur nous le spectre d'une guerre sous-marine?
    Je crois que vous avez tout à fait raison. Nous devons considérer avec le plus grand sérieux les risques d'une guerre sous-marine. Celle-ci était au coeur des deux grands conflits mondiaux, même s'il faut avouer que la technologie disponible à la fin de la Seconde Guerre mondiale permettait de contrer très efficacement cette menace.
    J'aimerais faire ressortir deux autres éléments qui vont dans le sens de ce que vous avancez. Il existe différentes techniques utilisées sur les fonds marins et misant notamment sur les satellites pour faciliter le travail du NORAD maritime lorsqu'on veut savoir ce qui se passe dans les eaux canadiennes.
    Par ailleurs, la plupart des 70 sous-marins dont dispose la Chine sont équipés de moteurs diesel qui sont très silencieux et qui se prêtent bien aux patrouilles dans la mer de Chine méridionale et la mer de Chine orientale, mais ne peuvent pas être utilisés en haute mer. À partir du moment où les Chinois commenceront à construire des sous-marins nucléaires ayant un long rayon d'action et pouvant circuler en haute mer, la menace devra vraiment être prise au sérieux. Je suis d'ailleurs convaincu que c'est leur objectif à long terme: ils veulent construire des sous-marins semblables et en déployer une partie dans l'Arctique.
    Comme nous le savons, la Chine possède au moins un brise-glace, ce qui est assez remarquable pour un pays qui n'est pas riverain de l'Arctique. Je crois tout de même que c'est justifié de leur part. Ils veulent réduire les temps de transport entre l'Europe et l'Asie, mais ils s'intéressent beaucoup également aux ressources, et des considérations relatives à la sécurité finiront par entrer en jeu.
    Je pense que vous avez tout à fait raison de soulever la question.
    J'ai une autre question concernant ces deux pays dont nous avons parlé, la Russie et la Chine. Que doit-on penser de la coopération militaire qui commence à s'établir entre ces deux puissances? Ce n'est pas une coopération facile, mais comme nous avons des indications en ce sens, nous pourrions avoir raison de nous inquiéter de l'éventualité d'un nouvel axe Moscou-Beijing.
(1655)
    Il ne fait aucun doute que ces États que l'on qualifie d'autoritaires pourraient effectivement former une alliance, et même une alliance étroite, pour se liguer contre les démocraties. Une telle alliance pourrait être très néfaste. En fait, l'histoire nous apprend que ce sont de telles alliances qui ont mené à la Première Guerre mondiale.
    Pour l'instant, c'est la Russie qui semble vouloir prendre l'initiative en raison des sanctions qui lui ont été imposées et des réactions suscitées par ses agissements en Ukraine, en Crimée et ailleurs. Les Chinois s'intéressent pour leur part aux avancées technologiques des Russes en matière d'armement. Ce sont en quelque sorte les termes de l'échange. Je ne crois pas que l'on puisse parler pour le moment d'une alliance étroite, mais il y a effectivement des pourparlers et des efforts de coordination. C'est une situation à surveiller. Si une telle alliance devait voir le jour, j'y verrais un signe précurseur de temps particulièrement difficiles.
    Monsieur Bezan, vous avez l'occasion de poursuivre votre dialogue avec nos témoins. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voulais seulement souligner que mon ami et collègue, M. Chisu, n'a pas mentionné une seule fois aujourd'hui qu'il est un ingénieur à la retraite de l'Armée canadienne et qu'il est très au fait de ces questions.
    Des voix: Oh, oh!
    Et qu'il est le seul député à avoir été déployé en Afghanistan.
    Et il a servi en Afghanistan. C'est la pure vérité.
    Mais poursuivons donc nos échanges. Vous avez parlé d'intégration et de la nécessité d'intensifier la collaboration et la coopération entre le Canada et les États-Unis, surtout aux fins de la défense et de la sécurité.
    Comme vous le savez, nous pouvons compter sur une organisation qui existait même avant la création du NORAD, à savoir la Commission mixte permanente de défense. Elle se réunira d'ailleurs la semaine prochaine ici même à Ottawa. J'espère bien avoir l'occasion de prendre la parole à cette occasion, mais il est possible que les votes prévus lundi soir me retiennent à la Chambre.
    Comment pourrait-on améliorer le fonctionnement de cette organisation? Existe-t-il d'autres regroupements ou partenariats à cette fin?
