:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
J'aimerais vous transmettre les salutations de votre commandant du NORAD, l'amiral Bill Gortney.
D'entrée de jeu, je m'en voudrais de ne pas souligner à quel point je me considère chanceux et honoré de servir notre merveilleux pays en qualité de commandant adjoint du NORAD. J'aimerais commencer par rappeler au comité qu'en vertu de l'accord du NORAD, notre organisme a trois missions: l'alerte aérospatiale, le contrôle aérospatial et l'alerte maritime. Je parlerai d'abord de la mission la plus récente, soit l'alerte maritime.
L'alerte maritime consiste à traiter, à évaluer et à diffuser les renseignements relatifs aux zones maritimes et aux voies navigables intérieures respectives des États-Unis et du Canada. À la suite de l'ajout de cette mission en 2006, le NORAD a émis son premier avis maritime en 2010. Il en a émis 14 en 2013, 21 en 2014 et un autre depuis le début de 2015. Des menaces maritimes pourraient survenir à long terme, et il est important de noter qu'elles peuvent devenir une alerte aérospatiale et un enjeu de défense presque sans avertissement. Bien qu'il existe encore certains obstacles, particulièrement en ce qui concerne l'échange d'information, l'alerte maritime est un bel exemple du consensus atteint par les deux pays relativement aux lacunes sur le plan des missions et à la possibilité de combler ces lacunes au moyen de mécanismes coopératifs éprouvés, établis sous l'égide du NORAD.
L'alerte aérospatiale consiste à traiter, à évaluer et à diffuser les renseignements relatifs aux objets conçus par l'homme dans le domaine aérospatial et à détecter toute attaque contre l'Amérique du Nord, à la confirmer et à donner l'alerte, qu'il s'agisse d'aéronefs, de missiles ou de véhicules spatiaux. Le rôle du NORAD consiste en fait à envoyer des alertes sans équivoque, en continu et en temps opportun, ainsi qu'à s'assurer de disposer en tout temps de capacités fiables pour communiquer ces alertes. Nous devons continuer de nous assurer que nos systèmes demeurent adéquats et efficaces.
Le contrôle aérospatial, qui complète notre ensemble de missions, consiste à surveiller l'espace aérien des États-Unis et du Canada et à en effectuer le contrôle opérationnel. Nos efforts continus pour maintenir l'état de préparation de nos forces sont essentiels à cette mission.
Nos capacités actuelles en matière de défense reposent indéniablement sur des équipages bien entraînés et sur des aéronefs tout aussi bien équipés et entretenus. En outre, plus nous comprendrons les capacités de nos adversaires potentiels, plus nous aurons besoin de systèmes de défense aérospatiale capables de suivre et d'engager des aéronefs long-courriers, des missiles de croisière à faible visibilité, voire des véhicules aériens sans pilote. Nous ne serons pas en mesure de nous distancer des nouvelles menaces sans évoluer et nous adapter pour relever ces défis.
Au cours des deux dernières années, le NORAD s'est penché sur un éventail de changements liés aux acteurs étatiques et non étatiques qui pourraient remettre en question les concepts de la défense qui ont été, pour la plupart, mis en oeuvre au siècle dernier.
Je dois être absolument clair sur ce point. Je n'essaie pas de sonner l'alarme. Toutefois, la commission d'enquête sur les attaques du 11 septembre a fustigé le NORAD lorsqu'il a déclaré:
Nous reconnaissons qu'un changement coûteux de la position du NORAD en matière de défense pour réagir au danger que représentent les pirates de l'air constitués en commandos suicides, avant qu'une telle menace ne soit concrétisée, aurait été difficile à faire passer. Mais le NORAD n'a pas sondé les renseignements disponibles et tenté d'établir le bien-fondé d'un tel changement.
À la lumière des changements actuels, nous nous efforçons de déterminer comment le NORAD devrait s'adapter afin de répondre aux exigences du XXIe siècle. Les menaces à l'égard de notre sécurité nationale deviennent plus diffuses, et les responsables plus difficiles à cerner. L'Amérique du Nord est de plus en plus vulnérable à un éventail de menaces changeantes — qu'elles soient étatiques ou non étatiques, traditionnelles ou asymétriques —, et ce, dans les domaines aérien, terrestre et maritime, ainsi que dans l'espace et le cyberespace.
Qui plus est, les conflits régionaux peuvent rapidement s'étendre et avoir des répercussions mondiales, même sur notre pays. Par exemple, lorsque la situation en Syrie s'est aggravée, nous nous sommes inquiétés des risques de cyberattaques contre l'Amérique du Nord.
Je vais maintenant prendre quelques instants pour souligner certains des changements importants qui s'opèrent actuellement.
