Je vous remercie tous de votre présence. Bienvenue à la 14e séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 7 décembre, les membres du Comité se réunissent pour étudier l'objet du projet de loi , ou pour l'étude préliminaire d'un projet de loi potentiel, comme nous aimons parfois nommer ce processus.
Conformément à l'ordre que la Chambre a adopté le 25 janvier 2021, la séance d'aujourd'hui est une réunion hybride. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes pour les gens qui nous regardent partout dans le monde, et cette diffusion montrera toujours la personne qui parle et non l'ensemble du Comité. Je signale à nos invités, aux députés et aux membres de notre personnel qu'il est interdit de photographier votre écran ou de faire des saisies d'écran.
Avant que nous commencions nos délibérations, j'aimerais vous faire part de quelques règles. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir l'un des canaux suivants: interprétation en français, interprétation en anglais ou parquet. Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Bien entendu, si vous souhaitez prévenir la présidence dans l'éventualité de rappels au Règlement ou d'autres situations de cette nature, la fonction « Lever la main » de la plateforme se trouve sur la barre d'outils principale. Par souci pour nos employés qui enregistrent nos délibérations et par souci pour le contenu du Hansard, veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. De plus, je rappelle aux députés qui posent des questions de bien vouloir les adresser à une personne qu'ils voient à l'écran. Comme nous le savons, cela facilitera grandement les choses.
Cela dit, je...
Il y a une main levée. Madame Dabrusin, la parole est à vous.
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Je vous remercie, monsieur le président.
La semaine dernière, nous avons reçu une note des analystes, si je ne me trompe pas, nous demandant d'envoyer nos propositions d'amendement au projet de loi le plus rapidement possible. Je voudrais vérifier si c'est une pratique habituelle. En effet, nous n'en sommes qu'au stade de l'étude préliminaire. Nous n'avons même pas commencé l'étude du projet de loi C-10. Je trouve donc cette demande prématurée. Par ailleurs, si nous refusons d'envoyer nos amendements, je ne voudrais pas que cela soit interprété comme un refus de collaborer.
Deuxièmement, je trouve un peu prématuré de proposer des amendements avant même d'avoir entendu les différents témoins qui viendront nous parler de leurs préoccupations et nous faire part de leurs recommandations.
J'aimerais donc savoir s'il y a une raison particulière pour laquelle ils nous demandent de leur faire parvenir aussi rapidement nos amendements. Pour nous, ce sera impossible. Nous voulons prendre le temps d'entendre les témoignages de tous les intervenants des différents organismes, puis comparer cela avec l'information que nous avons obtenue lors de nos consultations. Ensuite, nous vous présenterons nos amendements.
Monsieur Rayes, tournons-nous vers votre argument. Pour vous dire la vérité, la question de la présentation d'éventuels amendements a été portée à mon attention.
Vous avez tout à fait raison, dans le sens où vos amendements pourraient être influencés par les témoignages que vous entendrez en comité. Cependant, si le projet de loi nous est renvoyé et qu'il franchit l'étape de la deuxième lecture, vous pourriez également vous retrouver dans la même situation. La raison pour laquelle nous avons présenté cette demande, c'est que nous voulions éviter un engorgement, en quelque sorte. Nous voulions éviter que les amendements s'accumulent, car je soupçonne qu'il pourrait y avoir beaucoup d'amendements.
J'ai pris cette décision parce que j'aime être en mesure de rappeler aux députés la nature du processus de l'étude article par article, qui peut être long, et j'aimerais pouvoir vous fournir autant d'informations que possible. Cela n'oblige personne à déposer ses amendements pour l'instant. Si certaines personnes le font, tant mieux. J'ai simplement fourni cette information parce que je sais que certains députés sont des nouveaux membres, qu'ils ne connaissent pas le processus et qu'ils pourraient vouloir le faire. Cela aide également notre organe législatif à gérer ce processus non pas d'un seul coup, mais dans les meilleurs délais.
Aucune pression n'est exercée pour vous forcer à les présenter maintenant. Si vous le souhaitez, vous pouvez le faire, car l'organe législatif est là pour vous aider dans vos délibérations. Bien sûr, je comprends qu'en tant que porte-parole, vous avez beaucoup à faire. C'est la raison pour laquelle je souhaitais le faire savoir aux députés à l'avance.
[Français]
Je cède la parole à M. Champoux.
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C'est une excellente question.
Nous ne devrions pas retarder les travaux, mais nous devons tout de même nous assurer que tous les documents soumis à l'étude en comité sont rigoureusement bien traduits. En effet, malgré une apparente bonne traduction, le sens peut changer beaucoup. C'est donc important de faire affaire avec des traducteurs certifiés, qui vont nous assurer d'une constance dans la qualité des documents avec lesquels nous travaillons.
Si nous recevons des documents à la dernière minute, nous pouvons faire preuve de compréhension. Nous pouvons commencer à en étudier le contenu en même temps que nous les soumettons à une révision. Au moment où les réviseurs découvriront des lacunes, ils pourraient nous les signaler et porter à notre attention qu'à telle page de tel document, on aurait dû lire ceci au lieu de cela.
Bref, je ne veux pas que cela ralentisse les travaux, mais je veux m'assurer que les documents avec lesquels nous allons travailler seront précis, peu importe la langue dans laquelle ils sont rédigés.
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C'est bien noté, madame Dabrusin. Merci beaucoup.
Toutefois, je tiens à avertir les gens que nous nous éloignons de la portée de la motion en question. Je ne veux pas que nous allions trop loin, car nous sommes saisis de cette motion et nous devons nous en occuper. J'attends simplement d'autres commentaires à ce sujet.
Comme il n'y en a pas, je peux mettre la motion aux voix.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Bon, passons directement au sujet à l'étude, à moins que je ne voie quelqu'un me faire signe.
Nous revenons sur la question du projet de loi , et notre étude préliminaire se poursuit. Nous entendrons trois groupes de représentants pendant la première heure de la séance. Comme environ 16 minutes se sont déjà écoulées, soyez prévenus que je pourrais prolonger la réunion jusqu'à ce qu'elle atteigne une durée que je juge appropriée. J'espère que vous n'y voyez pas d'objections.
Commençons par le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN). Nous accueillons ses représentants, notamment Monika Ille, directrice générale, et Joel Fortune, qui est conseiller juridique à APTN. Nous recevons également M. Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa; ainsi qu'une représentante de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, à savoir Solange Drouin, vice-présidente des Affaires publiques et directrice générale.
Mesdames et messieurs, vous disposez de cinq minutes. J'ai bien peur de devoir être très strict au sujet de ces cinq minutes, étant donné que nous manquons de temps.
Nous allons commencer par entendre la représentante du Réseau de télévision des peuples autochtones.
Madame, veuillez prendre la parole.
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Merci. Bonjour, monsieur le président, bonjour, chers membres du Comité.
[La témoin s'exprime en abénakis et fournit le texte suivant:]
Kwaï! Nd’aliwizi Monika Ille. Aln8ba sqwa nia odzi Odanak m8wkaw8gan.
[Traduction]
Je m'appelle Monika Ille. Je suis une Abénakise de la communauté d'Odanak.
Je tiens à souligner que je m'adresse à vous depuis Tiohtiá:ke ou Montréal, c'est-à-pour dire les territoires non cédés des Kanienkehaka, qui sont traditionnellement une terre d'échange et de rassemblement de nombreuses nations.
Je suis directrice générale d'APTN. Je suis accompagnée de Joel Fortune, notre conseiller juridique.
Lancé en 1999, APTN est le premier radiodiffuseur autochtone du monde. Les services de radiodiffusion d'APTN sont offerts à tous les Canadiens dans le cadre du service de base vendu par la plupart des fournisseurs de services de télévision par câble ou par satellite. Nous diffusons des centaines d'heures de programmation autochtone chaque année, y compris des bulletins de nouvelles nationales. Nous diffusons en anglais, en français et dans jusqu'à 15 langues autochtones différentes.
[Français]
Notre programmation met en avant la créativité des peuples autochtones et offre une occasion unique de partager nos perspectives avec l'ensemble de Canadiens.
La Commission de vérité et réconciliation du Canada a d'ailleurs reconnu le rôle de l'APTN dans le développement des rapprochements entre les Canadiens et les peuples autochtones et dans leur compréhension de ceux-ci.