    Monsieur Sands, c'est vous qui avez parlé dans votre déclaration préliminaire de l'importance d'une collaboration accrue.
    Tout à fait.
    Il peut être difficile de mobiliser pleinement la composante civile de nos forces de sécurité. Je pense notamment aux services du renseignement. C'est le défi que nous devons relever. Il y a toujours eu une différence de culture entre les forces militaires et les services civils d'application de la loi. Les attitudes sont différentes. Le degré de rapprochement avec les citoyens n'est pas le même. Je pense qu'il sera difficile de faire le pont entre les deux.
    Lorsque la coopération entre les services s'est amorcée dans les années 1980, il y avait tellement de fierté au sein des forces maritimes comme de l'armée de terre, sans même vous parler des forces aériennes, que l'on arrivait mal à combler les écarts de culture entre les deux groupes. Nous y sommes parvenus en multipliant les exercices interarmées, les entraînements conjoints et les simulations de guerre. Pour faire progresser considérablement les choses, nous pourrions simplement faire en sorte que militaires et représentants des forces de l'ordre des deux pays, les quatre entités de l'équation, participent à des exercices conjoints, et apprennent à se connaître et à se faire confiance. L'équipement et tous les autres éléments pourront être harmonisés par la suite, mais il faut faire cet effort-là.
    Les gouvernements ont mis sur pied la Commission mixte permanente de défense et la Commission de coordination militaire, deux structures propices à la collaboration. Au sein des forces locales de maintien de l'ordre, l'infrastructure est beaucoup plus faible, car nous ne sommes pas allés plus loin que les équipes intégrées de la police des frontières. Il y aurait donc vraiment lieu de mobiliser une partie des forces militaires et civiles au moyen des centres de fusion — il en existe déjà un certain nombre — pour que l'on puisse s'entraîner ensemble, dialoguer et mieux comprendre la culture de l'autre.
    Ce sont peut-être les services frontaliers qui vont servir de pont à cet effet. Bon nombre des agents frontaliers embauchés par le Département de la sécurité intérieure des États-Unis après le 11 septembre sont des anciens combattants qui sont passés de la vie militaire à la vie civile. Ces gens-là comprennent bien les deux cultures. Ils pourraient nous aider dans nos efforts pour établir le lien entre les deux groupes.
    Je conviens de l'importance d'une approche intégrée.
    Il y a une chose dont tous les membres du comité sont conscients, mais qu'il vaut tout de même la peine de rappeler. On peut noter au sein des services de surveillance du NORAD une forme de coopération qui est sans précédent, pour autant que je sache, entre deux pays souverains et indépendants. C'est un très bon exemple à suivre, mais on arrive difficilement à le reproduire dans d'autres secteurs.
    Nous pourrions notamment inciter nos partenaires de l'OTAN à déployer eux aussi des efforts à cette fin de telle sorte que le fardeau ne repose pas uniquement sur le Canada ou sur les États-Unis dans les différentes interventions. Ce serait un bon moment d'intervenir en ce sens, car les Européens commencent à se rendre compte que leurs capacités ne sont plus du tout à la hauteur face à certaines menaces très concrètes qui frappent à leurs portes. Si nous pouvons les aider grâce à l'interopérabilité, pour employer ce terme à la mode, c'est nous qui en sortirons gagnants.
    Je pense que l'OTAN a vraiment besoin d'un second souffle.
(1700)
    J'aurais une dernière observation à vous faire et vous me direz ce que vous en pensez. Vous avez parlé de la mise sous séquestre et des réductions de dépenses pour la défense en Amérique du Nord. En comparaison, elles ont augmenté de 18 % en Russie, ce qui les ramène à environ 4 % du PIB — et le président Poutine en a traité aujourd'hui lors de son adresse à la nation. Il a toutefois indiqué que son pays connaît une période difficile du point de vue économique. Même avant son allocution, les projections indiquaient que les dépenses allaient repartir à la baisse pour se chiffrer à environ 3,7 % du PIB en 2016. Je sais que vous n'êtes pas de grands experts de la question russe, mais ne croyez-vous pas que la dépréciation du rouble et la chute du prix du pétrole vont freiner les ardeurs russes quant à de nouvelles attaques, non seulement en Ukraine mais aussi en Arctique?
