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Très bien. Merci beaucoup de nous accueillir ici cet après-midi.
Le dossier de présentation que vous avez sous les yeux se divise en deux grandes parties. Dans les quelques premiers transparents, nous nous intéressons aux femmes et aux hommes en âge de travailler qui font parie de la population active rémunérée et à la proportion d'entre eux qui participent à un régime de retraite offert par l'employeur ou à un régime de pension agréé, pour employer des termes un peu différents. Nous allons considérer les données de trois sources différentes en nous attardant aux tendances dans la protection en matière de pensions, à partir de chacune des sources, pour brosser le meilleur tableau possible.
Dans la deuxième partie, nous allons passer des femmes en âge de travailler, qu'elles aient un régime ou non, aux femmes de 65 ans et plus, pour voir quel revenu elles touchent. L'élément central, ici, c'est que, au cours des 25 dernières années, il y a eu une profonde évolution dans la vie active des femmes, comme l'atteste l'augmentation de leur participation à la vie active et de leurs contributions aux régimes d'épargne-retraite. Ces changements se font sentir dans leurs revenus et la composition de ces revenus.
Prenez le premier graphique linéaire. Les données sur la protection en matière de pensions peuvent venir de sources différentes, dont chacune a ses points forts et ses limites. Nous allons en considérer trois. Le graphique a été tracé à partir des données administratives compilées sur tous les régimes de pension agréés au Canada, et il indique la proportion des travailleurs rémunérés de 17 à 64 ans qui ont cette protection.
Chez les hommes, c'est-à-dire la ligne bleue, on observe au Canada une diminution constante depuis 15 ou 20 ans. Le taux est passé de 47 ou 48 p. 100 à la fin des années 1980 à environ 38 p. 100 en 2007. Chez les femmes, le taux de protection a progressé entre le milieu des années1980 et le début et le milieu des années 1990. Comme vous pouvez le constater, les données montrent que, depuis 10 ans, leur taux reste à peu près stable, aux environs de 39 p. 100.
Passons aux deux autres sources de données, au tableau suivant. Ce sont les données fiscales et les données d'enquête sur les ménages. Je veux attirer l'attention sur les tendances à l'intérieur des groupes d'âge, et plus particulièrement sur les tendances et le taux de protection entre 1997 et 2006-2007.
Voyons d'abord les hommes, à la droite du tableau. Les données fiscales et d'enquête confirment la tendance à la baisse dans le taux de protection, notamment chez les 35 à 44 ans et les 45 à 54 ans. Le déclin, ces 10 dernières années, est de l'ordre de quatre à six points. On constate, à regarder de plus près le groupe des 25 à 34 ans, un taux de protection qui s'est stabilisé ou a peut-être augmenté très modestement.
Sur la gauche du tableau, les données fiscales qui portent sur les femmes font ressortir la stabilité des taux de protection chez les femmes de 35 à 44 ans et celles de 45 à 54 ans. Bien que les données d'enquête montrent une certaine hausse pour les femmes, cela tient peut-être au fait que ceux qui répondent aux enquêtes sur les ménages déclarent les REER de groupe, par exemple. C'est la différence entre ces sources de données. Chose curieuse, les données fiscales et d'enquête traduisent une hausse des taux de protection, depuis 10 ans, chez les femmes de 25 à 34 ans.
Tableau suivant. Outre les tendances et le taux de protection, les modifications dans les caractéristiques des régimes de pension ont fait l'objet d'une attention et de débats publics considérables. Ce que nous voyons ici, c'est un déplacement depuis les régimes à prestations définies vers les régimes à contributions définies. Brièvement, dans le régime à prestations définies, les prestations de retraite sont calculées selon une formule prévue dans le régime, par exemple, 2 p. 100 par année de service de la moyenne des gains sur une certaine période, et les contributions de l'employeur ne sont pas prédéterminées, mais calculées d'après des évaluations actuarielles. Dans le régime à contributions définies, les contributions sont un montant fixe ou un pourcentage des gains de l'employé; si le montant des contributions est connu, celui des prestations ne l'est que lorsque l'employé atteint la retraite, et il dépend de facteurs comme le taux de rendement.
