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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mai 2000

• 1533

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité va procéder à l'examen de la Loi sur la concurrence.

Je voudrais vous informer que nous nous attendons à un vote cet après-midi. La sonnerie n'a pas encore été déclenchée, et je me propose de commencer et de poursuivre nos travaux jusqu'à ce que nous soyons interrompus pour faire l'aller-retour. Je vous prie de m'excuser, mais ce qui arrive, c'est que, probablement, plusieurs de nos membres attendent la sonnerie, qui pourrait fort bien ne pas être déclenchée avant pas mal de temps. Or, nous risquons de ne plus avoir assez de temps pour nos travaux si nous attendons.

Nous sommes très heureux d'accueillir cet après-midi la Chambre de commerce du Canada en la personne de MM. Paul Crampton, associé du Cabinet juridique Davies, Ward & Beck, et Michael Murphy, premier vice-président, Questions de politiques. Nous avons aussi la chance d'avoir parmi nous M. David Robinson de la Campagne pour la liberté de presse et de diffusion.

Je propose que nous commencions par écouter les déclarations liminaires de ces messieurs avant de passer aux questions, si vous n'y voyez pas d'inconvénients. Je donne la parole aux représentants de la Chambre de commerce.

M. Michael Murphy (premier vice-président, Questions politiques, Chambre de commerce du Canada): Merci. Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, nous nous félicitons toujours de comparaître devant vous. Au nom des membres de la Chambre de commerce du Canada, je vous remercie de nous donner l'occasion aujourd'hui de partager notre opinion sur les quatre projets de loi d'initiative parlementaire présentement à l'étude.

On vous l'a dit, je m'appelle Michael Murphy. Je suis premier vice-président, Questions de politiques, de la Chambre de commerce du Canada. Je suis accompagné de Paul Crampton, associé du Cabinet juridique Davies, Ward & Beck, et président du Groupe de travail sur le droit et la politique de la concurrence de la Chambre.

[Français]

La Chambre de commerce du Canada est l'association commerciale la plus importante et la plus représentative du pays. Nous représentons 170 000 membres, quelque 80 p. 100 desquels sont des PME, par l'entremise de 350 chambres de commerce locales situées dans chaque province ou territoire et dans toutes les circonscriptions fédérales.

La Chambre de commerce du Canada s'engage à promouvoir un contexte favorable dans lequel toutes les entreprises puissent prendre de l'essor et créer des emplois. C'est dans ce contexte que nous discuterons de ce projet de loi.

• 1535

[Traduction]

On ne saurait surestimer l'importance des changements que vous considérez apporter par l'entremise de ces quatre projets de loi d'initiative parlementaire. Nous croyons fermement que ces changements affecteront des milliers d'entreprises canadiennes, actives dans divers secteurs. Par conséquent, nous pensons que des changements d'une telle ampleur méritent d'être étudiés de près et qu'il faut peser soigneusement toutes les conséquences possibles. Aujourd'hui, nous présenterons des remarques préliminaires à propos de ces projets de loi et proposerons des secteurs où vous devriez concentrer vos efforts.

Je vais demander maintenant à M. Paul Crampton d'exposer notre point de vue en détail. Après les remarques de M. Crampton, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

M. Paul Crampton (associé, Cabinet juridique Davies, Ward & Beck, Chambre de commerce du Canada): Merci, Michael.

J'aimerais commencer par vous remercier à mon tour de nous donner la possibilité de faire valoir notre point de vue sur certaines des questions que vous examinez aujourd'hui.

Tout d'abord, et j'insiste sur ce point, contrairement à nos représentations passées, notamment en ce qui concerne les projets de loi C-235 et C-20, nous n'avons pas été en mesure d'élaborer des positions définitives ni des observations détaillées sur les amendements éventuels à la Loi sur la concurrence que vous étudiez présentement. Par ailleurs, nous n'avons pas été en mesure de mener des consultations auprès de l'ensemble des membres de la Chambre. Cette situation s'explique par le fait que nous avons appris, il y a trois ou quatre semaines seulement, que vous étudiez certaines des questions dont nous allons traiter aujourd'hui. J'insiste donc sur le fait que les remarques que je vais faire au nom de la Chambre de commerce ne sont rien de plus que des remarques préliminaires.

Pendant les quelque dix minutes qui me restent, je voudrais me concentrer sur les six points suivants. La première chose est de savoir si les problèmes mis au jour par le comité au cours des deux ou trois dernières années peuvent être réglés au mieux par des amendements législatifs ou en consacrant plus de ressources à l'application de la loi. La deuxième question qui se pose est celle de la nature du processus consultatif. La troisième concerne les révisions proposées à l'article 45, qui comprend les dispositions relatives à la conspiration. La quatrième est la proposition visant à conférer au Commissaire le pouvoir unilatéral de rendre des ordonnances de cesser et de s'abstenir. La cinquième est celle du rapport Van Duzer. Enfin, la sixième se rapporte à la proposition de création d'un droit d'accès individuel au Tribunal de la concurrence.

Signalons d'emblée que nous reconnaissons et avalisons les efforts déployés par le comité en vue d'améliorer la Loi sur la concurrence. Il est toujours possible d'améliorer les choses, et la Loi sur la concurrence qui, selon nous, continue à refléter une approche moderne et bien équilibrée à l'égard du droit de la concurrence, n'est pas une exception.

Au vu des éléments de preuve déposés devant le comité au cours des dernières années, nous reconnaissons que, dans certains cas, le comportement anticoncurrentiel n'a pas été adéquatement pris en compte. Nous avançons respectueusement que les problèmes en question s'expliquent par un manque de ressources consacrées à l'application de la loi, plutôt que par une insuffisance fondamentale de la Loi sur la concurrence. La position de la Chambre est la suivante: si le Commissaire de la concurrence disposait de ressources plus nombreuses aux fins de l'application de la Loi sur la concurrence, les cas de conduite anticoncurrentielle non traités seraient rares.

Le 13 avril 2000, le Commissaire de la concurrence s'est présenté devant vous et a déclaré ce qui suit: «Nous croyons fermement que nos crédits doivent être sensiblement augmentés pour nous permettre de nous acquitter de notre tâche.» M. Riis a ensuite mentionné que la position du Commissaire pourrait mériter l'appui de bon nombre de membres du Comité de l'industrie. Il faut que vous sachiez que le milieu des affaires avalise également cette position, pourvu que les ressources additionnelles soient affectées à l'application de la loi.

La position de la Chambre de commerce est donc qu'il faut accorder au Commissaire les ressources dont il a besoin pour accomplir son travail avant de conclure qu'il faut apporter certains changements proposés à la loi.

Incidemment, veuillez noter que les amendes recueillies l'an dernier en vertu de la Loi sur la concurrence semblent avoir excédé 100 millions de dollars. Par contraste, le budget du Bureau pour l'exercice 1998-1999 était de 25,3 millions de dollars. Clairement, il faudrait affecter une partie des sommes générées aux termes de la Loi sur la concurrence à l'amélioration de l'application de cette législation.

Quoi qu'il en soit, nous vous encourageons à demeurer vigilants et à résister à la tentation d'apporter des changements destinés à protéger des concurrents précis, plutôt que le processus concurrentiel. Comme nous l'avons constaté dans d'autres pays du monde, les efforts en vue de protéger des concurrents précis finissent inévitablement par causer du tort aux consommateurs et aux entreprises, à cause des prix plus élevés, tout en protégeant les bénéfices des intervenants du marché inefficaces.

Tant que le processus concurrentiel sera maintenu et encouragé, les consommateurs, les petites et les grandes entreprises bénéficieront de modalités de vente concurrentielles à l'égard des biens finals consommés et des biens intermédiaires achetés aux fins de la fabrication des biens et services destinés à la consommation domestique et à l'exportation.

En ce qui a trait au point deux, c'est-à-dire à la nature du processus consultatif, la Chambre est ravie que le comité consulte un grand nombre d'intervenants au sujet des modifications éventuelles de la loi. Cependant, de nombreux membres de la Chambre craignent vivement que le processus de consultation du comité et le processus parallèle mis en oeuvre par le Bureau de la concurrence, par l'entremise du Forum des politiques publiques, soient de trop courte durée pour que les parties intéressées puissent entreprendre des discussions et des analyses appropriées de la question. Certes, les grandes organisations comme la nôtre ne disposent pas d'un délai suffisant pour pouvoir consulter l'ensemble de leurs membres.

