Un certain nombre d'articles ont été rédigés au sujet de l'amendement proposé. Ces articles contiennent des entrevues avec M. Geist, l'ancien commissaire du CRTC Peter Menzies, qui a été cité, et d'autres personnes qui ont une longue expérience de l'examen minutieux de ces questions et qui sont en mesure d'offrir des opinions crédibles.
Dans une publication ou un article particulier, M. Michael Geist fait valoir ce qui suit:
Hier soir, lors d'une réunion quelque peu étrange du Comité permanent du patrimoine canadien, la députée libérale Julie Dabrusin a présenté l'amendement promis. Cependant, plutôt que de confirmer que le contenu téléversé sur les médias sociaux ne sera pas considéré comme de la programmation au sens de la Loi sur la radiodiffusion, il fait exactement le contraire. Premièrement, le nouvel amendement ne rétablit pas l'exception de l'article 4.1 qui avait été présentée comme une protection contre la réglementation du contenu généré par les utilisateurs.
L'amendement ne rétablit pas cette protection. M. Geist poursuit:
Deuxièmement, non seulement la réglementation du contenu généré par les utilisateurs reste en place...
En d'autres termes, une atteinte directe à nos droits et libertés...
... mais l'amendement confirme les pouvoirs de réglementation du CRTC, y compris un nouveau pouvoir visant expressément les médias sociaux.
C'est intéressant. On a fait croire à ce comité, et au public canadien, que ces amendements apporteraient en quelque sorte une plus grande clarté et une plus grande protection, mais en fait, M. Geist affirme que c'est le contraire. Il dit en fait que les nouveaux pouvoirs visent expressément à faciliter une réglementation encore plus poussée du contenu des médias sociaux.
Monsieur le président, je comprends que je ne peux pas dire carrément que la députée ou que le essaie carrément d'induire en erreur le public canadien, mais je peux dire que, d'après ce que je lis, d'après les éléments probants, il semblerait bien que ce soit le cas. Je trouve cela préoccupant, très préoccupant, même.
Je trouve très préoccupant que l'on nous dise que des amendements sont présentés pour rendre la réglementation limpide, alors que — ne l'oubliez pas — ces amendements n'étaient même pas nécessaires. La mesure législative était parfaitement correcte auparavant. Néanmoins, des amendements ont été proposés afin de la rendre limpide, et ces amendements limpides semblent la rendre plus confuse que jamais.
C'est le chaos, et ce ne sont même pas mes mots. Ce sont ceux des experts. M. Geist demande qu'on mette le holà à ce projet de loi et qu'on le refasse.
Il poursuit en disant ce qui suit:
En d'autres termes, plutôt que de faire marche arrière face aux critiques du public, le gouvernement redouble d'efforts dans ses projets de réglementation d'Internet.
Encore une fois, il s'agit de M. Michael Geist. C'est un expert dans ce domaine. J'apprends beaucoup de lui. Il m'aide à comprendre cette mesure législative. Je lui en suis très reconnaissante, car elle est certainement compliquée. Je peux voir en quoi les membres du Comité et le public canadien pourraient trouver le libellé du projet de loi difficile à comprendre dans sa forme actuelle, ainsi que les amendements qui sont proposés. Cependant, je crois qu'il est important de se tourner vers des experts comme M. Michael Geist et de se fier aux renseignements qu'ils fournissent.
Ce qu'il dit, c'est que cette réglementation, les amendements qui ont été présentés, ferait en sorte que — et insisterait même pour que — les plateformes de médias sociaux donnent la priorité à certains contenus par rapport à d'autres.
En d'autres termes, le gouvernement donnera des consignes au CRTC, qui demandera aux plateformes de médias sociaux de privilégier certains contenus par rapport à d'autres. Si vous aimez les chiens, les vidéos de chiens peuvent rester. Si vous n'aimez pas les chats, les vidéos de chats doivent disparaître. Peut-être n'aimez-vous pas vraiment une politique proposée par le Parti libéral du Canada. Nous ne voulons pas que vous vous exprimiez à ce sujet, alors cette vidéo doit être retirée. Peut-être que vous voulez entendre les gens parler de l'importance de planter des peupliers, alors cette vidéo peut rester en place.
Je comprends que l'un des députés en particulier en rit, mais je ne sais pas si c'est risible. Je ne sais pas si c'est risible de s'en prendre aux droits garantis par la charte des droits des Canadiens, de leur imposer une mesure réglementaire qui ne permettrait qu'à certaines publications de rester affichées et qui insisterait pour que d'autres soient retirées.
Je ne sais pas si les Canadiens trouvent que c'est drôle. Je pense qu'ils accordent de l'importance aux droits garantis par la Charte. Je pense, en particulier, qu'ils...
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Merci, monsieur le président.
Je serais heureuse de poursuivre. Merci. Je l'apprécie.
Comme je le disais, dans les pays libres, la notion que le contenu partagé par des particuliers dans les médias sociaux ne devrait pas être réglementé est très répandue, car dès qu'il est réglementé, nos libertés sont restreintes. C'est le premier pas sur la voie de la censure, où l'on décide de ce qui peut et ne peut pas être dit, de ce qui peut et ne peut pas être exprimé, de ce que l'on peut ou non penser ou ressentir, de ce que l'on peut ou non aimer.
Le gouvernement parle de contenu canadien. Il parle aussi de protéger la « culture sociale » ou la « culture canadienne ». Qui définit ces concepts? Je me le demande. Qui sera le juge de ce qui protège la culture canadienne? Depuis quand la Charte canadienne des droits et libertés n'est-elle plus l'une des plus grandes protections offertes à la culture canadienne? Si nous voulons vraiment protéger la culture canadienne, ne faut-il pas avant tout s'assurer de respecter la Charte? Et dans ce cas, ne devrions-nous pas permettre aux Canadiens d'exprimer librement leurs points de vue, d'avoir leurs propres croyances et de téléverser une vidéo sur un site s'ils le souhaitent?
Je comprends, quand nous allons plus loin et en venons à gérer des choses comme le discours haineux... Je comprends cela. C'est pour cette raison que le Code criminel existe. Le Code criminel protège les personnes contre le discours haineux et ce genre de choses. Ce dont il est question aujourd'hui, toutefois, c'est le contenu que des particuliers téléversent sur leur page dans les médias sociaux, qui constituent le nouvel espace public. C'est là qu'ils ont des conversations avec leurs amis, avec les membres de leur famille et avec la population en général. Le contenu qu'y téléversent ces personnes, ce qu'elles y disent, les vidéos qu'elles y partagent, les croyances qu'elles y expriment, ne devrait pas être réglementé. Toutefois, c'est ce qu'exigerait ce projet de loi.
Beaucoup ont souligné l'incidence du projet de loi sur la liberté d'expression et le fait qu'il soulève beaucoup de questions quant aux droits garantis par la Charte.