Nous sommes très fiers de l'influence que nous avons eue sur l'expression autochtone. Il n'existait que très peu de producteurs autochtones indépendants lors du lancement du réseau. Aujourd'hui, nous travaillons régulièrement avec une centaine d'entre eux, et c'est sans compter les créateurs et les équipes de soutien qui les appuient.
Si le CRTC n'avait pas utilisé ses pouvoirs, l'APTN n'existerait pas et les peuples autochtones seraient toujours invisibles sur les écrans canadiens. L'APTN est le parfait exemple de ce que peut accomplir une politique née de la Loi sur la radiodiffusion, mise en œuvre grâce à un dur labeur et de la bonne volonté et appuyée par les outils réglementaires à la disposition du CRTC.
[Traduction]
Nous appuyons les mesures prises dans le projet de loi en vue de reconnaître la place des peuples et des langues autochtones dans le système de radiodiffusion, mais — et c'est un gros « mais » — il y a une lacune dans le projet de loi C-10.
Le projet de loi supprimerait la capacité du CRTC à superviser et à soutenir la diffusion de services canadiens de programmation comme ceux d'APTN dans un environnement en ligne. Les pouvoirs du CRTC qui ont rendu APTN possible en premier lieu n'auront, si le projet de loi C-10 reste comme il est, aucune place dans un monde en ligne. Dans le cas des amendements proposés à l'alinéa 3(1)o), le projet de loi laisse entendre que les populations autochtones devraient être soutenues lorsqu'elles diffusent des émissions de façon traditionnelle, mais pas en ligne. Cette distinction n'est pas acceptable.
Aujourd'hui, nous déposons des amendements qui combleront la lacune du projet de loi. À cet égard, nous avons travaillé avec le Groupe de diffuseurs indépendants, une coalition de 12 sociétés de radiodiffusion indépendantes distinctes qui comprend des radiodiffuseurs ethniques, des services de télévision locaux, des chaînes musicales, la chaîne LGBTQ du Canada, des groupes linguistiques minoritaires et d'autres diffuseurs. Sans les changements que nous proposons, ou des modifications semblables, le CRTC ne sera pas en mesure d'assurer le traitement équitable et la visibilité des services et des applications canadiens, y compris ceux d'APTN, dans un environnement en ligne.
À l'heure actuelle, la Loi sur la radiodiffusion est technologiquement neutre, de sorte que le CRTC a le pouvoir de superviser la diffusion en ligne, bien qu'il ait exercé ce pouvoir à la légère jusqu'à maintenant.
Pour être honnête, nous ne comprenons pas pourquoi ce pouvoir lui serait retiré. Vous êtes bien conscients de l'incidence que les géants du Web ont sur les journaux et de la difficulté de les amener à rentrer dans le rang. Pourquoi, alors, retirerions-nous le CRTC de la Loi sur la radiodiffusion lorsqu'il est question de la distribution en ligne de services et d'applications canadiens de programmation?
En conclusion, il y a beaucoup d'aspects du projet de loi que nous soutenons. Le projet de loi s'efforce de mieux tenir compte des populations autochtones et de l'importance de leurs langues dans le cadre de la radiodiffusion, et il reconnaît que nous devrions exploiter notre propre service de radiodiffusion. Nous appuyons pleinement cet objectif. Cependant, en ce qui concerne les services comme ceux offerts par APTN et d'autres services autochtones et canadiens, le projet de loi C-10, dans sa forme actuelle, ne prévoit pas que nous aurons un rôle à jouer à l'avenir, et je crains qu'il ne nous exclue en fait du monde en ligne.
Kchi wliwni. Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir de témoigner à nouveau devant le Comité.
Bonjour. Je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis aussi membre du Centre de recherche en droit, technologie et société. Je comparais aujourd'hui devant vous à titre personnel.
Comme vous le savez peut-être j'ai été très critique à l'égard du projet de loi . Vous devez toutefois comprendre que ma critique ne vise pas l'aide publique à la production cinématographique et télévisuelle. Le soutien de tous les ordres de gouvernement est essentiel. Je me demande toutefois si le projet de loi C-10 représente le meilleur moyen d'offrir ce soutien.
J'ai étudié le projet de loi minutieusement et je crois que la réponse à cette question est non. J'aimerais d'abord vous faire part de quatre grandes préoccupations à cet égard.
Premièrement, rien n'est gratuit. Ce qui semble être de nouveaux fonds destinés au secteur entraîne des coûts immenses, et pas seulement pour les consommateurs, qui verront leur facture augmenter en ces temps difficiles.
J'ai récemment débattu avec Janet Yale au sujet de son rapport, où elle reconnaît que la politique de radiodiffusion restreint le choix des consommateurs. Nous savons, donc, que les consommateurs en paieront le coût. Ce que nous comprenons moins bien, c'est le coût qu'entraînera le projet de loi pour les créateurs: la perte de principes fondamentaux, comme la propriété canadienne et le contrôle du système de radiodiffusion, la disparition de la prédominance du talent canadien, le risque pour la propriété intellectuelle canadienne et — à court ou moyen terme — une diminution de la production en raison d'un environnement réglementaire incertain.
Deuxièmement, le projet de loi remet bon nombre des détails les plus importants entre les mains du CRTC et de ses longs processus, ou à la discrétion du Cabinet. Il est stupéfiant de constater à quel point le projet de loi entraîne l'incertitude et laisse de côté de nombreuses questions. La loi devrait éliminer l'incertitude, mais c'est tout le contraire qui se produit ici.
Le a dit qu'il prévoyait publier des directives qui pourraient viser un large éventail de sujets comme l'exclusion des jeux vidéo ou la politique sur la propriété intellectuelle, jusqu'à une révision de la définition des programmes canadiens. En tout respect, cela n'est tout simplement pas suffisant pour répondre aux normes en matière de transparence que le gouvernement a lui-même établies il y a longtemps. En effet, il y a tellement de questions sans réponse qu'il faudrait des années pour les régler, et les créateurs devront attendre au moins jusqu'à la deuxième moitié de la prochaine décennie pour tirer les avantages promis.
Troisièmement, il n'est pas question d'établir des règles équitables. J'ai écrit longuement au sujet des avantages pour les télédiffuseurs traditionnels, qu'il s'agisse de la substitution simultanée, des protections du marché, des obligations de distribution ou des avantages associés à la retransmission et au droit d'auteur. Il n'y a pas d'équivalence, ici.
Quatrièmement, en tout respect, certaines des allégations au sujet du projet de loi ne tiennent tout simplement pas la route. Le a dit à la Chambre des communes que le projet de loi contenait des seuils économiques, alors que ce n'est pas le cas. Il a dit que les nouvelles en étaient exclues, mais ce n'est pas le cas; que le projet de loi n'aurait pas d'incidence sur les exigences en matière de propriété, alors qu'il en aura une; que le processus serait complété cette année, ce qui ne sera manifestement pas le cas; et que cette approche est similaire à celle mise en œuvre en Europe, alors que ce n'est pas le cas.
Ces enjeux ne sont pas sans conséquence. Comme vous le savez peut-être, j'ai écrit une série en 20 parties sur le projet de loi, et je serai heureux de la transmettre au Comité. Si j'avais eu plus de temps, j'aurais abordé les divers enjeux qui y sont traités. Je pense notamment à l'approche visant à réglementer tous les services de diffusion en continu sur Internet du monde qui comptent des abonnés canadiens, pour ensuite remonter dans le temps et dire que certains seront exemptés en vertu d'un processus qui prendra des années à déployer.
Cela ne fonctionne tout simplement pas. Les exigences en matière d'enregistrement et de communication des données s'appliqueraient tout de même à tous, et le résultat inévitable serait une réduction des choix pour les consommateurs et une diminution des revenus pour les créateurs, puisque les services bloqueraient le marché canadien ou obtiendraient une licence pour leur contenu au Canada.
De plus, les risques pour la propriété intellectuelle canadienne sont énormes, et feront de Netflix et d'Amazon les maîtres du contenu canadien, laissant les télédiffuseurs canadiens ramasser les miettes.
Pour ma dernière minute, j'aimerais me centrer sur les façons de régler le problème. J'aimerais évoquer trois points.
Premièrement, il est essentiel d'établir des seuils afin que les règles ne s'appliquent qu'aux grandes sociétés qui entretiennent un lien réel et substantiel avec le marché canadien.
