NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 26 novembre 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, nous avons le quorum. Nous allons poursuivre, aujourd'hui, notre étude des soins offerts aux membres des Forces armées canadiennes malades ou blessés.
Nous recevons deux groupes. Anne Germain, professeure associée en psychiatrie à l'University of Pittsburgh School of Medicine, va comparaître à titre personnel.
Le Centre de ressources pour la réadaptation de l'Hôpital d'Ottawa est représenté par Helen Zipes, directrice clinique, Centre de réadaptation et Études universitaires de santé familiale et Sean Gehring, gestionnaire, Soins spécialisés.
Comme d'habitude, nous allons commencer par accorder 10 minutes à chaque groupe pour présenter un exposé.
Docteure Germain, pourriez-vous prendre la parole, s'il vous plaît, pour nous faire un exposé de 10 minutes. Merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
Merci de m'avoir invitée. C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui.
Comme vous l'avez dit, je m'appelle Anne Germain. Je suis professeure adjointe de psychiatrie et de psychologie à l'École de médecine de l'Université de Pittsburgh. J'ai obtenu un Ph.D. en psychologie clinique de l'Université de Montréal, en 2001 et je suis allée ensuite faire des études postdoctorales à Pittsburgh où je me suis jointe au corps professoral en 2005.
Depuis, mon programme de recherche a principalement visé à comprendre comment les troubles du sommeil peuvent compromettre la santé mentale et la promptitude mentale chez les militaires, en service actif ou anciens combattants, ainsi qu'à élaborer et tester des traitements visant à favoriser le sommeil dans le but d'améliorer la résilience psychologique et d'accélérer la récupération des militaires souffrant de réactions mésadaptées chroniques au stress.
Mon programme de recherche a été financé de façon continue par le Département de la défense et le National Institutes of Health, des États-Unis.
Je voudrais démontrer, aujourd'hui, que le sommeil est un élément fondamental de la santé mentale et de la promptitude mentale, surtout pour les forces armées.
Le sommeil est une fonction cérébrale fondamentale et un processus biologique qui joue un rôle dans le maintien des capacités mentales et physiques.
Nous dormons tous et nous avons tous subi, à l'occasion, les effets d'un manque de sommeil, mais à moins de souffrir de troubles du sommeil chroniques, nous consacrons très peu de temps à réfléchir au sommeil et à son rôle, surtout dans le contexte militaire.
En 1981, le major-général Aubrey Newman a écrit ce qui suit dans son livre:
En temps de paix comme en temps de guerre, le manque de sommeil agit comme les termites dans une maison: sous la surface, rongeant silencieusement et à l'insu de tous et produisant un affaiblissement graduel pouvant mener à un effondrement soudain et imprévu.
Ces propos illustrent bien à quel point le manque de sommeil constitue une menace pour la promptitude mentale et le rendement opérationnel dans le contexte militaire.
Le sommeil est essentiel à la survie et il intervient dans diverses fonctions biologiques et mentales, y compris la régulation des émotions, les prises de décision, l'apprentissage et la mémoire ainsi que les fonctions cardiovasculaires et immunitaires.
Le sommeil peut s'adapter temporairement à des exigences et à des conditions inhabituelles et extrêmes. Cela se compare à la malnutrition. Le manque de sommeil chronique entraîne des lésions et une défaillance organique.
Dans le cas du sommeil, le principal organe est le cerveau. La défaillance et les lésions chroniques de cet organe compromettent la santé mentale et la promptitude mentale de nos forces armées.
Les troubles du sommeil sont les problèmes les plus fréquemment signalés après un déploiement militaire. Nous avons maintenant de nombreuses études montrant que la probabilité d'un sommeil de mauvaise qualité et de courte durée augmente énormément pendant le déploiement chez les soldats. Nous avons aussi une certaine quantité de données montrant qu'en cas de troubles du sommeil pendant le déploiement, au retour, la qualité du sommeil ne se rétablit pas au même niveau qu'avant le déploiement. Autrement dit, le sommeil ne revient pas à la normale lorsque les militaires rentrent chez eux après un déploiement.
C'est vrai même lorsque les exigences opérationnelles et les facteurs de stress disparaissent. Aux États-Unis, nous savons qu'entre 40 % et 90 % des militaires en service actif et des anciens combattants qui ont servi dans différents théâtres depuis 2001 déclarent souffrir d'importants troubles du sommeil, y compris d'insomnie. C'est vrai même chez ceux qui ne remplissent pas à tous les critères de l'état de stress post-traumatique soit la dépression, les troubles anxieux ou les traumatismes cérébraux légers, par exemple.
Il ne faut pas non plus oublier que les troubles du sommeil sont également présents chez ceux qui n'ont pas été déployés. Luxton et ses collègues ont récemment montré que plus de 70 % des militaires non déployés ont un sommeil de très courte durée, moins de six heures par nuit, de façon chronique. La proportion est d'environ 30 % au sein de la population civile générale.
Lorsque nous examinons ces données, nous pouvons voir que nos militaires remplissent continuellement des missions sous l'effet d'un manque de sommeil important, voire de sérieux troubles du sommeil. Cette situation est peut-être inévitable au cours de différentes opérations militaires; toutefois, il faudrait y remédier lorsque les soldats rentrent chez eux afin qu'ils puissent retrouver leur niveau optimal de promptitude mentale et que les anciens combattants puissent être prêts à retourner à la vie civile en bonne santé.
Il existe un lien très solide entre les troubles du sommeil et les résultats défavorables sur le plan psychiatrique suite à l'exposition au stress ou à des traumatismes.
Nous savons que les troubles du sommeil qui précèdent ou suivent immédiatement l'exposition à des événements stressants ou traumatiques sont un puissant prédicteur de risque de troubles psychiatriques, ce qui comprend l'état de stress post-traumatique, la dépression, les tendances suicidaires et d'autres troubles anxieux, l'alcoolisme et d'autres dépendances ainsi que les déficits cognitifs qui sont souvent associés aux traumatismes cérébraux légers. Toutefois, les mêmes observations permettent de croire que la préservation du sommeil dans un contexte stressant ou la consolidation rapide du sommeil après l'exposition au stress permettent non seulement d'améliorer la résilience psychologique, mais également d'accélérer le rétablissement quand on s'attend à certaines réactions au stress.
Même si les troubles du sommeil sont très répandus chez les militaires et sont associés à un risque accru de résultats défavorables sur le plan psychiatrique, il est possible d'y remédier. Autrement dit, il s'agit d'un facteur de risque modifiable pour la promptitude mentale et la résilience psychologique chez les militaires. Nous avons, comme d'autres, démontré qu'une solution thérapeutique d'une efficacité démontrée peut non seulement améliorer la qualité du sommeil des soldats et des anciens combattants, mais également que l'amélioration du sommeil est associée à une amélioration des symptômes de stress post-traumatique ressentis pendant la journée, de la dépression, de l'anxiété et même du fonctionnement cognitif de ceux qui souffrent de traumatismes cérébraux légers.
Il y a deux types de stratégies anti-stress pour le traitement des troubles du sommeil. Les thérapies axées davantage sur le comportement consistent à adopter des habitudes et des comportements propices au sommeil. Ces méthodes ont prouvé leur grande efficacité pour améliorer le sommeil et les conséquences diurnes des troubles du sommeil ou des troubles psychiatriques comorbides. Les traitements pharmacologiques peuvent également être utiles et lorsque le sommeil s'améliore, nous constatons régulièrement une amélioration du fonctionnement pendant la journée.
Même si nous disposons de solutions thérapeutiques d'une efficacité démontrée pour améliorer le sommeil, il reste encore beaucoup de travail à faire pour vérifier leur véritable efficacité dans le cadre des services de santé militaires et au sein des populations militaires. Par exemple, le traitement comportemental de l'insomnie exige généralement six à huit semaines de thérapie individuelle administrée par un spécialiste de la médecine comportementale du sommeil. L'accès à ce type de traitement est généralement limité et c'est une solution peu pratique dans la plupart des services de santé militaires ou pour la plupart des populations militaires.
Soit dit en passant, il n'est pas facile non plus de faire participer du personnel militaire à deux mois de thérapie.
Les traitements efficaces dont nous disposons doivent être réévalués et adaptés aux réalités des services de santé militaires et aux genres de défis auxquels nos soldats sont confrontés. Par exemple, nous avons montré que nous pouvons traiter l'insomnie efficacement en quatre semaines grâce à du matériel éducatif et à des traitements personnalisés d'une efficacité démontrée qui sont administrés en une seule séance de 45 minutes et deux semaines de suivi par téléphone. Au cours de cet essai pilote, nous avons assisté à une rémission complète de l'insomnie en quatre semaines chez plus de 50 % des personnes qui ont bénéficié de cette intervention.
Nous avons également travaillé à l'élaboration de programmes d'intervention qui peuvent être déployés et utilisés dans le théâtre d'opérations. Vous avez peut-être vu un exemple de la trousse du sommeil du combattant. C'est une petite boîte qui contient des renseignements sur le sommeil, un masque pour les yeux et des bouchons pour les oreilles. Ce n'est pas parfait. C'est un prototype. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour améliorer son effet, mais cela montre seulement que ce genre d'effort est faisable. Nous avons distribué plus de 5 000 de ces trousses à des combattants déployés précédemment en Iraq, et maintenant en Afghanistan.
Le dernier argument que je présenterai pour démontrer que le sommeil est un élément essentiel de la santé mentale et de la promptitude mentale est que le sommeil est un motif d'accès aux soins de santé mentale qui n'est pas stigmatisant. Tout le monde souffre de troubles du sommeil pendant l'entraînement militaire et les opérations militaires. Les troubles du sommeil sont la norme plutôt que l'exception pendant le service militaire. Tout le monde reconnaît facilement présenter des troubles du sommeil, lesquels ne font pas l'objet des mêmes préjugés que les maladies mentales. Par conséquent, si nous faisons la promotion du traitement de ces troubles, nous pouvons fournir un motif d'accès acceptable aux services de santé mentale où il sera possible de déceler d'autres problèmes psychiatriques et de les traiter adéquatement.
Pour résumer, c'est que je voulais vous faire savoir aujourd'hui, c'est que le sommeil est un élément fondamental de la santé mentale et de la promptitude mentale chez le personnel militaire; deuxièmement, les troubles du sommeil constituent une menace pour la santé mentale, mais c'est une menace modifiable. Nous pouvons traiter les troubles du sommeil grâce à des solutions thérapeutiques d'une efficacité démontrée et modifier ainsi le risque qui y est associé sur le plan psychiatrique.
Il est vrai qu'il reste beaucoup à faire pour que nous puissions préparer et diffuser efficacement les traitements d'une efficacité démontrée dont nous disposons, mais je suis convaincue que l'amélioration du sommeil peut avoir des effets importants et rapides sur la vie de nos militaires et de nos anciens combattants.
Pour conclure, je voudrais recommander au comité de reconnaître que le sommeil est un élément fondamental de la préparation mentale et physique et de la santé mentale et que les efforts visant à comprendre, évaluer, déceler et traiter les troubles du sommeil devraient être favorisés et soutenus.
Merci beaucoup.
Merci, docteure Germain.
Si vous le voulez bien, restez à la table pendant que Mme Zipes et M. Gehring feront leur exposé.
Les personnes qui sont assises trop près de l'écran, comme c'est notre cas à ce bout-ci de la table, vont aller s'asseoir plus loin pour la présentation du diaporama.
Merci.
Bonjour à tous. Merci infiniment de nous avoir invités.
Je m'appelle Helen Zipes. Je suis la directrice clinique du Centre de réadaptation de l'Hôpital d'Ottawa. Je suis accompagnée de mon collègue, Sean Gehring, qui est le gestionnaire de soins spécialisés.
Je vais parler un peu aujourd'hui du laboratoire de réadaptation en réalité virtuelle. Je dirai quelques mots au sujet de certains résultats cliniques du laboratoire ainsi que certaines des recherches innovantes que nous faisons ici, à Ottawa. Je terminerai en relatant l'expérience d'un patient membre des Forces canadiennes.
Cette machine, le CAREN, qui est un système de réadaptation assisté par ordinateur, a été acheté pour nous par la Défense nationale et a été installé au Centre de réadaptation de l'Hôpital d'Ottawa. Je suis très fière que nous soyons les premiers, au Canada, à disposer de cet équipement. MDN a acheté une deuxième machine pour Glenrose. Glenrose est l'hôpital de réadaptation qui dessert la population militaire dans l'ouest du pays; nous desservons toute la population du centre et de l'est.
Le système CAREN existe seulement dans quatre pays: les Pays-Bas, d'où il vient, les États-Unis, le Canada et Israël.
Nous avons de merveilleuses relations de travail avec nos partenaires militaires.
Tout d'abord, pourrais-je demander si quelqu'un sait où se trouve le centre de réadaptation?
La plupart des gens ignorent que nous avons ce joyau ici, à Ottawa. Le centre occupe son propre bâtiment, un immeuble de deux étages situé derrière le campus général. Nous traitons les patients qui ont subi une maladie ou un accident grave; quelque chose de très grave qui nuit à leurs fonctions. Cela peut-être une lésion de la moelle épinière, une amputation ou une lésion cérébrale. Ils viennent nous voir pour leur réadaptation.
Nous avons un programme pour les patients hospitalisés. En général, nous voyons environ 400 patients par année. Nous avons aussi un énorme programme pour les patients externes. Nous recevons plus de 60 000 visites de patients externes par an.
Les patients viennent à nous pour améliorer leurs fonctions. Le but de la réadaptation est de permettre aux gens de réintégrer la collectivité, de retourner chez eux, si possible.
