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Nous ouvrons la séance numéro 14 de l'étude de notre comité spécial sur la réforme électorale.
Nous entendrons trois témoins ce soir. Merci beaucoup de sacrifier quelques heures de cette belle soirée d'été.
Je vais vous présenter brièvement nos trois témoins. La professeure Nathalie Des Rosiers est actuellement doyenne de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa; elle a aussi été avocate générale de l'Association canadienne des libertés civiles ainsi que présidente de la Commission du droit du Canada et membre du Conseil consultatif national de Représentation équitable au Canada. Mme Des Rosiers a été décorée de l'Ordre du Canada pour sa contribution à la défense des libertés civiles. Elle a reçu plusieurs autres distinctions. En 2010, le Globe and Mail l'a nommée parmi les dix personnes qui ont contribué le plus à l'édification de notre pays.
[Français]
Christian Dufour est avocat, politicologue, auteur et commentateur. Chroniqueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec, M. Dufour est également chercheur et professeur à l'École nationale d'administration publique à Montréal. Les institutions démocratiques et la réforme électorale figurent parmi ses champs de recherche.
Ayant été fonctionnaire provincial, M. Dufour possède une expérience considérable dans le domaine des affaires intergouvernementales acquise à l'époque où il travaillait dans la fonction publique du Québec. Il a publié de nombreux ouvrages sur l'identité du Québec et les questions linguistiques et politiques.
[Traduction]
M. Harold Jansen est professeur agrégé à l'Université de Lethbridge. Il dirige sa recherche en partie sur les systèmes électoraux et sur la réforme électorale, mais il étudie également les effets qu'a Internet sur la communication politique et sur la citoyenneté démocratique. Il a aussi examiné l'application du vote préférentiel ainsi que des modes de scrutins alternatifs au Canada.
Bienvenue à tous trois. Vos opinions et vos suggestions nous intéressent beaucoup.
Nous allons commencer par Mme Des Rosiers, si vous voulez bien.
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Bonjour et merci, monsieur le président. Je remercie le comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je vais m'exprimer en français et en anglais. Le texte de ma présentation a déjà été distribué.
Aujourd'hui, je parle à titre d'ancienne présidente de la Commission du droit du Canada, qui avait produit en 2004 le rapport intitulé « Un vote qui compte: la réforme électorale au Canada ». J'ai pensé qu'il pourrait être utile pour le Comité de connaître le raisonnement qui caractérise ce rapport et la perception que nous avions à l'époque des enjeux auxquels le Canada était confronté.
[Traduction]
Je vais souligner trois faits généraux importants. Tout d'abord, je crois qu'à la suite des consultations et des travaux qu'elle a effectués, la Commission établit très clairement le besoin de moderniser notre système électoral actuel. Le scrutin uninominal à un tour comporte trop de désavantages pour appuyer les aspirations démocratiques actuelles et futures des Canadiens. Je vais vous présenter brièvement les origines philosophiques de ce système afin d'expliquer en quoi il convient au XIXe siècle, et non aux aspirations de la société du XXIe siècle.
[Français]
C'était notre vision à cette époque, à savoir que le système devait être réformé. Nous étions arrivés à la conclusion qu'il était nécessaire d'ajouter un élément de proportionnalité et de corriger les effets pervers du système.
[Traduction]
En un sens, nous essayions de conserver les aspects positifs du système uninominal à un tour tout en corrigeant ses défaillances. Dans un ton modéré, ce rapport visait à aider les Canadiens et le Parlement de l'époque à aborder cette question de réforme électorale. En termes modérés, mais résolus, la Commission soulignait l'urgence de moderniser le système. Elle nous exhortait à encourager l'évolution de notre système électoral.
Le deuxième aspect que je tiens à souligner est très important. Certains systèmes électoraux risquent d'aggraver les distorsions de notre scrutin actuel, notamment le fait qu'il reflète mal la diversité de la population canadienne. Je vais surtout m'arrêter sur l'égalité des sexes. Il faut que nous y portions attention, maintenant et à l'avenir. Je vous exhorte, si vous avez l'intention de présenter des recommandations différentes des nôtres, à tenir compte des effets qu'elles auront sur la représentation des sexes. À mon avis, cet aspect est crucial.
Le troisième aspect que je tiens à souligner est le fait que le processus de réforme électorale est continu. Non seulement nous devons examiner les changements à apporter, mais il faudra accorder au nouveau système la capacité de surveiller l'efficacité de ces changements. Dans notre rapport, nous recommandions une évaluation approfondie de l'efficacité du système après trois élections. Nous recommandions aussi l'établissement d'un mécanisme institutionnel qui surveille continuellement la situation et qui puisse apporter les adaptations nécessaires.
[Français]
Il ne devrait pas être nécessaire d'attendre qu'il y ait une crise de légitimité pour apporter des amendements au mode de scrutin. D'une certaine façon, je vais demander à votre comité de considérer les recommandations de la Commission. Je veux parler ici des recommandations dans leur ensemble. Il s'agit non pas seulement de celles portant sur le système que la Commission recommandait, mais aussi des autres recommandations, qui traitaient de la capacité institutionnelle de bien évaluer ce qui se passe dans le système et de se pencher avec attention sur les questions de représentation du genre.
[Traduction]
Je vais ajouter quelques mots sur la Commission.
[Français]
La Commission a été formée en 1997. Elle avait comme mandat de s'assurer que le droit continuerait d'être pertinent au Canada. C'était un organisme législatif qui rendait des comptes au Parlement par l'entremise du ministre de la Justice.
Le rapport sur la réforme électorale a été réalisé dans le cadre d'une étude sur les rapports de gouvernance au Canada. On s'inquiétait plus particulièrement du fait que l'innovation, qui semblait se manifester partout dans le monde, n'était pas mise en pratique au Canada. Bon nombre de nouvelles pratiques démocratiques mises en oeuvre dans le monde semblaient avoir de la difficulté à émerger au Canada. La Commission était indépendante et était bien placée pour étudier la question de la réforme électorale et pour baliser un peu la discussion à ce sujet.
Plusieurs questions sont ressorties à maintes reprises lors de nos consultations, notamment la réduction de l'âge pour voter et le financement électoral. La Commission a suivi son processus habituel. Il y a eu des comités d'experts, des consultations publiques et l'établissement d'outils Web. Un processus de trois ans a mené en quelque sorte à notre rapport.
Le raisonnement qui sous-tendait les conclusions de notre rapport était fondé sur ce qui suit. Quant à la réforme du système électoral, la méthode par laquelle les votes se traduisent en sièges n'est pas une panacée. Elle ne résout pas tous les malaises politiques ou toutes les défaillances. En fait, le mode de scrutin doit être changé lorsqu'il ne reflète pas bien les valeurs d'une société donnée. Il produit des distorsions qui minent la légitimité du système. Il est important, dans la perspective du droit, que le système parlementaire soit vu comme étant légitime. En effet, c'est ce qui confère l'autorité morale aux lois qui sont adoptées.
Aucun système électoral n'est parfait. Aucun système ne peut vraiment traduire à la perfection toutes les valeurs qu'une société voudrait avoir. Cependant, les systèmes peuvent être évalués en fonction du choix qu'ils font entre les préférences ou l'équilibre qu'ils établissent entre les valeurs. Les préférences de certains systèmes ont un prix trop élevé. C'était notre conclusion quant au système uninominal à un tour. En effet, sa préférence pour la stabilité était trop coûteuse, en ce sens qu'elle nous privait d'une représentativité plus adéquate en matière d'idées et de population.
