:
Bonjour, chers collègues. Bienvenue à notre séance d'après-midi.
Nous accueillons de nouveau un groupe de trois témoins. Nous recevons d'abord M. Louis Massicotte, qui est avec nous. Nous communiquerons par vidéoconférence avec Mme Melanee Thomas, qui est à Calgary. Nous recevons aussi Mme Katelynn Northam, qui est avec nous.
Pour débuter, je vais faire un bref résumé des biographies de nos invités.
M. Louis Massicotte est professeur au Département de science politique de l'Université Laval. Il fut le premier titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, poste qu'il a occupé jusqu'en janvier 2011. Le professeur Massicotte a comparu devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre en 2011, témoignant au sujet de l'attribution des sièges. Il a participé activement au développement démocratique de plus d'une douzaine de pays, la plus grande majorité d'entre eux étant situés en Afrique francophone.
Professeur Massicotte, je vous souhaite la bienvenue.
[Traduction]
Melanee Thomas est professeure adjointe au département de science politique de l'Université de Calgary. Auparavant, elle a été titulaire de la bourse de recherche postdoctorale Skelton-Clark en affaires canadiennes au département de science politique de l'Université Queen's. Les recherches de Mme Thomas se concentrent sur les attitudes et le comportement politiques, les élections et l'opinion publique au Canada, et plus particulièrement sur la façon dont le sexe et les politiques liées au sexe influent sur ces questions. Les nombreux projets de recherche sur lesquels elle travaille actuellement sont financés par le Conseil de recherche en sciences humaines.
Mme Thomas a publié de nombreux ouvrages. Plus récemment, elle a signé, à titre de coauteure, un chapitre du livre Women (Not) in Politics: Women's Electoral Participation et un livre intitulé Mothers and Others: The Impact of Parenthood on Politics. Elle a également publié un article intitulé Barriers to Women's Political Participation in Canada.
Nous souhaitons la bienvenue à madame Thomas, de Calgary.
Enfin, nous recevons Mme Katelynn Northam, militante et directrice de campagne sur la réforme électorale pour l'organisme À l'Action et son site Web, www.leadnow.ca, un site consacré à la mobilisation et à l'organisation des Canadiens sur des questions liées aux enjeux et aux intérêts nationaux. Mme Northam est titulaire d'une maîtrise en science politique de l'Université Dalhousie, avec une spécialisation en gouvernance locale, en mobilisation des jeunes et en politique publique. Elle a été active au sein de la Commission canadienne pour l'UNESCO en tant que membre du Groupe consultatif jeunesse, en plus d'offrir de l'aide et du leadership à Springtide Collective, un organisme axé sur des initiatives de renouvellement politique, au site Web Vote Smart Nova Scotia ainsi qu'à d'autres causes similaires.
Bienvenue à tous.
Chaque témoin aura 10 minutes pour présenter son exposé, après quoi nous aurons deux séries de questions.
[Français]
Au cours de chaque série de questions, chaque député aura l'occasion de s'entretenir avec les témoins pendant une période de cinq minutes. Je le répète, cette période de cinq minutes comprend à la fois les questions et les réponses. Si cette période de cinq minutes est terminée et que vous n'avez pas eu la chance de répondre ou de donner une réponse complète, vous aurez l'occasion de poursuivre votre pensée plus tard lorsque vous aurez la parole.
Professeur Massicotte, allez-y en premier.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Mesdames et messieurs, membres du comité, bon après-midi.
[Français]
J'ai publié un livre et plusieurs articles de revues scientifiques sur les systèmes électoraux. À l'époque où je travaillais à la Bibliothèque du Parlement, ici même sur la Colline, soit en 1983 et en 1984, on discutait justement de l'insertion d'un système proportionnel pour l'élection directe des sénateurs. Cela démontre à quel point mon intérêt pour ce sujet est ancien.
Au cours des 25 dernières années, j'ai comparu de nombreuses fois devant des comités du Parlement fédéral, comme M. le président l'a souligné, et aussi devant des commissions spéciales de l'Assemblée nationale du Québec.
De 2003 à 2005, le gouvernement du Québec a requis mes services professionnels pour la réforme du mode de scrutin, et mes travaux ont influencé la conception du modèle figurant dans l'avant-projet de loi du gouvernement.
Je signale aussi que j'ai été secrétaire du comité sur les systèmes électoraux de l'Association internationale de science politique et membre du conseil d'administration du Groupe canadien d'étude des parlements.
Finalement, pour résumer mon profil, je dirais que je suis plutôt un ingénieur électoral qu'un militant de la cause, c'est-à-dire que je suis habitué à scruter les systèmes électoraux dans leurs détails opérationnels, à regarder l'ensemble des modalités disponibles et à essayer d'en voir les conséquences politiques, cela simplement pour éclairer les choix politiques qui doivent être faits par ceux qui sont mandatés de le faire.
[Traduction]
J'aurais dû préciser que je vais faire mon exposé en français, mais je sais aussi me faire entendre dans la langue de Shakespeare. J'essaierai donc de répondre à vos questions dans la langue où elles seront posées.
[Français]
Plutôt que de mettre l'accent sur les questions hautement politiques que sont le choix du meilleur système ou la procédure à suivre pour y parvenir, j'ai préféré centrer ma présentation sur le système que je connais le mieux, c'est-à-dire le scrutin mixte compensatoire, qu'on appelle en anglais le mixed-member proportional, ou MMP pour les intimes. C'est le système qui existe en Allemagne et en Nouvelle-Zélande, pour parler concrètement. Ce système cherche à offrir le meilleur des deux mondes, mais il ne peut pas satisfaire tout le monde, simplement parce qu'aucun système ne peut le faire.
Son introduction comporterait les implications suivantes. J'en ai discerné 13, mais il y en aurait sans doute beaucoup plus.
Premièrement, de toute évidence, parce que ce système est proportionnel, il entraînerait un changement radical dans la façon de faire de la politique au pays. Il est très improbable que l'on voie à l'avenir un parti obtenir à lui seul une majorité parlementaire. Je pense que les coalitions gouvernementales vont devenir de plus en plus inévitables. Or au Canada, comme vous le savez, il n'y a pas une culture des coalitions. Les coalitions sont mal vues dans la classe politique et par une partie de la population. Les acteurs politiques vont probablement s'ajuster, mais l'ajustement ne sera pas nécessairement facile.
Deuxièmement, l'introduction de la proportionnelle va nécessiter des réajustements douloureux au sein des partis politiques établis, et des résistances importantes sont à prévoir parmi vos collègues. Pour parler concrètement, si un parti détient actuellement cinq sièges sur cinq dans une région, la proportionnelle implique que ce même parti n'obtiendra plus cinq sièges sur cinq, mais trois ou peut-être même deux. Pour ces cinq députés en fonction, appuyer ou non un changement au système électoral est un problème presque existentiel, puisque certains d'entre eux vont rester sur le carreau en cas de changement du système. De plus, on ne peut même pas dire lesquels devront rester sur le carreau, ce qui va rendre tout le groupe assez nerveux.
Troisièmement, le design du système va être laborieux, parce que non seulement il combine la proportionnelle avec toutes ses complexités, mais en plus, il faut songer à l'arrimage entre le scrutin majoritaire et la proportionnelle.
Quelqu'un a dit que c’était la Mercedes des systèmes. C'est une métaphore que je trouve adorable et qui n'est pas simplement bonne sur le plan géographique — le système vient d'Allemagne —, mais pour les connaisseurs de véhicules, c'est très approprié.
Quatrièmement, en Allemagne, en Écosse et au pays de Galles, le système mixte compensatoire a été introduit ex nihilo, c'est-à-dire à partir de rien. On ne fait pas souvent cette remarque, mais je pense qu'elle vaut la peine d'être faite. En effet, à ce moment-là, il n'y avait pas de Parlement élu. Ce système était complètement nouveau. Donc, la transition était plus facile, tout simplement parce qu'il n'y avait pas d'intérêt établi parmi ceux qui prenaient la décision.
