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Bonjour à tous et bon retour.
Nous sommes, bien entendu, le Comité permanent du patrimoine canadien. Nous étudions actuellement le projet de loi en détail, après quoi nous en effectuerons l'étude article par article. Nous tiendrons quelques séances de plus avec des témoins.
Nous avons aujourd'hui une bonne liste de témoins, et je tiens à les remercier de comparaître.
Aux fins de transparence, vous remarquerez, distingués collègues, que Shaw Communications avait initialement été invité. Comme l'entreprise était malheureusement dans l'impossibilité de témoigner, nous avons convoqué d'autres témoins à sa place. Nous recevons maintenant six groupes de témoins, qui disposeront chacun de cinq minutes.
Nous adoptons aujourd'hui un nouveau format, passant les deux heures entières avec tous les témoins au lieu d'en entendre trois au cours de la première heure et trois pendant la seconde. Nous ferons une pause-santé entre les deux. Si je l'oublie, veuillez me le rappeler. Sans plus tarder, passons maintenant à nos témoins.
Nous recevons l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, ou ACTRA, représentée par David Sparrow, président national et artiste, Marie Kelly, directrice exécutive, et Raj Shoan, avocat général. Nous recevons également BCE Inc., représentée par Jonathan Daniels, vice-président, Loi de nature réglementaire, et Alain Strati, avocat général adjoint. Nous entendrons aussi la Canadian Communication Systems Alliance, représentée par Jay Thomson, directeur général.
Nous accueillons aussi Pascale St-Onge, présidente, et Julien Laflamme, coordonnateur au Service de recherche et de condition féminine de la Confédération des syndicats nationaux, de la Fédération nationale des communications et de la culture; Daniel Bernhard, directeur général des AMIS de la radiodiffusion; et, enfin, les derniers, mais non les moindres, nous recevons Unifor. J'ignore si M. Dias a pu se joindre à nous, mais nous recevons Jerry Dias, président national, Howard Law, directeur des médias et représentant national, et Katha Fortier, adjointe au président national.
Avant de les entendre, je vois que M. Manly, du Parti vert, lève la main.
Vous avez la parole, monsieur Manly.
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Je vous remercie, monsieur le président, messieurs les vice-présidents, distingués membres du Comité et membres du personnel.
Je m'appelle David Sparrow, artiste canadien et président national de l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, ou ACTRA. Je suis accompagné aujourd'hui de Marie Kelly, directrice exécutive nationale de l'ACTRA, et de Raj Shoan, avocat général de l'ACTRA.
Au nom des artistes professionnels membres de l'ACTRA, qui sont plus de 27 000, nous avons le plaisir de comparaître aujourd'hui devant le Comité permanent du patrimoine canadien pour lui faire part de nos réflexions dans le cadre de son étude sur le projet de loi .
Nous avons suivi le progrès de ce projet de loi. À l'instar d'autres acteurs de l'industrie, nous voulons assurer la force et le dynamisme de l'industrie du contenu canadien. Voilà pourquoi nous sommes enchantés de constater que la mesure législative exigera que les entreprises en ligne, y compris les services étrangers, contribuent à la production et à la découvrabilité des émissions canadiennes.
Nous nous préoccupons toutefois de certaines autres modifications proposées dans le projet de loi et des répercussions qu'elles auront sur notre industrie et, par voie de conséquence, sur les artistes canadiens.
Je céderai la parole à Marie Kelly, notre directrice exécutive nationale.
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Avant d'apporter quelque modification que ce soit à la Loi sur la radiodiffusion, nous voudrions d'abord souligner que la loi actuelle nous a bien servis et a été remarquablement neutre sur le plan de la technologie. Nous considérons donc que des modifications ne devraient y être apportées que si elles contribuent à soutenir l'objectif fondamental du réseau de diffusion canadien, lequel consiste à veiller à ce que les Canadiens aient accès à des histoires, de la musique, du divertissement, de l'information et des nouvelles canadiens.
Cela étant dit, nous considérons que nous devons profiter de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour sonner l'alarme à propos d'une proposition qui pourrait réduire substantiellement l'obligation de recourir à la créativité et au talent canadiens, mettant ainsi en péril les histoires canadiennes et ceux qui les racontent.
Alors que les activités de production sont en effervescence au pays, même dans la foulée des fermetures provoquées par la pandémie, on craint de plus en plus que les occasions de raconter des histoires canadiennes ne diminuent et que la production de contenu canadien en anglais et en français ne perde encore plus de terrain. Les annonces qui ont fait les manchettes récemment au sujet de l'annulation d'émissions comme Frankie Drake Mysteries et Kim's Convenience mettent ce problème en lumière.
Alors que la création de films et d'émissions de télévision anglophones de grande qualité s'accroît au pays, nous observons une diminution de la production de contenu canadien créé par des écrivains, des réalisateurs et des artistes canadiens. Les données au Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens révèlent que les productions canadiennes ont connu une diminution moyenne de 12,4 % par année entre janvier 2017 et décembre 2020. La croissance que nous avons observée récemment au Canada est en grande partie attribuable à l'augmentation des dépenses moyennes effectuées lors de la production de séries télévisées et non à un accroissement du nombre d'émissions canadiennes produites.
Les investissements dans les émissions dramatiques et les comédies scénarisées canadiennes des diffuseurs privés et de CBC/Radio-Canada diminuent également. Lors du récent processus de renouvellement de permis de CBC/Radio-Canada, l'ACTRA a remarqué que les dépenses du réseau anglais dans les émissions dramatiques et les comédies canadiennes avaient diminué de 21,2 % de 2017 à 2020, alors même que les coûts moyens de la production d'émissions de fiction augmentaient.
Même si nous accueillons favorablement les investissements étrangers dans la production, à long terme, nous nous préoccupons du fait qu'il y aura de moins en moins d'occasions de raconter des histoires canadiennes. Si nous n'instaurons pas un environnement où les histoires canadiennes et ceux qui les racontent peuvent continuer de prospérer, notre culture et notre identité pourraient disparaître.
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Voilà pourquoi nous nous préoccupons sérieusement du libellé proposé dans l'alinéa 3(1)f) du projet de loi, qui éliminerait l'exigence suivante:
f) toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation...
Cette modification réduirait considérablement l'obligation de faire appel au talent créatif canadien et aurait un effet dévastateur sur le secteur de la production médiatique audiovisuelle, une industrie qui apporte une contribution de 12,8 milliards de dollars au PIB de notre pays et qui offre plus de 180 000 emplois à des Canadiens travaillants. Pour moi et les autres membres de l'ACTRA, qui travaillons déjà dans des conditions précaires, cette modification pourrait faire perdre des occasions d'emploi à des artistes canadiens. Il faut absolument maintenir le principe voulant que l'on fasse appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes qui s'appliquent à la programmation canadienne.
L'alinéa 3(1)f) devrait stipuler ce qui suit: « toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation canadienne, et contribueront de façon substantielle à la création et à la présentation de programmation canadienne dans la mesure appropriée à leur nature. »
Dans notre proposition, nous admettons le rôle essentiel des créateurs canadiens et conservons le concept de « mesure appropriée à leur nature », précisant que tous les services en ligne contribueront au contenu canadien.
En conclusion, nous voudrions vous remercier de nouveau de nous avoir offert l'occasion de témoigner aujourd'hui. Nous voudrions également souligner qu'il importe d'amender le projet de loi dans sa forme actuelle pour qu'il puisse être mis en œuvre le plus rapidement possible.
Nous répondrons à vos questions avec plaisir.
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Bonjour, monsieur le président et honorables membres du Comité. Je m’appelle Jonathan Daniels et je suis vice-président, Affaires juridiques et réglementaires, à BCE inc. Je suis accompagné virtuellement aujourd’hui par mon collègue Alain Strati, chef adjoint du service juridique, avec qui je partagerai mon temps de parole dans cette déclaration d'ouverture.
Comme vous le savez peut-être, Bell offre divers services de télédiffusion, de radiodiffusion et de diffusion en ligne au Canada, en anglais, comme CTV, et en français, comme le réseau Noovo, qui a été lancé récemment. Nous sommes également un distributeur de programmation canadienne par l'entremise de Télé Fibe et de Télé Satellite. Nous fournissons des services de nouvelles et d’information essentiels, et nous veillons à ce que les voix canadiennes soient représentées et entendues. Nous appuyons les artistes canadiens en contribuant au Fonds des médias du Canada, à FACTOR et à Musicaction, entre autres, ainsi qu'en faisant nos propres productions canadiennes.