[Traduction]
Nous proposons de fonder l'évaluation du système sur 13 critères. Vous les trouverez dans le rapport et vous en avez déjà déterminé certains vous-mêmes. Je pourrai m'allonger plus tard sur ces critères et sur le rapport, mais je vais me concentrer sur les raisons pour lesquelles nous avons fini par choisir le système de représentation proportionnelle mixte, ou SRPM.
Nous avons évalué plusieurs types de scrutins en fonction des critères que nous avions fixés. L'un de ces critères était, bien entendu, la représentation géographique et territoriale; un autre était l'équité. Les participants à nos consultations ont constamment souligné la représentation démographique. Ils ont également cité la pertinence: les électeurs ne veulent pas gaspiller des votes, mais ils veulent que l'on traduise adéquatement ce qu'ils font. Ils ont aussi mentionné l'importance d'un vote par personne, de l'efficacité de la législature, de la recherche de consensus, de la responsabilisation, de l'efficacité du gouvernement, de l'efficacité de l'opposition, de la simplification de l'administration et de la facilité de transition. Plus le nouveau système ressemblera au scrutin actuel, plus la transition sera facile.
Nous avons cependant tenu compte de l'évolution de la culture politique en cherchant à prévoir la façon dont les différents acteurs agiront et de déterminer les gagnants et les perdants. Nous étions convaincus que la culture démocratique est très solide au Canada et que les acteurs s'adapteraient au nouveau système, qu'ils s'efforceraient d'assurer son succès; donc en un certain sens, il était dangereux de penser que le système n'échouerait pas.
Nous avons examiné en profondeur la question de la représentation des sexes et des minorités. Nous avons mené de nombreuses consultations et effectué des études sur cette question. Nous en avons conclu que la réforme électorale à elle seule ne pourrait pas garantir l'égalité des sexes.
[Français]
C'était une condition nécessaire mais non suffisante. Dans notre rapport,
[Traduction]
Notre rapport suggère donc que les parties prennent d'autres mesures telles que, naturellement, de mobiliser les femmes et les personnes venant de minorités et qu'elles rendent compte au Parlement des mesures qu'elles prennent et qu'elles ne prennent pas. Nous avons présenté des recommandations similaires sur la représentation des Autochtones.
Nous avons aussi recommandé un type précis de scrutin proportionnel mixte comportant des seuils de listes fermées.
En ce qui concerne la mise en oeuvre, nous n'avons pas recommandé de tenir un référendum, mais d'en examiner la possibilité. Selon nous, il serait très difficile de déterminer pour quels principes la réforme électorale nécessiterait la tenue d'un référendum alors qu'on n'en tiendrait pas pour d'autres réformes législatives telles que l'âge de voter, le financement des partis ou les exigences symboliques comme la citoyenneté. Selon nous, il s'agissait plutôt de
[Français]
justifier pourquoi on ne le ferait pas dans d'autres contextes si on commençait de cette façon. Comme juristes, le fait de nous assurer que ce système est cohérent était notre préoccupation.
En conclusion, la réforme électorale
[Traduction]
La réforme électorale n'est pas une panacée, mais à l'heure actuelle, elle est très nécessaire. Il est normal d'hésiter à s'y lancer, mais nous nous devons de saisir cette occasion d'apporter du changement en étant convaincus que cette étape est cruciale pour améliorer la gouvernance publique du Canada.
[Français]
Merci beaucoup.
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Merci de m'avoir invité à témoigner devant ce comité.
Notre manière de traduire les préférences des citoyens en votes, puis ces votes en sièges, constitue le fondement même de la démocratie au Canada. Il est grand temps que nous entamions une discussion approfondie sur notre ancien mode de faire et sur la manière dont nous pourrions faire les choses. Pour moi, discuter des systèmes électoraux est une façon idéale de passer une belle soirée au mois d'août.
Comme l'a souligné le président, ma recherche vise deux domaines qui pourraient intéresser le comité. D'abord, dans un passé qui me semble s'éloigner toujours plus du présent, j'ai rédigé ma thèse de doctorat sur l'application des systèmes de vote alternatif et de vote unique transférable, ou VUT, en Alberta et au Manitoba de 1920 à 1955. J'ai lu certains des témoignages que vous avez entendus, alors je sais qu'on vous l'a déjà expliqué. Ces provinces appliquaient le VUT dans les grandes villes et le vote alternatif dans les régions rurales. Avec l'utilisation du vote alternatif en Colombie-Britannique en 1952 et 1953, il s'agit des seules occasions où l'on a utilisé d'autres systèmes que le scrutin uninominal pour des élections provinciales et fédérales. L'application du VUT, selon moi, est très intéressante, parce qu'il s'agit de la seule occasion où l'on a utilisé un système électoral proportionnel avec des partis politiques au Canada. Nous avons aussi une occasion rêvée de tirer de nombreuses leçons un peu partout dans le monde, mais ces exemples canadiens nous aideront considérablement à comprendre le fonctionnement éventuel de ces systèmes.
Je suis persuadé que dès la fin de cette séance, vous allez tous vous précipiter pour lire ma thèse de doctorat, mais pour vous épargner la joie de lire 300 pages de prose ampoulée d'un étudiant de doctorat, je vais vous en présenter les conclusions principales.
Je mène des études de recherche dans un autre domaine qui pourrait intéresser le comité: l'activité politique que les Canadiens mènent en ligne. Avec des collègues d'autres universités canadiennes, j'ai interrogé des Canadiens pendant au moins deux ans et demi sur ces activités politiques. Dans le cadre de ces sondages, nous leur avons aussi posé quelques questions sur leur attitude face au scrutin en ligne. Cette étude était financée par le Conseil de recherches en sciences humaines qui nous avait demandé, entre autres choses, d'obtenir des renseignements qui éclaireraient les débats publics. Nous commençons à peine l'analyse de ces données, alors à la fin de mon allocution, je vous présenterai brièvement quelques-unes de ces conclusions préliminaires.
Les résultats de ma recherche sur l'utilisation du scrutin préférentiel aux élections provinciales m'incitent à penser que le vote alternatif ne constitue probablement pas le meilleur choix pour le Canada. Les circonstances historiques suggèrent que ce scrutin produit des résultats électoraux assez similaires à ceux que produirait le système uninominal à un tour; il ne corrigerait pas la défaillance principale de ce système, qui est de ne pas produire une législature qui reflète adéquatement les préférences des Canadiens. En Alberta et au Manitoba, ce scrutin n'influe aucunement la proportionnalité, qui est le critère sur lequel les experts en sciences politiques mesurent la correspondance entre les sièges et les votes. Ce scrutin n'a absolument aucun effet là-dessus.
Même au niveau des circonscriptions, le vote alternatif ne produit pas de résultats bien différents de ceux du scrutin uninominal à un tour. Pendant les 30 années où l'Alberta a appliqué le vote alternatif, moins de trois pour cent de tous les sièges contestés auraient été attribués différemment par un scrutin uninominal. Au Manitoba, ce chiffre n'atteint même pas deux pour cent. Autrement dit, dans 97 à 98 % des cas, le candidat qui a de l'avance sur les autres au premier tour finit par gagner, et il aurait gagné au scrutin uninominal à un tour.
Ce résultat s'explique principalement par le fait que plus de la moitié des électeurs du Manitoba, et près de la moitié des électeurs albertains se contentaient d'indiquer leur premier choix. Nous avons découvert que de nombreux électeurs — la majorité d'entre eux au Manitoba — se contentaient d'indiquer leur choix principal même s'ils avaient l'occasion de classer les candidats par ordre de préférence. Ils ne songent même pas à indiquer un deuxième choix, et encore moins un troisième, et ainsi de suite.