• 1540

Nous croyons savoir que le comité entend présenter un rapport à la Chambre des communes avant l'ajournement d'été dans quelques semaines. Le rapport du comité se fondera probablement en grande partie sur les commentaires reçus pendant les quelque deux mois écoulés entre le début de la période où les intervenants ont pu faire des commentaires, il y a quelques semaines, et le moment où la Chambre des communes ajournera ses travaux, le mois prochain. Nous comprenons en outre que votre rapport pourrait être un «rapport intérimaire», et que les intervenants entendus maintenant pourraient avoir l'occasion de se présenter de nouveau devant le comité lors de la reprise des travaux du Parlement.

Toutefois, nous avons également appris que le rapport que vous déposerez à la Chambre le mois prochain, conjugué au rapport que le Forum des politiques publiques entend présenter à la fin septembre, constituera probablement le fondement d'un projet de loi d'initiative gouvernementale qui sera présenté en première lecture à la Chambre l'automne prochain. Il semble donc que les parties intéressées n'auront qu'une seule occasion de présenter des observations détaillées au comité au sujet des questions à l'étude, à savoir, après la rédaction d'un projet de loi d'initiative gouvernementale et son approbation en première lecture.

Bien que nous nous réjouissions de comparaître devant vous à l'automne pour présenter des communications plus approfondies, un grand nombre de nos membres sont convaincus qu'un projet de loi d'initiative gouvernementale ne devrait pas être déposé à la Chambre avant que le public n'ait eu l'occasion de débattre et d'analyser plus à fond les questions que vous examinez. Tout simplement, nous savons tous qu'il est beaucoup moins facile d'accommoder les observations du public une fois qu'un projet de loi d'initiative gouvernementale a été déposé à la Chambre et approuvé en première lecture.

Par conséquent, afin que le processus de consultation soit exhaustif et valable, nous vous incitons à souligner dans le rapport que vous déposerez à la Chambre dans quelques semaines, premièrement, la complexité des modifications en voie de considération et, deuxièmement, la nécessité de repousser la rédaction du projet de loi d'initiative gouvernementale visant à modifier la Loi sur la concurrence jusqu'à ce que les organisations et autres intervenants aient eu la possibilité de préparer des commentaires plus détaillés, de consulter leurs membres et de présenter une opinion arrêtée au comité.

Pour en venir au troisième point, la proposition de révision de l'article 45, les commentaires initiaux de nos membres indiquent que ces derniers sont en faveur d'un examen qui permettrait de déterminer quels changements à l'article 45 pourraient réduire ses effets paralysants sur une variété de comportements potentiellement bénéfiques pour la concurrence et accroître son efficacité et sa mise en application en ce qui concerne la conduite des grands cartels.

Cela dit, l'opinion est déjà très en faveur d'une approche axée sur la prudence et la réflexion. Pratiquement toutes les personnes que nous avons consultées jusqu'à présent ont exprimé de vives inquiétudes quant aux risques inhérents à une démarche hâtive.

L'article 45, qui date de 1889, est une des pierres angulaires de la Loi sur la concurrence. La modification proposée dans le projet de loi C-472 serait le changement le plus profond apporté à l'article 45 dans ses 111 ans d'existence. Ses retombées sur la politique canadienne en matière de concurrence sont, il est permis de croire, beaucoup plus importantes que les modifications du projet de loi C-20, qui a fait l'objet de consultations publiques sensiblement plus exhaustives que celles envisagées pour cette proposition.

Il serait très risqué de procéder sans avoir examiné et évalué soigneusement les retombées des modifications potentielles. En effet, les divers comportements coopératifs entièrement légitimes des concurrents de nombreuses industries risqueraient d'être paralysés par d'éventuelles ambiguïtés inhérentes à ces modifications. Réciproquement, nous pourrions réduire par inadvertance les risques associés à certains types de comportements nuisibles qui devraient demeurer assujettis à des sanctions criminelles.

Il ne faut pas mal interpréter ces observations et croire qu'elles reflètent une opposition à la création de deux catégories d'accords entre concurrents: une catégorie qui traite du comportement des grands cartels et une catégorie non criminelle qui traite du reste. En effet, ce principe, qui sous-tend la proposition avancée par M. McTeague dans le projet de loi C-472, pourrait éventuellement améliorer la Loi sur la concurrence. Nous voulons simplement faire remarquer que les modalités de mise en oeuvre de ce principe doivent faire l'objet de réflexions, de débats et de consultations très approfondis.

De façon similaire, la proposition visant à exempter de responsabilité criminelle tous les accords qui sont signifiés au Commissaire à l'appui d'une demande de certificat de décharge, exige une réflexion plus poussée. En effet, une telle approche comporte un inconvénient évident: elle permettrait à un cartel, tel que l'OPEC, d'annoncer au monde entier qu'il va augmenter ses prix et d'en faire part au Bureau, au Commissaire, simplement dans le but d'éviter toute responsabilité criminelle.

Au sujet du point 4, la proposition selon laquelle on conférerait au Commissaire le pouvoir unilatéral de rendre des ordonnances de cesser et de s'abstenir, a suscité une opposition vive et unanime de la part des membres du Groupe de travail sur le droit et la politique de la concurrence de la Chambre. Cela ressemble à une autre proposition contenue dans le projet de loi C-26. Elle minerait la confiance du public à l'égard du processus d'examen mené par le Commissaire, en éliminant la distinction fondamentale entre enquêteur et adjudicateur enchâssée dans la loi depuis les modifications de 1986.

• 1545

La Chambre de commerce encourage fortement le comité à rejeter les propositions contenues dans les projets de loi C-472 et C-26 qui visent à conférer au Commissaire ce pouvoir général, et à affirmer sans ambages que toute proposition visant une mesure injonctive semblable doit respecter la division fondamentale entre les rôles d'enquêteur et d'adjudicateur.

Nous abordons d'autres points dans notre mémoire sur lesquels nous aimerions attirer votre attention. Il nous sera peut-être possible d'y revenir plus tard.

En ce qui a trait au point 5, le rapport Van Duzer, la Chambre de commerce appuie la recommandation en faveur d'une dépénalisation de la discrimination par les prix, de l'établissement d'un prix abusif et de la concertation verticale sur les prix, bien que certains membres estiment que l'établissement d'un prix abusif pourrait continuer à constituer une infraction criminelle lorsque cela est susceptible de diminuer considérablement la concurrence et a pour objet d'avoir cet effet.

La dépénalisation de la discrimination par les prix, de l'établissement d'un prix abusif et de la concertation verticale sur les prix faciliterait la mise en application de ces dispositions, puisque la Couronne ne serait plus tenue de se conformer à la charge de la preuve criminelle, hors de tout doute raisonnable. La dépénalisation de ces questions réduirait également les énormes frais de conformité que ces dispositions imposent aux entreprises, ainsi que l'effet paralysant de ces prescriptions sur un vaste éventail de comportements proconcurrentiels.

Le Bureau a constaté par le passé—et de nombreux membres de notre Groupe de travail sur le droit et la politique de la concurrence connaissent cette question de première main—que la disposition en matière de discrimination par les prix de l'alinéa 50(1)a) de la loi ne met pas les petites et moyennes entreprises à l'abri de la discrimination et s'est avérée très peu utile depuis son adoption en 1935. C'est la raison pour laquelle le document de travail de 1995 du Bureau de la concurrence et le rapport de 1996 du groupe consultatif des amendements ont recommandé l'abrogation de l'article sur la discrimination par les prix.

Nous considérons également que la disposition relative aux remises promotionnelles, dans l'article 51, devrait être abrogée, comme le recommande le même groupe d'experts. Nous croyons que c'est la même chose en ce qui concerne la disposition de l'alinéa 50(1)b) de la loi portant sur la discrimination géographique par les prix.

En ce qui a trait à la concertation verticale sur les prix, il n'existe aucun fondement économique rationnel pour distinguer entre les accords verticaux concernant les prix et les accords verticaux ne concernant pas les prix, puisque les transactions exclusives, les territoires exclusifs, les ventes liées et la limitation du marché mènent souvent à une augmentation des prix, bien que d'une façon qui pourrait, en fait, accroître la concurrence et l'efficacité. Par conséquent, l'élimination de la distinction artificielle dans la loi entre les restrictions concernant les prix et les restrictions ne concernant pas les prix est tout à fait logique.