Nous soutenons le projet de loi et vous exhortons à l'adopter rapidement. Il est attendu depuis longtemps.
Il devrait maintenant être évident que les diffuseurs canadiens peinent à rivaliser avec les fournisseurs étrangers de services par contournement qui prospèrent sur le marché canadien. Au cours des quatre dernières années, ils ont augmenté leurs revenus au Canada de plus de 2,4 milliards de dollars, tandis que les radiodiffuseurs canadiens ont vu leurs revenus chuter de plus de 1,3 milliard de dollars. D’ailleurs, voici une autre statistique déconcertante: les trois plus grands fournisseurs de services par contournement, Netflix, Amazon Prime et Disney+, dont le dernier a été lancé il y a un peu plus d'un an, comptent déjà plus d’abonnés canadiens que tous les distributeurs de services de télévision canadiens réunis.
Les stations de télévision et de radio locales sont les plus durement frappées par la concurrence étrangère. En 2019, 70 % des stations de télévision privées locales du pays et 40 % des stations de radio privées ont enregistré une marge de profit négative. La pandémie a sans aucun doute aggravé cette situation.
Malgré tout, nous poursuivons nos activités, mais dans un environnement réglementaire désuet qui impose des obligations massives aux titulaires de licence canadiens tout en dispensant complètement les fournisseurs étrangers de services par contournement de ces obligations.
Comme première étape grandement nécessaire, le projet de loi corrige ce déséquilibre structurel en garantissant que les fournisseurs de services par contournement soutiennent financièrement la programmation canadienne. Depuis plus de 10 ans, les fournisseurs de service par contournement se sont vu accorder un passe-droit gratuit. Ils n’ont pas contribué à la programmation de contenu canadien et ils ont pris aux diffuseurs canadiens des abonnements et des revenus publicitaires. En revanche, Bell Média et Bell Télé consacrent près de 1 milliard de dollars par année à la programmation canadienne, soit par des dépenses directes, soit par des contributions à des fonds comme le Fonds des médias du Canada.
Toutefois, il ne suffit pas d'exiger des fournisseurs de services par contournement qu'ils financent le contenu canadien. Comme l'impact des fournisseurs de services par contournement continue de croître et que les revenus des diffuseurs canadiens diminuent, la capacité des diffuseurs canadiens de soutenir le contenu canadien s'est considérablement affaiblie. Nous devons aussi alléger le fardeau réglementaire qui pèse sur les acteurs nationaux. En forçant les fournisseurs de services par contournement à fournir leur part d’efforts, il est possible d’atteindre cet objectif tout en assurant la croissance des dépenses totales en matière de contenu canadien.
Monsieur Stati, je vous cède la parole.
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Abordons maintenant les nouvelles et l'information. Les Canadiens comptent sur les diffuseurs pour obtenir leurs nouvelles, mais les stations elles-mêmes sont en difficulté. En fait, la télévision locale n'est plus rentable, et ce, chaque année depuis 2013. Cela exerce une pression énorme sur notre capacité à continuer de présenter des nouvelles locales.
Le projet de loi reconnaît l'importance des nouvelles locales. Cependant, il ne leur donne pas expressément de soutien financier. Cette lacune doit être corrigée, autrement nous risquons de perdre les voix et les histoires qui soutiennent notre démocratie canadienne.
Par conséquent, nous proposons de modifier ce projet de loi pour garantir un soutien financier direct à la production d'émissions de nouvelles, tant de la part des distributeurs de services par contournement que des distributeurs nationaux.
En conclusion, nous appuyons le projet de loi , car il jette les bases d'un système de diffusion qui traite tous les acteurs de manière juste et équitable et nous dirige vers un système de diffusion durable.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue. Une liste complète de nos propositions d'amendement a été incluse dans notre soumission écrite au Comité.
Nous serons ravis de répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président et distingués membres du Comité.
Je m'appelle Jay Thomson, président et directeur général de la Canadian Communication Systems Alliance, ou CCSA.
La CCSA représente une centaine d'entreprises de communication indépendantes du pays qui fournissent des forfaits de services pour la télévision, Internet et le téléphone à des Canadiens vivant principalement dans de petites communautés rurales. Par exemple, nous comptons parmi nos membres Cooptel, dans la région de l'Estrie, au Québec, HuronTel, dans le Sud-Ouest de l'Ontario, et Milk River Cable Club, dans le Sud de l'Alberta.
La CCSA a été formée dans les années 1990, au même moment environ que l'entrée en vigueur de l'actuelle Loi sur la radiodiffusion. Pas plus que la loi, nos membres n'avaient alors prévu la croissance en taille et en influence des géants numériques étrangers. Comme cette loi, ils n'avaient pas prévu le regroupement massif qui s'effectuerait dans l'industrie canadienne de la diffusion, pas plus qu'ils n'avaient prévu que seulement trois entreprises canadiennes, soit Bell, Rogers et Québecor, domineraient le marché canadien des communications et que, étant propriétaires de la plupart des services de télévision canadiens et des plus gros fournisseurs de services Internet et sans fil et d'entreprises de distribution de radiodiffusion, ces trois entreprises deviendraient les propres géants intégrés verticalement du Canada.
De fait, ces géants canadiens sont devenus si imposants et influents que le CRTC a admis qu'il y avait un problème, soit celui que ces géants ont maintenant la tentation et la capacité d'adopter des comportements anticoncurrentiels qui pourraient nuire aux autres diffuseurs et aux consommateurs canadiens. Pour résoudre ce problème, le CRTC a établi diverses mesures de protection empêchant les géants canadiens de favoriser leurs intérêts de manière à accroître les coûts et à réduire le choix pour les consommateurs de services de télévision.
Parmi ces mesures de protection figurent un code qui indique que le consommateur n'est pas obligé de s'abonner à des canaux impopulaires pour bénéficier des canaux populaires, ainsi que des dispositions de l'Ordonnance d'exemption relative aux médias numériques qui permettent aux gens de s'abonner au fournisseur de service Internet de leur choix — et pas seulement à ceux des géants des services Internet — pour pouvoir accéder aux services en ligne offerts par les géants, comme Sportsnet NOW et TSN Direct.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi menace ces mesures de protection des consommateurs. Lors notre examen initial du projet de loi, nous craignions qu'en mettant l'accent sur les géants numériques étrangers, on oublie la croissance en taille et en influence de nos géants nationaux. Nous en sommes toutefois venus à comprendre que le projet de loi fait exactement le contraire. Plutôt que d'oublier les géants canadiens, il en tient compte, mais pas du tout de la bonne façon. Pour être plus précis, nous craignons que dans sa forme actuelle, le projet de loi ne permette à ces géants de favoriser leurs intérêts de manière à accroître les coûts et à réduire le choix dans le réseau de radiodiffusion. Il leur permettra de faire exactement ce que le CRTC a prévenu qu'ils feraient si on leur laissait la bride sur le cou.
Bien des choses ont été dites au cours de vos audiences sur le fait que le projet de loi permettra d'uniformiser les règles du jeu. C'est vrai, mais le jeu en question est [Difficultés techniques] celui des géants. Il fera même pencher la balance encore plus en leur faveur dans un domaine où les petits acteurs indépendants doivent se colleter avec les géants.
Le projet de loi et l'orientation envisagée visent à imposer des obligations à Netflix et à d'autres géants tout en assouplissant celles imposées aux diffuseurs canadiens. Il est remarquable que ce soit les géants canadiens qui semblent appuyer le plus vigoureusement cet assouplissement de la réglementation. Il serait facile de présumer que l'assouplissement qu'ils cherchent à obtenir concerne uniquement leurs obligations relatives aux dépenses dans le contenu canadien et à la diffusion de contenu canadien, mais ne vous y trompez pas, toutefois: ils chercheront aussi obtenir coûte que coûte un assouplissement des mesures de protection des consommateurs que le CRTC leur impose.
Ce n'est pas une hypothèse. Les géants interpellent déjà les tribunaux pour contester la compétence qu'a le CRTC d'établir et d'appliquer ces mesures de protection. S'il n'est pas amendé, le projet de loi les encouragera dans leurs efforts pour échapper aux mesures de protection des consommateurs du CRTC. Pour prévenir [Difficultés techniques] conséquences et pour protéger le choix et l'abordabilité du consommateur, particulièrement dans les communautés de petite taille et des régions rurales, le projet de loi doit confirmer la compétence qu'a le CRTC d'établir et d'appliquer ses mesures de protection contre les géants, notamment celles que comprend l'Ordonnance d’exemption relative aux médias numériques. Nous vous proposons un libellé à ce sujet dans notre mémoire écrit.
