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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 13 février 2003




· 1335
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.))
V         Mme Joy Ikede (À titre individuel)

· 1340

· 1345
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Joy Ikede

· 1350

· 1355
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Kevin Arsenault (directeur général, PEI Association for Newcomers to Canada)
V         M. Zeke Eaton (membre du conseil d'administration, PEI Association for Newcomers to Canada)

¸ 1400
V         M. Joe Byrne (membre du conseil d'administration, PEI Association for Newcomers to Canada)

¸ 1405

¸ 1410
V         M. Kevin Arsenault

¸ 1415

¸ 1420
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne)

¸ 1425
V         Mme Joy Ikede
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Zeke Eaton
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Zeke Eaton

¸ 1430
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)

¸ 1440
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Zeke Eaton
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Zeke Eaton
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Joy Ikede
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Kevin Arsenault

¸ 1445
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Zeke Eaton
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

¸ 1450
V         M. Kevin Arsenault
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Joe Byrne
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Noel Ayangma (À titre individuel)

¹ 1515

¹ 1520
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma

¹ 1525
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma

¹ 1530
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy

¹ 1535
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Noel Ayangma
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral

¹ 1540
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Noel Ayangma
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

¹ 1545

¹ 1550
V         M. Noel Ayangma
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

¹ 1555
V         M. Noel Ayangma
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 032 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 février 2003

[Enregistrement électronique]

·  +(1335)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)) : Mesdames et messieurs, comme les autres membres de notre comité sont maintenant arrivés, nous sommes prêts à commencer.

    Je crois que nous disposons d'une heure et demie pour les exposés et les questions. Il se peut que nous n'ayons pas besoin de tout ce temps, mais cela nous permet de procéder de façon assez raisonnable.

    Nous entendrons tout d'abord Joy Ikede. J'ai demandé à chacun d'entre vous de faire un exposé s'ils veulent que leurs propos soient consigné au compte rendu du comité. Par la suite, nous allons discuter ensemble des points de vue que vous avez exprimés.

+-

    Mme Joy Ikede (À titre individuel): Bonjour. Je m'appelle Joy Ikede. Je travaille à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard en tant que conseillère d'étudiants étrangers. C'est à titre personnel, toutefois, que je comparais devant vous ce matin.

    Premièrement, j'aimerais remercier le comité de m'avoir invitée ou de m'avoir demandé de faire un exposé.

    Je n'ai pas de texte pour mon exposé. Je me suis limitée à prendre des notes sur les choses dont je voulais vous parler. Je ne savais pas trop de combien de temps je disposerais pour mon exposé. D'habitude, lorsque je fais un exposé, je ne l'écris pas parce que je sais que j'ai du mal à me relire et que je risque d'oublier quelque chose, Il y a aussi le fait que lorsqu'on distribue un discours les gens ont tendance à le lire plutôt qu'à écouter la personne. Vous savez maintenant pourquoi je n'ai pas de texte.

    La liste en ce qui a trait aux critères d'intégration et d'établissement figurait sur l'Internet. On y énumérait 10 points sur lesquels insister. Cependant, d'après mon expérience en tant que personne et immigrante au Canada, je vais présenter les problèmes qui se posent en ce qui a trait à la perception du public et les moyens de combattre la discrimination.

    Les immigrants qui viennent au Canada ont divers statuts. Certains y viennent comme réfugiés et d'autres parce qu'ils y ont un emploi. Ils ne pensent pas à ce que le public verra en eux, ce qu'il pensera d'eux ou à l'idée que se font d'eux les Canadiens qui sont déjà ici. Ce qu'ils pensent avant tout, c'est que le Canada est le meilleur endroit au monde où il fait bon vivre.

    Je suis convaincue que les gens pensent retrouver leurs semblables dans leur nouveau pays de sorte qu'il ne leur faudra que quelques jours pour s'installer après leur arrivée—c'est-à-dire s'ils connaissent la langue en usage. Cependant, faute de parler l'anglais, ils s'inscriront peut-être immédiatement à l'école pour apprendre la langue, pour se trouver un emploi et se faire ainsi accepter de leurs voisins.

    Nous voyons cela de ce pays-ci ou de ce pays-là, culturellement. Lorsque des étrangers arrivent dans notre pays, nous les accueillons si bien et les mettons tellement à l'aise que nous tenons pour acquis, je crois, que ce qui se passe dans notre pays se passera également dans le pays où nous allons. La question de la discrimination n'est pas une des grandes préoccupations des immigrants à leur arrivée.