Au sujet de la concertation horizontale sur les prix, nous croyons et affirmons, qu'elle devrait être traitée aux termes de l'article 45 de la loi. Il serait plus facile, entre autres, de régler les problèmes survenant lorsque les parties qui concluent des alliances stratégiques et des coentreprises ne s'entendent pas sur le prix de vente des produits visés par ces ententes.

Enfin, à propos du point 6, la proposition visant la création d'un droit d'accès individuel au Tribunal de la concurrence, j'aurais juste deux choses à dire: la création d'un droit d'accès au Tribunal de la concurrence pour les plaignants individuels qui s'estiment lésés par un comportement visé aux articles 75 ou 77 de la loi suscite une vive réaction au sein de la Chambre de commerce, aussi bien de la part de ses partisans que de ses opposants. Jusqu'à présent, un seul élément a suscité une opinion unanime—bien que préliminaire—dont nous sommes en mesure de vous faire part, à savoir la nécessité de prolonger les consultations et le débat avant que cette proposition ne soit avalisée par le comité ou reflétée dans un projet de loi gouvernemental.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente: Merci, monsieur Crampton.

J'entends la sonnerie, mais c'est la sonnerie d'appel de 30 minutes et je propose donc que nous entendions la déclaration liminaire de M. Robinson. Nous ferons une pause quand la sonnerie de 15 minutes retentira, nous irons voter et nous reviendrons.

Mais avant cela, j'aimerais préciser à l'intention des membres du comité et de tous les gens qui sont impliqués, pour que tout le monde sache ce qu'il en est, quel est le processus de consultation. Le comité entreprend un examen plus exhaustif de la Loi sur la concurrence que le Forum des politiques publiques. On a annoncé la tenue du Forum des politiques publiques au cours de la deuxième semaine d'avril. Le Forum a lui-même annoncé, au cours de la première semaine de mai, qu'il prolongeait la période pendant laquelle on pourrait lui transmettre des mémoires écrits jusqu'à la fin du mois de juin. Il tiendra des audiences en juillet. Les organismes intéressés ont toujours la possibilité d'écrire au comité ou au ministre lui-même au cours des mois d'août et de septembre avant qu'aucun texte législatif ne soit rédigé. Ainsi donc, au cours des quatre ou cinq prochains mois, un grand organisme devrait pouvoir faire connaître ses opinions et ses positions.

Il se peut aussi que nous tenions des audiences à l'automne, si l'on nous demande d'examiner le rapport qui peut être fait suite à la tenue du Forum des politiques publiques. Par ailleurs, comme nous le savons tous, il y a un autre processus qui est suivi lorsqu'un texte législatif est élaboré, mais je ne m'attends pas à ce que ce texte et le rapport du Forum des politiques publiques soient prêts exactement au même moment, et les intéressés auront donc, là aussi, le temps d'intervenir et le moyen de le faire.

• 1550

Quoi qu'il en soit, cela nous intéresse de savoir ce que les gens ont à dire, et le comité a adopté la même politique d'ouverture que celle du gouvernement. Il existe d'autres processus de consultation, mais nous espérons que les gens participeront également aux audiences qui auront lieu en juillet sur ces questions particulières dans le cadre du Forum des politiques publiques. Ainsi donc, avec un peu de chance, vous aurez la possibilité d'intervenir à nouveau, vous et d'autres que la question est susceptible d'intéresser.

Cela dit, avant de passer aux questions et aux observations, nous allons entendre M. Robinson et ensuite, nous ferons une pause pour aller voter.

Monsieur Robinson.

M. David Robinson (coordonnateur national, Campagne pour la liberté de presse et de diffusion): Merci, madame la présidente. J'aimerais également remercier le Comité permanent de l'industrie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui à titre de représentant de la Campagne pour la liberté de presse et de diffusion, dans le cadre de son étude de la Loi sur la concurrence. Les brèves observations que je vais faire aujourd'hui porteront plus précisément sur les dispositions de la loi qui concernent les fusions et sur leur application à l'industrie des journaux au Canada.

Je m'appelle David Robinson. Je suis le coordonnateur bénévole de la Campagne pour la liberté de presse et de diffusion. Établie en 1996, la Campagne représente un front commun de groupes communautaires, d'organisations syndicales, de personnes travaillant dans les médias, ainsi que de lecteurs et de lectrices, de téléspectateurs et téléspectatrices et d'auditeurs et d'auditrices se préoccupant de l'augmentation de la concentration de la propriété des médias au Canada.

Au cours de sa brève histoire, la Campagne a suivi l'évolution de la propriété des médias, a réalisé des recherches sur les répercussions de la concentration de cette propriété sur la qualité et la diversité des reportages et a défendu, avec d'autres groupes, les principes de la radiodiffusion publique.

Ayant examiné l'application de la Loi sur la concurrence en vigueur aux fusions se produisant dans l'industrie des journaux, la Campagne partage la conclusion à laquelle la Commission royale sur les quotidiens est arrivée en 1991: les lois sur la concurrence ne sont peut être pas le meilleur cadre de réglementation de la propriété des journaux. La Campagne appuie la recommandation de la Commission Kent voulant que soit adoptée une loi distincte sur les journaux, qui imposerait de rigoureuses limites à la propriété et comprendrait des mécanismes encourageant une plus grande diversification des propriétaires canadiens.

Qui plus est—même si je m'écarte du mandat qui a été confié au comité avant de revenir au principal argument que je veux faire valoir—puisque la concentration de la propriété des médias englobe de plus en plus des médias de différents types et compte tenu de la convergence technologique des différents médias, nous ne croyons pas qu'il soit judicieux de partager la réglementation de la radiodiffusion entre le CRTC et le Bureau de la concurrence. Mais, pour le moment, en l'absence de telles initiatives, nous croyons qu'il serait possible d'apporter des modifications à la Loi sur la concurrence pour, en fait, en renforcer les dispositions.

En particulier, à la lumière des lois existantes—la législation britannique sur les fusions et les monopoles—il serait possible de modifier la Loi sur la concurrence de manière à donner au Bureau de la concurrence le pouvoir de tenir compte des répercussions des fusions et acquisitions qui sont envisagées sur l'industrie des journaux, c'est-à-dire non seulement sur la concurrence entre les entreprises, mais aussi sur la diversité de la rédaction; j'y reviendrai dans un moment.

Je pense également—et en fait, il se peut que cela ne requière pas la modification de la loi—que le Bureau de la concurrence, lorsqu'il examine les fusions et les acquisitions dans le secteur de la presse, ne devrait pas s'intéresser uniquement, comme il l'a fait jusqu'ici, à la concurrence qui concerne les recettes publicitaires, mais également à l'effet que de telles fusions peuvent avoir sur le marché du travail. En effet, lorsqu'il n'y a qu'un employeur, si vous êtes au chômage, vous n'avez guère d'options quand vous cherchez à travailler pour quelqu'un d'autre.

Comme la Commission Kent l'a prévu il y a deux décennies, la concentration de la propriété des journaux a augmenté considérablement en l'absence d'une législation propre à la restreindre et vu l'inefficacité de la réglementation de la concurrence. Il y a à peine trente ans, du temps du Comité Davey, le premier qui se soit intéressé aux communications de masse, les quotidiens indépendants comptaient pour environ 40 p. 100 du tirage des journaux de langue anglaise et 50 p. 100 de celui des journaux de langue française. Dix années plus tard, la Commission Kent a constaté que, du côté anglais, le pourcentage était tombé à 26 p. 100 et du côté français, à 10 p. 100. Comme vous pourrez le lire dans le mémoire que nous avons distribué aujourd'hui, les quotidiens indépendants représentent moins de 4 p. 100 du tirage des journaux de langue anglaise et juste 4,4 p. 100 du tirage des journaux de langue française.

Par ailleurs, la concentration de la propriété entre les mains de chaînes a augmenté. En 1980, Southam était la chaîne la plus importante, avec le tiers du tirage des journaux de langue anglaise. Aujourd'hui, Hollinger en contrôle près de la moitié. Sur le marché français, la situation est semblable, car Québecor détient 45 p. 100 du tirage. Aujourd'hui, dans l'ensemble, les quatre plus grandes entreprises journalistiques—Hollinger, Québecor, Torstar et Thompson—contrôlent près de 90 p. 100 des tirages totaux.

