Merci de votre présence.
La journée est, bien sûr, très spéciale, car nous recevons un projet de loi qui a passé la deuxième lecture à la Chambre des communes.
Nous discutons, bien entendu, du , Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d'interprétation et le Code canadien du travail, un projet de loi qui institue la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Je voudrais vous dire quelques mots au sujet de la séance. Nous avons deux heures avec deux groupes de témoins distincts qui viennent discuter du projet de loi avec nos députés.
Je mentionne à l'intention des témoins que nous avons des députés du Parti libéral, le parti ministériel, du parti de l'opposition, soit le Parti conservateur, ainsi que des députés du Bloc québécois et du NPD.
La plupart d'entre nous participent à la séance de façon virtuelle. Je veux simplement mentionner aux témoins que si vous désirez intervenir dans une discussion ou corriger un fait, essayez d'attirer l'attention de l'intervenant en agitant la main, plutôt que de tenter d'avoir mon attention.
Je demanderais aussi à mes collègues députés de commencer leurs questions en mentionnant le nom de la personne à qui elle s'adresse. Les choses sont ainsi beaucoup plus simples.
Sur ce, nous allons commencer.
Le premier groupe de témoins est composé de trois personnes. Nous accueillons Carlon Big Snake, propriétaire d'une petite entreprise. Nous avons également Stacy Allison-Cassin, professeure adjointe, Université de Toronto, de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques, ainsi que Derrick Hynes, président-directeur général, d'Employeurs des transports et communications de régie fédérale.
Voici comment nous procédons. Vous avez jusqu'à cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire. Vous pouvez vous arrêter avant, mais c'est le temps dont vous disposez. Je vais être un peu souple si vous allez au-delà, mais nous avons une limite de temps à respecter et nous devons avancer.
Nous allons commencer par Carlon Big Snake, et j'espère que nous avons une bonne connexion.
Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Allez-y, s'il vous plaît.
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Je vous remercie. J'aimerais tout d'abord vous dire
okya.
Je m'appelle Carlon Big Snake. Je suis un membre fier des Pieds-Noirs de la nation des Siksikas sur le territoire du Traité no 7.
Aujourd'hui, je suis très honoré d'être avec vous et d'être témoin d'un événement historique prometteur pour les Autochtones et les Canadiens qui apportera un changement positif au sein de la société moderne du Canada. Ce sera le cas non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour [Difficultés techniques] des possibilités ou permettre d'avoir une qualité de vie équitable. Malheureusement, la société d'aujourd'hui est divisée, ce qui engendre la haine et le racisme.
En proposant les changements nécessaires dans le projet de loi pour concrétiser l'appel à l'action numéro 80 de la Commission de vérité et réconciliation, le gouvernement fédéral témoigne de sa sincérité et de son engagement, et il ouvre ainsi la voie à un avenir prometteur pour le Canada et les peuples autochtones partout au pays.
Le projet de loi améliorera aussi le système d'éducation. Il serait bon d'aider les établissements d'enseignement au pays à mieux comprendre la part de notre histoire qui est tombée dans l'oubli.
Ma femme Lisa et moi sommes des descendants et des survivants du système des pensionnats. Nous avons été élevés en subissant les effets négatifs de l'histoire. Toutefois, nous nous sommes dit que nous avions la responsabilité de faire évoluer les mentalités et de nous servir de nos difficultés comme d'une force pour bâtir notre avenir.
Nous avons décidé d'intervenir de manière positive pour donner de l'espoir à nos familles et à nos communautés. Nous avons également utilisé ces effets négatifs pour devenir plus forts et créer un avenir pour nos générations futures.
Récemment, ma femme et moi avons fait l'acquisition de deux bisons blancs, que notre peuple honore et respecte. Dans le passé, les bisons nous fournissaient nourriture, abri et produits médicinaux.
De plus, quand un bison blanc naît, c'est un signe de force et d'espoir qui nous indique que des changements surviendront bientôt pour notre peuple, et c'est ce que je vois maintenant. Le projet de loi propose de concrétiser l'appel à l'action numéro 80, et nous espérons que les bienfaits qui en résulteront se feront sentir au sein de notre peuple, mais aussi de la population toute entière.
C'est une façon pour nous de permettre aux Canadiens de visiter le territoire des Premières Nations et de constater que nous sommes fiers de qui nous sommes aujourd'hui et que nous voulons créer une société unie.
En conclusion, je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole, et j'ai bon espoir que la décision qui sera prise sera d'adopter le projet de loi et de faire du 30 septembre une journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Ensemble, nous pouvons commencer à guérir le passé et à envisager un avenir commun prospère.
Kiit'aah'mut'tsin. Encore une fois, je vous remercie.
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Je souhaite un bon après-midi aux membres du Comité, de même qu'aux autres témoins. Je suppose que pour certains d'entre vous, c'est bon matin qui serait de mise.
Je m'appelle Stacy Allison-Cassin. Je suis professeure adjointe, dans le volet enseignement, à la Faculté d'information de l'Université de Toronto, et je suis présidente du Comité des questions autochtones de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques. Je comparais aujourd'hui au nom de la fédération, ou CFLA.
Je suis citoyenne de la nation des Métis de l'Ontario, et je vous parle depuis Oakville, en Ontario, qui se trouve sur le territoire traditionnel des Hurons-Wendats, des Haudenosaunee et des Anishinabe. Je salue également les détenteurs actuels du traité, la Première Nation des Mississaugas de Credit.
Je tiens à remercier le Comité permanent du patrimoine canadien de me donner l'occasion de m'exprimer sur le projet de loi concernant le projet de journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Je veux commencer par une petite histoire. Comme de nombreuses familles en ce moment, nous travaillons et étudions à la maison. Ma petite dernière est en troisième année et elle suit actuellement ses cours installée sur la table de la cuisine. Le 30 septembre, nous avons porté nos chandails orange, comme nous l'avons fait au cours des dernières années. En faisant des allers-retours dans la cuisine ce jour-là, j'étais frappée — je pouvais écouter en quelque sorte ce qui se passait dans cette classe de 3e année — par les leçons et les discussions qui se déroulaient sur le thème des pensionnats. L'enseignant leur a lu l'histoire de Phyllis Webstad et de son chandail orange, et les enfants étaient invités à réfléchir à l'histoire de différentes manières, soit vraiment comme des enfants qui écoutent l'histoire d'une autre enfant.
J'ai trouvé cela particulièrement émouvant. Tout au long de la journée, ils ont regardé des vidéos et réalisé des dessins sur le thème du chandail orange, et l'enseignant a amené ce groupe d'enfants de sept à neuf ans à discuter de sujets très difficiles.
Après l'école, nous avons eu d'autres discussions au sein de notre propre famille sur les pensionnats et le rôle du Canada. Ma fille avait une question d'un seul mot que, je pense, beaucoup de parents se font poser: pourquoi?
Bien qu'aucun membre de ma famille n'ait été dans un pensionnat — d'après ce que j'ai appris jusqu'à maintenant —, j'ai dû parler à mes enfants des raisons pour lesquelles ma grand-mère a caché son identité et pourquoi elle n'a pas enseigné sa langue à mon père. Je trouve très encourageant que mes enfants et leurs camarades de classe se familiarisent avec l'existence des pensionnats et apprennent à connaître les peuples autochtones du Canada. Je sais que nous avons encore du travail à faire, et je suis vraiment très reconnaissante à tous ceux qui, comme Phyllis, nous ont raconté leur histoire pour que nous puissions en arriver là aujourd'hui.
En tant que bibliothécaire, parent et Autochtone, j'ai été frappée par un grand nombre de choses ce jour-là, dont les suivantes: les histoires sont importantes pour connaître la vérité, comprendre ce qui s'est passé et pouvoir en discuter. Les faits sont importants. Créer délibérément un moment — un temps en marge de notre travail et de l'école et des journées chargées que nous avons tous — est vraiment essentiel pour apprendre à connaître l'histoire des pensionnats indiens et les répercussions qui subsistent de la colonisation, sensibiliser les gens et faire en sorte de ne jamais oublier ce qui s'est passé, de même que pour se familiariser avec le dynamisme des peuples et des cultures autochtones.