La Nouvelle-Zélande — c'est une bonne raison pour s'y intéresser — est le seul endroit, à ma connaissance, où le système a remplacé une assemblée entièrement composée de députés élus comme vous l'êtes dans des circonscriptions uninominales, à savoir à un seul député. Comme vous le savez, le système en Nouvelle-Zélande n'a pas été choisi librement par les parlementaires. Il leur a été imposé par des référendums populaires auxquels le Parlement a dû se soumettre.
Cinquièmement, l'introduction du scrutin mixte compensatoire au Canada s'inscrirait dans le contexte actuel de 338 députés élus dans autant de circonscriptions. La question du nombre total de députés à élire va se poser, parce que c'est une formule qui comporte deux séries de représentants.
Voici deux cas de figure.
Supposons que le nombre total de députés resterait à 338. Cela voudrait dire que, pour faire place aux députés de liste, il faudrait réduire le nombre de circonscriptions à 160 ou à 200. Concrètement, aucune circonscription actuelle ou presque ne sortirait intacte du découpage. Presque tous les députés devraient accepter l'ajout à leur circonscription de nouveaux électeurs qui pourraient leur être favorables ou défavorables et, surtout, accepter d'évoluer à l'avenir dans un territoire beaucoup plus vaste que celui qu'ils couvrent actuellement.
Regardons maintenant l'autre hypothèse.
Pour éviter ces difficultés, vous pourriez décider de conserver intégralement les 338 circonscriptions actuelles et d'élargir la taille du Parlement de façon à faire place aux députés de liste. Selon le ratio que vous auriez choisi, il y aurait 400 ou 500 députés. Je ne veux pas du tout douter des qualités de vendeurs des membres du Comité ou des députés de la Chambre, mais je pense que vendre cela aux Canadiens ne sera pas nécessairement facile.
Par ailleurs, il va se poser aussi la question du rôle et du statut des députés de liste. Comme vous le remarquerez, les propositions de réforme sont typiquement assez succinctes à ce chapitre. On se contente de dire que les députés de liste vont contribuer à rendre le Parlement plus représentatif de la force réelle des partis, ce qui est indéniable, et plus représentatif aussi de la réalité démographique parce qu'on y trouvera plus de femmes et d'Autochtones, ce qui est très vraisemblable.
Ce qu'on ne dit pas toujours parce qu'il y a une incertitude, c'est quel travail les députés de liste vont faire concrètement. Ayant étudié les différents pays qui pratiquent ce système, je vous dis franchement qu'on ne peut pas répondre à cette question avec certitude, simplement parce que cela ne s'est pas passé partout de la même façon. Pour simplifier, je dirais qu'il y a deux scénarios différents. Le premier est le scénario allemand, qui est aussi néo-zélandais, et le deuxième est le scénario gallois ou du pays de Galles. L'Écosse se situe quelque part entre les deux.
Le scénario allemand est celui que je considère le plus souhaitable. Selon ce scénario, les députés sont tous égaux en droit, parce qu'ils représentent le peuple dans sa totalité et pas une circonscription ou un parti. Il n'y a pas deux classes de députés, ni en droit ni en fait. Il y a des députés qui sont élus selon des procédures différentes, et ils ont le même salaire, le même statut et des chances égales d'accéder au conseil des ministres.
Vous me permettrez d'abréger pour ne pas excéder le temps de parole qui m'est alloué.
Quant à l'autre scénario possible, le scénario gallois, c'est tout le contraire. Dans ce scénario, les chances d'un député de liste d'accéder au conseil des ministres sont presque nulles. Au fil des années, les députés de liste sont devenus vraiment des députés de deuxième classe, parce que les députés de circonscription se refusent à les considérer comme leurs égaux. L'assignation des sièges dans l'enceinte du Parlement est tellement caricaturale: ils ont tous été relégués à l'arrière-plan, comme s'ils étaient des gens moins importants, si je puis dire.
Je vais maintenant parler de la question des listes.
Les sièges compensatoires sont décernés à partir de listes établies par les partis. Presque partout où le système existe, il s'agit d'une liste bloquée où les gens sont élus dans l'ordre de leur inscription sur la liste. Il est possible d'avoir une liste ouverte où les électeurs peuvent intervertir l'ordre d'élection qui a été décidé par le parti. J'ai remarqué que plusieurs d'entre vous ont exprimé de la sympathie pour cette idée. Je serai en mesure de vous parler des implications de ce système. Certaines sont très intéressantes et d'autres, que vous ne connaissez peut-être pas, pourraient vous sembler moins intéressantes.
Le problème de la double candidature qui a été évoqué va se poser. Avec un scrutin mixte compensatoire, habituellement, il est possible d'être candidat dans une circonscription et de figurer sur la liste, pour une raison très simple: plus un parti a du succès dans une circonscription, moins il en a sur la liste. Par conséquent, il vaut mieux jouer sur les deux tableaux, parce qu'au moment où les députés posent leur candidature, on ne sait pas quel sera le résultat final — c'est la beauté de la démocratie. Autrement, si vous pensez que vous aurez un grand succès, que vous vous présentez dans une circonscription, mais que l'élection tourne mal et que vous êtes défait dans la circonscription, vous perdez la sécurité que vous procure la liste.
Je dois vous avertir simplement — on vous l'a dit — qu'il me paraît parfaitement légitime d'avoir la double candidature, mais cette idée se heurte à beaucoup de résistance au sein de la population et également parmi les députés. M. Benoit Pelletier vous en a d'ailleurs parlé.
:
Bon après-midi. Merci de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous.
Je m'adresse à vous aujourd'hui aussi bien en tant qu'experte en représentation des sexes et des politiques liées au sexe qu'en tant que spécialiste de la politique canadienne. Dans les grandes lignes, il y a quatre points dont j'aimerais faire part au comité.
Premièrement, il existe certainement de bonnes raisons qui expliquent notre volonté d'introduire la proportionnalité dans nos institutions électorales fédérales. Bon nombre de mes collègues ont déjà abordé cette question directement et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet. Cependant, je limiterai l'essentiel de mes observations à d'autres préoccupations.
Deuxièmement, mon interprétation professionnelle du contexte politique canadien actuel m'oblige à conclure qu'il est peu probable que la seule introduction d'une plus grande proportionnalité dans nos institutions électorales puisse à elle seule accroître véritablement la représentation de la diversité au sein de la politique canadienne. Par représentation de la diversité, j'entends la représentation des femmes, des minorités visibles et des peuples autochtones, au sens de la Constitution canadienne.
Dans nos institutions électorales, la représentativité de chacun de ces groupes est si maigre comparativement à son poids démographique qu'elle serait mieux assurée au moyen d'une sélection aléatoire des candidats. L'existence même de cette réalité révèle la présence de puissants obstacles informels à l'accès des femmes, des personnes non blanches et des Autochtones à la politique. Un simple changement de régime électoral ne suffira pas pour abattre ces barrières. Nous ne nous rendons pas service en laissant entendre qu'une augmentation de la proportionnalité, comme mesure unique, aura un effet sensible sur ces obstacles informels.
Troisièmement, certaines données démontrent l'existence d'une corrélation entre la représentation proportionnelle et l'augmentation de la diversité dans la représentation. Si le temps le permet, je reviendrai sur ces données un peu plus tard. Je veux toutefois faire ressortir les raisons pour lesquelles cette corrélation n'existerait sans doute pas dans le contexte canadien.
Il n'existe absolument aucun fait probant, ou si peu, qui vienne étayer les trois affirmations suivantes. D'abord, rien ne permet de croire qu'un changement de régime électoral entraîne un changement équivalent du profil de diversité des représentants élus. La Nouvelle-Zélande en est un exemple. Rien ne prouve qu'un scrutin préférentiel — qu'il s'agisse du vote alternatif, du vote obligatoire ou du vote en ligne — aurait un effet quelconque sur la diversité de la représentation. Pour parler franchement, je crains qu'en concentrant tous ses efforts sur l'examen de processus comme le scrutin préférentiel, le vote obligatoire et le vote en ligne, ce comité ne soit ni déterminé ni particulièrement intéressé à s'attaquer sérieusement à nos lacunes en matière de représentation de la diversité.