• 1555

La concentration des quotidiens s'est aussi malheureusement intensifiée à l'échelle régionale. Depuis la publication du rapport de la Commission Kent en 1981, la Saskatchewan, l'Île-du-Prince- Édouard et Terre-Neuve sont devenues, comme le Nouveau-Brunswick, des provinces où tous les quotidiens appartiennent à un même propriétaire. La Colombie-Britannique essaie de rejoindre leurs rangs. Il y aura bientôt dans cette province un quasi-monopole car les quotidiens appartenant au groupe Hollinger comptent pour 95 p. 100 des tirages hebdomadaires.

Bien entendu, la concentration n'aurait jamais atteint ces proportions si les principales recommandations de la Commission Kent avaient été adoptées.

À l'échelle locale, on trouve toute une gamme de marchés différents, mais le pire exemple du monopole est Vancouver où les deux quotidiens du troisième marché métropolitain le plus important au Canada appartiennent désormais au même propriétaire. En outre, Hollinger, qui possède ces deux quotidiens, est également propriétaire de la plupart des journaux communautaires du marché en question.

Nous savons tout cela, bien sûr, et la question qui se pose alors est de savoir si nous devons nous en préoccuper. Dans notre mémoire, nous donnons plusieurs raisons, en nous appuyant encore une fois sur le rapport de la Commission Kent, pour démontrer que la concentration de la propriété devrait nous inquiéter. Ce qui est préoccupant, ce n'est pas seulement qu'un propriétaire dicte les politiques éditoriales. Cela tient aussi, plus généralement, à la façon dont fonctionne une chaîne détenue par un seul propriétaire: les chaînes rationalisent l'utilisation de leurs ressources, et la nature même de leur structure a tendance à aboutir à ce que la Commission Kent qualifiait de «concentration rédactionnelle», c'est- à-dire, en quelque sorte, l'homogénéisation du contenu.

Nous soulignons un autre problème que pose la concentration de la propriété: puisque le nombre des employeurs diminue par suite de cette concentration, les journalistes qui choisissent des sujets ou qui expriment des opinions pouvant offenser les propriétaires risquent de compromettre leur avancement ou leurs perspectives de carrière, étant donné qu'il n'y a pas d'autres employeurs sur le marché.

En outre—et c'est une constatation que l'on peut faire partout, non seulement au Canada, mais également dans d'autres pays—dans le cas des journaux qui monopolisent de petits marchés, il y a très peu d'incitatifs, s'il n'y a pas de concurrence, à investir dans l'amélioration du journalisme. On a pu constater au Canada que lorsque des chaînes absorbaient de petits journaux indépendants, de façon générale, la qualité a baissé, contrairement à ce que prétendaient nombre de propriétaires. Ce n'est généralement pas le cas en ce qui concerne les journaux publiés dans les métropoles, mais dans les plus petits marchés, la plupart du temps, on a pu constater une baisse de la qualité et de la diversité.

En général, tout au long de ce processus de concentration croissante, les lois sur la concurrence se sont avérées relativement inefficaces au Canada pour restreindre la concentration de la propriété. Je pense que cela tient fondamentalement au fait que ces lois sont destinées à réglementer la concurrence commerciale et non la concurrence rédactionnelle ou la diversité des intérêts qui influent sur la rédaction, une question de plus large portée.

Dans le contexte de l'examen entrepris par le comité, je me permettrais de rappeler que le Comité Davey a conclu que la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions en vigueur à l'époque ne portait que sur la concurrence entre les entreprises, au sens restreint de l'expression, mais que «les journaux ne sont nettement pas des entreprises comme les autres». Le comité a recommandé la création d'une Commission d'examen de la propriété de la presse qui serait le complément de la législation en vigueur sur la concurrence.

Dix ans plus tard, la Commission Kent a rejeté complètement le cadre de la législation sur la concurrence lorsqu'il s'est penché sur la question de savoir si la réglementation sur la concurrence pourrait être utilisée pour s'attaquer au problème de la concentration. La Commission a conclu dans son rapport final que les lois sur la concurrence, même si elles étaient renforcées, ne seraient tout simplement pas des moyens appropriés de réglementer les monopoles dans l'industrie des journaux.

L'intérêt que présente pour le public une vigoureuse concurrence entre les quotidiens ne peut pas être quantifiée en dollars et en cents. Il a trait au nombre et à la qualité des voix indépendantes qui peuvent s'exprimer.

Je crois que la Commission Kent a mis le doigt sur le problème fondamental: la concurrence économique des quotidiens porte principalement sur les recettes publicitaires, qui représentent de 70 à 80 p. 100 de la totalité de leurs revenus. Quand des quotidiens fusionnent, cependant, les tarifs publicitaires ont tendance à être maintenus, parce que d'autres moyens de communication—la radio et la télévision—leur livrent encore concurrence. Il est donc rare qu'une fusion de quotidiens porte le Bureau de la concurrence à s'inquiéter de la réduction de la concurrence économique, même si elle a effectivement un impact sur la concurrence rédactionnelle.

Pour ces raisons, nous croyons qu'il serait dans l'intérêt de la population canadienne qu'il existe une loi distincte régissant les journaux. Toutefois, en l'absence d'une telle loi, nous estimons—encore une fois en nous basant sur les lois qui existent au Royaume-Uni—que la Loi sur la concurrence devrait donner au Commissaire le pouvoir de faire enquête pour déterminer si une fusion d'actifs journalistiques peut éventuellement aller à l'encontre de l'intérêt public, dans le contexte de la diversité rédactionnelle. Je pense également que le Commissaire devrait être chargé d'examiner l'impact de telles fusions sur le marché du travail.

• 1600

Je m'en tiens là pour l'instant. Je sais que vous devez partir.

La présidente: Merci, monsieur Robinson.

Nous allons suspendre la séance jusqu'à ce que nous ayons pu voter. Je demanderais aux membres du comité de revenir aussi rapidement que possible après le vote. Merci.

• 1601




• 1646

La présidente: Nous reprenons nos travaux.

Nous allons commencer la série des questions.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Vous avez dit qu'à la Chambre de commerce—M. Murphy n'est plus ici mais M. Crampton y est—, vous vous inquiétiez un peu du processus de consultation et que vous n'aviez nécessairement qu'une opinion préliminaire à ce moment-ci.

Cependant, à propos de ce que j'appellerais l'intégration verticale, vous avez dit qu'il n'y a pas d'argument économique qui permette de s'y opposer. J'aimerais que vous expliquiez ce point davantage parce que vous représentez beaucoup de petites entreprises. Il y en a de grandes, mais aussi des petites. Souvent les petites entreprises se plaignent de ce que certaines grandes entreprises se mêlent de tout, de la production, de la commercialisation, etc. J'aimerais que vous expliquiez davantage votre position parce que votre exposé a été très succinct à ce sujet.

[Traduction]

M. Paul Crampton: Normalement, il y a un fournisseur, et ce fournisseur peut décider d'imposer ce que nous appelons des restrictions verticales. Il pourrait s'agir, par exemple, de l'exclusivité. Disons que je suis fournisseur; je peux vous dire: «Si vous vous voulez mes produits, il faut que me vous réserviez l'exclusivité.» Et je peux dire la même chose à quelqu'un d'autre. Habituellement, cela a pour effet de protéger davantage le revendeur qui a l'exclusivité des pressions exercées par la concurrence, en tout cas, de ce que nous appelons la concurrence intramarque.

De même, si je vous donne un territoire exclusif et si je fais la même chose pour certains membres du comité, cela signifie que ni les uns ni les autres vous n'avez à faire face à la concurrence d'autres revendeurs en ce qui concerne ma marque et qu'il n'y a donc pas de concurrence intramarque. Cela vous permet d'investir davantage dans la promotion du produit, dans d'autres formes de service et dans d'autres formes de concurrence hors-prix.

Généralement, cela vous coûtera quelque chose d'exercer ces formes de concurrence—de susciter une concurrence intermarque plus vigoureuse—mais au bout du compte, votre prix peut augmenter un peu. C'est là une des formes de l'augmentation des prix proconcurrentielle dont nous parlons.