Ce serait donc une erreur de poursuivre l'examen de ce projet de loi dans sa forme actuelle, car nous envisagerions cette législation telle quelle. De multiples experts sur le sujet, y compris d'anciens commissaires du CRTC, ont déjà clairement dit que cette législation va trop loin, qu'elle viole les droits et libertés des Canadiens.
De proposer la poursuite de notre examen pour, après celui-ci, demander un énoncé concernant la Charte, et encore là, une fois cet énoncé en main... Il ne serait pas nécessairement possible de revenir sur un amendement. Il n'est pas garanti que nous puissions y apporter des changements, puisqu'il faut le consentement unanime des membres pour ce faire.
Les Canadiens ne veulent pas que nous procédions de la sorte. Les Canadiens ne veulent pas que nous soyons incapables d'agir, et c'est exactement ce qui se passerait. Nous aurions les mains liées.
Il est préférable d'obtenir l'énoncé concernant la Charte dès maintenant, avant de poursuivre nos travaux. Si nous l'obtenons maintenant, si nous demandons un avis juridique avant de poursuivre nos travaux, nous aurons l'occasion d'examiner le projet de loi en fonction de ce précédent. Nous pourrions ensuite apporter les changements nécessaires au fur et à mesure. Ainsi, nous protégerions adéquatement les précieuses libertés des Canadiens.
Il nous incombe d'appliquer les freins. Il nous incombe d'obtenir cette mise à jour de l'énoncé concernant la Charte, maintenant que l'article 4.1 proposé a été retiré et vu les changements majeurs qui découlent de cette décision. Les Canadiens le méritent. Les Canadiens méritent de se faire entendre. Mais surtout, les Canadiens méritent qu'on protège leurs droits et libertés. Les Canadiens méritent d'avoir la capacité d'exprimer librement leurs points de vue et leurs croyances, puis d'être en mesure de participer à ce qui est maintenant le nouvel espace public.
Ils devraient être en mesure de le faire, sans que leur contenu soit passé au peigne fin, réglementé, retiré ou rétrogradé sur la liste des priorités d'après ce qui a été décidé par le CRTC ou par qui que ce soit au sein du CRTC qui deviendrait le grand manitou de la vérité. Les Canadiens méritent mieux que cela.
La motion devant moi, qui demande que nous poursuivions nos travaux et qui nous assure que, à la fin de ceux-ci, on demandera un énoncé concernant la Charte et que le Comité aura l'occasion de recevoir le et le dès que possible pour discuter de la version mise à jour de l'énoncé concernant la Charte, eh bien, cette motion, elle ne suffit pas. Ce n'est tout simplement pas assez. Elle ne suffit pas pour les Canadiens. Ils méritent mieux.
Plutôt que de poursuivre avec cette motion, ou plutôt que de voter en faveur de cette motion, devrais-je dire, je propose de demander l'énoncé concernant la Charte dès maintenant, avant de poursuivre les travaux, plutôt que d'attendre à la fin de l'examen.
Je crois que j'ai terminé pour l'instant.
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Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur la motion de mon collègue M. Housefather.
Comme je l'ai déjà dit lors d'une autre intervention, j'aime beaucoup M. Housefather, et pas seulement parce qu'il est Québécois et Canadien. L'ouverture dont il fait preuve dans le cadre des différents débats et sa volonté de travailler en partenariat ont souvent été soulignées par des députés de tous les partis à la Chambre des communes. Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes toujours d'accord. Je le vois sourire; il sait ce qui s'en vient. Je n'ai pas que des fleurs à lui offrir, mais je ne vais pas lui lancer le pot, non plus.
Avant de commencer, je veux revenir sur le fait qu'il a invoqué le Règlement pour souligner que, n'eût été le temps qu'avait pris ma collègue pour intervenir, le Comité aurait déjà pu se prononcer sur sa motion, et même sur celle de Mme Harder, le cas échéant. J'aimerais lui dire deux choses. Premièrement, nous aurions bien voulu nous prononcer sur la motion de Mme Harder, mais les libéraux ont mis fin au débat en proposant une motion d'ajournement. Alors, nous n'avons même pas eu l'occasion de le faire. Deuxièmement, nous demandons depuis le début que les travaux du Comité soient suspendus, en attendant que le nous fournisse un nouvel avis et que les deux ministres comparaissent devant le Comité. Si cette proposition avait été acceptée, nous aurions déjà le nouvel avis du ministre et nous serions déjà en train de travailler sur les amendements au projet de loi, c'est-à-dire de faire l'étude article par article du projet de loi.
Par contre, ce n'est pas la décision que le Comité a prise. On a proposé une motion d'ajournement afin de mettre fin à la discussion sur la motion de Mme Harder, et ce, même si le NPD et le Bloc québécois avaient proposé un amendement afin d'imposer un délai au ministre pour qu'il nous soumette rapidement un nouvel avis, pour que nous puissions continuer nos travaux.
Nous voilà maintenant devant une nouvelle motion. Certains ont l'impression qu'il s'agit d'un compromis acceptable relativement à la proposition de Mme Harder. La motion nous permettrait de continuer le travail du Comité et ainsi éviter de ralentir le processus. De plus, en fonction du nouvel avis du ministre, nous aurions l'occasion, à la toute fin du processus, de proposer de nouveaux amendements, au besoin.
Cela dit, Mme Harder a souligné l'une des grandes lacunes de la motion de M. Housefather. Sincèrement, je ne crois pas que M. Housefather ait été de mauvaise foi. Selon moi, lorsqu'il a présenté sa motion, il souhaitait réellement trouver un compromis acceptable, pour que nous puissions revenir à l'étude article par article de ce projet de loi. Il reste qu'un élément a été oublié, bien que je sois convaincu que ce n'était pas intentionnel. En lisant La procédure et les usages de la Chambre des communes — le gros livre vert —, nous avons trouvé cette faille.
La motion propose que nous travaillions ensemble sur les amendements avant même d'avoir obtenu l'avis du à propos de l'élément central du présent débat, soit la suppression de l'article 4.1 initialement proposé. Après avoir terminé notre travail, si, à la lumière de l'avis du ministre et malgré tous les amendements qui auront été adoptés ou rejetés, nous constatons que des failles réelles subsistent dans le projet de loi, nous pourrons alors apporter d'autres amendements au projet de loi. Or, étant donné que le consentement unanime est nécessaire pour revenir sur un amendement, les députés du gouvernement ou d'un autre parti auront le pouvoir de bloquer le processus.
Je pense que c'est là que réside la grande faille de la motion. On ne met pas les travaux sur pause, le temps d'obtenir l'avis du et d'entendre son témoignage ainsi que celui du , comme cela avait été demandé. De plus, la motion n'impose pas de délai pour éviter que les choses s'étirent trop longtemps. En effet, un tel délai permettrait à nos travaux d'avancer rondement, comme c'était le cas avant le moment fatidique où l'on a supprimé l'article 4.1 proposé à l'article 3 du projet de loi.
