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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 février 2000

• 1629

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. L'ordre du jour, conformément au mandat que nous confère le paragraphe 108(2) du Règlement, comporte l'étude relative à la productivité, à l'innovation et à la compétitivité.

Nous avons deux témoins, que je prie de bien vouloir nous excuser du retard dû aux votes. Il semble qu'un autre vote soit prévu, mais nous allons quand même commencer la séance.

Nous accueillons aujourd'hui un représentant de l'Association minière du Canada, M. Gordon Peeling, et deux représentants de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, M. William Friley, qui est président-directeur général de Triumph Energy Corporation, ainsi que M. David MacInnis, vice-président de la planification stratégique à l'association.

Je crois que c'est l'Association canadienne des producteurs pétroliers qui va commencer. Monsieur Friley, c'est à vous.

• 1630

M. William A. Friley, Jr. (président-directeur général, Triumph Energy Corporation, Association canadienne des producteurs pétroliers): Merci beaucoup. Je suis heureux de m'adresser au comité pour faire le point sur l'évolution de notre industrie. Je crois que tout le monde a reçu copie de nos acétates.

Notre association, l'ACPP, regroupe environ 175 sociétés différentes, dont la plupart sont situées en Alberta, mais sont présentes dans tout le Canada, et même dans le monde entier. Notre association produit environ 95 p. 100 du pétrole et du gaz naturel canadiens. L'année dernière, notre industrie a foré environ 10 500 puits; ce chiffre est en fait en recul par rapport aux deux ou trois dernières années. Nous prévoyons d'en forer environ 15 000 cette année. Jusqu'à maintenant, nous avons produit pour environ 35 milliards de dollars de pétrole et de gaz naturel. Les impôts directs que nous avons versés aux gouvernements fédéral et provinciaux atteignent environ 2,5 milliards de dollars. Les redevances connexes et les taxes municipales portent ce chiffre à près de 6 ou 7 milliards de dollars.

On remarquera avec intérêt qu'environ 70 p. 100 du pétrole et du gaz naturel produits au Canada sont exportés dans le monde entier. Notre production représente environ 14 p. 100 du marché intérieur des États-Unis.

Nous employons environ 460 000 Canadiens d'un océan à l'autre dans des postes de haute technologie. Près de 3 millions d'investisseurs placent de l'argent dans notre industrie par l'intermédiaire de fonds d'épargne-retraite. Nous alimentons nos industries canadiennes en énergie, nous chauffons des résidences canadiennes et nous participons au transport des personnes et des produits au Canada. Nous investissons nous-mêmes des capitaux importants dans des secteurs moins développés du Canada, en particulier sur la côte Est et dans le Nord, et ces investissements sont en augmentation.

Les deux acétates suivants sont intéressants. Ils vous donnent une idée des endroits où l'on trouve du pétrole brut et du gaz naturel au Canada et des quantités qui restent à produire: les réserves de pétrole brut apparaissent en rouge, tandis que les secteurs déjà exploités sont indiqués en bleu. Comme vous le voyez, nous avons à peine entamé les ressources présentes au nord du 60e parallèle, où, d'après nos estimations, il resterait encore environ 12 milliards de barils de pétrole.

En Alberta, nous avons exploité environ les deux tiers du pétrole brut disponible, mais il nous reste encore environ 22 milliards de barils à produire dans cette province, près de 7 milliards de barils en Saskatchewan, et, comme vous le voyez, il reste environ 5,3 milliards de barils de pétrole brut à produire sur la côte Est, où nous avons à peine entamé les réserves. Tout cela représente donc un volume considérable d'activité.

L'acétate suivant concerne le gaz naturel. Du point de vue de l'écologie et de la demande énergétique, le gaz naturel devrait être l'un des principaux moteurs de l'Amérique du Nord au cours des 20 ou 30 prochaines années. Il y a encore 175 billions de pieds cubes ou BPC au nord du 60e parallèle. Vous remarquez que l'Alberta ne représente qu'un tiers du gaz naturel produit jusqu'à maintenant, et il reste encore 270 BPC dans cette province. Sur la côte Est, les réserves sont d'environ 75 BPC, et il y a encore beaucoup de prospection à faire dans cette région. Le volume des activités restera donc très important dans le domaine du gaz naturel.

La technologie est le fondement même de notre secteur industriel. J'y ai fait mes débuts il y a 25 ou 30 ans en tant que géologue sur le terrain, et la technologie est le facteur déterminant de toutes nos activités quotidiennes. Nous innovons dans des secteurs technologiques qui sont utilisés par d'autres industries, et, si nous voulons assurer notre rentabilité, nous devons constamment mettre au point de nouvelles technologies. Mes premières activités m'ont amené au large de la côte Est, et à l'époque, au début des années 70, nous n'avions aucune idée de la façon dont on allait exploiter le pétrole brut et le gaz naturel de la région, ni, à plus forte raison, de la façon de l'acheminer jusqu'aux marchés. Évidemment, nous allons produire des volumes importants de gaz naturel et de pétrole brut au large de la côte Est, ce qui représente un succès considérable du point de vue technologique.

On assiste à une expansion rapide des activités dans le Grand Nord, en grande partie grâce à la technologie, qui permet de travailler dans un tel climat et d'acheminer le pétrole brut jusqu'au marché.

• 1635

Les sables bitumineux n'étaient pas rentables il y a 20 ou 25 ans. On pouvait difficilement les exploiter, compte tenu des prix en vigueur à l'époque. Aujourd'hui, il est question d'injecter 20 milliards de dollars de capitaux supplémentaires dans des projets de sables bitumineux au cours des cinq ou six prochaines années.

Notre industrie a pris d'elle-même des mesures pour limiter les conséquences environnementales de ses activités; il s'agit là d'un souci quotidien qui nous amène à vouloir améliorer nos techniques d'exploitation dans les zones écologiquement sensibles. Nous renouvelons nos efforts de consultation auprès de tous les intervenants dans ces secteurs, des autorités gouvernementales jusqu'aux propriétaires actuels. L'ACPP a lancé une vaste initiative de prise de contact avec les propriétaires pour répondre aux préoccupations de divers groupes d'intérêts particuliers et de parties intéressées qui possèdent des terrains sur lesquels nous intervenons. Par ailleurs, nous avons une approche coopérative en matière de changement climatique, et nous réglons les problèmes à mesure qu'ils apparaissent.

Je crois qu'il est très important de remarquer qu'à l'échelle globale les possibilités d'investissement pétrolier et gazier sont innombrables. Le Canada n'est pas le seul endroit où l'on puisse investir de l'argent. Du reste, on compte environ 120 sociétés canadiennes qui ont des intérêts à l'étranger, dans un très grand nombre de pays.

Pour attirer les capitaux dans notre industrie, nous devons donc rester concurrentiels. Les prix actuels du pétrole—et tout le monde est au courant de la forte augmentation du prix du pétrole enregistrée depuis 12 mois—tendent à dissimuler certains de nos défis. Il reste que du point de vue de l'investissement notre secteur industriel a du mal à attirer les capitaux, et ce, pour un certain nombre de raisons.

Indépendamment de l'amélioration actuelle des prix, nous avons connu deux années de grandes difficultés où nos entreprises n'ont obtenu aucun rendement sur leur investissement. Notre secteur industriel a dépensé plus d'une fois et demie sa marge brute d'autofinancement au cours des 15 dernières années. Le tiers de ces capitaux correspond à des montants investis par les marchés qui, apparemment, ne rapportent rien.

Les coûts de développement au Canada sont élevés, et nous devons donc veiller à rester concurrentiels. Malgré tout cela, après avoir vu sur ces acétates les quantités de pétrole et de gaz qui restent en réserve et le nombre de personnes que nous employons, nous avons un brillant avenir devant nous.

Mais si nous voulons profiter de ce brillant avenir, obtenir des résultats et rester concurrentiels à l'échelle mondiale—puisqu'il s'agit, comme vous le savez, d'une industrie mondiale—il est important d'harmoniser la réglementation. La prévisibilité est indispensable. Le processus réglementaire doit rester dans des limites raisonnables. Lorsqu'on investit de l'argent, on doit savoir qu'on pourra le récupérer dans des délais acceptables.

Il faut aussi pouvoir accéder aux ressources et aux terrains où elles se trouvent, à défaut de quoi notre activité est impossible. Pour nous, c'est là un élément essentiel. Il faut bien sûr respecter un certain équilibre dans l'utilisation des terres, ce que nous comprenons parfaitement. Nous demandons également au gouvernement de faire preuve de leadership sur les questions autochtones. C'est pour nous un dossier d'une importance capitale.

En ce qui concerne les impôts, redevances, cotisations et autres frais, ce sont des éléments qui peuvent avoir une incidence positive ou négative sur l'intérêt des investisseurs et sur le taux de rétention des employés. Nous essayons de garder nos spécialistes et d'éviter l'exode des cerveaux auquel on a assisté dans un certain nombre de secteurs industriels. Pour cela, nous avons besoin d'une industrie dynamique. Et, bien sûr, les options en matière de changement climatique sont très importantes pour nous dans la mesure où elles peuvent avoir une incidence sur la rentabilité de nos activités pour les investisseurs.

Évidemment, l'avenir de l'industrie prétrolière et gazière est très prometteur en ce qui concerne la technologie et les perspectives concurrentielles à l'échelle mondiale. Nous connaissons actuellement une réussite remarquable. Nous exportons notre technologie dans le monde entier, dans plus de 130 pays, et nous sommes des chefs de file technologiques dans différents domaines nouveaux de l'industrie. Dans la mesure du possible, nous voulons conserver nos investissements au Canada, mais nous sommes convoités par de nombreux pays pour notre potentiel technologique.

Nous avons d'énormes possibilités d'expansion, comme l'attestent nos activités sur la côte Est, dans le nord de l'Alberta et dans les territoires, lesquelles activités ont déjà et auront encore dans l'avenir d'abondantes retombées économiques et sociales. Nous en voyons l'effet faits sur la vie économique des habitants de l'est du Canada, de la région atlantique, à mesure qu'augmentent nos dépenses en capital destinées à stimuler la production. Notre industrie s'est répandue dans de nombreux secteurs au Canada et dans toutes les régions du pays. La bonne intendance de l'environnement et le rendement écologique sont pour nous d'une importance capitale; nous y voyons des éléments déterminants de nos progrès futurs.

• 1640

Je voudrais vous remercier d'avoir pris le temps d'écouter notre intervention. Nous sommes prêts à répondre à vos question.

La présidente: Nous allons continuer l'audition des témoins avec M. Peeling, de l'Association minière du Canada.

M. Gordon Peeling (président-directeur général, Association minière du Canada): Comme mes collègues de l'ACCP ont un emploi du temps très serré—ils doivent partir dans quelques minutes—je peux remettre mon exposé à plus tard si vous voulez leur poser des questions.