    Lorsque nous parlons de perception du public, qu'entend-on par là? En consultant le dictionnaire ce matin, voici la définition que j'ai trouvée: «fonction par laquelle l'esprit se représente les objets», il s'agit «d'idées» ou «d'intuition». Par conséquent, lorsque nous voyons une personne ou un groupe de personnes, nous avons le sentiment que ce groupe est différent du nôtre et d'après ce que nous avons entendu et vu, c'est ainsi qu'ils sont et voilà ce que nous pensons de qu'ils sont en mesure de faire ou non.

    Par conséquent, avant que le public n'entre en contact avec les nouveaux arrivants, il a déjà en tête des comportements et des caractéristiques. Qu'il ait ou non raison n'a pas vraiment d'importance. C'est la façon dont le public établit des rapports avec les nouveaux venus qui importe. Ce ne serait en tant qu'amis officiels. C'est comme çà. Et parce que c'est comme çà, l'intégration devient plus difficile pour les nouveaux venus étant donné qu'ils ont déjà été catalogués. Cela ne fonctionnera pas.

·  +-(1340)  

    Lorsque vous rencontrez une personne, qu'elle soit blanche ou noire, vous savez déjà comment elle va se comporter même avant de jeter un coup d'oeil à ses références. Même après avoir vu ses références vous lui poser la question suivante: «Êtes-vous certain que c'est votre travail?» ou «Nous avons examiné vos références, pensez-vous être en mesure de faire le travail?»

    Parce que l'établissement englobe tout, la façon dont vous vivez dans votre maison, vos sorties, la façon dont vous interagissez et tout le reste, étant donné la perception qu'a le public, la confiance que possédait dans leur propre pays un groupe particulier d'immigrants ou de gens qui viennent au Canada s'érode sans qu'ils le sachent vraiment. Une personne va vraiment se demander: «Est-ce que je suis vraiment à la hauteur? Est-ce que je vais être comme les autres personnes qui occupent l'emploi dont elles ont rêvé?»

    Juste ce matin, lorsque je me suis rendu au travail, l'université était fermée en raison du mauvais temps. J'y avais laissé mes documents. Je suis allé les récupérer et j'ai vérifié si j'avais des courriels. Voici ce que m'avait envoyé une amie. Elle ne sait pas que je vais faire un exposé, elle m'écrit comme d'habitude, parce que c'est le mois de l'histoire des Noirs.

    Voici ce qu'elle m'écrit: «Je suis noire et dans mon milieu de travail cela fait en sorte que ma gentillesse devient ma faiblesse. Si je me tais on pense que je suis muette. On considère mon unicité comme étrange. On dit que je m'exprime de façon argotique.»

    Et j'ai ajouté: «Lorsqu'on parle de la façon dont je m'habille on dit que je porte un costume. On considère ma confiance comme de la suffisance. Les fautes que je commets sont considérées des insuccès.»

    Alors que faisons-nous? Cela semblait être le contraire. Je vais vous donner certains exemples personnels.

    Je suis venu ici avec mes enfants. L'un de mes fils du genre extroverti a se rend compte un jour, à l'école, que ses amis avaient découpé des trous dans leurs jeans. Ils croyaient que cela faisait très tendance.

    Le lendemain matin j'ai constaté qu'il avait découpé son jeans. Je lui ai dit: «Où vas-tu avec ce jeans troué?» Il m'a répondu: «C'est ce que les garçons portent à l'école maintenant». Je lui ai répondu: «Si tu portes ce jeans à l'école, on dira que tu es un noir». La première chose qu'ils penseront c'est que tes parents ne peuvent t'acheter un jeans neuf. Ne me crois pas sur parole. Il a porté son jeans pour aller à l'école et on lui a demandé pourquoi son jeans était troué. Comme vous voyez, la perception a beaucoup à voir avec les rapports que nous avons avec les gens et à la façon dont nous réagissons avec les gens qui viennent d'ailleurs.

    Naturellement, sur les plans psychologique et affectif, les gens sont touchés par la façon dont les autres les perçoivent. Comme je l'ai dit plus tôt, vous ne pouvez faire de votre mieux parce que les gens s'attendent déjà à moins de votre part. C'est ce que j'essaie de dire.