Par ailleurs, je tiens à dire aux gens qui nous écoutent que le débat n'oppose pas la culture et la liberté d'expression. Ce sont là deux éléments importants. Nous sommes tous d'accord pour défendre la culture. Malheureusement, le et sa secrétaire parlementaire, je pense, offrent dans les médias des réponses qui nous induisent en erreur. Je m'excuse, monsieur le président, je ne devrais pas dire cela. Même le ministre, pendant la période de questions, a tenté de m'accuser d'induire les gens en erreur, et il a dû s'en excuser. Disons plutôt qu'on envoie un mauvais message aux acteurs du milieu de la culture en leur faisant croire que la culture n'est pas importante à nos yeux. Parce que nous voulons défendre la liberté d'expression, qui est à la base même de notre travail de député, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, on laisse croire que cela nous met en opposition avec la culture, ce qui ne devrait pas être le cas présentement.
Voilà pourquoi il est important de clarifier cette question avant d'aller plus loin. Personnellement, je ne suis pas à l'aise de continuer le processus, sachant qu'au bout du compte, nous ne serons peut-être pas en mesure d'apporter les amendements que nous jugerons nécessaire d'apporter, en fonction de l'avis que fournira le libéral, pour protéger les utilisateurs qui génèrent du contenu dans les réseaux sociaux.
Il n'est pas question ici de mener une guerre où s'affrontent les grands réseaux sociaux, d'un côté, et les utilisateurs, de l'autre. Je pense qu'il faut protéger la liberté d'expression des utilisateurs et éviter d'ouvrir une brèche. Il faut éviter qu'un groupe bien-pensant puisse décider de ce qui est bien et de ce qui ne l'est pas. Je trouve cela important et je tiens à le souligner.
Hier, mon collègue M. Shields a senti le besoin de démontrer son amour de la culture. Moi aussi, j'en ai senti le besoin. J'ai été sincèrement offusqué, froissé et choqué de voir qu'on remettait en question notre volonté de protéger le fait français et la culture canadienne. En réalité, nous avons été à l'écoute des organisations dans ces domaines. Nous avons même déposé plusieurs amendements et sous-amendements qui en témoignent.
Il y a deux semaines, il est arrivé un événement choc que personne n'a vu venir. Un vendredi après-midi, sans aucun avertissement, le gouvernement a proposé la suppression d'un article du projet de loi . Cela nous a pris par surprise. Ce changement a provoqué une énorme levée de boucliers un peu partout au Canada parmi les citoyens, les experts et les professeurs d'université. Certains experts notoires ont déjà été nommés, mais je pourrais en nommer plusieurs autres. J'ai pris la peine d'en nommer pendant la période des questions orales.
Parmi ceux qui sont souvent nommés, il y a M. Peter Menzies, ancien commissaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Ce dernier a formulé un commentaire foudroyant, qui suscite chez moi une réticence à appuyer la motion de M. Housefather. En effet, je n'ai pas la nette conviction que nous pourrons, ultimement, apporter des changements aux amendements, étant donné que cela nécessitera le consentement unanime du Comité. J'implore aussi mes collègues du NPD et du Bloc québécois de faire attention à cet élément, que je n'ai moi-même pas vu venir tout de suite, quand nous avons reçu dans nos courriels l'idée d'amendement de M. Housefather.
M. Menzies a dit qu'il s'agissait d'une attaque à part entière contre la liberté d'expression et les fondements mêmes de la démocratie. Selon lui, il est difficile de comprendre le niveau d'orgueil ou d'incompétence, ou les deux, qui peut mener quelqu'un à croire qu'un tel empiètement sur les droits est justifiable. Il s'agit là de propos assez forts, de la part d'une personne ayant occupé le poste de commissaire du CRTC, quand on pense à tous les pouvoirs de cet organisme.
Il y a aussi M. Michael Geist, qu'on a nommé je ne sais combien de fois et dont je vous parlerai un peu plus loin pour vous expliquer pourquoi la motion de M. Housefather me préoccupe. M. Geist a dit que nous nous trouvions devant le gouvernement le plus anti-Internet de l'histoire du Canada. Malheureusement, je n'ai encore entendu aucun député libéral s'attaquer à M. Geist pour dire que ses propos étaient démagogiques ou inappropriés. Je ne sais pas si les libéraux craignent de le provoquer ou s'ils sont tout simplement pleinement conscients de son niveau d'expertise et de la justesse de ses propos. Il est vrai que, chaque fois qu'un enjeu est soulevé dans son domaine d'expertise, M. Geist sait réagir rapidement grâce à ses connaissances pertinentes sur le plan international.
Par conséquent, j'aimerais qu'on arrête de dire que nous nous opposons au milieu culturel, parce que ce n'est pas vrai. J'aimerais dire ceci aux membres du Comité ainsi qu'aux gens qui nous écoutent. Le gouvernement est en place depuis six ans. Il a prorogé le Parlement pour des raisons que je ne veux pas mentionner, parce qu'on va me dire que je sors du sujet, mais il y a eu les scandales liés au mouvement UNIS, que le gouvernement a voulu enterrer en essayant d'arrêter le projet.
Soit dit en passant, certains nous jettent le blâme en disant que nous faisons de l'obstruction présentement. Par contre, si l'on regarde la liste des comités, on voit qu'il y en a plusieurs en ce moment dont les travaux sont complètement bloqués, parce qu'on veut éviter de parler des scandales des libéraux: les allégations contre M. Vance, le mouvement UNIS, et ainsi de suite.
Dans notre cas, nous parlons pour défendre la liberté d'expression. Je n'ai pas le sentiment de faire de l'obstruction, mais plutôt de me battre pour les Canadiens et les Canadiennes qui jugent que le projet de loi attaque leur liberté d'expression.
Là où je veux en arriver, c'est que les libéraux sont au pouvoir depuis six ans, et c'est le temps qu'ils ont pris pour déposer ce projet de loi.
Depuis le début, nous en débattons sans problème au Comité. Je mets quiconque au défi de trouver un seul moment, avant la suppression de l'article 4.1 proposé, où l'étude du projet de loi a été retardée. Malgré tout ce qu'ont pu dire le ministre et sa secrétaire parlementaire dans les médias et sur les réseaux sociaux, peut-on trouver un seul moment où le processus législatif, qui est géré par le leader du gouvernement et son équipe, a été retardé?
Nous avons accepté de faire une étude préliminaire du projet de loi, pour que le Comité commence à entendre des témoins en même temps que les députés exerçaient leur droit légitime de s'exprimer sur le projet de loi à la Chambre des communes. Certains jugeaient qu'il était incomplet, ou encore que c'était un mauvais projet de loi, tandis que d'autres estimaient que c'était un bon projet de loi, à la base, mais voulaient le bonifier au moyen d'amendements. Tout a roulé rondement, même au Comité. Les libéraux appuyaient des amendements des conservateurs, le NPD appuyait des amendements du Bloc québécois, et vice-versa.
Monsieur le président, j'entends l'interprétation en anglais.