Deuxièmement, il faut adopter une approche transparente en ce qui a trait aux politiques critiques avant d'adopter la loi, et non après. Un projet de loi ne devrait pas donner lieu à plus de questions qu'à de réponses.
Troisièmement, il existe une solution qui permettrait aux créateurs d'avoir plus d'argent cette année, et non dans cinq ans. Je crois que nous voulons tous que les grandes sociétés Internet fournissent leur part d'effort au Canada, et nous avons un système pour cela: l'imposition.
Les revenus fiscaux peuvent être utilisés de diverses manières, notamment pour appuyer directement la production cinématographique et télévisuelle. Le gouvernement pourrait consacrer 30 % de ces revenus au secteur. Il ne serait pas nécessaire de modifier les politiques fondamentales de la Loi sur la radiodiffusion. Il ne faudrait pas une orientation politique secrète ni des années de litiges au CRTC. Cela ne réduirait pas la concurrence ou le choix, et n'augmenterait pas les coûts pour les consommateurs en pleine pandémie. Cela ne créerait pas non plus un climat de grande incertitude au sein du marché dans un avenir rapproché.
La Loi sur la radiodiffusion est une mesure législative essentielle, non seulement pour le secteur du cinéma et de la télévision, mais aussi pour tous les Canadiens. Nous méritons mieux.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Avant de vous lire mon texte, j'aimerais souligner que M. Geist parlait en son nom personnel. Moi, je représente une association, un groupe important d'entreprises et de personnes. De plus, je suis coprésidente de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, qui représente aussi au moins 200 000 artistes et des milliers d'entreprises. Or nous sommes tous plutôt d'avis que, bien que le projet de loi doive être bonifié, il répond à plusieurs espérances que nous avions depuis longtemps. Il faut donc quand même relativiser tout cela. J'ai pris une minute pour dire cela, mais je pensais que c'était important.
Je vais maintenant mettre mon chapeau de représentante du milieu de la musique. Qu'est-ce que l'ADISQ? Qui sommes-nous? L'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo existe depuis plus de 40 ans. Nos entreprises sont des entreprises indépendantes qui sont principalement basées au Québec, mais qui soutiennent le développement national et international de la carrière d'artistes de la chanson et de la musique, en grande partie francophones.
Notre mission consiste à appuyer ce secteur culturel et économique, ne l'oublions pas, par la mise en place d'un contexte d'affaires législatif, réglementaire et financier favorable à son développement. En un peu plus de 40 ans d'histoire, notre musique et notre chanson ont pu prendre leur envol d'abord grâce au talent des artistes et à l'entrepreneuriat des entreprises, mais aussi grâce à un ensemble de politiques culturelles importantes, dont celles dont a parlé le Réseau de télévision des peuples autochtones, l'APTN.
Retournons 40 années en arrière, bien avant que la réalité numérique nous entoure. Le secteur de la musique était dominé par quelques multinationales étrangères. L'offre musicale offerte aux Canadiens par ces entreprises consistait à distribuer la musique d'ailleurs et, sauf quelques exceptions, à présenter en version francophone des chansons anglophones.
Encore aujourd'hui, ces entreprises font partie de notre paysage. Elles sont représentées ici par Music Canada, que vous recevez à l'occasion. Elles jouent le même rôle qu'elles jouaient, mais elles se sont un peu plus investies, sur le plan de la production, dans la culture canadienne presque exclusivement anglophone. Ces entreprises sont totalement absentes de la production de contenu francophone. Notre production nationale de contenu francophone est assumée presque entièrement par les entreprises indépendantes canadiennes, dont celles que je représente ici devant vous.
Les tailles de ces deux segments d'entreprises ne sont pas comparables. Nous sommes de petites entreprises et elles sont de grandes multinationales. Malgré cette disparité de moyens, les artistes canadiens, notamment francophones, ont pu connaître de très beaux succès. Cependant, tout cela n'aurait pas été possible sans la mise en place de politiques culturelles et de mesures gouvernementales.
Prenons l'exemple de la radio. Il y a environ 50 ans, le gouvernement canadien a exigé des normes minimales de présentation de contenu canadien et francophone. En s'assurant que les Canadiens pouvaient découvrir leurs artistes à la radio, le gouvernement permettait à ceux-ci de se faire apprécier; ensuite, le public choisissait d'acheter leurs disques ou encore des billets de spectacle. Sans cette précieuse vitrine mise en place il y a plus de 50 ans, ce cercle vertueux de développement aurait été impossible.
Encore aujourd'hui, cet accès privilégié des artistes au public canadien par la radio joue un rôle énorme dans la carrière des artistes d'ici. D'autres formes de consommation ont vu le jour depuis 15 ans, comme Spotify et YouTube. Il est donc urgent que le gouvernement agisse de façon aussi innovatrice et audacieuse à l'égard des plateformes numériques, et c'est ce que le projet de loi veut faire. C'est pourquoi tout le milieu culturel accueille avec beaucoup d'enthousiasme le caractère historique de la démarche de ce projet de loi.
Certes, celui-ci n'est pas parfait. Vous avez le devoir et le pouvoir de l'améliorer. Il faut absolument le rendre plus robuste pour maintenir le caractère canadien du système, rétablir l'obligation d'utiliser au maximum les ressources créatrices canadiennes, protéger de façon plus adéquate la production de contenu original de langue française et donner au CRTC le pouvoir d'agir sur tous les éléments du système, y compris les réseaux sociaux. Il ne faut pas passer à côté de cette rencontre historique et en faire un rendez-vous raté.
Aujourd'hui, nous espérons voir le projet de loi être enfin adopté en deuxième lecture, à la Chambre des communes.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Merci, madame Drouin. Vous êtes très gentille.
[Traduction]
Je n'ai jamais fait cela avant, mais je crois qu'il est important de souligner une chose rapidement, puisque nous étudions la culture, les arts, le patrimoine et le cinéma. Je viens d'apprendre le décès de l'acteur Christopher Plummer, qui était non seulement une star internationale du cinéma, mais aussi un ambassadeur incroyable pour le Canada. Je tiens à exprimer mes plus sincères condoléances à sa famille, au nom des membres du Comité. Qu'il repose en paix.
Sur ce, nous allons passer aux questions. Comme je l'ai dit plus tôt, veuillez nommer la personne à qui s'adresse votre question. C'est plus facile pour nous et pour les gens qui participent à la réunion de façon virtuelle, bien sûr.
Nous passons maintenant à une première série de questions de six minutes. Les conservateurs ont la parole.
Monsieur Waugh, allez-y.
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Je vous remercie de l'avoir lu, et je vous remercie pour votre question.
J'ai tenté de souligner quelques enjeux. Je crois que de nombreux intervenants en subiront les conséquences.
Comme je l'ai dit plus tôt, le consommateur aura moins de choix et devra payer plus cher pour les services. Certains ne seront pas offerts au Canada. Les communautés multiculturelles du Canada en seront particulièrement touchées, puisqu'elles utilisent les services de diffusion en continu d'autres pays. Bon nombre des fournisseurs de ces services ne veulent tout simplement pas entrer sur ce marché en raison des coûts qui y sont associés. Il y aura donc moins de choix pour les consommateurs, qui devront payer plus cher pour les services en ces temps difficiles.
Je crois que le projet de loi place aussi les diffuseurs en situation de désavantage. Ils devront faire concurrence aux grandes sociétés comme Netflix et Amazon pour le contenu canadien. Ils se feront dépasser et il ne leur restera que la propriété intellectuelle de moindre qualité, parce que leurs homologues américains auront tout raflé. Ils se retrouveront dans une position difficile parce que les services de diffusion en continu — même ceux du Canada — obtiendront plus de capitaux. Ils devront se plier aux restrictions et n'auront pas accès aux mêmes capitaux.
Pour les créateurs — et je tiens à le souligner —, il faudra des années avant d'en tirer profit. Tous ceux qui ont dû traiter avec le CRTC savent qu'il faut passer par de longues audiences, suivies de contrôles judiciaires, et d'autres audiences encore. Il faudra au moins cinq ans pour démêler tout cela.
Les créateurs ne profiteront pas vraiment de ces mesures non plus, et certainement pas à court terme. C'est quelque peu ironique, puisque ce secteur — du moins avant la COVID — profitait d'un financement robuste et avait produit une quantité record de films et d'émissions de télé au Canada.