La présidente: C'est parfait.

Monsieur Penson, êtes-vous prêt à intervenir?

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Absolument. Merci.

Merci de votre exposé. Je viens d'une circonscription du Nord de l'Alberta et je suis sensible à ce que vous dites sur l'importance de votre industrie dans notre région ainsi que dans l'ensemble du Canada. À partir de là, j'aurais quelques questions à vous poser.

Vous avez parlé des défis que doit relever votre industrie, notamment la nécessité d'attirer l'investissement. L'investissement étranger direct au Canada n'a pas augmenté aussi rapidement que dans certaines autres régions du monde. Notre pourcentage est en diminution.

Vous avez souligné certains sujets, comme les défis environnementaux et le leadership du gouvernement sur les questions autochtones. Dans ma circonscription, les compagnies pétrolières me disent qu'elles ont des problèmes à cause de l'éventuelle réouverture des revendications territoriales sur des terres régies par les traités, notamment le Traité no 8, et elles doivent payer des gens qui font des travaux dans des secteurs situés en dehors de la zone des traités, dans ce qu'on appelle les terres contestées ou les terres traditionnelles. Je pense que cette possibilité risque de nuire à l'investissement, non seulement pour vos compagnies, mais également dans l'industrie forestière, présente elle aussi dans ma circonscription. J'aimerais avoir votre avis sur la façon dont on pourrait résoudre ces difficultés.

Par ailleurs, en ce qui concerne les défis environnementaux résultant de la conférence de Kyoto, par exemple, j'aimerais savoir ce que les objectifs acceptés par le gouvernement vont vous coûter, et si votre industrie est prête à atteindre ces objectifs, particulièrement en ce qui concerne les torchères.

Pour moi, c'est un véritable problème. Sur certaines terres de ce secteur nous n'avons vraiment pas besoin de tous ces réverbères que constituent les torchères. Je pense que c'est une ressource que l'on gaspille, et j'aimerais savoir comment vous entendez résoudre le problème dans le contexte des engagements pris à Kyoto.

M. William Friley: Pour ce qui est de la première question, nous invitons tous nos membres à respecter le cadre des différents traités.

Le principal problème pour nous, c'est l'accès aux terrains. Comme nous représentons 175 compagnies pétrolières, il est évident que chacune d'entre elles s'y prend à sa façon pour travailler.

L'essentiel pour nous, c'est que lorsque nous réunissons des capitaux que nous nous engageons à placer efficacement dans l'intérêt de nos investisseurs et que nous entreprenons des projets, nous nous heurtons à des problèmes lorsqu'on nous conteste l'accès aux terrains ou que des difficultés se présentent en plein milieu de la réalisation d'un projet. Chacun de nos membres est libre de choisir sa propre méthode pour régler les problèmes de ce genre.

L'ACCP ne peut donc pas intervenir dans ce domaine au nom de ses membres. Nous avons défini une procédure, et nous consacrons d'énormes efforts à la consultation des groupes autochtones concernés, mais c'est toujours pour nous une source de difficultés. Nous attendons des indications du fédéral et des provinces; les autorités gouvernementales doivent intervenir à la table des négociations pour nous venir en aide sur ces questions, qui modifient constamment le contexte dans lequel nous travaillons. Pour investir, nous avons besoin de perspectives à long terme et nous devons savoir à l'avance quelles seront les règles du jeu.

• 1645

M. Charlie Penson: D'après vos propos, il semble que lorsque vous avez acheté des droits miniers au gouvernement de l'Alberta sur des terres de la Couronne...

M. William Friley: Absolument.

M. Charlie Penson: ... vous traitez avec le gouvernement de l'Alberta. Est-ce que vous considérez que c'est la seule autorité avec laquelle vous ayez à traiter, étant donné qu'il vous a vendu...

M. William Friley: Mais ce n'est pas toujours le cas.

M. Charlie Penson: Je sais que ce n'est pas toujours le cas, mais quelle est votre position? Est-ce que vous considérez que vous devez traiter avec le gouvernement de l'Alberta, étant donné qu'il vous a vendu ces droits?

M. William Friley: Absolument, et c'est pourquoi il doit intervenir à la table des négociations. Dans les situations de ce genre, c'est lui qui doit mener les discussions. C'est bien certain. Il nous a vendu les droits miniers. C'est lui que nous devons consulter, et c'est du reste ce que nous recommandons aux membres de notre association.

M. Charlie Penson: Bien. Et que répondez-vous sur l'autre partie de la question, les torchères et les engagements pris à Kyoto?

M. William Friley: Nous avons fait énormément de progrès sur les torchères. Évidemment, il y en a toujours, vous le savez, mais nous avons considérablement progressé depuis 20 ans. Personnellement, dans tous les secteurs de production qui me concernent, je les considère comme un gaspillage de ressources.

Pourtant, dans certaines situations, nous nous efforçons d'en réduire le nombre ou de les éliminer, mais tout cela n'est pas gratuit. Dans les régions non desservies par un gazoduc, nous essayons de convertir le gaz pour une utilisation énergétique ou de nous en servir comme combustible, par exemple. Notre association s'est donc effectivement fixé pour objectif l'élimination des torchères.

Dans certaines régions de la province, notamment dans les secteurs isolés, il est tout simplement impossible de les éliminer pour l'instant, mais c'est effectivement un facteur de coût pour nous, et nous essayons de nous en servir dans nos activités, dans un souci de conservation.

M. Charlie Penson: Monsieur Friley, est-ce que l'élimination des torchères ne fait pas partie de la solution à appliquer pour honorer les engagements pris par le gouvernement à Kyoto? C'est une partie de la solution, n'est-ce pas?

M. William Friley: Absolument, mais les torchères ne constituent qu'une partie de la solution; il y a aussi la conservation dans toutes nos installations. Évidemment, dans tout ce que nous faisons, nous essayons de conserver chaque molécule du produit, car notre objectif est de vendre. C'est donc une priorité absolue, non seulement pour l'association, mais aussi pour chacun de ses membres. L'essentiel de notre existence même, c'est ce que nous vendons.

M. Charlie Penson: L'argument économique des gens de l'industrie est le suivant: «Nous exploitons un puits de pétrole ici, mais le gisement contient une certaine quantité de gaz dissous dont l'exploitation ne serait pas rentable.» Mais ils ne considèrent pas la viabilité économique globale du pétrole produit. Le gaz est considéré comme un produit accessoire distinct. À mon avis, c'est une mauvaise attitude de leur part.

L'exploitation d'un puits comporte un certain coût, notamment pour l'acquisition du terrain, le forage, et tout le reste.

M. William Friley: Oui.

M. Charlie Penson: Il me semble que la récupération du gaz devrait être prise en compte dans l'évaluation économique du puits. Je trouve que votre industrie devrait faire preuve de leadership dans ce domaine, car je ne pense pas que le public puisse s'accommoder bien longtemps de la situation actuelle.

M. William Friley: C'est effectivement un sujet prioritaire pour nous—j'aurais tort de le nier—et il faut évidemment prendre en compte tous les facteurs économiques.

Dans l'exploitation des gisements de pétrole de l'Alberta, on trouve certaines situations dans lesquelles 99 p. 100 du produit d'un champ pétrolifère est constitué de pétrole proprement dit, et une partie du dernier point de pourcentage est effectivement du gaz brûlé dans une torchère. Dans certains cas, ce gaz peut représenter plusieurs milliers de barils par jour. Évidemment, dans tous ces projets nous essayons d'atteindre des volumes de production qui nous permettent de conserver chaque molécule du produit, notamment tout le gaz naturel, et c'est pour nous une préoccupation prioritaire.

M. Charlie Penson: Dernière chose: je crois savoir qu'il sera difficile de respecter certains des engagements du protocole de Kyoto, et il me semble que l'un des signes les plus évidents, ce sont les torchères.

M. William Friley: Il faudrait les éliminer.

M. Charlie Penson: Quand on voit quotidiennement les flammes s'échapper des cheminées, il est difficile d'aller chercher l'appui de la population et d'invoquer le fait que l'on a du mal à respecter les engagements de Kyoto. Je pense que c'est un problème de relations publiques tout autant que d'autre chose.

M. William Friley: Tout à fait, nous comprenons.

M. Charlie Penson: Bien.

La présidente: Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Vous avez dit que l'objectif de l'année dernière, c'était de forer 14 000 puits, mais que vous n'en avez foré que 10 500. Vous n'avez pas expliqué pourquoi vous n'aviez pas atteint votre objectif.

M. William Friley: Pardon, mais il ne s'agissait pas de l'objectif; ce n'est pas ce que je voulais dire. Le nombre de puits forés au Canada par année dépend des capitaux disponibles.

Ces capitaux disponibles nous proviennent de deux sources. Au cours des 15 dernières années, les deux tiers des capitaux nous sont venus de revenus générés par la vente de pétrole et de gaz, et le reste—plus ou moins un tiers selon les années—provenait de nouveaux capitaux investis dans notre industrie. Le nombre de puits forés dépend donc des capitaux disponibles que peut utiliser notre industrie.

• 1650

L'année dernière, le prix du pétrole brut étant à 12 $—mon collègue me corrigera—nous avons reculé dans le nombre de puits de pétrole qui ont été forés par rapport à l'année précédente. Je crois que nous n'avons foré que le tiers des puits par rapport au nombre de puits de pétrole forés l'année précédente. Cela dépend énormément de l'ampleur des capitaux.

M. Walt Lastewka: Quelle est la proportion de pétrole et de gaz produits au Canada par rapport à la proportion utilisée dans notre pays?

M. William Friley: Environ 70 p. 100 de notre production est exportée. Nous sommes donc un exportateur net de 70 p. 100 de ce que nous produisons au Canada.

M. Walt Lastewka: Du côté des sables bitumineux, je sais que le point de rentabilité a été atteint il y a déjà plusieurs années, mais la situation a-t-elle changé au fil des ans et avec l'arrivée de nouvelles technologies?

M. William Friley: Tout à fait.

M. Walt Lastewka: Combien cela représente-t-il aujourd'hui?

M. William Friley: Je ne peux pas vous parler de l'aspect économique de ces projets, mais à mon avis nous avons passé les 20 dernières années à tenter de réduire le coût des facteurs de production d'un baril, en changeant les technologies. Le prix du baril d'aujourd'hui n'est pas un bon exemple, car il dépasse de loin la moyenne des 10 dernières années. Mais si l'on regarde la moyenne des huit à 10 dernières années du prix du pétrole, on constate que cette industrie est tout ce qu'il y a de plus viable et productive et représente d'énormes investissements en capitaux dans l'ouest du Canada.

M. David MacInnis (vice-président de la Planification stratégique, Association canadienne des producteurs pétroliers): Monsieur Lastewka, nous ferons parvenir au greffier le prix que représentait le seuil de rentabilité, pour votre gouverne.