Merci, et j'attends vos questions avec impatience.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
Tout d'abord, je vous remercie grandement de nous permettre d'intervenir sur le projet de loi . Ma collègue Sophie Prégent, présidente de l'Union des artistes, ou UDA, ne peut pas être présente avec nous aujourd'hui, puisqu'elle est en tournage.
Je vous présente mon collègue, Julien Laflamme, du Service de recherche de la CSN, soit la Confédération des syndicats nationaux. Il m'accompagne pour répondre à vos questions et enrichir vos réflexions.
La Fédération nationale des communications et de la culture, ou FNCC, représente environ 6 000 membres regroupés en 80 syndicats. Près des deux tiers de nos membres évoluent dans le cadre de la Loi sur la radiodiffusion, en œuvrant pour des diffuseurs publics et privés de la radio, de la télévision et du numérique. La Fédération travaille également en étroite collaboration avec les syndicats de la culture, dont l'UDA, la Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec et l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, pour ne nommer que ceux-ci. Nos organisations regroupent ensemble plus de 25 000 travailleuses et travailleurs des médias, des arts et de la culture.
La semaine dernière, la FNCC et ses partenaires ont publié un rapport inédit et très inquiétant sur l'état de la situation des travailleuses et des travailleurs autonomes de l'univers culturel. En somme, la précarité qui mine les artistes, les créateurs et les artisans de la culture depuis de nombreuses décennies, combinée à l'arrêt ou la complexification des activités causés par la pandémie, ont plongé nos membres dans la détresse psychologique et financière. Bien sûr, les arts vivants ont été particulièrement touchés par les mesures sanitaires et les fermetures, mais c'est tout le secteur culturel qui est fortement ébranlé.
Il faut dire que la moyenne des revenus annuels des travailleurs autonomes de la culture ne dépasse pas le seuil de faible revenu pour une personne seule au Québec. En 2017, ce seuil était de 24 220 $. En 2019, aucun des secteurs d'activité de la culture n'atteignait ce seuil, pas même celui du film et de la vidéo. Cette précarité financière et le faible filet social accessible aux travailleurs autonomes les rendent très vulnérables pendant les crises et les passages à vide. Cela ne peut plus durer.
Par conséquent, nous vous demandons de vous assurer que les amendements que vous proposerez au projet de loi C-10 permettront d'améliorer les conditions de vie de nos travailleurs culturels. Cela devrait être une priorité. C'est donc en fonction de la réalité concrète sur le terrain que nous avons analysé le projet de loi et que nous vous proposons des bonifications importantes.
Tout d'abord, l'attrait de la déréglementation et du nivellement par le bas pour faciliter l'intégration des géants du secteur numérique est un leurre. La vérité est que notre écosystème médiatique et audiovisuel a pu se développer parce que nous l'avons protégé de l'hégémonie d'Hollywood et des autres concurrents étrangers mieux nantis et plus puissants.
Si nous souhaitons continuer de nous distinguer, tant par nos productions canadiennes que par notre tissu social, nos valeurs et notre diversité, nous devons nous assurer que la modernisation de nos lois continuera de protéger notre souveraineté culturelle et permettra à nos contenus de rayonner.
Nous sommes d'avis que, pour améliorer les conditions de vie socioéconomiques de nos artistes, de nos créateurs et de nos artisans, nous devons nous assurer de donner plus de mordant à la Loi sur la radiodiffusion, notamment en ce qui concerne la protection du français. De nombreux emplois en dépendent directement, ainsi que le financement de nos productions.
Alors que l'affaiblissement du français est un sujet d'actualité et d'inquiétude en ce moment au Canada, il nous apparaît évident que la Loi sur la radiodiffusion est un levier important pour valoriser notre langue. Pour nous, les modifications apportées à l'obligation de recourir aux artistes et aux travailleurs canadiens sont inacceptables, car elles se traduiront par une diminution des possibilités de contrat et des perspectives d'emploi.
Si les géants du secteur numérique ont des obligations de dépenses en production au Canada, celles-ci devraient être conformes à nos définitions de production originale canadienne et francophone. La même logique s'applique également à la protection de la propriété canadienne des entreprises de radiodiffusion. Nous devrions nous limiter à reconnaître l'existence d'entreprises numériques étrangères dans le paysage de la radiodiffusion. Pour nous, le texte qui existe dans la loi existante peut continuer de s'appliquer.
À nos yeux, les réseaux sociaux ne devraient pas être exclus d'emblée de la nouvelle loi, mais il devrait plutôt être spécifié que les activités des usagers sont exclues. En revanche, les activités commerciales de ces entreprises devraient être incluses dans la loi, et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, devrait avoir le pouvoir de les encadrer.
Enfin, le CRTC doit avoir les pouvoirs adéquats et adaptés, ainsi que les ressources nécessaires pour mettre en place, puis faire respecter la réglementation et les obligations, notamment en imposant des amendes adaptées au chiffre d'affaires des entreprises. Il est primordial que les processus d'octroi des licences ou des ordonnances, ainsi que la reddition de comptes des entreprises, soient transparents et qu'ils favorisent la participation du public.
Le laissez-passer réglementaire accordé aux géants du Web depuis les dernières décennies a nettement affaibli notre univers culturel médiatique et sa capacité de production. De nombreuses pertes d'emplois chez les éditeurs et les diffuseurs canadiens ont été documentées, de même que la pression à la baisse sur les conditions de travail.
Le maintien de la qualité...
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Monsieur le président, honorables membres du Comité, c'est un plaisir d'être avec vous aujourd'hui.
Vous savez déjà que Les AMIS de la radiodiffusion est un regroupement citoyen pancanadien et non partisan voué à la défense de la culture canadienne à l'antenne et en ligne.
[Traduction]
Voici les choix qui s'offrent à vous, tels que les voit notre regroupement.
Premièrement, les sociétés de téléchargement en continu comme Netflix devraient-elles être tenues de financer du contenu canadien original en échange du droit de gagner des milliards ici?
Deuxièmement, les nouveaux formats de diffusion, y compris le contenu généré par les utilisateurs, doivent-ils être réglementés, non seulement en ce qui concerne le contenu, mais aussi les plateformes de distribution en tant que telles?
Troisièmement, comment pouvons-nous assurer un avenir aux histoires et aux talents canadiens, alors que l'industrie est de plus en plus dominée par des monstres américains? Facebook, YouTube, Netflix, et maintenant le ministère du Patrimoine, répondent tous la même chose: « Ne vous inquiétez pas. Faites-nous confiance. Tout ira bien. »
Netflix veut des obligations moins strictes que celles de ses concurrents canadiens, et ce projet de loi lui permettrait, en fait, de rester entièrement non réglementé, comme c'est le cas aujourd'hui. Facebook et YouTube affirment que les utilisateurs sont les seuls responsables du contenu qu'ils génèrent. Ce projet de loi semble être d'accord, car il exempte les médias sociaux, non seulement pour le contenu, mais aussi pour toute réglementation de leur infrastructure de distribution. Qu'en est-il du besoin de médias canadiens florissants, qui racontent des histoires locales canadiennes? Le projet de loi supprime la propriété canadienne comme objectif politique et dilue les dispositions clés qui soutiennent le talent canadien. De plus, il ne fait rien pour renforcer la SRC.
Pendant ce temps, les médias canadiens continuent de se vider de leur sang. Bell Media a licencié plus de 400 personnes cette année, d'après mes calculs du moins. Le Huffington Post a fermé ses opérations canadiennes et québécoises ce mois-ci, et le projet d'acquisition de Shaw par Rogers pose un risque réel de nouvelles fermetures.
La question qui vous est posée est vraiment très simple: adopterez-vous la loi que Facebook, YouTube et Netflix veulent ou êtes-vous du côté du Canada? Si vous êtes du côté du Canada, alors vous ne pouvez pas faire confiance au ministère pour régler tous les problèmes qu'il a créés. Vous devez corriger le projet de loi vous-mêmes, et l'ambiguïté autour de la question de savoir si Netflix et compagnie devraient faire des contributions moindres que les diffuseurs canadiens ou encore aucune. Inscrivez-le dans le projet de loi, ne serait-ce que pour rassurer la secrétaire parlementaire. Comme vous le savez, sa circonscription abrite les principales installations de production du Canada. Pour ses électeurs, les investissements perdus ou le sous-investissement ne sont pas seulement un problème de PIB, mais aussi un revenu pris dans leurs poches.