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Ce n'est tout simplement pas ce qui se passe.
La directive européenne sur les services de médias audiovisuels est souvent le point de référence, mais il faut comprendre une chose: seuls quatre États membres — le Danemark, l'Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni — l'ont adoptée, ce qui signifie que plus de 20 États membres ne sont pas allés de l'avant avec la directive. De plus, les obligations — même celles des pays qui ont mis en oeuvre la directive — diffèrent grandement de celles proposées dans le projet de loi.
Par exemple, le Danemark exige un investissement direct de 2 %. Nous sommes bien loin des 30 % auxquels songe le , et il n'y a pas de quota de contenu au Danemark. En Allemagne, le taux est entre 1,8 et 2,2 %. L'Espagne songe à exiger 5 %. Les montants en Europe sont très différents de ceux auxquels songe le gouvernement, avec ses milliards de dollars de gains.
La comparaison est aussi trompeuse de façon générale, parce que l'exigence s'applique à l'ensemble de l'Union européenne. Nous avons un seul marché, de petite taille. Si l'on peut répartir cette obligation — disons 1 % parmi 30 États membres —, c'est très différent que d'imposer 30 % à un seul pays qui compte 37 ou 38 millions d'habitants.
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Comme vous le savez, APTN est une chaîne à distribution obligatoire, et nous percevons actuellement 35 ¢ par abonné par mois. Nous nous sommes taillé une place sur le marché, et il nous a fallu du temps pour y arriver. À ses débuts, APTN était très loin sur la liste des chaînes des EDR. Il y avait beaucoup de neige avant d'arriver à nous, et l'enjeu était de nous faire connaître.
Si le CRTC ne veille pas à ce que la chaîne APTN soit disponible et accessible sur la plateforme en ligne, les EDR ne voudront probablement pas qu'elle y soit. C'était auparavant obligatoire, et nous en sommes très reconnaissants, mais notre chaîne ne sera pas obligatoire en ligne. Actuellement, nous sommes directement accessibles aux consommateurs par l'intermédiaire de notre plateforme TPC, mais je pense qu'il faut bien plus que cela.
Le but d'un diffuseur est de partager ses histoires, de divertir les gens, d'informer les gens. On veut susciter la réflexion, et on veut que les gens comprennent mieux. S'il nous est impossible de transférer, en quoi est-ce pertinent? Nos récits existeront, mais les gens n'y auront pas accès.
C'est une question d'avenir: notre avenir en tant que radiodiffuseur et l'avenir de nos récits.
L'abandon du câble est une réalité. Nous constatons aussi une baisse de nos revenus. C'est un ensemble. Nos revenus diminuent, et nous ne serons pas accessibles.
:
Je vous remercie de votre question.
Évidemment, le projet de loi n'est pas parfait, mais il pose une pierre importante relativement à la nouvelle réglementation qu'il faut mettre en place. Dans le milieu de la musique et dans le milieu de la culture en général, nous attendons ce projet de loi depuis 20 ans, depuis que le CRTC a choisi de ne pas réglementer Internet. En 1999, nous avions trouvé que c'était une très mauvaise décision. Depuis ce temps, le développement sur Internet a décuplé. Aujourd'hui, la consommation culturelle se déplace vers des services de musique en ligne, comme Spotify, ou vers Netflix, dans le cas de la télévision.
Le projet de loi vise à accueillir des entreprises étrangères dans notre système canadien, qui était limité aux entreprises canadiennes. Toutefois, il faut absolument garder le caractère canadien du système de façon générale. Surtout, il faut forcer toutes les entreprises, même les entreprises étrangères qui seront désormais sous l'autorité du CRTC, à utiliser de façon maximale le contenu canadien. C'est ce qu'indique l'alinéa 3(1)f) de la Loi sur la radiodiffusion. Or le projet de loi contient une nouvelle proposition que nous trouvons un peu trop édulcorée.
Nous voulons que la version actuelle de l'alinéa 3(1)f) demeure, parce qu'elle dit exactement que tous les éléments du système doivent utiliser de façon maximale les ressources créatrices canadiennes. Ce sera différent, pour Netflix, de ce que c'est pour Radio-Canada, pour TVA ou pour CTV, mais on doit d'abord voir quel genre d'utilisation maximale on doit faire.
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Encore une fois, je remercie grandement tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Madame Ille, le temps file et je ne pourrai pas poser autant de questions que je le voudrais, mais je tiens à vous dire que j'ai beaucoup aimé les discussions que nous avons eues et que nous en aurons d'autres à l'avenir. Je vous assure encore une fois de mon soutien indéfectible.
Maintenant, j'aimerais discuter brièvement avec Mme Drouin, la représentante de l'ADISQ.
Nous avons eu des discussions sur la question du français et sur la façon de s'assurer que la production de contenu francophone original sera protégée en tout temps dans les réglementations qui seront édictées par le CRTC.
Nous avons eu cette discussion parce que nous ne savons pas vraiment quelle forme cela devra prendre. Je voudrais que vous me donniez votre opinion là-dessus: comment pouvons-nous nous assurer que la loi préservera et protégera la production francophone originale?
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Je vous remercie de votre question. Je vous remercie également de me permettre de poursuivre sur ce sujet.
Je suis à l'ADISQ depuis 30 ans. Cela fait probablement aussi longtemps que M. Geist est à l'Université d'Ottawa. Cela fait 30 ans que je lis ce qu'écrit M. Geist et cela fait 30 ans que je ne suis pas d'accord avec lui. Ce n'est pas grave. C'est du domaine public.
J'aimerais porter à l'attention de tous le fait que, dans notre économie ou dans le monde, il n'y a aucun univers où nous nous trouvons devant un choix infini. Quand nous faisons l'épicerie, nous n'avons pas toutes les sortes de petits pois devant nous. Cela n'existe pas. Quand nous achetons une voiture, nous n'avons pas accès à toutes les voitures disponibles sur le marché. Des choix sont faits qui conditionnent l'offre proposée, et ce, dans tous les secteurs de l'économie.
En matière de culture, je pense qu'il doit y avoir un penchant en faveur de notre propre culture, ce qui serait tout à fait normal. Contrairement à ce qui dit M. Geist, ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas de règles ni de moyens techniques qui nous permettent d'arriver au même résultat en ce qui a trait à l'univers numérique. Les raisons ne sont peut-être pas les mêmes. C'est vrai que les fréquences ne sont plus rares, comme c'était le cas à l'époque. Toutefois, même si cette rareté n'existe plus, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'autres bonnes raisons de le faire. Il faut arrêter de se chicaner pour savoir s'il y a une rareté ou pas. D'accord, il n'y en a plus, mais y a-t-il encore de bonnes raisons de réglementer et de mettre en valeur notre contenu national? La réponse est oui, et je dirais même qu'il y en a encore davantage, parce que notre contenu est de plus en plus noyé. Alors, pourquoi ne pas mettre en valeur nos contenus francophones et canadiens sur notre propre territoire?
À l'heure de la pandémie, nous voyons à quel point il est important d'avoir nos ressources ici. Nous voyons que c'est le cas relativement au vaccin. Quand on est tributaire de ce qui se passe dans le monde, on manque peut-être des occasions et on n'est pas autosuffisant. Ici, les outils qui transmettent la culture doivent d'abord être au service de notre culture. Le projet de loi commence à aller dans ce sens, et c'est pourquoi nous l'accueillons avec autant d'intérêt. Il faut que ce projet de loi fasse de même pour tous les arts francophones. Comme d'autres personnes l'ont dit devant vous, il faudrait modifier la loi canadienne pour accorder une plus grande place à la protection, à la promotion et au développement de contenu francophone aux articles 3, 5 et 9. Nous allons coucher toutes nos propositions sur papier et vous pourrez les lire tranquillement. C'est essentiel et je pense que rien, dans l’univers Internet, n'interdit cela.
Monsieur Champoux, je vois que vous voulez poser d'autres questions.
:
Avec plaisir. Je pourrais d'abord parler de deux changements qui concernent directement APTN, nos propres médias et les peuples autochtones.