M. Walt Lastewka: Merci beaucoup.

La présidente: M. Jones a la parole.

M. Jim Jones (Markham, PC): Vous dites que vous exportez 70 p. 100 de tout le pétrole et de tout le gaz. Est-ce que cela s'ajoute à tout ce qui est importé...

M. William Friley: Nous sommes un exportateur net de 70 p. 100 de la production, sauf erreur.

M. David MacInnis: C'est exact.

M. William Friley: Évidemment, le pétrole brut et le gaz naturel circulent librement d'un bout à l'autre du pays. En effet, nous envoyons le brut au sud de l'Alberta, alors que nous faisons remonter le brut vers l'Ontario et le Québec, de façon à ce qu'il n'ait pas à traverser le pays d'un bout à l'autre. Donc, je répète que nous sommes un exportateur net de 70 p. 100 de notre production.

M. Jim Jones: Dans ce cas, qu'est-ce que nous importons? Quelle est, en pourcentage, la proportion que nous importons et celle que nous exportons... par exemple, qu'est-ce que nous importons d'Arabie saoudite et d'ailleurs?

M. William Friley: En fait, je n'en sais rien. Mais nous pouvons vous faire parvenir les chiffres.

M. David MacInnis: Bien sûr.

M. William Friley: Nous faisons cela à seule fin de minimiser les coûts de transport. D'ailleurs, nous pouvons produire deux fois et demie la quantité de pétrole brut et de gaz naturel dont a besoin le Canada. En effet, nous produisons beaucoup plus que ce qu'il faut pour combler les besoins du Canada: nous produisons et exportons environ trois fois plus.

Nous faisons traverser la frontière au pétrole brut et au gaz naturel simplement pour des questions de transport. Pour minimiser le coût du transport vers une raffinerie du sud du Québec, nous allons chercher du pétrole brut des États-Unis plutôt que d'aller le chercher à l'autre bout du pays.

M. Jim Jones: Vous avez dit dans votre exposé n'avoir jamais eu autant de mal à attirer des capitaux. Pourquoi?

M. William Friley: Depuis l'automne 1997 jusqu'en février 1999, le prix de ces produits a été très bas. Le prix des actions a chuté de 50, 60 et même 70 p. 100 dans certains cas, ce qui a frappé durement les investisseurs. Notre secteur a donc traversé des moments très durs. Lorsque ces prix ont recommencé à grimper en février et mars de l'année dernière, cela a coïncidé avec une accélération des investissements dans le secteur de la technologie.

Les investissements dans d'autres secteurs ont évidemment un effet négatif sur les investissements dans l'industrie du pétrole et du gaz, mais les investissements suivent des dynamiques variées, et il est important pour notre industrie que le taux de rémunération du capital fourni par les investisseurs soit visible. La chute des prix en 1998 et en 1999, de même que les possibilités d'investir dans d'autres secteurs—comme le secteur de la technologie—nous enlèvent évidemment des capitaux.

Nous devons faire tout en notre pouvoir pour que notre industrie et le Canada dans son ensemble soient le plus intéressants possible pour les investisseurs. Au cours des 10 à 15 dernières années, les États-Unis ont beaucoup investi dans le capital-actions des compagnies membres de notre association et des autres entreprises albertaines.

M. Jim Jones: Quelle partie de votre réserve de 22 milliards de barils se trouve dans les sables bitumineux?

• 1655

M. David MacInnis: Laissez-moi vérifier.

M. Jim Jones: S'agit-il uniquement des ressources en pétrole classique?

M. David MacInnis: Oui, c'est du pétrole classique.

M. Jim Jones: Donc, les sables bitumineux viennent...

M. David MacInnis: S'ajouter à ce chiffre.

M. Jim Jones: Je vois.

M. David MacInnis: On s'attend à ce que d'ici 2004 les sables bitumineux représentent environ 25 p. 100 de la production de pétrole lourd du Canada.

M. Jim Jones: Vous avez donc 22 milliards de barils en pétrole classique, auxquels viennent s'ajouter 22 autres milliards en sable bitumineux.

M. David MacInnis: Il y a plus encore.

M. William Friley: Nous produisons environ 2,2 ou 2,3 millions de barils par jour, et je crois que les sables bitumineux représentent actuellement quelque 400 000 barils de ce volume, ce qui veut dire environ 20 à 22 p. 100. Mais il ne fait aucun doute que la proportion continuera à croître.

M. Jim Jones: Quand vous dites vouloir investir 20 milliards de dollars dans les sables bitumineux, cela représente-t-il une ou deux usines?

M. William Friley: C'est pour l'ensemble des différents projets.

M. Jim Jones: Quand vous dites que les réserves sur la côte Est atteignent 5,3 milliards de barils, est-ce que ce sont les réserves connues? Y en a-t-il beaucoup plus à exploiter, ou pensez- vous que c'est tout ce qu'il y a sur la côte Est?

M. William Friley: C'est ce qui a été évalué à la suite de nos travaux. Évidemment, on n'a pas fait autant de travail de prospection que dans d'autres endroits comme l'Alberta ou dans les territoires. Cette quantité a été évaluée à partir des puits forés: nous avons pu évaluer la quantité de roche-réservoir à partir des travaux sismiques et du forage effectué. Mais la quantité pourrait être encore plus grande, car les réserves changent toujours un peu. Plus nous ferons de forages et plus nous serons sûrs du chiffre; mais pour l'instant c'est ce à quoi nous avons évalué les réserves en fonction du travail effectué à ce jour.

M. David MacInnis: Mettons les choses en perspective: cette année seulement nous allons sans doute forer en Alberta quelque 15 000 puits. Pourtant, dans les deux provinces mises ensemble de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, nous allons à peine atteindre les 150 puits. Comme le disait mon collègue, plus on fore de puits et mieux on sait ce qui se trouve dans le sol.

M. Jim Jones: Mais il s'agit de puits sous-marins.

M. William Friley: En effet, et ils sont évidemment beaucoup plus imposants.

M. David MacInnis: Mais il y a aussi des puits à terre en Nouvelle-Écosse.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.

M. Penson a une précision à demander.

M. Charlie Penson: J'aimerais revenir au gaz naturel et au pétrole qui arrivent dans l'est du Canada. Est-ce qu'une partie de cette quantité provient d'outre-mer, comme de l'Arabie saoudite, par exemple, et est-ce que le reste provient du système de distribution du Canada, qui va d'abord à Chicago, puis revient à Toronto? Est-ce ainsi que cela fonctionne?

M. William Friley: Je ne sais pas quelle est la proportion de l'un ou de l'autre, mais nous importons du brut du Venezuela. Je ne sais pas en quelle quantité le brut d'Arabie saoudite parvient au Canada, mais je sais que les États-Unis et la Norvège, par exemple...

M. Charlie Penson: Au Canada?

M. William Friley: Bien sûr. Le brut est un produit qui voyage. Tout dépend de l'endroit d'où il provient, s'il est transporté par pipeline; si, par exemple, il est destiné aux États-Unis et que les États-Unis se retrouvent avec une trop grande quantité, le brut est alors envoyé vers le nord et peut même être transporté outre-mer. Ou bien il peut être envoyé aux États-Unis...

M. Charlie Penson: Et qu'arrive-t-il alors au gaz naturel?

M. William Friley: Nous avons également des gazoducs pour le gaz naturel qui circule entre nos deux pays.

M. Charlie Penson: Une partie du produit peut donc être envoyée aux États-Unis dans les gazoducs canadiens, pour ensuite remonter vers Montréal ou ailleurs.

M. William Friley: Bien sûr. Nous envoyons du gaz naturel au marché de Chicago, qui le distribue ensuite à gauche et à droite. C'est toujours une question d'équilibre, car quand il fait froid dans le nord-est des États-Unis et au Canada, il peut faire chaud dans le Midwest; cela bouge souvent.

M. Charlie Penson: Je vois.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur Friley, nous allons vous libérer, car vous avez un avion à prendre. Veuillez nous excuser d'avoir commencé en retard.

M. William Friley: Merci beaucoup à tous ceux qui ont compris nos contraintes.

La présidente: Merci. Il semble que M. MacInnis restera avec nous.

Monsieur Peeling, nous vous écoutons.

M. Gordon Peeling: Merci, madame la présidente.

[Français]

Je vous souhaite un bon après-midi et je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui à partager avec vous quelques réflexions sur la productivité et la compétitivité dans l'industrie minière canadienne.

Je m'appelle Gordon Peeling et je suis président de l'Association minière du Canada. Notre organisation, mieux connue sous son acronyme AMC, ou MAC en anglais, est l'association nationale de l'industrie minière canadienne. Elle regroupe des sociétés oeuvrant dans le secteur de l'exploration minérale, de l'extraction, de la fusion et du raffinage. Nos membres produisent la majorité des métaux et des principaux matériaux industriels du Canada.

[Traduction]

Le Canada a une industrie minière bien établie. Je vais essayer d'être bref, et les membres du comité peuvent suivre mon exposé en se reportant aux chiffres qui se trouvent dans la liasse plus épaisse et qui illustreront, je l'espère, les points saillants de la productivité et de la compétitivité.

Laissez-moi vous donner brièvement quelques chiffres. L'industrie minière emploie 367 000 personnes, soit un travailleur canadien sur 40. La forte augmentation de la productivité des deux dernières décennies a permis à l'industrie des minerais et des métaux de conserver une part constante de l'emploi, même s'il faut concéder une certaine diminution du côté de l'extraction et des augmentations du côté de la valeur ajoutée de notre industrie.

• 1700

L'industrie minière canadienne crée des emplois qui se situent parmi les 10 emplois industriels les mieux rémunérés au Canada, comme vous le verrez au tableau 1, où figurent les services miniers, les mines et les métaux primaires, en compagnie des services de sécurité, des produits du tabac, du pétrole et du gaz, etc.

Les gains hebdomadaires moyens dans l'industrie minière excèdent le double de ceux des travailleurs du secteur des services et de plus de 50 p. 100 les gains des travailleurs dans les industries manufacturières. C'est d'ailleurs ce que vous montrent très clairement le tableau 2 et la situation de 1985 à 1998. Le secteurs de l'extraction, de la fusion et du raffinage versent annuellement quelque 4,5 milliards de dollars à leurs travailleurs.

La production du secteur de l'extraction et de la transformation des minéraux du Canada avait en 1998 une valeur de 26,5 milliards de dollars, soit 3,7 p. 100 du produit intérieur brut du pays. Environ 80 p. 100 de la production minière est exportée, ce qui représente 45 milliards de dollars, soit un dollar d'exportation sur sept dollars canadiens. Pour expliquer comment une industrie de 26,5 milliards de dollars peut exporter à hauteur de 45 milliards de dollars, il faut regarder du côté des exportations. Parmi les quatre étapes de l'exportation, il y a l'étape 3, celle des produits métalliques semi-ouvrés, liée directement au mouvement des produits provenant des opérations d'extraction minière et de fusion, mais pouvant aller jusqu'à l'étape de la fabrication. Vous comprenez maintenant comment l'industrie minière peut constituer la base même d'une large entreprise d'exportation.