    Les sanctions économiques visent à faire en sorte que les Russes ne puissent plus faire intrusion dans des endroits comme l'Ukraine, la Crimée et la Géorgie. Nous espérons tous que ce sera le cas.
    J'ajouterais qu'il y a une autre éventualité peu probable qui devrait tout de même nous inquiéter beaucoup. Avant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont imposé au Japon des sanctions très rigoureuses qui ont produit de fort mauvais résultats. Il faut miser sur une force dissuasive qui est à la fois convaincante et contraignante, et y ajouter des sanctions économiques pour exercer une pression accrue. Si vous tablez uniquement sur les sanctions économiques sans aucune mesure dissuasive, le résultat peut parfois être catastrophique.
    J'ai bon espoir que ce ne sera pas le cas avec la Russie en l'espèce, mais c'est une considération qu'il faut prendre en compte.
    Merci beaucoup.
    Nous avons maintenant terminé deux tours de questions. Il nous reste du temps et si nos témoins sont d'accord, nous pourrions faire un dernier tour où chaque parti aura droit à cinq minutes, en commençant avec M. Brahmi du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur l'aspect budgétaire.
     Professeur Doran, vous avez indiqué au début de votre présentation qu'on devrait investir davantage en ce qui concerne, de façon générale, la défense nord-américaine. Y a-t-il des exemples pratiques de services ou d'éléments potentiels dans le cadre du NORAD qui sont déjà affectés ou qui pourraient être affectés rapidement en cas de compressions budgétaires, que ce soit du côté américain ou du côté canadien?

[Traduction]

    Vous semblez laisser entendre qu'il y aura d'autres coupures. C'est possible, mais je ne sais pas si ce sera le cas. J'espère, tout comme vous, j'en suis persuadé, que cela n'arrivera pas.
    Vous voulez savoir en fait comment nous pourrions faire meilleur usage de la capacité existante, et comment nous pourrions renforcer cette capacité dans le contexte nord-américain?
    Je pense que c'est une excellente question qui va au coeur du problème. J'ai l'impression qu'il nous sera par exemple difficile de trouver le moyen de contrer les risques de dissimulation d'armes de destruction massive dans les cargaisons qui arrivent dans nos ports. Comment pouvons-nous repérer les problèmes semblables avant même que ces navires atteignent notre littoral et nos ports? Il faudrait certes miser sur l'apport de technologies nouvelles pour pouvoir exercer une surveillance avancée de la sorte.
    Je crois que des améliorations très concrètes pourraient être apportées dans le contexte du NORAD pour rassurer de façon convaincante tant les citoyens du Canada que ceux des États-Unis.
(1705)

[Français]

    Professeur Sands, lors de vos remarques d'ouverture, j'ai noté que le deuxième point sur lequel vous avez beaucoup insisté était de développer davantage les opérations conjointes. Selon vous, le niveau d'intégration entre les Forces canadiennes et les forces armées américaines dans le cadre du NORAD est très efficace.
    Je sais que ce n'est pas votre perspective, mais si on se place dans une perspective canadienne, n'y a-t-il pas un risque que le Canada perde un certain niveau de souveraineté? Il y a deux aspects, soit l'aspect matériel et celui des officiers, qui sont de plus en plus intégrés avec les États-Unis. Compte tenu du fait que ces deux aspects sont de plus en plus intégrés dans le cadre de la défense nord-américaine, si un gouvernement ne voulait pas participer à certaines opérations, n'y aurait-il pas un risque pour le Canada d'avoir une perte de souveraineté? Dire à nos amis américains que nous ne voulons pas participer à telle ou telle opération pourrait-il représenter un problème? Le gouvernement pourrait changer et avoir une autre position quant à l'interventionnisme canadien à l'étranger, en particulier au Moyen-Orient.

[Traduction]

    Tout à fait. Depuis la création du NORAD, nous avons notamment pu constater que le Canada a la possibilité de dire non. C'est ce qu'il a fait dans le cas de la défense antimissile, dont nous avons discuté précédemment. Le Canada a choisi de ne pas participer au programme. Plusieurs observateurs, dont bon nombre que nous connaissons bien, ont alors soutenu que cette décision du Canada de ne pas participer à la défense antimissile balistique allait sonner le glas du NORAD. Les systèmes de détection des menaces et d'alerte ne pourraient pas être aussi efficaces que prévu et il faudrait mettre la clé dans la porte du NORAD. Ce n'est pourtant pas ce qui s'est produit. Le Canada a eu la possibilité de dire non.