Quatrièmement — et c'est le point que je veux souligner avec le plus de vigueur — rien ne peut justifier le fait que nous n'ayons pas encore une Chambre des communes adéquatement et étroitement représentative de la population canadienne, qui soit composée de 50 % de femmes, de 20 % de membres des minorités visibles et d'au moins 5 % de membres des peuples autochtones. À ce sujet, j'aimerais rappeler que la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 a suggéré que les peuples autochtones du Canada devaient se doter de leur propre assemblée législative. Je m'en remettrais à cette recommandation particulière sur ce point.
Soyons honnête, il y a quelque chose de profondément obscur dans le fait de laisser entendre que des groupes qui, pour une raison ou pour une autre, ont toujours été sous-représentés, ou des groupes auxquels on a dit par le passé de ne pas se mêler de politique — encore une fois, les femmes, les membres des groupes minoritaires et les Autochtones — ont besoin d'un système à représentation proportionnelle ou de je ne sais quel autre grand bouleversement institutionnel pour être représentés équitablement.
Quand nous parlons de représentation proportionnelle, les gens ont tendance à croire que le scrutin à la proportionnelle mène à une meilleure représentation des femmes, des minorités et des Autochtones. Il y a certaines raisons à cela.
Une de ces raisons est que les gens établissent des corrélations fallacieuses. Ils regardent ce qui se passe dans des pays comme la Suède ou ailleurs en Scandinavie et dans des pays qui utilisent un système électoral différent, et concluent que dans l'ensemble, ces systèmes semblent élire davantage de femmes, ce qui sous-entend que si nous avions un de ces systèmes, nous élirions nous aussi davantage de femmes. Mais c'est poser la mauvaise question, parce que ces mécanismes n'ont pas vraiment changé le système; ce sont les normes socioculturelles qui sont différentes, etc.
Une autre raison pour laquelle on dit que les femmes s'en tirent mieux avec la RP, c'est que le choix de partis est plus vaste. Le raisonnement derrière cette affirmation est que plus il y a de partis, plus il y a de points d'accès pour les groupes traditionnellement sous-représentés. Cependant, et c'est là où le bât blesse, le Canada a toujours eu plus de partis politiques fédéraux que ce à quoi on pourrait s'attendre de notre système électoral. Selon notre système électoral, on devrait n'avoir que deux partis, comme chez les Américains. Pas besoin d'avoir un doctorat en histoire politique canadienne pour savoir que nous avons toujours eu plus de partis. Je ne pense pas que le problème en est un de points d'accès ou de choix de partis.
On avance aussi l'argument de l'effet de contagion, c'est-à-dire que dans les systèmes proportionnels, ou dans les proportionnels « purs », il y a habituellement un parti qui joue le rôle de vecteur de contagion. Il s'agit habituellement d'un petit parti, en général de gauche, qui typiquement commence à dresser une liste de candidats plus diversifiée et plus représentative de la population. Dans des pays comme la Norvège, on a constaté que lorsque ce petit parti dresse sa liste, les plus gros partis emboîtent le pas. C'est donc ce petit parti qui, par un effet de contagion, pousse les gros partis qui élisent le plus de représentants à s'aligner sur une représentation adéquate de la diversité.
Au Canada, il y a longtemps qu'on s'est penché sur cette question. Un certain parti politique s'est doté, depuis 1984, d'une politique d'investiture affirmée en matière de parité hommes-femmes et de représentation équitable des groupes ethniques et des Autochtones. Ce parti, c'est le NPD.
Comme cette politique d'investiture a été présente pendant un certain temps, nous pouvons affirmer avec certitude que rien ne laisse croire que la présence, dans notre système, d'un parti qui s'engage à respecter la diversité et l'équité dans la représentation, a quelque influence que ce soit sur les autres partis. Par conséquent, rien ne prouve que cet effet de contagion observé dans des régimes proportionnels se reproduirait dans le contexte canadien, puisque ça n'a pas été le cas jusqu'à aujourd'hui.
En outre, il est regrettable de constater que lorsqu'un parti marque des progrès en matière de diversité dans la représentation, aucune donnée ne vient étayer le fait qu'il s'agit d'un pas définitif. Sans vouloir m'attarder sur le cas de chaque parti, il en existe un bien particulier — le seul auquel je ne peux m'empêcher de réagir — et je parle du Parti conservateur du Canada, entre 2006 et 2008. Le nombre de femmes choisies comme candidates conservatrices en 2008 avait considérablement augmenté, et il semblait s'agir d'un choix délibéré. Mais cette percée est morte dans l'œuf: lors de la récente élection, le nombre de candidates pour ce parti en particulier est retombé au-dessous des 20 %.
Il arrive que nous fassions ces gains au chapitre de la représentation, mais dans le cas du Canada, il est clair qu'il ne faut pas s'attendre à ce que ces gains persistent, pas plus qu'il n'y a de raison de s'attendre à ce qu'une nouvelle formule électorale fasse changer les choses.
Une troisième raison pour laquelle les gens soutiennent que la représentation proportionnelle favorise la représentativité des femmes et de la diversité est que la RP facilite l'introduction de systèmes de quotas. On dit aussi que notre système — le scrutin majoritaire uninominal — rend particulièrement difficile l'application de quotas. J'aurai le plaisir d'aborder ce point plus en détail pendant la période de questions, mais selon une enquête menée au printemps 2016 — s'il y avait eu une élection cet été, ça aurait peut-être changé quelque chose, mais j'en doute — rien ne donne à penser qu'un système proportionnel avec quotas donne de meilleurs résultats qu'un système proportionnel sans quotas.
Le seul système qui semble bien fonctionner avec les quotas et qui, en fait, fonctionne mieux avec les quotas, c'est le nôtre. En ce qui a trait à la représentation des femmes, la différence entre les quotas volontaires de parti et le scrutin majoritaire uninominal sans ces quotas est considérable. Mais dans d'autres systèmes, les quotas ne se traduisent pas nécessairement par des progrès.
J'aimerais parler de la Nouvelle-Zélande et j'espère que quelqu'un d'entre vous me posera des questions à ce sujet. Je pense que l'expérience de la Nouvelle-Zélande est très révélatrice.
Cependant, j'aimerais conclure sur ceci: que veut dire, ici et maintenant, l'équité dans la représentation?
À l'élection fédérale de 2015, il y avait, à un moment, trois partis politiques en tête de liste dans les sondages. J'utilise donc comme point de référence trois partis qui auraient vraisemblablement pu remporter une majorité de sièges en vertu du système canadien actuel.
Tout parti politique qui présente 338 candidats a simplement besoin de recruter 169 femmes d'un océan aux deux autres pour avoir une liste de candidats équilibrée entre les sexes. Je mets quiconque au défi de me convaincre que ces 169 femmes n'existent en aucun point du spectre idéologique, parce que je suis profondément sceptique à ce sujet. Bref, à eux trois, ces partis n'auraient qu'à recruter 507 femmes dans tout le pays.
La question qu'il faut se poser est la suivante: pourquoi cela n'arrive-t-il pas maintenant? S'il est risible de laisser entendre que, pour une raison ou pour une autre, on ne peut trouver ces 507 femmes, la situation est encore plus dramatique en ce qui concerne les groupes traditionnellement sous-représentés. Dans le cas des minorités visibles, je sais que les minorités visibles constituent une grappe de Canadiens très diversifiée, mais disons qu'il s'agit seulement de solliciter des candidats qui ne sont ni blancs ni autochtones, il n'en faudrait que 68 pour présenter une liste de candidats qui reflète la population canadienne. Pour les trois grands partis, cela veut dire 203 personnes dans tout le Canada.