·  +-(1345)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Les attentes.

+-

    Mme Joy Ikede: Les attentes. Je vous remercie. Les attentes sont très élevées dans notre cas même si nous sommes en mesure d'accomplir une excellente performance; toutes les fois que nous prenons des initiatives, cela est remis en question.

    Prenons par exemple le basket-ball. Nous savons tous que de nombreux athlètes noirs excellent dans ce sport. Ma copine, qui est allée en Suisse, est grande. À l'école qu'elle fréquentait on tentait de réunir une équipe de basket-ball et tout le monde se battait pour l'avoir dans son équipe parce qu'elle était grande et qu'elle était noire. Cette fille ne pouvait attraper une balle même si vous la lui lanciez, mais on pensait que parce qu'elle était noire elle était excellente au basket-ball.

    Il nous faut faire en sorte qu'au Canada les gens puissent être évalués en fonction de ce qu'ils sont, qu'ils soient noirs, blancs, bruns ou jaunes, de leurs connaissances. Il faut aussi faire en sorte que leurs compétences entrent en ligne de compte lorsqu' on prend tout en considération plutôt que de se demander de quel continent vient la personne, si elle parle bien anglais ou si elle a un accent que personne ne comprend. Tout le monde a un accent.

    Je suis allée voir un film britannique avec une Canadienne. J'ai du servir d'interprète parce qu'elle ne comprenait pas l'accent britannique. Si vous avez un Britannique et un Yougoslave, une Ukrainien, un Tchèque, un Nigérian ou un Africain de l'Est, vous savez que la priorité sera accordée au Britannique parce que, tout d'abord, il est blanc et que personne ne conteste ses compétentes lorsqu'il présente ses références.

    La discrimination résulte de cette perception. C'est bien d'être perspicace parce que cela vous éclaire. La perception, mal utilisée, devient de la discrimination. Vous devez voir les choses telles qu'elles sont. Vous devez être justes lorsque vous avez affaire à des personnes. Nous ne demandons pas que quiconque fait une demande d'emploi obtienne l'emploi en raison d'un système de quota. Il peut arriver que la personne ne puisse faire le travail.

    Le Canada est un pays multiculturel et nous sommes tous des immigrants. Il va sans dire que certains sont arrivés les premiers--parce que les Autochtones ne sont pas ici maintenant bine qu'il y en a peut-être un dans cette salle. Certains d'entre vous sont arrivés avant moi, mais je suis arrivée avant d'autres.

    Cette terre, qui n' appartenait pas à nous tous à l'origine, nous a été donnée pour que nous y vivions, pour que nous évoluions et pour que nous travaillions de manière à permettre à tout le monde de réaliser le dessein de Dieu. Nous devons nous encourager les uns les autres, nous faire confiance et croire en nous mutuellement. Le problème qui se pose à l'heure actuelle dans le monde c'est que nous ne nous faisons pas confiance les un les autres. Nous croyons être tellement mieux que l'autre, nous croyons avoir tellement de pouvoirs et tellement de choses à dire que nous pouvons imposer nos volontés à tous.

    Nous ne pouvons tous être au sommet. Il y a des personnes qui sont heureuses au bas de l'échelle. Mais comme ces personnes sont heureuses de se trouver là, ne leur rendons pas la vie plus difficile parce qu'elle voudra avoir sa dignité dans ce qu'elle accomplit.

    En naviguant sur l'Internet j'ai lu des textes écrits par quelques élèves de cinquième année aux États-Unis. L'un d'entre eux disait:

Tout le monde devrait être traité sur un pied d'égalité peu importe son sexe, sa race ou sa religion. Nous savons que nos actions et les choix que nous faisons peuvent modifier le cours des choses. Nous devrions tous accepter nos différences et être les personnes que nous sommes vraiment. Ce qui importe, c'est ce que nous sommes vraiment au plus profond de nous-mêmes.

    Ce texte a été écrit par Aaron, un étudiant de cinquième année de l'École Parkway aux États-Unis.

·  +-(1350)  

    Nous constatons que les préjugés ne connaissent pas de frontière et nous nous demandons: «Que pouvons-nous faire pour les combattre?» Cela devrait commencer chez les individus, parce que, lorsque je regarde les gens, je m'imagine ce qu'est cette personne, ce que vous êtes, ce que tout le monde est. Cependant je dois transmettre cette impression à quelqu'un d'autre. Si je dis: «Regardez-là, voici ce que j'en pense. D'une façon ou d'une autre, même un tant soit peu, cela aura un effet sur la façon dont les personnes vont se comporter avec elle.»