Donc, que je vous dise que vous pouvez avoir votre propre territoire exclusif ou que je ne veux pas que vous fixiez un prix au-dessous d'un certain niveau, ce que j'essaie de faire en fait, c'est de vous amener à investir dans la promotion de mon produit de façon à ce que nous puissions donner de l'expansion à la production et à ma part de marché ou encore de façon à ce que vous, par l'intermédiaire de mon distributeur, puissiez donner de l'expansion à ma part de marché.

Économiquement parlant, cela ne fait pas vraiment de différence parce qu'en bout de ligne, un accord vertical ne concernant pas les prix peut avoir un effet externe pécuniaire, même si, normalement, ce genre de distinction n'est pas faite en économie.

Donc, tout ce que je disais, c'est que nous approuvons les conclusions du rapport Van Duzer où l'on suggère que la question de la concertation verticale sur les prix soit traitée à l'article 77 ou dans le cadre des dispositions relatives à l'abus de position dominante, parce que c'est plus logique et que cela aurait un effet paralysant moindre sur beaucoup de mesures de concertation sur les prix proconcurrentielles.

[Français]

La présidente: Monsieur Dubé, une dernière question, s'il vous plaît.

• 1650

M. Antoine Dubé: Selon un relevé des décisions prises par le tribunal depuis 1988, seulement une quarantaine de causes ont été entendues. Il y a même eu des désistements à cause des délais occasionnés par les enquêtes, entre autres. Une quarantaine de causes en 12 ans, ce n'est pas beaucoup.

Selon ma perception des petites entreprises, je crois qu'elles souhaiteraient que plus de causes soient entendues. Cela créerait une jurisprudence. Actuellement, c'est comme si le manque de ressources... En tout cas, les gens me disent que le Tribunal de la concurrence n'est pas efficace sur ce plan. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

M. Paul Crampton: Vous avez abordé là un point très problématique. Nous organisons plusieurs conférences à l'Université de Toronto, où nous nous rassemblons sur un terrain neutre pour réfléchir à de grandes questions de politique générale, et nous avons discuté de ce problème plusieurs fois au cours des dix dernières années, car nous sommes plusieurs à nous inquiéter du fait que le Tribunal de la concurrence n'a pas eu à jouer un rôle plus important. Certains d'entre nous pensent que cela est dû en partie au fait que ses procédures—communication intégrale, contre- interrogatoire et motions—sont trop formelles. Ce n'est pas aussi expéditif que, disons, la procédure australienne. J'ai assisté à une séance du tribunal australien. C'est beaucoup moins formel, mais on arrive à l'essentiel beaucoup plus rapidement.

Vous avez donc raison, il faut que nous trouvions un mécanisme grâce auquel le Tribunal de la concurrence pourrait jouer un plus grand rôle dans l'élaboration de la politique canadienne de la concurrence. J'en conviens tout à fait.

Je sais que l'actuel président a cherché à rationaliser les règles du tribunal pour que le directeur et les parties en cause soient davantage incitées à s'adresser à lui. De fait, on a suggéré qu'il serait utile de pouvoir renvoyer au tribunal des questions d'intérêt plus restreint. Nous n'en avons pas parlé aujourd'hui, mais c'est une suggestion que plusieurs d'entre nous appuient discrètement dans les coulisses depuis plusieurs années. Ce serait une bonne chose.

La présidente: Merci, monsieur Dubé.

Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai été un peu surpris de lire dans votre rapport que vous n'aviez pas eu assez de temps pour formuler une première opinion sur les divers éléments du projet de loi sur la concurrence. N'est- il pas vrai que la Chambre a établi un comité d'orientation permanent sur la concurrence qui, non seulement fournit des informations et des conseils aux membres de la Chambre et à d'autres organismes, mais reçoit également de temps en temps des suggestions sur les modifications que l'on pourrait envisager apporter à la Loi sur la concurrence? N'est-ce pas le processus qui est suivi à la Chambre de commerce?

M. Paul Crampton: Oui, mais permettez-moi de vous donner quelques explications. Cela fait quelque temps que nous savons que la question de l'accès individuel est discutée. La proposition concernant le pouvoir de rendre des ordonnances de cesser et de s'abstenir nous a pris au dépourvu. La modification de l'article 45 proposée par M. McTeague fait partie de celles que certains d'entre nous appuient discrètement dans les coulisses, mais on nous avait laissé entendre que l'on en discuterait dans le cadre de la prochaine série de modifications et non de celle-ci. On ne nous a donc présenté aucune proposition que nous aurions pu examiner de façon à élaborer une position beaucoup plus documentée et réfléchie avant de venir ici aujourd'hui. Nous n'avons pu préparer que des observations d'ordre général. Nous avons vraiment été pris par surprise lorsque nous avons découvert que le projet de loi avait fait l'objet d'une motion portant première lecture le 6 avril, je crois.

Ne vous méprenez pas. Nous pensons que ce projet de loi a beaucoup de potentiel et nous serions ravis de collaborer avec vous pour que ce concept se concrétise. Personnellement, je pense que c'est un excellent concept. Cela fait 14 ans que je travaille dans ce domaine et je peux voir que même à l'étape de la première lecture, ce projet de loi a besoin d'être retravaillé, et nous serions ravis de collaborer avec vous en ce sens. C'est simplement que nous n'avons pas eu l'occasion de le faire. Nous n'avons pas été consultés avant de comparaître ici aujourd'hui et n'avons eu que quelques semaines pour examiner ce projet de loi.

• 1655

M. Walt Lastewka: Madame la présidente, a-t-on demandé à la Chambre de donner uniquement son avis sur les projets de loi ou de présenter une opinion préliminaire sur la Loi sur la concurrence? Quel était l'objet de la demande?

La présidente: Il s'agissait de donner une vue d'ensemble de la Loi sur la concurrence.

M. Walt Lastewka: Bon.

Lorsque j'ai examiné votre rapport et que j'ai entendu les déclarations que vous avez faites, vous et M. Murphy... Vous insistez beaucoup sur le fait que vous n'avez pas eu assez de temps ni de marge de manoeuvre. Je croyais que votre comparution vous permettrait de faire valoir certains arguments au comité, qui étudie la question parallèlement à l'autre groupe qui s'occupe des politiques gouvernementales, de façon à ce que nous soyons plus au courant de ce qui se passe sur le marché.

M. Paul Crampton: Je suis d'accord. Personnellement, je suis probablement mieux préparé que les autres membres de notre Groupe de travail sur le droit et la politique de la concurrence. Malheureusement, au cours de la brève période qui s'est écoulée entre le moment où ce projet de loi a été signalé à notre attention, soit environ une semaine après qu'il a été déposé, et aujourd'hui, nous n'avons pas eu la possibilité de mener de larges consultations auprès des membres de la Chambre. La Chambre est un organisme de taille appréciable. Je ne suis pas mandaté pour vous faire part de mes opinions personnelles, parce que d'autres n'ont pas passé à examiner la question autant de temps que moi qui me consacre à 110 p. 100 à ce domaine. Cela va donc prendre quelque temps.

En ce qui concerne le Forum des politiques publiques, vous avez raison, madame la présidente, ses responsables ont prolongé jusqu'à la fin du mois de juin la période pendant laquelle des mémoires écrits peuvent être transmis. Cependant, ils ont également précisé qu'à l'heure actuelle, ils souhaitent qu'on leur transmette des observations sur les grands principes, et non des commentaires détaillés.

Je crois comprendre qu'il pourrait y avoir une réunion à caractère technique pendant l'été. Mais je ne sais pas si nous allons pouvoir entrer dans les détails à ce moment-là ou s'il va falloir attendre la présentation d'un premier projet de loi pour le faire. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas eu la possibilité d'agir avant que vous...

M. Walt Lastewka: Combien de temps cela prend-il pour que la Chambre consulte ses membres et comparaisse à nouveau devant le comité? Cela prendrait combien de temps? Donnez-moi juste une idée.

M. Michael Murphy: Je vais vous le dire. Évidemment, cela dépend du sujet. Mais lorsque nous avons à examiner ce que nous appellerions un texte législatif de type loi cadre, tout ce qui a des ramifications comparables à celui-ci, comme il y en a dans d'autres secteurs—nous collaborons de manière agissante avec le gouvernement à l'élaboration de toute une gamme de lois— généralement, il y a deux étapes.