    Nous avons aussi vu le Canada dire non à des missions en Irak, accepter dans le cas de l'Afghanistan, mais refuser pour le Vietnam. Même dans l'affaire des missiles Bomarc, le Canada a dit oui à un missile avant d'avoir des doutes en raison des ogives nucléaires, et nous avons pu négocier quelque chose. Je crois que les États-Unis respectent tout à fait la souveraineté du Canada et son droit de refus. Je pense que l'on s'attend à une certaine forme de courtoisie et de consultation étant donné qu'après tout, nous sommes censés être des pays amis. Ceci étant dit, je ne crois pas que l'intégration des forces empêche nécessairement les deux pays d'agir de façon autonome. C'est tout de même une préoccupation qui est fréquemment soulevée, et je comprends que cela puisse inquiéter les gens.
    Puis-je ajouter un bref commentaire?
    Le terme « souveraineté » est employé dans bien des contextes. Il y a toutefois une chose que les Canadiens doivent bien comprendre. S'ils sont tout à fait justifiés de se préoccuper de leur souveraineté et de leur indépendance, surtout qu'ils sont le plus petit des deux partenaires, ils doivent aussi se rendre compte qu'il y a aux États-Unis des groupes disposant d'un pouvoir politique considérable qui se demandent sérieusement si leur pays ne risque pas de perdre une partie de sa souveraineté en traitant avec le Canada. Ce n'est donc pas une question unilatérale. Dans ce contexte, il faut féliciter les deux gouvernements d'avoir été capables de faire le nécessaire pour assurer l'intégration de leurs forces tout en respectant les préférences de leurs citoyens respectifs. Je crois que nous devrions poursuivre nos efforts dans ce sens-là.
    Merci. C'est un point de vue intéressant.
    Nous avons maintenant M. Williamson du Parti progressiste — oh, je croyais avoir lu « Parti progressiste- conservateur », mais non, c'est bien le Parti conservateur.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous trahissez votre âge, monsieur le président.
    Des voix: Oh, oh!
    M. John Williamson: Monsieur Doran, j'aimerais revenir à vos observations concernant les sanctions imposées à la Russie, car j'ai trouvé cela très intéressant. Vous avez également parlé de dissuasion. Qu'avez-vous en tête exactement? Si je pose la question c'est parce que des sanctions ont été imposées et j'estime que l'Occident — le Canada et les États-Unis tout particulièrement, mais l'Europe également — a adopté la ligne dure par rapport aux événements qui sont survenus. Mais il y a aussi un avion de ligne qui a explosé en plein vol sans qu'il y ait de conséquences véritables. Si un pays se livre à de tels actes et s'en tire sans conséquence, j'aimerais avoir une idée de ce que vous envisagez, car il s'agit d'un point important. Si vous imposez des sanctions qui pourraient entraîner une réaction hostile ou des représailles, il faut que vous soyez prêts à réagir en conséquence.
    Pourriez-vous nous en dire plus long sur ce que vous avez à l'esprit?
(1710)
    Merci beaucoup pour la question.
    Il est bien certain que les mesures de dissuasion, tout bien considéré et aussi coûteuses puissent-elles être, sont beaucoup moins dispendieuses que les actions de défense, et que ces dernières coûtent beaucoup moins cher que les opérations qui doivent être entreprises pour essayer de faire sortir une armée d'un territoire qu'elle occupe, comme c'est le cas en Crimée.
    Si l'on considère les différentes situations pouvant se produire et c'est le but de notre comparution — en pensant par exemple à la sécurité des républiques baltes et de la Pologne, des pays membres de l'OTAN — la question que vous soulevez devient fondamentale. C'est une chose d'avoir quelques soldats qui sont disponibles et prêts au déploiement. Pas plus tard que cette semaine, les Européens ont décidé qu'ils allaient constituer une force multilatérale composée, si je ne m'abuse, de 3 000 soldats. Toutefois, il faut surtout noter la rapidité avec laquelle les Russes ont pu déplacer de 20 000 à 40 000 soldats à leur frontière. Ils bénéficient d'un avantage géopolitique.