    Il y a aussi la façon dont nous élevons nos enfants à la maison, ce que nous leur disons, ce qu'ils voient, ce qu'ils entendent, ce qu'ils font; des influences marquent leur avenir, leur comportement à l'extérieur et au travail. Si seulement nous traitions tout le monde sur un pied d'égalité. Si je devais travailler au sein d'une chambre de commerce ici et si on ne me regardait pas comme une femme noire du tiers monde qui ne connaît rien, même si j'ai un diplôme universitaire et un diplôme d'études supérieures, je dirais: «Je suis l'une d'entre elles.» Cela m'inciterait à faire de mon mieux. Si nous mettons tous l'épaule à la roue, l'entreprise en profite au même titre que le gouvernement et le soir je rentre heureuse à la maison. Je ne me plaindrai pas qu'on m'ait fort mal traité. C'est le traitement qu'on me réserve qui me permettra d'avoir des contacts avec des gens de l'extérieur, de me dire que nous sommes tous des êtres humains, des créatures de Dieu, que nous sommes tous égaux et que je peux être bonne avec tout le monde, peu importe à qui j'ai affaire.

    En outre, le gouvernement, en tant que parent, devrait adopter des politiques qui favorisent tout le monde peu importe leur pays d'origine. Le gouvernement est le père et la mère du peuple de sorte que ses politiques ont une incidence sur nous d'une manière ou d'une autre. Si le gouvernement a l'impression que les gens sont différents et qu'ils devraient pour cela être traités différemment et ainsi de suite, cette perception se répand en quelque sorte et tout le monde emboîte le pas. Par conséquent, la collectivité et l'école, par l'entremise de ses programmes, devraient s'efforcer de faire connaître les autres cultures étant donné que le Canada est un pays multiculturel. Si on enseigne aux élèves que nous sommes tous les mêmes, en dépit du fait que nous voyons et faisons les choses différemment, les enfants grandiront en entretenant des rapports d'égal à égal avec leurs propres condisciples.

·  +-(1355)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Joy. Vous avez réussi à très bien exposer vos préoccupations. De façon générale, il est vrai que tous les rapports humains influencent la façon dont chacun perçoit l'autre, réagit à l'autre et lui accorde du mérite. Nous devons toujours garder cela en tête, non seulement en ce qui concerne les immigrants, mais aussi toutes les personnes, comme vous l'avez si bien fait remarquer. Merci.

    Je vais céder la parole à Kevin. Kevin, je crois que vous êtes accompagné de Zeke et de Joe.

    Les trois, Kevin Arsenault, Zeke Eaton et Joe Byrne, comparaîtront ensemble.

    Je crois savoir, Kevin, que vous allez effectuer la majeure partie de l'exposé, mais que Joe et Zeke parleront un moment des cartes d'identité.

+-

    M. Kevin Arsenault (directeur général, PEI Association for Newcomers to Canada): À l'instar de Joy, je tiens à signaler que nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous. Il est très rare que des comités permanents viennent à l'Île-du-Prince-Édouard. Vous faites aujourd'hui l'expérience de notre climat hivernal. La plupart des gens connaissent l'Île-du-Prince-Édouard pour ses terrains de golf et ses plages, mais il y a un autre côté à la vie dans l'île.

    Nous connaissons le large éventail de questions à propos desquelles le comité a été chargé de recueillir des commentaires. De toute évidence, nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour entrer dans les détails ni même pour aborder toutes les questions au sujet desquelles nous aimerions formuler des commentaires. Étant donné le temps restreint, nous allons commenter seulement deux questions qui nous tiennent à coeur: la carte d'identité et la Loi sur la citoyenneté.

    Avant de passer aux principaux sujets qui nous préoccupent, à savoir l'établissement, l'intégration, la situation actuelle et les perspectives d'avenir dans l'Île-du-Prince-Édouard, je vais céder la parole à deux des membres du conseil d'administration de la P.E.I. Association for Newcomers to Canada. Zeke Eaton fera certains commentaires sur la carte d'identité proposée.