En essayant d'imaginer le fonctionnement du vote alternatif au Canada, nous jetons souvent un coup d'oeil sur l'Australie. Mais nous oublions que la loi oblige les électeurs australiens à classer tous les candidats dans leur ordre de préférence. C'est là toute la différence. Nous n'avons pas fait cela au Canada. En fait, une telle mesure soulève des questions morales. Pouvons-nous forcer les gens à contribuer à l'élection d'un candidat auquel ils s'opposent foncièrement? Ce candidat pourrait être leur troisième choix sur quatre. Nous n'avons pas fait cela au Canada, et quand nous laissons cette liberté aux électeurs, une bonne partie d'entre eux semblent ne pas vouloir indiquer plus d'un choix. Je crois que nous accordons aux préférences beaucoup plus d'importance qu'elles n'en ont en réalité.
Nous avons aussi découvert que dans les trois provinces qui l'ont appliqué, le scrutin alternatif se soldait par un très grand nombre de bulletins de vote rejetés. Dans certains cas, cela provenait du fait que les règles sur le marquage des bulletins n'étaient pas assez strictes; au Manitoba où ces règles n'étaient pas strictes du tout, le nombre de bulletins de vote rejetés a triplé. On penserait qu'il ne serait pas bien difficile pour les électeurs d'inscrire un, deux et trois dans les cases du bulletin au lieu d'un X, mais il semble que cela posait un problème pour les électeurs; nous n'avons cependant pas eu accès à ces bulletins de vote pour déterminer exactement les causes de ce problème.
D'un autre côté, je dirais que le système de VUT appliqué à Edmonton, à Calgary et à Winnipeg s'est avéré beaucoup plus efficace en reflétant beaucoup mieux les désirs des électeurs en matière de représentation législative.
Les gens ont tendance à souligner le fait qu'en passant à un système électoral proportionnel, nous n'aurons plus de gouvernements majoritaires, et je sais que plusieurs témoins ont déjà dit cela au comité. Mais nous avons aussi tendance à oublier que ce système produit une opposition assez vaste pour être efficace. Je viens de l'Alberta, et notre province a presque toujours souffert de ce problème. En général, nous n'avons pas de grands partis d'opposition. À l'époque du Crédit social, le scrutin par VUT à Edmonton et à Calgary s'est avéré crucial pour placer une opposition solide à la législature. Le Crédit social gagnait presque tous les sièges des circonscriptions rurales, et après l'élection de 1955, quand on a cessé d'appliquer le VUT et le vote alternatif, il a raflé presque tous les sièges à Edmonton et à Calgary.
Le VUT a pour avantage de permettre aux électeurs d'appuyer des candidats de différents partis. Mais le font-ils vraiment? Théoriquement, vous avez raison, ils pourraient choisir. Je vais illustrer cela dans le contexte fédéral actuel. Les électeurs aiment avant tout le candidat libéral, ensuite un candidat conservateur, puis un nouveau démocrate, puis un vert, puis un autre libéral, et enfin un autre conservateur. Ils peuvent classer les candidats dans l'ordre qu'ils désirent. Mais quand nous avons examiné la manière dont les électeurs avaient réellement appliqué ce type de scrutin en Alberta et au Manitoba, nous avons découvert qu'ils avaient tendance à voter au sein d'un parti. Si un autre candidat de ce parti s'était présenté, 60 à 90 % des bulletins transférés seraient restés dans ce parti. Une fois que le dernier candidat d'un parti était éliminé, 35 à 40 % des votes venaient d'électeurs qui n'avaient plus de préférence à indiquer après cela. J'en conclus qu'un moins grand nombre d'électeurs que nous ne le pensions saisissent cet avantage d'appuyer des candidats de différents partis. C'est une des raisons pour lesquelles on préfère souvent le VUT à d'autres modes de scrutins alternatifs.
Le VUT a aussi ses inconvénients. Les bulletins de vote sont plus longs et plus complexes. Un moins grand nombre d'électeurs que prévu profiteront peut-être des avantages de ce scrutin.
Permettez-moi d'ajouter rapidement que nous n'avons constaté aucun effet sur les taux de participation aux élections. On entend souvent dire que cela constitue un avantage possible. Je n'ai découvert aucune indication d'un effet quelconque. Certains s'inquiétaient aussi du fait qu'avec la représentation proportionnelle, les partis allaient foisonner, mais je n'ai constaté aucun facteur qui appuie cet argument.
En examinant ces cas, je me trouve à répéter ce qu'André Blais vous a dit le mois dernier: il est important de prendre avec un grain de sel les avertissements au sujet d'autres effets que les systèmes électoraux pourraient avoir sur la formation des partis et sur le taux de participation des électeurs, car ces effets pourraient être causés par bien d'autres facteurs. Le système électoral peut y jouer un rôle, mais il n'est pas le seul à le faire.
Le système électoral se contente de modifier le calcul que l'on effectue pour traduire les votes en sièges. Les systèmes de représentation proportionnelle comme le VUT, la représentation proportionnelle mixte ou la représentation proportionnelle avec des listes de parti le font avec beaucoup plus de précision que le scrutin uninominal à un tour et que le vote alternatif. Je crois que nous avons là le critère fondamental à observer en préparant cette réforme électorale.
Maintenant très brièvement, nous avons fait des découvertes intéressantes au sujet du scrutin en ligne. En examinant les résultats de notre recherche, nous avons remarqué qu'une proportion importante de la population canadienne s'inquiète de sa sûreté, mais désire quand même voter de cette manière. Les résultats de notre sondage indiquent que 36 % des Canadiens pensent que de voter en ligne présente des risques, 42 % d'entre eux pensent qu'il n'y a pas de risque et le reste des répondants ne savent pas si c'est le cas ou non. Ce qui m'a vraiment surpris est le fait qu'un tiers des gens qui ont affirmé que ce scrutin présenterait des risques étaient tout de même prêts à voter ainsi s'ils le pouvaient. Cela s'explique peut-être par le fait que ce risque ne les menace pas personnellement; il menace le système, mais pas eux.
Quant aux répondants qui pensent que ce scrutin ne comporte pas de risques, ils seront plus enclins à voter en ligne si on leur en offre la possibilité. Je pense que si l'on envisage d'offrir le scrutin en ligne, il faudra rassurer les électeurs pour qu'ils comprennent que ce système ne pose pas de risques à la sécurité.
Si nous leur en offrions l'occasion, 55 % de nos répondants ont indiqué qu'ils voteraient très probablement en ligne, et 22 % ont dit qu'il y aurait bien des chances qu'ils le fassent. C'est très surprenant.
Mais attention: nous avons mené ce sondage en ligne.
Des voix: Oh, oh!
M. Harold Jansen: Les répondants étaient donc très à l'aise face à la technologie Internet. Je puis vous affirmer que cela crée une surestimation du résultat. Je ne peux pas vous dire de combien, mais il faut en tenir compte.
Il y a un autre facteur, qui influence en fait toutes les études effectuées en sciences politiques. Les répondants qui ont accepté de passer 20 minutes devant leur ordinateur pour répondre à des questions sur la politique sont des gens qui s'intéressent beaucoup à la politique, donc nos réponses proviennent en grande partie de personnes qui participent aux élections. Nous faisons tous face à ce problème.
Du petit nombre de répondants qui nous ont dit qu'ils ne votaient pas, 48 % ont affirmé qu'ils auraient très probablement voté si l'on avait offert un scrutin en ligne.
Ma dernière observation au sujet du scrutin en ligne est le fait que j'ai examiné quelques indicateurs démographiques. Risquons-nous de négliger certains groupes? Deux groupes sont ressortis d'une manière évidente. Les personnes au revenu très élevé avaient tendance à répondre qu'elles voteraient très probablement en ligne. Cela ne nous surprend aucunement: ces gens sont très à l'aise face à la technologie numérique. C'est un thème qui fait apparition depuis quelque temps.