Ce qu'il y a de merveilleux dans ce laboratoire, c'est qu'il nous aide à accélérer la réadaptation. Je vais vous présenter une démonstration, mais cela place les gens dans une situation très réaliste. Par exemple, prenons notre programme pour les amputés. Par le passé, les physiothérapeutes et les ergothérapeutes travaillaient avec les patients dans le gymnase. Nous allions à l'extérieur pour travailler sur un terrain inégal, mais nous attendions longtemps avant de pouvoir emmener les patients à l'extérieur, car il fallait s'assurer qu'ils n'allaient pas tomber.
Grâce à cette machine, nous pouvons faire progresser le traitement beaucoup plus vite. C'est une méthode très sûre. Il y a un harnais. Nous pouvons travailler pour atteindre différents objectifs, que ce soit l'équilibre, la démarche ou les cognitions. Nous l'utilisons pour un vaste éventail de patients. Pratiquement tous les patients externes peuvent bénéficier du système CAREN.
Nous immergeons les patients dans cet environnement et nous pouvons modifier l'écran ou le programme en fonction des objectifs du traitement.
Comme vous pouvez le voir sur la photo, il y a une série de 12 caméras d'analyse des mouvements qui encerclent la zone. Il y a au centre une plate-forme à six degrés de liberté qui peut avoir également un mouvement de lacet. Il y a deux tapis roulants, un tapis roulant à deux vitesses au centre de la plate-forme. Il y a un système de sangles; nous plaçons le patient dans un harnais pour qu'il ne puisse pas tomber ou sortir de la plate-forme. Un écran de 180 degrés entoure la plate-forme. C'est comme une console Wii géante, mais avec un environnement beaucoup plus immersif. Nous avons ajouté quelques caméras supplémentaires sur les montants de chaque côté. Quand vous êtes au centre du tapis roulant, vous avez vraiment la sensation d'être immergé dans l'environnement de l'écran.
Le laboratoire est entré en fonction en mars 2011.
La diapositive suivante présente la liste de certaines des conditions que nous avons traitées.
Je vais passer à la page suivante. Je pense que ce sera plus intéressant pour vous.
Sur tous les patients que nous avons traités depuis le début, au Centre de réadaptation de l'Hôpital d'Ottawa, il y en a eu environ 25 qui venaient des Forces canadiennes. Nous avons eu aussi des civils qui ont été blessés en Afghanistan. Nous avons traité environ 12 patients des Forces canadiennes et fait environ 61 séances de traitement à l'aide de cette machine. Nos patients ont des blessures orthopédiques. La plupart d'entre eux sont amputés et il y a également quelques autres diagnostics.
Le sigle CRPS désigne le syndrome de douleur régionale complexe; ABI correspond aux lésions cérébrales acquises et nous avons également eu des cas de lésions cérébrales traumatiques légères.
Nous avons aussi utilisé le système CAREN comme outil d'évaluation. Nous avons évalué un groupe de 10 soldats des Forces canadiennes qui devaient participer à la marche de Nimègue. Nous avons pu les faire marcher sur ce tapis roulant. La marche de Nimègue est, en fait, une épreuve d'endurance. Je ne me souviens pas de la distance parcourue, mais je pense que c'est 60 kilomètres — c'est énorme — et c'est quatre jours de suite. Ces soldats avaient tous été blessés et voulaient être sûrs de pouvoir participer à la marche. Nous les avons donc soumis à des tests sur cette machine.
L'opératrice du système a fait quelque chose d'intéressant. En tant qu'ingénieure aéronautique et kinésithérapeute, elle est très bien placée pour faire fonctionner cet appareil et elle a modifié légèrement le programme. Elle a fait jeter des fleurs aux soldats par la foule car apparemment, c'est ce qui se passe en réalité. Je crois que certains soldats réagissent mal quand on jette quelque chose dans leur direction; un grand nombre de nos soldats souffrent de l'ESPT. C'était un moyen de les préparer, de voir comment ils réagiraient en pareil cas. C'était une application vraiment intéressante. Ce n'est pas une simple console Wii, mais bien un instrument thérapeutique.
Ce que ce système, qui coûte très cher, un peu plus d'un million de dollars, a vraiment de merveilleux, c'est qu'il est très sûr. Nous pouvons expérimenter des choses qu'il serait très difficile d'essayer dans un gymnase ou à l'extérieur. C'est un environnement contrôlé. Nous pouvons contrôler la pente et la vitesse de la plate-forme; nous pouvons contrôler l'environnement; nous pouvons ajouter des tâches dans l'environnement.
Il y a un programme dans lequel les gens marchent le long d'une route qui monte et qui descend. Nous avons des oiseaux qui volent. Nous pouvons ajouter des problèmes de mathématique, car lorsque vous marchez, vous devez pouvoir regarder des choses et reconnaître des choses. Nous pouvons rendre le programme plus difficile ou plus facile selon les besoins du patient.
Ce système nous permet de vraiment pousser le patient et cela améliore sa confiance. Nous avons eu une jeune femme qui avait perdu le bas de la jambe en Afghanistan. Elle était très mince. Elle se débrouillait très bien avec sa prothèse, mais elle avait peur. Elle disait qu'elle n'était pas sûre de pouvoir se tenir debout dans l'autobus en cas de secousses. Nous l'avons placée sur la machine et nous avons pu simuler des secousses en faisant rouler le tapis à différentes vitesses. Elle a très bien résisté et s'est rendu compte qu'elle pouvait prendre l'autobus. C'était un excellent résultat.
Ce système a vraiment raccourci la durée de la réadaptation. Nous voulons réadapter les patients le plus rapidement possible pour les renvoyer dans la collectivité. Ce dispositif nous aide à le faire.
Comme je l'ai dit, nous visons des objectifs précis comme le transfert de poids, la marche ou l'équilibre… J'ai inclus le « plaisir » dans la diapositive sur les résultats cliniques. C'est le plaisir. Marcher en long et en large dans un gymnase entre deux barres parallèles n'a rien d'agréable et les gens n'ont pas envie de le faire longtemps. Lorsque vous les placez dans un environnement comme celui-là, surtout nos militaires qui sont des athlètes, des hommes et des femmes en bonne condition physique, il faut les pousser un peu plus. Ce système a été merveilleux pour cela.
Le système sert également à la recherche. Certaines des études que nous avons entreprises et que nous avons prévues portent sur l'ambulation et la marche, la psychologie, le stress post-traumatique, la conduite et l'utilisation d'un fauteuil roulant.
Dans la diapositive suivante, voici les choses que certains de nos scientifiques, notre opératrice ingénieure et l'équipe — quand je parle de l'équipe, c'est vraiment une équipe — les patients, l'opératrice, le physiothérapeute, l'ortho... Nous n'avons pas encore utilisé le système pour l'orthophonie, mais je crois qu'il y a certaines applications et c'est une chose que nous pourrions envisager. C'est vraiment un travail d'équipe.
Ces idées sont venues des patients qui nous ont dit: « Nous avons besoin d'aide. Qu'allons-nous faire si nous trébuchons? Qu'allons-nous faire si nous glissons? » Voilà certains des projets auxquels nous travaillons actuellement. Nous avons, au centre, des amputés des membres supérieurs et inférieurs… le tapis roulant, le contrôle de l'inclinaison du tapis roulant, la navigation.
Je voudrais vous parler d'un des messieurs qui ont utilisé notre système, un sergent. Il a malheureusement marché sur un engin explosif improvisé en Afghanistan et a été amputé au-dessus du genou. Il avait également un grave traumatisme au bras. À un moment donné, on a craint qu'il ne perde le bras, mais nous avons réussi à le sauver. Il n'a pas d'articulation au coude. Son coude est un peu ballant, mais il arrive à se débrouiller. Il a été admis au centre en avril 2011. Au départ, quand nous lui avons demandé quel était son objectif, il a dit qu'il voulait pouvoir marcher dans l'herbe avec sa prothèse. Son grand-père possède une ferme et il voulait pouvoir marcher dans l'herbe
Ce sergent a eu d'autres complications au bras et a dû subir une nouvelle intervention pour débrider la blessure. Il est ensuite venu nous voir en mai et le moulage initial de sa prothèse a été fait en juin. Deux semaines plus tard, il a fait les premiers pas avec sa prothèse. Le 20 juin, il a suivi sa première séance CAREN.
Voici une photo du sergent et vous pouvez voir qu'il s'agit de sa jambe gauche à laquelle il manque donc le genou et la cheville. Il porte une prothèse qui arrive au-dessus du genou.
Voici un programme qui a été mis au point. C'est une sorte de labyrinthe. Il y a des plateaux de résistance sous les tapis roulants et des marqueurs sont mis sur le patient afin d'obtenir des données objectives. Ce programme aide le patient sur le plan du transfert de poids, de la mise en charge sur la jambe, et de l'équilibre et il faut qu'il marche en suivant le labyrinthe.
Voici un exemple d'un de nos programmes. C'est un bateau. Vous pouvez voir le patient bouger d'avant en arrière. Vous le voyez dans son harnais qui l'empêche de tomber. Il doit s'exercer à transférer son poids. Le maintien de la stabilité statique et le transfert de poids font intervenir un grand nombre de muscles. Les vagues ajoutent une difficulté supplémentaire.
Je vais maintenant passer à la diapositive suivante. Ici, nous voyons le sergent descendre une pente, ce qui est très difficile à faire avec une prothèse. N'oubliez pas qu'il n'a pas de genou ou de cheville. Je ne sais pas si vous pouvez le voir, mais la pente est assez abrupte. Ce programme permet au patient de régler lui-même la vitesse ou à l'opérateur de fixer les paramètres, mais nous obtenons des données objectives et nous pouvons amener le patient à faire des progrès.
Je vous remercie encore une fois de nous avoir donné la parole. Notre partenariat avec la Défense nationale a été formidable. Ce système est à la disposition de nos patients militaires, mais également de nos patients civils et nous en faisons une grande utilisation. C'est un ajout formidable à notre centre.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à notre premier tour de questions, qui sera de sept minutes pour la question et les réponses, en commençant par M. Opitz.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être venu témoigner aujourd'hui. Les deux exposés étaient très intéressants. Comme la plupart de ces militaires utilisent des jeux vidéo et toutes sortes de technologies, c'est quelque chose qui leur est familier. En fait, nous avons utilisé une vidéo pour un programme de tir que nous avons.
Nous faisons tout cela et c'est pourquoi les gens s'y adaptent si facilement. J'ai d'ailleurs eu un ami qui est entré dans les Forces canadiennes avec une jambe artificielle, il y a de nombreuses années. Il va bientôt prendre sa retraite et il a donc fait beaucoup de chemin. Il marche sans problème dans l'herbe. En fait, il a suivi sa formation de sergent avec une jambe artificielle.
Vous avez dit que cela coûte environ un million de dollars?
Un ergothérapeute pourrait-il utiliser ce système?
Oui, nous avons formé nos physiothérapeutes et nos ergothérapeutes. Comme je l'ai dit, nous espérons que certains de nos orthophonistes… Je crois qu'il y a certains programmes qui vous donnent une rétroaction immédiate sur la façon dont votre bouche bouge et fonctionne.
Je vais en rester là. M. Norlock s'intéresse à la technologie et je pense qu'il va vous en parler.
Je m'intéresse aux lésions cérébrales. Docteure Germain, avez-vous travaillé avec le Dr Harvey Moldofsky, de RDDC?
Il a fait des recherches très similaires. Son équipe travaille également dans le domaine des lésions cérébrales et du sommeil.
En tant qu'ancien militaire, je peux vous dire que vous ne dormez pas beaucoup pendant les exercices et autres activités. Vos habitudes de sommeil sont perturbées. Je sais, pour avoir observé de nombreux anciens combattants, non seulement de ma génération, mais des générations précédentes, comme mes parents et d'autres gens, que ces problèmes ont tendance à durer toute la vie s'ils ne sont pas traités. Je me réjouis des recherches que vous faites.
Est-ce quelque chose que vous pourriez aussi développer pour la prévention, avant le déploiement des soldats, pour essayer de détecter ceux qui peuvent être exposés à des troubles du sommeil, à des troubles cérébraux, à l'ESPT pour commencer à les traiter à l'avance? Vous avez la trousse du combattant que vous utilisez, je suppose, pendant que vous êtes déployé. Contient-elle des écouteurs, de la musique calmante, ou…?
Elle comprend différents éléments. Il y a, sur le CD, plusieurs pistes de bruits blancs pour aider les gens à dormir ou à relaxer dans un environnement différent. Il y a aussi un traitement auto-administré qui guide les gens, étape par étape, pour leur apprendre à se débarrasser des cauchemars ou à s'endormir plus facilement, par exemple. C'est du matériel que nous utilisons à la clinique et que nous avons rendu plus interactif et encore plus simple afin que les gens puissent l'utiliser.
Oui, nous pouvons détecter les troubles du sommeil ou la vulnérabilité aux troubles du sommeil avant le déploiement des militaires. Comme le sommeil est un comportement modifiable, nous pouvons aussi former les gens, à l'avance, pour que leur sommeil soit plus profond ou qu'ils en profitent davantage afin que lorsqu'ils peuvent dormir, lorsque l'occasion s'en présente, ils puissent en bénéficier au maximum, obtenir le plus de sommeil possible. Le recours à des siestes régulières en est un exemple. Il y a différentes stratégies qui peuvent être appliquées longtemps avant le déploiement, pendant la formation, pour améliorer non seulement le sommeil, mais également l'acuité mentale.
Vous apprenez à le faire et c'est une technique que vous maîtrisez.