+-

    M. Zeke Eaton (membre du conseil d'administration, PEI Association for Newcomers to Canada): Permettez-moi d'abord de dire qu'il s'agit d'un privilège d'avoir la chance de m'adresser au comité. Je ne serai pas long. La nouvelle récente concernant la possibilité que le gouvernement du Canada mette en place une carte d'identité nationale nous préoccupe particulièrement. Il semble clair que cette initiative découle d'une décision des États-Unis d'exiger que tous les voyageurs qui entrent dans ce pays détiennent une carte d'identité comportant des renseignements biométriques, comme des empreintes digitales ou rétiniennes ou autres.

    Il est intéressant que le ministre Coderre ait demandé au comité d'évaluer quels renseignements biométriques devrait contenir la carte et si la nouvelle carte devrait être optionnelle ou obligatoire, plutôt que d'évaluer si des renseignements biométriques devraient premièrement être utilisés.

    Je dois dire que je suis fortement contre les cartes d'identité, surtout les cartes obligatoires. Depuis que je suis petit, j'associe les cartes d'identité aux régimes répressifs des pays de l'Est. Quelques pays les utilisent à mauvais escient. L'Australie a tenté de mettre en place une carte d'identité nationale et s'est retrouvée avec une quasi révolution sur les bras. Un certain nombre d'autres pays ont envisagé la possibilité de mettre en place une carte d'identité nationale.

    J'ai parlé des États-Unis qui demandent que chaque personne qui entre dans ce pays possède une carte d'identité comportant des renseignements biométriques. Cela me paraît tout à fait impossible. Il est probable que le Canada essaie d'instaurer une telle carte. Or, le Canada a aussi essayé d'enregistrer les armes à feu. Nous savons tous que cette initiative s'est avérée être un fiasco. Je ne veux pas parler de cette question-là, mais je dois dire que si nous allons de l'avant avec la carte d'identité, nous serons confrontés à un cauchemar d'ordre logistique beaucoup plus important.

    Le Canada pourrait accroître les exigences en matière de passeport et améliorer la sécurité du système des passeports. À l'heure actuelle, les passeports canadiens sont bien reconnus dans le monde. Nous savons qu'il y a eu certains cas d'abus, mais il ne s'agit pas du genre d'abus réalisés par la mafia. Ce sont des abus officiels commis par certains États. Un pays du Moyen-Orient, qui est un exemple connu, a commis un abus il y a quelques années. Lorsqu'il s'est fait prendre, il a promis de ne jamais récidiver, mais nous continuons de trouver d'autres cas dont on parle moins. Il s'agit simplement de cas d'abus liés aux passeports.

    Une carte d'identité peut être aussi facile à contrefaire qu'une carte de crédit. Nous sommes au courant des fraudes de cartes de crédit qui ont eu lieu au cours des cinq à dix dernières années, surtout des cas survenus récemment. Les criminels de partout dans le monde utilisent des techniques aussi complexes que le gouvernement.

    Je n'arriverai jamais à traiter de la question de l'atteinte à la vie privée aussi bien que l'a fait le commissaire à la protection de la vie privée. Je ne vois pas comment l'atteinte à la vie privée peut contribuer à améliorer la sécurité nationale. Si c'était le cas, les États-Unis adopteraient probablement une carte de sécurité. En fait, les États-Unis ont récemment adopté la Patriot Act, qui comporte un article sur les cartes d'identité. L'article précise qu'aucune disposition de la loi doit être considérée comme encourageant ou autorisant la mise en place d'une carte d'identification personnelle. Même les États-Unis reconnaissent que l'attribution d'une carte à la population va à l'encontre de la démocratie.

¸  +-(1400)  

    Nous décrivons la société canadienne comme étant libre et démocratique, mais, au fil du temps, cette description deviendra moins juste si nous permettons cette atteinte à notre vie privée, à notre sécurité personnelle, à notre liberté de nous déplacer et à notre liberté de garder privée notre vie privée.

    J'en ai probablement dit assez pour l'instant et je crois que le comité comprend mon opinion à propos de l'attribution d'une carte à la population. J'estime que tous les membres de la société devraient très vivement s'opposer à une telle initiative.

    Merci.

[Français]

+-

    M. Joe Byrne (membre du conseil d'administration, PEI Association for Newcomers to Canada):

    Je vous remercie d'être ici avec nous aujourd'hui. C'est dommage que vous ne puissiez pas visiter les autres coins de l'île et faire connaissance avec les gens, mais au moins, nous, membres de l'association, essayons de vous apporter matière à réfléchir sur notre expérience avec les immigrants ici.