Comme les activités politiques se déroulent de plus en plus sur Internet, notre équipe s'inquiète toujours plus pour les gens qui ne possèdent pas de bonnes compétences numériques. C'est pourquoi je crois qu'il faudrait procéder avec une certaine prudence à la mise sur pied d'un scrutin en ligne. Ce scrutin ne pourra que compléter le système que nous avons déjà; il ne devra pas remplacer ce que fait toujours Élections Canada, parce que les différences de compétence numérique risquent de désavantager des électeurs.
Je vous remercie, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je suis honoré de comparaître devant un comité de la Chambre des communes. C'est la première fois de ma vie où, à mon âge vénérable, je fais une telle chose. Je vous remercie de cette invitation.
Vendredi, j'ai fait distribuer aux membres du Comité un texte synthèse intitulé « Deux dynamiques profondément différentes » puisque je n'aurai pas assez de 10 minutes pour parler de tous ces aspects.
Au cours de la période qui suivra ma présentation, j'aurai peut-être l'occasion de répondre à des questions concernant l'âge du vote, le vote par Internet ou le vote obligatoire, des sujets que je n'ai pas abordés dans mon texte. Au cours de cette présentation, je vais m'en tenir aux deux points les plus importants de ce que j'ai à mentionner.
Le premier concerne le processus de la réforme et la façon d'assurer sa légitimité — si elle est menée à terme, ce qui n'est pas évident. Dans ce texte, j'ai essayé de faire ressortir la différence très profonde entre la dynamique du mode de scrutin actuel, d'une part, et celle des modes de scrutin proportionnels, d'autre part.
Nous ne sommes pas en face de différences seulement techniques ou procédurales. Nous sommes en face de changements structurants. Je ne crois pas beaucoup à l'ajout de petits éléments proportionnels. Ce n'est pas la même dynamique. Ce n'est pas la même façon dont la politique se vit. Cela risque de changer la façon dont la démocratie et la gouvernance se vivent au Canada.
Pour moi, il est clair que ce sont des changements de nature constitutionnelle. Ce n'est peut-être pas le cas en droit, mais en réalité, il me semble que cela redéfinit la façon dont on vit notre démocratie. De plus, le mode de scrutin est une institution que les Canadiens ont depuis 150 ans. Cela fait depuis 1867 que nous avons ce mode de scrutin. En fait, si cette réforme est menée à terme, cela pourrait possiblement être la réforme la plus importante du gouvernement Trudeau. C'est pourquoi il est important qu'il y ait un véritable consensus pour mener à terme cette réforme et assurer sa légitimité.
Je suis très francophone, mais dans ma tête, je suis quelque part un conservateur de type britannique et je suis attaché au parlementarisme de style Westminster. Pour que l'on puisse parler de consensus, normalement, il faut l'appui de l'opposition officielle parce qu'elle est officielle et parce qu'on veut changer une institution. Il s'agit de quelque chose de constitutionnel dans les faits, mais à tout le moins, c'est une vieille institution qui existe depuis 150 ans. Je ne dis pas cela parce que je suis pour les conservateurs. Il n'y a pas de lien à cet égard. Il s'agit plutôt de l'aspect institutionnel.
Si l'opposition officielle n'est pas d'accord, le gouvernement n'a pas d'autre choix que d'inviter les Canadiens, par l'entremise d'un référendum, à choisir entre le mode de scrutin actuel et un mode de scrutin proportionnel que ce comité pourrait recommander. Il est très important d'avoir cela en tête, car je crains que l'on se retrouve devant un précédent très dangereux concernant une réforme touchant une vieille institution qui appartient aux Canadiens.
Le mode de scrutin n'appartient pas aux experts. Il appartient aux Canadiens. En fait, la plupart des experts sont contre le mode de scrutin actuel. Je suis un des seuls qui trouvent des bons côtés au mode de scrutin actuel. Pour le changer, il faut bien faire les choses. Si on créait le précédent d'une réforme sans l'accord de l'opposition officielle et sans référendum, cela ferait en sorte que, dans quatre ou cinq ans, un autre gouvernement pourrait le faire.
Il ne faudrait pas devenir comme les Français, qui passent leur temps à envisager un changement de leur mode de scrutin et de leur Constitution. La façon de procéder est donc très importante. C'est aussi une façon de convaincre les gens qui sont réticents à ce changement. Les experts ne représentent pas la population. En tout respect pour les experts, ils ne voient pas beaucoup de qualités au mode de scrutin actuel. En ce qui me concerne, j'en vois beaucoup, et c'est le deuxième point que je veux souligner.
Dans mon texte, j'ai essayé de parler des avantages et des inconvénients du mode de scrutin actuel, d'une part, et des modes de scrutin proportionnels, d'autre part, parce que le mode de scrutin actuel est très largement décrié par les élites, les experts et les milieux intellectuels. Je trouve cela injuste étant donné que depuis 150 ans, le mode de scrutin actuel assure aux Canadiens ce qui est le coeur de toute démocratie fonctionnelle, soit le remplacement pacifique régulier des équipes partisanes au pouvoir, entre autres par le phénomène des balayages.
On sait que c'est une particularité de notre système. Celui-ci donne une prime au parti vainqueur, ce qui fait que ce parti est souvent majoritaire. Ce n'est pas quelque chose qui émane du XIXe siècle ou du XVIIIe siècle. Il y a un an, une élection fédérale a eu lieu. La plupart des experts trouvaient que le gouvernement conservateur, même s'il était usé et impopulaire, serait difficile à défaire à cause de la division de l'opposition entre le NPD et les libéraux.
Que s'est-il passé? À un certain moment, les Canadiens ont hésité entre le NPD et les libéraux et, finalement, ils se sont concentrés sur les libéraux qu'ils ont élus de façon majoritaire à leur satisfaction, je pense. Les sondages étaient clairs à cet égard.
Je ne pense pas qu'un expert au Canada avait prévu qu'il y aurait un gouvernement majoritaire. Au mieux, les gens disaient que le NPD ou le Parti libéral allait peut-être réussir à défaire les conservateurs, mais que ce serait alors un gouvernement minoritaire. Le mode de scrutin actuel est plus fort que les experts ne le pensent parce qu'il n'y a pas si longtemps, soit il y a à peine un an, il a produit les résultats que les Canadiens voulaient. C'est le côté pragmatique de la politique, parce que tout cela n'est pas entièrement rationnel et tout cela n'est pas entièrement cohérent.
On a un gouvernement libéral majoritaire. Il va peut-être devenir impopulaire, mais au début, il livrait la marchandise. Je trouve que ce système mérite que les Canadiens puissent le garder s'ils le veulent. Il faudrait peut-être le moderniser, mais je pense qu'il faut établir la preuve à cet égard.
Je suis peut-être trop conservateur britannique, mais il est faux de dire que le système actuel ne tient pas la route. Il a ses forces et ses faiblesses, mais globalement il livre l'essentiel. Il livre des gouvernements à la fois forts et susceptibles d'être congédiés, ce qui n'est pas rien. Dans le contexte de la mondialisation, qui est dangereuse, l'impuissance des démocraties est une chose à éviter. Notre système fait en sorte que les gouvernements sont souvent majoritaires. S'il n'y avait pas eu le mode de scrutin actuel, le gouvernement Trudeau ne serait pas majoritaire. Il l'est, mais on peut s'en débarrasser à un moment donné. On peut le congédier et faire le ménage. Au Québec, on dit en français qu'on peut nettoyer la soue à des intervalles réguliers.
Il y a aussi l'exemple de l'Italie. Dans ce pays, à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, le Parti démocrate chrétien a été dominant pendant plusieurs décennies. Il a pourri sur place pendant des décennies. Il y avait la proportionnelle et, après chaque élection, il rectifiait le tir en faisant des alliances avec de plus petits partis. Toutefois, le même groupe restait toujours au pouvoir.
