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Monsieur le président, je comprends bien que le Comité fait de son mieux pour adopter rapidement ce projet de loi et le faire adopter par la Chambre des communes. Je crois cependant qu'il y a certains éléments à examiner au préalable.
Comme je l'ai déjà dit, l'article 3, et donc le nouvel article 4.1, a été retiré du projet de loi la semaine dernière. De ce fait, la nature du projet de loi a changé.
Le ministère de la Justice a fourni un énoncé concernant la Charte au nom du . Cet énoncé détermine si le texte législatif, en l'occurrence le projet de loi , serait conforme à la Charte des droits et libertés.
Cet énoncé est maintenant nul et non avenu, puisqu'une partie importante du projet de loi a été supprimée la semaine dernière. Cela étant, je crois que le Comité doit chercher à obtenir un autre énoncé concernant la Charte et à savoir si les droits des Canadiens garantis par la Charte sont bel et bien respectés dans les nouvelles dispositions du projet de loi.
J'attire l'attention du Comité sur quelques avis ou points de vue exprimés par des experts. L'ancien conseiller du CRTC Peter Menzies a notamment déclaré que ce projet de loi « ne se contente pas de porter atteinte à la liberté d’expression, il constitue une attaque en règle contre celle-ci et, à travers elle, contre les fondements de la démocratie ».
Monsieur le président, c'est une déclaration incroyablement accablante pour le projet de loi dans sa forme actuelle, étant donné que cette disposition a été supprimée la semaine dernière. J'estime donc que le Comité doit prendre la responsabilité de demander un autre énoncé.
Certains députés autour de cette table— et d'autres députés du parti au pouvoir quand la question a été soulevée à la Chambre des communes au cours de la période des questions — ont affirmé que les Canadiens ne devraient pas s'inquiéter, qu'on ne limiterait jamais leur liberté et ce qu'ils affichent sur les médias sociaux.
Mais, finalement, si ce n'est pas là, ce n'est pas là. Autrement dit, si la protection n'est pas garantie, il n'y a pas de protection. C'est aussi simple que cela. Si la garantie n'est pas énoncée dans le projet de loi, les Canadiens n'auront aucune protection.
C'est une activité régulière de leur vie quotidienne. On parle ici de vidéos de leur chat ou de leurs enfants, ou encore d'une conversation qu'ils ont eue avec un ami sur une plateforme de médias sociaux. C'est une nouvelle forme de place publique et, selon la Charte, notre droit à la liberté d'expression ne devrait pas être limité.
J'estime, comme beaucoup d'autres experts, qu'on le limite. Je crois donc que nous devons demander un nouvel énoncé concernant la Charte portant sur le texte actuel du projet de loi.
Je voudrais proposer une motion au Comité. Permettez-moi d'en faire lecture pour le compte rendu.
Elle se lit comme suit:
Considérant que la suppression de l'article 4.1. de la clause 3 du projet de loi C-10 étendrait l'application de la Loi sur la radiodiffusion aux émissions téléversées par des utilisateurs des services de médias sociaux, ce qui pourrait, par conséquent, entraver l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés;
et considérant que l’« énoncé concernant la Charte » actuel requis en vertu de l'article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice en ce qui concerne les effets potentiels du projet de loi C-10 stipule directement que « les utilisateurs de médias sociaux qui téléversent des émissions dans le but de les transmettre à d’autres utilisateurs et qui ne sont pas affiliés avec le fournisseur de services ne seront pas assujettis à la réglementation » dans le cadre de son argumentaire selon lequel le projet de loi C-10 respecte l'alinéa 2b) de la Charte; le Comité
a) demande au ministre de la Justice de produire un « énoncé concernant la Charte » mis à jour, en vertu de l'article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice, concernant les effets potentiels du projet de loi C-10, tel que modifié à ce jour, sur les droits et libertés qui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés;
b) invite le ministre du Patrimoine canadien et le ministre de la Justice à comparaître devant le Comité pour discuter des implications du projet de loi C-10, tel que modifié à ce jour, pour les utilisateurs des services de médias sociaux; et
c) suspende l'étude article par article du projet de loi C-10, nonobstant la décision du Comité du 26 mars 2021, jusqu'à ce qu'il ait reçu la mise à jour de l’« énoncé concernant la Charte » demandé en vertu du paragraphe a), et entendu les ministres, invités en vertu du paragraphe b).