Nous avons en place un processus formel par le biais duquel nous consultons directement nos membres, aussi bien les sociétés que les Chambres locales. La solidité de la position que nous adoptons éventuellement vient en partie du fait que nous avons la possibilité de la tester dans pratiquement toutes les collectivités du Canada. Nous prenons la peine de procéder ainsi, et c'est par le biais d'une résolution formelle que nous menons le processus à terme. À l'automne, nous allons pouvoir recueillir les réactions de nos membres sur tout ceci. Cela peut prendre des jours, mais cela pourrait aussi prendre des mois, tout dépendant de l'importance et de la complexité de la question en cause. Étant donné l'importance du sujet qui nous occupe et le temps que cela va prendre, à notre avis, pour vider la question, je ne pense pas que ce soit un sujet dont nous voudrions traiter trop rapidement.

M. Walt Lastewka: Donc, combien de temps cela va-t-il vous prendre pour donner votre opinion sur les modifications de la Loi sur la concurrence?

M. Paul Crampton: Nous pourrions être prêts à l'automne. Si vous teniez des audiences au début de l'automne, avant qu'un projet de loi soit déposé, nous pourrions nous attaquer énergiquement au dossier pendant l'été et avoir des observations détaillées sur...

M. Walt Lastewka: Pourriez-vous être prêts le 1er octobre?

M. Pau Crampton: Oui, nous le pourrions.

M. Michael Murphy: Nous allons certainement participer aux autres consultations dont la présidente a parlé plus tôt et donc continuer à travailler sur ce dossier. Pour nous, il n'est pas clos, et j'espère que c'est ainsi que vous envisagez la chose.

M. Walt Lastewka: Comme je l'ai dit à un de mes collègues, j'ai déjà lu dans de précédents rapports de la Chambre de commerce que l'on n'avait pas eu assez de temps pour formuler des propositions, etc. Ce sont presque les mêmes mots qui sont repris. C'est la raison pour laquelle je posais cette question. Étant un ancien administrateur de la Chambre, je pense que c'est une question que je peux poser.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

Monsieur St-Julien, s'il vous plaît.

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Merci.

La présidente: Excusez-moi, monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Vous ne m'aviez pas vu.

La présidente: Si, je vous avais vu, j'avais sauté votre nom.

M. Dan McTeague: Monsieur Crampton, c'est avec plaisir que je vous souhaite à nouveau la bienvenue parmi nous, à vous et à M. Murphy. Monsieur Robinson, j'aurais des questions à vous poser à vous aussi, alors, n'allez pas penser qu'on vous délaisse.

La présidente: Vous disposez de cinq minutes.

M. Dan McTeague: Oui, cette fois-ci je vais me chronométrer, à condition que ma montre marche.

• 1700

Messieurs, vous avez adopté une position très tranchée sans donner beaucoup de détails, une position qui est plutôt dans la ligne des opinions exprimées par certaines personnes, pour et contre les propositions dont je suis l'auteur, pour la plupart, et qui font maintenant l'objet de l'étude. Dites-moi, comment se fait- il que vous n'ayez pas largement consulté vos membres et que, pourtant, vous en veniez à ces conclusions? Dois-je comprendre que votre organisation s'appuie essentiellement sur quelques bons avocats, bien nantis et grassement payés qui, manifestement, comprennent la Loi sur la concurrence? Y a-t-il parmi vos membres un groupe éclectique de petites entreprises, du type de celles dont me parlait M. Serré, par exemple, il y a un moment en me montrant ceci:

    Le Salon professionnel de la Chambre de commerce attire une large foule

    Le Salon professionnel comptait 70 exposants qui faisaient la promotion d'une diversité de biens et de services allant des véhicules aux massages, en passant par le paysagisme, la réparation de meubles, la rénovation domiciliaire, l'assurance, etc.

Au nom de qui vous exprimez-vous, et pourquoi avez-vous pris les décisions auxquelles vous êtes maintenant arrivés? Je reconnais que vous appuyez certaines des propositions qui nous occupent, mais vous avez adopté des positions plutôt tranchées sans avoir mené de larges consultations.

M. Paul Crampton: En fait, ce ne sont pas des opinions définitives. J'ai essayé de préciser dès le départ qu'il s'agissait d'un avis préliminaire qui n'avait justement rien de définitif. Nous sommes arrivés à des conclusions provisoires sur certaines questions et sur d'autres, il y a des divergences de vues importantes, et nous n'avons pas été capables de tirer des conclusions provisoires. Donc, tout ce que vous avez...

M. Dan McTeague: Ce sont des conclusions, en dépit du fait que vous n'avez pas mené de larges consultations.

M. Paul Crampton: Elles sont provisoires. Autrement dit, il y a eu deux ou trois appels conférences avec plusieurs personnes et nous sommes parvenus à un consensus mais, comme l'a expliqué M. Murphy, il va falloir que nous fassions distribuer une ébauche de nos prises de positions à un plus large groupe, aux 500 Chambres locales, par exemple, et que nous obtenions des réactions à ce propos avant de pouvoir revenir et présenter au comité des opinions finales, comme nous l'avons fait à propos du projet de loi C-20 ou du projet de loi C-235.

M. Dan McTeague: C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question, monsieur Crampton. En ce qui concerne le projet de loi C- 235, nous ne reviendrons pas sur la question car, à mon avis, la modification requise par le biais de ce projet de loi a beaucoup moins d'importance que celles sur lesquelles portent les projets de loi C-402 et C-472. Mais lorsque l'on prend contact avec vos propres membres, on s'aperçoit rapidement que nombre d'entre eux ne connaissent pas la position adoptée par la Chambre. Ce qui est encore plus important, beaucoup s'étaient en fait prononcés en faveur du projet de loi C-235. Donc, ce qui me préoccupe, c'est que si vous vous présentez ici au nom d'un organisme qui a une certaine crédibilité, il faut que les positions que vous énoncez s'appuient véritablement sur des sondages d'opinions adéquats. En outre, en ce qui concerne la question des délais, je pense que l'un comme l'autre, messieurs, vous consacrez beaucoup de temps à la question qui nous occupe et que les changements que j'ai proposés n'ont rien de surprenant pour vous.

Passons à ce qui vous inquiète le plus à propos des ordonnances de cesser et de s'abstenir. D'après vous, dans les cas où une enquête a été lancée, c'est-à-dire évidemment les cas visés par le projet de loi C-472, tout comme le projet de loi C-26, la question qui se pose n'est-elle pas celle de l'application régulière de la loi à une partie qui peut être affectée et qui peut ne pas être effectivement protégée contre une entreprise qui fixe des prix abusifs et qui abuse de sa position dominante, comme c'est le cas d'une entreprise qui, en fait, applique depuis quelque temps des pratiques ou une politique calculées pour faire disparaître un acteur de moindre envergure qui n'a absolument aucun recours... Ou peut-être est-ce une question de temps, car étant donné les petites marges des petites entreprises, elles peuvent avoir été coulées avant qu'une ordonnance de cesser et de s'abstenir puisse résoudre le problème de la disparition de ce qui est, sous d'autres angles, dans bien des cas, une concurrence éventuellement efficace.

M. Paul Crampton: Vous avez mis le doigt sur un problème. Il est parfois difficile de décider le Bureau de la concurrence à agir. Le Bureau n'aime pas perdre ses causes et préfère avoir fait toutes les recherches et enquêtes nécessaires avant de s'adresser au Tribunal. Sans aucun doute, il y a eu des cas où cela s'est passé comme vous l'avez décrit. J'ai entendu parler de certaines affaires que l'on nous a signalées et où le Bureau n'a pas agi aussi rapidement qu'il le voulait et certainement pas aussi rapidement que le souhaitait le plaignant. Il y a d'autres façons de régler ce problème, et ce pourrait être simplement en instituant un mécanisme permettant au Tribunal de la concurrence lui-même d'émettre l'ordonnance, sur demande du directeur.

Ce qui nous préoccupe essentiellement, c'est qu'on mêle les rôles d'enquêteur et d'adjudicateur au point où plus aucune démarcation entre les deux n'existe. C'est, selon moi, un problème relativement simple à résoudre, et peut-être qu'ensuite on peut régler effectivement la question qui vous préoccupe.