Selon l'alinéa 3(1)o) proposé, les Autochtones pourraient exploiter des « entreprises de programmation », ce qui sous-entend que les activités en ligne sont exclues. Nous ne comprenons pas la raison d'être de cette formulation, car cela nous empêcherait d'exercer des activités en ligne. Donc, tenons à ce que ce soit changé pour « entreprises de radiodiffusion ».
Nous espérons que cet oubli pourra être corrigé assez facilement.
Il faudrait sans doute ajouter à la Loi sur la radiodiffusion une définition du terme « Autochtone », car, comme vous le savez, c'est un bien grand mot qui englobe les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Il serait bien d'ajouter cette définition afin de reconnaître les différentes nations.
Je pourrais demander à M. Fortune de répondre au reste de façon plus détaillée.
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Merci, madame Ille. Je vais le faire très rapidement.
Dans le cadre de notre travail, nous veillons à respecter le cadre de la loi, ce qui est proposé par le ministère pour le projet de loi et le fonctionnement des divers pouvoirs du CRTC. Nous nous sommes concentrés sur les pouvoirs que nous jugions absolument essentiels pour le Conseil pour les services de programmation plutôt que pour la programmation canadienne.
Nous avons proposé des modifications au paragraphe 9.1 proposé, qui porte sur le pouvoir du CRTC de rendre des ordonnances qui ont une incidence sur les services en ligne. Nous proposons d'étendre la capacité de rendre les émissions à la disposition des services de programmation, afin qu'elles soient disponibles et que les téléspectateurs puissent les découvrir. En outre, l'exigence actuelle selon laquelle les entreprises de distribution sont tenues d'offrir certains services de programmation pose problème. Par définition, si vous regardez la loi, « entreprise de distribution » exclut tout service en ligne, ce qui est absolument insensé. Une entreprise de distribution qui utilise une technologie donnée peut offrir le service à certaines conditions, tandis qu'un service utilisant une technologie basée sur Internet ne peut pas. C'est tout simplement insensé. Nous proposons donc de modifier cet article.
En outre, le Conseil dispose de pouvoirs considérables en matière de réglementation. Le système est entièrement fondé sur sa capacité d'établir des règlements. Voilà pourquoi nous avons suggéré que certaines dispositions réglementaires actuellement limitées aux entreprises de distribution et excluant expressément les services en ligne devraient pouvoir s'appliquer aux entreprises de radiodiffusion, de façon à inclure les services en ligne.
Ce sont là deux ou trois problèmes de définition, mais ils ont une grande importance.
Nous avons aussi examiné le fonctionnement de la loi. Elle comporte actuellement deux parties importantes, la politique et les pouvoirs, et les deux sont nécessaires. Il faut une politique qui s'applique à un pouvoir, et vice versa. Avoir de nobles politiques, c'est excellent, mais si elles ne s'accompagnent pas de pouvoirs précis pour le Conseil, elles sont totalement inutiles. Nous avons proposé une disposition sur les politiques relatives aux services en ligne qui distribuent d'autres services. Essentiellement, il s'agit de traiter les autres services de manière équitable et de rendre visibles les services canadiens.
Ce ne sont que des objectifs de base pour la distribution en ligne de services de programmation canadiens. La loi actuelle est complètement muette sur ce point. C'est un défaut majeur.
Enfin, nous suggérons une modification du libellé actuel relatif à la propriété canadienne dans le secteur. Essentiellement, supprimer cela de la loi nous semble excessif. Il convient certainement de reconnaître qu'il est extrêmement important de protéger la propriété canadienne dans notre propre secteur de la radiodiffusion. J'ai peine à croire que ce ne soit inclus dans la loi. De plus, nous pensons qu'il est important de reconnaître la diversité des voix, en particulier les voix indépendantes, dans cet article.
Ensemble, tous ces éléments contribuent à combler la lacune dont Mme Ille a parlé.
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Reprenons. Nous commençons la deuxième partie. Nous étudions bien sûr le projet de loi , plus précisément l'objet du projet de loi , avant qu'il ne soit adopté par la Chambre des communes, le cas échéant.
J'aimerais faire quelques observations.
Je rappelle qu'il est interdit de faire des captures d'écran ou de photographier votre écran. Cela vaut pour les membres du Comité et nos invités; veuillez s'il vous plaît ne pas faire de captures d'écran. Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer. Pour obtenir l'interprétation, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le son du parquet, ou le son avec interprétation dans la langue de votre choix, anglais ou français. Lorsque vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
Ce sont les règles universelles que nous utilisons depuis un an, presque, pour les séances sur Zoom.
Je tiens évidemment à souhaiter la bienvenue à nos invités. Nous accueillons deux organismes aujourd'hui. Nous avons deux groupes d'invités que nous voulons entendre. Nous tenons à vous remercier de vous joindre à nous un vendredi après-midi.
Nous accueillons M. Daniel Bernhard, directeur général de Friends of Canadian Broadcasting, ainsi que Mme Sophie Prégent, Mme Pascale St-Onge et M. Julien Laflamme, de l'Union des artistes.
Nous vous accordons cinq minutes chacun pour vos exposés. Je devrai malheureusement être un peu strict à cet égard. Je vais vous laisser présenter vos observations, mais vous n'aurez que cinq minutes, tout au plus, si cela se rend là.
Nous commençons par M. Bernhard, de Friends of Canadian Broadcasting, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
[Français]
Monsieur le président, honorables membres du Comité, je vous remercie de m’avoir invité à témoigner devant vous aujourd’hui.
Les Amis de la radiodiffusion forment un mouvement citoyen qui se porte à la défense de notre identité culturelle sur les ondes et en ligne. Notre travail est financé exclusivement par des citoyens et, par conséquent, le seul intérêt que nous avons à cœur dans le cadre de ce processus est l’intérêt public.
[Traduction]
Le Canada est une idée, et sans médias souverains, cette idée s'étiolera. En 1932, le gouvernement conservateur a reconnu le pouvoir de la radio pour renforcer l'indépendance politique, économique et culturelle du Canada. Il a aussi prédit comment un système de radiodiffusion non réglementé retournerait ce pouvoir contre nous, en imposant les idées et les idéaux américains à la culture et à la politique canadiennes.
[Français]
Nous avons pris soin de protéger nos institutions culturelles, mais l’omniprésence du groupe GAFAM continue de les menacer. Ottawa a fermé les yeux sur la diffusion de contenu illégal sur plusieurs de ces plateformes et a permis aux diffuseurs numériques étrangers de s’enrichir sur notre territoire sans contribuer à la production du contenu d’ici et sans payer leurs impôts. Grâce à ces entreprises et à l’inaction des gouvernements canadiens, notre démocratie est maintenant affaiblie et notre société devient de plus en plus divisée.
[Traduction]
Le a présenté le projet de loi comme une solution à certains de ces problèmes, et si on se fie uniquement à ses dires, le projet de loi C-10 sera une grande réussite, mais lorsqu'on lit le texte lui-même, il est clair que le projet de loi C-10 ne correspond pas tout à fait à ce qui a été annoncé. En fait, le projet de loi, qui devrait réglementer la radiodiffusion en mode numérique, pourrait laisser Netflix, Amazon, Facebook, YouTube et Spotify sans le moindre cadre réglementaire, comme c'est le cas actuellement.
La bonne nouvelle, c'est que le projet de loi peut être corrigé, et nous avons formulé 19 modifications précises qui feraient correspondre davantage le libellé du projet de loi à l'annonce du ministre.
[Français]
Tout d’abord, abordons la question du contenu canadien. Nous souscrivons à la philosophie voulant que, par défaut, la diffusion numérique ne doive pas nécessiter de permission. Par contre, le fait d’offrir l’option au CRTC d’encadrer les plateformes comme Netflix est totalement insuffisant. Le CRTC devrait être obligé d’encadrer les diffuseurs numériques d’une certaine taille.
[Traduction]
Le promet de régler cela par décret, mais il s'agit d'une approche temporaire qui pourrait être annulée par des gouvernements ultérieurs, et ce, sans examen parlementaire. Vous ne pouvez accepter ce projet de loi sur la base d'un engagement à émettre un décret que vous n'avez pas vu et qui pourrait ne jamais se concrétiser. Il est important de renforcer le projet de loi lui-même.