    Il faut également penser à la force de frappe nécessaire pour appuyer les soldats. L'effet dissuasif est très fort, car personne ne voudra jouer avec le feu. Mais si vous n'avez pas une telle force de frappe et que l'agresseur éventuel peut en déployer une très rapidement, je crois que nous avons un sérieux problème sur le front de l'Est.
    Dans quelle mesure...?
    Monsieur Williamson...
    Je vous écoute.
    J'aimerais vous raconter quelque chose. J'ai assisté à une conférence où il était question d'énergie et de la situation en Ukraine, et un des participants s'est demandé ce que ferait Eisenhower. Il a émis l'hypothèse que si Eisenhower était président, il s'empresserait de faire construire sans permis une installation pour l'exportation de gaz naturel liquéfié à la station navale de Norfolk. Il en ferait l'annonce et les Russes comprendraient que nous ne nous contentons pas de nous en prendre à leurs banques, mais nous allons plutôt nous donner les moyens d'apporter une aide concrète à nos alliés.
    Je crois que la force de l'action est parfois sous-estimée. Comme le disait mon collègue, il faut que les mesures de dissuasion prennent un sens bien réel pour les gens. Je pense qu'il nous faudrait envoyer un message plus net quant aux conséquences, sans nécessairement recourir à la violence, mais en exprimant très clairement les choses pour les gens comme les Russes qui ne comprennent que ce langage-là.
    Je crois que vous avez tous les deux tout à fait raison. Je ne peux pas comprendre que nous en ayons fait si peu en Europe, tant pour souligner la gravité des agissements de la Russie que pour nous préparer dans l'éventualité de nouveaux actes semblables. Je me réjouis de constater que les Européens voient maintenant le pétrole canadien d'un oeil plus favorable. Les Européens étaient prêts à qualifier le pétrole des sables bitumineux de carburant polluant dont ils allaient se passer, mais la situation en Ukraine leur a fait changer leur fusil d'épaule.
    Cela m'amène à parler de Keystone. Je crois que les Républicains y sont favorables. Lorsque la Maison-Blanche accueillera un nouveau président d'un parti ou de l'autre — espérons qu'il sera démocrate — quelle sera la position sur Keystone de ce successeur d'Obama?
    C'est un enjeu tout ce qu'il y a de plus politique et j'ai un grand respect pour les positions divergentes des gouvernements et des partis concernant l'environnement et l'énergie. Comme vous l'avez peut-être vu dans une note en bas de page de mon mémoire, j'ai défendu le projet du pipeline Keystone lors d'un débat contre un brillant lobbyiste qui était bien préparé à faire valoir les arguments contraires.
    Je crois que le moment est venu de construire un pipeline comme Keystone, notamment en raison des changements à la direction du Congrès américain et du Sénat. J'estime toutefois qu'il y a de nouveaux éléments qui compliquent considérablement les choses. Ainsi, la chute du prix du pétrole, sans savoir combien de temps cela va durer, change la donne à bien des égards. Pour ce qui est des perspectives d'avenir du pétrole et du gaz de schiste, je dois dire que j'ai récemment pris connaissance de nouveaux travaux effectués en Alberta pour en évaluer le potentiel, et les possibilités sont immenses.
(1715)
    Est-ce que je peux vous demander de conclure?
    Je dirais qu'il nous faut arriver à la bonne décision dans ce dossier en autorisant le passage du pipeline Keystone.
    Merci, monsieur Doran.
    Nous en sommes à notre dernier intervenant, M. John McCallum du Parti libéral.
    Je veux juste souligner qu'il faut certes croire que le Canada peut collaborer sur le plan militaire avec les États-Unis sans perdre sa souveraineté comme on a pu le constater dans les cas du Vietnam et de l'Irak où notre refus n'a eu aucune répercussion économique ou autre.
    Je veux traiter d'un sujet qui a été abordé tout à l'heure soit celui du front de l'Est, ou des États baltes. J'ai bien peur en effet que les États baltes soient la prochaine cible de Poutine. Il y a bien sûr une différence cruciale entre ces pays et l'Ukraine: ils sont membres de l'OTAN alors que l'Ukraine n'en fait pas partie. Il y a donc un risque qu'un pays de l'OTAN soit attaqué et que l'article 5 puisse être invoqué. J'ai l'impression que si les Russes prennent ces pays comme cibles, ils vont le faire de façon subtile. Ce ne sera pas une invasion militaire à proprement parler, mais ils pourraient procéder progressivement en venant en aide aux russophones dans certaines régions des États baltes, voire en tenant des simulacres de référendum, un peu comme ils l'ont fait en Ukraine, puis la situation pourrait s'envenimer.