C'est beau, je pense que le problème a été corrigé.
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Je disais donc que cela fait six ans que nous attendons que le gouvernement libéral dépose ce projet de loi.
Tout allait rondement. C'est le qui a donné la directive de supprimer un élément du projet de loi. Or, dans une grande entrevue, il n'a même pas réussi à expliquer pourquoi cet article avait été proposé au départ ni pourquoi il avait demandé qu'il soit supprimé. Ensuite, on nous a assuré que tout le monde était protégé. Voilà que depuis deux ou trois jours, à la suite d'un gazouillis du ministre, on nous dit qu'on va proposer d'autres amendements pour corriger tout cela. Après cela, c'est nous qu'on accuse, et non le ministre, de ne pas dire la vérité et d'induire les Canadiens en erreur lorsque nous disons que les utilisateurs ne sont pas protégés. Pourtant, ce sont les libéraux qui présentent d'autres amendements pour essayer de corriger leur propre suppression de cet article. Ils avaient donc proposé de mauvais amendements, en plus. C'est préoccupant.
Sincèrement, comme je l'ai dit hier soir lors de la rencontre qui a été ajoutée, j'ai perdu confiance en ce . Comme c'est parfois le cas avec nos amis et nos proches dans la vie de tous les jours, j'ai besoin de retrouver cette confiance. On dit souvent qu'il faut des années pour construire une amitié, mais qu'il suffit parfois d'une flammèche pour la détruire. C'est au ministre de regagner notre confiance. C'est à lui de nous montrer qu'il est honnête. La plus belle façon de nous le prouver, ce serait d'accepter que le Comité fasse une petite pause de quelques jours.
Depuis le temps qu'on en parle, d'après moi, le doit sûrement travailler sur son avis écrit. Il doit regarder tout ce qui se passe, en vue de préparer cet avis. Tout comme le , il doit avoir une panoplie de fonctionnaires et de conseillers politiques qui écoutent chacune de nos réunions pour savoir ce qui se dit. De toute façon, ultimement, la motion de M. Housefather demande que le ministre produise un nouvel avis.
Donc, si c'est si clair, pourquoi ne pas faire cette petite pause, tout simplement, pour nous permettre de voir clair dans cette affaire et d'avancer rondement comme nous le faisions auparavant?
Certains demandent même que nous repartions de zéro. Ce n'est pas rien. La perte de confiance est telle que certains spécialistes de la Charte canadienne des droits et libertés et de la liberté d'expression commencent à dire qu'il y a un sérieux problème. Sommes-nous en train de nous faire passer un sapin, comme on dit au Québec? C'est un peu le sentiment que nous avons. Or, cette confiance est à la base même du travail que nous devons faire, quand nous essayons de trouver des réponses à toutes nos questions.
Nous sentons que, dans la motion que M. Housefather nous a présentée, il y a une réelle volonté de trouver un compromis, mais un compromis en réponse à quoi? Nous avions déjà un compromis et tout allait bien.
C'est en décidant de retirer l'article 4.1 proposé que le gouvernement a créé tout cela. Peut-être même que notre étude du projet de loi serait déjà finie, si on n'avait pas supprimé cet article. Toutefois, l'erreur a été faite et il faut la corriger. Nous devons avoir un nouvel avis du avant de pouvoir continuer notre travail. On parle de quelques jours seulement, alors que nous attendons depuis six ans.
Alors, qu'on arrête de me dire que la culture est mise de côté et que nous ne voulons pas aider les gens de ce secteur. Nous avons même présenté un rapport unanime concernant notre étude sur les effets de la pandémie de COVID-19 sur les secteurs des arts, de la culture, du patrimoine et du sport, pour aider le gouvernement à prendre de bonnes décisions budgétaires.
L'organisme Les AMIS de la radiodiffusion avait même déjà sonné l'alarme concernant l'article 4.1 proposé. Il avait dit qu'une partie de cet article touchait les utilisateurs et qu'il fallait les protéger. Il ne disait pas qu'il fallait enlever au complet l'article proposé. À la rigueur, il aurait fallu l'amender, si nécessaire.
Le ministre avait pourtant reçu ces avis et ces explications. Il avait consulté les mêmes groupes que nous, les partis de l'opposition, avions consultés, avant que tout cela arrive.
Je suis très préoccupé par la suite des choses à ce comité. Nous voyons bien où cela s'en va. Certains voudraient que nous procédions rondement, amendement par amendement, mais l'enjeu de la liberté d'expression est trop important pour que nous le mettions de côté.
Je le répète: ce n'est pas une guerre entre la culture et la liberté d'expression. Ce sont deux éléments que nous devons défendre. Pour ce qui est de la liberté d'expression, cependant, le a publié un Énoncé concernant la Charte, le 18 ou le 20 novembre 2020. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais on peut la trouver sur le site du gouvernement. Les gens qui nous écoutent ne le savent peut-être pas, mais chaque projet de loi déposé par un ministre nécessite un avis du ministre de la Justice confirmant que le projet de loi respecte la Charte canadienne des droits et libertés.
Le ministre avait fait cette recommandation, mais en se basant sur l'article 4.1 que le projet de loi proposait d'ajouter à la Loi sur la radiodiffusion. Maintenant que cet article proposé a été supprimé, plus rien ne tient. C'est comme si on retirait la base d'un château de cartes. C'est comme ce jeu où de nombreuses petites pièces de bois forment une tour. Ceux qui y ont déjà joué savent qu'on peut retirer une pièce, une autre encore, et ainsi de suite, mais que tout s'effondre lorsqu'on retire celle qui se trouve tout en bas. En ce moment, nous trichons un peu et nous essayons de maintenir les pièces en place avec nos mains pour empêcher que tout s'effondre.
Nous demandons une pause. Nous voulons que le nous donne rapidement un nouvel avis, de façon à rendre les choses plus claires et à nous permettre d'avancer. Je trouve que nous devrions faire preuve d'un minimum de bonne foi en mettant de côté la motion de mon honorable collègue M. Housefather et en faisant avancer les choses.
Pourquoi est-ce que je vous dis cela?
J'ai parlé tantôt de Peter Menzies. À la suite de la rencontre d'hier, il y a eu des commentaires sur Twitter. Je suis convaincu que tous les membres du Comité sont allés lire les propos de M. Menzies, étant donné qu'il est une sommité en la matière. Il les a écrits en anglais, alors je vais tenter de vous les résumer en français.
M. Menzies se demande en quoi l'amendement du au projet de loi rend limpide la réglementation du CRTC sur le contenu généré par les utilisateurs. Il dit qu'au cours de la semaine dernière, le ministre du Patrimoine canadien, M. Guilbeault, a promis de répondre aux préoccupations généralisées concernant le projet de loi C-10, le projet de loi de réforme de la Loi sur la radiodiffusion. Après que la question a commencé à occuper une place de plus en plus importante dans le débat à la Chambre des communes, le ministre Guilbeault a déclaré que les libéraux aussi voulaient s'assurer que le contenu téléversé par les gens sur les médias sociaux ne serait pas considéré comme une programmation en vertu de la Loi et qu'il ne serait pas réglementé par le CRTC. Il a ajouté que c'était la raison pour laquelle les libéraux allaient proposer un autre amendement, qui allait rendre tout cela parfaitement clair.