Le 30 septembre — qui est maintenant connu sous le nom de « Journée du chandail orange » — est devenu dans de nombreuses écoles, bibliothèques et autres lieux un jour important d'apprentissage et de souvenir. La création d'une journée nationale de la vérité et de la réconciliation donnera plus de poids et d'élan à une journée de souvenir et d'apprentissage pour tous les Canadiens.
C'est important, car, comme nous le savons, la première étape de la réconciliation est de connaître la vérité, c'est-à-dire connaître les faits, écouter les histoires et comprendre les répercussions toujours présentes de la colonisation. C'est ce qui mènera finalement à la réconciliation.
En tant que bibliothécaire et professeure, je suis consciente de l'importance de l'accès au matériel, ainsi que l'importance de l'infrastructure pour fournir le matériel et l'apprentissage. Comme nous le savons, l'accès au matériel en ligne est particulièrement important en ce moment, en raison de la pandémie. Cela comprend l'accès à Internet, à du matériel adapté à l'âge et à la culture, ainsi qu'à du matériel dans une langue appropriée.
En tant que parent, j'ai tenté de trouver des livres et des guides pour m'aider à avoir des conversations avec mes enfants et aussi pour en faire part aux autres parents.
Il existe des bibliothèques dans les écoles, les communautés, les hôpitaux et les établissements d'enseignement supérieur, ce qui en fait des centres clés pour l'accès à l'information, aux programmes et à la technologie, quels que soient l'âge, le lieu et la condition sociale. Elles permettent d'apprendre en dehors des limites de l'éducation formelle.
Les bibliothèques jouent un rôle important en donnant aux gens la possibilité de se renseigner non seulement sur le système des pensionnats, la Loi sur les Indiens et les traités, mais aussi sur l'art, la littérature, les langues et la culture autochtones et sur les expériences des peuples autochtones au Canada.
La création d'une journée nationale de la vérité et de la réconciliation encouragerait et soutiendrait le développement de programmes et la collecte de matériel, et elle permettrait à tous les habitants du Canada d'être plus conscients de ce qui s'est passé et d'être mieux renseignés.
En 2017, le groupe de travail sur la Commission de vérité et réconciliation de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques a publié un rapport détaillant les mesures à prendre par les bibliothèques pour mettre en œuvre les appels à l'action. Depuis la publication du rapport, le Comité des questions autochtones a constitué une composante majeure du travail de la CFLA. De nombreux appels à l'action concernent l'éducation, les langues et les programmes, et portent sur la disponibilité des rapports et de la documentation. En outre, les appels à l'action numéros 69 et 70 mettent l'accent sur l'importance du respect de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et des droits des peuples autochtones de connaître la vérité sur ce qui s'est passé et d'avoir accès aux informations concernant les violations des droits de la personne. Il est donc d'une importance cruciale de disposer de l'infrastructure nécessaire pour soutenir à la fois le contrôle et l'accès à la documentation.
Pour revenir à l'histoire que j'ai racontée au début de ces remarques, j'espère qu'une journée nationale de la vérité et de la réconciliation servira à multiplier les occasions d'apprentissage et de discussions partout au Canada. Dans ce contexte, les bibliothèques peuvent jouer un rôle clé pour veiller à ce qu'il n'y ait pas une autre génération qui ne connaisse pas la vérité, et à ce que nous reconnaissions et honorions les survivants et nous souvenions de ceux qui sont morts.
Je vous remercie.
:
Bon après-midi, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Monsieur le président, je dois commencer par saluer ma mère qui se trouve à habiter dans votre circonscription. Je suis certain qu'elle nous regarde, vous et moi, aujourd'hui.
Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui à témoigner.
Au cours des cinq minutes qui me sont imparties, j'ai quelques commentaires généraux à faire. Je serai heureux ensuite de répondre aux questions et de discuter avec vous de ces enjeux importants.
Permettez-moi tout d'abord de vous parler un peu d'Employeurs des transports et communications de régie fédérale, ou ETCRF, l'organisme pour lequel je travaille. Nous sommes une association d'employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale. Nous comptons parmi nos membres de grandes compagnies aériennes, des sociétés de messagerie, des chemins de fer, des entreprises de télécommunications, etc. Nos membres sont des entreprises qui exercent presque exclusivement leurs activités 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ils dirigent des entreprises qui, pour l'essentiel, ne s'arrêtent jamais. Elles relient les chaînes d'approvisionnement nationales et mondiales et fournissent quotidiennement des services essentiels aux Canadiens.
Permettez-moi de commencer en disant que l'ETCRF et ses membres soutiennent et appuient fermement le processus de vérité et réconciliation. Nos membres adhèrent sans réserve aux principes de la diversité et de l'inclusion au sein de leurs organismes, et cela s'inscrit parfaitement dans ce vaste processus. Nos membres n'ont pas d'objection au congé proposé. Ils sont conscients de l'importance de réserver une journée à la réflexion. Ils conviennent que c'est un pas positif vers la réconciliation et, bien honnêtement, ils aimeraient être partenaires de cet important cheminement.
Dans un contexte plus large, j'aimerais vous parler un peu aujourd'hui de ce qu'un jour férié payé signifie dans le contexte du secteur privé sous réglementation fédérale afin de vous donner, je l'espère, un aperçu de ce que cela signifie concrètement. Ce que je ne vais pas faire, et je ne veux pas faire, c'est me montrer irrespectueux de cet important dialogue en laissant entendre que nous devrions, en quelque sorte, attribuer un prix à la réconciliation. Ce serait inadmissible. Ce n'est pas mon intention. Cependant, je pense qu'il est important que nous comprenions tous ce que signifie un congé payé.
Mes collègues de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ont effectué des recherches il y a quelques années et ont conclu qu'un jour férié payé dans tout le pays coûte en fait 3,6 milliards de dollars à l'économie. Cela suppose que toutes les administrations au Canada y participent.
Au sein du secteur privé sous réglementation fédérale, où résident mes membres, nous avons effectué une analyse approximative. Les données sont relativement brutes. Il semble que le coût d'un jour de congé payé s'élève à environ 600 millions de dollars.
J'ai parlé de la question avec certains de mes membres, et j'ai parlé avec un membre qui emploie environ 5 000 Canadiens et dont l'entreprise fonctionne 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ils estiment qu'un jour de congé payé leur coûte environ 1,4 million de dollars.
Il est important de noter que le secteur privé sous réglementation fédérale est unique au Canada. Comme je l'ai déjà dit, ces entreprises ne s'arrêtent pas pendant un jour férié. Ce ne sont pas des emplois de bureau typiques de neuf à cinq. Ce sont des entreprises qui continuent à fonctionner, qu'il y ait un jour de congé ou non. Elles ne ferment pas pour prendre congé.
Concrètement, les personnes qui travaillent ces jours-là reçoivent généralement une rémunération supplémentaire, et nous connaissons tous l'expression « heures supplémentaires à temps et demi », par exemple. Ce qui se passe, dans ce cas, c'est que ceux qui reçoivent ce temps et demi le prennent souvent plus tard en congé, et ceux qui sont amenés à les remplacer pour cette journée sont eux aussi payés en heures supplémentaires à temps et demi, ce qui veut dire qu'un jour férié payé a une sorte d'effet multiplicateur pour une entreprise dont les activités fonctionnent en continu. En réalité, il devient en fait un élément de dépense.
Il est également important de noter qu'un tel changement ne se produit pas de manière isolée. L'année dernière, par exemple, le gouvernement a ajouté trois nouveaux jours payés dans le Code canadien du travail. Ces jours sont appelés « congés personnels ». Les employés y ont droit pour une multitude de raisons, et les motifs pour lesquels ils peuvent être pris sont assez souples. Cinq d'entre eux sont garantis, dont trois doivent être payés aux employés.
Aujourd'hui, nous parlons du projet de loi , qui en ajoutera potentiellement un autre. La , la ministre du Travail, prévoit d'en ajouter bientôt un autre — c'est dans sa lettre de mandat — sous le titre de « jour de la Famille ». Cela signifie que sur une période d'environ deux ans, le gouvernement ajoutera cinq jours de congé payé dans un laps de temps très court.