    Il y a deux aspects qui me préoccupent. J'aimerais savoir si vous convenez avec moi de l'importance de ces deux préoccupations. Premièrement, toute confrontation militaire directe entre la Russie et l'OTAN comporterait inévitablement des dangers. Deuxièmement, vous avez souligné à quel point il semblait facile pour la Russie de déployer des troupes importantes en Ukraine. Je me souviens que les choses avaient été loin d'être aussi simples pour l'OTAN il y a 10 ans. Il était question d'un déploiement rapide de forces considérables, mais le rapport entre l'effectif opérationnel et l'effectif de soutien était très faible, et il était difficile de faire bouger les choses. La situation s'est peut-être améliorée depuis, mais l'un de vous deux a tout de même dit que l'OTAN avait besoin d'un nouveau souffle.
    Je m'interroge donc dans un premier temps au sujet des risques inhérents à une confrontation avec l'autre superpuissance du monde sur le plan militaire et nucléaire et, par ailleurs, quant à la capacité relative de l'OTAN d'intervenir rapidement par rapport à ce que la Russie nous a démontré.
    Je crois que vous avez très bien résumé le dilemme. Nous devrions faire une utilisation plus efficace des mesures dissuasives, mais il faut pour ce faire avoir confiance en sa propre capacité de défense. Le problème c'est qu'après avoir assumé la plus grande partie du fardeau à ce chapitre au fil des ans, les États-Unis voient maintenant leurs forces éparpillées un peu partout au Moyen-Orient ainsi qu'en Asie, tout comme le Canada.
    Il faut donc surtout chercher à déterminer comment on peut déployer une force convaincante sur le front de l'Est et plus particulièrement en Pologne. Les Polonais sont certes au fait des difficultés que cela pose, ce qui aggrave d'autant la situation par rapport aux républiques baltes.
    Dans une certaine mesure, ce sont les citoyens des États concernés qui doivent prendre la situation en main. Ce sont eux qui doivent nous demander de l'aide après avoir tout tenté pour s'en sortir eux-mêmes.
    Je viens tout juste de participer à une conférence qui portait sur la puissance de ceux qui ne pensent pas en avoir. J'ai dû dire à mes amis européens qu'ils ne devraient pas croire qu'ils manquent de puissance; ils forment la région la plus riche et la plus peuplée du monde et ils pourraient investir davantage dans leur capacité militaire. S'ils consentaient ces nouveaux investissements ou s'ils utilisaient de façon plus efficiente leur capacité actuelle, ils pourraient tout aussi bien faire face à Poutine.
    Il faut donc déterminer qui va agir en premier, quelle sera la séquence des événements et de quelle capacité totale on dispose. En fin de compte, cela n'a sans doute pas d'importance, car cette capacité doit servir uniquement comme force de dissuasion convaincante et plausible. Je crois que ça nous manque pour le moment.
    Je veux juste ajouter deux choses très rapidement. Premièrement, nous avons vu il y a trois ans les Russes s'en prendre aux Estoniens en déployant la plus importante cyberattaque jamais vue. L'OTAN a réagi en établissant un centre de cyberdéfense en Estonie. Ce ne sera donc pas nécessairement une attaque militaire. Une cyberattaque est possible. Les Russes vont faire montre de créativité, et nous devons être prêts.
    Deuxièmement, depuis les événements en Ukraine, nous avons vu le gouvernement de la Finlande et celui de la Suède s'adresser à l'OTAN pour discuter des possibilités d'adhérer à l'organisation. Si l'on réagissait positivement à leur manifestation d'intérêt, comme l'indiquait M. Doran, on enverrait à Moscou un message qui pourrait bien nous servir. Ils pourraient devenir de bons alliés, des membres utiles au sein de l'OTAN et leur présence à proximité des États baltes nous serait d'un grand secours si les choses tournaient mal.
(1720)
    Merci beaucoup.
    Nous en avons terminé avec les tours de questions, mais nous avons une petite tradition qui permet au président d'en poser une lui-même s'il le désire. Ma question est d'ordre général.