Il faut peut-être changer le mode de scrutin si on en est rendu là. Il est facile de critiquer le mode de scrutin actuel parce qu'on le connaît. Le problème des modes de scrutin proportionnel est qu'il y en a beaucoup. Le 27 juillet dernier, André Blais disait qu'il était pratiquement impossible de prévoir ce que cela pourrait précisément donner.
Le moins que l'on puisse dire est qu'il existe un principe de précaution qui doit être respecté. Si les Canadiens décident que c'est le temps de changer notre système — je suis un démocrate, je vais me rallier, ce n'est pas la fin du monde —, il est important que cette réforme soit légitime. Je ne pense pas que le gouvernement puisse imposer cela. Je ne suis pas expert en la matière, mais je pense que cela appartient aux Canadiens. Vous êtes des politiciens, vous êtes des députés. Vous devez vous méfier des experts. Ceux-ci ne vont que critiquer le mode de scrutin actuel. On n'en a que pour la proportionnelle et on discute des différences entre les types de mode de scrutin proportionnel. On voit les arbres, mais on oublie la forêt, qui est une dynamique politique canadienne ancienne qui n'est pas parfaite.
Je pense qu'on juge l'arbre à ses fruits, et les tests ont été faits récemment. C'est pour cette raison que, si on fait une réforme, il faut qu'elle soit vraiment légitime. C'est ma position à cet égard. Il serait absurde qu'on fasse une réforme pour augmenter la légitimité du système et que cette réforme soit elle-même illégitime et qu'elle soit perçue par les Canadiens comme étant un coup de force. Je sais que dans le texte on a traduit l'expression « coup de force » par show of force, mais un ami journaliste canadien-anglais m'a dit qu'il faudrait plutôt parler de power grab.
Bref, on parle ici d'un cas où ce serait perçu par les Canadiens comme un coup de force fait par des élites massivement opposées au mode de scrutin actuel. Les élites sont plus intellectuelles. Dans le texte, je fais ressortir cela. Les deux systèmes comportent des avantages et des inconvénients. Il est clair que la proportionnelle est perçue comme étant plus juste, mais pour être franc, je dirais que la proportionnelle pure est quelque chose d'aberrant. Pensons à Israël...
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins d'être parmi nous ce soir.
[Traduction]
Comme vous l'avez fait remarquer, tout le monde n'accepterait pas de passer une belle soirée comme celle d'aujourd'hui dans une salle sombre, alors je vous remercie beaucoup d'être venus.
Nous avons entendu trois allocutions différentes présentant un grand nombre de sujets. Il nous faudrait trois ou quatre heures pour examiner plusieurs de ces sujets.
Ma première question s'adresse à Mme Des Rosiers.
Je n'ai pas lu le rapport en entier, mais j'en ai lu une bonne partie, et je vous remercie de nous l'avoir présenté. Dans vos 23 recommandations et dans votre allocution, vous avez parlé de la forte croissance de la diversité ainsi que de la représentation des sexes chez nos élus et autres. D'autres témoins nous ont aussi dit qu'un changement de système électoral n'aurait pas d'effets sur la diversité et sur la représentation des sexes et qu'en fait, on pourrait appliquer différentes stratégies, comme établir des systèmes de contingents, etc. Une réforme électorale ne vise pas uniquement à modifier le système électoral; cette modification ne résoudrait pas les problèmes une fois pour toutes. Quant à l'engagement et à la participation, vous nous avez présenté un peu votre point de vue sur le scrutin en ligne, et je voudrais que vous vous étendiez un peu là-dessus, monsieur Jansen.
Quelles modifications apporteriez-vous aux recommandations que vous avez présentées dans votre rapport publié il y a quelques années? Bien des choses ont changé depuis, alors comment adapteriez-vous ces recommandations?
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Je demeure absolument certaine de notre évaluation du système uninominal à un tour. Même s'il nous satisfait d'une certaine façon à l'heure actuelle, il faut que nous pensions à long terme. Selon moi, ce scrutin a produit beaucoup trop de cas de distorsion. J'en demeure convaincue.
En 2004, nous n'avons pas examiné ou simulé des solutions adaptées particulièrement au Canada. Nous avons examiné un ensemble de systèmes appliqués un peu partout dans le monde pour les évaluer à partir des critères que nous avions fixés. Je suis toujours convaincue que ces critères étaient valides, tout comme l'importance de la participation et de l'équité, de veiller à ce que le vote
[Français]
que ce soit un miroir de la nation. On aborde
[Traduction]
... représente parfaitement la nation. Je tiens beaucoup à cela.
Je suis encore convaincue que nos recommandations de bien tenir compte de cette question sont toujours aussi importantes et que vous devriez les présenter dans votre rapport.
Je suis toujours sûre de ce que nous avons indiqué au sujet des sexes... et sans aucun doute, ce n'est pas garanti. Le seul avantage que comportent l'ouverture du système et les nouvelles façons de permettre aux gens d'accéder à des postes d'élus est qu'elles diversifient la classe politique.
Je dois vous dire qu'en préparant ce rapport, nous avons eu l'occasion de rencontrer le président de la chambre du parlement de la Nouvelle-Zélande, qui avait déjà traversé cette transition. Il nous a dit que de nouvelles personnes ont été élues, de nouveaux types de personnes, et qu'au début, leur manque de connaissance des règles l'irritait. Ces nouveaux élus ne se comportaient pas comme il le désirait. Il ressemblait un peu à Winston Churchill. Puis il s'est corrigé en affirmant que c'était une bonne chose. Certaines règles n'ont pas tardé à changer, et de nouvelles voix ont pu se faire entendre.
Je suis toujours convaincue que, quel que soit le système choisi, il devrait comporter un élément de proportionnalité. Il faut que nous continuions à viser cela. Autrement, nous manquerons notre objectif, et nous continuerons à faire face à de grands revirements. Selon moi, les fausses majorités n'apportent rien de bon à long terme. Le nouveau gouvernement arrive au pouvoir, il change tout, le prochain gouvernement prend les choses en main et amenuise tous les changements. À mon avis, cela nous coûte cher. Un expert a témoigné des frais que paient les contribuables pour ces grands revirements politiques. Nous n'avons pas inclus cela dans notre rapport, mais ces choses m'inquiètent.
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Merci, monsieur le président.
Madame et messieurs, soyez les bienvenus au sein de votre Parlement.
Si nous avions su cela, monsieur Dufour, nous vous aurions peut-être invité à comparaître avant aujourd'hui, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Cela dit, c'est un plaisir de vous accueillir dans le cadre des travaux de ce comité parlementaire.
Je pense que tout le monde s'entend pour dire que notre système actuel est loin d'être parfait. Même ceux qui y croient reconnaissent qu'il comporte des failles majeures. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de système idéal. Nous évoluons dans le système actuel depuis bientôt 100 ans. Cela fait 150 ans, mais depuis une centaine d'années, il y a plus de deux partis dominants au Canada. Il y a un troisième, un quatrième et parfois même un cinquième parti.
Le fait qu'un tiers parti émerge avec force à un moment opportun est d'ailleurs l'un des éléments forts de notre système actuel. Nous l'avons vu en 1993 avec le Bloc québécois ainsi qu'avec l'émergence du Parti réformiste. Plus tard, des partis fusionnent, deviennent moins populaires ou, au contraire, plus populaires, mais il reste que la démocratie s'exerce. La roue tourne et, en fin de compte, ce sont les Canadiens qui décident, en leur âme et conscience, de ce qui se produit.