Ceci étant dit, si le gouvernement procède de cette manière, nous avons quelques recommandations que nous espérons que vous prendrez en compte dans le cadre de vos délibérations.
Premièrement, une option consiste à envisager d'instaurer une journée nationale de la vérité et de la réconciliation sans nécessairement en faire un jour férié payé dans le secteur privé fédéral.
J'ai examiné les témoignages que vous avez entendus plus tôt cette semaine. Je ne suis pas sûr qu'il y ait nécessairement une forte pression de la part des défenseurs pour que ce soit un jour de congé payé. Certains de vos témoins ont dit que ce n'était pas censé être un jour de détente devant la télévision.
Si nous le faisions de cette façon et que ce n'était pas nécessairement un jour de congé payé, les employeurs pourraient s'engager activement avec les dirigeants autochtones pour s'assurer que la journée est commémorée correctement et respectueusement.
Cependant, si la Journée de la vérité et de la réconciliation finit par être un jour férié payé, notre deuxième recommandation est qu'elle le devienne effectivement en 2022. Le budget 2021 est établi dans la plupart des grandes entreprises. Cette planification financière est déjà terminée, et il serait très perturbant de recommencer ce processus pour tenir compte de ce changement.
Notre dernière demande, si nous ajoutons un jour de congé payé pour la vérité et la réconciliation, est que le gouvernement reconsidère son engagement à ajouter également la Journée de la famille. L'ajout de ces deux journées dans le secteur fédéral signifierait que l'administration fédérale aurait le plus grand nombre de jours fériés payés de toutes les administrations canadiennes. En fin de compte, il en résultera une asymétrie injuste entre les organisations qui œuvrent dans le secteur fédéral et celles, nombreuses — la grande majorité — qui œuvrent dans le secteur provincial.
C'est tout ce que j'avais à ajouter. Je serai ravi de répondre à vos questions et de discuter de cette question. Nous estimons qu'il s'agit d'une question cruciale et nous voulons montrer notre appui.
Merci.
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Merci d’avoir posé la question.
Je pense qu’une chose importante à savoir sur la Fédération canadienne des associations de bibliothèques est que nous sommes une fédération d’associations. Nous représentons les associations provinciales ainsi que des associations spécialisées, comme, par exemple, les associations canadiennes de droit ou les associations de santé, et nous agissons réellement comme un mécanisme favorisant des échanges qui sont ensuite mobilisés au sein de nos administrations individuelles. De nombreuses associations de bibliothèques travaillent à cette question depuis plusieurs années, mais nous n’élaborons pas de programmes d’études particuliers dans le cadre de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques. Nous disposons d’un rapport détaillé, que j’ai mentionné, qui présente les actions qui peuvent et pourraient être prises dans le contexte des bibliothèques individuelles ou des associations individuelles.
Je sais que l’association des bibliothèques de la Saskatchewan élabore activement toutes sortes de programmes. Par exemple, je sais que cette association a mis en place un programme qui permet de consulter des rubriques spécialisées, élément important pour accéder au matériel. Les rubriques qui ont été utilisées dans de nombreuses bibliothèques ont en fait été rédigées dans une terminologie raciste ou plus ancienne qui pose problème. De nombreuses associations de bibliothèques et de groupes professionnels déploient des efforts considérables pour les modifier afin que nous n’ayons plus accès à du matériel dont le langage et les noms ne conviennent pas aux nations et qui ne sont pas les noms qu’elles-mêmes utilisent. Ce genre de travail est en cours.
Je ne peux pas parler au nom de toutes les associations jusqu’aux bibliothèques individuelles, mais je sais que des efforts actifs et considérables sont déployés dans le cadre de ces programmes partout au Canada, alors je pense que oui.
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Merci d’avoir posé la question.
L’un des nombreux défis qui se posent au sein de cette fédération complexe dans laquelle nous vivons tous est que les règles du lieu de travail, par exemple, sont déterminées par l’administration dans laquelle celui-ci se trouve. Le secteur fédéral couvre environ 10 % de tous les employés du pays. Les autres sont couverts par les administrations provinciales pertinentes, quel que soit le lieu d’activité de l’organisation. Bien entendu, vous savez pour la plupart que la Constitution détermine les compétences qui sont exercées dans chaque province.
La plupart des membres que je représente sont ce que l’on croyait être, au moment de la rédaction de la Constitution, ces grandes entreprises fédérales — entreprises de transport, entreprises de communication, banques, etc. Lorsque nous ajoutons des congés payés au Code canadien du travail, il est possible qu’ils ne concernent que les organisations sous réglementation fédérale, ce qui pose problème. Si nous en ajoutons deux, ce qu’on envisage sérieusement de faire, c’est le secteur privé fédéral de ce pays qui aura le plus grand nombre de congés payés.
Si vous êtes une organisation dont le concurrent, par exemple, pourrait être réglementé par une province, vous êtes maintenant désavantagé en termes de coûts par rapport à lui. Espérons que nous nous efforcerons au maximum d’harmoniser les jours fériés payés, ainsi que de nombreuses autres questions dont nous discutons avec le gouvernement, comme la santé et la sécurité au travail. Il y a beaucoup d’autres questions pour lesquelles l’harmonisation facilite grandement la vie et supprime tout déséquilibre concurrentiel inutile qui pourrait être mis en vigueur.
Cela n’enlève rien au soutien et à la conviction de nos membres en faveur de l’instauration d’une journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Je pourrais continuer à parler à n’en plus finir de leur engagement à cet égard. Ce ne sont pas des concepts mutuellement exclusifs. Nous pouvons en instaurer une sans qu’il s’agisse nécessairement d’un jour férié payé.
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J’aime à penser que beaucoup d’adultes utilisent autant les bibliothèques que les enfants.
En ce qui concerne les programmes pour adultes, je parlais tout à l’heure de mon rôle de parent. C’est certainement un rôle essentiel pour comprendre la façon de faciliter les conversations avec les enfants, mais je dirais aussi que pour les adultes, il y a beaucoup à apprendre. Je n’ai pas appris l’histoire des pensionnats quand j’étais enfant. Cet apprentissage a dû se faire principalement à l’âge adulte.
Bien sûr, pendant que je lis des livres d’images à mes enfants et que j’apprends d’eux, je vais peut-être lire ou consulter d’autres types de matériels. Les apprenants adultes de tous les niveaux ont accès à des services comme les clubs de lecture. Nous savons que de nombreuses bibliothèques publiques en sont dotées.
Comme je l’ai dit, il existe également de nombreux types de bibliothèques. Il y a des bibliothèques publiques, mais les bibliothèques se trouvent dans d’autres types d’espaces. Il y a des bibliothèques dans les hôpitaux. Il y a des bibliothèques de recherche, autre domaine vraiment important pour mener des recherches sur les questions autochtones. Lorsque nous examinons le rôle fondamental de l’accès au matériel, aux informations, aux données et aux rapports, nous constatons qu’il couvre tout le spectre. Il est clair que les bibliothèques servent non seulement à fournir l’histoire, mais aussi l’accès à l’information et à la recherche sur les conséquences permanentes, par exemple, du système des pensionnats, à bien des égards, pour les familles. Les bibliothèques ont un rôle indéniable à jouer dans de multiples contextes. Comme je l’ai dit, elles nous amènent notamment à réfléchir sur la manière dont nous donnons accès à ces documents.
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Je vous remercie pour votre question et pour avoir souligné l’importance des langues autochtones.
Encore une fois, je dirai que la Fédération des associations de bibliothèques est un groupe de défense qui soutient ses associations membres et leur travail. Il est certain que pour le groupe chargé des questions autochtones, la nécessité d’encourager l’utilisation des langues autochtones dans les bibliothèques et autres espaces s’inscrit dans notre travail de sensibilisation.
Je mentionnais tout à l’heure la question des rubriques. C’est l’un des principaux moyens pour accéder au matériel. Nous n’accédons pas seulement au matériel en langues autochtones; nous devons aussi y accéder en nous servant de plateformes et de rubriques thématiques.