M. Dan McTeague: C'est une préoccupation qui va comme un gant à des gens qui...

La présidente: Dernière question.

M. Dan McTeague: ... veulent que les choses restent bien gentiment ordonnées et que l'on veille à observer certaines traditions. Mais selon moi, ce n'est guère utile aux petites entreprises qui constituent un segment important des adhérents de la Chambre et qui s'opposeraient à ce que vous avez avancé, parce qu'elles veulent un Bureau de la concurrence efficace, qui ait de véritables moyens d'action, comme la police qui, dans certains cas extrêmes, peut mettre quelqu'un derrière les barreaux jusqu'à ce que cette personne soit amenée devant les tribunaux et jugée.

• 1705

Ma question est simple. Est-ce que la Loi sur la concurrence pose quelque problème que ce soit à la Chambre, ou êtes-vous ici tout simplement, comme cela a été le cas dans le passé, pour défendre le statu quo?

M. Paul Crampton: Je ne dirais pas que nous sommes ici pour défendre le statu quo. Par exemple, pour ce qui est de votre proposition, celle qui porte sur l'article 45, il s'agit d'une modification fondamentale qui serait apportée à la loi. Je pense que plusieurs d'entre nous estiment que c'est une modification nécessaire. Il ne s'agit pas de conserver le statu quo. Ce dont nous parlons, c'est d'une modification importante. Nous voudrions collaborer avec vous pour régler le problème, de façon à ce que la loi puisse être utilisée de façon plus efficace pour lutter contre les pratiques les plus endurcies des cartels, tout en réduisant l'effet paralysant de ces dispositions sur un vaste éventail de comportements proconcurrentiels.

Donc, il ne s'agit aucunement de défendre le statu quo. Je pense l'avoir dit au tout début de nos remarques préliminaires: oui, même si la loi continue d'être l'illustration d'une approche équilibrée et moderne, elle peut être améliorée comme toute autre chose, et nous sommes heureux de collaborer avec les gens qui souhaitent le faire.

La présidente: Merci, monsieur McTeague.

Monsieur St-Julien, s'il vous plaît.

[Français]

M. Guy St-Julien: Ma question s'adresse à M. Crampton de la Chambre de commerce du Canada. Je voudrais vous parler de l'avenir de la concurrence. Vous dites dans votre introduction:

    Nous croyons fermement que ces changements affecteront des milliers d'entreprises canadiennes, actives dans divers secteurs.

Pour ma part, j'aimerais vous parler de l'avenir de la concurrence dans l'industrie pétrolière au Canada. Que va-t-il en advenir? Actuellement, on sait qu'au Canada, il n'y a pas beaucoup de raffineurs, qu'il y a peu de raffineurs intégrés et de distributeurs et qu'ils contrôlent de 70 à 75 p. 100 du volume des ventes au Canada. J'ai trouvé la Chambre de commerce du Canada silencieuse sur la concurrence dans l'industrie pétrolière au Canada.

J'aimerais avoir votre commentaire sur ce qui se passe actuellement quant aux prix de l'essence qui montent en yo-yo depuis plusieurs mois.

[Traduction]

M. Paul Crampton: La Chambre n'a pas abordé cette question précise. Je sais que le Bureau de la concurrence a fait enquête là- dessus plusieurs fois et a maintenant demandé à un autre organe indépendant de s'en occuper, mais je ne peux pas dire si la Chambre a une opinion à ce sujet.

Je crois que les remarques que vous avez citées, si je vous entends bien, ont été faites alors que nous notions qu'en préservant la concurrence, on préserve et on favorise la capacité des petites et moyennes entreprises à se procurer les intrants dont elles ont besoin pour les produits qu'elles vendent à des prix compétitifs. C'était en fait ce sur quoi je voulais insister. Cela s'inscrivait dans le contexte de remarques destinées à vous inciter à vous concentrer sur les améliorations qui peuvent être apportées à la loi, dans le but d'encourager et de promouvoir la concurrence, et non de protéger des concurrents précis, ce qui est une distinction importante.

[Français]

M. Guy St-Julien: Mais vous avez mentionné tout à l'heure...

[Traduction]

La présidente: Monsieur St-Julien, vous avez encore une question. Est-ce la dernière que vous souhaitez poser?

[Français]

M. Guy St-Julien: Oui, c'est ma dernière question. Il n'y a pas de problème.

Vous avez mentionné tout à l'heure que vous aviez le point de vue des chambres de commerce locales, qui sont environ 500 au Canada. Justement, je remarque que des chambres de commerce des régions éloignées, celles de Val-d'Or, de Rouyn-Noranda, d'Amos, etc., ont fait part au gouvernement canadien qu'il n'y avait pas de concurrence dans le secteur pétrolier.

Je voudrais que vous me répondiez sur deux points. Sur le plan international, qu'est-ce que vous avez fait concernant l'embargo contre l'Irak? Et pourquoi la Chambre de commerce du Canada est-elle restée silencieuse dans le dossier de l'essence au Canada, surtout lorsque des Européens sont venus au Québec et en Ontario acheter tout le distillat avec des traites bancaires, le distillat qui est un sous-produit de l'essence, du diesel et de l'huile à chauffage? Pourquoi la Chambre de commerce du Canada est-elle restée silencieuse relativement à cette concurrence qui s'est livrée à la grandeur du Canada?

[Traduction]

M. Paul Crampton: Rien n'a été signalé à ce sujet à notre comité; on ne nous a pas dit que cela préoccupait certains membres de la Chambre. Aucun commentaire en ce sens n'a été porté à mon attention.

M. Michael Murphy: J'ajouterais que c'est vrai également à un niveau plus élevé. La Chambre—étant cadre, je le sais pertinemment—a établi une liste de grands dossiers auxquels les membres ont demandé que l'on consacre nos ressources et notre temps, et c'est une liste qui ne cesse de s'allonger. Toutefois, ce n'est pas une question qui est remontée jusqu'au niveau national. Certaines Chambres locales ont fort bien pu recevoir des commentaires à ce propos, mais jusqu'ici, la Chambre nationale n'a pas été mise au courant.

• 1710

La présidente: Merci.

Merci, monsieur St-Julien.

Monsieur Murray, s'il vous plaît.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente. J'aimerais poser une question à M. Robinson.

Vous n'avez pas présenté une longue liste de recommandations. Je dois dire que moi qui représente une circonscription de la région métropolitaine d'Ottawa et qui me retrouve nez à nez tous les jours, lorsque je vais chercher mon journal, avec le The National Post et The Ottawa Citizen, qui sont essentiellement les journaux maison du Parti réformiste et de l'Alliance, je peux comprendre que l'on se préoccupe des fusions dans l'industrie des journaux. En revanche, je suis fermement en faveur du marché libre, et je ne sais pas si les suggestions que vous faites régleraient le problème. Je pense qu'en bout de ligne, c'est toujours une question d'argent. S'il y a des gens qui ont assez d'argent pour lancer un journal concurrent dans un certain marché, ils vont probablement le faire s'ils sont intéressés.

J'ai également remarqué la liste des membres de votre organisme. Parmi eux, il y a des entités d'une assez grande envergure, comme le Congrès du travail du Canada, l'Association canadienne des journalistes—je ne sais pas quelle est la taille de cette association, au plan du nombre de membres ou du financement—et le Conseil des Canadiens. Maude Barlow réussit à être publiée assez souvent. Avez-vous jamais pensé à sonder tous vos membres pour voir s'ils seraient disposés à participer à un projet pilote et à lancer un journal dans un marché où, selon vous, il aurait quelque chance de réussir? Peut-être qu'Ottawa est l'endroit tout indiqué puisque nous avons là une presse quotidienne très à droite. Est-ce une chose à laquelle vous avez pensé?

M. David Robinson: Autant que je sache, c'est une idée dont on discute à bâtons rompus depuis de nombreuses années. Le problème, c'est que si vous vous placez dans une perspective historique pour examiner l'évolution de la presse au Canada, à la fin du XIXe siècle, il y avait littéralement des centaines de quotidiens, la plupart étant associés avec les principaux partis politiques de l'époque, qui étaient au nombre de deux. Il y avait également une presse ouvrière très solide qui avait ses fondements dans les syndicats, notamment dans le sud de l'Ontario. Les anciens Chevaliers du travail publiaient des quotidiens.