Utilisez-vous des marqueurs chimiques? J'ai vu quelque part dans votre exposé que vous parliez de la sérotonine. Faites-vous des expériences avec les niveaux de mélatonine et ce genre de choses?
Ce que nous avons utilisé à la clinique, c'est la prazosine. C'est un antagonisme alpha-1 qui a été très utile. C'est d'ailleurs le médicament qui s'est révélé le plus efficace pour traiter les cauchemars reliés au stress post-traumatique, les troubles du sommeil ainsi que l'insomnie.
Nous avons deux enjeux en ce qui concerne les agents pharmacologiques. Ce que nous pouvons utiliser sur le théâtre d'opérations doit être sûr, car les soldats doivent souvent se réveiller rapidement en étant prêts à agir et il ne faut pas qu'ils ressentent des effets hypnotiques ou sédatifs résiduels.
Pour les personnes qui souffrent de stress post-traumatique, les somnifères habituels donnent de très mauvais résultats, sauf la prazosine. Il y a un grand nombre de substances qui ont été utilisées avec plus ou moins de succès. Pour ce qui est de l'intervention pharmacologique, en général, c'est à la fois un art et une science, car il faut trouver la substance exacte ou l'ensemble des substances qui aideront le plus les gens sur le plan du sommeil et qui auront le moins d'effets résiduels.
J'aime aussi le fait que ce ne soit pas stigmatisant. C'est un trouble du sommeil et les gens peuvent l'accepter beaucoup mieux que les autres étiquettes. C'est, je pense, une façon très utile d'aborder la question, car il y a le rythme biologique et ce genre de choses. Les soldats sont déployés à des endroits différents, à des moments différents, ce qui dérègle leur rythme biologique.
Vous avez parlé de l'après-déploiement, du traitement dont vous disposez quand les gens reviennent et qui pourrait donner des résultats efficaces en pas plus de quatre semaines. Si cela facilite le retour de nos soldats et atténue un grand nombre des problèmes qu'ils connaissent à leur retour, cela contribuera à atténuer certains effets à long terme.
Pourriez-vous nous en parler un peu plus, s'il vous plaît?
Ce programme s'étend sur quatre semaines, mais il consiste, en fait, en une seule séance au cours de laquelle nous rencontrons l'intéressé — nous l'avons déjà fait par téléphone ou par Skype selon les besoins — pour lui fournir de l'information de base au sujet de la physiologie du sommeil, sur les mécanismes qui contrôlent le sommeil et les comportements que nous pouvons modifier quand nous sommes éveillés pour mieux aligner les mécanismes qui contrôlent le sommeil de façon à améliorer la qualité du sommeil. Ce sont des traitements très simples et faciles. C'est ce qu'on appelle le contrôle des stimuli et la restriction du sommeil. Il faut personnaliser ces traitements pour qu'ils soient efficaces, mais nous pouvons informer les gens et personnaliser les stratégies en une séance de moins d'une heure avec l'intéressé.
Très bien. Il me reste seulement 30 secondes environ.
Quelles ont été vos conclusions? Quels résultats avez-vous obtenus en appliquant ce traitement aux soldats américains?
Comme les militaires sont déjà extrêmement disciplinés, nous pouvons optimiser les résultats, leur fournir des renseignements et des conseils de base sur les comportements propices au sommeil. Il s'agit notamment de se lever à la même heure tous les jours de la semaine, peu importe le nombre d'heures de sommeil que l'on a eu la veille, de ne pas aller se coucher si l'on n'a pas sommeil et de ne pas rester au lit si on ne dort pas.
Je dis seulement aux gens — nous leur distribuons une brochure contenant ces renseignements — nous avons constaté que la moitié d'entre eux ne souffraient plus d'insomnie au bout de quatre semaines. Ils dormaient bien.
Pour ce qui est des personnes avec qui nous avons passé 45 minutes pour personnaliser ces conseils en fonction de leurs propres habitudes de sommeil, 80 % d'entre elles étaient entièrement débarrassées de leurs insomnies au bout de quatre semaines. Quatre semaines après la séance initiale, 80 % ne souffraient plus d'insomnie. Elles s'endormaient rapidement, elles restaient endormies et se réveillaient reposées le matin.
Merci, monsieur le président.
Vous avez fait toutes les deux un exposé très intéressant.
Docteure Germain, tout d'abord, pourrais-je obtenir une de ces trousses? Je dis cela parce que si la trousse est, bien entendu, conçue pour des situations de stress extrême, je pense qu'elle pourrait s'appliquer à la population en général.
Un article de journal publié, il y a deux jours, décrivait le sommeil comme une thérapie contre la dépression, ce qui m'a vraiment étonné. J'ai étudié la psychologie quand j'étais jeune et j'ai beaucoup travaillé, dans les années 1990, auprès de gens souffrant du trouble de stress post-traumatique ou de dépression, etc., résultant d'abus sexuels. Cet article mentionnait un taux de guérison de la dépression vraiment sidérant; c'est la meilleure découverte depuis le Prozac, pouvait-on lire, je crois. Je ne sais pas si c'était à propos de vos travaux ou non. C'est plus efficace que le Prozac. Pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour le découvrir?
L'armée a-t-elle des leçons à tirer de la façon dont vous opérez? Peut-être n'est-il pas nécessaire de faire lever les gens à 4 heures du matin pour courir trois milles à moins que ce ne soit dans une zone de guerre et nécessaire pour assurer la défense. Y a-t-il des leçons à en tirer pour traiter les soldats en général aussi bien que la façon dont vous les traitez après coup?
Absolument. Ce travail a été réalisé par Colleen Carney, à l'Université Ryerson, à Toronto. Elle a fait une étude exceptionnelle.
Cela montre aussi que lorsqu'on centre les efforts sur le sommeil, on obtient une amélioration spectaculaire sur le plan de la dépression.
Le sommeil est une thérapie transdiagnostique. Cela ne vaut pas seulement pour le stress post-traumatique ou la dépression. Cela s'applique à tout ce qui concerne la santé mentale. Quand nous ciblons le sommeil, nous pouvons produire un effet direct sur les symptômes qui se manifestent pendant la journée, que ce soit l'anxiété ou les troubles de l'humeur.
C'est vrai pour les populations militaires. C'est aussi vrai pour les civils. C'est un peu différent, je pense, pour les militaires en raison des conditions de sommeil différentes associées à l'entraînement et aux opérations. Voilà pourquoi j'ai dit que nous devons adapter ce que nous faisons à la réalité du contexte militaire, mais c'est certainement possible. Les traitements sont adaptables et devraient être adaptés pour correspondre à la réalité.
Nous avons tous entendu parler, je pense, du cas triste, mais malheureusement trop fréquent, du soldat de retour au pays qui ne peut pas sortir de sa tanière ou qui ne peut rien faire parce qu'il est déprimé et a peur d'aller dehors.
J'ai la nette impression que cette thérapie pourrait être également prometteuse dans ce cas.
Certainement. Dites-vous bien que si vous avez mal dormi, généralement, vous êtes de mauvaise humeur le lendemain; vous êtes peut-être un peu plus irritable et pas aussi agréable que d'habitude. C'est après une mauvaise nuit. Si vous multipliez cela par les milliers de nuits que représentent de nombreuses années de service, vous aurez quelques difficultés à faire face à la vie, à sortir de votre tanière.
D'autre part, quand on souffre d'insomnie chronique, on a du mal à faire face aux événements. Par conséquent, au lieu d'exploser ou de se battre avec quelqu'un dans la rue, les gens préfèrent souvent rester enfermés chez eux. C'est une des stratégies d'évitement qu'ils utilisent, pour éviter les disputes, pour éviter d'être hyperactifs.
Oui, si nous commençons par le sommeil, non seulement nous pouvons améliorer le sommeil, mais nous pouvons permettre aux gens de se sentir mieux et de se sentir mieux préparés à faire face aux aléas de la vie quotidienne.
Merci.
J'ai une question à poser à Helen Zipes. Un million de dollars pour ce système. C'est bien ce que vous avez dit? Ai-je bien entendu? Vous avez dit que vous aviez 60 000 visites de patients externes par année. Cela donne environ 160 par jour pendant 365 jours par an.
Vous semblez vraiment occupés.
De combien de ces machines avons-nous besoin dans l'ensemble du pays pour pouvoir vraiment résoudre les problèmes que nous avons?
Nous avons des listes d'attente pour tous nos programmes. Nous essayons de réduire au maximum les délais d'attente pour nos patients hospitalisés. Lorsqu'ils viennent d'un lit de soins aigus, nous essayons de les admettre le plus rapidement possible, mais…
Il y a deux de ces machines, la nôtre et celle d'Edmonton, à Glenrose. Il y a d'autres machines semblables plus petites, mais nous avons été les premiers à avoir le système élargi.
Merci.
J'ai une dernière question à poser à Mme Germain.
Sous le titre « Le sommeil dans le cycle de déploiement », à la page 3 ou 4, lorsque je regarde la durée du sommeil, en heures, à droite, la différence semble très importante sur l'échelle, mais si vous comparez les chiffres, la différence entre la durée la plus courte et la plus longue est de 6 h 46 contre 6 h 56. Est-ce important?
Oui. Il s'agit d'une autoévaluation et généralement les gens surestiment la durée de leur sommeil. La différence absolue ne semble pas si importante, mais je soupçonne qu'en réalité… Trente minutes de sommeil a de l'importance. Par conséquent, si la durée réelle est de 20 à 30 minutes et que c'est une sous-estimation de la réalité, on peut parler d'une perte de sommeil importante pendant le déploiement.
Merci beaucoup et je remercie les témoins, par votre truchement, monsieur le président, de comparaître aujourd'hui.
Je vais commencer par une brève question qui s'adresse à la Dre Germain.
Les aides au sommeil pharmacologiques sont une bonne chose, mais je connais beaucoup de gens qui préfèrent les produits à base de plantes ou naturels… du moins ceux qu'on appelle des produits naturels. Les avez-vous déjà utilisés pour favoriser le sommeil — parce qu'ils ont tendance à ne pas causer beaucoup d'effets secondaires contrairement aux médicaments utilisés habituellement — et quel est leur taux de succès?
Il est très faible. C'est là le problème.
La principale difficulté que posent les produits naturels est qu'il n'y a pas de contrôle de la qualité. Trois milligrammes de mélatonine d'une marque peuvent être très différents de trois milligrammes de mélatonine d'une autre marque. C'est la principale difficulté.
Dans l'ensemble, les études qui ont été effectuées tendent à montrer des effets négatifs ou très peu d'effets.
Il y a des gens qui ne jurent que par ces produits qui peuvent être très efficaces pour certains, mais nous n'avons pas d'analyse scientifique pour déterminer la qualité des différents produits naturels ou pour établir qui est plus ou moins susceptible de bien réagir à ces produits.
Merci beaucoup.
En ce qui concerne le système CAREN, il est très intéressant pour les gens qui ont des handicaps physiques, mais est-il également efficace pour ceux qui souffrent de l'ESPT ou d'autres blessures psychologiques?
Nous évaluons chaque patient pour voir quels sont ces besoins. Ensuite, nous essayons d'atteindre des objectifs précis. Nous pouvons modifier l'environnement. Nous pouvons modifier le programme.
Par exemple, pour une personne qui a de la difficulté à se concentrer, nous pourrions peut-être la placer dans un environnement facile qui fera apparaître à l'écran des petites tâches qu'elle devra exécuter ou des signaux qu'elle devra rechercher. C'est un programme dans lequel vous donnez au patient une liste de choses à faire. Il a l'impression d'être dans un magasin avec un chariot pour faire des achats. Il doit chercher et obtenir différents articles. Il faut qu'il arrive à trouver ce qui figure sur sa liste.
En Israël, on se sert de ce système pour les enfants autistes. Par exemple, l'environnement dans lequel ils se trouvent est une rue et on leur apprend à traverser la rue sans danger et à prendre conscience de ce qui les entoure pour préserver leur sécurité en public.
Selon la nature du problème, nous adaptons l'environnement à l'intéressé.
Merci beaucoup.
En ce qui concerne le potentiel que le système CAREN offre pour la recherche, quelles données de recherche avez-vous pu recueillir grâce à l'utilisation de ce système?
Je suis contente que vous posiez la question.
J'ai apporté la documentation de notre centre concernant la recherche et développement en réadaptation. Plusieurs expériences et études utilisant le système CAREN y sont présentées. Je peux vous remettre ce document pour que vous l'examiniez.
Pouvez-vous le faire, s'il vous plaît, car nos attachés de recherche pourront s'en servir dans le cadre de notre étude.
Le grand intérêt de ce système est qu'il peut nous donner des mesures objectives afin que nous puissions placer des marqueurs sur le patient selon ce que nous recherchons. Nous pouvons obtenir des données objectives, ce qui permet de voir avec quelle force le patient met en charge sa prothèse, de voir ce qu'il est en train de faire, ce qu'il reconnaît et ne reconnaît pas. Nous obtenons des données objectives.
Je crois beaucoup dans la satisfaction de la clientèle. Quelle rétroaction avez-vous reçue de vos patients au sujet de leur utilisation du système et de ce qu'ils ressentent après avoir bénéficié du traitement?
Cela leur plaît énormément. Comme c'est réaliste, c'est exactement ce que doit être la réadaptation. Vous rendez la personne plus fonctionnelle dans un environnement normal, dans un environnement réel. Les hommes et les femmes des Forces canadiennes l'apprécient particulièrement.
Le commodore Hans Jung, ancien médecin-chef des Forces canadiennes, a dit que ce système représente un gros progrès tant sur le plan des circonstances dans lesquelles vous pouvez être placé que sur celui de la rapidité des progrès. Il a laissé entendre que c'était vraiment une technologie transformatrice.