Entre 1991 et 2007, le nombre de participants à un régime à contributions définies a plus que doublé, passant de 466 000 à 935 000. Ces chiffres n'englobent pas les REER de groupe. D'après l'Enquête de 2005 sur le milieu de travail et les employés, environ 18 p. 100 des employés ont un REER de groupe, ce qui se rapproche du régime à contributions définies.
De ce tableau, je retiens deux autres points.
D'abord, aussi bien pour les femmes que pour les hommes, la proportion des travailleurs rémunérés qui ont une protection en matière de pension est bien plus élevée dans le secteur public, soit nettement au-dessus de 80 p. 100, que dans le secteur privé, où le taux est de 22 p. 100 pour les femmes et de 29 p. 100 pour les hommes.
Deuxièmement, la plupart de ceux qui ont un régime de pension, soit plus de 90 p. 100 dans le secteur public, ont un régime à prestations définies, alors que c'est moins souvent le cas dans le secteur privé pour ceux qui ont un régime. Chez les femmes, 59 p. 100 ont un régime à prestations définies, et 26 p. 100 un régime à cotisations définies, et de plus en plus, nous voyons apparaître des régimes mixtes, qui ont des caractéristiques des deux régimes, ou bien les employés de la même entreprise peuvent participer à un type de régime ou l'autre. C'est ce à quoi correspondent les chiffres de la catégorie « Mélangé ».
Transparent suivant. Je passe des femmes en âge de travailler et de leur protection en matière de retraite aux femmes qui ont maintenant 65 ans et plus et à leurs revenus de retraite. En 30 ans, le revenu médian des aînés a nettement progressé. Entre 1980 et 2007, le revenu médian des couples âgés est passé d'environ 30 000 $ à 47 000 $. Et ce sont des dollars constants. Chez les femmes âgées qui vivent seules, le revenu médian est passé de presque 15 000 $ en 1980 à environ 22 000 $ en 2007.
Comme le transparent suivant le montre, la hausse de participation des femmes à l'activité rémunérée et de leurs contributions aux régimes d'épargne-retraite, comme le Régime de pensions du Canada, le Régime de rentes du Québec et les RPA, sont un facteur qui explique ces tendances. Ce transparent démontre le rôle joué par les régimes de pensions du Canada et du Québec. Sur le graphique, la courbe en noir correspond au pourcentage des femmes de 65 ans et plus qui touchent des prestations du RPC ou du RRQ. Les pourcentages sont indiqués sur l'axe de gauche. Entre 1980 et 2006, la proportion des Canadiennes âgées qui reçoivent des prestations du RPC ou du RRQ a plus que doublé, passant de 35 à 84 p. 100, et pour celles qui les reçoivent, le montant médian, correspondant à la courbe en rouge est passé de 3 100 $ à 5 500 $. Les montants sont sur l'axe de droite.
Le transparent suivant illustre les mêmes tendances, cette fois pour les REER et les pensions de retraite. Là encore, nous considérons la proportion des femmes de 65 ans et plus qui touchent des revenus de cette source et les montants médians. La courbe en noir, celle des femmes qui touchent un revenu provenant de REER, de rentes et de pensions de retraite, montre une hausse de 20 à 55 p. 100 pendant cette période, et le montant médian reçu par les prestataires a progressé de 4 600 $ à 7 400 $.
Globalement, le revenu que les Canadiennes reçoivent pendant leurs vieux jours reflète les changements dans leur vie active et leur participation aux régimes d'épargne-retraite sous administration publique ou privée.
Transparent suivant. On peut évaluer les effets globaux de ces changements en considérant le revenu agrégé total de toutes les Canadiennes âgées. En 2006, les femmes de 65 ans et plus ont reçu environ 54 milliards de dollars, contre environ 20 milliards en 1980. Cette augmentation globale, de gauche à droite, traduit la hausse du revenu moyen et le fait que, en chiffres absolus, il y a aujourd'hui au Canada plus de femmes âgées qu'il y a 26 ans. Ce qui est particulièrement intéressant dans ce graphique, c'est la proportion croissante du revenu agrégé total reçu des régimes de pensions du Canada et du Québec, illustré par la zone en jaune, ainsi que la proportion croissante du revenu reçu des REER, rentes et pensions de retraite, représenté par la zone en rouge.