Depuis l'automne 2011, la Russie a transformé sa doctrine, ses opérations, ses tactiques, ses techniques et ses procédures militaires. Ses forces tirent des missiles de croisière à partir des airs ou de la mer de façon plus précise et efficace, effectuent des déploiements en mer plus longs et des exercices plus complexes, tout particulièrement dans le Grand Nord. La Russie a entrepris de vastes programmes de modernisation de tous ses systèmes d'armes importants, et notamment des missiles balistiques navals et des missiles balistiques intercontinentaux. Elle a accru la fréquence des exercices des forces stratégiques et a annexé la Crimée. Bien que certaines approches de l'ancien modèle soviétique s'appliquent toujours, la Russie s'efforce manifestement de rompre avec le passé en ce qui concerne ses capacités militaires. Nous croyons qu'elle a l'intention d'instaurer une nouvelle doctrine fondée sur l'utilisation stratégique d'armes de précision pour produire des effets stratégiques.
La Corée du Nord et l'Iran continuent tous deux d'investir dans des missiles balistiques, le nucléaire, le cyberespace et d'autres technologies d'armement de pointe. La Corée du Nord a réussi un lancement spatial et a effectué des essais nucléaires, ce qui nous mène à considérer les missiles balistiques comme une menace réelle plutôt que théorique, voire une menace contre laquelle nous devons nous protéger.
En outre, même si les organisations terroristes sont bien moins menaçantes qu'auparavant, elles n'ont pas du tout disparu. Une question qui s'avère particulièrement préoccupante est la probabilité croissante de collusion, volontaire ou non, entre les organisations criminelles transnationales et les terroristes, impliquées dans le trafic d'armes, de drogues, de personnes, etc. Les terroristes ont ainsi de plus en plus d'occasions d'utiliser des armes modernes, telles que des missiles de croisière ou des missiles balistiques à courte portée lancés à partir de conteneurs d'expédition, ou de livrer des armes de destruction massive dans des véhicules aériens sans pilote ou des aéronefs de l'aviation générale.
S'ajoute à ces menaces le retrait continu de la glace de mer dans le Nord, faisant de l'Arctique une approche maritime continentale, qui pourrait être utilisée à des fins opportunistes.
Une autre activité est source de préoccupation croissante, à savoir les attaques perpétrées par des extrémistes nationaux, qu'ils soient ou non inspirés par des organisations terroristes internationales. Peu de renseignements et de signes précurseurs permettent de contrer les attaques de ce genre.
Dans le cas de l'attaque à Ottawa, le NORAD a rapidement mis en place des patrouilles aériennes de combat et a dérouté des aéronefs en direction de Trenton pour maintenir un état d'alerte de haut niveau et déjouer toute tentative de profiter de l'occasion par voie aérienne.
Malgré les défis, l'Accord du NORAD, signé il y a 56 ans, demeure le concept phare pour la défense de l'Amérique du Nord. La collaboration est la meilleure façon d'assurer la défense du continent et de la perfectionner, en misant sur l'expérience de longue date du NORAD.
Le NORAD a clairement comme objectif la réussite continue des missions et la capacité de devancer les menaces contre l'Amérique du Nord. En décembre, l'ancien commandant du NORAD, le général Jacoby, a signé un rapport sur l'examen stratégique du NORAD, qu'il a fait parvenir au Chef d'état-major de la Défense et à l'Instance collégiale des chefs d'état-major des États-Unis.
Le rapport soulignait qu'il pourrait être nécessaire de nous doter de capteurs, de systèmes de communication et d'une infrastructure améliorés dans le Grand Nord si nous voulons conserver notre pertinence et notre efficacité au cours du XXIe siècle. L'examen portait aussi sur les rôles, les missions et les rapports de commandement actuels et futurs. En complément de cet examen, le NORAD procède à un certain nombre d'exercices et d'essais pour trouver des moyens d'atténuer et d'affronter les défis changeants auxquels nous faisons face.
Pour terminer, je tiens à vous dire à quel point je suis fier de servir et d'assurer la garde avec les soldats, les marins, les aviateurs et aviatrices du Canada et des États-Unis qui servent avec abnégation nos deux grands pays. Grâce à leur extraordinaire volonté, professionnalisme et ingéniosité, je suis persuadé que notre avenir est entre de bonnes mains.
Merci. J'ai hâte de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup de votre question, monsieur Norlock.
Vous avez souligné un point très important dans votre question, à savoir la tyrannie des distances à laquelle est soumis le Canada. Parlant de distances, beaucoup de gens ignorent, en raison de la façon dont ils consultent les cartes, que la distance la plus longue n'est pas entre l'est et l'ouest de notre pays, mais entre le sud et le nord. C'est là que réside notre plus grand défi.
Notre partenariat avec les États-Unis nous est extrêmement utile. Pour vous donner un exemple concret, nous n'avons pas suffisamment d'avions ravitailleurs pour protéger nous-mêmes notre Nord. Toutefois, dans le cadre de l'entente du NORAD, les États-Unis ont placé en alerte deux avions ravitailleurs, l'un sur la côte Est à Bangor, dans le Maine, et l'autre à Fairchild, dans l'État de Washington. Lorsque nos avions de chasse décollent, soit de Bagotville ou de Cold Lake, et qu'ils se dirigent vers le nord, ces avions ravitailleurs décollent également, ce qui nous permet d'atteindre le point le plus septentrional possible.