Les exportations de minéraux et de métaux ont augmenté de près de 60 p. 100 entre 1993 et 1998. Chaque fois que la production augmente d'un milliard de dollars dans les secteurs des mines, de la métallurgie et des raffineries, la demande directe de produits et de services dans l'économie canadienne augmente de 615 millions de dollars. Peu importe que ce milliard de dollars vienne s'ajouter aux opérations canadiennes au Chili, au Pérou ou dans le Nord de l'Ontario.

Plus de 600 compagnies canadiennes qui fournissent des services d'experts-conseils et du matériel tirent plus de 30 p. 100 de leurs revenus—50 p. 100 de cette proportion viennent des exportations destinées à l'industrie canadienne—de ce qu'elles vendent à des compagnies minières canadiennes.

Ce qui s'est produit, c'est que, l'industrie prenant de l'expansion sur la scène mondiale, nos fournisseurs canadiens nous ont accompagnés et desservent maintenant non seulement nos propres compagnies, mais aussi l'industrie minière mondiale.

Le secteur minier compte pour 55 p. 100 du revenu des entreprises de transport ferroviaire de fret, 69 p. 100 du volume annuel de marchandises transitant par les ports et environ 23 p. 100 des opérations à la Bourse de Toronto. Sans les produits miniers et les minéraux, nous n'aurions ni ports ni réseaux ferroviaires.

Ainsi, le secteur des minéraux et des métaux consacre environ 360 millions de dollars par année à la R-D, et compte quatre des 50 principales compagnies de R-D au Canada.

Dans ces conditions, quelle raison avons-nous de nous intéresser à la productivité? Je suis heureux de constater que vous vous y intéressez, car à mon avis c'est absolument essentiel, et je citerai maintenant le professeur Paul Krugman, qui a observé:

    La productivité n'est pas tout, mais à long terme c'est presque tout. Avec le temps, les possibilités d'amélioration du niveau de vie d'un pays dépendent presque entièrement de la façon dont il a réussi à augmenter sa production par travailleur.

Cela m'amène à mon sujet principal.

Au cours des deux dernières décennies, on a assisté au Canada à de véritables progrès sur le plan de la productivité, dans le secteur primaire, et en particulier dans le secteur minier. Le taux annuel moyen de la productivité totale des facteurs a augmenté de 3 p. 100 dans le secteur minier entre 1984 et 1998, c'est-à-dire près du double du 1,7 p. 100 de croissances auquel on a assisté dans le secteur manufacturier et le triple du progrès de la productivité dans l'ensemble de l'économie canadienne, où le taux s'est situé à 0,95 p. 100. Cela est évident au tableau 3, qui montre l'augmentation annuelle moyenne de la productivité, ce qui comprend le rendement du capital, la main-d'oeuvre, etc.

C'est donc une démarche axée sur de nombreux facteurs, et vous voyez que même en séparant les diverses activités minières, carrières, métaux primaires, non métalliques, etc., dans tous les cas les gains ont dépassé la moyenne dans l'ensemble de l'économie, et dans tous les cas, sauf le secteur des métaux ouvrés, les gains dépassent la moyenne du secteur manufacturier.

D'après un rapport récent du Centre d'étude du niveau de vie, les mines, les métaux primaires et les carrières figurent tous trois parmi les dix principales industries si l'on considère la croissance annuelle moyenne de la productivité totale des facteurs entre 1984 et 1998 au Canada.

Là encore, si vous considérez le tableau 4, vous voyez comment cette industrie se compare aux produits électriques, aux produits du caoutchouc, aux produits pétroliers raffinés, au transport par pipelines, etc. Ainsi, même en séparant par catégories, nous sommes parmi les dix premiers.

• 1705

La croissance de la productivité dans le secteur minier dépasse la croissance moyenne de la productivité de toutes les industries au Canada, c'est-à-dire la moyenne de toutes les industries, depuis deux décennies. En fait, la croissance de la productivité dans le secteur du charbon a été de 8 p. 100 par année, ce qui est même supérieur aux progrès accomplis dans certaines industries de haute technologie, comme l'électronique et les communications, où les taux de croissance de la productivité ont été de 6,6 p. 100 et 1,6 p. 100 respectivement. Vous avez ces chiffres aux tableaux 5 et 6. Là encore, la ligne noire représente la moyenne de l'ensemble de l'économie, et vous voyez que les mines de charbon se distinguent des mines de métaux, des mines de non-métaux et de l'ensemble du secteur minier, qui se situe à 3,08 p. 100.

Pour vous donner une idée d'ensemble et vous aider à comprendre cela en contexte, j'ai préparé un graphique où on voit l'agriculture, les mines, le pétrole et le gaz, et les produits forestiers, et j'ai ensuite fait une comparaison avec certaines industries manufacturières et de services qui n'ont pas fait preuve de la même performance dans l'économie canadienne.

En 1998, les mines et les carrières se situaient parmi les dix premières industries pour leur contribution au produit national brut par heure de travail au Canada. À ce titre, elles ont créé en dollars constants de 1992 plus du double de la moyenne canadienne, qui est de 26 $. D'après les chiffres du tableau 7, vous voyez que les carrières à 64,68 $ et les mines, à 52,80 $, se situent à un niveau plus de deux fois supérieur à celui de la moyenne canadienne générale.

Bref, la création de richesse par travailleur dans le secteur des minéraux et des métaux a largement contribué à hausser le niveau de vie des Canadiens urbains et ruraux et, partant, à faire du Canada l'un des pays les plus riches du monde. Dans ce cas-ci, simplement pour vous définir ce que l'on entend par richesse, c'est simplement un actif qui produit un revenu régulier.

Les industries canadiennes des métaux l'ont généralement emporté sur leurs concurrentes étrangères, si nous nous comparons aux États-Unis, qui représentent notre principal marché et notre principal concurrent. Je ne vous ai pas donné de chiffres à cet égard, puisqu'il s'agit d'une comparaison plutôt simple. De 1984 à 1997, l'augmentation annuelle moyenne de la productivité totale des facteurs du secteur des métaux primaires canadiens a dépassé nettement celle de sa contrepartie américaine, soit 2,42 p. 100 comparativement à 1,46 p. 100, et notre secteur des métaux transformés l'a emporté lui aussi sur celui des États-Unis, quoique par une marge moins imposante, soit 1,41 p. 100 comparativement à 1,36 p. 100.

Ici encore, je pense qu'il faut tenir compte du fait que nous nous débrouillons très bien comparativement à notre concurrent le plus important et à notre marché le plus important.

En ce qui concerne la productivité de l'industrie et le rendement de l'innovation, quels sont les facteurs qui ont favorisé cette situation? Tout d'abord, on a investi énormément dans le capital humain et dans le matériel. Au cours des dix dernières années, le ratio de la concentration de capitaux fixes bruts à la valeur ajoutée du secteur des minéraux et des métaux était plus élevé de 50 p. 100 que le ratio équivalent du secteur de la fabrication. C'est ce qu'indique le tableau 9. Vous pouvez constater qu'on y suit les industries de la fabrication pendant toute la période.

Ce que cela signifie réellement, c'est que nous investissons dans l'équipement et la technologie dès qu'ils sont disponibles et que nous les mettons en place. C'est l'un des moteurs de l'innovation: toujours avoir une longueur d'avance. Tout au long de cette période, notre rendement surpasse celui de l'industrie manufacturière en général.

Notre secteur mise sur l'innovation continuelle. Une analyse d'Industrie Canada a révélé que l'industrie des métaux primaires est un des dix secteurs industriels les plus innovateurs du Canada. Le tableau 10 vous indique qu'en fait l'industrie canadienne des métaux primaires a investi à elle seule 1,3 milliard de dollars dans l'équipement informatique ces dix dernières années. C'est simplement un à-côté, mais voici un exemple. Notre secteur est un très important utilisateur des dernières innovations informatiques qui s'appliquent aux systèmes fonctionnels, etc.

Nous ne nous contentons pas d'investir dans les ordinateurs: les compagnies minières canadiennes continuent d'investir dans la R-D, dans la création du savoir et dans le perfectionnement des aptitudes de leurs employés.

En 1998, le secteur des minéraux et des métaux a investi environ 363 millions de dollars dans la R-D, plus 15 millions de dollars dans des travaux de recherche sur les services liés à l'industrie minière. Je tiens aussi à vous rappeler que comparativement à d'autres secteurs de l'économie—et le secteur pétrolier et gazier se trouverait dans la même situation—même si nous misons fortement sur la R-D, nous utilisons aussi une partie de ces liquidités de l'industrie pour trouver continuellement de nouveaux gisements. Nous avons consacré 600 millions de dollars à l'exploration en 1998, et 820 millions de dollars en 1997, ce qui représente une forme différente d'investissement dans l'avenir. Bien entendu, une proportion de ces dépenses—environ 40 à 45 p. 100—est attribuée aux principales industries.

Donc, en plus des 363 millions de dollars consacrés à la R-D, 300 à 400 millions de dollars de plus sont consacrés à l'exploration, et il ne fait aucun doute que les PDG de mes sociétés membres considèrent qu'il s'agit de dépenses de R-D, ou au moins de leur équivalent.

• 1710

D'après les données de Statistique Canada, en 1998 le secteur minier a dépensé bien davantage en R-D que le secteur des véhicules automobiles, pièces et accessoires, ou que celui des services d'électricité. En fait, il a financé environ 4 p. 100 de toute la R-D industrielle réalisée au Canada en 1998. Donc, comparativement à une part de 3,7 p. 100 du PIB, notre secteur se démarque nettement au niveau des dépenses de R-D.

En 1999, l'AMC a réalisé un sondage sur l'industrie minière canadienne qui l'a amenée à conclure non seulement que les dépenses en R-D du secteur représentent environ 1 p. 100 du total des recettes des sociétés minières, mais aussi que leur personnel de R-D constitue environ 1,4 p. 100 du total de leurs effectifs. Les employés instruits, formés et hautement qualifiés de l'industrie minière sont des techniciens et des technologues, soit 33 p. 100 de ce 1,4 p. 100; des bacheliers, soit 29 p. 100; des titulaires de maîtrise (12 p. 100) ou de doctorat (14 p. 100); ainsi que d'autres collaborateurs affectés à la R-D (12 p. 100).