[Traduction]

    Pour faire suite aux propos de Zeke, je dois dire que je ne peux imaginer pire dans notre pays que l'obligation de porter une carte d'identité comportant des renseignements biométriques afin de pouvoir être arrêté à tout moment. Ce sujet soulève de nombreuses questions connexes.

    Le simple fait de penser que quelqu'un puisse tenter de nous arrêter sur la rue pour vérifier nos renseignements biométriques me donne des frissons. J'ose espérer que les parlementaires, au terme de l'examen qu'ils feront de la question, constateront que la mise en place d'une carte d'identité va de pair avec la création d'un climat de peur.

    Mes commentaires à moi portent davantage sur le projet de loi C-18, la Loi sur la citoyenneté. Nous sommes ravis du ton général du début du projet de loi. Nous constatons que les gens qui viennent s'établir au Canada ont hâte d'assumer les droits et les responsabilités que confère la citoyenneté canadienne.

    Le projet de loi traduit les valeurs canadiennes, qui sont parfois indéfinissables. Cela est rassurant pour les personnes qui arrivent de pays en guerre ou dont la famille a été désunie et qui doivent s'occuper de nombreuses questions à leur arrivée. Si ce ton pouvait être maintenu tout au long de la loi, cela nous donnerait espoir. Cela nous porterait également à penser que nous pouvons prendre soin les uns des autres, non seulement au pays, mais dans le monde.

    Nous sommes préoccupés par le fait que ce soient des personnes en vase clos, surtout des hommes, qui prennent des décisions à propos de la vie des gens sans l'existence d'un mécanisme de freins et de contrepoids, comme c'est le cas normalement dans un système juridique.

    Malheureusement, même si le projet de loi est censé refléter les intérêts des citoyens, il demeure que l'article 17 permet à un juge de la Cour fédérale de révoquer la citoyenneté d'un Canadien sans que cette personne puisse entendre la preuve où en appeler de la décision. Cet article devrait être supprimé.

    En outre, le fait que le ministre ait le droit d'annuler la citoyenneté d'une personne sans transmettre à celle-ci toute la preuve, et non pas un résumé, est inacceptable. Cela va à l'encontre de l'application régulière de la loi et ne respecte pas les normes de la justice en matière de procédure que nous devrions suivre au Canada.

    Les articles 21 et 22 confèrent au Cabinet le pouvoir de refuser d'accorder la citoyenneté à une personne sans une audience. Je voudrais que le comité recommande au ministre de supprimer ces articles. Le fait que le ministre puisse, dans bien des cas, prendre des décisions du fait du poste qu'il occupe ne pose pas de problèmes. Révoquer ou annuler la citoyenneté ne devrait pas être fait sans que la personne qui en souffrira puisse confronter directement l'accusateur et répondre directement à la preuve présentée. Le pouvoir conféré au ministre dans le projet de loi est très différent du pouvoir qu'il possède de renverser une décision de refuser l'attribution d'un visa de visiteur à une personne. C'est tout à fait différent.

    Je crois qu'il est assez clair que notre engagement envers l'équité doit être non seulement décrit dans la loi, mais aussi perçu comme existant. Dès que nous accordons la possibilité au ministre ou aux juges de la Cour fédérale d'examiner la preuve à huis clos et de présenter des résumés sans préciser l'origine de la preuve ni sans permettre à la personne concernée d'en appeler de la décision, je crois que nous risquons de contribuer à la dégradation de la citoyenneté canadienne.

¸  +-(1405)  

    En tant que citoyens, nous devons reconnaître que nous avons tous des droits et des responsabilités, notamment le droit d'en appeler des décisions qui vont à l'encontre de notre intérêt. C'est ce que j'avais à dire au sujet de la citoyenneté.

    La situation générale de l'immigration et de l'établissement est une question qui déborde peut-être du sujet qu'étudie le comité aujourd'hui, mais Kevin vous parlera un peu de nos programmes d'établissement et d'adaptation.

    J'encourage le comité à élargir la définition de la «catégorie de la famille», qui a été restreinte après 1993. Zeke et moi-même faisons partie d'un comité formé de cinq membres ici même à Charlottetown qui s'occupe du cas d'immigration d'un fils qui est marié et qui a des enfants. Puisqu'il n'entre pas dans la catégorie de la famille, il ne peut être automatiquement parrainé. Il doit suivre le processus habituel. Nous allons probablement tenter de faire en sorte que le ministre accorde une dérogation à un moment donné.