Vous devez vous engager davantage, car le ministre et le ministère ne semblent pas bien comprendre la réalité qu'ils sont chargés de réglementer. Par exemple, lors de sa dernière comparution devant le Comité, le a déclaré que YouTube et ses semblables ne devraient pas être assujettis à la Loi sur la radiodiffusion, car le gouvernement n'a pas à réglementer les vidéos de chats de votre oncle. Monsieur le ministre, êtes-vous allé sur YouTube au cours des 10 dernières années?
YouTube regorge de créateurs professionnels qui bénéficient d'importants budgets de production, de millions d'adeptes et de centaines de millions de visionnements. En fait, en parlant de chats, que dire de Grumpy Cat, qui a plus de 12 millions d'adeptes sur les médias sociaux, est apparu dans des publicités pour Cheerios et a été présenté dans tous les grands réseaux américains? La publication britannique Express estime que Grumpy Cat, ou plutôt ses propriétaires, a gagné près de 100 millions de dollars grâce à ces vidéos de chats. C'est plus que les grandes stars d'Hollywood.
[Français]
En même temps, le ministre et M. Ripley ont affirmé que Facebook et YouTube n'étaient pas exemptés du projet de loi, mais qu'ils ne seraient réglementés que lorsqu'ils se comporteraient comme des radiodiffuseurs. Cette déclaration est très trompeuse. Les plateformes des médias sociaux, en particulier YouTube, sont des radiodiffuseurs en vertu de la loi. Si elles ne l'étaient pas, il ne serait pas nécessaire de leur accorder une exemption.
[Traduction]
En outre, la promesse d'une mesure législative supplémentaire pour lutter contre les contenus illégaux en ligne est une distraction totale. Qu'en est-il des normes de radiodiffusion, de la répartition équitable de l'espace publicitaire politique, des règles de découvrabilité ou de l'obligation d'avoir des interfaces utilisateur en français? En exemptant les médias sociaux de la loi, il sera impossible pour le CRTC d'aborder ces questions culturellement importantes.
En conclusion, votre tâche est simple: assurer un avenir à la culture canadienne. Ne comptez pas sur le ministère pour arranger les choses après coup. Il s'agit d'une occasion qui ne se présente qu'une fois par génération, et en l'état actuel des choses, le projet de loi qui vous est présenté est celui de Facebook. Le PDG de Netflix a déclaré à la Presse canadienne qu'il adorait le projet de loi . YouTube doit aussi être ravi. Allez-vous adopter le projet de loi de la Silicon Valley ou un projet de loi dans l'intérêt du Canada?
C'est à vous de faire le bon choix, et j'espère que vous le ferez.
Merci.
Bonjour. Je m'appelle Katha Fortier et je suis l'adjointe du président national d'Unifor. Jerry Dias regrette de ne pas pouvoir être présent. Il avait une affaire personnelle urgente à régler aujourd'hui. Je suis accompagnée de notre directeur des médias, Howard Law. Nous avons 11 000 membres dans le secteur des médias, y compris la radiodiffusion et la production télévisuelle. Nous vous remercions beaucoup de nous avoir invités aujourd'hui.
La Loi sur la radiodiffusion est au cœur de notre mandat national de souveraineté culturelle. C'est une chose que nous n'avons de cesse de protéger et de faire progresser, que ce soit dans les négociations commerciales ou dans la réforme de la Loi sur la radiodiffusion. Pendant des décennies, la Loi sur la radiodiffusion a été un pilier de notre souveraineté culturelle. L'objectif est de trouver le juste équilibre entre le contenu canadien et notre ouverture sur le monde.
Au fil des décennies, nous avons surmonté cet incroyable obstacle à notre souveraineté culturelle. Parfois, ces changements ont été provoqués par des libres-échangistes continentaux à la solde d'Hollywood, ou par les perturbations des nouvelles technologies. Lorsque la télévision est entrée dans nos foyers après la guerre, elle n'a pas détruit la radio, car nous avons adapté la Loi sur la radiodiffusion. Le câble est arrivé, et nous nous sommes à nouveau adaptés. La télévision par satellite était censée être une étoile de la mort qui allait zapper l'industrie canadienne des médias, mais nous ne l'avons pas laissée faire. Chaque fois, les législateurs et les organismes de réglementation ont gardé l'œil sur la cible. Nous avons maintenu l'équilibre entre notre souveraineté et notre ouverture à la culture mondiale, et nous l'avons fait de manière bipartisane. Certains des plus grands champions de la réforme de la Loi sur la radiodiffusion ont été Marcel Masse et Flora MacDonald.
Oui, Internet est la technologie de communication la plus puissante à ce jour. L'intelligence artificielle pourrait être la prochaine. Ensuite, il pourrait y en avoir une autre. Nous devons continuer à adapter [Difficultés techniques] notre souveraineté culturelle. La capitulation n'est pas une option.
Malheureusement, au cours des 10 dernières années, le gouvernement fédéral et le CRTC ont gardé les mains dans les poches en regardant nos protections culturelles s'effilocher. Maintenant, nous agissons. Nous soutenons les amendements proposés par Les AMIS de la radiodiffusion et nous voulons surtout nous assurer que les règles de propriété canadienne soient rétablies à l'article 3. Ces règles ont été ignorées par le CRTC pendant 10 ans. Il a toléré que Netflix s'installe au Canada au titre de l'exemption numérique et qu'il fonctionne, croisse et domine comme un mastodonte culturel. Nous proposons de remplacer l'alinéa 3(1)a) par ce qui suit: « le système canadien de radiodiffusion devrait maximiser la propriété et le contrôle par les Canadiens ».
Nous avons suivi les critiques du projet de loi. Certaines d'entre elles se montrent hostiles à l'égard de la réglementation ou de la souveraineté culturelle, mais certaines de ces critiques sont justes. Il existe des échappatoires à combler et des questions de politique auxquelles il faut répondre. Nous sommes heureux que ce comité ait demandé au ministre de répondre à certaines de ces questions en déposant un projet de directive du Cabinet au CRTC.
Comme je l'ai dit, le projet de loi lui-même doit préciser que les entreprises médiatiques étrangères ne pourront pas racheter les entreprises médiatiques nationales, qu'elles soient conventionnelles ou en ligne. Le Cabinet ou le projet de loi doit également ordonner que la radiodiffusion de nouvelles demeure une propriété canadienne à 100 %. Par-dessus tout, le Cabinet ou le projet de loi doit habiliter le CRTC à consacrer un flux de financement de l'industrie aux nouvelles télévisées locales, sous réserve de conditions strictes liées au nombre de journalistes et de travailleurs des médias. Cet élément ne figure pas dans le projet de directive qui a été déposé. Les experts et les leaders de l'industrie qui ont comparu devant vous ont déjà insisté sur ce point.
L'information est un bien culturel prioritaire dans notre monde de la radiodiffusion. Le journalisme est essentiel à la démocratie. Nous avons vu combien cette affirmation était vraie le 6 janvier au sud de la frontière. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire preuve de suffisance à l'égard de la démocratie canadienne. Le projet de loi est une occasion pour la présente génération de s'attaquer au sous-financement du journalisme d'information télévisé. Nous ne pouvons pas la manquer.
La dernière chose à dire c'est ce que le projet de loi ne fait pas. Pour être juste, [Difficultés techniques] a dit qu'il conviendrait. Il ne fait rien pour empêcher Google et Facebook de siphonner les revenus publicitaires de toutes nos industries médiatiques, y compris la radio et la télévision. Le Parlement doit agir sur ce point, et rapidement. Netflix ne représente que le « N » de FAANG. Le projet de loi C-10 ne doit être qu'un début pour la défense de notre souveraineté.
Merci beaucoup. M. Law et moi-même serons très heureux de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, madame Fortier. Je vous en suis reconnaissant.
Passons maintenant à notre série de questions de six minutes. M. Rayes commencera.
Avant de débuter, chers collègues, nous recevons un groupe important au cours de la présente séance. J'espère pouvoir faire deux séries complètes, prendre une pause santé et revenir ensuite. Je vous demanderais de bien vouloir adresser vos questions à une personne ou à un groupe pour que tout se déroule efficacement.