De plus, toutes les compagnies du secteur sont convaincues qu'il leur faudra davantage de personnel de R-D au cours des cinq prochaines années, surtout des titulaires de doctorat, des techniciens et des technologues. Au tableau 11, qui porte sur les employés ayant fait des études postsecondaires dans le secteur des produits de consommation canadiens, vous pouvez voir une ventilation de cette main-d'oeuvre entre les produits non métalliques, la fabrication, les métaux primaires, la fabrication de produits métalliques et les mines. On m'a dit—mais je n'ai pas pu vérifier ce chiffre pour le comité—qu'il arrive que nous engagions un plus grand nombre de titulaires de doctorat en dehors des milieux universitaires que tout autre secteur de l'économie.

La longue tradition de recherche de l'innovation de l'industrie minière en a fait un leader mondial qui a progressivement introduit de nouvelles techniques d'extraction, de broyage et de métallurgie. Au cours des cinq dernières années seulement, cette approche résolue a entraîné d'importants progrès technologiques dans l'automatisation des mines, la technologie des logiciels, celle de l'extraction minérale continue à distance et les méthodes informatiques de contrôle automatique des procédés, par exemple. La R-D axée sur les procédés nous permet de nous assurer que nous continuerons à tirer d'importants avantages de la mise en valeur de nos ressources minérales dans l'avenir.

Donc, la technologie d'aujourd'hui ne ressemble guère aux pratiques du siècle dernier, voire, dans certains cas, à celles de la dernière décennie. L'intensité de la concurrence a été le moteur de la modernisation industrielle; elle a stimulé l'activité novatrice et assuré des augmentations de productivité considérables dans l'industrie minière durant les années 80 et 90. Comment cela s'explique-t-il? Je crois que c'est parce que l'industrie minière canadienne a su reconnaître que des techniques, des procédés et des produits uniques permettant de réduire les coûts s'imposaient pour rendre rentable l'exploitation de gisements pauvres, complexes et profonds.

La R-D est un engagement à long terme. C'est également un investissement à long terme cumulatif et souvent synergique. Ce n'est pas un processus que l'on peut interrompre et reprendre plus tard, car en agissant ainsi on ne pourra pas obtenir les avantages voulus.

L'aptitude à maintenir des coûts de production compétitifs est impossible sans l'adoption et la mise au point de nouvelles technologies plus rapidement que la concurrence internationale. Notre base de ressources n'est pas forcément un facteur qui nous donne un avantage. Nous avons beaucoup de facteurs à prendre en compte, mais en ce qui concerne la teneur marchande de nos minerais, nous ne sommes pas dans une situation aussi avantageuse que celle de nos concurrents; c'est pourquoi il nous faut développer et adopter des technologies plus rapidement qu'eux.

En conclusion, le Canada a besoin d'un régime fiscal compétitif pour l'impôt sur le revenu des entreprises et des particuliers, d'une politique publique qui encourage la R-D et récompense l'innovation, d'une approche privilégiant l'éducation et le perfectionnement des ressources humaines, de cadres réglementaires clairs et solides et d'une détermination évidente à réduire l'incertitude au niveau de nos politiques d'accès aux terres et des traités conclus avec les Autochtones et les Premières nations. Nous espérons que le gouvernement montrera la voie à cet égard.

Par suite de notre compétitivité internationale et de notre besoin d'accéder aux marchés internationaux, nous nous sommes trouvés à exporter ce 80 p. 100 de notre produit. Nous avons été obligés—ce qui confirme jusqu'à un certain point que la nécessité est la mère de l'invention—de faire face directement à cette concurrence, que ce soit sur le marché américain, les marchés européens ou le marché japonais. Et souvent nos concurrents ont accès à des corps minéralisés de plus grande valeur, et bénéficient souvent d'un système généralisé de tarifs préférentiels. Aujourd'hui, grâce à l'Accord de libre-échange, à l'ALENA, à l'Uruguay Round, etc., cela est en train de disparaître, mais pas entièrement.

Donc, j'aimerais conclure en disant que

[Français]

l'industrie minière canadienne a opté pour l'innovation et la compétitivité. Nous sommes convaincus que la politique publique lui sera propice et accroîtra encore sa productivité et sa compétitivité, et que l'industrie continuera à prospérer au XXIe siècle.

Merci. Thank you.

• 1715

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Peeling.

Nous allons commencer la période de questions par M. Penson.

M. Charlie Penson: Monsieur Peeling, c'est une bonne chose que vous ayez été invité devant notre comité aujourd'hui. Nous avons beaucoup entendu parler des industries primaires que l'on a dénigrées en disant qu'elles étaient sur leur déclin, et on nous a indiqué qu'au lieu de mettre notre argent dans la production primaire, nous devrions le mettre dans les industries du savoir. Mais d'après ce que vous nous dites aujourd'hui, votre industrie se porte assez bien, fait preuve de beaucoup d'innovation, et la baisse des prix de vos produits reflète en fait la réduction de vos coûts attribuable aux innovations que vous avez faites.

L'industrie continue quand même à être aux prises avec certains problèmes—l'acquisition de terres, les impôts et l'incertitude qui règne dans ces domaines—mais en ce qui concerne l'opinion générale qui semble être exprimée aujourd'hui, vous dites que les industries primaires peuvent fonctionner assez bien, compte tenu de certains changements apportés au niveau de l'impôt et dans les autres domaines dont vous avez parlé. Est-ce exact?

M. Gordon Peeling: Oui. Lorsque je regarde le tableau des prix pour la plupart des produits au cours du XXe siècle, par exemple, il est vrai—et j'ai fait certains de ces calculs moi-même dans ma vie précédente—qu'il y a une baisse à long terme des prix réels. L'aspect positif, c'est que tout d'abord, grâce à la technologie, grâce à une main-d'oeuvre très instruite, et grâce à l'application continue de nouvelles technologies, nous sommes en mesure d'offrir notre produit aujourd'hui à un prix moindre, dans certains cas, que nous pouvions l'offrir en 1920.

Cette baisse de prix à long terme devrait permettre de rassurer le consommateur, qui y verra une indication selon laquelle aucune pénurie n'est envisagée pour ces produits qui sont tellement nécessaires. Que ce soit dans le secteur de la haute technologie, dans l'industrie informatique ou dans l'industrie aérospatiale, entre autres, nous sommes en mesure de livrer ce produit de façon concurrentielle.

Je reprendrais toutefois les observations faites par mes collègues de l'ACPP, à savoir que le Canada évolue dans un monde beaucoup plus concurrentiel qu'il y a 10 ou 15 ans. Un nombre beaucoup plus grand de pays sont en train d'apporter des changements constitutionnels et des changements à leurs lois sur les minéraux, etc., pour attirer davantage d'investissements dans le secteur minier. Le Canada doit entrer en concurrence avec eux pour ces capitaux, plus que jamais.

En fait, notre industrie a réagi en établissant une base canadienne solide et en prenant des mesures très concrètes pour profiter de ces débouchés. Ils ont exporté à l'étranger les innovations faites au Canada, la technologie et le savoir-faire, pour devenir des investisseurs importants au Chili, au Pérou, en Argentine, au Mexique, aux États-Unis, en Australie, etc.

Donc, notre industrie est un chef de file à l'échelle mondiale, de même qu'au Canada, et, en fait, si d'autres secteurs s'engageaient aussi à adopter de nouvelles technologies, nous croyons que...

Il faut être tout aussi conscient de ce qui se passe dans les autres secteurs de l'économie. Nous allons prendre ce qu'offre le secteur de la haute technologie, l'adopter à nos propres besoins, et apporter les modifications nécessaires qui favoriseront la création de richesses dans le secteur des ressources. Par ailleurs, nous avons pris des engagements fondamentaux, avec des entreprises comme Inco et Noranda, afin de développer des technologies entièrement nouvelles.

En ce qui concerne la politique publique, le gouvernement, à mon avis, ne devrait pas privilégier qui que ce soit, mais créer un milieu dynamique qui favorise l'innovation, la R-D, qui récompense l'innovation, et établir un régime fiscal approprié et concurrentiel, et favoriser l'éducation. L'éducation est absolument essentielle à cet égard.

M. Charlie Penson: Vous dites que la baisse des prix des produits n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Cela a été rendu possible grâce à l'innovation, tout comme la nourriture est meilleur marché qu'il y a 100 ans pour le consommateur moyen. Mais votre industrie, comme bien d'autres, fait face à la concurrence sur d'autres marchés, et doit pouvoir relever ce défi. Par conséquent, nous devons prendre des mesures qui permettent de réduire les impôts, lorsque c'est possible.

L'accès aux marchés demeure un problème pour vous. Je me demande simplement ce que vous entendez par problème d'accès aux marchés.

M. Gordon Peeling: Il existe encore d'importants obstacles tarifaires. Par exemple, lors de la dernière série de négociations, nos efforts en vue de faire réduire le tarif de 6 p. 100 sur l'aluminium exporté vers l'Europe se sont soldés par un échec total. Dans le monde d'aujourd'hui, un tarif de 6 p. 100 sur les métaux est ridicule.

• 1720

Ces tarifs n'ont pas été complètement éliminés au Japon, mais de toute évidence nous avons profité des avantages de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et de l'ALENA, la participation du Mexique étant prévue dans une dizaine d'années. Donc, à certains égards, notre marché le plus important est sûr, mais nous commerçons avec plus d'une centaine de pays, et nous faisons concurrence à tout le monde sur ces marchés. C'est pourquoi il est important qu'on élimine le reste de ces obstacles tarifaires.

Nous constatons également que les gouvernements et d'autres concurrents manient très bien aussi les obstacles non tarifaires. En ce qui concerne l'OMC, les commentateurs et les spécialistes qui suivent de très près les questions commerciales ont vu que, et je crois que les études mêmes de l'OMC l'ont bien montré, si les obstacles tarifaires ont été éliminés, il n'en a pas été de même pour les obstacles non tarifaires, et ce, dans divers domaines. Nous devons être vigilants à cet égard et nous opposer à ce genre de pratiques, parce que cela risque de nuire à notre accès. Pour une industrie qui exporte 80 p. 100 de son produit, l'accès équitable à ces marchés est vital.

M. Charlie Penson: Très bien.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

J'ai beaucoup aimé votre rapport. J'ai eu l'occasion d'assister à une conférence de l'industrie minière l'année dernière à Sudbury, où des gens du monde entier se sont réunis pour discuter d'exploitation minière et de technologie. On fait parfois une mauvaise réputation à l'industrie minière. Les gens pensent qu'elle fonctionne toujours de l'ancienne manière sans se rendre compte qu'aujourd'hui elle utilise la haute technologie et tous les nouveaux types d'outillages, par exemple, qui ne cessent de s'améliorer.

J'aimerais que nous revoyions ensemble l'augmentation de la productivité, dont vous avez parlé à la page 6. Je vous ai entendu dire que nous surpassions les États-Unis tant au niveau des métaux de fusion première qu'au niveau des métaux ouvragés. Il est rare qu'on entende ce genre de choses. On entend toujours dire que nous sommes à la traîne des États-Unis. Je suis heureux que vous nous ayez fait part de cette information.