Comme je l'ai mentionné, il ne me viendrait jamais à l'idée d'insinuer que les Autochtones devraient se contenter d'une représentation de 4 à 5 % à la Chambre, alors que la Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé qu'ils aient leur propre assemblée législative. Mais là où je veux en venir, c'est que si nous parlons d'une représentativité de 4 à 5 %, cela représente 15 candidats sur 338. Comment se fait-il qu'on ne les trouve pas? Je n'en sais rien. C'est à peine 45 personnes pour trois partis.
Je peux seulement conclure ainsi: affirmer qu'un changement de système électoral est indispensable pour donner aux femmes, aux Canadiens non blancs et aux Canadiens autochtones quelque chose qui s'apparente un tant soit peu à une représentation équitable — dire que pour ce faire, nous avons besoin d'une réforme du système — c'est donner un chèque en blanc aux recruteurs de candidats.
S'il y a une chose sur laquelle je tiens à être très claire, c'est que nous n'avons pas le moindre indice permettant de penser que les électeurs votent de manière discriminatoire en raison du sexe ou de l'origine ethnique des candidats. L'inexistence de cette preuve dans l'ensemble de l'électorat tend à démontrer que les puissants obstacles informels dont j'ai parlé se manifestent quelque part ailleurs dans le processus politique.
Je ne pense pas que les partis politiques, nommément l'institution qui fait le plus de recrutement, méritent un passe-droit sur ce front particulier.
Je conclus une fois de plus en disant que de mon point de vue professionnel, l'argument selon lequel les femmes canadiennes, les Canadiens non blancs et les Canadiens autochtones ont besoin d'une réforme institutionnelle majeure pour s'approcher d'une représentation équitable est totalement indéfendable. En tant que femme et Canadienne, cette affirmation me trouble profondément et me semble à la limite offensante.
Je vous remercie.
:
Je remercie les membres du comité de m'avoir invitée aujourd'hui et d'avoir consacré leur été à l'étude de cet enjeu d'une grande importance.
Je suis la directrice de campagne sur la réforme électorale de l'organisme À l'Action. Nous représentons des centaines de milliers de Canadiens des quatre coins du pays, et environ 19 000 de nos membres résident dans l'une de vos circonscriptions. Nos membres partagent un même souhait, celui de vivre dans un Canada ayant une économie juste, un environnement sain et une démocratie ouverte.
À l'Action est un organisme axé sur ses membres, ce qui veut dire que nous commençons toujours par cibler des enjeux qui sont importants pour eux et nous essayons ensuite de faire entendre leur voix auprès des personnes qui exercent le pouvoir afin d'influer sur ces dossiers. C'est justement ce que je suis en train de faire ici aujourd'hui. Je ne m'exprime pas en mon nom personnel, mais en celui de milliers de citoyens qui pensent que le Canada doit absolument remplacer son système électoral défaillant, le scrutin majoritaire uninominal à un tour, par une forme de représentation proportionnelle.
Pour préparer cet exposé, nous avons consulté nos membres afin de représenter fidèlement leur point de vue. Près de 10 000 personnes ont répondu à notre appel dans les 48 heures et nous ont fait part de leurs commentaires. Elles nous ont demandé de vous transmettre certains de leurs messages clés aujourd'hui.
Je vais commencer par faire un rappel du problème que nous tentons de résoudre.
Les membres d'À l'Action sont fermement convaincus que notre système majoritaire uninominal à un tour ne fonctionne pas bien. Il ne permet pas aux gens d'exprimer correctement et équitablement leurs préférences et réduit leur pouvoir et leur choix.
Une élection devient donc un jeu de calcul et de stratégie d'une circonscription à une autre. Cela se répercute sur notre rapport à la démocratie, sur nos droits fondamentaux en tant que Canadiens et sur notre relation avec nos élus. Il devient donc difficile pour les électeurs d'exprimer leur véritable volonté lors d'une élection.
Le fait que des millions d'électeurs ne peuvent exercer efficacement ce droit à chaque élection ne doit pas être pris à la légère. Il ne s'agit pas d'un effet secondaire déplorable puisqu'à la dernière élection, neuf millions d'électeurs ont été touchés.
Le Canada est carrément en retard et il est grand temps qu'il modernise son système de scrutin. Nous sommes l'un des rares pays de l'OCDE à utiliser le système majoritaire uninominal à un tour et nous sommes le seul à l'utiliser aux trois ordres de gouvernement. Nous sommes des marginaux et notre système électoral est fondamentalement injuste. Cela doit changer.
En guise de contexte, je précise que l'engagement d'À l'Action à l'égard de la réforme démocratique ne date pas de l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Depuis notre création en 2011, nous avons travaillé sans relâche à l'amélioration de la démocratie canadienne. Au fil des ans, nous avons organisé des centaines d'événements, de réunions et de consultations et chaque fois, la question de la réforme électorale était immanquablement soulevée. Nous avons fait des milliers d'appels téléphoniques, frappé à des milliers de portes et bravé le froid hivernal. Nous attendions tous impatiemment l'occasion de participer au changement.
Notre campagne pour la représentation proportionnelle s'appelle Mieux voter. À ce jour, nous avons recueilli 24 000 signatures d'appui. Près du tiers d'entre elles ont été recueillies par nos bénévoles qui font le tour des festivals, sillonnent les rues et discutent avec les citoyens sur le pas de leur porte, prêtant une oreille attentive à leurs arguments justifiant l'adoption d'un système électoral plus juste.
Notre motivation est très simple. Nos membres croient, comme chacun d'entre nous ici, qu'une démocratie ouverte et transparente est le moteur qui nous permet d'aller de l'avant et de trouver des solutions aux grands enjeux urgents de notre époque. Nous avons besoin d'une démocratie juste, inclusive et collaborative.
Vous n'ignorez sans doute pas que nous avons organisé une campagne de vote stratégique dans le passé et que lors de la campagne électorale qui a précédé, nous avons appelé les partis à coopérer. Nous avons pris cette initiative en réaction à la frustration ressentie par nos membres devant la distorsion des résultats produits par notre système actuel.
Nous préférerions que les gens ne soient pas obligés de contourner les écueils du système actuel pour exprimer leur volonté. Comme vous le savez, le vote stratégique se produit lorsque les électeurs hésitent à voter pour leur premier choix par crainte de diviser le vote en faveur du candidat qu'ils préfèrent le moins. Les Canadiens font cela depuis longtemps. Faute d'information locale fiable, ils finissent souvent par deviner quel est le choix le plus stratégique à faire. Ils ne devraient pas être obligés d'employer une stratégie ou de se fier aux résultats des sondages pour exprimer leur véritable préférence et voir cette préférence se refléter dans les résultats.
Nous croyons que cette frustration à l'égard du système majoritaire uninominal à un tour est généralisée. Durant les deux dernières campagnes électorales, j'ai passé beaucoup de temps à faire du porte-à-porte dans diverses circonscriptions de l'Ontario, pendant que mes collègues faisaient de même dans d'autres provinces, notamment au Manitoba, en C.-B. et dans les Maritimes. Parmi les citoyens que j'ai rencontrés, rares sont ceux qui n'avaient pas été confrontés aux choix difficiles que notre système les oblige à faire: voter avec leur cœur au risque de diviser le vote dans leur circonscription, voter pour le candidat qui, selon eux, a le plus de chances de l'emporter ou tout simplement s'abstenir de voter parce que le résultat semble décidé d'avance.
Nous savons que le scrutin majoritaire uninominal change souvent considérablement la structure des pouvoirs au Parlement même lorsque le vote populaire est demeuré à peu près le même. Il arrive que des partis, ayant remporté à peine plus de votes qu'auparavant — un pourcentage minime —, gagnent un nombre incroyable de sièges parce que leurs votes se concentraient dans des circonscriptions clés. C'est ainsi que certains partis se trouvent à former un gouvernement majoritaire sans avoir remporté la majorité du vote; nous savons tous que cela donne un pouvoir incroyable à ces partis. De plus, les électeurs des circonscriptions clés qui font pencher la balance reçoivent peut-être plus d'attention que les autres. Nous voyons là les symptômes actifs d'un système électoral défaillant.