    Ce qui m'attriste le plus, c'est que, dans ce cas-ci, une famille de cinq personnes du Salvador pourrait venir au Canada. Elle bénéficierait de beaucoup de soutien communautaire. Le comité dont nous faisons partie a réussi à recueillir des fonds ainsi qu'à fournir un logement, des vêtements et une aide à l'intégration et à l'établissement. Mais parce que la famille n'a pas réussi l'examen d'anglais à l'ambassade au Salvador, elle n'est pas admissible. Pourtant, nous avons eu une conversation téléphonique en anglais.

    Il s'agit d'un groupe de personnes qui sont disposées à venir au Canada, à devenir des membres de notre collectivité et, au bout du compte, à obtenir les droits et les responsabilités que confère la citoyenneté canadienne. Ce sont des personnes qui pourraient bénéficier de tout le soutien voulu et apporter une contribution à la collectivité, comme Joy l'a signalé. Si nous faisions tomber certaines idées préconçues...

    Nous faisons face à un mur, car la définition de la «catégorie de la famille» est trop restreinte. Je vous encourage à l'élargir. Cela concorderait très facilement avec la stratégie fédérale-provinciale visant à accroître l'immigration, étant donné surtout le soutien que nous pouvons offrir.

    Je vais céder la parole à Kevin.

¸  +-(1410)  

+-

    M. Kevin Arsenault: Merci, Joe.

    La P.E.I. Association for Newcomers to Canada est l'une des deux seules organisations de l'Île-du-Prince-Édouard qui fournissent des services directs aux immigrants et aux réfugiés. Toutes deux sont établies à Charlottetown. À la différence de nombreux autres organismes fournissant des services d'établissement, nous sommes un organisme provincial.

    Gardez cela en tête, car un des problèmes en général est que notre capacité à fournir des services aux immigrants et aux réfugiés établis dans les régions rurales et les petites villes est limitée en raison de la répartition nationale des fonds, qui nous contraint à fournir des services presque exclusivement à Charlottetown.

    Le Holland College offre des cours de langue à l'intention des nouveaux arrivants au Canada dans le cadre du programme CLIC de Citoyenneté et Immigration Canada. Notre association offre des services en vertu de cinq contrats de service différents conclus avec des ministères fédéraux, dont quatre sont conclus avec Citoyenneté et Immigration Canada. Je suis certain que le comité les connaît tous très bien. Il s'agit des contrats relatifs au Programme d'aide au réétablissement, au Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes des catégories précisées, qui est géré par la Direction générale de l'établissement de Citoyenneté et Immigration, qui est distincte de la Direction générale de l'intégration, qui elle gère les autres programmes, à savoir le Programme d'établissement et d'adaptation des immigrants et le Programme d'accueil.

    Notre tâche est très complexe, car nous devons veiller aux besoins des réfugiés et des immigrants, voir comment nous pouvons les aider et, essentiellement, faire en sorte qu'ils deviennent des membres de la société. Nous avons mis un certain temps à comprendre le fonctionnement du financement et le fait que les programmes ne sont pas financés selon le même modèle, car il existe deux modèles nationaux de répartition des fonds.

    Puisque nous recevons du financement de deux directions générales distinctes de Citoyenneté et Immigration Canada en vertu de ces deux modèles nationaux, un certain nombre de problèmes sont survenus, problèmes que nous devons comprendre et régler.

    Nous demandons au comité de reconnaître que les modèles sont fondés sur une approche d'économies d'échelle et sont davantage adaptés à des provinces beaucoup plus grandes, comme l'Ontario. Mais compte tenu de la taille de notre province, du nombre d'immigrants et de réfugiés qui viennent s'établir à l'Île-du-Prince-Édouard chaque année et du fait que notre association soit sans but lucratif, nous constatons que les modèles de financement ne tiennent pas compte des coûts nécessaires pour maintenir notre organisme viable.

    Le fait est que notre association a envisagé sérieusement à maintes reprises de cesser ses activités. Si tel était le cas, il n'y aurait plus aucun organisme de services d'établissement à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons adopté une nouvelle stratégie au cours des dernières années. Nous avons tenté d'accroître notre financement, au même titre que de nombreux agriculteurs qui travaillent à l'extérieur de leur ferme pour accroître leurs revenus agricoles décroissants afin de maintenir leur entreprise en vie.