Monsieur le président, c'est ce qui termine le texte de ma motion. Je répète à quel point il est essentiel que ce comité composé de législateurs fasse son travail de façon responsable et demande cet énoncé au .
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Merci, monsieur le président.
Je dirai d'abord que je suis tout à fait d'accord avec Mme Dabrusin. Le préambule de la motion expose une position que je n'approuve pas. Il s'agit d'une interprétation fautive de la suppression de l'article 3 du projet de loi. Je crois aussi, comme Mme Dabrusin l'a dit, que le projet de loi fera l'objet d'autres amendements. Il est donc illogique que nous nous arrêtions à chaque élément du projet de loi — car chacun risque de ne pas se retrouver dans le texte final — pour demander des énoncés à jour concernant la Charte.
Plus important, je vous invite à consulter le site Web du ministère de la Justice pour connaître les règles régissant les énoncés relatifs à la Charte.
Ces énoncés, créés par le gouvernement libéral, n'étaient prévus au départ que pour les projets de loi en matière de justice. Puis, le 13 décembre 2019, nous avons fait modifier la Loi sur le ministère de la Justice pour charger le ministre de la Justice de faire déposer au Parlement un énoncé concernant la Charte pour chaque projet de loi du gouvernement. Les énoncés concernant la Charte constituent une mesure de transparence visant à éclairer le débat parlementaire et public sur les projets de loi, et à accroître la sensibilisation et la compréhension de la Charte.
Le site Web dit explicitement:
Les énoncés concernant la Charte visent à fournir des informations au public et aux parlementaires. Bien qu'un projet de loi puisse changer au cours de son adoption par le Parlement, les énoncés concernant la Charte reflètent le projet de loi au moment de son dépôt et ne sont pas mis à jour.
Permettez-moi de répéter. Les énoncés portent sur le projet de loi dans sa forme initiale et ne sont pas mis à jour. On peut lire ensuite: « Les énoncés concernant la Charte ne constituent pas des avis juridiques sur la constitutionnalité d'un projet de loi. »
Pour de multiples raisons, monsieur le président, je suis donc contre la motion. Premièrement, la Loi ne prévoit aucune mise à jour des énoncés concernant la Charte. Ceux-ci « reflètent le projet de loi au moment de son dépôt et ne sont pas mis à jour ». Deuxièmement, parce que nous sommes au beau milieu de l'étude article par article, et que si l'énoncé devait être mis à jour à un moment donné pour quelque raison, si c'était permis, il serait logique de l'actualiser seulement à la fin du débat sur le projet de loi, une fois que tous les amendements auront été adoptés et que l'on connaîtra la version finale.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
C'est très astucieux.
Mme Dabrusin parle d'un nouveau paragraphe proposé dans le projet de loi pour protéger les utilisateurs. Elle songe sans doute au nouveau paragraphe 2(2.1), qui protège expressément les utilisateurs. La suppression du nouvel article 4.1 proposé concerne précisément les dispositifs que les utilisateurs utilisent pour téléverser du contenu.
Nous devons faire preuve d'une grande prudence. En fait, j'ai l'impression qu'on fait retomber sur les utilisateurs les conséquences de la réglementation. Elles touchent les émissions elles-mêmes. La prudence s'impose et, honnêtement, un nouvel énoncé concernant la Charte, un examen de cette question, pourrait avoir un effet énorme sur la suite de l'étude article par article.
Je suis conscient que, au fond, les libéraux veulent faire adopter le projet de loi à la hâte et en finir, parce qu'ils n'ont pas fait le travail au cours de leurs cinq premières années, mais j'estime qu'il nous incombe de faire très attention et de veiller à ce que la liberté d'expression des Canadiens, si fondamentale, ne soit aucunement entravée par les mesures que nous prenons ici.
C'est fondamental pour notre démocratie et notre mode de vie, et demander à un libéral de la Justice de l'examiner est, à mon avis, un compromis très raisonnable pour nous assurer, pendant la suite de l'étude article par article, que nous ne portons aucunement atteinte à la liberté d'expression fondamentale des Canadiens...