Cette déclaration a été répétée mercredi par le à la Chambre des communes, en ces termes:
Nous avons clairement indiqué qu'il ne vise pas les utilisateurs individuels ou ce que les individus canadiens publient en ligne. Comme l'a dit le ministre du Patrimoine canadien, nous présenterons un amendement pour que ce soit clair et sans équivoque.
Il venait lui-même de contredire son ministre, lequel se contredisait lui-même en niant que les utilisateurs étaient touchés par la suppression de l'article 4.1 proposé dans le projet de loi.
Je vais citer M. Geist, parce qu'il faut voir tout cet enchaînement pour comprendre pourquoi on ne peut pas continuer à traiter les amendements un à la fois et espérer obtenir le consentement unanime à la fin pour revenir sur certains amendements. Nous serions plus rassurés si les libéraux consentaient par écrit, devant des avocats, à nous accorder systématiquement le droit de revenir sur des amendements à la fin du processus, si nous souhaitions en proposer d'autres. Or, je ne crois pas qu'ils fassent une telle chose.
Hier soir, lors d'une réunion un peu étrange du Comité permanent du patrimoine canadien, la députée libérale Mme Dabrusin, qui est la secrétaire parlementaire du , a présenté l'amendement promis. Or, plutôt que de confirmer que le contenu téléversé par les gens sur les réseaux sociaux ne sera pas considéré comme une programmation en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, il fait exactement le contraire.
Premièrement, le nouvel amendement ne rétablit pas l'exception prévue à l'article 4.1 initialement proposé, qui avait été présentée comme une garantie contre la réglementation du contenu généré par les utilisateurs. Deuxièmement, non seulement la réglementation du contenu généré par les utilisateurs demeure en vigueur, mais la modification confirme les pouvoirs de réglementation du CRTC, y compris un nouveau pouvoir spécialement conçu pour les médias sociaux. En d'autres termes, plutôt que de reculer face aux critiques du public, le gouvernement fait deux pas en avant dans ses plans visant à réglementer Internet. C'est fou.
Pour ma part, j'essaie de démêler tout cela. Le et ses fonctionnaires ont d'abord proposé l'ajout de l'article 4.1 à la Loi pour protéger les utilisateurs, puis ils l'ont supprimé en nous disant qu'ils étaient protégés malgré tout. En fin de compte, ce n'est pas le cas, et le gouvernement présente un nouvel amendement. Or, les experts nous disent maintenant qu'il empire les choses avec son nouvel amendement G-11.1.
Nous avons donc mis de côté la considération de l'amendement G-11.1 pour traiter la motion de M. Housefather.
Je continue les explications de M. Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa et expert dans le domaine. Selon lui, l'amendement G-11.1 ajoute un élément à la liste des conditions que le CRTC peut imposer aux entreprises en ligne. Le libellé proposé serait donc le suivant:
9.1(1) Le Conseil [le CRTC] peut, dans l'exécution de sa mission, prendre des ordonnances imposant des conditions — pour l'exploitation des entreprises de radiodiffusion — qu'il estime indiquées pour la mise en œuvre de la politique canadienne de radiodiffusion [énoncée au paragraphe 3(1)], y compris des conditions concernant:
i.1) la découvrabilité des créateurs canadiens d'émissions, en ce qui a trait aux entreprises en ligne fournissant un service de média social;
Selon M. Geist, les modifications proposées ici établissent certaines limites à la réglementation qui restreignent ce que le CRTC peut faire relativement au contenu généré par l'utilisateur, mais l'approche globale est en effet parfaitement claire. Le contenu généré par l'utilisateur est assujetti à la réglementation du CRTC en vertu du projet de loi , de telle sorte que le contenu de millions de Canadiens sur leurs fils de médias sociaux sera soumis à la réglementation.
C'est fou, ce que je viens de rapporter. Vous pouvez comprendre ma préoccupation quant à la motion de mon honorable collègue M. Housefather, lorsqu'on entend dire cela de la part d'un expert aussi éloquent et éminent.
M. Geist précise que le contenu sur TikTok, Instagram et YouTube devra désormais être approuvé par le CRTC, car ce dernier établit les conditions pour rendre obligatoire la découvrabilité du contenu canadien. Une telle réglementation du contenu généré par les utilisateurs fera du Canada un cas unique en ce qui concerne la réglementation d'Internet. D'ailleurs, M. Geist avait mentionné dans un article précédent que même l'Union européenne, qui a une réglementation étendue, garantit que les plateformes de partage de contenu vidéo ne sont pas soumises à des exigences réglementaires pour donner la priorité à certains contenus générés par les utilisateurs plutôt qu'à d'autres.
Toujours selon M. Geist, il y a de bonnes raisons de ne pas réglementer le contenu généré par les utilisateurs de cette manière, car cela implique la liberté d'expression et soulève une foule de questions. Ici, j'insiste sur l'importance des questions que nous sommes en droit de nous poser. Par exemple, de quelle façon les entreprises détermineront-elles ce qui constitue du contenu canadien? Les Canadiens seront-ils tenus de céder davantage de renseignements personnels aux grandes entreprises de technologies, dans le cadre des nouvelles règles? Quelles exigences seront établies pour les contenus individuels des gens?
Là, on commence à parler des données personnelles que pourront aller chercher ces grands joueurs. En plus, nous savons ce qu'il en est des algorithmes de ces grands joueurs. Cela soulève encore d'autres interrogations. Étant donné notre manque d'expertise, nous ne sommes pas en mesure en ce moment de donner une opinion éclairée.
En tant qu'ancien représentant du monde de l'éducation, je dirais que cela me dérange royalement de prendre une décision qui n'est pas éclairée.
Cela m'amène à vous parler d'une règle en gestion qu'on appelle le CCAA. Le premier C veut dire qu'il faut connaître le projet. Le deuxième C veut dire qu'il faut le comprendre. Ensuite, les deux A signifient qu'il faut y adhérer si l'on veut l'appliquer. Alors, si j'ai de la difficulté à connaître et à comprendre ce que le gouvernement me propose, je ne peux pas y adhérer ni l'appliquer par la suite. C'est le gros bon sens des étapes d'une prise de décision.
Personnellement, je me sens tiraillé en ce moment. Compte tenu de l'information que j'ai en écoutant les experts, je ne me sens pas en mesure de prendre une décision éclairée sur la motion de M. Housefather.