La démocratie ne cesse jamais d'évoluer, il faut constamment la perfectionner. Heureusement, la population canadienne est profondément attachée à la démocratie. Notre organisme À l'Action rassemble tous ces gens, et la salle où nous nous trouvons maintenant est remplie de ces personnes. Il ne reste plus qu'à déterminer notre prochaine étape.
Lorsque nous lui avons posé cette question, la communauté À l'Action nous a répondu qu'elle veut que la représentation proportionnelle remplace le scrutin majoritaire uninominal; 85 % des répondants ont affirmé qu'ils préfèrent la représentation proportionnelle parce qu'elle seule pourra corriger les failles du scrutin uninominal.
Nous avons produit un mémoire — je ne crois pas que vous l'ayez devant vous aujourd'hui, mais nous vous le remettrons sous peu — présentant les raisons plus détaillées de cette préférence. Je crois que plusieurs des témoins que vous avez entendus ont déjà décrit les avantages de la représentation proportionnelle, mais je vais souligner ceux qui nous paraissent les plus importants.
Premièrement, ce système garantit une équité fondamentale. Par le scrutin majoritaire uninominal, le vainqueur rafle toute la mise. Les électeurs qui n'ont pas voté pour le vainqueur n'ont aucun moyen de se faire entendre. Ce système fausse aussi considérablement le calcul des sièges, au point où certains gouvernements deviennent majoritaires sans avoir remporté la majorité du scrutin. Par contre, la représentation proportionnelle tiendrait compte de tous les votes et offrirait plus de choix aux électeurs pour qu'ils n'aient pas à voter stratégiquement. Que vous soyez un conservateur du centre-ville de Toronto ou un nouveau-démocrate de la campagne manitobaine, vous méritez que l'on tienne compte de vos désirs.
Deuxièmement, ce système est plus inclusif. Nous avons constaté qu'il offre plus de diversité, même si j'ai aimé les observations du professeur Thomas aujourd'hui. À notre avis, ce système inciterait moins les partis à concentrer leurs campagnes sur les régions du pays qu'ils pensent pouvoir remporter plus facilement et les encouragerait à produire une plateforme politique qui concerne les citoyens de tout le pays.
Troisièmement, ce système encourage la collaboration. La politique ne serait plus un jeu à somme nulle, car les partis seraient obligés de collaborer pour aborder les grands problèmes. Les membres de notre organisme nous ont dit qu'ils sont fatigués du caractère antagoniste de la politique. Ils veulent que les gouvernements fassent des compromis pour produire des solutions à long terme au lieu de perdre leur temps à défaire ou à modifier les décisions politiques des gouvernements qui les précèdent.
Au nom de nos membres, je tiens à vous remercier d'avoir abordé ce problème. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis convaincue que nous partageons tous un grand attachement aux valeurs démocratiques et que nous sommes prêts à nous efforcer d'inclure tous les membres de la population.
Nous reconnaissons qu'il sera très difficile de changer notre système électoral. Vous avez entendu des opinions très diverses au cours de ces deux dernières semaines, et vous en entendrez bien d'autres. La communauté À l'Action est convaincue qu'il est temps d'agir avec courage. Grâce à ce processus, nous avons une occasion extraordinaire de laisser en héritage aux Canadiens un meilleur système électoral. Il est très évident que nous sommes en retard sur le reste du monde, car nous utilisons encore un système électoral très peu compliqué pour tenter de représenter une population toujours plus diverse. Ce système ne parvient pas à tenir compte des désirs de tous, ce qui nuit à la vie quotidienne de bien des gens. Nous ne cherchons pas à déterminer quel est le meilleur système; nous essayons de garantir l'inclusion de tous les citoyens dans notre démocratie. Il est très évident que la représentation proportionnelle est la meilleure façon de corriger ce problème.
Je conclurai mon allocution en citant une de nos membres de Toronto, qui tenait à ce que je vous transmette le message suivant:
Les régimes politiques évoluent. Ne nous y trompons pas, notre système n'est pas statique; ce n'est ni un produit fini ni un projet accompli.
Cherchons donc continuellement des moyens — certains modestes, d'autres plus grandioses — de mieux concrétiser la démocratie et la représentation. Ne craignons jamais les idées nouvelles. Notre système actuel a manifesté ses failles; nous serions irresponsables si nous n'essayions pas dès maintenant d'en instaurer un nouveau.
Merci.
:
Dans le cadre de l'étude de notre comité sur la modification du système électoral, je voulais soulever aujourd'hui la question des obstacles que pose le financement du milieu politique au Canada.
Je trouve qu'à l'heure actuelle ce système est solide, car nous avons imposé un seuil aux dons des particuliers, nous avons interdit les dons venant de l'entreprise et nous avons limité les dépenses permises. En comparant le système canadien à celui des États-Unis, je dirais que le nôtre est vraiment bon.
Malheureusement, je perçois une lacune importante dans ce processus. Au Canada, une entreprise ou un groupe peut s'inscrire comme tiers à des fins de publicité électorale, puis verser des fonds pour « s'opposer » à l'élection d'un ou de plusieurs candidats. Les entreprises peuvent donc contourner les lois sur le financement des partis politiques et des candidats en suivant ce processus, ce qui leur permet d'influencer des candidats.
La loi ne limite pas les dons qu'un groupe peut recevoir d'un particulier; les gens peuvent donc dépasser leurs dépenses politiques permises pour influencer des candidats.
En outre, les partis tiers ne peuvent s'inscrire auprès d'Élections Canada qu'après le lancement d'une campagne électorale; il est donc difficile de suivre les activités que mènent ces groupes pour influencer notre processus électoral. De plus, ils ne sont tenus d'inscrire dans leurs rapports que les dons reçus au cours des six mois précédant l'élection. Les tiers ne sont pas obligés non plus d'indiquer quel candidat ils soutiennent ou auquel ils s'opposent. Le public n'a donc pas moyen de savoir si les députés respectent les règles de l'éthique sur les conflits d'intérêts.
Pour l'élection générale de 2015, les tiers ont dépensé plus de 6 millions de dollars en publicité électorale. Pour vous donner une idée du contexte, le Parti vert a dépensé en tout 3,9 millions de dollars pour cette élection. Certains particuliers ont donné de grosses sommes à des associations de circonscription inscrites comme tiers, puis ont dépensé encore plus d'argent pour s'opposer à un candidat ou pour soutenir un candidat dans une circonscription. Je trouve que nous avons là une faille inquiétante dans ce processus.
Je voudrais demander à Mme Thomas ou à Mme Northam, puisque nous nous entendons sur le fait que cela pourrait produire un obstacle, si elles conviennent que ce comité devrait recommander que les lois sur le financement des élections fédérales qui régissent les partis politiques s'appliquent de la même façon aux tiers afin d'éliminer cet obstacle?
Il me reste très peu de temps, alors je vais demander à Mme Thomas de répondre par oui ou non.
:
Je vous remercie de votre question, monsieur Boulerice.
Pour ce qui est du déroulement, il y a un bulletin de vote qui est à peu près semblable au nôtre, sauf qu'il comporte deux options. À gauche du bulletin, on peut voter pour un candidat, et à droite, on peut voter pour un parti, c'est-à-dire pour une liste établie par un parti. C'est donc dire qu'on émet deux votes au lieu d'un seul. Il est cependant possible, soit dit en passant, de faire fonctionner le même système à partir d'un seul vote exprimé en faveur d'un candidat, en comptant le vote à la fois pour le candidat et pour le parti qu'il représente.
Pour ce qui est de la façon dont on forme un gouvernement, c'est un peu plus compliqué. Les résultats ne tardent pas à sortir. Je suis chaque fois les élections allemandes, qui ont lieu le dimanche midi. C'est presque un rituel, depuis plusieurs années. Les résultats sont disponibles très rapidement. Bien des pays — et je ne parle pas ici du Canada — auraient intérêt à faire de la sorte.