Pour conclure, j'attire l'attention sur deux points concernant la composition du revenu des aînés.
Le tableau suivant montre comment la composition du revenu des aînés varie selon l'endroit où ils se situent dans la distribution du revenu. Ce tableau est extrait d'une étude récente de Statistique Canada sur les aînés qui ont eu une participation appréciable à la population active lorsqu'ils étaient plus jeunes; plus précisément, ceux qui avaient des gains d'au moins 10 000 $ à 55 ans.
Ici, l'élément clé, si on considère la colonne « Quintile inférieur à l'âge de 55 ans », c'est que ceux qui se situaient au bas de la distribution du revenu à 55 ans recevaient la majorité de leur revenu de la Sécurité de la vieillesse, du Supplément de revenu garanti et des régimes de pensions du Canada et du Québec, soit 62 p. 100, lorsqu'ils atteignaient de 75 à 77 ans. Quant à ceux qui se situaient au milieu de la distribution à l'âge de 55 ans, la proportion du revenu provenant de la SV, du SRG et du RPC ou du RRQ était d'environ 43 p. 100, alors que les rentes, pensions de retraite et autres investissements représentaient près de la moitié de leur revenu à l'âge de 75 ans.
Enfin, ceux qui étaient au sommet de l'échelle des revenus dépendaient surtout des rentes, pensions de retraite et investissements. L'importance des transferts, sur ce tableau, serait plus évidente pour ceux du bas de la distribution si l'étude ne s'était pas limitée à ceux qui avaient une bonne participation à la vie active à l'âge de 55 ans.
Dernier transparent de la présentation de cet après-midi. Nous voulons montrer que, malgré la proportion croissante du revenu que les aînés des deux sexes reçoivent de programmes d'épargne-retraite comme les régimes de pensions du Canada et du Québec, des pensions de retraite et des REER, nombreux sont ceux qui touchent également le Supplément de revenu garanti. En 1981, 55 p. 100 des femmes de 65 ans et plus touchaient le SRG. En 2008, la proportion était de 40 p. 100. La proportion des femmes de 65 à 69 ans qui reçoivent le SRG est indiquée par le pointillé en rouge; elle est plus basse d'une dizaine de points. Cela donne à penser que les prestations du SRG sont plus élevées chez les septuagénaires et les octogénaires.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Merci d'être présents aujourd'hui.
Avant de débuter, j'aimerais que le comité transmette ses condoléances à la famille du travailleur qui a perdu la vie sur la Colline, aujourd'hui, lors de l'explosion de la chaudière, hier.
J'ai bien écouté ce que vous avez dit. Cependant, au sujet des chiffres du deuxième tableau par exemple, où il est question des « déclarants ayant des gains annuels supérieurs à 1 000 $ », je me demande à quel point ce serait significativement différent si l'on mettait: « les déclarants ayant des gains annuels supérieurs à 10 000 $ ». Disposez-vous de ces chiffres également?
Aussi, en mai 2009, le ministère des Finances a publié un communiqué dans lequel il indiquait que les ministres des Finances fédéral, provinciaux et territoriaux recommandaient des modifications au Régime de pensions du Canada à compter de 2011. Parmi les nouvelles mesures qu'on souhaite apporter, il y a la proposition principale, qui est de maintenir le taux de cotisation à 9,9 p. 100, mais il est aussi question d'accroître la réduction actuarielle, prévue lorsqu'une personne prend sa retraite avant 65 ans, de 0,5 p. 100 par mois à 0,6 p. 100. Ce serait donc 7,2 p. 100 par année au lieu de 6 p. 100.
Le document propose également d'augmenter le rajustement actuariel, pour des rentes qui débutent après le 65e anniversaire, de 0,5 p. 100 à 0,7 p. 100 par mois, soit de 6 p. 100 par année à 8,4 p. 100, comme le propose aussi le document de consultation de la Régie des rentes du Québec.