Nous savons qu’il est important que les gens puissent naviguer vers des documents dans leur langue, et pas seulement en anglais. C’est un domaine dans lequel nous préconisons que des sites comme les bibliothèques publiques ou universitaires envisagent de mettre en place des systèmes qui favoriseront non seulement la revitalisation des langues, mais aussi leur utilisation.
C’est certainement une chose que nous cherchons à encourager chez les bibliothèques ou les associations membres, parce que, comme nous le savons, une partie de... Comme je l’ai mentionné dans mon récit, ma propre grand-mère n’a pas enseigné la langue à ses enfants. Mon père n’a jamais pu parler à ses grands-parents, qui parlaient un mélange de français et d’anishinaabemowin. Il n’a jamais pu leur parler parce qu’ils n’utilisaient pas la même langue, donc pour moi, la question revêt également une importance sur le plan personnel.
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Je remercie les témoins des observations qu'ils ont formulées.
Grâce à notre expérience, j'ai senti... J'ai été élevé plutôt par mes grands-parents. Je vais prendre un peu de recul pour vous dire que mes deux parents parlaient couramment la langue des Pieds-Noirs. Je suis le seul garçon parmi les cinq enfants de ma famille, et mes quatre sœurs parlent aussi la langue des Pieds-Noirs couramment. L'une des conséquences de cette situation, c'est que je suis resté la plupart du temps chez mes grands-parents qui, eux aussi, parlaient couramment la langue des Pieds-Noirs. Cependant, mes deux grands-parents m'ont dit à l'époque que je devais apprendre à parler anglais autant que possible. Je n'étais pas autorisé à parler la langue des Pieds-Noirs. Malheureusement, je ne leur ai jamais demandé pourquoi. Quelle était la raison pour laquelle je ne pouvais pas parler ma langue?
Ce n'est pas la faute de mes grands-parents. Ils ne voulaient que mon bien, mais cela a eu des répercussions. Aujourd'hui, j'ai le sentiment de faire de mon mieux. Je comprends la langue des Pieds-Noirs, mais j'ai du mal à la parler. C'est l'une des conséquences qu'a eues pour moi le fait que mes grands-parents voulaient ce qu'il y a de mieux pour moi. Cependant, on leur avait dit que nous devions abandonner notre langue des Pieds-Noirs. C'était un présage.
Compte tenu du système en place, la mère de ma femme est tombée enceinte pendant son séjour dans un pensionnat. La seule façon pour sa mère d'échapper au système des pensionnats était de tomber enceinte. C'était une mère célibataire. Le jour où ma femme est née, en 1967, [Difficultés techniques] elle a été retirée de [Défaut technique] parce que sa mère ne pouvait pas s'occuper d'elle. Ces deux scénarios ont eu des répercussions sur elle...
Je partage votre avis, et je pense que cette situation est très triste. Je suis en total désaccord avec la position que la province de l'Alberta a adoptée à l'égard de cette situation, mais je crois que l'incidence ici... Comme vous le savez, des incidents fondés sur le racisme surviennent en Alberta. Nos concitoyens ont été témoins de bon nombre d'incidents qui sont survenus en Alberta, en particulier. Comme vous le savez, à Red Deer, une manifestation, organisée avec l'aide d'organisations autochtones, dans le cadre du mouvement Black Lives Matter, a été interrompue. La GRC, en particulier, a pris parti à cet égard.
Ce que j'en dis aujourd'hui, c'est que j'ai le sentiment que les peuples autochtones de l'Alberta sont tenus à l'écart de tout ce que nous faisons, que ce soit le fait d'être entrepreneur... et cela a des répercussions. Je pense qu'à l'heure actuelle, le fait d'envisager d'organiser cette fête nationale est un début. Cela envoie un message. Il n'y a rien à l'échelle nationale qui vise à reconnaître quoi que ce soit au sujet des Premières Nations ou des Autochtones. Si cette journée devait être organisée, je pense que cela aurait d'importantes répercussions.
Il y a 94 appels à l'action, mais je pense qu'il n'y en a que sept qui ont été recommandés. C'est un bon début. Nous devons envoyer ce message, en particulier aux provinces. Tout cela nous concerne.
Merci.
J'adresse ma prochaine question à Mme Cassin. Vous avez parlé un peu de la façon dont vos enfants ou votre famille étudient à la table de cuisine, comme tant de Canadiens le font partout au pays, ainsi que de l'importance que cela a eue de voir comment la Journée du chandail orange était marquée.
J'ai aussi des enfants. Ils ont également passé une grande partie des neuf derniers mois à notre table de cuisine pour faire leur scolarité.
L'une des choses à laquelle j'ai réfléchi lorsque vous avez parlé de cette question, c'est à quel point le jour du Souvenir est devenu important du point de vue de notre identité nationale, et comment les enfants apprennent tant de choses parce que nous avons réservé cette journée. Ce n'est pas nécessairement un jour férié observé à l'échelle fédérale et provinciale, mais c'est un jour important qui permet de reconnaître presque universellement ce que des gens ont enduré et sacrifié. Je crois que le fait d'avoir instauré cette journée a contribué énormément à ce que cette notion devienne une réalité.
Pourriez-vous nous parler un peu de la façon dont vous envisageriez la Journée de la vérité et de la réconciliation, qui serait marquée le 30 septembre, et des leçons que nous pourrions tirer du jour du Souvenir, ainsi que de la façon dont les bibliothèques pourraient utiliser cette journée pour continuer de faire valoir ces notions d'information et d'éducation?
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En me préparant pour mon témoignage d'aujourd'hui, je me disais que j'avais vu mes enfants célébrer à distance le jour du Souvenir qui vient de passer. Ils ont même organisé des assemblées du jour du Souvenir à distance. Je précise encore une fois que je suis très reconnaissante à Phyllis Webstad de la façon dont la Journée du chandail orange est désormais devenue un événement marqué dans les écoles, ne serait-ce qu'au cours de ces deux ou trois dernières années. Je sais qu'il y a trois ans, quand mes enfants étaient un peu plus jeunes, cette journée n'était pas nécessairement marquée de la même façon.
Tout comme le jour du Souvenir, une telle journée permettrait, par exemple, aux bibliothèques scolaires de rassembler des documents dans un présentoir ou aux enfants de commencer à se préparer à marquer cette journée. Nous savons, grâce aux nombreuses autres façons dont nous marquons des journées au Canada — la fête du Canada, par exemple — que les célébrations ne se limitent pas à la journée même, qu'il y a une préparation préalable et que l'on enseigne pourquoi nous considérons la journée comme importante. La question n'est pas seulement qu'un congé est accordé ce jour-là, mais que ce congé a une raison d'être.
Nous entreprenons tous ces préparatifs. À l'heure actuelle, nous commençons à nous préparer à célébrer Noël, je suppose, et nous le faisons bien à l'avance. Nous constatons que ces journées permettent de procéder à de nombreux types de préparatifs, non seulement pour les enfants d'âge scolaire, mais aussi, comme je le mentionnais, pour les adultes. Pourquoi ne pas prévoir des façons de lire sur la Commission de vérité et réconciliation, des idées pour les cercles de lecture, la lecture de différents types de documents, des expositions, des plans de cours et toutes ces façons auxquels nous pouvons penser? Là encore, lorsque nous visitons nos espaces publics et que nous voyons des expositions sur le jour du Souvenir ou la fête du Canada être installées, nous observerions les mêmes préparatifs pour une journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Je pense que ces journées ont une incidence parce qu'encore une fois, il s'agit de montrer qu'il est important de ne pas oublier, comme dans le cas du jour du Souvenir. Nous nous souvenons de ces expériences. Même s'il reste de moins en moins d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, nous n'oublions jamais. Je pense que de la même manière, ces journées permettent de réunir de la documentation à l'avance et de prévoir un apprentissage préalable.
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J’ai fait mes études dans le domaine du développement économique. Pour reprendre les observations que j’ai formulées tout à l’heure, je pense que l’incidence en question est liée au système d’éducation. Nous devons éduquer bon nombre de gens, car nous ne faisons toujours pas passer le message.