Pouvez-vous nous parler de la rapidité avec laquelle ce système permet de se réadapter par rapport aux autres formes de réadaptation?
C'est le grand intérêt de ce système. Par exemple, le sergent que je vous ai montré a été amputé en haut du genou. Normalement, nous travaillons avec ce genre de personne au moins un bon mois avant de l'emmener à l'extérieur sur un terrain inégal. Maintenant que nous avons cette machine, deux semaines après s'être habitué à sa prothèse, le sergent a utilisé le système en dirigeant la plate-forme en avant, en arrière et dans différentes directions. Cela a accéléré les choses de plusieurs mois. Ce système donne confiance aux gens, car ils se rendent compte de ce qu'ils sont capables de faire.
Le sergent, par exemple, m'a dit un jour qu'il jouait au golf avant sa blessure. Comme nous sommes membres d'un club de golf, ici en ville, mon mari et moi, nous l'avons invité à venir avec nous pour essayer de jouer. Je lui ai dit que s'il pouvait faire ce qu'il faisait, il devait pouvoir golfer, ce qu'il a fait merveilleusement bien; il a vraiment réussi.
Curieusement, ce qui lui a donné le plus de difficulté, c'est que le tertre de départ de notre terrain de golf est un peu surélevé. Là où il y avait des marches, il n'avait pas de problème, mais lorsqu'il y avait simplement une pente, il avait beaucoup de difficulté à la monter. C'est un aspect que nous avons pu retravailler avec lui.
Formidable.
Certains patients reprennent-ils du service? La plupart des patients sont-ils des gens qui s'apprêtent à quitter les forces armées ou viennent de les quitter ou avez-vous traité des patients qui sont des soldats ayant certains handicaps et que vous réadaptez pour qu'ils réintègrent les forces dans certains services?
C'est une excellente question. Tous nos patients militaires étaient des membres du service actif. Lorsqu'ils sont avec nous, ils sont considérés comme étant en service actif et ce sont des membres actifs.
Je crois qu'ils doivent réussir une épreuve physique assez rigoureuse pour rester dans l'armée, surtout certains d'entre eux. Nous avons eu plusieurs patients qui ont marché sur des engins explosifs improvisés, qui sont amputés de trois membres, autrement dit, qui ont perdu les deux jambes au-dessus du genou ainsi qu'un bras. Ce genre de personne ne peut pas réussir l'épreuve physique pour rester dans l'armée. Quelqu'un comme le sergent en question peut réussir cette épreuve.
Une partie de l'épreuve consiste, pour les soldats, à marcher sur une certaine distance avec un sac lourd. Par conséquent, nous leur mettons le sac sur le dos et c'est ainsi qu'ils s'entraînent. Il y a un autre programme qui consiste à tirer sur diverses cibles avec un fusil et nous pouvons les entraîner et voir comment ils se débrouillent.
En réalité, rares sont nos soldats blessés qui restent militaires en raison de la difficulté de réussir l'examen. N'oubliez pas que le centre de réadaptation est un centre de réadaptation tertiaire. Par conséquent, nous recevons les gens qui ont été très gravement blessés dans un accident ou qui ont souffert d'une grave maladie. Nous n'admettons pas au centre de réadaptation ceux qui ont eu simplement un remplacement total de la hanche ou du genou. C'est considéré comme une réadaptation secondaire.
Pour poursuivre cette conversation, madame Zipes, travaillez-vous avec des patients souffrant de l'ESPT, mais sans blessures physiques?
La majorité de nos patients ont des blessures physiques. C'est la raison pour laquelle ils sont au centre de réadaptation. Le colonel Jetly, je crois que c'est son nom, est psychiatre militaire et il nous a soumis un projet pour travailler avec des patients militaires souffrant de l'ESPT qui ne sont pas forcément blessés.
Je pose la question parce que selon certaines estimations, jusqu'à 3 000 membres des Forces armées qui ont servi en Afghanistan pourraient présenter une forme grave d'ESPT. Si cela fonctionne aussi bien que vous le décrivez pour normaliser certains événements inattendus et permettre d'accomplir des tâches physiques tout en faisant des tâches mentales, ce serait peut-être applicable.
Certainement. Nous avons travaillé dans ce sens pour nos patients souffrant de lésions cérébrales et l'étude du colonel Jetly va pousser les choses plus loin.
Y a-t-il des recherches en cours pour reprendre certains des principes de cette machine de 1 million de dollars, dans des systèmes moins coûteux dans le genre des consoles Wii que les gens pourraient emmener chez eux pour continuer à travailler, peut-être pas de façon très complexe, mais sur certaines fonctions essentielles dont ils ont besoin pour leur réadaptation?
Oui, un des principes de la réadaptation est que les gens doivent continuer chez eux ce qu'ils ont appris au centre, absolument.
Oui, et il y a un appareil qui est disponible dans le commerce et que nous utilisons, comme la console Wii.
Docteure Germain, j'aimerais savoir quel lien vous voyez entre la recherche sur le sommeil et l'utilisation pratique, sur le terrain, de ces recherches dans les Forces armées canadiennes. La mise en pratique a-t-elle déjà lieu et de quelle façon? Si ce n'est pas le cas, quelle est la prochaine étape que vous préconiseriez? Pouvez-vous parler de la vie au sein des Forces armées? Où cela se passerait-il? Serait-ce dans l'UIST? Le sommeil serait-il un traitement préventif?
J'ai récemment parlé avec le Dr Jetly. J'ai aimé son approche de la santé mentale du berceau à la tombe, à partir du moment où les gens s'enrôlent dans l'armée jusqu'au moment où ils prennent leur retraite et au-delà. Je pense que le sommeil a sa place tout au long de la carrière militaire.
La transition de la recherche à la mise en pratique est relativement simple dans le cas du sommeil, car la plupart de ceux qui font de la recherche sont également des cliniciens ou travaillent en collaboration très étroite avec les milieux cliniques. J'ai eu la chance de pouvoir établir et maintenir des collaborations avec des membres du service actif, différents dirigeants de l'armée américaine pour pouvoir appliquer sur le terrain ce que nous faisons dans notre laboratoire de recherche. La trousse de sommeil du combattant en est un exemple.
Il y a différentes façons de le faire. Je pense qu'il s'agit pour nous, les chercheurs et les cliniciens, de concevoir nos traitements en tenant compte des réalités militaires pour qu'ils soient aussi réalisables et pratiques que possible. Comme je l'ai dit, c'est important d'un bout à l'autre de la carrière, à partir du moment où les gens s'enrôlent jusqu'à leur retraite et au-delà.
Différents types de stratégies sont actuellement utilisés. Souvent, lorsqu'on intervient pour réguler le sommeil, on s'imagine que l'hygiène du sommeil suffit à améliorer les choses et qu'il faut donc boire du lait chaud et prendre un bain chaud avant d'aller au lit. C'est peut-être une bonne chose, mais chez les personnes qui ont de sérieux troubles du sommeil, ces techniques sont inefficaces. Il n'en a pas beaucoup qui fonctionnent et les stratégies efficaces sont très simples. Voilà pourquoi j'ai dit que sur le plan de la diffusion, il nous reste beaucoup de travail à faire pour faire connaître les méthodes que nous savons efficaces, qui tiennent compte de la biologie, pour améliorer le sommeil dans différents milieux cliniques.
Les cliniciens apprennent, pendant leur formation, que c'est l'hygiène du sommeil qui permet de résoudre les troubles du sommeil, mais nous savons que cela fournit seulement un bon groupe témoin pour les essais cliniques, car c'est inefficace. Ce qui fonctionne, ce sont des changements de comportement précis que les gens doivent appliquer rigoureusement. Il s'agit, par exemple, de se lever à la même heure chaque jour de la semaine, peu importe le nombre d'heures de sommeil que l'on a eu la veille et de ne pas aller au lit ou rester au lit à moins de s'endormir ou de dormir. Cela semble simple, mais c'est assez difficile à faire. Si vous voulez essayer chez vous, vous me direz combien de temps vous pourrez tenir.
Nous savons que si les gens suivent cette stratégie pendant trois ou quatre jours, ils seront fatigués et auront envie de dormir pendant la journée. C'est un signe indiquant que le traitement fonctionne. S'ils l'appliquent fidèlement pendant deux semaines, en général, ils n'ont plus d'insomnie deux semaines plus tard. L'amélioration du sommeil est très rapide.
Nous le constatons lors de nos recherches. Nous le constatons dans différents cadres cliniques avec les méthodes que nous-mêmes et d'autres avons mis au point et qui sont appliquées. Du moment que les cliniciens s'en tiennent à cette méthode et incitent les patients à apporter ces modifications de leur comportement, cela peut être très efficace.
Pour ce qui est d'appliquer la méthode sur le terrain, encore une fois, c'est assez difficile. La trousse de sommeil du combattant est, à ma connaissance, le seul outil qui ait été élaborée. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai dit qu'il y a pas mal de travail à faire sur ce prototype, mais qu'il montre que c'est possible. Nous pouvons faire des choses de ce genre. Nous avons organisé des groupes de discussion pour que les membres du service actif et les anciens combattants nous disent ce dont ils ont besoin, ce qu'ils aiment et comment nous pouvons le présenter.
Nous travaillons, par exemple, à une application dans laquelle les gens pourront entrer leurs données pour obtenir une rétroaction immédiate sur les changements de comportement qui leur sont recommandés compte tenu du genre de troubles de sommeil et d'habitudes de sommeil qu'ils déclarent.
L'application peut être reliée à un clinicien. Nous sommes en train d'en élaborer une qui est reliée à un clinicien — pour le moment, c'est moi — qui peut voir comment les gens progressent ou si les recommandations formulées par l'application qui, en fait, se basent sur le même processus décisionnel que celui que j'utiliserais dans la clinique ou dans le cadre de recherche, pour suivre ce que font les gens. Moyennant une intervention clinique très minime, je peux inciter les patients à suivre les recommandations de plus près. Nous pouvons voir si leur humeur change dans un sens négatif. Nous pouvons faire des interventions. Les patients peuvent nous envoyer des textos, nous téléphoner, nous envoyer des courriels. Nous pouvons certainement utiliser la technologie pour faire en sorte qu'ils soient désireux et prêts à utiliser ces stratégies et aussi de ne pas surcharger les cliniciens.
Merci, docteure Germain.
Votre temps est terminé.
Nous passons maintenant à notre deuxième tour de questions, d'une durée de cinq minutes. Madame Gallant, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président et je remercie notre greffier d'avoir organisé la comparution de ces merveilleux témoins.
Ma première question concerne le système CAREN. Quelle est la longueur de la liste d'attente pour les soldats et les civils?
Au début, nous avons décidé de consacrer 40 % du temps d’utilisation aux patients provenant des FC et 60 % aux patients du centre de réadaptation, en incluant dans cette deuxième portion le temps nécessaire à l’entretien du dispositif. Nous n’avons pas actuellement de liste d’attente, mais je dois préciser que nous n’avons pas utilisé le système à des fins de recherche autant que nous avions prévu de le faire initialement. Cela dit, il y a déjà plusieurs projets en chantier, si bien que la situation pourrait avoir évolué d’ici environ un an.
Il existe d’autres versions de la même machine, mais ce que l’on appelle le système CAREN, c’est-à-dire le système complet, n’existe que dans quatre pays comme je l’ai dit: le Canada, les États-Unis, les Pays-Bas et Israël.
La société propriétaire de la technologie et qui en assure la diffusion s’appelle Motek Medical. C’est une société néerlandaise, mais les composantes sont sous-traitées dans différentes régions du Canada et des États-Unis. Par exemple, les caméras peuvent venir des États-Unis et le tapis roulant d’autres endroits.
Au Canada, le système n’est utilisé que dans deux endroits: le Centre de réadaptation de l’Hôpital d’Ottawa et l’Hôpital de réadaptation Glenrose, avec une version particulière de la machine. Certaines universités ont acheté le système CAREN de base, c’est-à-dire sans la plateforme ni l’enceinte d’entraînement ou les six degrés de réglage. En fait, il s’agit essentiellement de plaques de résistance pour un tapis roulant normal.
Avez-vous la possibilité de mesurer l’activité cérébrale de vos patients en même temps que vous leur appliquez…
Donc, cela n’a pas été utilisé en conjonction avec votre thérapie de désensibilisation du mouvement oculaire ou de reprogrammation.
Oui, nous l’avons effectivement employé dans le cadre de la thérapie vestibulaire. Nous pouvons programmer la plateforme pour qu’elle opère des perturbations, qu’elle se déplace dans différentes directions aussi, et nous pouvons afficher à l’écran les images de notre choix en fonction de l’aspect étudié. Le système peut donc sans aucun doute être utilisé pour les patients atteints de troubles vestibulaires.
J’ajoute que nous découvrons davantage le système au fur et à mesure que nous l’utilisons.
À présent j’aimerais savoir comment on utilise le système CAREN pour traiter les patients atteints de lésions cérébrales traumatiques.
Cela dépend de la nature des symptômes ou des déficits que présente le patient. Par exemple, quelqu’un atteint d’une lésion légère peut avoir des problèmes de mémoire, ou encore des problèmes liés au champ visuel. Mais il peut aussi y avoir ce que j’appellerai des absences, c’est-à-dire que certains de nos patients, en fonction de l’emplacement de la lésion, peuvent oublier l’existence d’un côté de leur corps; dans ce cas, le système les oblige à accomplir les choses différemment afin qu’ils s’en souviennent et qu’ils reprennent conscience de leur bras ou de leur jambe gauche, par exemple; en tout cas, ça les oblige à essayer.