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Monsieur le président, pour revenir à ce que disait Mme Dabrusin, il y avait au départ deux articles du projet de loi qui portaient sur les particuliers. L'un concernait les utilisateurs individuels et l'autre les dispositifs qu'ils pourraient utiliser pour téléverser le message ou le contenu qu'ils souhaitent communiquer.
L'article portant sur les utilisateurs est toujours intact. Celui qui porte sur les dispositifs utilisés par eux a été supprimé. Si une personne utilisait YouTube, Facebook, TikTok ou Twitter, elle serait tenue, dans leur utilisation, de respecter les règlements du CRTC. C'est une atteinte directe à leur liberté.
Je ne suis pas nécessairement seule à défendre cette position. En fait, lorsque Mme Dabrusin a proposé pour la première fois que l'article 3 soit retiré du projet de loi, M. Owen Ripley a formulé des observations à ce sujet. M. Owen Ripley, faut-il le rappeler, est à la tête de la Direction générale de la radiodiffusion, du droit d'auteur et du marché créatif, à Patrimoine canadien. Voici ses propos: « [...] comme Mme Dabrusin l'a signalé, le gouvernement a l'intention d'abroger l'article 4.1 ».
À ce moment-là, ce n'était qu'une intention. On y a maintenant donné suite.
Il a enchaîné:
[...] ce qui signifie qu'il n'y aurait plus d'exclusion pour les services de médias sociaux.
Il a expliqué:
Pour la gouverne du Comité, lors de nos séances précédentes, l'exclusion pour les utilisateurs individuels des entreprises de médias sociaux a été maintenue. Autrement dit, lorsque vous ou moi téléchargeons quelque chose sur YouTube ou un autre service de partage, nous ne sommes pas considérés comme des radiodiffuseurs aux fins de la Loi. Nous ne pourrions donc pas être convoqués devant le CRTC et nous ne pourrions pas faire l'objet d'audiences du CRTC, par exemple.
Toutefois, M. Ripley a ajouté que, si l'exclusion est supprimée et que l'article 4.1 est abrogé, comme il l'a été la semaine dernière, « le contenu que nous téléchargeons sur YouTube, le contenu que nous diffusons sur ce service, serait assujetti à la réglementation à l'avenir, mais la responsabilité en incomberait à YouTube ou à un autre service de partage. » Il est très important de noter les termes qu'il a employés: « [...] il serait assujetti à la réglementation à l'avenir ». C'est ce qu'il a dit, et c'est un expert.
Mme Dabrusin a tort d'essayer d'induire le Comité en erreur, et le gouvernement a tort d'essayer d'induire les Canadiens en erreur en leur faisant croire qu'ils ne seraient pas touchés par ce changement. Si les députés ministériels n'ont pas peur que cette mesure soit contestée, pourquoi ne pas accepter un énoncé concernant la Charte modifié à la lumière du changement qui a été apporté la semaine dernière?
Évidemment, M. Ripley n'est pas le seul à avoir fait ce genre d'observation. En plus de lui, l'ancien commissaire du CRTC, Peter Menzies — et j'espère que si nous sommes disposés à écouter quelque expert, nous voudrons entendre celui-ci — a dit que ce projet de loi, « ne se contente pas de porter atteinte à la liberté d'expression, il constitue une attaque en règle contre celle-ci et, à travers elle, contre les fondements de la démocratie. » C'est une affirmation extrêmement forte.
M. Menzies a également déclaré: « Il est difficile d'envisager les niveaux de présomption morale ou d'incompétence, ou les deux, qui pourraient amener des gens à croire qu'une telle violation des droits est justifiable. »
Monsieur le président, c'est un énorme problème. Il est effrayant de constater que le Comité ne se soucie guère, voire pas du tout, de protéger les droits des Canadiens garantis par la Charte.
Nous aimons la Charte. Nous, députés, l'affichons fièrement sur nos murs. Nous en parlons avec passion à la Chambre des communes. Nous la défendons avec rigueur. C'est du moins ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Il est honteux de faire comme s'il s'agissait simplement d'un texte d'application facultative plutôt que de la loi suprême du pays.