Comment forme-t-on le gouvernement? Le soir, on regarde les résultats. Commencent alors des négociations entre les partis politiques. Parfois, ceux-ci ont déjà annoncé leurs couleurs, mais ce n'est pas toujours le cas, tout simplement parce qu'on ne sait pas quel va être le résultat. Lors de la dernière élection fédérale, par exemple, l'élimination du Parti libéral-démocrate n'était pas prévue.
Les partis politiques négocient entre eux. Le chef de l'État ne joue pas de rôle dans cette opération. Après un mois ou deux — et il est rare que ce soit plus de deux mois —, selon les circonstances, on en arrive à un accord de coalition. Il s'agit d'un document assez long et complexe. En fin de compte, c'est le fruit des négociations ayant eu lieu entre les divers partis politiques qui se sentaient prêts à former une coalition.
Les coalitions peuvent être de plusieurs types. On dit habituellement que l'Union chrétienne-démocrate s'allie au Parti libéral-démocrate et que le Parti vert s'allie au Parti social-démocrate. Or cela change depuis quelques années. À deux endroits, je crois, les chrétiens-démocrates sont maintenant alliés aux verts. Les circonstances l'ont obligé. On a déjà vu auparavant les socialistes s'allier aux libéraux. On considérait avant que l'extrême gauche était un partenaire de coalition non fréquentable. Or, dans les Länder de l'Est, à tout le moins, elle est maintenant considérée comme acceptable.
:
Merci, monsieur le président, et je remercie tous les témoins.
Au cours des cinq minutes à ma disposition, je désire parler surtout du recrutement des candidates, car c'est un sujet sur lequel je possède une vaste expérience personnelle. Si vous le voulez bien, madame Thomas et madame Northam, je voudrais vous faire part de mon expérience et vous demander s'il y a des travaux de recherche confirmant certaines de mes observations intuitives quant aux raisons pour lesquelles la représentation proportionnelle nous aiderait à avoir davantage de femmes au Parlement.
Pour ce qui est de ma première expérience vécue, en tant que femme et directrice générale du Sierra Club du Canada, plusieurs partis se sont intéressés à ma candidature. Cela m'a flattée, je le reconnais. Les chefs du Nouveau Parti démocratique, du Parti libéral et du Parti progressiste-conservateur ont tous, à un moment ou l'autre, cherché à me courtiser et c'était très agréable, mais j'ai dit que cela ne m'intéressait pas. Je vais vous expliquer pourquoi.
J'ai maintenant vécu l'expérience d'être à l'autre bout du téléphone pour essayer de convaincre des femmes vraiment formidables de se présenter à une élection. J'y suis parvenue aux dernières élections — pas aussi bien que le NPD, car il faut rendre à César ce qui appartient à César, mais 39 % de nos candidats étaient des femmes. Sur 336 candidats, il y avait 131 femmes.
Il y a peut-être un obstacle informel, ou du moins un facteur que je n'arrive pas à trouver dans la littérature universitaire. Les femmes disent: « Je suis prête à travailler fort pour changer les choses, mais je ne veux pas me retrouver au milieu d'un panier de crabes. Je n'aime pas la culture de la politique ».
Mme Northam a dit tout à l'heure, je crois, que les membres d'À l'Action en ont assez de la politique contradictoire. J'ai constaté, surtout après avoir consulté les membres du Parti vert des parlements du monde entier où il y a, dans la plupart des cas, des systèmes de représentation proportionnelle, que lorsque vous adoptez un système proportionnel et consensuel, vous changez la culture de la politique. Elle devient moins agressive. Vous éliminez ce que Susan Delacourt décrit en détail dans son livre Shopping for Votes. Vous faites disparaître les questions tendancieuses et litigieuses et vous incitez les gens à s'entendre et à travailler ensemble.
Pour terminer, j'avancerais — et je vous demanderai ensuite ce que vous en pensez, en commençant par Mme Thomas — que cela explique peut-être pourquoi, en politique canadienne, il y a une proportion plus importante de femmes au niveau municipal où nous n'avons pas de partis politiques, la plupart du temps.
Vous hochez la tête. N'y a-t-il pas davantage de femmes qui se font élire dans les gouvernements municipaux? Cela a toujours été le cas.
Quoi qu'il en soit, je vais m'adresser maintenant à vous. Personnellement, je pense que c'est un facteur qui n'est pas mentionné. Vous avez raison de dire que si l'on change seulement le système de scrutin sans s'occuper du reste, le nombre de femmes n'augmentera pas. Le fait est qu'il y a davantage de femmes dans les démocraties qui ont la représentation proportionnelle. Personnellement, d'après mon expérience, je pense que cela pourrait être un facteur. J'aimerais savoir si des recherches ont été faites à ce sujet.
Je vais m'adresser à vous, madame Thomas.
Certaines personnes aiment se battre dans l'arène politique et sont prêtes à faire face à ce contexte alors que d'autres sont plus portées à dire: « Je fais ici un travail important, alors cela ne m'intéresse pas. »
Ce qui dérange davantage les femmes maintenant — comme le sujet est régulièrement abordé dans mes classes, je peux dire que nous nous penchons sur la question — c'est l'influence d'Internet et des médias sociaux, car cela donne un très gros microphone à un grand nombre de voix vraiment misogynes. C'est très désagréable et c'est très violent. C'est un des problèmes qui apparaissent parce que nous avons davantage de femmes à des postes de dirigeantes, notamment à celui de première ministre d'une province, ce qui nous apporte les données dont nous avons besoin pour nous attaquer à ce problème de façon plus systématique.
Je dirais toutefois, à propos de la politique consensuelle, que selon une excellente étude réalisée par Tali Mendelberg et ses collègues, à Princeton, si vous respectez la règle du consensus, les femmes n'arrivent jamais à se faire entendre autant que les hommes. L'étude portait sur des choses comme la compétence perçue, le leadership perçu, le nombre de fois où les femmes ont eu la parole et le nombre de fois où elles ont été grossièrement interrompues par les hommes du groupe. Peu importe le nombre de femmes, quand vous appliquez la règle du consensus, elles n'ont jamais la parité. En réalité, vous arrivez à la parité lorsque vous suivez la règle de la majorité et que vous avez une super-majorité de femmes. Comme il s'agit d'une étude expérimentale, je me garderai d'étendre ces conclusions aux différentes institutions politiques actuelles.
J'ajouterais également une chose au sujet du mythe de la politique locale. On s'imagine que la politique locale est vraiment accueillante pour les femmes. Je vis à Calgary. Le conseil municipal de Calgary n'est pas un lieu accueillant pour les femmes. Cela fait déjà longtemps qu'il ne l'est pas et je ne pense pas qu'il le deviendra bientôt.
Cette idée à propos de la politique locale est un mythe. Le consensus ne va pas non plus forcément résoudre le problème du sexisme. Cela semble souhaitable, mais je ne pense pas que ce soit la solution.
En effet, j'ai plutôt l'intuition ou l'impression que les gens ont une préférence pour des gouvernements majoritaires. Avec un système proportionnel, quel qu'il soit, il n'y aura probablement pas de gouvernement majoritaire, pour une raison très simple. Dans notre histoire électorale depuis 1921, on peut compter sur les doigts d'une seule main le nombre d'occasions où un parti a réussi à franchir le seuil des 50 %. M. Mulroney, en 1984, est le dernier cas à ce jour. Cela fait quand même un bon bout de temps.
On devra alors s'habituer à des coalitions. Ces coalitions peuvent-elles être stables? Je le pense. C'est simplement qu'elles seront composées de plusieurs partis politiques. L'autorité du premier ministre à l'intérieur du système politique ne sera pas aussi forte, parce qu'au sein du Cabinet, il devra composer avec les ministres d'un autre parti qui auront un certain pouvoir sur lui. Ce sera différent de la situation actuelle, où le premier ministre est extrêmement puissant. Comme vous le savez, certains le présentent comme un monarque. Ce sera tout un changement.