Deuxièmement, en ce qui concerne les médias sociaux et la prise de décision algorithmique en général, nous convenons que les personnes qui créent et téléchargent du contenu sur Internet ne devraient pas avoir besoin d'une licence pour le faire, mais cela peut être fait sans soustraire des entreprises comme Facebook, YouTube et Pornhub de la responsabilité du contenu qu'elles diffusent. Ces entreprises diffusent fréquemment du contenu illégal pour lequel tout autre diffuseur serait passible de poursuites judiciaires. L'exemption pour le contenu généré par l'utilisateur devrait s'appliquer aux utilisateurs eux-mêmes, et non aux plateformes qui engrangent des milliards en hébergeant ce contenu et en faisant sa promotion. La Loi sur la radiodiffusion ne peut à elle seule tenir des entreprises comme Facebook entièrement responsables de ses transgressions, mais il serait tout de même utile de supprimer l'exemption générale pour les sites de médias sociaux contenue dans le projet de loi et de revoir le nouveau concept de contrôle de la programmation afin d'inclure explicitement la prise de décisions algorithmique.
Troisièmement, le projet de loi supprime les exigences relatives à la propriété canadienne, ouvrant ainsi la voie à Fox et à d'autres acteurs américains pour absorber les diffuseurs canadiens en difficulté, ce qui aurait pour effet de décimer la programmation locale, en particulier les nouvelles locales. Nous ne devons pas favoriser une érosion accrue des nouvelles locales au Canada.
Enfin, le projet de loi est complètement muet sur CBC/Radio-Canada, qui pourrait bientôt être le seul média national important encore en place. Vous pourriez saisir cette occasion pour revoir le mandat de CBC/Radio-Canada pour en faire essentiellement un diffuseur non commercial et pour enfin mettre fin à la nomination politique de son président et de son conseil d'administration.
En conclusion, je vous exhorte à ne pas gaspiller cette précieuse occasion. Une telle occasion ne se représentera peut-être pas avant des années, et la plupart des médias canadiens ne survivront pas aussi longtemps. Cette semaine seulement, Bell Media a annoncé des centaines de mises à pied, qui s'ajoutent à plus de 3 000 mises à pied dans le secteur canadien des médias depuis le début de la pandémie. Faisons bien les choses, maintenant, tandis que c'est encore possible.
Merci beaucoup.
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Si vous me le permettez, je vais d'abord vous présenter l'Union des Artistes. Ensuite, je vais céder la parole à Pascale St-Onge, qui parlera de la Fédération nationale des communications et de la culture.
Je pourrais même me permettre de dire que l'Union des Artistes est un vieux syndicat, au Canada, puisqu'il existe depuis 1937. Son autorité est reconnue par nos gouvernements.
Nous représentons des acteurs, mais aussi des chanteurs, des danseurs et des animateurs. Il y a donc quatre catégories, mais il y a également des sous-catégories, qui représentent des humoristes, des échassiers et des marionnettistes, bref, tous ces beaux créateurs qui véhiculent notre culture sur nos scènes et dans nos médias.
Je me suis longtemps demandé comment aborder le principe de l'identité, dont je tenais à vous parler aujourd'hui. Finalement, j'ai décidé de ne rien écrire et de procéder de façon un peu plus organique, parce que cela me semblait la meilleure façon de l'expliquer.
La Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications régissent notre système de télévision et de radio. Ils encadrent donc la musique, les téléséries, les dramatiques et l'information, entre autres. C'est extraordinaire.
Madame St-Onge, voudriez-vous présenter la Fédération nationale avant que je continue?
Avouons que ces médias sont les plus populaires. Vous savez comme moi que la télévision entre dans nos foyers et que la radio entre dans nos voitures et nos maisons. Elles nous appartiennent et nous ressemblent. Elles véhiculent nos valeurs. Elles nous identifient et nous font évoluer ensemble. Bref, la radio ou la télévision nous servent de miroirs. Les lois qui régissent ces deux médias devraient reconnaître les valeurs de l'identité et de la reconnaissance.
Dans notre système actuel, l'ère numérique s'empare de plus en plus de la façon dont nous consommons les contenus de la télévision et de la radio. Forcément, le phénomène du rapport de miroir est donc en train de diminuer tranquillement. L'inquiétude nous incite donc à nous demander s'il diminuera à un point tel qu'un jour, nous ne pourrons plus nous y reconnaître et nous y voir. Ce serait profondément dramatique. À partir du moment où nous savons qui nous sommes, nous pouvons nécessairement mieux regarder l'autre et accepter sa différence. Si le temps s'y prête, j'aurai des exemples à vous présenter un peu plus tard.
Bref, les lois servent à reconnaître certains principes et certaines valeurs. C'est sur cette prémisse que le projet de loi pourrait être amélioré. Certaines notions fondamentales devraient être défendues plus fortement, selon nous.
Je cède la parole à Mme St-Onge.
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Nous pourrions passer directement aux questions, pendant qu'on règle le problème technique de Mme St-Onge, mais je vais d'abord terminer mon discours.
Les éléments fondamentaux auxquels nous voulons travailler en priorité sont, entre autres, la propriété canadienne, bien évidemment, la langue française et nos gens, c'est-à-dire les travailleurs, les artistes et les artisans, que nous aimerions voir mieux protégés et plus impliqués dans les projets qui se font ici, au Canada.
Ensuite, il faut donner au CRTC les ressources et les pouvoirs dont il a besoin pour mettre en place un système plus efficace. On doit s'assurer que les entreprises rendent des comptes et garantir la traçabilité des contenus. Finalement, il faut se pencher sur les pouvoirs du gouverneur en conseil.
D'autre part, dans un monde idéal, on prendrait l'habitude de réviser les lois. Quand on s'aperçoit qu'il y a des failles, il faut pouvoir réagir rapidement. Actuellement, au Canada, j'ai l'impression qu'on tente d'être proactif par rapport au numérique, ce qui n'a pas toujours été une notion facile à intégrer.
À l'avenir, il serait donc important de parvenir à une certaine légèreté, même si je sais que c'est difficile d'y parvenir dans les lois. En tout cas, si tout cela était prévu, ce serait déjà plus facile.
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Bien sûr, monsieur Rayes. Je vous remercie de votre question.
L'exclusion des médias sociaux du projet de loi implique deux choses qui m'inquiètent.
D'abord, il s'agit de la responsabilité du contenu diffusé. La Loi sur la radiodiffusion dit que chaque diffuseur est responsable du contenu qu'il diffuse. Si la Loi ne s'applique pas aux médias sociaux, ils ne seront pas responsables du contenu qu'ils diffusent, or on sait que ce contenu est parfois illégal.
Vendredi, M. Chan vous a parlé des efforts que son entreprise avait faits pour régler la situation, mais il est évident que ce qu'il a dit n'était pas entièrement vrai. On a vu plusieurs exemples où les dirigeants de Facebook ont décidé sciemment de permettre à du contenu illégal de circuler sur cette plateforme. Il est donc très important d'avoir le pouvoir de régler la situation.
Ensuite, il s'agit de la responsabilité à l'égard de la découvrabilité du contenu, notamment le contenu en français, et des autres règles du CRTC, comme les normes en matière de publicité électorale. D'autres choses, dans la Loi, doivent s'appliquer aux médias sociaux. Il est très important de les inclure dans le projet de loi.
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Oui. Nous reconnaissons que le système a changé et qu'il était nécessaire d'inclure les diffuseurs étrangers, car il est impossible de bâtir un mur entre nous et le reste du monde.
Cependant, il faut aussi promouvoir la propriété canadienne, ainsi que la reddition de comptes au Canada. Il est très important que les entreprises étrangères de radiodiffusion et de médias sociaux aient des responsables ici, au Canada, afin qu'ils rendent des comptes au CRTC, au gouvernement, aux tribunaux et au Parlement au sujet de leur comportement.
La représentation canadienne est importante, tout comme il est important d'encourager la propriété canadienne. C'est très important d'assurer la survie des médias d'information locaux, qui sont actuellement en crise.
Ce n'est pas une bonne idée d'inviter les entreprises étrangères à acheter nos diffuseurs et à les fermer. Nous trouvons donc très important d'encourager la propriété canadienne.
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Merci, monsieur le président.
Avant de poser des questions aux témoins, j'aimerais dire qu'il y a manifestement beaucoup d'intérêt de la part de tous les témoins qui ont comparu devant nous jusqu'à présent, et nous avons reçu beaucoup de demandes de personnes qui veulent pouvoir témoigner devant le Comité. Je ne sais pas si j'aurai une autre occasion de soumettre ma question au Comité avant la semaine consacrée aux circonscriptions, alors j'aimerais demander aux membres du Comité s'ils sont prêts à ajouter une heure à la séance de vendredi afin que nous puissions entendre d'autres témoins et accomplir ce travail important.