Il est mal de prétendre que nous pouvons simplement aller de l'avant, que ce n'est pas grave ou que nous allons attendre jusqu'à la fin, ce qui n'est probablement pas vrai. C'est tellement mal. Les Canadiens méritent mieux. Ils méritent que leurs droits garantis par la Charte soient protégés. Ils méritent que les membres du Comité veuillent y voir plus clair.
Michael Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa et titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, a déclaré: « Le gouvernement croit qu'il devrait réglementer tout le contenu provenant des utilisateurs, en laissant à l'organisme de réglementation le soin de déterminer les conditions auxquelles les vidéos de millions de Canadiens pourront se retrouver sur des sites comme YouTube, Instagram, TikTok et des centaines d'autres services. »
C'est un expert dans le domaine, et voilà ce qu'il dit. Il lance un grand signal d'alerte parce que cet élément du projet de loi a été retiré la semaine dernière, ce qui a fait disparaître une protection pour les consommateurs et leur utilisation des médias sociaux, pour le contenu qu'ils téléversent sur les différentes plateformes à leur disposition. Aller de l'avant sans tenir compte des propos de l'ancien commissaire du CRTC, Peter Menzies, ou de Michael Geist, un expert en la matière, ou encore de M. Owen Ripley, directeur général de la Direction générale de la radiodiffusion, du droit d'auteur et du marché créatif, et prétendre que de simples députés savent mieux que quiconque à quoi s'en tenir, voilà qui est incroyablement outrecuidant et irresponsable de notre part.
Nous avons ici l'occasion de faire ce qu'il faut. Je ne comprends pas pourquoi des députés s'y refuseraient. Pourquoi ne pas marquer un temps d'arrêt pour demander un énoncé concernant la Charte? Nous n'en demandons pas plus. Si, selon l'énoncé, il n'y a pas de problème et le projet de loi est conforme à la Charte des droits et libertés, alors je suppose que le gouvernement aura la prérogative de le faire adopter, s'il a les appuis voulus à la Chambre des communes.
Le but de l'étude article par article est d'analyser soigneusement le projet de loi dont un comité est saisi, de poser de bonnes questions, d'obtenir des éclaircissements et de veiller à s'y prendre correctement et à agir dans l'intérêt supérieur des Canadiens. À l'heure actuelle, à la lumière de ce qu'ont dit les experts que j'ai énumérés, je crains que le projet de loi, dans sa forme actuelle, avec les amendements qui ont été apportés, n'aille trop loin et n'empiète sur les droits et libertés des Canadiens.
Ma requête est très simple. Je demande respectueusement que nous marquions un temps d'arrêt, que nous demandions un énoncé, que nous allions de l'avant après l'avoir reçu et que nous le fassions dans l'intérêt supérieur des Canadiens, en luttant pour leur liberté, en défendant leur voix et, en fin de compte, en respectant ce qui s'appelle la Charte canadienne des droits et libertés, elle qui, au paragraphe 2b), protège la « liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression ». Cette pensée, cette croyance, cette opinion et cette expression ont leur place dans la réalité dite « non virtuelle » et dans la réalité que nous qualifions de virtuelle, comme les plateformes de médias sociaux ou les applications. Nous devons défendre et protéger ce droit, et nous ranger du côté des Canadiens et de la loi suprême de notre pays.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais intervenir relativement à la demande, que je considère comme tout à fait légitime, de Mme Harder.
Nous sommes partis d'une volonté de revoir la Loi sur la radiodiffusion, qui date de nombreuses années. Dès le départ, tout le monde souhaitait collaborer avec le gouvernement. Les intervenants qui sont venus nous parler nous ont fait part de leurs préoccupations. Ils nous ont parlé des éléments du projet de loi avec lesquels ils étaient en accord ou en désaccord, ou de ceux qui devaient être modifiés, à leur avis.