M. Geist pousse même plus loin ses commentaires au sujet de l'amendement G-11.1.
Soit dit en passant, l'amendement G-11.1 serait normalement le prochain amendement que nous devrions étudier tantôt, alors même que nous ne savons pas ce que le en pense. Si nous adoptons la motion de M. Housefather, nous irons de l'avant sans pouvoir bénéficier de l'expertise du ministre ni obtenir de réponses à nos questions. Si nous jugeons, par la suite, qu'il faut revenir en arrière, il sera impossible de le faire sans consentement unanime.
Compte tenu des attaques de et de sa secrétaire parlementaire au cours des deux dernières semaines, je n'ai pas l'assurance que j'aurais le consentement unanime pour proposer des modifications, si jamais le aboutissait à la conclusion que des éléments du travail que nous faisons ensemble contreviennent à la Charte canadienne des droits et libertés. Quand j'entends cela, j'ai de la misère à croire que l'on puisse être contre cet élément.
Je reviens au texte de M. Geist, qui dit que les fonctionnaires de Patrimoine canadien ont dissipé tout doute sur les effets de l'amendement. Je suis un peu mal à l'aise de rapporter cela, car c'est un peu une critique, mais je rapporte les propos du professeur. De toute façon, la critique fait partie du processus, si l'on veut avancer et s'améliorer, et je suis convaincu que les hauts fonctionnaires ont déjà lu le texte. Je ne suis pas en train de dire que cela a été fait de mauvaise foi, mais, en fonction de nos connaissances respectives et des gens qui nous influencent, nous en arrivons à des raisonnements.
M. Geist mentionne que les fonctionnaires ont dit aux députés que l'amendement à l'article 9.1 proposé dans le projet de loi donnerait au CRTC un pouvoir supplémentaire, soit celui de prendre des ordonnances en ce qui a trait aux entreprises en ligne fournissant un service de média social. Ce pouvoir de prendre des ordonnances ne s'appliquerait qu'à un service de média social. Cela donnerait au CRTC la possibilité de prendre des ordonnances concernant la découvrabilité des émissions des créateurs canadiens.
M. Geist précise que, en réponse à une autre question d'un député — je me demande même s'il ne s'agit pas de ma propre question —, les hauts fonctionnaires ont réitéré que l'article 4.1 proposé visait à exclure la programmation qui était téléversée vers un média social par quelqu'un qui n'est pas affilié à ce média social. La motion d'amendement déposée par Mme Dabrusin, donc l'amendement G-11.1, définit quels outils de réglementation, en vertu de l'article 9.1 proposé, peuvent être utilisés vis-à-vis des médias sociaux.
J'arrive à la fin de l'analyse de M. Geist. Je vais conclure en vous disant ce que je pense de la motion.
Le et le gouvernement ont promis de supprimer les éléments qui donnent au CRTC le pouvoir de réglementer le contenu généré par les utilisateurs. Au lieu de cela, hier, ils ont effectivement confirmé que leurs dénégations concernant les effets du projet de loi étaient inexactes et qu'il y avait toujours un cadre réglementaire en place.
Dans une chronique parue dans le Toronto Star où il critique Facebook, Navneet Alang écrit que le droit de parole dans les médias sociaux comprend également le droit d'être amplifié et d'avoir un auditoire. Ce commentaire est important. Cela signifie, explique-t-il, que nous devrions exiger des entreprises Internet qu'elles démontrent une plus grande transparence algorithmique, et non remplacer leurs choix par ceux établis par la réglementation gouvernementale. C'est là qu'est la différence. C'est à propos de cet élément que certains font de la démagogie en laissant croire, parce que le sujet est complexe, que c'est une guerre où entrent en jeu les utilisateurs, les grands joueurs, la culture et la liberté d'expression.
J'ai démontré toute ma bonne foi au Comité depuis que j'y siège. J'ai été élu vice-président du Comité et j'ai même eu le privilège de vous remplacer pendant certaines séances, monsieur le président. Je suis donc en mesure de confirmer tout le défi que vous devez relever pour gérer et animer une rencontre comme celle-ci, compte tenu des règles et tout cela. Parfois nous vous défions, mais ce n'est pas parce que nous mettons en doute votre expertise. Je peux en dire quelque chose.
J'ai beau regarder la situation sous tous ses angles, malgré le souhait réel de M. Housefather de ne pas retarder l'adoption du projet de loi, il est clair pour moi qu'il s'agit d'un faux débat. On ne parle que de quelques jours. Il ne faudrait que quelques jours pour obtenir l'avis juridique du .
Si nous avions permis dès le début ce qui est l'objectif de cette motion, soit d'obtenir un nouvel avis juridique, la chose serait déjà réglée. Nous saurions aujourd'hui si la suppression de l'article 4.1 proposé a des conséquences ou non sur la liberté d'expression. Si le avait jugé qu'il n'y en avait pas, nous aurions pu continuer notre étude normalement. Dans le cas contraire, je pense que nous aurions eu un sérieux problème. En fait, je pense que nous avons présentement un sérieux problème. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'insiste pour trouver toutes les façons possibles de mettre l'étude sur pause. Le but n'est pas de retarder l'aide à la culture. Je le répète: on ne parle que de quelques jours.
Le comité d'experts qui avait déjà donné son accord au projet de loi a même dû écrire une autre lettre d'appui, car certains de ses membres ne voulaient plus l'appuyer. En ce moment, des gens de partout au pays s'opposent au projet de loi. Je vous le dis, je sens de la pression venant non pas de mon parti, mais de Canadiens et Canadiennes ainsi que de Québécois et Québécoises qui se sentent attaqués, et je dois leur répondre.
Peu importe que le aime cela ou non. Il essaie de faire de la démagogie. Soit dit en passant, ce serait bien si un député libéral pouvait lui transmettre le message comme quoi ses attaques glissent sur moi comme l'eau sur le dos d'un canard. Elles n'ont vraiment aucun effet et elles ne changeront pas ma volonté de défendre la liberté d'expression à tout prix.
D'ailleurs, comme je l'ai déjà dit — je ne me souviens plus si c'était à ce comité ou lors d'une entrevue —, mes parents sont Égyptiens. Vous allez peut-être me dire que mes propos débordent du contexte, mais ce que je vous dis là est important, car cela explique pourquoi je m'oppose à cette motion avec autant d'intensité. Mes parents sont partis de l'Égypte pour venir au Canada. Quand j'ai été en mesure de discuter avec mon père de la raison pour laquelle ma mère et lui avaient décidé de quitter avec toute notre famille leur pays d'origine, qu'ils aimaient tant, pour emménager au Canada, il m'a donné une réponse dont je me souviens comme si c'était hier. Il me la répète souvent lorsque nous avons des échanges à propos de grands débats politiques et sociaux. Ma mère et lui sont venus au Canada pour pouvoir jouir de la liberté d'expression et de religion, pour que nous soyons libres de choisir nos orientations, quelles qu'elles soient, et pour jouir du système de justice canadien. Bien qu'il soit imparfait, on devrait toujours s'efforcer de le modifier. C'est donc dans mon ADN.