Par ailleurs, chers collègues, veuillez tenir compte de l'écran en mode galerie. Si certains des témoins veulent intervenir sur une question particulière, ils peuvent lever la main ou le faire par voie électronique, s'ils le souhaitent. J'hésite à intervenir moi-même, alors je vous demanderai de surveiller ceux qui veulent intervenir sur une question particulière. Veuillez faire attention à l'écran qui se trouve devant vous.
[Français]
Monsieur Rayes, vous avez la parole pour six minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins qui sont avec nous aujourd'hui pour aider dans notre comité.
Ma première question s'adresse à M. Bernhard, des AMIS de la radiodiffusion.
Quand le ministre est venu, en répondant à une de mes questions, il a laissé entendre que les médias sociaux étaient inclus dans le projet de loi. Pourtant, j'ai écouté votre intervention aujourd'hui, et quand je regarde le paragraphe 4(1) que le projet de loi veut ajouter à la Loi, je constate que celle-ci ne s'appliquerait pas aux utilisateurs qui génèrent et reçoivent des émissions par l'entremise d'une entreprise en ligne qui fournit un service de média social. Des entreprises comme YouTube, Facebook et TikTok sont de ces exemples de [difficultés techniques] qui permettent à l'utilisateur de téléverser du contenu.
Avez-vous des commentaires ou des informations que vous voudriez ajouter afin d'expliquer votre opinion sur cette partie du projet de loi qui ferait en sorte que la Loi sur la radiodiffusion ne s'appliquerait pas aux services des médias sociaux?
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La situation n'est pas claire, et cela m'inquiète.
Le projet de loi, par l'entremise des instructions du ministre, donne beaucoup d'options au CRTC, qui pourra réglementer les diffuseurs dans les circonstances qu'il juge appropriées, et celles-ci ne sont pas clairement définies.
Nous croyons qu'il est important de créer des balises claires concernant les revenus générés au Canada, les utilisateurs et le financement de contenu original global, entre autres, de telle sorte que le Parlement du Canada tienne compte de la taille des entreprises. Lorsqu'une entreprise dépasse une certaine taille, on doit exiger qu'elle contribue au contenu canadien, et ce, sans exception. Il est très important de clarifier la situation.
On dirait que personne ne veut dire clairement que les entreprises doivent payer et contribuer au contenu canadien. Le gouvernement veut que le CRTC prenne une décision, et le CRTC veut que le gouvernement prenne une décision. Finalement, personne ne prend de décision.
Il faut donc préciser, dans la loi et non dans une déclaration du cabinet du ministre, que ces contributions [difficultés techniques] et plus certains pour l'industrie aussi.
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Je pense que c'est évidemment un monde qui a des répercussions sur les artistes. Les artistes sont, à certains égards, les travailleurs les plus précaires de l'industrie, dans la mesure où le travail que nous faisons ne nous est pas garanti. En fait, nous postulons des emplois tous les jours en passant des auditions. Parfois nous les obtenons, parfois non.
Il est important de noter que le revenu typique d'un artiste au Canada, même s'il est membre de l'ACTRA, membre du syndicat, est d'environ 11 000 $ par an. Pourtant, beaucoup de nos artistes gagnent évidemment beaucoup plus que cela, et certains moins. C'est une carrière pleine de défis.
Ce n'est pas seulement un problème d'artiste, c'est un problème d'industrie. Lorsque nous regardons les changements qui sont suggérés dans la mesure législative et dans les commentaires qui sont envoyés au CRTC... Nous risquons d'assister à un changement dans ce qui constitue le contenu canadien, dans la latitude qui sera accordée à cet égard et, donc, dans les types d'emplois, etc. qui existeront à l'avenir.
Je pense que M. Bernhard a dit de façon très éloquente que ce comité, le gouvernement actuel, a une excellente occasion de préparer le terrain pour les 20 ou 30 prochaines années de la radiodiffusion canadienne et de déterminer comment nous allons fournir un héritage culturel aux générations futures.
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Je vais céder la parole dans un instant à mon collègue, M. Strati, pour répondre à votre question.
Pour ce qui est d'une définition, je pense qu'il existe une différence très importante entre, d'une part, les nouvelles, soit ce dont nous parlons, et d'autre part, les productions canadiennes et le contenu canadien, car la production de contenu canadien est assujettie à des règles très strictes. Les fournisseurs étrangers, les fournisseurs de services par contournement, investissent peut-être au Canada, mais ils ne produisent pas de contenu canadien. Ils ne réalisent aucune production répondant aux critères du CRTC ou du Fonds des médias du Canada. Comme nombre de collègues qui ont pris la parole aujourd'hui, je pense que si nous voulons améliorer la situation, il faut s'assurer que ce soit le cas pour ces fournisseurs.
Pour ce qui est de définir le contenu canadien, etc., nous avons des règles à ce sujet. Je souligne que le CRTC sera sans doute appelé à y apporter quelques modifications. Nous allons examiner la possibilité de participer à l'exercice avec le CRTC dans ce dossier.
Si vous parlez de définir les nouvelles, le CRTC le fait déjà. Des fonds existent. M. Strati pourra sans doute vous en dire plus à ce sujet, car c'est très facile à définir et c'est déjà le cas.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais d'abord poser une question à Mme St-Onge.
Encore une fois, madame St-Onge, je suis très heureux de vous retrouver parmi nous aujourd'hui.
Nous nous sommes parlé assez régulièrement de la préoccupation que vous, votre organisation et vos membres avez quant à la santé et à la survie de l'industrie culturelle francophone, plus particulièrement, dans votre cas, de l'industrie culturelle québécoise. On sait que la Loi prévoit peu de soutien à cet égard. Il y a quelques jours, vous avez certainement vu l'ébauche des directives que le ministre a publiée.
J'aimerais savoir si vous avez trouvé, dans l'ébauche de ces directives, des éléments satisfaisants et rassurants sur ce qui s'en vient, advenant l'adoption du projet de loi avec cette formule de directives à l'intention du CRTC.
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Merci, monsieur Laflamme.
J'aimerais poser une question à M. Bernhard, des AMIS de la radiodiffusion.
On vous a souvent entendu parler de la question des algorithmes. Or, dans les directives proposées par le ministre, le point 5(b), on invite le CRTC à s'assurer que cette méthodologie doit être « éclairée par les données recueillies auprès des entreprises de radiodiffusion ».
Monsieur Bernhard, je sais que vous êtes très sceptique quant à la transparence dont font preuve les médias sociaux et les plateformes en ligne avec leurs algorithmes et les données auxquelles elles nous permettent d'avoir accès. Je voudrais vous entendre à ce sujet.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Je voudrais tout d'abord poser quelques questions à nos collègues d'Unifor.
Vous avez parlé de l'alinéa 3(1)a) et du libellé que vous proposez. Comme nous le savons, le projet de loi vient supprimer le premier objectif de la politique sur la radiodiffusion au Canada qui est énoncé à l'alinéa 3(1)a), « le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle », et vous proposez de le modifier ainsi: « le système canadien de radiodiffusion devrait maximiser la propriété et le contrôle par les Canadiens. »
Pourriez-vous nous dire pourquoi il est si important pour vous d'apporter ces changements à la loi? Je vais ensuite demander aux représentants de l'ACTRA de répondre à la même question, alors ils peuvent s'y préparer.
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Au Canada, nous avons l’habitude de nous protéger, que ce soit par l’entremise du système réglementaire pour la radiodiffusion ou par l'entremise du commerce, car nous avons ce grand pays comme voisin au sud, les États-Unis. Nous avons dû faire très attention de bien protéger le contenu canadien.
Selon nous, il est nécessaire de conserver les mesures de protection en place à l’heure actuelle qui s’appliquent au contenu canadien et aux radiodiffuseurs canadiens. Nous ne voulons pas voir ces mesures affaiblies. Nous considérons que le système n’est pas parfait, mais nous sommes inquiets de divers changements. Nous appuyons certains changements, parce qu’ils s’imposent et qu’il faut englober les fournisseurs de services par contournement, mais nous nous inquiétons de voir [Difficultés techniques] règlements qui sont nécessaires pour le contenu canadien, les producteurs et écrivains canadiens et les acteurs canadiens pour raconter l'histoire canadienne.
Lorsque je parle de cet enjeu avec des députés de la Chambre des communes, je pense à leur rôle. En effet, votre rôle consiste à gouverner le Canada, mais vous êtes aussi l’image que nous projetons au reste de la planète. Ce sont les valeurs que vous incarnez et le travail que vous faites qui révèlent ce qu'est le Canada au reste du monde.