De façon unanime, tous les membres du Comité, tous partis confondus, ont accepté de donner aux députés le privilège de s'exprimer à la Chambre sur ce projet de loi, que certains jugeaient mauvais à la base ou qui soulevait des préoccupations. Les membres du Comité ont même accepté de procéder à une préétude du projet de loi en comité, pour ne pas retarder le processus. Les libéraux ont laissé sous-entendre dans les médias que nous avions essayé de retarder l'étude du projet de loi, mais c'était faux. Il avait été convenu que le Comité commencerait à étudier l'objet du projet de loi et que, une fois le débat à la Chambre terminé, le Comité prendrait en considération l'information recueillie pour entamer son étude officielle du projet de loi.
Tout le monde était prêt à collaborer, dans l'objectif que les grands joueurs du monde numérique, comme Netflix, soient réglementés de la même façon que nos radiodiffuseurs canadiens conventionnels, comme on aime si bien les appeler. Tout le monde partageait cet objectif sain et louable, au départ.
Ensuite, plusieurs personnes ont reproché au gouvernement de ne pas avoir assujetti les GAFA de ce monde, soit les compagnies comme Facebook, à l'obligation de redistribution de l'argent. On lui a également reproché de ne pas avoir inclus dans le projet de loi le mandat de Radio-Canada. Il y a aussi toute la question des discours haineux sur les réseaux sociaux, que le propose d'aborder par l'entremise d'un autre projet de loi qui sera déposé plus tard.
Malgré tout cela, nous avons fait notre travail. Des experts sont venus témoigner devant le Comité. Nous avons ensuite entamé, il y a déjà quelques semaines, l'étude article par article du projet de loi. Si mon calcul est bon, environ 118 amendements ont été déposés par l'ensemble des partis: 37 par le Parti vert, 37 par le Bloc québécois, 27 par le gouvernement lui-même et par les députés libéraux membres du Comité, 14 par le NPD et 13 par nous-mêmes, du Parti conservateur. Je répète, c'est quelque 118 amendements. Cela démontre que ce projet de loi comportait plusieurs lacunes dès le départ. Tous les membres du Comité collaborent pour trouver un compromis acceptable, en proposant des sous-amendements. Il s'agit également de régler la question du contenu canadien en français, qui a été soulevée par tout le monde, comme vous le savez.
Or, ce qui s'est produit vendredi dernier a été un choc pour tout le monde, je dirais. Personne n'a rien vu venir. Bien que les comités soient réputés indépendants, le , par l'intermédiaire de sa et des autres députés libéraux qui le représentent au Comité, a décidé de supprimer un article complet du projet de loi, ce qui aura des conséquences sur les utilisateurs et les influenceurs du Web, notamment. Les gens ne se rendent pas compte de cela. On commence à peine à en parler. Je peux vous dire que les médias québécois ne parlent pas beaucoup de ce qui se passe en ce moment. Pourtant, la liberté d'expression et les fondements mêmes de la Charte canadienne des droits et libertés sont en jeu pour tous les utilisateurs, les influenceurs, les youtubeurs, les gens qui ont une petite chaîne sur YouTube, qui font ce travail comme emploi secondaire ou par passion. En supprimant cet article complet, on vient de donner un pouvoir de réglementation au CRTC.
J'ai beaucoup de respect envers Mme Dabrusin. Elle répète ce que le a dit lors de la période de questions, soit que ce n'était pas l'intention du gouvernement, et je veux bien le croire. Si c'est le cas, le gouvernement n'aurait pas dû en arriver à cette décision, parce qu'on ne parle plus du tout de la même chose, maintenant. Ce n'est plus un projet de loi qui vise à soumettre les grands joueurs numériques à la même réglementation que les radiodiffuseurs conventionnels. On vient d'ouvrir une brèche sans mettre aucune balise, en donnant le plein pouvoir au CRTC, lequel échappe à notre contrôle. En effet, dès que nous avons quelque chose à dire contre cet organisme, on nous répond que, puisqu'il est indépendant, il faut l'écouter et le laisser faire son travail.
À la base, notre travail est de nous assurer que le projet de loi permettra d'imposer un cadre serré afin de protéger la Charte canadienne des droits et libertés, ce qui devrait constituer la raison d'être de tout parlementaire à la Chambre des communes.