    Madame Gallant et moi-même avons participé récemment à La Haye à une rencontre de l'Association parlementaire de l'OTAN où nous avons discuté des dépenses en armement dans la foulée du sommet tenu au Pays de Galles. J'ai eu alors l'occasion de prendre connaissance de certains chiffres sur les dépenses militaires pour constater que le budget de la Russie à ce chapitre, bien qu'il ait été accru, est à peu près équivalent au total de ceux de l'Italie et de la France, ou de l'Italie et de l'Allemagne, lesquels je vous l'accorde, grimpent rapidement d'après ce que vous nous avez indiqué.
    Je réfléchissais aussi à l'intervention d'un analyste lors d'une autre rencontre de l'Association parlementaire à Vilnius. Il a indiqué que la Russie était désormais une puissance régionale qui agit comme si elle était une puissance mondiale, alors que la Chine est une puissance mondiale agissant comme si elle était une puissance régionale.
    Est-ce que ces éléments changent quoi que ce soit à votre analyse de la situation? De toute évidence, nous avons affaire à des pays dont les actions vont à l'opposé de leur puissance relative. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de ces observations?
    Je vous suis très reconnaissant, monsieur le président, de soulever cette question du statut, si je puis m'exprimer ainsi. Le statut a fait son retour par la grande porte dans la politique internationale. Il semble être au coeur des préoccupations de Poutine. Dans ce contexte, je pense qu'il serait très sage pour nous de ne pas trop insister sur le fait que la Russie est une puissance régionale. C'est une grande puissance. Elle dispose d'un très vaste territoire qui regorge de ressources ainsi que de la deuxième force de frappe nucléaire en importance. Cela me suffit amplement. C'est une grande puissance et traitons-la de cette manière. Mais assurons-nous aussi de l'exhorter à prendre sérieusement ses responsabilités.
    À mes yeux, la Chine est une grande puissance en devenir qui ne peut malheureusement pas compter sur un ancrage régional. Elle est au centre du nouveau réseau des superpuissances, avec le Japon et la Russie à proximité, sans compter l'Inde qui arrive en coulisses. La moitié du pétrole mondial transite par ces voies d'eau que nous utilisons tous. Le problème de la Chine est donc qu'elle n'est pas au coeur d'une région. Elle est au centre d'un réseau. Elle devrait s'adapter à cette réalité d'une manière ou d'une autre. J'ai noté au cours de la dernière semaine que son discours a changé — pour le mieux à mon avis — mais nous ne savons toujours pas comment cela se concrétisera quant à ses actions dans ces secteurs.
    Dernière chose, l'un des problèmes de ces deux pays réside dans leur volonté d'établir des sphères d'influence. De telles sphères ne sont pas compatibles avec notre compréhension d'un régime politique et commercial libre. Comme cela est inconciliable, nous devrons discuter avec eux de ce désir d'établir des sphères d'influence et leur indiquer clairement le point de vue de nos démocraties et notre détermination à défendre la libéralisation des échanges commerciaux et politiques.
    Monsieur le président, j'ajouterais brièvement qu'il est vraiment difficile d'établir des comparaisons en fonction des sommes dépensées. On parle des dépenses en proportion du PIB et des objectifs de l'OTAN suivant lesquels elles doivent correspondre à au moins 2 % du PIB national. Des pays comme l'Italie, la France, mais surtout le Canada, bénéficient d'un PIB fort et en croissance. Le Canada ferait bien meilleure figure au chapitre de ces objectifs si son économie était plus faible mais, Dieu merci, elle est très vigoureuse. Les dépenses russes en proportion du PIB sont impressionnantes, mais leur PIB lui-même ne l'est pas autant. Bien que l'on ne puisse pas nécessairement comparer directement les sommes dépensées et les capacités militaires, cela nous montre bien que nous pourrons combler l'écart si nous sommes vraiment déterminés à le faire.
(1725)
    Sur ce, je tiens, au nom du comité, à vous remercier grandement d'avoir pris le temps de vous joindre à nous pour nous faire profiter de vos points de vue et de votre expertise.
    Messieurs Doran et Sands, je vous remercie d'avoir été des nôtres. Votre contribution a été précieuse pour notre comité.
    Ceci étant dit, est-ce que quelqu'un peut présenter une motion d'ajournement?
    J'en fais la proposition.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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