Nous nous efforçons toujours de fournir aux patients une démarche leur permettant de surmonter leurs déficits. Voici un exemple: l’un de nos patients avait une lésion relativement grave au cerveau; cependant, son aspect était tout à fait normal, et à le regarder marcher, on n’aurait rien décelé; et pourtant, il avait perdu la mémoire à court terme. C’est très difficile de vivre sans mémoire à court terme, et nous avons donc employé la technologie disponible pour lui venir en aide. Nous pouvons, entre autres, programmer le BlackBerry ou l’iPhone du patient afin qu’il sonne et lui affiche des consignes à l’écran, par exemple: « C’est l’heure de se lever, de se brosser les dents, de manger, de s’habiller, etc. »
C’est la même chose pour ce dispositif. Votre technicien peut rédiger un programme et vous rappeler les choses à faire lorsque vous vous promenez et que vous rencontrez quelqu’un, je veux dire s’arrêter, saluer, ou d’autre chose que nous pouvons programmer afin qu’elles deviennent plus familières aux patients.
Prenons l’exemple d’une douleur régionale complexe au niveau de l’épaule. Vous avez sans doute entendu parler du blocage des épaules. La douleur empêche d’utiliser le bras; or, moins on l’utilise, plus il s’affaiblit. Dans ce cas, nous utilisons un programme qui prévoit de placer des ballons en suspension, en demandant au patient de lever le bras et de faire éclater les ballons au fur et à mesure qu’il avance. Une fois plongé dans l’activité, le patient oublie sa douleur et lève le bras beaucoup plus haut, cela a été démontré. Lorsque nous faisons l’exercice dans un gymnase et que nous leur demandons de marcher avec les doigts tendus vers le haut du mur, ce qui est un exercice très répandu, ils ne lèvent pas le bras bien haut. En revanche, si vous les faites marcher dans l’enceinte d’entraînement et qu’ils voient s’approcher un ballon, ils oublient leur douleur et ils lèvent le bras beaucoup plus haut. Nous disposons de marqueurs articulaires qui nous permettent de mesurer l’angle de rotation de l’épaule.
[Français]
Merci beaucoup.
Je veux d'abord vous remercier de vos présentations respectives. C'était très intéressant.
Mes premières questions s'adressent à la Dre Germain.
J'allais vous poser une question à ce sujet, et je suis contente que vous en ayez parlé. Vous avez dit que le dépistage rapide des troubles du sommeil favorisait le diagnostic et le traitement efficaces et rapides d'autres troubles de santé mentale.
Quel est le taux de réussite des traitements globaux de blessures de stress opérationnel lorsqu'un trouble du sommeil est en cause?
Je vais essayer de répondre en français et de parler correctement.
Selon les données dont nous disposons sur le traitement du stress post-traumatique, que ce soit au moyen d'approches cognitivo-comportementales ou par la médication, le mieux auquel on peut s'attendre est un taux de réussite de réponse au traitement de 40 % à 60 %. Je ne parle pas ici de rémission, mais bien de réponse au traitement. Avec le placebo, le taux de réussite se situe entre 30 % et 40 %. Présentement, les stratégies de traitement du syndrome de stress post-traumatique peuvent améliorer les symptômes, mais il est rare qu'il y ait une rémission complète. C'est la même chose en ce qui concerne la dépression.
Selon l'étude récemment publiée par Colleen Carney, quand un traitement d'un trouble du sommeil est combiné avec un traitement du syndrome de stress post-traumatique, on observe des améliorations considérables du taux de réponse et du taux de rémission. Les études à ce jour sont trop petites pour qu'on puisse tirer des conclusions définitives. Cependant, d'après les études menées jusqu'ici, il y a une avenue qui présente un certain potentiel. Il s'agirait de savoir si la combinaison d'un traitement pour un trouble du sommeil et d'un traitement d'autres symptômes, par exemple ceux liés au stress post-traumatique, aboutirait à un meilleur taux de réussite, et ce, pas uniquement pour la réponse, mais pour la rémission complète.
Le syndrome de stress post-traumatique, ce n'est pas simplement faire de l'anxiété en réponse à différents stimulus en période d'éveil. C'est vraiment un trouble de sommeil et un trouble d'éveil. Il faudrait tester les traitements qui réussissent à traiter les symptômes de nuit comme ceux de jour. Pour ma part, je m'attendrais à ce que les taux de réussite soient beaucoup plus élevés que les taux actuels.
Dans un autre volet de votre présentation, vous avez parlé de certains défis liés aux traitements pharmacologiques de troubles comme ceux-là. Pouvez-vous nous parler aussi des défis liés aux risques de surmédication, d'abus ou de mauvais usage des médicaments d'ordonnance?
Cela arrive surtout dans le cas de la médication pour le sommeil. Les cliniciens sont souvent hésitants à prescrire des benzodiazépines pour le traitement du sommeil, à cause de leur potentiel d'abus ou de dépendance. D'après ce qu'on en sait, de toute façon, ce genre de médicaments n'est pas tellement efficace chez les militaires, probablement parce qu'ils ont un taux d'hypervigilance que n'a pas la population civile, par exemple ceux qui font de l'insomnie chronique non liée au syndrome de stress post-traumatique.
J'ai oublié le début de votre question.
Vous y répondez quand même bien. Je vous ai posé une question sur les défis liés aux risques de surmédication, d'abus et de mauvais usage des médicaments.
Il y a aussi la question des interactions entre différents médicaments. Il peut arriver qu'une personne consulte un clinicien qui lui prescrira un certain médicament et qu'elle aille ensuite en consulter un autre qui lui prescrira une autre médication pour un autre trouble. Il faut qu'il y ait une communication très ouverte et très claire entre les cliniciens pour s'assurer qu'il n'y aura pas d'interactions négatives.
Il y a autre chose. Les effets secondaires sont l'une des principales raisons pour lesquelles les gens ne prendront pas les médicaments prescrits. Pour les jeunes hommes militaires qui reçoivent un antidépresseur pour un stress post-traumatique, une dépression ou un trouble de sommeil, les effets secondaires sexuels d'un tel médicament seront la principale raison pour laquelle ils ne vont pas le prendre. S'ils le prennent, ils le feront de façon très irrégulière, quand il n'interférera pas avec les activités qu'ils ont prévues.
Idéalement, on essaiera une combinaison de la thérapie comportementale et de la médication. Sauf erreur, la médication seule est plus ou moins efficace, en général.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins de comparaître aujourd’hui. Mes excuses pour le retard, mais il nous faut assister à un trop grand nombre de réunions.
J’aimerais prolonger une question antérieure. Docteure Germain, je vous ai vu hocher la tête avec vigueur lorsque Mme Gallant a posé sa question concernant la mesure de l’activité cérébrale au moyen d’un scanner.
J’aimerais que vous finissiez votre explication.
Je suis spécialisée dans la recherche sur le sommeil, c’est pourquoi j’ai commencé à faire des investigations au moyen de l’électroencéphalogramme — l’EEG — afin de suivre l’activité cérébrale et d’examiner la façon dont nous utilisons la neuro-imagerie pour répondre à des questions connexes touchant au sommeil et à l’ESPT.
Mais je hochais la tête pour une autre raison.
Je reviens à l’utilisation de marqueurs objectifs des progrès réalisés dans la thérapie de réadaptation ou de traitement de l’état de stress post-traumatique ou des troubles du sommeil. Je veux parler de marqueurs qui signalent les améliorations cliniques substantielles ou qui permettent de prévoir dans quelle mesure un patient tirera le meilleur profit possible de telle ou telle intervention: ces marqueurs peuvent aider à prendre des décisions dans le domaine clinique… Par exemple, si vous disposez d’un marqueur biologique indiquant que telle personne n’a que peu de chances de répondre à un traitement pharmacologique, vous vous abstiendrez peut-être de lui prescrire un médicament supplémentaire, ou même de trop prolonger le traitement en cours. Si l’on sait que la probabilité de réussite du traitement médicamenteux est faible, on peut intervenir très rapidement pour réévaluer le plan de traitement et obtenir de bons résultats dans de meilleurs délais.
J’ajoute que je hochais la tête non seulement parce que l’EEG est pour moi un instrument précieux, mais aussi parce que cela concerne, de façon plus générale, l’identification du processus de guérison ainsi que la probabilité de réponse positive aux traitements.
Parfait, je vous remercie.
Je suis abonné au Twitter d’un gymnase, et j’ai justement lu ce matin ce qu’avait affiché quelqu’un, à savoir que la meilleure passerelle entre le désespoir et l’espérance, c’est une bonne nuit de sommeil. Or, c’est justement ce que nous venons d’entendre ici ce matin.
Pour en revenir à vos diapositives, dans l’une d’entre elles vous mettez en rapport le sommeil et le cycle de déploiement, et vous faites une comparaison avec la diapositive suivante, qui concerne des militaires non déployés. Je répète que je n’étais pas présent au début de la séance, mais vous dites que, s’agissant du personnel militaire non déployé, il y a moindre probabilité de troubles du sommeil mais que les membres de cette même catégorie tendent à dormir moins que les autres.
Il s’agit de choses différentes: d’un côté, vous avez la probabilité de souffrir de troubles du sommeil en cours de déploiement; de l’autre, nous avons enregistré le nombre d’heures de sommeil d’un groupe de militaires non déployés.
Nous avons constaté que 72 % des membres de ce groupe totalisent un maximum de six heures de sommeil. Je sais bien que nous aimerions tous dormir beaucoup moins parce que nous avons tant de choses à faire; mais six heures de sommeil, c’est insuffisant et cela peut affecter sérieusement votre fonctionnement. Imaginez les conséquences pour les militaires, qui sont exposés à toutes sortes de situations difficiles.
C’est parfait.
Je vous remercie.
Madame Zipes, j’aimerais vous interroger sur la technologie que vous employez aujourd’hui. Vous avez dit notamment qu’avant d’employer cette technologie, il vous fallait six mois de thérapie sur une surface nivelée pour obtenir un résultat mesurable, alors qu’aujourd’hui les progrès sont beaucoup plus rapides et que vous pouvez les mesurer.
Pourriez-vous nous décrire la façon dont la technologie a évolué jusqu’au stade actuel, et ce que vous prévoyez pour l’avenir? Quels investissements allons-nous devoir faire pour continuer d’avancer à l’aide de ce genre d’instruments?
L’utilisation de ce genre de système est une source d’apprentissage constant. Nous sommes à l’écoute de patients, car cela nous aide à comprendre quel genre de programmes nous devons mettre au point pour répondre à leurs besoins, en fonction de ce que nous disent les patients eux-mêmes.
C’est un peu comme lorsque l’on se sert d’une console Wii, c’est-à-dire que vous êtes en interaction avec un écran, et puis la génération suivante de technologie vous propose un avatar de vous-même qui s’affiche à l’écran. Avec ce système, nous avons des programmes qui montrent le patient à l’écran et nous permettent de lui placer des marqueurs.
J’ai emmené un groupe en Israël pour voir la façon dont ils utilisent leurs systèmes, et je dois dire que nous avons des années-lumière d’avance sur eux. Nous disposons de deux tapis roulants, et notre plateforme offre une bien plus grande latitude de mouvement. C’est pourquoi nous découvrons de nouvelles fonctionnalités au fil du temps, et nous ne manquons pas d’en faire part au fabricant.
Je ne sais plus trop si le système d’activation des positionneurs est pneumatique. Le dispositif nous a été livré avec un système d’activation des positionneurs défectueux, et le fournisseur l’a changé.
À l’origine, les positionneurs étaient activés par un système hydraulique, mais maintenant ils sont à commande électrique.
Comme vous l’a dit Helen, il est important de disposer du temps nécessaire à la mise au point. Je dirais que le dispositif dans sa forme actuelle, ainsi que la technologie qui le sous-tend, sont très avancés.
L’on a posé la question de savoir si ce système est utilisé pour la thérapie de réadaptation professionnelle. En temps normal, les étudiants apprennent aussi bien la technologie que les plans de traitement dans le cadre de leurs études, de sorte qu’ils nous arrivent avec des idées nouvelles. Il se trouve qu’aujourd’hui nous sommes en avance sur les écoles, si bien que lorsque les diplômés nous arrivent, nous leur donnons un complément de formation et nous leur disons: « Voici la technologie dernier cri, comment pouvez-vous l’utiliser dans le cadre de vos plans de traitement? »
Il est donc important d’accorder tout le soin voulu à la mise au point et de donner au technicien le temps de consulter les cliniciens pour comprendre quels sont leurs besoins, afin de mieux traiter les patients.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à vous, docteure Germain. Je vous remercie de votre présence et de votre belle présentation.
Vous avez mentionné avoir travaillé avec les forces armées américaines. Vous étiez en contact avec les officiers supérieurs. Pour ma part, j'ai eu une formation dans la Réserve des Forces armées canadiennes. Je me souviens du manque de sommeil. C'est un entraînement essentiel, en partie parce qu'on doit connaître des situations de crise majeure.
Je me demandais si le volet d'entraînement de certains programmes aux États-Unis avait complètement changé en fonction des études que vous avez faites.
Non, mais c'est mon but.
Certains changements ont été faits, surtout
[Traduction]
dans les forces aériennes.
[Français]
On fait différents efforts de gestion de la fatigue pour protéger le sommeil afin de s'assurer que les pilotes et leur équipage sont bien reposés quand ils sont en mission. Maintenant, tout le monde a une trousse du sommeil du combattant. Aussitôt qu'ils sont déployés, les membres du personnel militaire en ont une. S'ils en ont entendu parler, certains en ont deux ou trois.