Je pense que les membres du Comité ont généralement montré un grand intérêt pour ce travail, après avoir fait l'étude préliminaire et avoir dit qu'ils souhaitaient aller de l'avant avec le projet de loi . Je dis cela avec réserve, car j'ai constaté avec surprise que les conservateurs ont présenté cet après-midi une motion visant en fait à retirer complètement le projet de loi C-10. Je suis toutefois heureuse que cela ne se soit pas concrétisé.
Je présume que les membres du Comité souhaitent toujours s'attaquer à la tâche difficile que représente le projet de loi et entendre le plus grand nombre possible de témoins afin de faire progresser le projet de loi. Je me demande si nous pouvons essayer dès maintenant d'obtenir l'accord des différents partis pour l'ajout d'une heure. En ce qui concerne le contexte, j'ajoute que nous n'aurons pas de réunion le 15 février en raison de la Journée de la famille. Nous allons donc perdre une journée de témoignages, en fait. Il nous serait très utile de disposer de cette heure supplémentaire.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Ce que vient de dire Mme Dabrusin est très intéressant. Je suis content que nous prenions de son temps pour discuter du projet de loi. Ainsi, nous n'allons pas empiéter sur le temps dont nous disposons pour poser des questions aux témoins ici présents.
Quelques éléments me préoccupent. Au début de la prochaine rencontre, nous pourrions discuter de sa proposition, mais notre horaire est déjà chargé, les lundis et les vendredis. À la fin de la semaine, nous avons encore tous beaucoup de travail. Si nous ajoutons une heure, cela signifiera encore plus de préparation pour chacun de nous. Nos équipes ne sont pas très grandes, sans vouloir enlever quoi que ce soit à la secrétaire parlementaire et au , qui disposent parfois d'un personnel plus important.
Je suis préoccupé par un autre élément dont nous ne tenons pas compte souvent, et c'est la question des interprètes. Ils nous ont tous interpellés au sujet de la lourdeur de leur tâche et du fait qu'ils ne sont pas très nombreux présentement. Nous sommes vendredi et ils ont travaillé toute la semaine aussi. Nous connaissons toutes les difficultés techniques qu'il y a actuellement. Pour ces raisons, l'ajout d'une troisième heure m'inquiète.
Cela dit, le projet de loi est important. Rien ne nous empêche d'ajouter des réunions, si la secrétaire parlementaire, les libéraux, le NPD et le Bloc le souhaitent. Nous serions tout à fait d'accord pour prolonger les consultations en ajoutant des séances au besoin, afin de pouvoir entendre tous les témoins qui doivent s'exprimer sur ce projet de loi, tant et aussi longtemps que le Comité le voudra bien.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur patience. Nous sommes désolés pour ce contretemps, cela arrive.
Madame Prégent, dans votre allocution d'ouverture, vous avez utilisé une analogie ou une image que j'ai trouvée vraiment sympathique, celle du miroir qui se rétrécit. J'ai trouvé cela très intéressant. Effectivement, la télévision et ce qu'on regarde en général, peu importe le support utilisé, influencent la culture.
Dans un contexte culturel comme celui du Québec et de la francophonie au Canada en général, quel danger voyez-vous à ce rétrécissement du miroir? Quel risque y a-t-il à ne pas réglementer suffisamment sévèrement la radiodiffusion dans son ensemble? En somme, je vous demande d'étoffer vos propos.
Je peux vous parler du français, puisque c'est dans ce champ d'application que l'Union des artistes exerce ses activités. En fait, l'UDA a aussi autorité dans toutes les autres langues que l'anglais partout au Canada; c'est peu connu. Je pourrais aussi bien vous parler d'autres langues qui sont mises un peu plus en danger.
En ce qui me concerne, la télévision a le mandat obligatoire de ressembler aux gens qui la regardent. Selon moi, cette notion ne devrait pas être évacuée de nos lois. Au contraire, elle devrait être reconnue. C'est ce que j'entendais par « effet de miroir ». J'ai du mal à imaginer ce que pourra être la télévision de demain si cette notion n'est pas plus affirmée haut et fort dans nos lois. Je sens le danger.
On parle d'un téléspectateur extrêmement captif et extrêmement curieux de la télévision francophone. Je vais vous parler de contenu original francophone, puisque c'est celui que je connais. Les gens regardent la télévision et écoutent de la musique en français. C'est une notion extrêmement importante qui va au-delà de la langue et de l'expression. La fibre que cela fait vibrer est d'ordre beaucoup plus collectif. C'est pour cela que j'ai parlé de miroir, de ressemblance, de rassemblement, d'identité. Présentement, cette notion de langue n'est pas dans les lois. C'est extrêmement dommage, compte tenu de la langue et de la situation géopolitique du Québec. En Amérique, il y a très peu de gens d'expression française. C'est pour cela que je trouve dommage que cette notion soit évacuée de la loi présentement.
Je suis d'accord avec M. Geist pour dire que les seuils sont très importants. Selon le , la nouvelle loi forcerait les entreprises comme Netflix, dont les activités sont importantes au Canada, à investir leur juste part dans la production de contenu canadien original, mais ce n'est en fait pas le cas. La loi précise que le CRTC a la possibilité d'imposer ce genre de contributions; elle ne l'oblige pas à faire usage de cette possibilité, et comme l'a dit M. Geist, c'est extrêmement problématique.
Nous aimerions que le projet de loi précise qu'il devient obligatoire de contribuer une fois qu'un diffuseur numérique dépasse un certain seuil, qu'il s'agisse du nombre d'utilisateurs ou des revenus correspondant à son modèle commercial unique, car selon le libellé actuel de la loi, le CRTC pourrait continuer à faire exactement ce qu'il fait aujourd'hui et être toujours conforme à la loi. Nous trouvons cela problématique.
Le deuxième et dernier point que je vais aborder concerne les médias sociaux, que j'ai mentionnés précédemment. La loi prévoit une exception selon la catégorie de sites de médias sociaux, ce qui est hautement problématique. Nous appuyons bien sûr le principe selon lequel nous ne devrions pas forcer le petit Timmy, qui télécharge des vidéos depuis sa chambre, à avoir une licence de diffusion, mais Facebook et le petit Timmy ne se situent pas au même niveau. Ces entreprises devraient être responsables du contenu qu'elles diffusent. Elles devraient être responsables des règles concernant la publicité politique, les normes publicitaires, les alertes d'urgence et toute autre forme de règles et de règlements prévus par la loi.
Je vais vous donner un exemple qui illustre la raison de cela. La semaine dernière, M. Chan a encore dit que Facebook prend des mesures considérables pour supprimer les contenus illégaux. Il devrait le dire à Chris Trottier, de Vancouver, qui a ouvert Facebook sur son téléphone, en mars 2019, et qui a vu en direct 51 personnes se faire assassiner en Nouvelle-Zélande, sous ses yeux. M. Chan dit que Facebook ne choisit pas ce que vous voyez. Vous vous y connectez, et c'est votre choix. Je vous promets que M. Trottier n'a pas demandé à voir cela. Cela lui a été imposé — recommandé. Ce serait illégal pour toute autre entreprise canadienne de faire une telle chose, et Facebook ne devrait pas faire exception.
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Pour mettre les choses en contexte, les médias privés au Canada tombent dans le gouffre parce que les gouvernements successifs ont permis à leurs concurrents, principalement Facebook et Google, de faire des choses qui seraient illégales pour les médias. Ils ne paient pas d'impôts. Ils peuvent diffuser des contenus illégaux. Ils ne paient pas pour le contenu, et ainsi de suite. Le secteur des médias canadiens connaît une crise majeure et, à l'heure actuelle, il semble que CBC/Radio-Canada sera seule à tenir bon, si rien ne change.
Nous pensons qu'il faut clarifier le mandat de CBC/Radio-Canada pour qu'il soit précisé que, premièrement, la société a un caractère fondamentalement non commercial. Nous avons vu la direction de CBC/Radio-Canada travailler de manière indépendante et tenter de plus en plus désespérément de vendre de la publicité. Tandem en est le dernier résultat. C'est scandaleux.