Par ailleurs, vous avez parlé avec M. Penson des problèmes que vous éprouvez avec l'Europe. Avez-vous participé à l'établissement d'une ligne de conduite pour la prochaine série de négociations de l'OMC pour vous assurer que nous soyons en meilleure position?

M. Gordon Peeling: Tout d'abord, simplement en ce qui concerne la comparaison avec les États-Unis, étant donné qu'il s'agit de notre principal marché et aussi de notre principal concurrent, sans compter le fait que nous sommes en concurrence avec tous ceux qui veulent approvisionner ce marché, j'ai pensé que c'était un point éloquent. En surpassant les États-Unis sur cette période de 15 ans... J'admets que cette différence devient plus difficile à constater au niveau des produits ouvrés, mais nous sommes effectivement plus performants.

Je pense que cela en dit beaucoup à propos de cette industrie et de l'engagement qu'elle a pris envers la technologie, l'innovation et la R-D, parce que c'est là que se situe l'enjeu réel pour nous. Le 80 p. 100 de 80 p. 100 est destiné au marché américain; donc c'est vraiment ce marché qui assure notre subsistance.

En ce qui concerne l'OMC, nous avons présenté quelques exposés au Comité parlementaire des affaires étrangères et du commerce international concernant les objectifs commerciaux que devrait se donner le Canada. Nous avons également remis des documents directement au ministère et au ministre.

De toute évidence, nous sommes très préoccupés par la façon dont les choses vont se poursuivre, compte tenu de l'échec de Seattle. Bien sûr, ce n'est pas la seule fois où il y a eu des ratés dans les négociations commerciales, mais ces résultats sont décevants, surtout puisque notre secteur considère n'avoir pas obtenu les résultats escomptés lors de la dernière série de négociations.

M. Walt Lastewka: Pourriez-vous nous donner plus de détails—et je suis heureux que le secrétaire parlementaire des Finances soit des nôtres—sur le régime fiscal de l'industrie minière canadienne dans le secteur primaire, comparativement aux autres pays auxquels vous devez faire concurrence, que ce soit les États-Unis, l'Europe ou le Japon?

• 1725

M. Gordon Peeling: Je ne suis pas un fiscaliste.

Je vous encouragerais à poser cette question aux représentants de Ressources naturelles Canada, qui par le passé a comparé le régime fiscal du Canada avec celui de nos principaux concurrents dans le secteur des ressources, tels que les États-Unis, le Chili et le Nevada.

Vous allez m'obliger à me fier à ma mémoire, et ce n'est peut- être pas toujours la meilleure chose à faire. Il faudrait pratiquement étudier la situation par province. Si je me souviens bien, le Québec montre la voie pour ce qui est du régime fiscal favorable au secteur des ressources au sein des provinces canadiennes, mais l'Ontario et les autres provinces ne sont pas loin derrière, entre autres le Manitoba. Mais au-dessus d'elles se trouvent le Nevada et le Chili. L'Australie en fait partie aussi. Donc nous avons un mélange, mais certaines provinces ne sont pas intéressantes sur ce plan.

Je dois avouer qu'en raison des difficultés que nous constatons en ce qui concerne un certain nombre de projets qui subissent le processus d'évaluation environnementale et au niveau de la production... Ce n'est pas uniquement à cause du processus d'évaluation environnementale. Cela concerne la simplification ou la modernisation des règlements ou ce que j'appellerais la santé réglementaire. Lorsque nous voyons Cheviot subir avec succès ses évaluations environnementales, mais que le gouvernement se retrouve devant les tribunaux parce qu'aux yeux de certains il n'a pas appliqué correctement la loi; lorsque avec Diavik le gouvernement se retrouve de nouveau devant les tribunaux et que nous n'avons pas encore de décision prise au niveau de la production, même si le ministre Anderson a approuvé son évaluation environnementale; lorsque nous voyons à quel point les choses traînent en ce qui concerne Voisey's Bay, le message que l'on envoie au reste du monde en ce qui concerne le climat d'investissement au Canada est loin d'être positif.

Comme je l'ai dit plus tôt, en tant que pays et en tant que secteur, nous demeurons des importateurs de capital. Nous ne générons pas suffisamment de capital pour répondre à tous nos besoins en matière d'investissement. Nous devons protéger très soigneusement la compétitivité et l'attrait de ce capital. Je dois avouer que pour l'instant c'est le creux de la vague.

La présidente: Ce sera votre dernière question.

M. Walt Lastewka: Je réagissais simplement à votre paragraphe à la page 10 concernant les régimes fiscaux fédéral et provinciaux. Étant donné que le ministre provincial des Ressources naturelles se trouve dans notre circonscription voisine, j'ai pensé peut-être le provoquer un peu. Donc si vous pouviez nous fournir un peu d'information à ce sujet, nous vous en serions reconnaissants.

M. Gordon Peeling: Nous avons présenté des mémoires au ministre des Finances, et nous nous ferons un plaisir de les transmettre aussi au comité. Mais je vous encouragerais aussi à vous renseigner auprès de Ressources naturelles Canada, étant donné que ce ministère a fait des recherches comparatives avec d'autres pays. Je pense que cela montrera que le Canada doit être concurrentiel.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Lastewka.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Merci, madame la présidente.

Vous avez dit qu'en 1998 vous aviez 367 000 employés. Aviez- vous le même nombre d'employés il y a une vingtaine d'années?

M. Gordon Peeling: Je ne peux pas vous indiquer comme ça le nombre d'employés il y a 20 ans. Il aurait été plus élevé. En 1990, le total était de 390 000. Donc nous avons constaté une légère réduction. On a remplacé des employés par du capital et de la technologie.

M. Jim Jones: Donc, en 1990, le PIB ou...

M. Gordon Peeling: Il était à peu près le même.

M. Jim Jones: Donc si nous extrapolons, dans 20 ans vous aurez sans doute beaucoup moins de gens dans le secteur minier tout en affichant le même PIB.

M. Gordon Peeling: Probablement. Je ne dirais pas beaucoup moins, parce que quand on passe de 390 000 à 367 000, ce n'est pas beaucoup. J'indiquerais également que la masse salariale est restée exactement la même. Même si nous avons moins de travailleurs, ils font plus d'argent individuellement que jamais auparavant. En fait, cela demeurera probablement une constante aussi. Nous ne prévoyons pas que la masse salariale diminuera, simplement parce que nous sommes à la recherche d'employés qui ont fait des études poussées et possèdent de multiples aptitudes.

Le mineur de l'avenir, et j'utiliserai Inco comme exemple, assis sur son voilier dans la baie Georgienne, activera trois bennes à godets 10 000 pieds sous terre grâce à une commande à distance. C'est ainsi que nous envisageons l'exploitation minière de l'avenir. Il s'agit de robotique, de télécommunications et de gens qui travaillent à la surface grâce à des machines situées en profondeur. Ce sera donc un monde tout à fait différent.

Mais cela offre aussi de nouveaux débouchés. Un changement s'est produit au cours de la période de 1990 à 1998 c'est-à-dire que nous avons moins de mineurs qui s'occupent d'exploitation minière proprement dite, mais plus de travailleurs qui s'occupent d'activités à valeur ajoutée. Nous constatons effectivement une certaine diminution générale, mais nous constatons aussi une croissance des activités à valeur ajoutée de ce secteur, et c'est une bonne chose.

• 1730

M. Jim Jones: Ce chiffre de 26 milliards de dollars concerne-t-il l'industrie de l'exploitation minière, et le montant de 45 milliards de dollars comprend-il le montant de 19 milliards de dollars en valeur ajoutée?

M. Gordon Peeling: Conformément aux méthodes utilisées par Ressources naturelles Canada, qui base tous ses rapports sur les données de Statistique Canada, j'ai rapporté les chiffres concernant la production strictement au niveau de l'exploitation minière et de la fusion, ce que nous appelons l'étape 1 et l'étape 2. En ce qui concerne les exportations, étant donné qu'il s'agit d'un processus entièrement continu, c'est-à-dire la chaîne à valeur ajoutée et les industries connexes, ils font état de l'étape 1, de l'étape 2 et de l'étape 3, qui est celle des produits semi-ouvrés. Si je prends un profilé en cuivre et que je le transforme en fil, ou que je prends une barre de fer et que je la transforme en barre à angle droit, il s'agit d'un produit semi-ouvré, alors qu'un produit ouvré serait par exemple un cadre de fenêtre en aluminium. Mais tout cela est basé sur la production Alcan, etc. Je n'ai fait que suivre la méthode employée généralement par Statistique Canada.

Si vous voulez une ventilation—et je peux la fournir au comité—nous fournissons une subdivision de l'emploi à chaque étape. Comme je l'ai dit, notre plus récente publication indique les chiffres pour 1990 à 1998. Il faudrait que je me reporte à une publication antérieure pour vous obtenir ces données.

M. Jim Jones: Serait-il juste de dire que vous envisagez une importante croissance de la valeur ajoutée comparativement à la situation qui existe à l'heure actuelle?

M. Gordon Peeling: Absolument. Une partie de la croissance des exportations de 60 p. 100 pour certaines industries de 1990 à maintenant se situe au niveau de la valeur ajoutée. Pourquoi? Parce que nous envisageons l'accès libre au marché américain, notre plus important marché. C'est l'une des raisons.

Laissez-moi vous donner un exemple. Avant l'Accord de libre-échange, le Canada était le plus important producteur de concentré de zinc du monde, et le plus important producteur de métal de zinc du monde. Mais pour être un producteur d'alliage de zinc, nous étions assujettis à un tarif de 19,5 p. 100 sur le marché américain. Nous étions donc obligés de leur vendre le concentré ou le métal. Nous ne pouvions pas fournir d'alliage de zinc au secteur automobile avec un tarif de 19,5 p. 100, parce qu'avec la valeur ajoutée cela devient un tarif d'environ 45 p. 100. Il y a 10 ans j'aurais dit: prenez-le, parce que nous aurons d'autres débouchés. Je ne pouvais pas vous garantir que nous allions en profiter. Cela dépendrait des circonstances économiques de l'époque. Mais je peux vous dire qu'avec un tarif de 19,5 p. 100 nous ne serions jamais un producteur d'alliage de zinc. Maintenant, nous avons toutes sortes d'activités à valeur ajoutée où on constate une croissance de l'emploi.

Le problème, c'est que la croissance de la productivité annuelle dans ces activités à valeur ajoutée n'est peut-être pas aussi importante que dans les activités qui se situent au début de la chaîne. Plus on avance dans le secteur manufacturier—et on peut voir ces comparaisons avec l'industrie manufacturière en générale et le reste de l'économie—nous n'avons pas à relever ce défi aussi efficacement que nous le faisons en amont. Donc il y a encore un défi à relever à ce niveau. Nous nous débrouillons bien, et nous surpassons les États-Unis, mais il y a encore beaucoup de croissance et de possibilités à venir.