Nos installations et, en particulier, le centre d’interprétation peuvent contribuer à cette éducation. Ils attirent des gens du monde entier, et ils sont là dans un but précis. Je ne sais pas si l’un d’entre vous les a déjà visités. Quand vous entrez dans le bâtiment, vous voyez beaucoup d’information historique sur les pensionnats. J’ai vu beaucoup de gens non autochtones en sortir en pleurant. Ils souhaitent alors en apprendre davantage. Nous leur avons fourni ces renseignements pour qu’ils comprennent la vie là-bas. Je pense qu’une journée nationale des Autochtones encouragera beaucoup de gens à visiter les terres des Premières Nations et à comprendre ce qui s’est passé. Cela créera une activité économique, non seulement pour les Premières Nations, mais aussi pour les Autochtones qui vivent dans les réserves ou à l’extérieur de celles-ci. Je pense qu’il est maintenant temps de mettre en œuvre cette journée, de saisir ces occasions et de les développer, en travaillant avec les Premières Nations.
Oui, notre ancien pensionnat tient encore debout mais, comme je l’ai indiqué dans mes commentaires, nous devons prendre quelque chose de négatif et le rendre positif. Nous avons converti ce vieux pensionnat en un collège communautaire, où les membres de notre première nation font passer leurs études à un niveau supérieur. En tant qu’ancien dirigeant, je suis fier de dire [Difficultés techniques] que notre communauté compte des médecins, des avocats, des dentistes, des infirmières, des enseignants, et j'en passe.
J’invite encore une fois le monde à visiter Siksika. Je crois que d’autres Premières Nations aimeraient faire de même ce jour-là.
Merci, monsieur Shields. C’est bon de vous voir.
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Merci pour votre question.
En ce qui a trait à la manière d’avoir ce type de conservations, je vous dirais que c’est une de ces situations où « cela dépend ». J’estime qu’il est important d’avoir ces conversations avec les jeunes enfants autant qu’avec les personnes plus âgées. Évidemment, l’histoire que j’ai racontée portait sur ma fille, qui est en 3e année. Nous parlons de ce sujet dans ma famille depuis un moment déjà. C’est pour cette raison que je trouve l’éducation importante, mais aussi que j’estime important de sensibiliser les éducateurs et d’aider les personnes qui participent à l’éducation, qu’il s’agisse d’enseignants, de bibliothécaires ou d’autres personnes dans divers domaines, voire de parents, à comprendre que même s’il s’agit de sujets difficiles, et il est difficile de parler de…
Je vous dirais que, quand les enfants apprennent à l’école, comme c’est le cas pour les miens, que le Canada est le meilleur pays du monde et qu’on y trouve toutes ces belles choses, vous vous dites que, eh bien, oui, mais il y a ces aspects du Canada qui doivent être améliorés… Donc, c’est de permettre aux gens d’apprendre comment avoir des conversations difficiles et de ne pas éviter de les avoir parce qu’ils sont mal à l’aise ou parce qu’ils ne se sentent pas aptes à les avoir. Je crois qu’il est particulièrement important, quand on réfléchit aux façons de… Comme l’a dit M. Big Snake, venir dans le territoire, sur ces terres, et voir ces endroits est également crucial pour bien comprendre ce qui s’est passé.
Je le répète, cela dépend, mais je crois que le plus important est de ne pas éviter ces conversations. Selon moi, c’est le principal. Avoir une journée nationale démontre à quel point il est important de ne pas éviter ces conversations.
Nous entamons la deuxième heure de témoignages dans le cadre des discussions sur le projet de loi .
Au cours de cette deuxième heure, nous entendrons deux témoins, et je tiens à les remercier sincèrement d’être parmi nous. Ils se joignent à nous par vidéoconférence. Je vais vous donner l’occasion dans quelques instants de corriger toute mauvaise prononciation, mais permettez-moi d’abord de souhaiter la bienvenue au chef national déné, Norman Yakeleya, ainsi qu’au chef de la communauté innue d’Ekuanitshit, Jean-Charles Piétacho.
Au nom de tous, merci beaucoup.
Bien sûr, vous représentez tous les deux des éléments de l’Assemblée des Premières Nations. La façon dont nous procédons habituellement avec les témoins est de vous accorder cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Nous vous accordons une certaine latitude pour finir vos propos. Ensuite, nous passons aux questions.
Commençons par le chef Yakeleya. Vous avez cinq minutes. Je vous en prie.
[Le témoin s’exprime en déné ainsi qu’il suit:]
Mahsı, sot’ı̨né dene gonazų.
[Les propos en déné sont traduits ainsi:]
Merci à tous mes proches dans le monde entier.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Je me suis exprimé dans ma langue pour remercier les membres de ma parenté qui participent à cet appel et leur dire que nous avons du beau temps aujourd’hui. C’est magnifique dehors.
Chers membres du Comité, amis et parents, merci de m’avoir invité aujourd’hui à vous faire part du point de vue de l’Assemblée des Premières Nations sur le projet de loi , qui se traduira par un nouveau jour férié national, soit la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Bien que je favorise l’établissement de liens fondés sur la compréhension et le respect au quotidien, je suis ici pour soutenir le projet de loi menant à la création d’un jour férié national. Le fait de créer un jour férié national pour les Autochtones contribuera à promouvoir la réconciliation tout en commémorant tous ceux qui l’ont inspiré. Nous ne devons pas oublier les dommages causés à nos communautés dans le passé et les séquelles durables des pensionnats ainsi que leur incidence sur les communautés autochtones.
Il y a encore des obstacles à l’établissement de liens entre les Premières Nations et les Canadiens. La création d’un jour férié national pourrait s’avérer une occasion d’apprendre, de sensibiliser la population et de se réunir afin de mieux comprendre la Commission de vérité et réconciliation, ses buts et aspirations, et la façon dont l’ensemble du pays peut progresser sur la voie de la réconciliation.
Comme on peut le lire dans le rapport final de la Commission, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fournit un cadre de réconciliation. L’article 15 de la Déclaration se lit comme suit:
1. Les peuples autochtones ont droit à ce que l’enseignement et les moyens d’information reflètent fidèlement la dignité et la diversité de leurs cultures, de leurs traditions, de leur histoire et de leurs aspirations.
2. Les États prennent des mesures efficaces, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones concernés, pour combattre les préjugés et éliminer la discrimination et pour promouvoir la tolérance, la compréhension et de bonnes relations entre les peuples autochtones et toutes les autres composantes de la société.
Un jour férié national pourrait servir à lutter contre les préjugés, à éliminer le racisme et à promouvoir la tolérance. Ce jour férié pourrait être un moment de réconciliation annuel. Les Premières Nations se réjouissent des nombreux engagements pris récemment par les Canadiens afin de promouvoir la réconciliation, y compris le projet de loi , Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et nous avons hâte de voir de nouvelles initiatives favorisant la réconciliation. Plusieurs provinces et territoires ont déjà reconnu l’importance de consacrer une journée pour honorer les peuples autochtones.
En 2017, le gouvernement du Yukon a adopté une loi faisant du 21 juin un jour férié. Dans les Territoires du Nord-Ouest, on célèbre ce jour férié depuis 18 ans. Ce n’est pas nouveau. L’Assemblée des Premières Nations demande que l’on adopte une loi comme celle-là depuis 1982. La Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé que l’on désigne une journée spéciale, et l’Assemblée générale des chefs a présenté plusieurs résolutions portant expressément sur cette question.
À titre de partie prenante de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, qui a mené à la création de la Commission de vérité et réconciliation, l’Assemblée des Premières Nations a le mandat unique de promouvoir la pleine mise en œuvre des 94 appels à l’action de cette commission. Parmi elles, il y a l’appel à l’action no 80, qui demande justement l’application des mesures proposées dans ce projet de loi.
Je sais que le Canada vient de promettre la création d’un jour férié fédéral pour souligner les séquelles qu’ont causées les pensionnats. Nous sommes heureux qu’il annonce une date pour honorer l’histoire de cette période, comme le demandent les appels à l’action de la Commission.