C’est ce que font nos membres tous les jours. Ce sont les histoires qu’ils relatent. Ce sont les histoires qui sont racontées ici au Canada qui montrent au reste de la planète qui sont les Canadiens. Quelles sont nos valeurs? Quelles sont nos croyances? À quoi ressemblent nos vies? Quelles sont nos histoires? Il est important d’en préserver le caractère typiquement canadien. Nous ne devons pas permettre qu’elles soient édulcorées ou modifiées parce que nous n’avons pas tout mis en œuvre pour protéger le système qui nous a si bien réussi pour protéger le Canada dans un environnement planétaire.
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En effet, Access connaît beaucoup de succès dans cette province.
J'aimerais poser une question aux représentants de BCE.
La semaine dernière, la National Football League, la NFL, a signé des ententes très importantes avec les réseaux de télévision NBC, CBS, FOX, mais aussi avec les services en continu ESPN+, propriété de Disney; Peacock, propriété de NBC; et Paramount, propriété de CBS. Il y a ensuite les droits de services en continu exclusifs d'Amazon pour les parties du jeudi soir de la NFL, pour un milliard de dollars.
Dans les journaux, dans le USA Today , on disait essentiellement que tout se dirige vers les services de diffusion en continu. La NFL et les sports sont habituellement les chefs de file. Je pense que c'est ce à quoi nous avons assisté la semaine dernière lorsque la NFL a signé des ententes avec ces entreprises de diffusion en continu.
Comment pensez-vous que les choses vont se passer ici au Canada, où Bell, par exemple, pourrait offrir les parties de la Ligue canadienne de football, la LCF, en continu si elle le souhaite? La diffusion en continu aura la cote au cours des quatre ou cinq prochaines années.
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La diffusion en continu est un élément très important, et la concurrence est vive dans ce domaine, quand vient le temps d'acheter des droits, entre nous et les fournisseurs de services par contournement, etc. Nous y voyons là une autre raison importante d'uniformiser les règles du jeu, pour s'assurer que nous aurons la possibilité, en étant assujettis aux mêmes règles, de concurrencer toute autre entreprise, car nous allons acheter les droits — ou plutôt tenter de le faire, si on veut — en livrant concurrence aux services de diffusion en continu étrangers, ainsi qu'aux services de diffusion en continu et aux radiodiffuseurs canadiens.
Notre approche consiste essentiellement à offrir les deux, sur les services de diffusion en continu et sur nos grands réseaux également. Cela nous permet en quelque sorte d'innover en les réunissant. En fait, nous venons de lancer une application pour le TSN qui vous permet, lorsque vous regardez une partie de hockey des Canadiens de Montréal, de la voir sous différents angles, etc.
Il y a différents avantages, mais c'est lié à nous comme radiodiffuseur. Nous devons nous assurer d'avoir la possibilité, en tant que radiodiffuseur ou de service de diffusion en continu, ou quelque soit le service offert, d'être assujettis aux mêmes règles du jeu que les autres acheteurs de droits et de pouvoir concurrencer sur un pied d'égalité avec les fournisseurs étrangers.
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À titre de syndicat d'interprètes professionnels, nous avons une excellente relation avec les Netflix et Disney de ce monde ainsi qu'avec d'autres grands services par contournement qui sont présents au pays pour offrir un service étranger. J'entends par là qu'ils réalisent leurs propres productions, écrites principalement par des Américains. Actuellement, comme tout au long de la pandémie, il y a beaucoup d'activités, car le Canada a une meilleure réputation quant à sa capacité de gérer le virus sur les plateaux de tournage. Mais nous ne devons pas nous leurrer: une fois la pandémie derrière nous, les marchés américains vont rouvrir, des marchés comme celui d'Atlanta, qui est essentiellement le deuxième centre de production en Amérique du Nord. Ces marchés seront à nouveau en mesure d'accueillir les productions en cours chez nous, et nombre d'entre elles seront rapatriées aux États-Unis afin de soutenir leur milieu du cinéma.
Il n'empêche qu'ils sont ici parce que nous avons des équipes incroyables, des acteurs fabuleux et une postproduction du tonnerre, donc ils investissent au Canada parce que c'est logique sur le plan financier. L'inconvénient, c'est qu'ils ne produisent pas de contenu canadien, donc les auteurs canadiens ne travaillent pas sur ces productions à moins d'être établis à Los Angeles et de faire carrière à l'étranger. En outre, ces histoires uniques au pays ne sont pas racontées, ce qui nous empêche de mettre notre culture en évidence, en quelque sorte, et de contribuer à leur diffusion dans le reste du monde.
Disons-le, quand nous le faisons, nos émissions sont absolument géniales, par exemple Les Enquêtes de Murdoch et d'autres émissions du genre diffusées partout dans le monde, voire Corner Gas et Kim's Convenience. Il est intéressant de constater à quel point ces émissions sont populaires quand elles sont adéquatement soutenues. Ensuite, Netflix arrive et signe des ententes pour les diffuser afin d'attirer encore plus d'utilisateurs.
Bref, si nous affaiblissons le contenu canadien, si nous affaiblissons le recours aux auteurs canadiens qui racontent des histoires canadiennes, alors nous en paierons le prix fort longtemps. Nous devons établir des règles dès maintenant de sorte à soutenir le mieux possible cette industrie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais poser une question aux représentants de BCE.
Dernièrement, le président de Québecor, M. Péladeau, est venu témoigner. Après son témoignage, il a dit aux médias que le Comité essayait de réglementer l'« irréglementable », en parlant des géants du numérique, évidemment.
Êtes-vous d'accord avec lui?
En deuxième lieu, pensez-vous qu'il est possible de réglementer les géants du numérique tout en protégeant les radiodiffuseurs canadiens en ligne et traditionnels et en leur assurant un environnement concurrentiel?
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Merci. J'apprécie d'obtenir… Maintenant, je comprends la question. Veuillez m'excuser de ne pas maîtriser votre langue.
Je vous dirais que non, nous ne sommes pas d'accord. Brièvement, le fait que les fournisseurs étrangers contribuent à des fonds comme le Fonds des médias du Canada, ou FMC, qui peut ensuite décider de quelle façon dépenser ces sommes, favorise des conditions équitables et assure l'obtention de contenu canadien, ce que nous appelons le CanCon en anglais. Nous estimons que c'est une façon plus efficace d'atteindre ces objectifs. Vous pouvez les inclure dans le système afin d'avoir des conditions plus équitables.
Là où je suis d'accord, c'est qu'il y a un ensemble de règles qui peuvent être simplifiées et offrir une plus grande souplesse afin que toute personne puisse se spécialiser et être concurrentielle dans différents secteurs, plutôt que d'imposer tout ce qui doit être fait aujourd'hui.
Nous pouvons y parvenir en intégrant les fournisseurs étrangers et en exigeant qu'ils contribuent au système. Essentiellement, s'ils doivent verser des fonds entre autres au FMC, ils vont s'assurer d'avoir [Difficultés techniques] pour retirer ces fonds. C'est ainsi que les entreprises fonctionnent. Si vous devez contribuer à quelque chose [Difficultés techniques] en profiter en retour. Selon nous, c'est le type de modèle envisageable.
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Merci pour votre question.
Plus tôt au cours de cette audience, le représentant de Bell, M. Strati, a souligné que le modèle d'affaires des nouvelles locales est défaillant. C'est un échec.
Collectivement, les grands diffuseurs ont connu une perte de 8 % de leur marge de profit au cours des huit dernières années et rien n'indique que cela va s'améliorer. Les choses vont empirer. Il y a eu des mises à pied. Il y a moins de reportages. Les nouvelles locales sont en pleine crise, c'est tout simplement indéniable.
En ce qui a trait à notre proposition pour [Difficultés techniques] demander un meilleur financement des nouvelles locales. Au début des années 2010, après la crise financière, le CRTC a mis en œuvre pendant trois ans ce qui s'appelait le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, qui était essentiellement un fonds d'urgence de 100 millions de dollars par année pour la diffusion des nouvelles locales. Nous proposons quelque chose de semblable, mais qui serait permanent au sein de l'écosystème.
Comme nous l'avons fait valoir, les nouvelles locales sont un bien culturel prioritaire au sein du système de radiodiffusion, mais aussi les activités les plus sous-financées. Compte tenu du fait qu'il y aura, selon les estimations du ministre, jusqu'à 800 millions de dollars par an d'introduits dans le système de radiodiffusion… qui rapetisse de jour en jour, évidemment. Les parts diminuent, mais cette mesure viendra les accroître considérablement.