M. Jim Jones: Ce que vous dites semble être de bonnes nouvelles. Y a-t-il des éléments qui sont inhibiteurs pour votre secteur, comme par exemple le régime fiscal? Vous dites avoir du mal à attirer des investissements. Pourquoi?

M. Gordon Peeling: Comme viennent de vous le dire les producteurs pétroliers, les deux dernières années ont été très dures dans le cycle des produits de base. Les prix ont chuté. De plus, rappelez-vous ce qui s'est passé dans les économies de l'Asie du Sud-Est, qui constituaient un moteur puissant de croissance de la demande de produits métallurgiques à la fin des années 80 et au début des années 90. C'était dû à une combinaison de facteurs qui sont entrés en jeu à une époque où l'on investissait lourdement dans le cuivre, par exemple. Or, ce nouvel investissement dans le cuivre, qui devait servir à alimenter la demande accrue en Asie du Sud-Est, n'a soudainement plus fait l'objet d'une demande dans cette région. Cette chute soudaine de la demande s'est répercutée dans le reste du marché et a fait chuter le prix du cuivre encore plus que ce à quoi on pouvait s'attendre dans une situation de surcapacité.

Il y a eu aussi des problèmes du côté de l'ex-Union soviétique, et je vous citerai en exemple l'aluminium. Ce pays produit 2,3 millions de tonnes d'aluminium par année, ce qui équivaut à peu près à notre production, ou même un peu plus. En temps normal, dans les années 70 et 80, l'ex-Union soviétique exportait de 100 000 à 200 000 tonnes par année, le reste étant absorbé par la production industrielle de défense nationale. Aujourd'hui, et cela depuis 1991 ou 1992, ce pays exporte de 1,8 à 2 millions de tonnes par année, alors qu'il en garde pour son marché intérieur 300 000 tonnes. En fait, c'est même plus, puisqu'il importe de l'aluminium de l'Australie pour le redistribuer sur le marché.

• 1735

On a vu que la Russie, au lieu d'atteindre presque l'équilibre, est en fait un grand exportateur net de matières premières. Nous avons donc dû lui faire concurrence et nous ajuster à cette situation, ce qui était un défi supplémentaire pour nous.

À cause de la situation de ces deux années que je vous ai expliquée, nous avons eu de la difficulté à trouver des capitaux. De plus, il y a eu l'affaire Bre-X, du côté de la prospection, qui rend la recherche de fonds de prospection encore plus difficile. C'est un double défi.

Voilà quelques-uns des grands problèmes de fond. Au Canada, il nous faut toujours et encore une structure fiscale concurrentielle, un bon soutien à l'infrastructure, des politiques de R-D et des politiques de soutien raisonnables, de même que des récompenses pour ceux qui investissent dans la R-D et pour ceux qui choisissent d'innover. Nous n'avons pas encore fait suffisamment dans ces secteurs.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.

Monsieur Murray, vous avez la parole.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci.

Monsieur Peeling, je n'ai malheureusement pas assisté à votre exposé, mais j'ai parcouru rapidement vos notes. Ce qui m'intéresse, c'est le lien que vous faites entre l'instruction et la productivité, c'est-à-dire entre le niveau de scolarisation dans votre industrie et le succès qu'elle semble avoir eu à augmenter sa productivité.

On nous dit que le pays et entreprises riches et heureux ne sont généralement pas innovateurs. Il faut d'habitude un déclencheur pour que l'innovation se mette en marche et permette à ces même pays et entreprises de survivre et de prospérer. Il faut parfois qu'ils luttent contre l'adversité avant que le déclencheur ne survienne.

Vous en avez peut-être parlé dans votre exposé, mais à quel moment l'industrie minière canadienne a-t-elle réussi à attirer une main-d'oeuvre très instruite et à voir sa productivité augmenter grâce à une meilleure utilisation de la technologie? Y a-t-il eu un élément déclencheur?

M. Gordon Peeling: Je crois que c'est plutôt un phénomène graduel. Il y a peut-être néanmoins un facteur historique qui explique l'évolution particulière de ce secteur-là, à savoir que tout au long de la période d'après-guerre, alors que l'industrie minière canadienne était véritablement en plein essor, notre pays se distinguait comme grand exportateur.

Cette industrie n'a jamais réussi à survivre en approvisionnant uniquement le marché canadien. Elle a toujours dû faire face à la concurrence étrangère et se tailler une place sur les marchés internationaux. Dans les années 50, 60 et 70, cette industrie devait évidement surmonter des obstacles tarifaires beaucoup plus élevés qui s'appliquaient aux produits métallurgiques au-delà de l'étape du concentré. Nous avons donc dû constamment relever le défi de la compétitivité, beaucoup plus que n'ont eu à le faire les autres secteurs de l'économie canadienne.

De plus, même pour son propre marché, le Canada a toujours eu une économie relativement ouverte, en tout cas pour ce qui est des ressources premières. L'industrie canadienne a donc dû concurrencer d'autres pays, particulièrement les fournisseurs américains, pour approvisionner son propre marché. Vous voyez que cela fait longtemps déjà que nous devons faire face à la concurrence.

Si on revient à la flambée des prix du pétrole, c'est-à-dire à la récession du début des années 80, on peut peut-être considérer cela comme des coups de bâton supplémentaires qui ont servi à aiguillonner une industrie et à l'inciter à faire encore mieux et encore plus vite. Cela a obligé notre industrie à faire évoluer sa main-d'oeuvre et sa culture. Elle a dû mettre l'accent sur la polyvalence de sa main-d'oeuvre, plutôt que de diviser ses emplois par compétences. Elle a dû trouver de nouvelles façons d'extraire des minerais, de nouveaux processus et de nouvelles technologies. Cela s'est fait graduellement.

C'est ce que révèle également une étude de l'industrie du cuivre aux États-Unis, qui illustre encore mieux l'événement fondamental qui a acculé au pied du mur l'industrie du cuivre des États-Unis pour la forcer à devenir concurrentielle. En 1979 et 1980, les États-Unis ont intenté des poursuites contre le Chili en l'accusant de faire du dumping, mais l'industrie canadienne s'est alliée au Chili pour faire front commun contre les États-Unis en affirmant qu'il ne s'agissait aucunement de dumping, mais que l'industrie américaine n'était pas à la hauteur de la concurrence. Or, pour une des rares fois de l'histoire des États-Unis, le gouvernement de l'époque a fait ce qu'il fallait et a refusé de protéger l'industrie du cuivre américaine, en admettant qu'elle ne faisait pas face à du dumping.

• 1740

Cet événement a obligé l'industrie du cuivre des États-Unis à se restructurer de fond en comble, ce qui l'a rendue ultérieurement aussi concurrentielle, sinon plus, que l'industrie du cuivre au Chili. J'aimerais préciser que nous, au Canada, nous le sommes encore plus que ces deux pays. Mais c'est parce que nous avons été obligés de faire face à la concurrence depuis plus longtemps qu'eux, sans que l'on puisse pointer du doigt un événement particulier, comme ce fut le cas pour les États-Unis.

Pour ce qui est de la flambée des prix du pétrole, n'oublions pas que nous faisons partie du programme PEEIC et du programme d'efficacité énergétique. Depuis le début des années 70, nous améliorons notre efficacité énergétique de 1 p. 100 par année par unité de rendement. Vous voyez que tout cela se fait petit à petit, en grande partie, mais cela nous oblige aussi à adopter de nouvelles technologies chaque fois qu'il en survient une autre. Il faut aussi modifier notre propre technologie afin de l'adapter à nos utilisations.

M. Ian Murray: L'image d'un opérateur de mine à distance qui travaille à partir d'un bateau dans la Baie Georgienne ferait sans doute une excellente affiche de recrutement pour vous. Avez-vous de la difficulté à trouver le personnel formé dont vous avez besoin? Est-il difficile de convaincre les diplômés que le secteur minier leur offre un avenir intéressant et qu'il ne sera pas nécessaire d'aller travailler au fond d'une mine?

M. Gordon Peeling: C'est tout un défi, en effet. Le secteur de la technologie de pointe attire évidement beaucoup d'étudiants de nos jours, et nous avons de la difficulté à rendre notre créneau intéressant au sein du secteur de la technologie de pointe.

Il nous faut oeuvrer de façon beaucoup plus serrée avec les maisons d'enseignement; d'ailleurs, certaines entreprises, comme Syncrude, ont travaillé de près avec les maisons d'enseignement de l'Alberta pour que les futurs diplômés aient une formation qui corresponde à leurs besoins. Et c'est réussi! Les entreprises de notre secteur se sont également associées aux Premières nations pour préparer une main-d'oeuvre bien formée dans ce domaine, puisque notre secteur est également présent dans les régions éloignées. La concurrence est très forte chez les diplômés, car, en y pensant bien, on se rend compte que 14 p. 100 de la main-d'oeuvre dans le domaine de la R-D est composée de détenteurs de doctorats. Vous voyez que nous devons concurrencer beaucoup d'autres secteurs d'emploi.

Laissez-moi vous donner un exemple concret de ce que nous avons fait du côté de l'environnement. Nous avons lancé un programme de recherche conjoint avec Environnement Canada, avec Pêches et Océans, avec la Commission géologique du Canada, avec Ressources naturelles Canada et avec le Réseau canadien des centres de toxicologie. C'est parce qu'il reste beaucoup à apprendre du point de vue scientifique sur la façon dont les métaux se comportent dans le sol et dans l'air, sur les risques qu'ils posent, sur leur capacité d'assimilation ou leur incapacité de s'assimiler dans d'autres cas, etc.

Depuis que le système de réglementation s'est développé autour des produits organiques tels que les DDT et les dioxines, notamment, on a constaté que, pour ce qui est de ce qui nous permet de distinguer les produits chimiques les plus risqués à cet égard, c'est-à-dire les produits organiques, le modèle traditionnel de réglementation ne convient pas très bien aux éléments du tableau périodique tels que les métaux qui persistent naturellement dans l'environnement: autrement dit, on ne peut ni les créer ni les détruire.

Il nous a fallu—et nous avons réussi—mettre au point un programme de formation à l'intention des étudiants de maîtrise et de doctorat qui leur donne un diplôme multidisciplinaire et qui les fasse travailler dans des centres de toxicologie et dans des universités à des projets de recherche d'importance qui serviront de base, en bout de piste, à l'élaboration de règlements et de politiques appropriés s'appliquant aux métaux dans l'environnement. Voilà pourquoi nous avons appelé le programme «Les métaux dans l'environnement». D'ailleurs, le Conseil national de recherches finance également ce programme étant donné les liens évidents qu'il a avec le milieu universitaire.