Avez-vous fait des projections par rapport à ces données? Si l'on met en vigueur ces propositions, quel sera le portrait de la population, en ce qui a trait aux femmes, aux régimes de pensions, et tout cela?
Lors de cette consultation— qui est encore en cours, j'imagine —, certains groupes de femmes ont déposé des mémoires pour s'assurer qu'on tiendrait compte de leurs préoccupations. L'une de ces préoccupations — ma collègue Mme Neville, y a fait référence — concerne les femmes à la maison ayant des enfants de moins de sept ans et qui ne peuvent pas cotiser à un régime de pensions pendant le temps qu'elles sont à la maison. Ces groupes de femmes demandaient à ce qu'elles puissent profiter de crédits de rentes équivalents à 60 p. 100 du maximum des gains admissibles.
Croyez-vous que cette mesure reconnaîtrait le travail « invisible » de ces femmes et permettrait aussi aux femmes âgées d'avoir de meilleurs revenus de pension?
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Pour répondre à la question, je m'attarderai à trois séries de caractéristiques qui, selon moi, ont des conséquences. La première concerne ce qui se passe sur le marché du travail et les caractéristiques démographiques des femmes qui sont maintenant dans la trentaine, la quarantaine et la cinquantaine et se rapprochent de la retraite. Quelles sont les tendances principales qu'on observe de ce côté? Sur le plan positif, il y a des taux d'activité élevés et soutenus et, par conséquent, compte tenu du nombre d'années passées dans la population active, ces femmes accumulent au cours de leur vie des gains supérieurs à ceux de toute cohorte précédente.
Le deuxième facteur que je signalerais, c'est le relèvement phénoménal du niveau d'instruction chez les femmes de la trentaine, de la quarantaine et de la cinquantaine. Si nous considérons les travailleurs de 45 à 59 ans, hommes compris, même au début des années 1990, la proportion de ceux qui avaient fait seulement des études secondaires ou même moins était très importante. Je n'ai pas le chiffre à l'esprit, mais c'était probablement de l'ordre de 40 ou de 50 p. 100. La proportion de ceux qui avaient un diplôme universitaire était très faible. Au cours des 20 dernières années, la situation s'est inversée. Dans la mesure où les gains et la protection en matière de pension sont en corrélation directe, cela a certainement un effet positif.
Du point de vue négatif, aussi bien dans la démographie que sur le marché du travail, je crois que le taux plus élevé de divorce à un stade avancé de la vie est une nouveauté, et il a d'autres conséquences. Il y a donc ce genre de tendance démographique, du côté du marché du travail, et aussi le fait que les femmes ont moins d'enfants que par le passé.
Tout cela est très bien, mais la série suivante de caractéristiques concerne ce qui se passe sur le marché du travail. Ici, nous observons des tendances dans la protection en matière de pensions et les caractéristiques des régimes de pension. D'après ce que je lis dans la littérature, aux États-Unis et au Royaume-Uni, le déplacement vers les régimes à cotisations définies a dépassé ce que nous observons au Canada. Si nous devions évoluer dans le sens d'une plus grande prévalence des REER de groupe, cela modifierait les préparatifs financiers que font les gens et les moyens qu'ils emploient pour ces préparatifs, peu importe leur niveau d'instruction et les autres facteurs.
En troisième lieu, je signalerais aussi ce qui se passe sur les marchés financiers, pour ce qui est des taux de rendement sur les placements, et je ne suis pas en mesure de spéculer à ce propos. On peut aussi se demander si les gens participent à des régimes d'épargne institutionnels, comme des régimes à prestations définies, ou ont des comptes de retraite individuels, ce qui fait surgir des questions comme celle des ratios de frais de gestion et d'autres éléments soulevés par exemple par l'Institut C.D. Howe et d'autres.
Je crois donc que ces trois séries de caractéristiques ont une influence: démographie et marché du travail, ce qui se passe sur le marché du travail, et ce qui se passe sur les marchés financiers.