Le bureau de direction de l’Assemblée des Premières Nations a récemment adopté une motion demandant que la Journée du chandail orange, célébrée le 30 septembre, devienne un jour férié de réconciliation. Cette date correspond à la période de l’année où les enfants étaient séparés de leur famille pour être placés dans un pensionnat. Cette journée tire son nom du chandail orange brillant que Phyllis Webstad, alors âgée de six ans, a reçu de sa grand-mère en 1973 et qu’on lui a retiré à son arrivée au pensionnat de la mission St. Joseph, à Williams Lake, en Colombie-Britannique. Elle ne l’a jamais récupéré.
J’ai marqué une pause parce que j’étais songeur. Beaucoup d’entre nous ont aussi vécu cela dans les pensionnats des Territoires du Nord-Ouest.
Permettez-moi de conclure.
L’Assemblée des Premières Nations propose que ce projet de loi soit modifié afin que le 30 septembre devienne un jour férié de réconciliation et que le 21 juin demeure un jour national de célébration. Si le Canada choisit de répondre à l’appel à l’action no 80 par l’intermédiaire de ce projet de loi, le 21 juin doit lui permettre de concrétiser la tâche importante de veiller à ce qu’il y ait une occasion pour tous de souligner et de respecter les séquelles des survivants tout en célébrant notre culture et notre histoire.
La nature conflictuelle de ces deux objectifs s’avère préoccupante. La réconciliation n’est jamais simple. Tous les partenaires, tant du domaine public que privé, devront déployer d’importants efforts pour veiller à promouvoir et à favoriser la réconciliation. Une réconciliation durable ne se fera pas en un jour.
J’exhorte tous les gouvernements à toujours garder à l’avant-plan les intérêts et les points de vue des survivants. Les Premières Nations soutiennent l’action et le changement. Il est temps de rétablir nos relations initiales fondées sur le respect mutuel, la reconnaissance mutuelle, la coexistence pacifique et le partage. Le temps de la réconciliation est venu.
Je souhaite remercier le Comité et la députée Jolibois d’avoir soulevé cette question importante.
En conclusion, la Nation dénée, de pair avec l’Assemblée des Premières Nations, souhaite s’assurer que nous cheminons ensemble dans ces traces afin que nos enfants puissent vraiment avoir une place dans la société en tant que membres des Premières Nations.
Nous vous remercions. Nous remercions nos aînés. Dieu vous bénisse. Dieu bénisse nos peuples des terres du Labrador. Nous prions pour vous tous.
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Marsi cho.
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Normalement, je parle pendant une journée, mais je vais me sacrifier et ne prendre que cinq minutes. Il reste que c'est un moment très important dans nos vies.
Mon nom est Jean-Charles Piétacho. Je n'aurais pas écrit mon nom de famille comme les oblats de l'époque l'ont fait. En innu, mon nom signifie « celui qui vient avec le vent ». Je suis le chef de la communauté innue d'Ekuanitshit depuis 30 ans. J'ai été élu pendant de nombreuses années.
Avant d'oublier, j'aimerais souligner un événement important concernant une légende pour nous. Je parle du départ du grand chef Max Gros-Louis, qui a été mis en terre hier. Il y a eu des veillées pendant trois jours, 24 heures sur 24. C'étaient des moments forts. J'ai assisté au début du rituel et je suis allé saluer la famille, en tant que chef et en tant que personne.
D'entrée de jeu, je vais vous dire que je suis un ex-pensionnaire. Je vais parler de vague, puisqu'on en parle souvent ces temps-ci. Je suis de la deuxième vague de jeunes qui ont été enlevés et mis dans des camions qui se dirigeaient vers l'aéroport d'une ancienne base américaine. On nous a mis dans des avions. Nous étions très jeunes et nous nous amusions, jusqu'au soir où nous nous sommes aperçus que nous n'étions plus chez nous.
J'essaie d'imaginer et de décrire le plus rapidement possible ce que c'était, tout en pensant à vous aussi. Nous n'étions plus chez nous. Je ne sais combien de jeunes de la communauté innue d'Ekuanitshit sont partis durant la journée. Mon grand-père et ma grand-mère m'ont élevé. J'imaginais mon grand-père et ma grand-mère défaits, parce qu'ils n'entendaient plus mes paroles. Ils n'entendaient plus mes pleurs. Je savais que la transmission ne se ferait plus, puisque je n'étais plus là.
J'ai été au pensionnat pendant de longs séjours. Plusieurs d'entre nous sont partis vivre dans ce pensionnat à l'ouest de notre communauté de Maliotenam. Nous y sommes restés pendant un an, trois ans, sept ans ou dix ans. D'autres n'en sont jamais revenus. Ce sont des moments pareils que nous essayons maintenant de faire comprendre.
J'essaie de ne plus tenir de discours de victimisation, mais je veux que l'ensemble des Canadiens se rappellent et qu'ils n'oublient jamais cette période tragique pour nos familles et nous. Cela s'est passé durant les années 1950 et 1960. Beaucoup de jeunes y étaient. En arrivant au pensionnat, on nous a enlevé tous nos vêtements et on a coupé nos cheveux. Nous ne comprenions rien de ce qu'on nous disait.
Je vais vous dire quelque chose que j'ai déjà dite, et ce n'est pas une question financière. Ma conjointe et moi n'avons pas eu droit aux montants que tous les ex-pensionnaires ont reçus. Ma femme vient de Sept-Îles. Son dossier a été considéré comme non recevable, parce que son pensionnat était décrit comme une école de jour. Nous suivons très minutieusement ce qui se passe en Colombie-Britannique concernant les écoles de jour. Ils sont devant le tribunal actuellement, et nous sommes avec eux en pensée.
Pour des raisons administratives, on m'a refusé le montant qui devait m'être versé. Cependant, ce qui me fait le plus mal, c'est d'avoir été agressé sexuellement. Cela fait mal. Parfois, j'ai de la difficulté, car cela me revient. C'est sûr que c'est bien, ce qu'on fait, en décidant de tenir un jour de commémoration et de reconnaissance. Cependant, pour certains, dont moi, cela rappelle de douloureux souvenirs.
Aujourd'hui, je suis chef et j'ai dû assister à un autre enlèvement d'enfants. J'ai vu de jeunes enfants partir en réponse à une ordonnance émise par une instance de justice extérieure. Dans le cas présent, c'est le directeur de la protection de la jeunesse qui a encore une fois décidé que ces enfants-là iraient ailleurs que dans nos familles. Moi, je ne peux pas et je ne dois pas ne pas réagir.
Nous sommes en train de nous prendre en main, même si le Québec conteste le projet de loi . Malgré le manque de financement, cette loi nous aurait permis d'instaurer nos solutions. Nous y parvenons tout de même, avec rien. Nous avons réussi à placer nos propres enfants dans des familles de nos communautés. Cela me préoccupe au plus haut point.
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Merci, monsieur le président.
Ma première question s’adresse aux deux messieurs, si possible.
Ce qui me préoccupe plus que tout, c’est que nous allons établir un jour de congé pour les industries et les employés sous réglementation fédérale, mais notre compréhension n’évoluera pas. Je me fonde sur ma propre expérience pour déclarer cela. Avant que le premier ministre Harper ne présente ses excuses au nom du gouvernement pour le système de pensionnats indiens dans notre pays, je ne connaissais pas ce système. Je ne suis pas une personne particulièrement apathique. J’ai été actif au sein de mon conseil municipal pendant 26 ans. Mais je ne savais rien des pensionnats.
Je dois vous dire, chef Piétacho, que quand j’entends les histoires, elles sont si émouvantes, si évocatrices, si fascinantes, que je suis poussé à faire plus, à sensibiliser davantage la population afin de l’aider à comprendre ce que nous avons vraiment fait aux Premières Nations de ce pays.
Dites-moi, j’aimerais savoir si, plutôt que de simplement avoir un jour férié qui donne à un groupe d’employés fédéraux et d’industries sous réglementation fédérale un jour de congé, vous trouveriez intéressante l’idée d’inclure les notions de sensibilisation, de compréhension et de croissance personnelle dans la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation afin que l’on comprenne ce que nous avons fait aux Premières Nations de ce pays et à leur culture.
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Cela devrait assurément être plus qu'une journée fériée. Si l'on continue ainsi, à force d'ajouter des jours ici et là, on va remplir le calendrier de jours comme celui du Souvenir ou du 24 juin. Au Québec, on aura le jour du 28 septembre, commémorant la mort tragique de Joyce Echaquan. Sans aucun doute, cela prend plus d'éducation, d'information et de sensibilisation pour que les gens n'oublient pas.