Certains pourraient se demander s'il s'agit d'une tentative de l'opposition pour empêcher l'adoption du projet de loi. Or, ce n'est pas du tout le cas. Ce qui ressort du coup de sonde qui a eu lieu cette semaine nous provient d'experts. Mme Rachael Harder en a nommé certains, dont je ne vais pas citer de nouveau les propos, mais parmi eux se trouve M. Michael Geist, professeur émérite en droit de l'Université d'Ottawa. Certains pourraient se demander si ce professeur fait du zèle quant au projet de loi, mais non. Je suis désolé de vous décevoir, mais il est très reconnu dans son domaine. Il est tellement reconnu que, en fouillant dans le registre des programmes de subventions visant à soutenir la recherche et les professeurs dans leurs travaux, j'ai trouvé que le gouvernement libéral avait remis à ce professeur plusieurs centaines de milliers de dollars. Je ne dis pas qu'il a reçu de l'argent auquel il n'avait pas droit. Au contraire, il en a reçu en raison de son expertise dans le domaine. En 2020, plus précisément le 1er avril, le 15 août, le 8 février et le 1er septembre, il a reçu plus d'une centaine de milliers de dollars pour réaliser des travaux. C'est donc un expert crédible qui envoie un signal d'alarme en disant clairement que nous avons devant nous « le gouvernement le plus anti-Internet de l'histoire du Canada ». Sans être un expert dans le domaine, je dis que tout cela envoie un signal d'alerte jaune, qui s'approche même de l'alerte rouge. En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité d'appuyer sur le frein et d'examiner la situation.
À cela s'ajoute ce qu'a dit M. Menzies, ancien commissaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, dont la réputation dans le domaine est sans faille.
J'aimerais également porter à l'attention de tous les membres du Comité et des gens qui nous écoutent que M. Daniel Bernhard, directeur général des AMIS de la radiodiffusion, qui est venu nous parler à quelques reprises, envoie des signaux d'alerte depuis le début. D'ailleurs, je vous invite à consulter la page 3 du rapport que l'organisme a déposé au Comité. Avant même que nous commencions à proposer des amendements, l'organisme mettait déjà en lumière le risque que représentait la suppression de l'article 4.1 que le projet de loi proposait d'ajouter à la Loi sur la radiodiffusion. En le supprimant, nous avons enlevé par la force des choses un élément essentiel de protection des citoyens et des citoyennes de partout au pays qui utilisent le Web.
C'est sans compter la panoplie d'experts, de professeurs d'université et d'analystes politiques qui, depuis le début de la semaine, agitent des drapeaux non pas jaunes, mais rouges, pour dire qu'en acceptant la suppression de cet article, on vient d'ouvrir une brèche.
Sauf tout le respect que j'ai pour tous mes collègues, je considère que la demande de Mme Harder est tout à fait légitime. Elle ne comporte rien de partisan. Il s'agit de demander au , lui-même membre du Parti libéral, de déposer un nouvel énoncé concernant la Charte, à la suite de celui où il avait lui-même écrit que le projet de loi présentement à l'étude devait permettre de protéger les utilisateurs.
J'ose croire que notre comité, dont les membres collaborent depuis le début, aura la sagesse de dire qu'il a commis une erreur. Si le est de bonne foi et que, comme il l'affirme, les conséquences de la suppression de cet article ne sont pas celles qu'il souhaitait, revenons sur notre décision. Cela n'empêchera pas de faire avancer les choses, car je ne pense pas que nous en soyons à une semaine près de faire adopter le projet de loi . Cela fera bientôt six ans que le gouvernement libéral est en place. Pendant cette période, il a prorogé le Parlement. Le Comité a tout fait pour que tout tourne rondement. Aucune minute n'a été perdue dans le processus législatif. L'ensemble des membres du Comité, je tiens à le souligner, a cherché à faire avancer ce projet de loi.
J'espère que le va arrêter de faire un peu de démagogie comme il le fait en laissant sous-entendre que nous aurions dit des choses par le passé alors que c'était faux. Dès le départ, le ministre nous a dit que les GAFA allaient être visées par le projet de loi, ce qui était complètement faux. Aujourd'hui, en essayant de vouloir corriger une erreur, il en a créé une autre en demandant au Comité de supprimer l'article 4.1 proposé.