Pendant la période des questions orales, le a essayé de s'attaquer à l'une de ces valeurs qui me sont si chères, en laissant sous-entendre que j'induisais la population en erreur. Dieu sait que le Président de la Chambre l'a rappelé à l'ordre rapidement. Il a ensuite tenté de contourner la question, mais il s'est conformé au décorum par la suite, et je l'en remercie.
Je ne peux pas continuer ainsi, et je vais tout faire pour défendre la liberté d'expression. J'invite les libéraux, les bloquistes et les néodémocrates à faire ce qu'il faut, s'ils veulent vraiment faire avancer nos travaux pour le bien de la culture et de nos créateurs canadiens, qu'il s'agisse de Québécois, de francophones, d'anglophones, d'Autochtones ou d'autres personnes. Ce qu'on retrouve à la base même de l'identité canadienne, québécoise, francophone et acadienne au pays, c'est la liberté d'expression, et celle-ci a été attaquée.
Je le connais un peu, . Ce n'est pas un mauvais gars. Il a un passé d'activiste. Nous nous sommes tous demandé pourquoi il était allé du côté des libéraux; nous avions tous pensé qu'il serait candidat pour le Parti vert...
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais dire à ma collègue que je n'ai pas changé de province. C'est une rencontre virtuelle, alors nous sommes partout en même temps, sans être nulle part. C'est la magie du monde virtuel dans lequel nous sommes en ce moment, malheureusement. Nous nous réunirons de nouveau en personne un jour.
Je ne m'écarte pas du tout du sujet, monsieur le président, malgré ce que pense ma collègue. Je suis content que vous me permettiez de continuer. Ce qui est à la base même de la motion de M. Housefather, c'est la suppression de l'article 4.1 proposé. Il y a donc un lien direct, sinon nous n'aurions pas cette discussion en ce moment.
Peut-être que le a fait une erreur quand il a demandé de supprimer l'article 4.1 proposé. Si c'est le cas, et s'il est de bonne foi, qu'il reconnaisse son erreur. Qu'on arrête de faire de la démagogie en opposant la culture à la liberté d'expression et en attaquant les conservateurs. Revenons à l'idée de faire une pause de quelques jours. Là, nous arrivons à la fin de semaine. Nous pourrions y revenir la semaine prochaine. Par la suite, ce sera une semaine de travail en circonscription. Au plus vite, avant que l'été arrive, donnons la chance au de nous répondre. Ensuite, nous pourrons continuer.
Malheureusement, je sens en ce moment que les libéraux ne veulent pas que nous fassions cette pause. Cela me laisse croire qu'ils savent que le ne donnera pas un avis qui leur sera favorable, mais que celui-ci dira plutôt, comme nous le croyons, que la suppression de l'article 4.1 proposé est une attaque contre les utilisateurs. À la rigueur, cela me laisse entrevoir leur véritable intention quant au consentement unanime qui sera obligatoire pour apporter par la suite les modifications qui pourraient être nécessaires. Effectivement, c'est ce que la motion précise: nous allons continuer d'avancer amendement par amendement et, à la toute fin, nous verrons. Or, nous savons tous très bien comment cela fonctionne. Cela va nous prendre le consentement unanime pour corriger le tir, ce que nous n'obtiendrons pas, le moment venu, parce que les libéraux auront la possibilité de bloquer le processus. C'est ce qu'ils font déjà depuis deux semaines. Ils essaient de nous faire porter l'odieux de cette affaire, mais cela ne fonctionne pas. Les réponses et les lettres des citoyens en témoignent. Je n'ai jamais vu cela de ma vie, une telle réaction de la population, à mon bureau. Cette question ne semble pas percoler dans les médias au Québec, mais, sur le terrain, elle fait réagir les Canadiens, les Canadiennes et les utilisateurs.
On sait que les petits joueurs se battent contre les grands joueurs. Le défi, c'est que les gens sont sur les réseaux sociaux. Que nous aimions ou non les réseaux sociaux, en tant que politiciens et personnalités publiques, nous n'avons pas le choix de nous en servir. Il faut trouver un certain équilibre. Nous ne pouvons pas nier leur existence. Il faut trouver une façon juste et équitable de légiférer en la matière sans s'attaquer aux utilisateurs.
Cela me ramène à la motion de mon collègue M. Housefather, et je vais conclure là-dessus. J'espère qu'il ne sera pas offusqué. Comme j'ai pris la peine de le dire au début, je pense sincèrement que son objectif était noble. À toutes les réunions du Comité, il a tout le temps cherché des compromis. Je dirais même que, parfois, il est presque allé à l'encontre de la volonté du gouvernement. Voici la motion:
1) examine tous les amendements proposés au projet de loi C-10, et si les points 2 et 3 ci-dessous n’ont pas été complétés au moment où les amendements au projet de loi ont tous été examinés, le Comité s’arrêtera dans ses délibérations et ne renverra pas le projet de loi à la Chambre tant que les points 2 et 3 ci-dessous n’auront pas été terminés;
2) demande au ministre de la Justice de fournir un énoncé révisé concernant la Charte à propos du projet de loi C-10, dès que possible, en se concentrant sur la question de savoir si les modifications apportées par le Comité au projet de loi relatives aux programmes téléversés par les utilisateurs de services de médias sociaux ont eu une incidence sur l'énoncé concernant la Charte initialement fourni, en particulier en ce qui concerne l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés;
3) invite le ministre de la Justice et le ministre du Patrimoine canadien, accompagnés des fonctionnaires concernés, à comparaître le plus tôt possible devant le Comité pour discuter de l'énoncé révisé concernant la Charte et de toute incidence des amendements apportés par le Comité au projet de loi;
4) procède à tous les votes nécessaires pour disposer du projet de loi, une fois que les points 2 et 3 sont complétés et que tous les amendements ont été examinés.
Je m'excuse auprès des interprètes si j'ai lu la motion rapidement, mais je vois que le temps file. De toute façon, j'ose croire qu'ils ont la version anglaise devant eux.
C'est au point 4 de la motion que le bât blesse, monsieur le président. Le problème, c'est que cela va prendre le consentement unanime pour apporter des modifications, ce qui ne nous sera pas accordé.
Je le dis, je le répète et j'en suis convaincu: nous ferions une grave erreur en laissant la porte ouverte aux libéraux pour que le Comité puisse aller de l'avant sans que nous ayons la garantie que nous pourrons apporter des modifications ultimement, si l'avis du nous confirme qu'il y a une attaque contre la liberté d'expression ou contre la Charte canadienne des droits et libertés. Nous savons quel genre de propos le et le ont déjà tenus dans les médias en lien avec l'utilisation d'Internet par les gens. On a un discours bien-pensant. Nous l'avons vu aussi par la petite attaque qui a été faite à l'endroit de ma collègue Mme Harder, à la Chambre des communes, alors que le ministre s'en est pris à ses convictions personnelles. Si l'on ne pense pas comme les libéraux, c'est que l'on ne pense pas de la bonne façon. Malheureusement, je ne peux accepter cela, et je vais continuer à défendre corps et âme la liberté d'expression.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis de m'exprimer sur la motion déposée par M. Housefather aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président.