Cependant, on voit cela surtout dans la United States Air Force. Dans les autres branches, ça se passe au sein des unités. Comme vous l'avez dit, ça dépend vraiment beaucoup des leaders. Si les officiers supérieurs croient qu'il est important de protéger le sommeil de leurs soldats ou de leurs troupes afin de préserver leur santé mentale, ils vont s'en occuper.
[Traduction]
C’est vraiment difficile en français.
Cela dépend en fait, pour les trois armes, de l’unité et des personnes qui la dirigent, parce que tout cela peut changer d’un dirigeant à l’autre.
Nous ne cessons de répéter la même chose, et j’en ai d’ailleurs pris mon parti parce que je crois que cela fait partie de notre mission que de diffuser les informations et de chercher à expliquer les choses. D’un déploiement à l’autre, la situation peut être complètement différente pour une unité. Même lorsque ces unités rentrent au pays, nous sommes pratiquement obligés de leur préparer des programmes sur mesure, je veux dire d’adapter notre méthodologie à la réalité qu’ils nous présentent.
Certes, nos activités répondent à des principes directeurs, mais, en dépit de nos efforts incessants, je dois reconnaître que nous n’avons pas réussi à pénétrer les esprits autant que je l’aurais souhaité.
Je crois qu’il s’agit moins de résistance que de la prolifération des tâches et des exigences auxquelles on doit satisfaire. Il arrive que certains aient déjà inscrit le sommeil sur leur liste de choses à prendre en compte, mais ça reste un paramètre supplémentaire, alors que leur priorité essentielle demeure l’entraînement, la formation et la sécurité de leurs troupes. Le sommeil est reconnu comme composante importante, qu’il figure ou non parmi les priorités. Quant à la possibilité de mettre en œuvre certains changements, c’est fonction des autres exigences, et aussi des ressources et de l’appui qu’ils réussissent à obtenir.
J’imagine que c’est un peu la même chose dans les Forces armées canadiennes.
[Français]
Parlons du programme qui suit, sur le plan du lien familial. Car il y a un suivi à faire par la suite. Étudiez-vous la possibilité de concevoir des trousses à cet égard?
Oui. Présentement, on étudie les familles dont au moins un des membres du couple a complété son service militaire pour les États-Unis ou est toujours actif dans l'armée ou dans l'une des unités. On se rend compte que les membres de la famille souffrent de troubles du sommeil, qu'il s'agisse des conjoints, des conjointes ou même des enfants. Ils ont des structures de sommeil qui ne correspondent pas à ce que l'on s'attend à voir dans les familles dont les rythmes biologiques sont réguliers. Cela montre que le service militaire affecte la famille au complet. Tout le monde doit s'adapter, car tout le monde est affecté par le service militaire.
Il s'agit d'un domaine de recherche et de pratique qui a été négligé. On commence seulement à se pencher sur les conjoints, les conjointes et les enfants. On est aussi très conscient du fait que les grands-parents, les oncles et les tantes peuvent également passer des nuits blanches en pensant à leurs proches en Afghanistan ou dans d'autres missions. On commence à regarder tout cela, mais on n'a pas fait beaucoup de progrès à cet égard au cours des dernières années.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Docteure Germain, j’aimerais prolonger les questions que vous posait M. Allen concernant le sommeil et les cycles de déploiement. Je comprends sans difficulté l’incidence que cela peut avoir lorsque quelqu’un ne va pas bien, mais comment expliquer les différences lorsque les militaires ne sont pas déployés, qu’ils vivent chez eux? Est-ce une question d’entraînement, ou peut-être de rythme corporel? Comment expliquez-vous cela?
Je crois que c’est l’entraînement, le genre de métier que l’on exerce, mais aussi en partie l’influence du groupe, et aussi des sollicitations extrêmes. Voilà, je crois, ce qui explique ce phénomène.
J’ajoute que dans cette étude en particulier, ils n’ont pas cherché à déterminer quels facteurs peuvent contribuer à raccourcir le temps de sommeil.
Très bien.
Mais lorsque vous parlez d’études, à quoi vous référez-vous? Je ne vois pas de numéro de page et j’aimerais savoir s’il s’agit de l’étude de Luxton et al., ou de Krueger et Friedman ou encore...?
L’étude de Krueger et Friedman concerne la population civile, et elle a porté sur plus de 10 000 personnes. Ils ont comparé leurs résultats aux données… ou plutôt j’ai utilisé ces données pour les comparer à celles provenant des échantillons de personnel militaire.
L’autre étude a été effectuée par Amber Seelig et ses collègues, afin d’évaluer la probabilité d’apparition de troubles du sommeil en cours de déploiement. On observe une augmentation d’environ 20 % en période de déploiement, et cette incidence reste assez élevée et pratiquement invariable lorsque les gens rentrent dans leur foyer. La durée du sommeil se trouve écourtée d’environ 30 minutes. Lorsqu’on pense qu’ils dorment environ six heures par nuit, 30 minutes, cela ampute votre temps de sommeil d’une tranche importante.
En effet.
L’étude portant sur les personnes qui ont été déployées permet-elle de savoir pendant combien de temps les troubles ont persisté après le déploiement? Est-ce que l’échantillon a été examiné immédiatement après le retour et pendant un certain temps?
L’étude dont nous parlons portait, je crois, sur des personnes qui étaient de retour depuis trois à neuf mois. Mais ce n’est qu’un exemple d’étude, car la plupart d’entre elles ont examiné la période suivant le déploiement de trois à douze mois, voire plus d’un an.
Il est établi que lorsque les personnes déployées ont des troubles du sommeil au moment de leur retour, ces troubles tendent à persister même cinq ans plus tard.
Voilà qui est intéressant.
À la page précédente, je vois sur la droite un graphique adapté de Seelig 2010 qui indique le nombre d’heures de sommeil. Il s’agit ici de militaires non déployés.
L’étude de Seelig est entièrement composée de personnes rentrées chez elles après un déploiement, ou en cours de déploiement, ou après déploiement.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à la Dre Germain.
Comme beaucoup de Québécois qui voient des personnes comme vous, j'ai envie de vous poser une question. Vous avez mentionné avoir fait vos études à l'Université de Montréal. Pourquoi avez-vous choisi d'aller aux États-Unis? Ce n'est pas vraiment le sujet de l'étude, mais il y a la question de la rétention des médecins. Avez-vous choisi d'aller aux États-Unis parce que vous aviez la possibilité de faire des études que vous n'auriez pas pu faire au Canada ou d'avoir accès à des programmes qui n'existent pas ici?
Quand je suis partie de Montréal pour aller suivre ma formation postdoctorale à Pittsburgh, mon but premier était d'apprendre à utiliser différentes méthodes de neuro-imagerie pour pouvoir étudier le sommeil chez les gens qui souffraient du syndrome de stress post-traumatique. Je fais la même chose depuis longtemps. J'étudie depuis 20 ans le sommeil chez des gens qui ont des cauchemars, qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique. J'avais été bien formée en neurologie et je connaissais différentes méthodologies, mais Pittsburgh m'offrait la chance d'apprendre à utiliser la neuro-imagerie. Ce genre d'études me permettait de répondre aux questions de recherche que je me posais et aussi d'améliorer ma pratique clinique en médecine du sommeil.
Je devais revenir à Montréal. Je suis partie avec l'idée que j'allais revenir à Montréal et ramener cette expertise pour pouvoir faire les études ici. Ma formation a été exigeante. Il m'a fallu un peu plus de temps que ce que j'avais imaginé au début.
Cela a aussi eu à voir avec le moment où je suis partie. C'était en 2001. En 2001, c'était le début des opérations avec l'OTAN en Afghanistan. Puis en 2003, les États-Unis ont envahi l'Irak. À l'époque, il existait différentes sources possibles de subventions pour la recherche liée au syndrome de stress post-traumatique et au sommeil, ce qui n'était pas très populaire jusqu'en 2001. J'ai fait des demandes de subventions et j'ai eu accès à un programme de recherche assez important qui s'est élaboré vraiment très vite. C'est ce qui m'a gardée à Pittsburgh.
D'accord.
Je voulais aussi vous parler des graphiques qui montrent le sommeil dans le cycle de déploiement. On voit les données pendant les périodes de déploiement, qu'il s'agisse des heures réelles de sommeil, comme vous l'avez dit, ou de la perception des heures de sommeil que rapportent les personnes suivies dans cette étude. La méthodologie prend-elle en compte le fait que, nécessairement, certaines contraintes opérationnelles pendant le déploiement, par exemple des rotations de garde ou des opérations de nuit impromptues ou non planifiées, empêchent une personne de dormir? En effet, pendant le déploiement, le soldat n'a pas nécessairement la possibilité de dormir huit heures, même s'il le voulait.
Absolument. Vous me faites penser à une autre chose qu'il est important de mentionner. La question cherchait à déterminer combien d'heures de sommeil les gens avaient dans une période de 24 heures. Ce n'était pas nécessairement 6 heures consécutives. Les gens pouvaient avoir cumulé à peu près 6 heures de sommeil dans une période de 24 heures.
Alors oui, vous avez absolument raison.
Parfait.
Je vais poser une question à Mme Zipes.
L'étude fait mention du nombre de patients qui sont traités dans votre laboratoire. On voit que vous traitez le plus souvent des cas de lésions cérébrales. Vous mentionnez deux genres de lésions cérébrales: celles traumatiques et celles acquises. Pouvez-vous nous expliquer rapidement quelle est la différence entre les deux et peut-être nous donner des exemples? Les exemples d'applications que vous avez donnés sont particulièrement intéressants. Pouvez-vous nous donner des exemples de méthodes de réhabilitation pour les deux genres de lésions au cerveau? J'imagine qu'on ne parle pas de syndrome post-traumatique dans ce cas. On parle vraiment de lésions ou de blessures physiques qui touchent le cerveau directement.
J'aimerais que vous nous expliquiez un peu la différence entre les deux et que vous nous donniez deux exemples typiques.
[Traduction]
Avec plaisir.
En cas de lésion cérébrale, qu’elle découle d’une maladie, par exemple une tumeur au cerveau qui occupe un certain espace, et en fonction de l’espace occupé… Comme je le disais, il se peut qu’une certaine zone du cerveau soit affectée par suite d’une maladie, d’une infection ou d’une tumeur; mais il peut aussi s’agir d’une lésion résultant d’un accident, par exemple un accident de voiture avec blessure à la tête, ou encore une blessure par balle ou un autre choc qui n’a rien à voir avec une maladie, c’est ce que nous considérons généralement comme une lésion traumatique.
Cela dit, les résultats peuvent être identiques, peu importe l’origine de la lésion cérébrale. Ce qui compte, c’est la localisation de la lésion et son caractère statique ou, au contraire, sa progression.
Le cerveau est un thème d’étude très intéressant. Les effets diffèrent en fonction de la localisation de la blessure ou de la maladie. Certains de nos patients atteints de lésion cérébrale ont des problèmes de mémoire tandis que d’autres deviennent agressifs. Ainsi, nous avons, dans notre aile, un secteur avec quatre lits que nous pouvons verrouiller, car les patients qui les occupent ne réussissent pas à maîtriser leur agressivité. Par contre, il y a d’autres patients qui, si on ne les stimule pas, vont rester assis toute la journée sur une chaise, sans manger, sans se lever. S’ils sont au lit, ils y restent. C’est pourquoi nous devons les stimuler.
Cela dépend une fois de plus de la localisation de la lésion et de sa nature, selon qu’elle est progressive ou statique. Voilà pour les symptômes.
Nous faisons toujours une évaluation de l’état de nos patients, nous vérifions leurs déficits et nous définissons la démarche de traitement.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur présence aujourd’hui, et je me réjouis en particulier de revoir la Dre Germain. L’an dernier, nous avons assisté à un forum sur l’ESPT et cela m’a permis de prendre connaissance de vos travaux et de suivre avec intérêt vos descriptions concernant l’importance du sommeil.
M. Brahmi vous a demandé d’expliquer la raison de votre séjour prolongé aux États-Unis. Je suis sûr, cependant, que vous avez l’occasion de revenir au Canada, auprès d’autres instituts et je crois savoir que vous avez même travaillé auprès d’instituts canadiens de recherche en matière de santé.
En effet. J’entame un dialogue avec eux, tout comme je le fais aujourd’hui, pour promouvoir l’importance du sommeil comme composante essentielle de la santé mentale. Je m’intéresse beaucoup à la dépression et à l’anxiété, et je crois qu’une place centrale revient à l’ESPT dans les travaux sur le sommeil intégré de cet institut.
Je sais que le Dr Merali est venu témoigner ici, et j’ai pris connaissance avec plaisir de ses trois recommandations, dont l’une était axée sur les troubles du sommeil.
Il y a aujourd’hui de nombreuses possibilités au Canada. Pour ma part, lorsque j’ai pris la décision, en 2005, de rester aux États-Unis, c’est parce qu’en dépit de mon intention de revenir au pays, je ne pouvais pas y trouver un institut disposant des moyens dont j’avais besoin pour pousser plus loin mes recherches en matière de sommeil et de neuro-imagerie. Je savais bien que le Canada s’en doterait un jour, et je crois savoir que l’on est en train de les constituer très rapidement, non seulement à Ottawa mais également dans différents centres canadiens.
Comme je l’ai dit aujourd’hui au président, je ne cesse d’entendre les Américains, les Hollandais et les Australiens dire que le Canada est en tête du peloton pour ce qui est des programmes de santé mentale destinés aux membres des Forces armées canadiennes, et cela depuis l’entraînement préliminaire jusqu’à la période qui suit le déploiement, et aussi lorsque les anciens combattants quittent le milieu militaire.