La distance présente également un défi pour les bases d'opérations avancées du Nord, qui se trouvent encore au sud par rapport à la limite septentrionale du Canada.
Autre avantage de l'entente du NORAD, c'est le recours aux avions de détection aérienne avancée, plus connus sous le nom d'AWACS, qui permettent d'étendre la portée des radars.
C'est une vaste région, tant pour les menaces asymétriques que présentent par exemple les avions de ligne détournés le 11 septembre que pour les menaces symétriques provenant de munitions russes à longue portée. Le NORAD profite certainement de ce partenariat avec les États-Unis en nous assurant d'avoir les capacités nécessaires.
Je crois que j'ai oublié de parler de l'alerte maritime.
À l'échelle binationale, nous avons l'alerte maritime, qui consiste à regrouper tous les renseignements dont disposent les intervenants maritimes. La mission d'alerte maritime confiée au NORAD offre un véhicule permettant de regrouper toutes les informations et tout le renseignement dont disposent les gens intéressés à la vigilance dans le secteur maritime. Au niveau bilatéral, nous avons le Commandement des opérations interarmées du Canada et le NORTHCOM, ou Commandement du Nord, qui œuvrent de concert et mettent en place les mécanismes nécessaires au contrôle maritime.
Le rôle du NORAD consiste à transmettre simultanément au gouvernement du Canada et à celui des États-Unis un avis ou un message d'alerte maritime. Bilatéralement et de concert avec les partenaires d'application de la loi, le NORTHCOM et le Commandement des opérations interarmées du Canada décident de la suite à donner à ces messages d'alerte ou à ces avis.
D'accord, monsieur. Les menaces ont évolué. Elles provenaient tout d'abord de l'aviation à long rayon d'action, puis des ICBM, mais avant le 11 septembre, elles provenaient toutes de l'extérieur. Après cette date, nous nous sommes penchés non seulement sur les approches du continent, mais aussi sur le continent lui-même puisque, ce jour-là, toutes les attaques provenaient du territoire des États-Unis.
S'agissant des mesures que nous pouvons prendre, le NORAD tient sa mission du gouvernement du Canada et de celui des États-Unis. Ce que nous pouvons faire est de procéder à une évaluation conjointe des menaces et d'expliquer les capacités et exigences nécessaires pour les atténuer. Une fois que nous avons donné notre avis, il ne revient pas au NORAD de décider des mesures à prendre pour contrer ces menaces ou pour en accepter ou pas les risques.
Pour ce qui est du terrorisme, en mer, nous avons des navires d'intérêt pour lesquels, en fonction des informations recueillies, nous envoyons un avis ou un message d'alerte. Par la suite, ces navires sont inspectés par une agence d'application de la loi, la plupart du temps des autorités civiles.
Dans l'air, l'aviation commerciale nous inquiète toujours. Les documents de ben Laden, saisis après son assassinat, révèlent qu'Al-Qaïda est toujours très intéressée à utiliser l'aviation, et en particulier des avions de ligne, contre l'Amérique du Nord. Les avions de type jet d'affaires pourraient servir de missiles. Depuis le 11 septembre, nous surveillons par exemple tous les avions qui ont une trajectoire digne d'intérêt, nous faisons des interceptions et tenons des conférences à l'issue desquelles on décide, au besoin, de les abattre.
Du point de vue du NORAD, ce sont les approches qui sont inquiétantes et j'accorderais la priorité aux questions aériennes et maritimes plutôt que cybernétiques, car elles concernent directement notre mandat, dans le cadre duquel nous ne pouvons pas nous permettre d'échec.
S'agissant de cybersécurité, en remplissant notre mandat maritime et aérospatial, nous devons faire fonctionner des systèmes cybernétiques dans un environnement hostile. Dans ces conditions, nous devons devancer les menaces afin de protéger nos systèmes de cyberattaques.
Pour ce qui est des agents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, ceux-ci pourraient être transportés dans le cadre d'approches aériennes ou maritimes de l'Amérique du Nord. Nous veillons à recueillir le plus de renseignements possible sur ces agents, mais en ce qui nous concerne, nous nous occupons des approches aériennes ou maritimes, alors que le COIC s'occupe des approches terrestres.
S'agissant enfin de la défense du Nord, nous considérons qu'il y a trois secteurs: la sûreté, la sécurité et la défense. La sûreté concerne essentiellement le secteur maritime et aérien, et il y a le domaine de l'agence civile et le système de recherche et de sauvetage. La sécurité relève plutôt des agences d'application de la loi, que nous secondons en fonction de nos capacités. À propos de défense, enfin, et du point de vue du NORAD, il s'agit de la défense aérospatiale et de l'alerte maritime.