La roue a tourné 29 fois au cours des 100 dernières années. À 29 reprises, nous avons en effet eu des élections. Une fois seulement, la coche était mal taillée, si on peut dire, sur le plan démocratique. Une seule fois seulement en 100 ans de démocratie parlementaire, un parti qui n'avait pas obtenu la majorité des votes a formé le gouvernement. C'était en 1979.
Au Québec, c'est arrivé plus souvent, c'est-à-dire trois fois. Il reste qu'en 1944 et en 1966, c'était en raison de la distorsion découlant des circonscriptions protégées qui existaient au Québec. Cela faisait en sorte qu'une circonscription pouvait compter 10 000 habitants alors que celle voisine pouvait en avoir environ 50 000.
La moyenne au bâton n'est donc pas si mauvaise. Je suis d'accord avec M. Dufour pour dire que le système actuel est loin d'être parfait. Par contre, il n'est pas si mal et, si on veut le modifier, encore faut-il prouver que c'est pertinent.
Monsieur Dufour, il va de soi que nous avons lu le document que vous nous avez envoyé au cours de la fin de semaine. Or ce matin, votre coup de force est un véritable coup de poing sur la table. Votre prose comprend en effet des mots très forts. Il y a d'abord, le terme « coup de force ». Vous parlez ensuite de précédents dangereux.
Qu'est-ce qui vous inquiète à ce point dans le fait que ce gouvernement s'apprête à changer le mode de scrutin sans consulter la population? Pourquoi vos craintes sont-elles si fortes?
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Pour être franc, je ne suis pas si inquiet que cela. En effet, il est très difficile de changer un mode de scrutin. Il y a une force d'inertie qui joue en faveur du maintien de ce qui existe. C'est une vieille institution enracinée depuis 150 ans. On entend davantage ceux qui le critiquent. Ce sont des intellectuels — je m'excuse de reparler des élites — qui ont accès aux médias et qui sont structurés. Néanmoins, pour changer cela, dans un système comme le nôtre, je pense qu'il faut avoir une légitimité. C'est une institution. Je ne suis donc pas si inquiet que cela.
Je dois dire que j'ai quand même été déçu que le gouvernement, de façon préliminaire, écarte l'idée d'avoir un référendum étant donné qu'il y a fondamentalement un argumentaire démocratique qui sous-tend le projet gouvernemental. En fait, la tenue d'un référendum n'est pas assuré et pour ce qui est de l'opposition officielle, ce n'est pas sûr. Je le répète, je suis un traditionaliste à cet égard. Notre système parlementaire relève de la tradition de Westminster. Pour qu'il y ait un vrai consensus, il ne suffit pas que les députés tiennent des assemblées de cuisine — je ne veux pas être méprisant — et il ne suffit pas de consulter les gens par Internet. On touche à une institution et il faut donc qu'il y ait un consensus institutionnel à cet égard.
Je trouve que c'est une occasion pour changer le système. Cela est clair. C'est un projet gouvernemental. Il est peut-être temps de le faire, mais ne tenez pas pour acquis que les Canadiens sont rendus acquis à la proportionnelle. Je ne vous cacherai pas que ma crainte provient surtout du fait qu'on ne sait pas dans quoi on s'embarque.
Le système actuel, on le connaît bien. André Blais le disait. André Blais n'est pas un énervé et vous avez dû le constater quand il a comparu. Il disait qu'il était très difficile de prévoir ce qui allait arriver.
Plusieurs choses m'inquiètent. Pour être franc, en tout respect pour la Chambre des communes, je dois dire que j'ai trouvé que la rectitude politique était très, très forte dans le libellé de la motion de la Chambre des communes qui a créé votre comité. On parle évidemment des Canadiens, de notre société, de la diversité, des femmes, des peuples autochtones, des jeunes, des aînés, des Canadiens ayant un handicap, des nouveaux Canadiens et des résidants des collectivités rurales et éloignées. C'est clair qu'on est en 2016, mais on ne parle ni du régionalisme au Canada, ni des profondes différences régionales qui ont caractérisé le pays depuis 1867. On ne parle pas des différences linguistiques. Il n'y a pas un mot à cet égard.
J'ai lu en entier le compte rendu de la réunion du 27 juillet où ont comparu M. Blais, M. Milner et M. Himelfarb. J'en ai retenu que le mode de scrutin proportionnel va réduire la représentation des phénomènes régionaux à la Chambre dans la mesure où on peut le prévoir puisqu'on ne sait pas quelle sorte de système sera établi.
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Merci, monsieur le président.
Madame et messieurs, je vous remercie encore une fois d'être ici parmi nous aujourd'hui. Au nom du NPD, je suis heureux que vous participiez à cette importante étude.
Évidemment, pour les néo-démocrates, le cas du first-past-the-post system — ce que j'appelle « le premier prend tout » — est assez bien établi. On connaît ses capacités de créer des distorsions.
Monsieur Deltell ne semble pas être fâché outre mesure qu'il y ait eu une élection où le parti qui est arrivé deuxième au chapitre du vote populaire ait remporté le plus grand nombre de sièges.
M. Pelletier, qui était ici cet après-midi, nous a dit que c'est arrivé à trois reprises au Québec. Ce n'est pas seulement une distorsion de la démocratie, c'est un renversement de la volonté populaire. On est régi par un système où ces distorsions se produisent à répétition.
Lors des dernières élections, il y a eu au Québec des courses à trois et des courses à quatre dans certains comtés et des candidats ont été élus avec moins de 30 % des voix. Cela veut dire que, pour les gens de ces comtés, on aurait pu prendre 70 % des votes et les jeter dans le bac à recyclage. Ces gens ne sont pas représentés à la Chambre des communes, dans leur Parlement.
On a vu aussi des distorsions assez épouvantables lors des élections au Royaume-Uni, l'année dernière. En effet, en Écosse, le Parti national écossais a obtenu 50 % des votes mais 95 % des sièges. M. Dufour peut aimer les balayages régionaux, mais si j'étais un travailliste ou un conservateur en Écosse, je serais un peu fâché à cet égard.
Madame Des Rosiers, dans votre étude de 2004, vous avez suggéré un mode de scrutin proportionnel mixte, ce qui existe dans plusieurs pays. Cela donne des gouvernements efficaces, responsables et relativement stables. On le constate dans les pays scandinaves et en Allemagne. Vous préfériez le système écossais plutôt que le système néo-zélandais ou allemand. Pouvez-vous nous dire quelles étaient selon vous les vertus de l'un et de l'autre?
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En préparant ce rapport, nous avons tenu plusieurs conférences sur les enjeux qui concernent les femmes en nous demandant pourquoi les femmes ne se font pas élire. Ces questions ont soulevé tout un éventail d'enjeux, comme la nature du monde politique, le manque d'accès à l'aide financière, la nécessité de déplacer le nom d'un homme pour présenter une candidate. La représentation proportionnelle mixte, ou l'idée de la liste, semblait atteindre les gens d'une manière différente et étendre la classe politique.
[Français]
la classe politique.
[Traduction]
C'était une façon d'accroître le nombre de personnes qui participeraient à la vie politique, qui acquerraient de l'expérience, de la visibilité, etc. C'était la première raison.
La deuxième raison — et je suis d'accord avec vous, parce que c'est l'une des observations que l'on m'a faites, et vous le verrez dans mon document écrit — est le fait qu'au XIXe siècle, les gens désiraient des dirigeants forts, du type « Agissez, faites-vous élire et faites-le »; on ne cherchait pas à créer un consensus. Les gens pensaient que la nature... et je ne suis pas certaine que seules les études sur les sexes produisent ces conclusions. Je dis seulement que la perception que nous avons au XXIe siècle de la bonne gouvernance n'est probablement pas la même que celle de la population coloniale du XIXe siècle, qui tenait à accomplir quelque chose. Il serait peut-être prudent d'attendre un peu et de parler à d'autres personnes avant de procéder.