De notre avis, il y a de la place pour un financement ciblé, consistant et suffisant des nouvelles locales auquel pourrait accéder non seulement les télédiffuseurs indépendants [Difficultés techniques] quoiqu'un très petit fonds, mais à tous les services de nouvelles locales au pays, afin de ne pas perdre cette caractéristique essentielle du système canadien de radiodiffusion.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins présents aujourd'hui.
Je suis très content que Mme St-Onge ait eu la chance de reprendre ses paroles sans difficultés techniques aujourd'hui.
[Traduction]
Je vais commencer par BCE.
Monsieur Daniels, je ne suis pas ici pour m'en prendre à une société. J'ai été l'avocat général d'une multinationale avant d'être élu.
Je pense que les Canadiens sont un peu perplexes. BCE a obtenu au moins 122 millions de dollars dans le cadre de la subvention salariale. L'an dernier, BCE a versé des dividendes sur une base trimestrielle, et pourtant, Bell Media a supprimé 200 emplois de journalistes locaux en février. D'après ce que j'ai compris, certaines de ces suppressions ont été effectuées sans ménagement. Les personnes visées ont été informées après une annonce publique. Les gens l'ont appris par une publicité qui est passée à la radio. Bien sûr, les milieux qui en ont souffert — CJAD, qui est la principale station de radio anglophone de Montréal, en est un bon exemple — ont perdu leur contenu local, même si vous prétendez que les journalistes de la télévision vont assurer la relève à cet égard.
Je m'interroge sur la façon dont vous avez demandé aujourd'hui — et je le comprends — à ce qu'il y ait moins de réglementation pour les radiodiffuseurs, à ce qu'on ne donne pas trop de pouvoir directement au CRTC pour régir spécifiquement vos actions et à ce qu'on ne rende pas le CRTC plus restrictif qu'il ne l'est déjà. Comment conciliez-vous cela avec ce que les Canadiens ressentent lorsqu'ils voient les coupes que vous faites dans le journalisme local au moment même où votre entreprise verse des dividendes et accepte des subventions du gouvernement fédéral?
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Permettez-moi de décomposer cette question en plusieurs points, car vous avez couvert beaucoup de choses.
En ce qui concerne ce que vous avez dit sur l'obtention de subventions pour... Je pense que vous faites référence aux fonds que nous avons reçus l'année dernière aux termes de la Subvention salariale d'urgence du Canada. Je tiens à préciser que nous avons utilisé cet argent strictement aux fins prévues, c'est-à-dire pour assurer le maintien des emplois dans les secteurs d'activité qui ont été touchés de façon exceptionnelle par la COVID-19, comme La Source et Bell Média, par exemple. Ce financement de la Subvention salariale d'urgence du Canada nous a permis d'éviter des pertes d'emplois, ce qui se serait produit sans lui.
Permettez-moi de revenir à la question très précise que vous posez au sujet de Bell Média. Il y a eu des pertes cette année chez Bell Média. Nous avons dû prendre certaines mesures qui étaient nécessaires pour nous adapter à la transformation du paysage médiatique. Je pense que vous avez beaucoup entendu parler de ce qui se passe dans le domaine de la radiodiffusion et plus particulièrement des pertes de revenus qui touchent ce secteur. Nous avons dû prendre des mesures pour rationaliser notre organisation. Ces changements étaient nécessaires avant même l'apparition de la COVID. Ce que vous avez vu, c'est qu'ils n'ont pas eu lieu l'an dernier parce que nous avons pu tirer parti de la Subvention salariale d'urgence du Canada. En fait, je pense que ce financement a bel et bien atteint son objectif à cet égard puisqu'il n'y a eu aucune perte d'emplois l'année dernière.
Pour nous, de venir vous dire qu'il n'y aura jamais d'impact en raison de ce financement, alors que nous devons redimensionner nos activités en raison de toutes ces pressions concurrentielles dont nous venons de parler... Vous avez entendu parler du déclin des sources de revenus, tant du côté de la radiodiffusion que de celui de la télévision... Nous constatons qu'il y a une baisse dans tous les secteurs.
Lorsque vous dites que nous nous sommes présentés devant vous pour vous demander de rationaliser la réglementation, c'est exact, mais soyons clairs. Nous parlons de propositions qui réduiraient le financement que nous devrions assumer, alors qu'au même moment, vous augmentez la taille du gâteau. Vous nous permettriez d'être concurrentiels et d'avoir un modèle économique plus durable, ce qu'il n'est pas dans le cadre du régime actuel.
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Merci, monsieur Sparrow.
Nous pensons qu'il est absolument crucial de maintenir le principe selon lequel « les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes ». À notre avis, le libellé proposé par le projet de loi est tout simplement trop faible. À long terme, une telle formulation ne saurait mener à rien d'autre qu'à la dégradation du contenu véritablement canadien dans le système.
Le libellé que nous soutenons — qui, d'après ce que nous comprenons, est également appuyé par la Writers Guild of Canada, la Guilde canadienne des réalisateurs et la Canadian Media Producers Association — garantit que la programmation canadienne du système aura recours au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatives et autres — canadiennes.
Pour tout ce qui n'est pas canadien, l'organisme de réglementation peut discuter d'une norme plus légère, mais il est important que le projet de loi maintienne la ligne dure en ce qui concerne le contenu canadien produit par des entreprises conventionnelles ou par des entreprises en ligne. Cette norme devrait être la même que celle qui s'applique depuis les 30 dernières années, c'est-à-dire une utilisation maximale ou, à tout le moins, prédominante. C'est la norme à laquelle nous tenons.
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Je pense que vous avez tout à fait raison de le souligner. La dynamique est en train de changer et cela a une incidence sur ce à quoi le modèle va ressembler dans quelques années. Dans cette optique, il y a deux choses que nous visons: assurer la mise en place de règlements équitables et nous donner les moyens de concurrencer les diffuseurs en continu.
Soyons clairs: nous sommes nous-mêmes des diffuseurs en continu. Nos façons de faire doivent évoluer dans ce sens. Cependant, nous pensons que tous ces règlements historiques et anachroniques qui encadrent nos façons de faire devront être modifiés au fur et à mesure que nous cheminerons vers l'avenir afin de tenir compte de la réalité du marché, à savoir que nous allons devoir être en concurrence avec les diffuseurs en continu pour les droits de toute une série d'événements sportifs et autres, selon ce qui adviendra. Je n'ai pas de boule de cristal infaillible pour vous dire ce que l'avenir nous réserve.
En même temps, notre autre message clé, c'est que cela aura une incidence sur les informations locales. C'est pourquoi il faut un financement spécial. La façon d'y parvenir est de prendre une partie de l'argent versé dans le système et de l'affecter à cela afin d'assurer que tous les radiodiffuseurs, tant la radio que la télévision, auront accès à un journalisme professionnel, à ce journalisme qui compte vraiment pour les Canadiens.
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Rien ne l'empêche. Le problème des nouvelles locales n'est pas la visibilité ou l'intérêt ou, de fait, l'auditoire. L'auditoire des nouvelles locales est assez considérable. Le problème, c'est vraiment le modèle financier.
Auparavant, nous parlions des « annonceurs »; le problème, c'est la « publicité ». Il n'y a qu'une seule source de revenus qui soutient les stations locales et les informations locales. Il doit y avoir une double source de publicité, car l'argent et les ressources sont en train de passer de la publicité à l'abonnement ou aux [Difficultés techniques] nouvelles locales. Le problème est celui des recettes.
Nous avons parlé des répercussions de la COVID-19. Or, lorsque vous avez des revenus publicitaires en baisse et que vous avez un choc sismique comme celui que nous avons vu — lorsqu'au deuxième trimestre de 2020, la publicité a connu une baisse de 40 % du jour au lendemain à cause la COVID —, comment faites-vous pour revenir à ce que vous aviez auparavant? En fait, ce modèle financier ne fonctionne pas pour les informations locales, mais c'est celui que nous avons. Il y a déjà un bon bout de temps que nous essayons de résoudre ce problème.
Nous avons parlé très rapidement de la LNF. L'accord sur la LNF contient aussi beaucoup d'éléments pour les radiodiffuseurs, sur NBC, Fox, CBS et tous les autres. C'est un mélange de différentes plateformes. Les gens regardent la télévision en direct. Il y a un mélange de modes de visionnement, un mélange d'opportunités, linéaires et non linéaires. C'est un nouveau comportement chez le consommateur.