S’agissant justement du volet militaire, il est clair qu’il existe au Canada, pour diverses raisons, une approche très différente. Cela ne manquera pas d’offrir à des gens comme moi et à de jeunes chercheurs des occasions exceptionnelles en matière de recherche et de conversion des résultats de la recherche en applications cliniques et concrètes.
Je sais que les travaux que vous effectuez, que ce soit au Canada ou que ce soit là-bas à Pittsburgh, profitent à tous nos alliés. Vous avez dit que le système CAREN est actuellement exploité, qu’il s’agit d’une invention néerlandaise utilisée dans…
… quatre pays, y compris le Canada. J’imagine donc que tous ceux qui veulent en faire usage peuvent en bénéficier, tout comme pour les recherches que vous effectuez à l’heure actuelle.
C’est tout à fait exact. D’ailleurs, Sean doit se rendre ce soir même à une conférence sur le système CAREN dans l’ouest du pays, et j’espère bien qu’il pourra y aller. En effet, nous échangeons des connaissances. Les Israéliens aussi nous en ont fait largement profiter. Lorsque nous sommes allés sur place, ils nous ont communiqué tous leurs protocoles. Je dois dire que nous étions beaucoup plus avancés qu’eux dans le domaine en question, et nous pensons pouvoir collaborer dans l’avenir, notamment à des projets de recherche. Nous nous sommes rendus au centre médical militaire Walter Reed et, là encore, nous avons observé la façon dont ils utilisent le système. Cela a été une source d’enrichissement mutuel.
Docteure Germain, j’aimerais savoir si votre étude sur la corrélation entre le sommeil et l’ESPT vous a permis de quantifier les améliorations en matière d’ESPT par suite d’une régularisation du sommeil.
Oui, en général nous constatons des réductions, ou des effets dépassant 0,5. Les améliorations concernant l’ESPT vont de « modeste » à « importante » pendant le jour. Le fait de traiter le sommeil entraîne une réduction d’au moins 30 à 50 % de la gravité des symptômes observés durant la journée. Une personne qui dort mieux est moins réactive. Elle est de meilleure humeur, moins anxieuse et moins appréhensive. Cela dit, nous ne traitons que très rarement l’ESPT. Cela s’est produit, mais il est rare que le simple fait de remédier aux troubles du sommeil guérisse l’ESPT. Cependant, cela nous donne une longueur d’avance pour le traitement de l’état de stress post-traumatique, qui met à forte contribution sur le plan émotif et, souvent, effraie les patients.
Je sais que plusieurs députés se sont intéressés aux résultats de vos recherches révélant que les militaires non déployés dorment moins que les civils. Environ 72 % d’entre eux dorment un maximum de six heures, tandis que 73 % des civils dorment plus de sept heures. J’essaie d’extrapoler à partir des catégories de personnel non déployé, en déploiement et en période de post-déploiement. Dois-je comprendre que le personnel en déploiement dort 30 minutes de moins?
Si on fait une réduction de 30 minutes, on voit que le nombre augmente de façon très marquée. Près de 90 % de nos militaires en déploiement ont moins de six heures de sommeil.
Je vais me risquer à dire que telle est mon hypothèse, sauf pour les forces aériennes américaines. Je suis sûre qu’il en va de même pour les forces aériennes canadiennes, d’ailleurs, car on veille de très près à ce que le personnel ne soit pas surmené, qu’il récupère convenablement et soit en mesure d’opérer pendant des vols prolongés et différents types de missions. Je pense que le personnel de l’armée de l’air représente les 10 % de militaires dont le temps de sommeil bénéficie d’une protection, et que le reste des militaires dorment beaucoup moins de six heures.
Merci.
Il nous reste du temps pour un dernier tour de questions.
Monsieur Harris, quelques dernières questions?
Oui, je vous remercie.
Lorsque vous comparez les militaires avec les civils, j’imagine que vous sélectionnez des hommes et des femmes d’âge comparable.
Non, j’ai utilisé deux échantillons: les membres de l’armée de terre en service actif, qui ont été le principal sujet de nos études; et l’une des études de plus grande portée dont nous disposions concernant les besoins en sommeil et la durée du sommeil pour la population en général. Il y a un contraste entre les résultats que nous prévoyons d’obtenir en étudiant la population civile en général, et les résultats que donnent nos échantillons de militaires en service actif, en l’occurrence les membres de l’armée de terre.
Je m’intéresse à ce que font ressortir vos travaux pour ce qui est de la santé mentale des soldats en général. M. Opitz nous dit que les soldats ont l’habitude de faire des petites siestes, alors que vous affirmez le contraire. Quelles politiques devrions-nous mettre en œuvre pour tenir compte du résultat de vos recherches?
Je ne sais pas trop, parce qu’ils devraient tenir compte de ce que nous constatons lorsque nous examinons la relation entre le sommeil et la santé mentale. Je crois que, s’agissant des membres des Forces armées, on voit s’opérer une autosélection dès le début. Rien que pour arriver à la fin du cycle d’entraînement, il faut déjà avoir une belle résistance. Je relève toujours que les militaires que j’interroge me rappellent invariablement comme ils sont résilients et comme ils savent bien encaisser. Pour ma part, je pense qu’il s’agit d’un groupe qui s’est soumis à une autosélection et qui présente, par rapport à la population en général, une endurance supérieure et une capacité plus élevée d’affronter les difficultés sur une période prolongée.
Quant aux politiques que nous pourrions préconiser, il faut déjà veiller à ne pas donner l’impression, à travers de telles politiques, qu’il faut médicaliser les militaires ou que le métier qu’ils font les rend plus vulnérables. Je pense qu’ils ont la vocation de ce qu’ils font, que cela les incite encore une fois à se soumettre à une autosélection. Quant à nous, il serait bon que nous puissions évaluer, beaucoup plus que nous l’avons fait jusqu’ici, quels sont les facteurs à l’origine de la résilience et de l’endurance qui permettent à ces gens de supporter beaucoup plus que je ne le pourrais, par exemple.
À cette réserve près, cependant, que cela entraîne un affaiblissement progressif et que, comme vous le faites observer au tout début de votre exposé, il y a risque d’effondrement soudain et imprévu.
En effet, lorsque c’est chronique… même lorsqu’on est résilient et qu’on renforce sa résistance, si la sollicitation est trop prolongée, la personne la plus endurante est vouée à s’effondrer; or, le sommeil est un facteur que l’on a tendance à écarter ou à ne pas prendre en compte. En fait, plus nous manquons de sommeil, moins nous sommes aptes à évaluer la qualité de nos prestations, si bien qu’en fin de compte nous pensons avoir dépassé le stade où cela nous affectait. Mais en réalité, les mesures objectives démontrent que la qualité de nos prestations, quelles qu’elles soient, ne cesse de décliner.
Je crois que, lorsqu’on élabore des politiques dans ce domaine, il faut garder à l’esprit que c’est le caractère chronique des difficultés imposées au sommeil — sous forme de restrictions ou de perturbations — qu’il convient de prendre en compte. De la même façon que l’on offre aux membres des Forces armées canadiennes un lieu qui sert en quelque sorte de sas de décompression entre le moment où ils quittent le théâtre d’opérations et celui où ils rentrent dans leurs foyers, on pourrait envisager une période de décompression applicable au sommeil, afin de permettre une récupération.
Toutefois, il est difficile de convaincre les gens d’utiliser leur temps libre pour dormir. Ils préfèrent jouer à des jeux vidéo, téléphoner chez eux, sortir avec des amis ou aller faire un tour au gymnase. Pour en revenir aux politiques, tout comme on fait subir aux gens des épreuves PT ou que l’on exige qu’ils sachent tirer avec une précision suffisante pour garder leur emploi, on devrait tester la qualité de leur sommeil, d’une façon qui reste à définir, de manière à s’assurer qu’ils restent prêts à affronter les difficultés et les conditions qui les attendent.
Je pense que nous sommes d’accord pour dire que cela ne doit pas affecter les exigences opérationnelles.
J’aimerais poursuivre notre dialogue sur le système CAREN. Vous aviez commencé à nous expliquer les exercices auxquels est soumis le patient souffrant du syndrome de douleur régionale. Comment transpose-t-on dans la vie quotidienne ce que l’on parvient à faire accomplir aux patients à l’aide du système CAREN? Par exemple, comment se souviennent-ils qu’ils peuvent étendre le bras et atteindre un objet?
L’un des grands résultats de ce système, c’est qu’il les aide à prendre confiance. C’est pourquoi, dans ce genre de cas, nous leur montrons les résultats obtenus. Nous pouvons leur dire, par exemple: « Regarde, tu as réussi à lever le bras selon un angle de 120 degrés ». Ensuite, nous leur donnons une série d’exercices, une série de tâches à accomplir chez eux afin de prolonger l’entraînement. C’est ça qui leur donne confiance parce qu’ils se disent: « Eh bien voilà, j’y ai réussi et ça ne me fait même pas tellement mal. J’en suis vraiment capable. »
Utilisé de cette façon, c’est un instrument très précieux.
Merci.
Docteure Germain, je n’ai pas pu assister à la première partie de votre exposé, mais je crois que vous avez une diapositive montrant une coupe transversale du cerveau indiquant que les troubles du sommeil ne sont pas une BSO invisible. Pourriez-vous m’expliquer la différence entre les activités illustrées en jaune, en rouge et en vert?
J’ai laissé ça de côté dans mon exposé afin de ne pas dépasser les 10 minutes allouées.
Ce que l’on voit ici, ce sont les taches jaunes et rouges qui correspondent à des zones chaudes du cerveau, c’est-à-dire plus actives dans un état donné, par exemple durant le sommeil relativement à l’état de veille. Ces zones du cerveau sont hyperactives soit pendant le sommeil, soit lorsqu’on est réveillé, ou bien pendant l’activité onirique, ou encore pendant ce qui devrait être le sommeil profond et réparateur.
Ici, vous voyez des diapositives qui correspondent à des militaires en service et à des vétérans exposés au combat pendant les campagnes d’Iraq ou d’Afghanistan. Pendant l’état de veille, comme nous le savons, la quasi-totalité du cerveau correspond aux couleurs rouge ou jaune, qui traduisent la chaleur due à l’activité. Je précise qu’en cas de menace, de comportement orienté vers un objectif précis ou en cas de préparation à une activité motrice, ce sont ces régions ou ces circuits localisés du cerveau qui sont activés. En d’autres termes, ils se mettent sur le qui-vive, prêts à réagir.
Durant le sommeil, et durant le sommeil onirique, le cerveau n’est pas tellement modifié. Les sujets restent hypervigilants, prêts à réagir à toute forme de menace alors même qu’ils dorment et qu’ils rêvent. Les études ultérieures ont démontré qu’un bon nombre de ces états correspondent de très près à celui des cauchemars.
Les autres diapositives examinent les mêmes phénomènes. Ainsi, le rouge ou le jaune indique des régions du cerveau plus actives. Lorsque nous observons des personnes en état de sommeil profond, qu’elles souffrent ou non d’ESPT, nous nous demandons quelles régions du cerveau sont plus actives lors du sommeil profond — lequel est censé jouer un rôle réparateur — qu’elles ne le sont pendant les périodes de veille. Là encore, chez les personnes souffrant d’ESPT, on observe que les réseaux cérébraux qui interviennent en cas de réponse à une menace, de comportements orientés vers un objectif, de préparation à la motricité ou d’hypervigilance, ces réseaux, disais-je, sont eux-mêmes hyperactifs.
Nous avons toutefois été surpris de constater que même ceux qui ne répondent pas aux critères de diagnostic de l’ESPT, ou n’en montrent que très peu de symptômes, ont des schémas d’activation cérébrale durant le sommeil semblables à ceux qui en souffrent. En d’autres termes, les militaires qui ne souffrent pas d’ESPT mais ont été déployés à plusieurs reprises, soit en général trois ou quatre fois pour les personnes observées dans le cadre de ces études, ont un cerveau hyperactif: ils sont prêts à réagir, à déceler les menaces en un clin d’œil, alors qu’ils sont au stade du sommeil qui est censé être réparateur. Nous pensons que cela indique l’existence d’un impact, sur le cerveau, une exposition chronique au stress qui ne s’est pas complètement résorbée même deux ou trois ans après la fin du déploiement.
Vous avez employé le mot « réparateur », ce qui m’amène naturellement à évoquer l’étude publiée le mois dernier, je crois, où l’on dit qu’il faut une certaine durée de sommeil pour pouvoir éliminer les toxines contenues dans le cerveau.
Pouvez-vous relier ce que l’on voit dans ces coupes transversales à l’étude en question?
Je le voudrais bien, mais je ne peux vous proposer que des conjectures.
L’étude faite sur des animaux — des rats, je crois, pas des souris — montre que les cellules cérébrales rétrécissent, ce qui augmente le volume du liquide pouvant être filtré par le fluide cérébro-spinal. L’une des hypothèses découlant de cette étude sur les animaux est que c’est peut-être là une façon, pour le cerveau, de se débarrasser pendant le sommeil des toxines qui s’accumulent durant l’état de veille. Nous ne savons pas si cette hypothèse peut être transposée aux êtres humains. J’ai tendance à croire que, comme nous pouvons l’observer chez nos sujets, le cerveau humain restant aussi actif durant le sommeil que lorsque nous sommes en état de veille, le fonctionnement d’un tel mécanisme serait, chez nous, entravé par le niveau d’activité cérébrale. Par conséquent, si votre cerveau n’est pas lui-même en sommeil, vous n’aurez pas l’occasion de le débarrasser des toxines en question, quel que soit le processus; mais nous ne disposons pas, s’agissant des êtres humains, de données étayant cette hypothèse.
Merci.