Il y a un autre aspect de la vision du XIXe siècle ancré dans le scrutin uninominal à un tour, celui de l'identité définie uniquement par la région où l'on réside. Vous n'avez qu'une identité, et vous votez dans cette circonscription. Je suis seulement une électrice d'Ottawa Est, alors que la représentation proportionnelle mixte me permettrait de m'exprimer de deux façons: je pourrais choisir le candidat qui représentera le mieux Ottawa Est et aussi le parti que je veux au pouvoir. Cela semble mieux refléter la manière complexe qu'ont les gens de définir leur identité. Les gens déménagent plus souvent qu'on ne le faisait au XIXe siècle, un plus grand nombre d'enjeux les concernent, etc.
Je vous présente la façon dont les gens nous ont décrit cela. Pendant les consultations, quand les gens réfléchissaient à ces choses, pourquoi préféraient-ils ce système?
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Je crois que chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Le danger pourrait être d'avoir à un moment donné le pire des deux mondes, c'est-à-dire de perdre les avantages de notre système sans obtenir ceux d'un nouveau système. Il faut faire attention à cela.
En réponse à votre question, je dirais que la gouvernance est une valeur très importante. On parle beaucoup ici de la représentation, mais il s'agit d'élire un gouvernement. Il faut que ce dernier ait les moyens de gouverner. Dans la tourmente de la mondialisation, le fait d'avoir un gouvernement fort et stable constitue une valeur significative.
L'autre valeur est, je le répète, le fait de pouvoir congédier le gouvernement à intervalles réguliers. On sait les effets que peut avoir à la longue l'exercice du pouvoir.
La représentation est la troisième valeur. On représente l'évolution de la population canadienne.
Cela dit, je trouve qu'il pourrait y avoir un effet de mode très postmoderne. Nous vivons dans des sociétés de plus en plus individualisées et éclatées où les gens ont des états d'âme et veulent s'exprimer. Il ne faut pas trop coller à cela, sinon nous allons affaiblir notre système. C'est en ce sens que je défends l'État. Je pense que l'État et l'administration publique sont beaucoup critiqués et méprisés. Or le citoyen ordinaire n'a pas une vision claire de ce que sont l'État et l'administration publique. Ce sont des facteurs d'ordre et de stabilité dans la tourmente de la mondialisation. C'est une valeur importante.
On veut moderniser le système, soit, mais ce que je n'aime pas, c'est le côté un peu complaisant de tout cela. On est très postmoderne. On dit que les choses ont changé et que les gens doivent s'exprimer. Or il s'agit d'élire un gouvernement. Sans faire de partisanerie, je dirai que les Canadiens semblent heureux d'avoir un gouvernement libéral majoritaire qui peut agir. Combien de temps cela va-t-il durer? Je ne le sais pas.
Un gouvernement solide, qui peut gouverner, dont on peut se débarrasser éventuellement et qui représente non pas parfaitement mais raisonnablement ce que pensent les Canadiens, voilà ce que sont mes valeurs. Il est clair que nous sommes dans l'imperfection, mais les systèmes proportionnels ont eux aussi des effets pervers. La différence ici est que nous ne les connaissons pas encore parce que nous ne les avons jamais testés.
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Mes questions s'adressent au professeur Jansen.
Je tiens d'abord à souligner que le scrutin uninominal à un tour ne m'emballe pas tellement. En fait, j'ai déposé une motion visant à modifier le scrutin uninominal à un tour que nous utilisons pour élire le président du Parlement, et ma motion a été adoptée. Ce processus vous oblige à écarter les candidats du bulletin de vote les uns après les autres pour établir un bulletin de vote préférentiel.
Cela dit, le système uninominal à un tour n'est pas le meilleur, mais il n'est pas non plus le pire. À mon avis, le pire des systèmes est celui qui nous permet de prédire quels partis vont gagner ou perdre, qui permet — peut-être pas à chaque élection à venir — à la prochaine élection d'être modifiée de manière prévisible ou truquée au moins en partie, en choisissant un système particulier. Je ne pense pas que les modèles de VUT ou de représentation mixte puissent en être coupables, mais je suis convaincu que le système de vote alternatif et que les scrutins préférentiels à un seul candidat présentent ce problème.
Je regarde un article dont vous êtes coauteur avec Peter McCormick et qui a été publié le 30 novembre de l'année dernière. Vous y indiquez, comme d'autres témoins nous l'ont aussi souligné, que si l'élection de 2015 avait été tenue par scrutin alternatif et si tous les électeurs avaient voté de la même manière en indiquant leur premier choix et leur deuxième choix, les libéraux auraient obtenu non pas 184 sièges, mais 205. Nous y constatons aussi avec intérêt que lors de l'élection de 2011, à laquelle nous savons que les libéraux ont obtenu moins de la moitié des votes, ils auraient aussi été avantagés par un vote alternatif.
Je ne sais pas si vos recherches se sont étendues à des élections précédentes — 2008 et 2006 — pour voir si ces résultats se reproduisent, ou non. Je vais vous laisser répondre d'abord à cette question.
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Merci, monsieur le président.
Autant dans les questions que dans les témoignages, j'entends des propos qui me semblent un peu inquiétants. Comme le disait ma collègue, on parle de travailler à l'intérieur du système, de chercher un résultat et ainsi de suite. Selon moi, le travail que nous faisons ici devrait permettre, comme nous l'avons entendu plus tôt, de faire un choix sensé qui représenterait nos valeurs plutôt que de chercher un résultat ou de travailler à l'intérieur des contraintes d'un système.
Monsieur Dufour, permettez-moi de reprendre l'expression « congédiable », que vous avez utilisée. Je trouve au contraire que notre système électoral devrait nous permettre non pas de congédier, mais d'engager un gouvernement ou un député. Autant dans les questions que dans les témoignages, on a dit que le même système existe depuis 150 ans. Or les choses ont beaucoup changé.
Je pense ici à la façon dont un étudiant se trouvant sur un campus universitaire d'une autre province interagit aujourd'hui en 2016 avec les gens de son comté. C'est très différent de ce qui existait dans les années 1970 ou 1980.
Par ailleurs, il arrive que les citoyens nous disent, lorsque nous faisions du porte-à-porte, qu'ils aiment notre travail au niveau local ou encore ce que fait un certain chef de parti ou un parti. Je suis certain que mes collègues libéraux ont connu cette situation à certains moments de la campagne et qu'il en a été de même pour mes collègues conservateurs. Or on parle beaucoup de la compréhension qu'ont les citoyens du système.
Selon moi, les citoyens veulent tout cela. Ils veulent élire un premier ministre. Ils veulent aussi un parti et un bon représentant local. Pour ma part, j'ai peine à imaginer quel système pourrait, mieux que la proportionnelle mixte, nous permettre d'obtenir cela. En effet, ce système inclut un représentant local, un représentant d'un parti politique et, par l'entremise de ce dernier, un premier ministre. À mon avis, c'est le défi à relever.
On accuse souvent les citoyens d'être ignorants quant au système politique, mais je pense qu'il s'agit davantage d'aspirations que d'ignorance.
Comment pouvons-nous faire cadrer ces aspirations avec la nouvelle réalité changeante des médias sociaux ou autres et faire concorder le travail d'un député local ou d'un premier ministre qui représente tout le monde et d'un parti dont la plateforme est nationale?
J'aimerais vous entendre tous les trois à ce sujet. Par contre, il se peut que je vous interrompe pour poser d'autres questions. Je m'en excuse à l'avance.