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La question fondamentale qui vous intéresse ici est la suivante : à la retraite, que deviennent les personnes qui n'ont pas la protection d'un régime de pension agréé? Chose assez étonnante, la question des taux de remplacement du revenu de ceux qui ont un régime de retraite et des autres n'a pas été abordée jusqu'à maintenant, et c'est pour beaucoup à cause d'un manque de données, et de données longitudinales sur une période suffisante pour qu'on puisse étudier la question.
Sur ce point, nous pourrions demander quelles sont les conséquences pour la retraite du fait d'avoir ou non une protection en matière de pensions. L'an dernier, nous avons publié l'Enquête sociale générale de 2007. Nous y avons mis l'accent sur les Canadiens de 45 à 59 ans qui ne sont pas à la retraite, et nous leur avons posé toute une série de questions sur leurs plans et leurs attentes à l'égard de la retraite.
Nous avons constaté que la protection en matière de pensions était associée à un certain nombre de plans et d'attentes. Ceux qui n'avaient pas de régime de retraite étaient beaucoup plus portés à dire qu'ils n'entendaient pas prendre leur retraite. La différence entre les deux groupes était d'environ 12 points. Et parmi ceux qui projetaient de prendre leur retraite, ceux qui n'avaient pas de régime étaient beaucoup plus portés à exprimer de l'incertitude ou à dire ne pas savoir quand ils partiraient à la retraite.
Bien sûr, si on a un régime à prestations définies et si on sait que, à 60 ans, on touchera tel pourcentage de son salaire, on peut prévoir sa retraite avec plus de certitude. De la même façon, chez ceux qui ont dit prévoir se retirer à un certain âge, la probabilité de le faire avant 60 ans était de 17 p. 100 chez ceux qui n'avaient pas de régime, mais de 39 p. 100 chez ceux qui en avaient un. L'âge de la retraite, du moment où on quitte le marché du travail, est fondamentalement différent selon qu'on a un régime de retraite ou non.
Enfin, nous avons demandé à ces quasi-retraités: au moment où vous prévoyez quitter le marché du travail, pensez-vous que vos revenus de retraite seront largement suffisants, suffisants, à peine suffisants ou insuffisants pour maintenir votre niveau de vie? Nous avons constaté que 74 p. 100 de ceux qui ont un régime s'attendaient à avoir un régime suffisant ou largement suffisant, alors que la proportion était de 60 p. 100 pour ceux qui n'en avaient pas. La différence était d'environ 14 points. Il est clair qu'il y a des différences.
Dans une autre étude qui est en cours, nous examinons une très étroite cohorte de personnes au moyen des données fiscales. Ce sont les contribuables qui avaient ou non un RPA en 1991 et étaient âgés de 55 ans. Au moment où ces personnes avaient 70 ou 72 ans, la différence dans la proportion de ceux qui étaient à la retraite et avaient quitté la population active se situait entre 5 et 15 points, selon leur situation dans la répartition du revenu. Il est clair qu'il y a des conséquences.
Un dernier point à signaler qui ressort de la dernière étude, cependant, est que, parmi ceux qui avaient quitté le marché du travail, c'est-à-dire ceux qui n'avaient pas de RPA et avaient pris leur retraite, nous n'avons pas observé de différence significative dans le taux de remplacement des gains entre ceux qui avaient un RPA et ceux qui n'en avaient pas. Ceux qui n'en avaient pas étaient moins susceptibles d'être à la retraite — je le répète, il y avait une différence de cinq à 15 points —, mais ceux qui avaient quitté le marché du travail, remplaçaient, à l'âge de 70 à 72 ans, une part comparable de leurs gains de l'âge de 55 ans.
C'est la seule étude de cette nature, mais, compte tenu de l'importance de l'enjeu, il y a certainement lieu de faire des études plus nombreuses et approfondies. C'est sûrement une question importante à étudier.