Je peux peut-être commencer par les artistes autrefois connus sous le nom d'ACTRA. Lors du débat à la Chambre des communes, on a fait remarquer qu'il y avait beaucoup d'emplois dans différentes régions dans le secteur du cinéma, et que cette industrie des services a une valeur qui semble supérieure ou, à tout le moins, égale au contenu canadien.
Je me demande ce que vous pourriez dire à ce sujet, car une partie de la réponse que j'ai entendue était: « Quel est le problème? Dans ma collectivité, j'ai des films qui sont tournés en ce moment même, ici même, et qui créent beaucoup d'emplois, y compris pour un certain nombre de Canadiens. »
J'aimerais vous donner l'occasion de répondre à ces commentaires.
:
Nous nous félicitons du travail qui nous arrive de l'étranger en ce moment. Franchement, cela fait deux ou trois ans que le Canada a cette quantité de travail en provenance de l'étranger. Sur le plan financier, c'est devenu une aubaine pour ces services de diffusion en continu qui étaient très avides de contenu. Cela a même doublé pendant la COVID, lorsqu'ils ont constaté qu'ils n'avaient pas assez de contenu pour les personnes qui étaient à la maison 20 heures par jour et qui avaient du temps pour le regarder. Ils sont impatients de produire du contenu. Ils choisissent le Canada comme lieu de tournage, et cela génère beaucoup d'occasions d'emploi et beaucoup d'argent.
Comme je l'ai dit, lorsque la COVID sera terminée, les choses vont probablement changer dans une certaine mesure. Lorsqu'ils trouveront que certains aspects sont trop coûteux pour telle ou telle raison, ils vont probablement déménager, surtout après la COVID, en Afrique du Sud, en Australie et dans ces autres endroits où ils travaillaient avant la pandémie.
Néanmoins, cela n'enlève rien à notre responsabilité de soutenir la production canadienne et les scénarios canadiens. Nous pouvons le faire par divers moyens. Il ne fait aucun doute que ce projet de loi va loin lorsqu'ils affirment qu'il est temps que les plus grands contribuent. Il est temps pour eux de suivre les mêmes règles que celles qui s'appliquent à nos radiodiffuseurs nationaux, de créer un vrai contenu canadien et de le rendre accessible sur leur plateforme, comme ils le font dans de nombreux autres pays. De nombreux autres pays n'ont pas hésité à dire: « Non, vous allez devoir produire quelque chose qui est dans notre langue et qui soutient notre culture. » La France, l'Australie et d'autres pays ont mis en place des paramètres pour des sociétés comme Netflix, et Netflix n'a pas eu de problème avec ça.
Monsieur Sparrow, vous pourriez peut-être nous donner votre avis sur la prochaine question.
[Français]
Madame St-Onge, j'aimerais aussi entendre vos commentaires.
[Traduction]
Je sais, monsieur Sparrow, que votre syndicat a beaucoup travaillé sur la diversité et l'inclusion et sur les façons de faire en sorte que les acteurs noirs et des acteurs autochtones sont mieux représentés dans le domaine. Qu'y a-t-il dans le projet de loi pour soutenir cette inclusion et ces ouvertures? Avez-vous des idées à cet égard?
[Français]
Madame St-Onge, j'aimerais aussi savoir si vous avez des idées à cet égard.
:
Je serai bref afin de permettre à Mme St-Onge de se prononcer là-dessus elle aussi.
Absolument. Par exemple, nous sommes en pourparlers avec les organismes de financement eux-mêmes, comme le Fonds des médias du Canada et Téléfilm, afin d'établir les règles pour accorder un financement aux productions qui, essentiellement, seront en mesure de prouver qu'elles sont plus diversifiées sur le plan de la réalisation, des équipes de production ou de la distribution. Je sais que ces conversations sont en cours.
Je pense que le CRTC pourrait également établir des règles de ce genre afin de mieux soutenir la grande diversité ethnique du Canada, y compris en ce qui concerne nos communautés autochtones, en veillant à ce qu'elles puissent, elles aussi, raconter des histoires canadiennes.
:
C'est un grand problème, puisqu'il n'y a pas de formule précise pour améliorer la découvrabilité du contenu.
Actuellement, le système fait reposer le poids de la découvrabilité sur les productions. Souvent, on va dire que le contenu va être découvert s'il est bon, alors qu'on sait que cela ne fonctionne pas ainsi sur les plateformes, puisque le contenu est proposé en fonction d'algorithmes qui ne sont pas transparents et sur lesquels nous n'avons aucune emprise.
Pour améliorer la découvrabilité du contenu, il faudrait donc que le décret d'instruction ou la loi elle-même spécifient des obligations relatives à la découvrabilité du contenu et à la reddition de comptes, ce qu'on ne retrouve pas actuellement. C'est effectivement un grand problème.
Je vais vous donner un exemple très concret. Une production de Télé-Québec, M'entends-tu?, se retrouve sur Netflix, mais on ne voit que le titre anglais, Can you hear me?, alors que c'est une production du Québec. Pour les auditeurs francophones du Québec, c'est très difficile de la repérer.
C'est ce genre de chose qui va changer la capacité pour les Canadiens de découvrir le contenu de chez eux.
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Lorsque j'ai entendu cette déclaration, j'ai eu envie de m'arracher les cheveux, mais comme vous pouvez le voir, il ne reste pas grand-chose à arracher, alors j'ai dû passer ma frustration d'une autre façon.
Comme je l'ai dit, c'est une déclaration très trompeuse. Le fait que le dise que des sociétés comme Facebook et YouTube ne sont pas exemptées et qu'elles ne seront réglementées que lorsqu'elles se comporteront comme des radiodiffuseurs est très trompeur, car, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, si elles ne se comportaient pas comme des radiodiffuseurs, l'exemption ne serait pas nécessaire. Ce sont des radiodiffuseurs au sens de la loi.
La question est de savoir comment il serait possible de réglementer cela correctement. Notre point de vue est très simple: supprimez cette exemption pour les médias sociaux. Supprimez tout cela. À la place, dites simplement que si vous êtes trop petit, vous ne serez pas réglementé, mais que si vous êtes plus gros, vous le serez. Cela laisse le champ libre à l'émergence de nouveaux formats. Cela signifie que si vous êtes Grumpy Cat, il y a peut-être certaines normes ou applications qui s'appliqueront à vous, mais pas à l'oncle de M. Guilbeault avec ses vidéos de chats, qui, présumons-le, n'attirent pas beaucoup de monde selon ce qu'en dit le .
Le fait qu'il dise qu'elles ne sont pas exemptées de la loi est extrêmement trompeur, car l'article 4.1 dit clairement qu'elles sont exemptées de la loi. Nous devons veiller à ce que le cadre ne s'applique pas qu'au contenu, mais aussi à l'infrastructure. Doit-elle être en français? Existe-t-il des règles concernant la facilité de découverte? Qu'en est-il des alertes d'urgence?
J'ai trouvé la réponse du insatisfaisante, et j'espère que le Comité améliorera le projet de loi dans les sens que je viens de mentionner.
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Merci à tous. Voilà qui nous amène à la fin de la séance. Je m'excuse. Nous avons un peu dépassé le temps imparti.
Nous devons régler une autre question, pour des raisons budgétaires.
Avant cela, je tiens à remercier chaleureusement nos invités qui sont venus aujourd'hui: de l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, David Sparrow, Marie Kelly et Raj Shoan; de BCE, Jonathan Daniels et Alain Strati; de la Canadian Communication Systems Alliance, Jay Thomson; de la Fédération nationale des communications et de la culture, Pascale St-Onge et Julien Laflamme; des AMIS de la radiodiffusion, Daniel Bernhard; et enfin, d'Unifor, Howard Law et Katha Fortier. Veuillez transmettre nos salutations à M. Dias.
Merci beaucoup à tous de vous être joints à nous.
Avant de lever la séance, nous avons un peu de travail à faire. Comme vous le savez, en ce qui concerne l'étude sur les relations entre Facebook et le gouvernement fédéral, il y a un budget de 1 500 $ que nous devons entériner pour l'équipement nécessaire à la tenue de cette réunion.
Plaît-il aux membres du Comité d'approuver ce budget pour cette étude particulière? Ne voyant aucune dissension, le budget est approuvé.
Merci beaucoup à vous tous. Nous vous reverrons vendredi le 26.
La séance est levée.