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Ce qui a mené à ce désir de changements, ce sont les intenses débats sur le sujet, qui ont marqué la décennie 1910-1920 dans les Prairies. Un grand nombre des plaintes exprimées à l'égard du système électoral tournaient exactement autour du même thème que celui que vous entendez ici et dont nous sommes en train de discuter, le manque d'équité en matière de représentation. Le vote unique transférable, alors considéré la forme britannique de la RP, jouissait d'une popularité particulière, mais dans les provinces de l'Ouest il y avait aussi un certain élément populiste qui rendait très attrayante l'idée d'un système axé sur le candidat.
Lorsque les libéraux progressistes arrivent au pouvoir — grâce à l'alliance libérale-progressiste conclue en 1920 — ils font face à des fermiers devenus soudainement actifs et arrivent à la conclusion qu'en leur accordant cette seule demande, ils aideraient leur propre cause. Ils introduisent donc une forme de représentation proportionnelle à Winnipeg. De plus, comme Winnipeg sort tout juste de la grande grève générale, ils y voient un bon moyen de freiner le radicalisme ouvrier, un peu dans la crainte que les partis travaillistes raflent tous les sièges dans Winnipeg.
En 1922, le United Farmers of Manitoba accède au pouvoir et étend le VA aux régions rurales, ce qui était en somme une forme de trahison puisque tout le monde avait débattu la question du VUT. Cela permet au parti de préserver le fondement de son pouvoir, un mélange d'idéalisme et d'intérêts politiques partisans. Même son de cloche avec le United Farmers of Alberta. Il introduit le VUT à Edmonton et à Calgary. Il relève des pans entiers de la législation en vigueur au Manitoba, qu'il copie en Alberta. Tout était identique. Le United Farmers of Alberta était fort dans les régions rurales, faible dans les zones urbaines. Cela fragmentait son opposition, mais il tenait en partie ses promesses. Tout le monde se disait que tout ça finirait par s'améliorer et qu'ils allaient passer à autre chose. Il y avait donc, un peu partout, ce tremplin vers le VUT, mais la chose ne s'est jamais concrétisée.
Le souci premier, c'était la taille des circonscriptions. C'est effectivement un gros problème à une époque où vous vous déplacez à cheval et en calèche. Vous ne pouvez pas aller sur Skype.
La raison pour laquelle le VUT a avorté était un peu différente dans chaque province. En Alberta, la raison en est une d'intérêt politique personnel pour le Crédit social. Le Crédit social perdait de la vitesse. Les libéraux et le CCF ont fini par comprendre qu'ils auraient pu se servir de ce système pour défaire le Crédit social.
La situation est un peu plus compliquée au Manitoba où le grand problème était la surreprésentation du milieu rural. Ils ont fait un genre de compromis. S'ils parvenaient à résoudre ce problème de surreprésentation et commençaient à introduire des commissions de délimitation indépendantes, ils abandonneraient le VUT. Les gens avaient aussi un autre sujet de plainte — c'est important de le souligner, car j'ai vu des gens comparaître devant vous et proposer l'adoption de ce modèle. Si vous utilisez le VA dans les régions rurales et le VUT dans les villes, le problème, c'est que le fait de passer de 30 à 40 % dans un groupe de 10 circonscriptions uninominales est extrêmement payant en nombre de sièges. À Winnipeg, qui compte 10 circonscriptions, passer de 30 à 40 % signifie que vous remportez un siège de plus.
Sur quoi les partis ont-ils déployé leurs efforts et focalisé toute leur attention? Sur les régions rurales. Winnipeg s'est plainte d'être ignorée.
Mon temps est écoulé.
Un des écueils de la réforme au Québec a été de penser qu'on pouvait réduire le nombre de circonscriptions de 125 à 75 de façon mathématique et automatique, alors que les services de proximité qu'offrent les députés québécois dans les circonscriptions sont multiples. Les gens disaient que cela n'avait pas de bon sens, faisant valoir qu'ils avaient déjà de la difficulté à avoir accès à leur député fédéral. Il ne s'agit pas tellement de l'individu, mais plutôt de sa fonction.
On a parlé de la reddition de comptes, de la simplicité et de l'équité. On parle davantage d'inconvénients, mais on ne les mentionne pas beaucoup. Vous avez raison, monsieur Dufour, lorsque vous dites que le diable est dans les détails, et on l'a constaté au Québec. Il y avait 26 régions, ce qui favorisait trois grands partis, et le pluralisme idéologique était impossible. Alors, on a un gros défi.
En matière de gouvernance, dans un système proportionnel mixte compensatoire, la reddition de comptes et la ligne de parti sont-elles plus ou moins présentes? Le député qui se retrouve sur une liste et qui a été nommé par l'establishment du parti va-t-il dire non et décider de voter en fonction de la plateforme ou sera-t-il davantage tenu de respecter la ligne de parti?
J'imagine que les gouvernements de coalition deviennent à la longue de plus en plus centristes si les gens veulent prendre le pouvoir et être ceux à qui on tend la main. Ainsi, est-ce que les plateformes électorales deviennent, d'une certaine manière, insignifiantes?
Qu'adviendra-t-il du citoyen qui est actuellement habitué de décider qui va prendre le pouvoir? Ce seront des apparatchiks qui décideront qui va former le gouvernement. Ne s'agit-il pas là d'une distorsion politique? Les citoyens ne devraient-ils pas être au courant et décider à ce sujet? Personnellement, je crois que les gens devraient décider à propos de ces inconvénients. C'est la raison pour laquelle il faut qu'il y ait un référendum.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis certain qu'il ne parlait pas à mon sujet, mais M. Deltell a fait allusion aux commentaires concernant l'élection d'un premier ministre, d'un parti ou d'un député. Je sais que j'ai formulé cet aspect dans ma question, mais j'ai trouvé la réponse de Mme Des Rosiers intéressante. Elle a mentionné l'idée de punir un parti plutôt qu'un député. C'est une idée intéressante, car on entend souvent des histoires concernant d'excellents députés qui sont défaits dans les vagues qui surviennent.
On entend aussi le contraire. Parfois, de très mauvais députés sont élus parce que leur siège est assuré par un parti qui obtient l'appui de 70 % des gens de leur circonscription depuis 150 ans au Canada. J'ai donc trouvé la réponse de Mme Des Rosiers intéressante et c'est un peu cela l'objectif que nous recherchons. C'est une vision assez équitable.
Toutefois, la question que j'aimerais poser ne concerne pas cet aspect. Il s'agissait plutôt d'un commentaire et je vous remercie de votre indulgence à cet égard.
[Traduction]
Monsieur Jansen, ma question s'adresse à vous. J'espère que vous pourrez me répondre, parce que vous avez dit que le sujet est vaste. J'ai parlé de la réalité changeante du XXIe siècle à cause des médias sociaux et de tout le reste. Vous avez dit qu'il est difficile d'appréhender tout cela. Nous avons beaucoup parlé du vote en ligne et de choses du genre, mais quand on songe à la dynamique actuelle des médias, il y a bien d'autres facteurs qui interviennent. En 2012, j'étais en France pour les élections présidentielles. Les Français ne peuvent pas commenter les sondages à la sortie des urnes avant 21 heures ou quelque chose comme ça, et les travailleurs des partis s'expriment en codes, comme lors de la Deuxième Guerre mondiale à la radio, pour savoir quelles circonscriptions ils ont remportées. C'est absurde. Quand on songe à la participation des jeunes — vous avez tout à fait raison quand vous dites qu'il est difficile de trouver la recette magique — je pense que nous devons nous adapter à ces réalités. Peut-être pourriez-vous nous faire profiter de vos réflexions à ce sujet parce que je trouve que ça ne rejoint pas le concept de vote en ligne. Je ne veux pas faire d'amalgames, mais j'ai l'impression que ça se situe dans la même stratosphère.