Nous voulons former une nouvelle génération de scientifiques qui nous aidera à résoudre certains des problèmes environnementaux que nous connaissons. La compartimentation des études a produit jusqu'à maintenant des chimistes qui ne sont que chimistes organiques ou que géochimistes, et strictement rien d'autre. Or, ce n'est pas ce qu'il nous faut: il nous faut des chimistes multidisciplinaires. Et c'est pourquoi nous essayons de former ce type de scientifiques avec l'aide des universités et du gouvernement.

M. Ian Murray: Merci beaucoup.

La présidente: Monsieur Penson, vous avez une autre question?

M. Charlie Penson: Une brève question. J'imagine que notre beau et grand pays a des ressources naturelles en abondance que nous n'avons pas encore découvertes dans le secteur minier. Advenant que cela soit le cas, et étant donné les contraintes politiques dont vous nous avez parlé et qui empêchent votre industrie de prendre encore plus d'expansion, que pouvez-vous nous dire sur les possibilités de croissance de votre secteur? Y a-t-il un plus grand marché pour vous? Si vous trouviez les investissements nécessaires et si l'on réglait certains des problèmes d'ordre fiscal, pourriez-vous doubler la taille de votre industrie? Quelle pourrait être l'ampleur de votre expansion?

• 1745

M. Gordon Peeling: Dans un contexte mondial, il faut comprendre que cette industrie canadienne, qui peut encore se développer au Canada, croîtra aussi à l'échelle du monde entier. Nous avons de grands investisseurs. En fait, en termes de prospection, nous faisons déjà 40 p. 100 de prospection aux États-Unis, et nous faisons énormément de prospection en Amérique du Sud par rapport aux autres pays. Le Canada sera un chef de file mondial là où il faudra mettre en valeur des ressources naturelles.

Le grand défi du Canada, en termes de compétitivité... Tout d'abord, nous avons par bonheur une structure géologique qui nous est favorable. Même si cela fait plusieurs centaines d'années que l'on cherche des mines de diamant au Canada et que pour beaucoup de gens, nous n'en trouverons jamais parce que les conditions ne nous sont pas favorables, je crois au contraire que si nous créons les bonnes conditions, et que nous encourageons les scientifiques dans le bons sens, nous deviendrons l'un des plus grands prospecteurs de diamant au monde dans un avenir très rapproché, et que ce secteur aura un potentiel de croissance illimité.

L'histoire de Voisey's Bay nous révèle qu'on peut facilement fouler un territoire pendant des générations sans se rendre compte de ce qu'il recèle. Mais il y a un autre défi plus grand encore: on a l'impression que l'on a épuisé les dépôts superficiels du sud du pays, beaucoup plus que les dépôts du nord du Canada... C'est vrai que le potentiel minier est énorme dans le Nord, et que les conditions géologiques sont excellentes. Notre structure géologique est des plus intéressantes, et nous occupons énormément de surface terrestre, par rapport au reste du monde.

Les découvertes technologiques nous obligeront à prospecter dans les climats froids, mais nous avons déjà beaucoup plus d'expérience que tout autre pays au monde dans l'exploitation minière des climats froids. Peut-on prospecter encore plus en profondeur? Si nous devons trouver des dépôts dans le Sud, ce sera beaucoup plus en profondeur qu'avant. Or, c'est ce que devrait nous permettre notre technologie, grâce à RADARSAT, à l'imagerie par satellite et aux autres types de technologie d'appareils géophysiques. En effet, nous contrôlons 70 p. 100 de tout le marché d'appareils géophysiques aéroportés du monde—et je ne parle pas du Canada, mais du monde entier. Nous sommes les meilleurs.

Nous avons mis au point pour la production des métaux des techniques d'aspiration qui ont des retombées dans... Vous voulez parler des techniques de détection de bombes? Elles font appel à des procédés mis au point par l'industrie minière. Nos techniques ont toutes sortes de retombées, et débouchent sur de multiples applications.

Notre défi, au Canada, c'est de faire mieux que les autres. Mais nous pouvons aussi nous servir de nos atouts pour intervenir dans le monde entier. Cela veut dire que nous allons récolter des dividendes, des profits, profiter de la R-D, de l'emploi et de tous ces avantages. Nous avons des fournisseurs qui, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous approvisionnent dans le monde entier et qui utilisent les bases canadiennes pour approvisionner l'industrie mondiale, ce qui leur permet d'atteindre une croissance remarquable. L'Association canadienne des exportateurs d'équipements et services miniers est la seule association à vocation exportatrice qui ait ce mandat, et elle nous fournit ses services.

M. Charlie Penson: Mais en ce qui concerne ma question, nous savons assez bien ce qui s'est passé au Chili, où l'industrie minière canadienne a massivement investi. Est-ce que les compagnies canadiennes vont chercher les climats les plus favorables à l'investissement? Souvent, c'est dans d'autres pays qu'on les trouve. Si on lâche la bride aux compagnies canadiennes pour les laisser fonctionner à leur guise, est-ce qu'elles vont créer de l'emploi ici même?

M. Gordon Peeling: Oui, car la technologie est toujours très intéressante. Pour des découvertes comme celle de Voisey's Bay, d'Ekati et de Diavik, les gens sont prêts à consacrer une partie importante de leur budget de prospection ici même dans de bonnes conditions.

La présidente: Merci, monsieur Penson.

Pour finir, monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur Peeling et monsieur MacInnis. Excusez-moi, je n'ai pas pu entendre votre exposé. Je voudrais vous poser une courte question.

Vous savez sans doute que notre gouvernement a l'intention de présenter une loi sur les espèces en danger, et je suis persuadé que nous avons besoin d'une intervention dans ce domaine. Est-ce que cette loi risque d'influer sur votre compétitivité? Dans l'état actuel des choses, que propose-t-elle par rapport aux dispositions en vigueur dans les pays avec lesquels vous êtes en concurrence? Est-ce qu'on vous a consultés sur la teneur de cette mesure législative? Est-ce qu'il faudrait en atténuer les effets pour remédier à vos problèmes d'ordre concurrentiel?

On peut peut-être commencer avec vous, monsieur MacInnis.

M. David MacInnis: Avons-nous été consultés? Oui. En effet, moins d'une semaine après être devenu ministre de l'Environnement, M. Anderson est venu à Calgary pour rencontrer l'Association canadienne des producteurs de pétrole et ses membres. Deux semaines plus tard, M. Peeling et moi-même avons participé à des rencontres ici même à Ottawa, entre le ministre et des associations d'exploitants de ressources naturelles. Le ministre, ses collaborateurs et son ministère ont fait un excellent travail.

• 1750

Pour ce qui est des espèces en danger, notre association approuve l'adoption d'une loi. Mais nous ne voulons pas d'une mesure qui provoque des comportements comme ceux qu'on observe aux États-Unis, où les propriétaires sont invités à tuer en cachette. À cause du caractère litigieux de la loi américaine, celui qui trouve une chouette des terriers sur son terrain va tout simplement la tuer, l'enterrer et il n'en parlera plus jamais. Le ministre Anderson est évidemment conscient de ce problème et veillera à ce qu'il ne se présente pas ici.

Cela m'amène à parler d'indemnisation. D'après des contacts avec des fonctionnaires d'Environnement Canada, il semble qu'une indemnisation sera prévue dans la loi, du moins pour les éleveurs de bétail, notamment. Nous voulons que des mesures d'indemnisation soient également accordées à nos membres qui travaillent sur des terrains n'appartenant pas à la Couronne, et nous devons d'ailleurs rencontrer des fonctionnaires du ministère ce matin même pour aborder cette question.

M. Roy Cullen: Monsieur Peeling.

M. Gordon Peeling: L'Association minière du Canada est membre d'un groupe de travail sur les espèces en péril, dont font également partie le Sierra Club, la Fédération canadienne de la nature, la Fédération canadienne de la faune, l'Association canadienne des pâtes et papiers et le Comité national de l'environnement agricole; nous sommes intervenus conjointement auprès du ministre Anderson, des directeurs canadiens de la faune et des ministres des provinces et des territoires pour dire ce que nous souhaitons voir figurer dans la Loi sur les espèces en péril. Nous sommes très satisfaits du document publié récemment.

L'esprit de coopération manifesté par le ministre nous semble très encourageant. Nous sommes heureux de l'engagement pris en matière d'indemnisation, car cette dernière doit faire partie, à notre avis, de toute attitude de coopération axée sur un souci de bonne intendance de l'environnement en ce qui concerne les espèces en péril. Nous avons travaillé avec nos collègues et spécialistes de l'environnement pour élaborer des positions communes et notre association continue à travailler au sein de ce groupe. Nous poursuivons par ailleurs le dialogue avec la communauté des ressources naturelles au sens plus large.

Nos membres et nos employés suivent les mêmes tendances que l'ensemble des Canadiens. Ils veulent éviter l'extinction des espèces en péril. Ils veulent qu'on mette en place un filet de sécurité. Ils ne veulent pas qu'une espèce soit mise en péril parce qu'elle se trouve à la limite entre deux domaines de juridiction et qu'on ne sait pas qui doit intervenir, ni si les deux domaines de juridiction ne devraient pas plutôt chercher conjointement une solution.

Nous sommes partisans de l'approche scientifique. C'est à partir des données scientifiques qu'il faut constituer la liste des espèces en péril. Par ailleurs, il faut aussi financer l'application de la loi. Personne, en particulier dans le secteur des ressources, n'a intérêt à ce qu'on mette en place un projet de loi qui va susciter toutes sortes d'attentes mais qui ne comportera pas les ressources financières ou humaines nécessaires à la réalisation de ces attentes.

Ce n'est sans doute pas le meilleur moment pour parler de toutes ces dépenses, mais en fait, je crois que c'est indispensable, car une loi inapplicable ne sert les intérêts de personne. Notre situation est sans doute moins critique que celle du secteur agricole, mais en tant qu'utilisateurs des terres et des ressources, nous avons besoin d'une bonne législation assortie d'une bonne réglementation. Une mauvaise réglementation ne sert les intérêts de personne.

Par définition, je considère que la réglementation comporte des coûts, mais pour reprendre mon exemple des prix qui baissent pendant que la productivité augmente, je dois dire que nous nous sommes accommodés de toute la réglementation environnementale tout en préservant notre productivité et notre compétitivité.

• 1755

Si les choses sont bien faites, elles ne nous causeront pas de difficultés. Nous rencontrerons peut-être quelques écueils, mais nous sommes capables de relever le défi.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cullen. Il n'y a pas d'autres questions?

Je tiens à remercier les témoins de leur présence cet après- midi. Encore une fois, je vous prie de nous excuser des retards et des difficultés rencontrées en début de séance. Nous avons apprécié vos exposés très complets, qui vont enrichir le rapport que prépare notre comité. Si vous avez d'autres commentaires, n'hésitez pas à en faire part au comité au moment qui vous semblera opportun. Encore une fois, merci.

La séance est levée.