Toujours sur la question du sommeil, vous avez parlé de la phase de sommeil « réparateur », [note de la rédaction: inaudible]. Par ailleurs, s’agissant de la récupération du déficit de sommeil, j’ai également entendu dire que cela ne fonctionne pas ainsi et que le sommeil perdu est perdu une fois pour toutes.
Pourriez-vous nous expliquer comment cela fonctionne?
S’agissant du déficit ou du retard de sommeil, je puis vous donner un exemple très concret.
Imaginons que vous ayez besoin de huit heures de sommeil — ce qui est calculé large étant donné que la plupart d’entre nous avons besoin de sept heures de sommeil. Donc, prenons comme base huit heures. Pendant la semaine, que ce soit au travail ou à l’école, vous ne pouvez dormir que six heures et demie: cela veut dire que pendant cinq jours par semaine, vous accumulez chaque jour un retard de sommeil d’une heure et demie. Pensez-vous que même si vous essayez de rattraper ce retard pendant la fin de semaine, vous allez pouvoir récupérer toutes les heures perdues? En règle générale, la réponse est négative, parce que le week-end comporte également un certain nombre d’obligations, de sorte que vous pourrez vous lever un peu plus tard, disons une heure ou deux, mais certainement pas dormir entre sept et huit heures supplémentaires.
Nous avons donc un déficit chronique de sommeil. Or, le sommeil ne s’accumule pas. Vous ne pouvez pas constituer à l’avance une réserve de sommeil parce que vous savez que, durant les 24 prochaines heures, vous ne pourrez pas dormir suffisamment. Là non plus, ça ne s’accumule pas. Il y a une limite à la quantité de sommeil que le cerveau peut générer sur une période de 24 heures, ou durant un épisode de sommeil continu. Quels que soient nos efforts pour essayer d’abréger ou de prolonger la phase de sommeil, nous ne pouvons pas dormir à titre préventif.
La meilleure des choses consiste à s’accorder une période régulière de sommeil à des heures régulières, avec une qualité de sommeil qui, on l’espère, sera satisfaisante et vous permettra de vous réveiller bien reposé.
Merci.
Vos recherches ont-elles permis d’établir une corrélation entre un cycle de sommeil sain et une moindre vulnérabilité aux répercussions du déploiement sur l’équilibre mental? J’ai entendu dire que l’on ne peut pas vraiment pronostiquer qui va être durement touché par l’ESPT. Il semble donc que, dans une situation donnée, certains militaires en souffriront davantage que d’autres.
J’aimerais donc savoir si des recherches ont permis d’établir un lien entre un sommeil sain et la prévention de troubles mentaux consécutifs au déploiement. Je fais un parallèle avec l’entretien de l’équipement pour garantir son bon fonctionnement, et je demande si, en protégeant la qualité du sommeil, on réduit la probabilité de voir apparaître des problèmes mentaux.
Vous posez une question très importante, mais pour y répondre il nous faudrait disposer d’une étude longitudinale prospective, ce qui n’est pas le cas. En revanche, nous disposons d’études prospectives qui ont examiné la corrélation implicite entre le sommeil et l’évolution de la santé mentale; ces études ont constaté que les troubles du sommeil prédisposent au déséquilibre mental et aux difficultés d’après-déploiement… On peut, à partir de ces données, déduire de façon implicite que les individus exempts de troubles du sommeil en cours de déploiement, ou qui en souffrent en cours de déploiement mais réussissent à retrouver un cycle de sommeil relativement sain une fois rentrés dans leur foyer, sont les moins exposés.
C’est donc en quelque sorte par élimination ou par défaut que les études longitudinales dont nous disposons nous permettent d’observer que les personnes échappant aux troubles du sommeil, ou dont les troubles du sommeil sont plus légers, s’en sortent mieux. S’agissant des interventions, les observations proviennent principalement d’essais cliniques et d’études de portée restreinte. Vous posez la question de savoir si l’on peut essayer d’intervenir aux différentes étapes du cycle de déploiement pour améliorer la qualité du sommeil des personnes, afin d’agir de façon préventive, et puis de voir si, grâce à cette amélioration de la qualité du sommeil, le risque de troubles mentaux se trouve réduit.
Je n’ai pas connaissance d’études visant à répondre de façon spécifique à ce genre de questions.
Est-ce que la qualité du sommeil est l’un des paramètres d’évaluation d’un individu avant le déploiement, et peut-on intégrer cela à un cadre plus large…
La seule prise en compte du sommeil au cours des évaluations obligatoires de pré-déploiement et de post-déploiement aux États-Unis, et au Canada aussi j’en suis sûre, se fait lors des dépistages sous forme de questions à propos des cauchemars et aussi à propos de l’insomnie.
La question relative aux cauchemars est incorporée au dépistage de l’ESPT, et celle relative à l’insomnie s’inscrit dans le dépistage de la dépression, si bien que les troubles du sommeil sont considérés comme secondaires par rapport au trouble principal étudié. Or, nous savons bien qu’il ne s’agit pas de troubles secondaires. Ils occupent le même rang au plan de la morbidité et, souvent, précèdent l’apparition des symptômes de dépression ou d’ESPT. Je sais, par exemple, qu’il n’y a pas de question relative à la qualité du sommeil dans le dépistage appliqué aux militaires américains.
Merci beaucoup, votre temps est expiré.
Je voudrais, pour conclure, poser deux questions très brèves à la Dre Germain.
Met-on la trousse de sommeil du combattant à la disposition des membres des Forces canadiennes?
Savez-vous si les Forces armées canadiennes ont entrepris d’étudier les paramètres du sommeil et l’utilisation éventuelle de la thérapie du sommeil pour traiter les blessures de stress opérationnel, y compris l’ESPT?
Comme je le disais, j’ai eu récemment un entretien avec le Dr Jetly et je crois bien qu’ils envisagent d’intégrer le sommeil comme l’une des composantes principales, mais je ne sais pas selon quelles modalités.
Merci, docteure Germain.
Merci, madame Zipes.
Monsieur Gehring, la séance de ce matin a été riche d’enseignements et votre témoignage a suscité beaucoup d’intérêt. Je vous en remercie.
Nous avons quelques tâches administratives à expédier, mais sentez-vous libres de vous éloigner de la table.
Nous suspendons la séance pour quelques minutes.
Reprenons nos délibérations, si vous le voulez bien. Nous disposons de quelques minutes.
Nous avons un dépôt de documents concernant la réunion qui s’est tenue à Dubrovnik, en Croatie, et à laquelle ont assisté Mme Gallant et M. Harris.
Monsieur Harris.
En effet, monsieur le président. Il s’agit de ma motion, dont j’ai donné préavis:
Que le Comité reçoive et examine les recommandations de politique adoptées par l’Assemblée parlementaire de l’OTAN à sa session annuelle, tenue à Dubrovnik, en Croatie, le 14 octobre 2013.
Une liasse de documents a été communiquée au greffier; peut-être l’a-t-il déjà distribuée.
L’AP-OTAN a adopté sept résolutions de politique et je vais demander à Cheryl Gallant, en sa qualité de chef de la délégation canadienne en Croatie, de les illustrer. Avec votre permission, je dirai ensuite quelques mots.
Je ne vous donnerai pas lecture de toutes les résolutions, mais je remercie et félicite Jack de les avoir présentées. Permettez-moi de vous décrire brièvement le contexte et les raisons de l’initiative de Jack.
L’Assemblée parlementaire de l’OTAN est composée de députés, comme nous, qui se réunissent pour tenir des consultations. Les petits pays ont tendance à y envoyer leurs chefs de l’opposition, et c’est un bon terrain d’entraînement pour les ministres de la Défense. Tout récemment, la première ministre de la Norvège était membre de notre association, ce qui lui a donné une excellente formation, à plusieurs niveaux.
Dans plusieurs de ces pays, ils déposent les résolutions de l’AP-OTAN afin que les commissions et comités parlementaires permanents de la défense puissent les étudier.
Permettez-moi d’évoquer plus particulièrement une résolution présentée par plusieurs parlements de pays d’Europe et qui concerne le volet de la mission en Afghanistan impliquant des combats. Il s’agit de la résolution 336, qui a eu des conséquences concrètes et qui a peut-être entraîné une réorientation; en tout cas, elle a incontestablement sauvé des vies humaines. Elle concerne l’atténuation des restrictions nationales. Je rappelle qu’en Afghanistan, tous les pays contributeurs ont leurs propres règles d’engagement et leurs propres restrictions, ce qui pose problème parce qu’en vertu de ces restrictions, un pays n’autorise pas la participation de ses soldats à telle ou telle opération. Le refus de participer ou le retrait des soldats peut rendre la planification opérationnelle très difficile. En outre, étant donné que quelques pays seulement engagent leurs troupes dans les opérations les plus intenses, ils subissent un nombre disproportionné de pertes. En soulevant cette question dans le forum de députés que constitue l’AP-OTAN, nous avons pu sensibiliser les pays participants à ce problème, ce qui a beaucoup contribué à assouplir les restrictions et à obtenir une meilleure participation opérationnelle. Voilà pour ce qui est de l’aspect concret.
S’agissant à présent des résolutions présentées par M. Harris, je voudrais attirer votre attention sur la résolution 403, qui concerne les répercussions économiques et stratégiques de la révolution concernant le pétrole et le gaz non conventionnels. Lorsque, au printemps, une étude a été déposée selon laquelle les États-Unis parviendraient à l’indépendance énergétique d’ici quelques années, cette nouvelle a eu un grand retentissement en Europe, et pas seulement du fait de la concurrence dans le secteur secondaire et des répercussions économiques en général. En effet, lorsqu’on étudie les différentes facettes de la résolution, on voit qu’ils s’inquiètent du risque de dépendance excessive à l’égard du pétrole et du gaz non conventionnels dont on fait grand cas, et qu’ils craignent que cela ne détourne l’attention, au plan politique, de… ils craignent, disais-je, que l’Europe ne subisse une offensive concurrentielle, encore une fois dans le secteur manufacturier et l’économie en général. Je précise qu’au point 9, ils font état d’un oligopole qui aurait la haute main sur le secteur énergétique dans plusieurs de leurs pays. Je ne sais pas à qui ils font allusion.
Au cœur de leurs préoccupations, et ici je reviens au volet militaire, il y a le fait que l’indépendance énergétique des États-Unis, conjuguée à la perception selon laquelle ces derniers se détourneraient de l’Europe et du Moyen-Orient au profit de la région Pacifique, contraindrait l’Europe à supporter une part accrue des coûts du fardeau militaire pour assurer la sécurité du transport de l’énergie, par exemple dans le détroit d’Hormuz.
C’est la raison pour laquelle j’attire votre attention sur cette question, qui a des conséquences concrètes pour le Canada, puisqu’il semble que la course ait commencé… Quel est le pays qui va acheminer le GNL jusqu’en Europe? C’est le premier arrivé qui obtiendra les meilleurs contrats de transport maritime. Il en va de même pour les chantiers navals, car la réputation de fiabilité en sera renforcée. Il se peut très bien que les retardataires n’aient pas accès aussi facilement aux moyens nécessaires; ils risquent même de ne même pas pouvoir se lancer, car une fois que quelqu’un s’est arrogé la part du lion, il est difficile de réunir les éléments nécessaires pour entrer dans la course.
Voilà pourquoi je souhaitais attirer votre attention sur ce point.
Peut-être Jack souhaite-t-il ajouter quelques mots concernant les autres résolutions?
Merci, monsieur le président.
Merci. Je me bornerai à quelques observations d’ordre général.
Comme l’a indiqué Cheryl, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN réunit des représentants des 28 pays membres de l’Alliance atlantique, mais aussi de pays partenaires tels que la Russie, qui participent aux réunions et aux discussions de l’OTAN, de même que des députés de pays qui aspirent à rejoindre l’OTAN comme la Géorgie, la Macédoine ou la Bosnie-Herzégovine. Il s’agit d’un forum international extrêmement bénéfique pour les parlementaires.
Ces résolutions, qui sont très bien élaborées et proviennent des différentes commissions de l’AP-OTAN, sont très proches de recueillir le consensus. Elles sont débattues à l’occasion des sessions annuelles, puis modifiées afin de tenir compte des objections soulevées, et enfin elles sont adoptées. Je dois dire que je les trouve très détaillées et tout à fait dignes d’être examinées.
La motion concernant l’Afghanistan me paraît particulièrement pertinente, notamment sous l’angle de ce qui va se passer dans ce pays après 2014 et de l’appel lancé aux pays membres pour qu’ils s’y impliquent. J’ai donc pensé qu’il y avait lieu de communiquer ces résolutions aux députés de notre comité qui s’intéressent à ces questions. En tant que membre de l’OTAN, le Canada joue bien entendu son rôle au sein de cette assemblée parlementaire, notamment au stade de l’adoption de ces résolutions. Le Canada a joué un rôle actif par le passé et je pense qu’il devrait continuer.
Lors des sessions annuelles, et cela a été le cas pour celle de Croatie, il est de tradition que le secrétaire général de l’OTAN, en l’occurrence Anders Fogh Rasmussen, prononce l’allocution inaugurale. Cette allocution est suivie d’une séance de reddition de comptes d’une durée de deux heures, au cours de laquelle les délégués peuvent poser leurs questions sans la moindre restriction. La séance se déroule à huis clos, ou en vertu de règles de Chatham House. Il s’agit donc d’une sorte de séance de reddition de comptes, dirais-je, qui permet aux participants, et je pense en particulier aux membres de notre comité, de prendre part à ces travaux.
Nous tenions à attirer l’attention du comité sur les réflexions des parlementaires des États membres de cette assemblée et sur leur point de vue concernant ce volet important des affaires et de la géostratégie mondiale.
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