Je le répète, si nous voulons que les choses tournent rondement, permettons simplement l'adoption de cette motion. Ainsi, nous pourrons demander au de nous fournir une mise à jour de l'énoncé concernant la Charte, d'une part, et écouter ce qu'ont à nous dire le et le , d'autre part. Nous pourrons ensuite reprendre notre travail en vue d'adopter le projet de loi sur la radiodiffusion afin que les grands joueurs du monde numérique soient soumis au même cadre réglementaire que nos radiodiffuseurs dits conventionnels.
Madame Harder, je vous remercie de votre expertise et de votre travail. J'espère que ce message que vous nous envoyez permettra au Comité de prendre une sage décision, celle qui sera la bonne.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Vous n'ignorez pas que je suis un ancien radiodiffuseur, comme beaucoup de membres du Comité.
Nous savons tous, du côté du gouvernement ou de l'opposition, que le projet de loi devait être mis à jour. La Loi n'avait pas été actualisée depuis plus de 30 ans. En fait, Internet n'existait même pas la dernière fois qu'un projet de loi portant sur cette loi a été présenté. Ces derniers mois, nous avons tous parlé du projet de loi à l'étude.
Il a été intéressant d'entendre tous les intervenants. C'est tout ce que je vais dire. Les intervenants examinent ce projet de loi depuis cinq ans. Ils veulent que le Comité produise une bonne mesure législative pour pouvoir s'y référer et suivre les règlements.
Nous savons que les radiodiffuseurs traditionnels — nous les avons entendus au Comité — éprouvent de graves difficultés au Canada. Peu importe qu'on soit un grand fournisseur de télévision et de radio comme Bell ou Rogers ou une station de radio locale à Kamloops ou ailleurs, on sait que le projet de loi est important pour l'industrie à l'heure actuelle.
Ce n'est pas seulement à cause de la COVID-19, même si elle a ralenti un peu les affaires, mais, monsieur le président, en tant qu'ancien radiodiffuseur, je pense que vous conviendrez aussi que le paysage de ce secteur a changé radicalement. À cause d'Internet. À cause des lecteurs numériques. Nous le savons tous. Bon nombre d'entre nous, au Canada, ne sont plus abonnés au câble. Nous avons vu les chiffres baisser, et peut-être pour une bonne raison. Les consommateurs reçoivent maintenant leurs informations de Facebook. Ils savent ce que font leurs familles partout au Canada grâce à Facebook.
Lorsqu'on demande un énoncé concernant la Charte à ce sujet... Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j'ai reçu pas moins de 200 à 300 appels et courriels cette semaine, surtout depuis vendredi dernier, de la part d'électeurs qui s'inquiètent vraiment des droits et libertés des Canadiens.
Beaucoup d'entre nous téléversent des messages destinés à leur famille. Dans ma déclaration... J'ai un frère à Vancouver que je n'ai pas vu depuis quatre ou cinq ans. J'ai actuellement un neveu qui a été engagé par les Raiders de Prince Albert. Je vais vous en dire un mot. Il y a eu une bulle à Regina. J'aurais peut-être pu aller voir mon neveu jouer. Il y avait un programme de 24 parties à Regina. Je n'ai pas pu y aller à cause de la COVID, ce que je comprends.
Comment puis-je communiquer avec mon neveu, Niall Crocker, et sa famille? Il n'y a pas que moi. Toutes les familles au Canada en sont là. Ils veulent avoir la liberté au plan social de faire un peu de ce que nous faisons depuis des années.
Lorsque l'article 4.1 proposé a été supprimé, vendredi dernier, et que la donne a changé soudain du tout au tout... Dieu du ciel... Nous sommes entrés en territoire inconnu. Inconnu parce que, lorsqu'un ancien président du CRTC lance un avertissement... Je peux vous dire que l'actuel président du CRTC, Ian Scott, a lu sa déclaration. Ce que nous ne voulons pas, en tant que législateurs, c'est que le CRTC, dont les membres ne sont pas élus, dise aux Canadiens ce qu'ils peuvent téléverser ou pas sur Internet, par exemple.