Je voudrais préciser ici une chose. Si j'ai énuméré toutes les complications possibles du système de scrutin mixte compensatoire, ce n'était pas du tout pour le critiquer ou le discréditer. J'ai étudié ce système de façon théorique, mais j'ai aussi eu l'expérience des consultations qui ont été menées au Québec et dans d'autres provinces. Or, ce qui nous paraissait génial d'un point de vue technique, soit la double candidature, apparaissait aux yeux de certaines personnes comme quelque chose d'abominable. Selon l'expression classique, c'est entrer par la porte d'en arrière après qu'on vous a fermé la porte d'en avant.
Je pense que c'est très injuste. Je peux vous dire que, dans plusieurs pays, on n'en fait pas un problème. La Nouvelle-Zélande et l'Allemagne ont très bien intégré et compris ce système. Je n'ai pas eu le temps de le mentionner, mais le chancelier Kohl a été le plus durable des chanceliers allemands jusqu'à ce jour. Il a de la concurrence avec la chancelière actuelle, Mme Merkel, mais il a duré longtemps. Il a été défait deux fois dans sa circonscription, mais grâce à la liste, il a pu demeurer député. J'ai regardé sa biographie pour voir si quelqu'un en Allemagne avait fait tout un plat de cela, mais personne ne l'a fait. Peut-être qu'ici, cela peut se prouver.
En ce qui concerne la double candidature, on a constaté une chose, en particulier au Québec. M. Pelletier a d'ailleurs traité de cette question. Beaucoup de députés, à commencer par M. Pelletier lui-même, avaient une peur bleue de voir quelqu'un qu'ils avaient défait dans leur circonscription se retrouver en face d'eux, car ils sentaient cela comme une menace à leur emprise dans la circonscription.
En Allemagne, on n'observe pas cela. C'est tout ce que je peux dire. Il y a une tradition de collaboration et de consensus qui date de l'après-guerre. Avant ce temps, ce n'était pas beau à voir, je vous en passe un papier, comme on le dit. On a vécu des expériences difficiles et on a vécu jusqu'à la nausée les conséquences de la haine. Avant la guerre, dans les années 1920 et 1930, la politique allemande était extraordinairement polarisée. L'Allemagne est maintenant devenue un pays de consensus, et de telles choses fonctionnent.
:
Merci beaucoup. Je l'apprécie.
Comme vous l'avez certainement entendu dire, la Nouvelle-Zélande est passée à la représentation proportionnelle mixte en 1996. Elle avait également réservé des sièges à sa population autochtone. Je pense que l'expérience néo-zélandaise sera beaucoup plus utile pour le Canada comme feuille de route que celles des autres pays qui ont utilisé ce mode de scrutin ou tout autre système sans avoir à faire une transition. Voilà pourquoi je pense que la Nouvelle-Zélande est la meilleure base de comparaison.
Les gens diront, comme je l'ai dit moi-même quand j'étais une jeune étudiante, qu'en 1996, le pourcentage de femmes à l'Assemblée législative néo-zélandaise a bondi aussitôt de 21 % à 35 %. Néanmoins, il est resté assez stable depuis. Il se situe entre 34 % et 41 %. Il est actuellement de 38 % depuis les élections de 2014. Cela montre simplement que même si le niveau a été relevé, la situation reste au point mort.
C'est, je pense, à cause de la provenance des candidatures féminines. Si vous inscrivez seulement les femmes sur les listes des partis qui servent à attribuer les sièges compensatoires, vous voyez qu'en Nouvelle-Zélande la plupart des femmes se sont fait élire ainsi. Les gens disent que l'exemple de la Nouvelle-Zélande montre que les femmes ne peuvent pas remporter la victoire dans les circonscriptions. Nous savons qu'au Canada et en Grande-Bretagne, surtout au Canada, les électeurs canadiens ne font pas de discrimination fondée sur le sexe. Pourtant, c'est ce qu'on a constaté en Nouvelle-Zélande et les gens ont commencé à dire que les femmes ne pouvaient pas remporter des sièges.
La différence entre 1996 et 2014, l'année des dernières élections, est que les femmes représentaient environ 30 % des députés aussi bien élus dans les circonscriptions qu'à partir des listes. Ce que nous n'avons pas constaté, c'est la parité. La Nouvelle-Zélande a changé de système électoral, ce qui a favorisé les femmes dans une certaine mesure. Je reconnais que lorsque le mode de scrutin est devenu plus proportionnel, les femmes sont entrées à l'Assemblée législative grâce aux sièges de liste, mais elles n'ont pas atteint la proportion de 50 %. Cela a permis aux gens de tenir des propos sexistes quant à la capacité des femmes de remporter des élections, ce qui n'est pas vrai, comme le montrent d'autres exemples. Nous constatons maintenant une égalisation entre les femmes élues dans les circonscriptions et à partir des listes des partis, mais elles sont encore à 20 % en dessous de la parité. Cela veut dire qu'il reste donc des barrières informelles.
:
Merci, monsieur le président.
Pour commencer, j'aimerais faire un petit commentaire. Professeur Thomas, je suis convaincu que mon collègue serait d'accord avec vous et très content de vous entendre dire que s'il y avait des conséquences financières pour les partis politiques qui ne présentaient pas de listes paritaires entre les hommes et les femmes, le problème serait réglé en une nuit, parce que c'est exactement ce qu'il a proposé dans son projet de loi.
Madame Northam, je voudrais vous entendre parler de l'idée saugrenue ou radicale qu'un individu puisse voter pour son premier choix de candidat qu'il souhaiterait voir au Parlement et qu'il soit capable de l'obtenir. Ma foi, cela existe dans la majorité des démocraties et des pays occidentaux. Pour notre part, nous avons un système qui crée des injustices systématiques.
Je vais vous donner deux exemples, et j'aimerais vous entendre réagir à ce sujet.
Sur l'île de Vancouver, lors des dernières élections, les néo-démocrates ont obtenu 33 % des votes; le Parti vert, 25 %; les libéraux, 21 %; et les conservateurs, 21 %. Or, cinq députés néo-démocrates, qui sont tous excellents et que j'aime beaucoup, et un député vert ont été élus, mais aucun député libéral ou conservateur. Même si les électeurs libéraux et conservateurs représentent 42 % des électeurs de l'île de Vancouver, leur représentation au Parlement est nulle.
On pourrait dire la même chose de mes amis néo-démocrates dans le coeur de Toronto. Ils existent, ils constituent un pourcentage considérable des électeurs, mais ils ne sont plus représentés.
Il en va de même pour les conservateurs sur l'île de Montréal. Ils existent, ils constituent un certain pourcentage des électeurs, mais ils n'ont aucune représentation.
Selon vous, que devrait-on faire pour que les néo-démocrates du coeur de Toronto, les conservateurs de Montréal ou les libéraux de l'île de Vancouver puissent avoir une voix au Parlement?
:
Merci de votre question. C’est très lié à un projet que j’ai en route avec Amanda Bittner, de la Memorial University, et un groupe d’universitaires étrangers intéressés par l’impact du genre et de la situation matrimoniale en politique. Cette étude et d’autres recherches révèlent des faits très nets.
Premièrement, il y a quelque chose qui sera toujours un problème au Canada, et c’est la navette entre le lieu de résidence et le lieu de travail. Ça semble très banal, sauf que j’habite en Alberta et qu’un aller-retour à Ottawa par semaine est quelque chose que je ne ferais tout simplement pas, comme probablement un certain nombre de gens. Il n’en est tout simplement pas question. Les gens qui le font savent combien c’est difficile. Et pour ceux qui l’envisagent, c’est un des éléments qui deviennent problématiques avec le temps.
L’idée que la politique locale est bonne pour les femmes découle d’un grand nombre d’études effectuées aux États-Unis, qui révèlent que les femmes s’engagent en politique en disant à peu près ceci: « Je veux agir à l’échelle locale parce que je veux aller au travail en voiture et non pas prendre l’avion pour la capitale de l’État ou le Capitole. » Autrement dit, ce n’est pas la politique locale qui intéresse en soi les femmes, c’est parce qu’il y a la question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et celle de la navette entre le lieu de résidence et le lieu de travail.