Deuxièmement, nous devrions souligner la nécessité qu'elle soit indépendante. Il y a des accusations de partialité contre CBC/Radio-Canada. Je pense personnellement qu'elles ne sont pas fondées, mais même la perception n'aide pas. Par conséquent, il est très important de mettre fin aux nominations politiques au conseil d'administration et au poste de président, et cela peut se faire ici.
Enfin, nous devrions exiger que CBC/Radio-Canada assure la couverture de l'actualité locale partout dans le pays. Avec tout le respect que je dois aux habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, il y a plus de bureaux de CBC/Radio-Canada à Terre-Neuve qu'en Alberta, alors qu'il y a six fois plus de gens en Alberta. Il est important que CBC/Radio-Canada ait pour mandat de répartir ses ressources de manière égale dans tout le pays, et nous pensons que nous avons une bonne occasion de le faire maintenant, surtout au vu de l'importance croissante de CBC/Radio-Canada, étant donné le déclin des médias privés dans de nombreuses régions du pays.
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Merci beaucoup. Je vais devoir mettre fin à la discussion. Nous allons manquer de temps et nous devons encore nous occuper des travaux du Comité.
Je tiens à remercier nos invités. De l'Union des artistes, madame Prégent, madame St-Onge et monsieur Laflamme, nous vous remercions. Je vous prie de nous excuser pour toutes les difficultés techniques que nous avons dû surmonter. Merci également, encore une fois, à Daniel Bernhard, des AMIS de la radiodiffusion.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous devons revenir à la motion de M. Champoux pour apporter quelques clarifications d'ordre opérationnel. Des choses ont été dites, mais il n'y a pas eu d'amendements. J'ai mis la motion aux voix, et c'était peut-être prématuré. Nous devons clarifier deux points. Avant cela, j'ai besoin du consentement unanime pour revenir sur la motion.
Est-ce que quelqu'un est contre? Non.
Voici la situation. Il y a deux choses que nous devons clarifier dans la motion de M. Champoux. D'ailleurs, nous reviendrons dans quelques instants sur la situation que Mme Dabrusin a évoquée tout à l'heure à propos de l'horaire. Je dois d'abord m'occuper de cette question.
Une question, bien sûr, concerne les documents: « Que tous les documents présentés ». Si je comprends bien — et j'aimerais entendre ceux d'entre vous qui en ont déjà parlé —, nous parlons de documents présentés au Comité qui proviennent d'autres sources que le gouvernement fédéral.
J'aimerais entendre l'avis de M. Champoux à ce sujet. C'est bien de cela que nous parlons?
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Monsieur le président, simplement pour que tout le monde comprenne bien... Je suis à nouveau un peu mêlé. J'ai peut-être tort, mais M. Champoux a dit qu'il pense que le Bureau de la traduction traduit tous les documents qui proviennent des ministères. Est-ce bien le cas?
Si ce n'est pas le cas, nous devons nous pencher là-dessus, car tout le monde devrait obtenir des documents rédigés correctement en anglais et en français. Je suis tout à fait d'accord là-dessus.
[Français]
Quand il s'agit d'un document qui vient d'ailleurs, d'une tierce partie, je suis tout à fait d'accord qu'il devrait être préalablement révisé par le service de traduction. Je croyais que c'était le cas, mais ce ne l'est peut-être pas dans les ministères où les traducteurs travaillent pour le gouvernement du Canada, mais qui ne font pas partie du service de traduction de la Chambre des communes.
Je crois que nous devrions accepter ces documents et que les traducteurs de la Chambre des communes puissent vérifier s'ils ont bien été traduits par les différents ministères. J'ai peut-être tort. Je croyais qu'il y avait des traducteurs dans les ministères autres que ceux à la Chambre des communes.
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Oui, monsieur le président, et c'est une question d'assurance, tout simplement. Il est arrivé un incident. Il était sans conséquence, puisque c'était un très court texte, mais je ne suis pas convaincu que les documents qui nous arrivent, par exemple, des groupes qui viennent présenter des témoignages devant nous, passent par une révision. Je ne suis pas convaincu nécessairement que tout ce qui va sortir des ministères va arriver chez nous avec la même qualité de traduction.
Alors, ajouter cette exigence dans nos procédures m'apparaît tout à fait logique. D'ailleurs, cela ne concerne pas que la protection de la qualité du français, mais aussi la protection de la qualité de la traduction en anglais. On se protège en faisant cela. S'il se trouve que les ministères font déjà affaire avec le même service de traduction que la Chambre des communes, c'est-à-dire le Bureau de la traduction, tant mieux. Cela n'aura pas une grande incidence, mais on aura toujours la garantie que ce sera fait de façon rigoureuse.
Je tiens aussi à souligner que le libellé qu'on a proposé est celui qui venait de notre greffière, qui a aussi été lu et approuvé par le greffier en chef. On peut tourner autour du pot, mais je me questionne un peu sur les préoccupations qu'on peut avoir là-dessus.
Selon moi, cela nous protège tous et nous garantit que nous aurons des documents de qualité en main. Il me semble que tout le monde devrait apprécier cela.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis content d'avoir entendu les propos que vous venez d'adresser à M. Champoux. Je trouve que toutes les questions qu'on se pose sont très pertinentes. On ne veut pas ralentir le processus, mais en même temps on est dans un pays où il y a deux langues officielles, selon la loi. Cela veut dire qu'on doit avoir la même qualité de langue dans tous les documents qu'on reçoit. Dans ce pays, les francophones, ceux qui travaillent surtout en français en priorité, sont minoritaires. Si c'était de l'autre côté, c'est sûr qu'on ne se poserait même pas la question. Je pense donc qu'on devrait trouver les moyens nécessaires.
Ce que M. Champoux dit est extrêmement clair. Les documents peuvent venir de l'interne ou de l'externe. S'ils viennent de l'Interne et qu'ils n'ont pas été traduits par nos professionnels, en qui j'ai une très grande confiance, il faudra qu'ils passent par là. Si cela se faisait déjà, tant mieux. Quant à ceux qui viennent de l'externe, on s'assurera que la traduction sera de qualité pour qu'on puisse bien faire notre travail dans les deux langues officielles. C'est la moindre des choses. C'est la loi qui est ainsi faite. Notre pays est bilingue. C'était une décision qui a été prise par nos prédécesseurs. On doit en être fier, on doit s'assurer que cela s'applique.
:
C'est ce que nous faisons, monsieur.
Puisque la réunion tire à sa fin, puis-je faire une proposition?
Monsieur Champoux, puis-je travailler avec vous, hors ligne, sur la clarification de certains des points dont nous avons parlés, et nous pourrions alors revenir là-dessus lors de notre prochaine réunion? Je vais prévoir du temps pour cela. Il se pourrait que nous fassions des heures supplémentaires, mais comme M. Rayes l'a souligné, si c'était l'inverse, il faut se demander comment nous traiterions cette situation. Je l'ignore, mais je veux m'assurer que nous nous occupons de cette question d'une manière équitable. C'est pourquoi j'aimerais me pencher sur ce que vous dites, car nous devons clarifier la question que nous avons soulevée, surtout en ce qui a trait à la traduction pour les ministères par rapport à la traduction pour la Chambre des communes.
Monsieur Champoux, êtes-vous d'accord?
Nous cherchions une clarification fonctionnelle. La motion ne change pas. Nous pouvons en rester là, si vous voulez toujours aller de l'avant avec la même motion, tant que tout le monde comprend qu’il s’agit de « tous les documents présentés ». Comme M. Housefather l’a souligné, nous comprenons tous qu’ils proviennent d’un seul endroit, qu’il s’agisse d’un ministère, de la Chambre des communes, etc.
Souhaitez-vous aller de l'avant avec la même motion?
Dans ce cas, c’est parfait. Nous pouvons simplement la réadopter telle quelle. Il en est ainsi ordonné.
Je suis désolé pour la confusion.
Pour les quelques minutes qu’il nous reste, j’ai deux ou trois choses que nous pourrions faire. Nous pourrions nous réunir hors ligne pour parler des heures supplémentaires ou nous pourrions en parler lors de la prochaine réunion. Je pourrais réserver un peu de temps pour en parler, si c'est ce que vous souhaitez. J’aimerais avoir votre avis à ce sujet.