Le problème s'est posé quand on est passé de journaux dont les recettes provenaient principalement d'abonnements à des journaux qui dépendaient financièrement de la publicité, car beaucoup d'entreprises ne voulaient pas faire de la publicité dans les magazines et les quotidiens des Chevaliers du travail, pour des raisons évidentes. Ces journaux ont effectivement disparu du marché parce que leurs prix n'étaient pas compétitifs.

Nous faisons face à la même difficulté à l'heure actuelle. Par exemple, si le Congrès du travail du Canada envisageait de créer un quotidien au Canada, il faudrait qu'il tienne compte, en premier lieu, du fait que les coûts de démarrage sont très élevés, comme M. Black s'en rend compte avec The National Post et les pertes qu'il a dû assumer. Donc, il faut un capital de départ énorme. Par ailleurs, M. Black peut compter sur une infrastructure déjà en place au sein de la chaîne Southam-Hollinger.

Je ne pense pas non plus que Ken Georgetti et les gens du Congrès du travail du Canada auraient beaucoup de succès s'ils essayaient de financer leur projet par la publicité.

M. Ian Murray: Je m'excuse de vous interrompre. J'ai posé une question sur l'Association canadienne des journalistes. Est-ce que la plupart des journalistes de la presse écrite appartiennent à cette association?

M. David Robinson: L'Association canadienne des journalistes est un organisme libre, c'est leur association professionnelle et ils peuvent y adhérer ou non.

M. Ian Murray: Vous avez brièvement abordé dans votre mémoire la question de la qualité du journalisme, et c'est une chose qui me préoccupe également. On constate qu'à l'heure actuelle, les journalistes sont essentiellement des chroniqueurs. Les titres ne reflètent pas le contenu des articles. Parfois, ce que l'on peut lire dans les journaux est presque une insulte à notre intelligence. Il doit bien y avoir des gens au sein de votre organisme qui ressentent cela assez profondément pour vouloir s'attaquer à certain de ces problèmes dans le milieu dans lequel ils travaillent.

M. David Robinson: Je pense que oui. L'Association canadienne des journalistes, avec d'autres organismes, a lancé un projet très intéressant à l'université Simon Fraser, NewsWatch Canada, auquel nous collaborons très étroitement. Essentiellement, NewsWatch Canada est un groupe de professeurs de l'université Simon Fraser qui surveille dans les médias les signes de partialité et d'un journalisme à oeillères, mais qui suit également de près les changements de propriétaires, etc. Il y a donc des gens qui observent ce qui se passe d'un oeil critique.

Je suis d'accord avec vous, nos organismes devraient faire beaucoup plus. Le problème, c'est toujours une question de ressources financières et humaines, etc. Vous avez tout à fait raison, je pense, c'est à nous qu'il revient également de faire valoir toutes ces questions publiquement.

M. Ian Murray: Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Robinson, votre première recommandation est semblable à une proposition qui nous a été faite plus tôt aujourd'hui. Nous avions posé une question au témoin sur les fusions. En vertu de la Loi sur la concurrence, il y a deux ou trois procédures différentes que l'on peut suivre, notamment celle qui a été utilisée l'an dernier en ce qui concerne les banques. Cela a abouti non pas à ce que le Bureau de la concurrence cherche à défendre l'intérêt public, mais à ce que le rapport soit renvoyé au ministre des Finances qui a eu le dernier mot. Je ne sais pas si cela peut se passer de la même manière en ce qui concerne la ministre du Patrimoine, à cause du conflit d'intérêts qui pourrait exister, étant donné que les journaux, dans un certain sens, évaluent ce que nous faisons. Je me demande si vous avez pensé à avoir recours à un autre organe, à un autre processus.

• 1715

M. David Robinson: Oui. Je l'ai dit au départ, je pense; idéalement, nous aimerions qu'il existe quelque chose qui ne soit pas nécessairement intégré au cadre de réglementation de la concurrence. Historiquement, la réglementation issue des diverses lois sur la concurrence n'a pas eu un impact très positif sur le contrôle de la concentration croissante de la propriété dans l'industrie des journaux.

Si l'on examine les recommandations du Comité Davey et de la Commission Kent... Je crois savoir que Tom Kent va comparaître demain. Peut être peut-on lui poser plus de questions sur ce sujet précis, lui demander quel type d'organe permettrait de réaliser cet objectif. Cela ne fait aucun doute, je pense, il faut que fassions quelque chose en ce sens.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Dubé, another question?

M. Antoine Dubé: Ma question s'adresse à M. Robinson. Vous dites, en introduction à votre mémoire, que vous partagez l'une des conclusions de la Commission Kent, émise en 1981, voulant que la Loi sur la concurrence ne soit peut-être pas le meilleur instrument pour parvenir à vos fins. Si je vous lis bien, votre organisme a été créé en 1996. Je voudrais comprendre ce qui l'amène à réagir aujourd'hui. Ce n'est pas l'actuel examen de la loi qui a amené votre création puisque vous êtes là depuis 1996. Qu'est-ce qui vous a fait réagir en 1996?

Je vais vous poser immédiatement et à la suite mes deuxième et troisième questions. Y a-t-il certains de vos divers groupements qui regroupent des intervenants du Québec?

Troisièmement, en comparaison avec d'autres pays, où se situe le degré de concentration que nous connaissons ici par rapport aux principaux pays comme les États-Unis ou la France? Si vous avez des données là-dessus, j'aimerais bien les avoir.

Je pense bien que c'est tout le temps qu'on a. Je vous remercie.

[Traduction]

M. David Robinson: Je vais vous répondre en commençant par votre dernière question.

Au Canada, le degré de concentration de la propriété dans l'industrie des journaux est l'un des plus élevés qui soit. Par exemple, il y a une société qui contrôle environ 40 p. 100 du tirage quotidien, en anglais et en français, à travers le pays. Aux États-Unis, cela est réparti entre les dix plus grandes entreprises. Quand on y regarde de plus près, aux États-Unis, beaucoup de chaînes sont très concentrées au plan régional, et il y a donc un degré de concentration équivalent, si l'on prend en compte le fait que le marché américain est dix fois plus grand que celui du Canada.

En France, le degré de concentration est également très élevé. En Grande-Bretagne, je pense que les quatre plus grandes chaînes contrôlent environ 62 p. 100 du tirage. Ce n'est donc pas aussi élevé qu'au Canada, mais encore une fois, le marché est plus étendu et très concentré sur le plan régional. La situation est un peu différente en Grande-Bretagne parce qu'il existe une presse nationale et ce que l'on appelle une presse provinciale.

Pour répondre à votre première question, sur les raisons qui ont été à l'origine de la création de notre organisme, c'est essentiellement en 1996 que cela s'est passé. C'est la prise de contrôle de Southam par Hollinger qui a amené certains groupes à discuter de la nécessité d'un nouveau cadre réglementaire ou de réformes pour promouvoir et protéger la diversité de la propriété dans l'industrie des journaux. Un grand nombre des organismes qui participent à nos activités—nous n'avons pas d'adhérents, nous sommes plutôt une coalition—opèrent au Québec et ont des membres dans cette province. La situation est évidemment tout à fait semblable à celle qui existe dans le reste du Canada.

La présidente: Merci, monsieur Dubé.

Je demande aux témoins de nous excuser. La sonnerie retentit, ce qui signifie qu'il y a un autre vote; cette fois-ci, c'est la sonnerie d'appel de 15 minutes, et nous avons donc environ dix minutes pour nous rendre à la Chambre des communes. Je tiens à remercier les témoins d'avoir comparu. Nous ne pouvons pas revenir parce que nous nous attendons à ce qu'il y ait 30 votes, ce qui pourrait prendre 45 minutes si l'on en arrive là; sinon, la nuit sera longue.

Je tiens à vous remercier. Nous sommes heureux que vous ayez participé à l'audience d'aujourd'hui. Si vous avez des observations à faire par écrit, à titre de suivi, au cours des deux prochaines semaines, nous les recevrons volontiers. Nous serons également très heureux de vous accueillir à nouveau à l'automne lorsque nous examinerons encore une fois ce dossier.

La séance est levée.