Je dois avouer que je trouve un peu blessant de voir que certains demandent que la séance soit levée alors que nous avons si longuement parlé de liberté d'expression et de l'importance de pouvoir s'exprimer. Selon moi, cela implique aussi l'obligation, ne serait-ce que par respect, de laisser les autres s'exprimer, ce que je suis heureux de pouvoir faire à cette heure-ci. Je vais quand même essayer d'être bref.
Comment en sommes-nous arrivés là? C'est assez troublant.
D'abord, on s'entend que les libéraux n'ont pas été à la hauteur en abandonnant l'article 4.1 proposé sans prendre immédiatement de précautions pour rassurer les utilisateurs quant à leur liberté de partager leur contenu. Sont alors arrivés sur la scène différents ténors d'une non-réglementation d'Internet, qui ont saisi la balle au bond et mis l'accent sur cette faille, laquelle pouvait, selon leur lecture, mettre à risque la liberté d'expression.
Or, entre la négligence des libéraux et la réaction des conservateurs se trouve, en plein milieu, l'industrie culturelle. J'ai bien entendu mes collègues MM. Rayes et Shields témoigner et professer leur amour pour la culture, et je n'en doute pas une seconde. Je pense que nul ne peut siéger au présent comité sans avoir une profonde affection pour la culture. Cela étant dit, c'est la culture qui paie actuellement le prix de cette joute qu'on peine à régler.
On a beaucoup cité M. Geist, dont je reconnais l'expertise, mais d'autres experts ont aussi dit d'autres choses. Je vais vous parler de M. Pierre Trudel et de Mme Monique Simard, qui ont publié une lettre dans Le Devoir. Pierre Trudel n'est pas n'importe qui. Vous connaissez le contenu de la lettre, je suis convaincu que tout le monde est au courant de leur point de vue: « Le projet de loi n'induit aucun risque de voir un jour le CRTC se mettre à réglementer les vidéos émanant d'individus [...] » Bref, vous pourrez aller lire cette lettre. Je ne veux pas prendre trop de votre temps pour cela.
Pierre Trudel est, lui aussi, un professeur de droit, à l'Université de Montréal. Cet homme a rédigé des livres sur le droit d'accès à l'information et le droit des médias. Il travaille beaucoup sur le sujet de la réglementation d'Internet. Mme Simard et lui ont fait partie du comité d'experts fédéral sur la révision du cadre législatif et réglementaire relatif à la radiodiffusion. Je pense donc que ce sont des gens qui ont, eux aussi, une certaine crédibilité.
Je conviens que l'on doit se fier à des experts. Cependant, quand on veut écouter les points de vue des experts sur un domaine dans lequel on n'a pas soi-même d'expertise, il faut écouter ceux qui prônent un point de vue qui n'est pas nécessairement celui qu'on adopte spontanément. Il faut faire preuve d'ouverture. Vouloir mieux comprendre le dossier, c'est aussi vouloir comprendre le point de vue de toutes les parties.
À l'heure actuelle, l'industrie culturelle se demande pourquoi on perd autant de temps à discuter alors qu'il y a urgence d'agir. Mme Yale mentionnait cette urgence d'agir l'an dernier dans son rapport, d'ailleurs cosigné par Mme Simard. Nous étions tous d'accord là-dessus. Présentement, je pense qu'il ne faut pas parler pour le Parti libéral, pour les conservateurs, pour le NPD ni pour le Bloc québécois, mais qu'il faut parler pour ceux que ce projet de loi va toucher le plus: les gens de l'industrie culturelle et des médias.
Les géants d'Internet causent énormément de dommages à notre industrie et à notre système canadien de radiodiffusion, et c'est la raison pour laquelle nous sommes là. Oui, il y a des inquiétudes qu'il faut calmer. Il faut rassurer ces gens qui craignent pour leur liberté d'expression, je suis 100 % d'accord sur cela. C'est la raison pour laquelle, jusqu'à maintenant, j'ai tenu à ce que cet élément soit clarifié. Je pense que la proposition de M. Housefather aujourd'hui est un compromis qui mérite d'être considéré par toutes les parties.
Je veux revenir sur l'argument mis en avant par Mme Harder et M. Rayes un peu plus tôt. Il serait impossible de ne pas revenir en arrière, si le ne nous fournissait pas un nouvel avis concernant la Charte canadienne des droits et libertés qui cautionnait le projet de loi . Il serait impossible de ne pas revenir en arrière, parce que refuser le consentement unanime pour venir changer des articles équivaudrait à tuer le projet de loi. Personne parmi tous ceux qui veulent voir aboutir ce projet de loi ne refuserait de revenir modifier des articles du projet de loi si ce dernier n'obtenait pas le plein aval du ministre de la Justice par l'entremise de son nouvel énoncé concernant la Charte canadienne des droits et libertés.
Il y a matière à faire preuve de bonne volonté et de bonne foi. Nous obtiendrons le nouvel énoncé concernant la Charte, nous aurons la visite des deux ministres, nous aurons les réponses à nos questions et nous n'aurons pas à soumettre ce projet de loi à un vote avant d'avoir ces garanties. Jamais le Bloc québécois ne cautionnerait quelque projet de loi que ce soit s'il avait le moindre soupçon que ce dernier fait courir un risque réel à la liberté d'expression.
En attendant, il y a d'autres articles sur lesquels nous pouvons travailler pour faire avancer ce projet de loi au bénéfice de l'industrie culturelle, qui nous le réclame à grand prix. Je sais que l'industrie culturelle canadienne et québécoise vous tient à cœur. Je sais aussi que vous voulez tous faire des progrès, tous partis confondus. Je vous invite donc à faire preuve d'ouverture.
Nous allons nous assurer que la liberté d'expression est protégée par tous les moyens qu'il faudra et tous les moyens qui vont nous satisfaire. Entretemps, je crois que nous avons le devoir de continuer à travailler pour améliorer ce projet de loi, qui, nous en convenons tous, avait besoin de beaucoup d'amour pour devenir acceptable aux yeux de chacun. Nous avons aussi le devoir de respecter le processus démocratique, mes amis. À cet égard, si nous respectons le processus démocratique, nous devons accepter que les membres du Comité puissent se prononcer tous ensemble sur une motion qui m'apparaît acceptable.
De toute façon, même si nous voulions revenir à la motion de Mme Harder, comme les conservateurs semblent le demander, il faudrait d'abord traiter la motion dont nous sommes présentement saisis. Je pense donc que nous devrions mettre aux voix cette motion et donner la chance au Comité de poursuivre le processus démocratique. Je crois que c'est raisonnable et que cela relève du gros bon sens. Nous le devons à nos créateurs québécois et canadiens. Nous le devons à l'industrie médiatique et culturelle.
Merci, monsieur le président. Il est temps que nous passions à autre chose grâce à un bon compromis.