Comme je vous l'ai dit, ce n'est pas un discours de victimisation. Je suis ici pour vous rappeler les événements que nous avons vécus, en espérant que cette journée puisse apporter une lueur d'espoir que nous souhaitons transmettre pour éviter la répétition de ce que nous avons toujours vécu et la honte d'avoir été ce que nous avons été dans les pensionnats. Certains sont décédés et n'ont jamais pu raconter leur histoire.
Le gouvernement et les juges disent qu'il faut effacer tous les témoignages de tous les ex-pensionnaires à un moment précis, soit dans cinq ou sept ans. Cela me préoccupe, puisqu'on va effacer une grosse partie, sinon toute une histoire que le monde devrait connaître.
Je trouve cette journée commémorative très importante. Vous savez, on le fait pour le chandail orange. Le 28 septembre, on aura une journée pour Joyce et, le 30 septembre, une journée pour les ex-pensionnaires.
Je ne sais pas si le fait d'avoir trop de dates finira par rendre la chose banale. J'ai la crainte que cette journée soit utilisée pour des considérations pécuniaires. J'ai peur que des fonctionnaires se disent qu'ils iront faire leurs affaires au chalet pendant la journée, au lieu de s'éduquer. C'est ma préoccupation. Toutefois, c'est une belle initiative que l'APNQL appuie, sous réserve de certaines préoccupations, que je vous ai mentionnées aujourd'hui.
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Merci beaucoup aux membres du comité parlementaire.
Monsieur le président, le député pose une question très importante, et je crois que son argument est très important, soit que d’avoir un congé national juste pour…
Je crois que l’Assemblée des Premières Nations voudrait qu’il s’agisse d’une façon très significative pour tout le Canada, y compris les Autochtones, de vraiment comprendre l’incidence des pensionnats et des autres politiques qui ont influé sur nos vies et nos communautés. Cette histoire, celle des Autochtones assujettis à ce type de politiques, doit être racontée avec soin, douceur et dans un esprit de guérison. On nous a interdit de parler de beaucoup de choses, des choses qui ne devaient même pas figurer dans les cours d’histoire de nos écoles et établissements. Les familles devraient savoir qu’un peuple a été assujetti à ces politiques dans le cadre de la Loi sur les Indiens, du système des pensionnats indiens et de beaucoup d’autres politiques et lois, et de savoir que les Autochtones ont seulement obtenu leur reconnaissance en 1960, quand on leur a donné le droit de vote dans le système électoral canadien.
Il serait profitable que l’Assemblée des Premières Nations forme un groupe de travail avec d’autres personnes pour veiller à ce que ce soit fait de façon significative. Nous devons avoir cette discussion avec nos frères et nos sœurs canadiens et nous approprier cette histoire. Tout comme nous célébrons le 11 novembre, quand nous mettons toutes nos différences de côté pour rendre hommage aux personnes qui ont combattu pour nous, qui nous ont donné cette liberté au prix de leur vie, nous faisons cela avec les pensionnats. Nos parents ont cédé leurs enfants aux écoles et aux églises, ils ont fait des sacrifices, et les conséquences ont été dévastatrices, mais nous sommes un peuple magnanime et nous voulons que le peuple canadien comprenne que c’est vraiment ce qui est arrivé aux Autochtones.
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Oui. J'ai lu tellement de rapports depuis la Commission royale sur les peuples autochtones, et il y a eu tellement de recommandations et d'appels à l'action, que ce soit de la part de la Commission de vérité et réconciliation ou de la commission Viens, au Québec. Je vais vous expliquer ce qui est malheureux. Beaucoup de gens sont allés témoigner. Certains de mes aînés, qui sont maintenant disparus, l'ont fait en espérant des gestes de la part des gouvernements.
Aujourd'hui, cela fait plus de 30 ans que je fais ce que je fais ici, c'est-à-dire parler sur différentes tribunes, que ce soit dans ma communauté ou à l'échelle régionale, nationale ou internationale. Nous sommes allés souvent aux Nations unies. Nous avons travaillé sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dont on discute encore.
Ma crainte est que cela soit juste une autre journée, comme le 21 juin. Nous faisons tous les efforts possibles. C'est sûr qu'avec la COVID-19, en ce moment, il ne peut pas y avoir beaucoup de mouvement, mais le passé nous enseigne des choses. D'ailleurs, nous sommes tellement résilients, peut-être trop résilients. Il faut vraiment utiliser le mot « action », si cela a une signification. J'aime parler, mais j'aimerais aussi qu'on agisse. Ce n'est pas suffisant d'adopter un projet loi, de se féliciter et de ne rien faire par la suite.
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Merci à vous deux. Vos témoignages sont vraiment bouleversants. Je peine même à retrouver la voix pour vous poser des questions.
Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais je voudrais également vous remercier d'avoir souligné le décès du grand chef Max Gros-Louis, que j'ai eu la chance de connaître. Je suis autrice-compositrice-interprète et nous nous sommes retrouvés ensemble sur des scènes internationales. C'est un homme absolument exceptionnel qui a marqué ma mémoire. Je vous offre mes plus sincères condoléances, ainsi qu'à toute la nation et à toutes les Premières Nations.
Chez nous, dans Charlevoix, nous avons de belles histoires avec nos frères des Premières Nations. Il y a un projet à la Pointe-aux-Alouettes, dans la municipalité de Baie-Sainte-Catherine, sur lequel je travaille activement avec un comité de la MRC de Charlevoix-Est. Nous aimerions mettre en place un site commémoratif.
Dans le cadre de l'étude du projet de loi , où l'on souhaite instaurer un jour férié, je me demandais ceci: s'il y avait plus de sites commémoratifs où l'on pouvait célébrer et s'informer, s'il y avait des centres d'interprétation où l'on pouvait donner des informations à la population et si plus de sites étaient mis en place dans toute la nation, cela pourrait-il nous donner une chance de mieux connaître votre histoire?
Ma fille, qui est à côté de moi, me dit qu'elle n'a eu qu'une heure dans toutes ses études secondaires pour parler de votre histoire. Ce n'est pas suffisant.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos deux invités de marque d’être ici et de nous faire part de leurs points de vue. Ces interventions ont été extrêmement intéressantes et d'une importance capitale.
J’ai une question pour vous deux, mais la première s’adresse au chef d’Ekuanitshit. Je voudrais revenir sur certains commentaires que vous avez faits concernant le racisme et le colonialisme qui ont un impact sur vos communautés et sur l'ensemble des communautés à l'échelle du Canada.
Cela concerne Joyce Echaquan, qui est morte dans un hôpital, au Québec. Il y a aussi l’histoire horrible de cette femme inuite qui s'est produite dans un hôpital d’Ottawa, cette semaine. Vous parlez du projet de loi et, dans ma province, l’Alberta, il y a le projet de loi 1, qui est un projet de loi profondément raciste à l’égard des peuples autochtones.
L’un des problèmes que je pressens concernant la tenue d'une journée pour la vérité et la réconciliation... Bien sûr, je la soutiens fermement. C’est un projet que ma collègue Georgina Jolibois a présenté lors de la dernière législature. Ce qui me dérange, c'est que nous utilisions cette journée comme un moyen de « cocher une case ». Je crois qu'il faut que cela soit le début de quelque chose. Il ne faut pas que nos efforts de réconciliation se limitent à cela. La journée doit être perçue comme un point de départ important, mais seulement comme une toute première démarche concernant notre façon de traiter avec le racisme.
J’aimerais beaucoup que vous me parliez des prochains gestes que le gouvernement doit poser, selon vous, pour faire face au racisme institutionnel systématique dans chaque province.
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Comme la plupart des dirigeants, je ne ressens pas de lassitude politique à force de préparer et de présenter de nombreux mémoires. En 1985, j'ai fait partie de la commission. J'ai aussi participé à la Commission de vérité et réconciliation et à la Commission Viens, au Québec. Nous avons tellement travaillé et nous avons fourni tous les efforts possibles. Comme je le disais tantôt, si tout cela n'est pas considéré et si ce n'est qu'un jour férié où les fonctionnaires ont congé, avec tout le respect que je vous dois, ce n'est pas significatif.