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J'aborderais la question des taux de remplacement du revenu comme un ensemble d'indicateurs à utiliser pour évaluer le bien-être financier des aînés. Il est très possible qu'une femme qui a été très peu présente sur le marché du travail pendant sa vie active, et qui touche à la retraite le Supplément de revenu garanti, la Sécurité de la vieillesse et de très modestes prestations du RPC, ait un taux de remplacement de ses gains bien supérieur à un, ou qui se situe peut-être même près de deux, mais en chiffres absolus, son revenu peut être de 15 000 $ ou de 18 000 $. Tout au bas de l'échelle des revenus, la notion de taux de remplacement du revenu donne une certaine information, mais si le revenu a été faible pendant la vie active et s'il est comparable à la retraite, le taux de remplacement est de un. À ce moment-là, il faut tenir compte d'autres indicateurs, comme le niveau de revenu en chiffres absolus, la composition du revenu et l'importance du recours au Supplément de revenu garanti et à d'autres programmes de soutien du revenu pour maintenir le revenu pendant les vieux jours.
Lorsque nous progressons dans la distribution du revenu ou, plus justement, la distribution des gains, le taux de remplacement commence à avoir plus de sens comme mesure de remplacement du niveau de vie. Au milieu de l'échelle, si les gains sont de 80 000 $ à 40 ou à 50 ans, et si le revenu, à 70 ans, est de 50 000 $, le taux de remplacement est de 0,67. Cette donnée, conjuguée à d'autres indicateurs comme le niveau absolu et la composition du revenu, donne une image de la situation. De la même façon, il se peut qu'un joueur de hockey des Sénateurs d'Ottawa, qui a un revenu énorme à 30 ans, des gains énormes pendant sa vie active, ait un taux de remplacement de 0,3 à 70 ans. En réalité, cela dit fort peu de chose sur le niveau de vie qu'il est en mesure de conserver.
En ce sens, je dirais que le taux de remplacement du revenu ou des gains n'est qu'une mesure, parmi toute une série, qui est utile à l'évaluation des caractéristiques financières. Mais ce taux, en soi, doit être interprété avec une certaine prudence.
Je dirais aussi que, même si le taux de remplacement des gains est fréquemment utilisé et constitue un repère intéressant pour les planificateurs financiers et les décideurs, il n'existe pas de définition unique acceptée de cette notion ou de la façon de mesurer le taux. Si on consulte la littérature, on constate que les auteurs utilisent des éléments très différents comme dénominateur. Pour le revenu antérieur à la retraite, est-ce que c'est le revenu ou les gains qu'on utilise comme dénominateur dans le calcul? Si c'est l'un ou l'autre, que compte-t-on comme période antérieure à la retraite? Cinq ans avant de toucher le RPC? Les gains moyens entre 45 et 64 ans? Les gains annuels moyens pendant toute la vie active? Le choix du dénominateur fait une grande différence.
Même chose pour le numérateur du taux de remplacement, c'est-à-dire le revenu à la retraite. Ce n'est pas simple non plus. Par exemple, une proportion importante des septuagénaires touchent des gains. La notion même de taux de remplacement du revenu ou des gains veut dire que les gains sont remplacés par quelque chose d'autre. Si certains travaillent toujours, faut-il les compter dans le calcul du taux de remplacement des gains? Tenons-nous compte des gains? Chacun aborde ces questions de façon différente.
Je signalerais un autre facteur, pour en revenir à la question de l'IPC ou des gains moyens dans l'industrie. Comment rajuster les montants entre la période antérieure à la retraite et la période de la retraite? Faut-il utiliser des dollars constants en se servant de l'indice des prix à la consommation? Ou des dollars constants d'après les gains industriels moyens ou quelque autre mesure des gains? Cela peut également avoir des répercussions très lourdes sur les résultats, du point de vue du taux de remplacement.
Pour compliquer les choses encore davantage, il arrive qu'on calcule le taux de remplacement en tenant compte de la diminution du nombre de personnes dans le ménage — le fait que les enfants quittent le foyer, si bien que, à 70 ans, le dollar peut avoir plus de valeur ou non — par rapport à la famille que le retraité entretenait à 40 ans. Comment peut-on en tenir compte?
Enfin, j'ajoute une autre question à tous ces éléments: comment, dans le calcul du taux de remplacement, traiter l'avoir propre du retraité dans sa maison? Si un retraité habite toujours chez lui à 70 ans et est propriétaire de sa maison, faut-il calculer une forme de loyer théorique? En un sens, il reçoit un revenu invisible.