Michael Geist avait raison. Tous les journaux au Canada — pas seulement les journaux du Sun, mais aussi le National Post, le Toronto Star, le Globe and Mail et ainsi de suite — se sont vraiment mobilisés cette semaine autour de cet enjeu, car il est important pour les Canadiens. Comme nous le savons, l'industrie des journaux au Canada est en difficulté.
Je dirais ceci, en tant qu'ancien radiodiffuseur: ils ont probablement reçu plus de commentaires cette semaine à cause de ce projet de loi que de tout autre projet de loi d'initiative ministérielle qui a été débattu au Parlement au cours des deux dernières semaines. Ils savent que c'est une violation des droits.
Je suis d'accord avec Mme Harder et M. Rayes. Nous devrions peut-être obtenir un avis juridique du sur l'énoncé concernant la Charte qui traiterait des droits et libertés.
La situation est vraiment difficile pour les Canadiennes et les Canadiens, parce qu'ils ont été confinés, monsieur le président, et vous le savez mieux que quiconque, vous qui êtes de retour dans les Maritimes. Dans notre pays en particulier, nous luttons contre les anti-masques et contre les vaccino-sceptiques, et voilà tout d'un coup que ce projet de loi est diffusé depuis vendredi dernier, mais surtout depuis cinq jours, en une période où les gens sont à bout. Ils veulent que les droits et libertés qui ont éventuellement été réduits soient rétablis. Ce projet de loi, après la suppression proposée vendredi dernier de l'article 4.1, réduit les droits. Vous ne le direz peut-être pas, mais c'est cela.
Il me suffit de savoir qu'un ancien président du CRTC agite un drapeau rouge avant même que nous n'ayons terminé notre étude article par article pour avoir conscience du problème. M. Menzies a été un président respecté du CRTC pendant des années. Je suis certain que M. Scott, qui est en poste, a discuté de ce qui se passe au Comité.
Je tiens à remercier M. Ripley et tout le personnel de Patrimoine canadien. Vous avez été magnifiques lors de l'étude article par article, vous nous avez donné une opinion sur nos amendements et nous avez donné une idée de ce qu'il faut inclure dans ce projet de loi, parce que nous n'aurons qu'une seule chance de le faire. Il a fallu 31 ans pour renouveler la Loi, et il faudra peut-être encore 31 ans pour changer les choses.
Les parties prenantes surveillent la situation. Nous le savons. Nous recevons encore des courriels des parties prenantes qui réclament des rencontres individuelles. J'en reçois quotidiennement de tout le monde, en particulier à la suite de ce qui s'est passé vendredi dernier, quand le gouvernement a supprimé l'article 4.1.
Je vais m'arrêter ici. Je pense que nous devons marquer un temps d'arrêt. Nous pourrons obtenir des éclaircissements du . J'ai vu des citations dans les journaux. Adoptons un projet de loi qui se tienne. C'est ce pour quoi nous sommes ici et c'est ce pour quoi nous avons été élus. Nous avons été élus pour faire ce qui s'impose pour les Canadiens, c'est-à-dire présenter un projet de loi qui doit être mis à jour. Les 11 membres du Comité conviennent tous que ce projet de loi doit être bon.
Quand on songe à ce qui s'est passé la semaine dernière avec les Canadiens en colère à propos de ce projet de loi — et on a assisté à une levée de bouclier —, je pense qu'il nous fallait y voir un message nous invitant à commencer par obtenir une interprétation du , qu'elle soit bonne ou mauvaise, après quoi nous pourrons aller de l'avant avec ce projet de loi.
Nous sommes tous d'accord au Comité. Nous nous sommes bien entendus, et nous continuons de nous entendre, et nous voulons que ce projet de loi sur la radiodiffusion soit bon. Je ne vois aucun problème à marquer un temps d'arrêt, à obtenir une précision, puis à reprendre cette étude et à poursuivre notre travail. Il nous reste sept ou huit semaines à la Chambre des communes. Quelle différence y a-t-il si nous présentons ce texte le 10 mai ou le 10 juin? La différence, c'est que nous ferions mieux de bien faire les choses. Les Canadiens comptent sur nous pour bien faire les choses.
C'est ce que j'avais à dire, monsieur le président. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
Merci.