L’autre élément que révèlent très clairement ces études est la nature du travail politique et ce que ça représente pour les enfants. En Alberta, où j’habite, il se passe des choses très intéressantes. On est passé d’un parlement où il n’était même pas question de congé de maternité, de grossesse ou de nouveau-nés à deux transformations majeures, avec des programmes de congé de maternité non seulement pour les députés, mais pour les membres du Cabinet. L’un des aspects les plus manifestes du dernier parlement est que la nature du travail politique en soi ne donne pas lieu à un congé de maternité ou à un congé parental, ce qui est problématique, surtout quand il n’existe pas de garderie dans ce genre de lieu de travail ou à proximité pour prendre soin de nouveau-nés par exemple.
Quand on regarde ce qui se passe en Australie ou en Grande-Bretagne et qu’on tient compte des données chronologiques de la Colombie-Britannique, on voit que c’est également devenu problématique pour ceux, par exemple, qui partagent un travail aux comités ou même celles qui amènent un bébé allaité aux réunions de comité. En Colombie-Britannique, à la Chambre des Lords britannique et en Australie, des députées ont été interdites d’accès parce que leur bébé était considéré comme un étranger. Quand on a fait valoir que c’était ridicule, dans le cas de la Chambre des Lords, l’argument supplémentaire a été que le lait maternel était un rafraîchissement et que les rafraîchissements n’étaient pas permis en comité. C’est pour cette raison que la mère allaitante ne pouvait pas entrer.
J’aimerais vous dire que c’est une blague, mais ce n’est pas le cas. Quand on pense aux femmes de mon âge, dans la trentaine, qui veulent équilibrer vie professionnelle et vie personnelle en général, ce sont des considérations qui nous écartent résolument de la politique active.
Voyons à l’avenir combien de jeunes pères sont disposés à participer eux aussi. Ce que je veux dire, c’est que ces choses touchent plus directement les femmes, en effet, mais je ne crois pas qu’il soit utile de formuler ces considérations du point de vue exclusif des femmes. C’est être un parent et faire de la politique qui fait la différence. Ce que ça donne au Royaume-Uni, c’est que, parmi les membres du Parlement, les hommes sont en majorité des parents, alors que les femmes ne le sont pas. Mes collègues britanniques estiment que c’est un problème.
:
Je répondrais que la répartition des suffrages obtenus et le mode de report de ces résultats sur les sièges pourvus, c’est différent de la question de savoir à quoi ressemble la population et à quoi ressemblent les députés. Ces deux éléments doivent être considérés comme distincts.
Évidemment, étant donné que j’ai laissé entendre que les partis politiques d’un bout à l’autre de l’échiquier font partie du problème de représentation quand il est question d’équité, je ne peux pas dire que l’équité partisane est un moyen d’aboutir à l’équité dans la députation.
La raison pour laquelle nous parlons de poids démographique est importante. Nous savons que les femmes présentent une diversité sur le plan idéologique, qu’elles affichent des préférences politiques diverses et qu’elles possèdent des expériences politiques diverses qui recoupent plusieurs préférences partisanes et touchent plusieurs frontières partisanes. La même chose est valable pour les minorités visibles et les peuples autochtones. Par conséquent, le genre de questions qu’il faut poser pour trouver des solutions doit chercher à définir ce à quoi, au fond, on veut que ressemblent les députés.
Pour les femmes, je pense que c’est plus facile, parce qu’on peut dire que la moitié de la population est féminine et que, par conséquent, la moitié des députés devrait être de sexe féminin, ou encore vous pouvez soutenir que c’est ce qui devrait se produire. Ce qu’il faut éviter, cependant, c’est de reproduire d’autres formes d’iniquité. Que la moitié des députés soit des femmes blanches, fortunées et instruites ne règle pas le problème.
Ce qu’on veut voir également, c’est la diversité au sein des collectivités. À l’heure actuelle, lorsque vous examinez le poids démographique des minorités visibles et des peuples autochtones au Canada, vous constatez qu’ils sont en plus grand nombre que les femmes à la Chambre des communes, mais qu’ils sont majoritairement de sexe masculin, d’âge mûr et toutes les choses du genre.
M. Matt DeCourcey: Avez-vous un…
Mme Melanee Thomas: Par conséquent, la question doit…
Je ris parce que nous étions en train de parler de recrutement et nous pensons qu’on devrait vous recruter, madame Thomas. Vous feriez une excellente politicienne, sauf que vous refusez de voyager et que vous avez peut-être un cœur trop sensible.
Des voix: Oh, oh!
Mme Ruby Sahota: Je ne veux pas être un témoin et je veux apprendre le plus possible de tous les témoins présents. Par ailleurs, je fais partie d’un groupe minoritaire, je suis une femme et j’ai été candidate à la dernière élection. J’ai un jeune fils, donc j’ai une jeune famille.
Je peux témoigner de ce qui a motivé ma décision et des obstacles auxquels j’ai eu l’impression d’être confrontée et que je rencontre encore aujourd’hui, des raisons pour lesquelles je parle à beaucoup de femmes que je connais, en essayant de les encourager à présenter leur candidature, et des réponses qu’elles me donnent.
Une partie des objections ont trait à ces histoires d’Internet auxquelles vous avez fait allusion plus tôt, aux coups bas portés pendant la campagne électorale. Dans certaines circonscriptions, on y est plus enclin qu’ailleurs, dépendant de l’adversaire et de sa réputation. Des femmes ne veulent pas prendre le risque d’en subir les conséquences. Des fois, elles craignent d’être plus affectées que leurs homologues masculins.
Je peux affirmer sans crainte de me tromper que le système électoral n’était pas en cause. La plupart des femmes qui veulent faire de la politique aime la concurrence et aime la politique. C’est pour ça qu’elles sont là, mais c’est aussi pour ces autres choses qu’a mentionnées ma collègue, Mme Romanado. C’est ce qui suit l’élection.
Je siège au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous examinons beaucoup de facteurs que nous pouvons changer dans le Parlement pour le rendre plus inclusif, pour permettre à un plus grand nombre de prendre la décision de se présenter aux élections. Les déplacements dont vous avez parlé rebutent à un grand nombre.
L’équilibre travail-famille est un autre facteur important. Comment l’atteindre? Comment s’assurer que nos enfants ne deviendront pas des étrangers? Comment apporter ces modifications à la procédure, par exemple le congé de maternité? Il y a énormément de considérations qui dictent le choix des femmes. Certains obstacles freinent également les hommes, mais il y a d’autres facteurs biologiques et problèmes qui contraignent uniquement les femmes.
C’est très compliqué. Il est très difficile de mettre le doigt sur la raison pour laquelle il n'y a pas plus de femmes en politique. Il est très facile d’affirmer simplement que c’est là l’explication et que la solution, c’est notamment la représentation proportionnelle. Si nous avions un système de représentation proportionnelle déjà en place, vous pourriez peut-être expliquer le fait que les deux sexes sont également présents au sein du Cabinet en affirmant que les pays avec représentation proportionnelle commandent un Cabinet où les deux sexes sont présents à parts égales. Eh bien! ce n’est pas le cas. C’est une question de volonté politique, comme vous l’avez dit. Si vous voulez la parité, vous faites le nécessaire pour l’avoir.
Je suis tout à fait d’accord avec la position voulant que nous ayons besoin de la volonté politique de tous les partis, peu importe lequel, pour obtenir que le Parlement soit le miroir de la société.
Je vous remercie des témoignages livrés aujourd’hui. Vous nous avez offert beaucoup de sujets de réflexion.
Je veux vous donner la parole, madame Thomas et madame Northam. Si vous voulez ajouter quelque chose avant de quitter, des choses que vous n’avez pas été en mesure de mentionner aujourd’hui, je vous invite à prendre la parole.