Parfois, je réfléchis au colonisé que je suis et je deviens colonisateur. Cela me préoccupe en tant que chef d'une entité fédérale. Le système de conseil de bande a été établi par le gouvernement fédéral en 1876 et ce dernier a accaparé nos terres. Comme nous le disons, la colonisation est la perte de tout.
Nous sommes chanceux de pouvoir encore aller sur notre territoire, mais il y a un litige. Nous pouvons parler notre langue, mettre en pratique notre culture et amener nos enfants à l'intérieur des terres, mais pour combien de temps? Cela me préoccupe. Il faut des changements. Lorsqu'un leader du gouvernement fédéral a dit qu'il changerait les politiques colonialistes et qu'il reconnaîtrait nos titres et nos droits, je me suis dit « enfin! » Cela avait pris des années. On nous a dit ensuite que cela serait remis aux calendes grecques.
Il y aura de nouvelles élections et nous devrons tout recommencer. C'est ce qui me fatigue. Chaque quatre ou cinq ans, tout ce que nous avons fait est banalisé ou oublié et mis dans un entrepôt à Ottawa. Comme le commissaire l'a déjà dit, une centaine de rapports qu'on nous a demandés ont été entreposés. Quelqu'un est devenu millionnaire à Ottawa, à force d'avoir entreposé tous les rapports qu'on nous a exigés.
Je ne sais pas ce que cela prendra, mais, à un moment donné, il faudra changer la donne pour qu'il y ait vraiment une réconciliation. À Ottawa, lors de cette journée du rapport, j'ai côtoyé un jeune, et nous avons eu un bon contact. Il m'a écrit un beau petit mot. C'était déjà une action.
Pour quelconques raisons, les gouvernements sont dans l'inaction. Il y aura loi, mais, tout ce que j'espère, c'est qu'elle ne sera pas utilisée à d'autres fins.
Je remercie beaucoup ceux qui ont pensé à instaurer cette journée.
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Merci, monsieur le président, et merci, madame la membre du Comité. C’est presque comme Noël ici. Vous nous posez des questions, et je formule des souhaits.
Je tiens à vous remercier pour la question très importante que vous nous avez posée. Je pense que toute cette question commence à se concrétiser. Nous disons de bonnes paroles, mais assurément, c’est le système qui doit examiner ce que nous disons et le mettre en pratique.
Je viens de rencontrer nos aînés dans les Territoires du Nord-Ouest, et nous commençons à mettre en place notre système d’éducation. Nous sommes une nation de gens qui ont leurs propres lois, et notre peuple dit en ce moment que nous suivons les lois du gouvernement fédéral et les lois territoriales qui ont leur mot à dire sur nous. Ces choses sont donc encore bien vivantes aujourd’hui dans notre système judiciaire, dans notre langue et dans ce que nous sommes en tant que Dénés, en tant que peuple autochtone.
Nous avons nos propres lois, avec nos propres aînés. Nous avons notre propre système de justice. Il est peut-être différent de ce à quoi nous sommes soumis en ce moment. Si nous voulons nous pencher sur l’éducation, nous emmenons nos enfants et nos jeunes sur le territoire et nous leur apprenons les lois du pays, la façon dont nous considérons le territoire et comment nous pouvons promouvoir notre identité. À l’heure actuelle, il n’existe aucun soutien dans le système pour promouvoir notre mode de vie autochtone. Nous ne sommes pas des Blancs. Nous sommes des Autochtones. Nous sommes des Indiens. Nous sommes des Dénés. C’est ce que nous demandons: la résurgence de ce que nous sommes.
Nous comprenons très, très bien le racisme. C’est dans notre corps. Depuis que nous avons commencé à aller dans les pensionnats, nous avons subi les effets du racisme. En tant que jeunes, en tant que garçons, on ne nous a pas donné de noms. Les pensionnats nous ont donné des numéros. On nous a dit de ne pas parler notre langue. Cette langue était appelée « le diable » par les églises. Comment pouvons-nous dire à nos grands-parents que notre belle langue dénée ne vient pas des dieux, comme ils nous le disent, eux? Comment l’église peut-elle nous dire que ces mots viennent du diable?
Ce genre de politique a été soutenu par le gouvernement fédéral. Il nous était interdit de parler notre langue ou de manger notre propre nourriture et d’être avec nos familles. Tout ce que nous étions en tant qu’Autochtones était faux, alors nous avons dû apprendre un mode de vie qui paraissait étrange à nos yeux et qui nous cause beaucoup de difficultés. Nous ne serons jamais d’autres personnes que des Dénés, des Autochtones, et nous nous sommes battus pour cela dans notre système judiciaire, dans notre système d’éducation et dans tout ce que nous avons fait dans nos vies, même dans la façon dont nous regardons notre terre. C’est un défi de taille.
Nous sommes prêts à travailler, mais le gouvernement fédéral doit nous laisser la liberté de faire quelque chose de plus grand. En tant que Dénés, on nous a toujours dit de travailler avec les Blancs, de travailler avec eux, mais de ne pas être comme eux, parce que nous sommes qui nous sommes, des Dénés, et que c'est ce que nous voulons préserver.
Cependant, que ce soit le système des pensionnats, les politiques ou les églises, tout nous a fait du tort, alors nous avons toujours cru qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas chez nous, parce qu’on ne nous a pas appris à soutenir notre propre langue. Nous nous souvenons d’avoir eu du savon dans la bouche lorsque nous parlions notre langue. Ils nous mettaient du savon dans la bouche pour la purger de nos mots. Les églises faisaient cela.
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Chef Yakeleya, merci beaucoup.
Les amis, comme vous avez pu le remarquer, j'ai été très généreux sur l'heure. Malheureusement, cela ne nous laisse plus qu'une heure et une série de questions.
Est-ce que je vois M. dans la salle? Je ne pense pas qu'il soit là. J'allais seulement lui donner une brève occasion d'intervenir, mais comme il n'est pas là, nous allons devoir continuer.
Je tiens à remercier le chef Piétacho, et je tiens également à remercier le chef Yakeleya, pour leurs témoignages très convaincants. Nous vous remercions d'avoir apporté votre sagesse et votre expérience à ce comité, alors que nous nous penchons sur ce projet de loi.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous allons suspendre la séance, procéder à des vérifications audio pour nos représentants ministériels et reprendre la séance dès que possible.
Merci encore une fois à nos témoins. Nous vous sommes très reconnaissants.
Nous allons suspendre la séance.
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Eh bien, je vais rendre ma décision.
Je veux commencer en citant La procédure et les usages de la Chambre des communes. C'est à la page 770 de cet ouvrage. Je vais essayer d'y aller lentement pour donner une chance à nos interprètes. Voici ce qu'on dit:
Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture ou à un projet de loi à l'étape du rapport est irrecevable s'il en dépasse la portée et le principe.
Le projet de loi modifie plusieurs lois dans le seul but de créer un nouveau jour férié. C'est quelque chose qui a été recommandé par la Commission de vérité et réconciliation. Il s'agit plus précisément de l'appel à l'action numéro 80. C'est ce à quoi ce projet de loi fait référence, en tant que concept juridique.
L'amendement proposé vise à supprimer le concept de jour férié et à le remplacer par un jour de congé symbolique. Comme vous le savez, après la deuxième lecture, une fois que nous acceptons le projet de loi dans son principe et sa portée, nous ne pouvons plus revenir sur ce point, car la Chambre a voté à majorité en sa faveur.
Cet amendement va au-delà du principe et de la portée du projet de loi. Par conséquent, l'amendement est irrecevable. À mon avis, il est contraire au principe du projet de loi.
La décision s'applique également à d'autres amendements. Je vais utiliser les numéros qui leur sont attribués, en haut à droite des feuilles que vous avez. La décision s'applique aux amendements CPC-2, CPC-3 et CPC-7, car ils sont corrélatifs dans leur intention et ont un objectif similaire à celui de CPC-1.
Monsieur Rayes, vous avez la parole.