    Nous avons obtenu davantage de fonds pour nos services d'établissement en présentant deux fois plus de projets à une vaste gamme de fondations et de ministères. Nous avons accompli un bon travail, ce qui nous a donné davantage de crédibilité, mais nous n'avons pas réglé le principal problème des modèles de financement.

    De toute évidence, nous ne disposons pas d'assez de temps pour entrer dans les détails, mais je vais vous donner deux exemples qui vous donneront une idée de l'ampleur du problème et, dans certains cas, de l'absurdité des conséquences.

    Les fonds accordés pour les services d'établissement à l'Île-du-Prince-Édouard sont plus élevés par habitant que dans tout autre endroit au pays. Donc, lorsqu'on examine les sommes attribuées à chaque province et le montant par habitant, nous faisons bonne figure. Mais en réalité, les fonds attribués dans le cadre du Programme d'établissement et d'adaptation des immigrants ainsi que du Programme d'accueil ne sont pas suffisants pour payer le salaire d'un employé à plein temps. Même si nous sommes le seul organisme de notre genre, nous recevons une somme qui nous permet de rémunérer notre coordonnateur du Programme d'établissement et d'adaptation des immigrants pour 18 heures par semaine seulement.

    Dans le cas du Programme d'aide au réétablissement, la situation est pire. Nous pouvons rémunérer le coordonnateur que pour 12 heures par semaine. Nous avons donc combiné les deux postes en un seul, et pourtant notre employée ne travaille encore qu'à temps partiel, soit 30 heures par semaine. C'est une tragédie, car si une personne appelle un vendredi, nous devons soit trouver un bénévole soit faire entrer notre employée, qui doit effectuer quelques heures supplémentaires. La situation est à ce point absurde pour ce qui est de répondre aux besoins de base.

¸  +-(1415)  

    Par surcroît, puisque les modèles nationaux d'allocation d'établissement fournissent le financement voulu pour les postes de superviseur ou de directeur seulement si un certain nombre d'employés à temps plein s'occupent du PÉAI et que ne disposons pas de suffisamment de financement pour un employé PÉAI à temps plein, la seule agence d'établissement de l'Île-du-Prince-Édouard ne bénéficie d'aucun financement pour un poste de direction. Telle est la situation relative à l'exécution générale du PÉAI.

    Dans le cas du PAR, les formules sont déterminées sans qu'il ne soit tenu compte de la réalité par opposition à la théorie. Permettez-moi de vous donner un exemple.

    En vertu du modèle d'allocation du PAR, qui établit le nombre d'heures financées pour chaque tâche, une seule heure est prévue pour la séance d'accueil. Or, d'après notre expérience, cela ne peut jamais se faire en moins de trois heures. Le financement ne prévoit pas non plus l'heure ou les heures de travail requises pour prendre les rendez-vous à l'avance, préparer les chèques d'allocations alimentaires temporaires, etc., le temps nécessaire pour se rendre à l'aéroport, l'attente, la rencontre, la réservation de taxi et le transport jusqu' l'hôtel, la collecte de renseignements préliminaires et l'organisation des rendez-vous suivants. Tout cela prend de trois à cinq heures au minimum. Une heure est prévue et elle fait partie des 18 heures en question; pourtant, nous devons y consacrer de trois à cinq heures alors que le modèle n'en prévoit qu'une seule.

    Dernier exemple, le modèle d'aide PAR prévoit 25 $ par unité familiale, ce qui correspond à moins de deux heures de travail pour aider les réfugiés à se trouver un logement permanent. Il n'y a pas de transport public à Charlottetown; par ailleurs, le taux d'inoccupation des appartements est très bas. Nous devons passer beaucoup de temps, parfois pendant plusieurs jours, voire même pendant des semaines, avant de trouver les appartements voulus, prévoir les rendez-vous afin de faire visiter ces appartements aux réfugiés parrainés par le gouvernement. Nous ne nous en sortons jamais, je pense, à moins de cinq heures en moyenne si pas plus, et pourtant une seule heure est prévue.

    Nous comblons les déficits à pratiquement chaque étape du modèle et nous faisons tout pour qu'il fonctionne, mais évidemment, c'est impossible et il suffit d'examiner de près la question pour s'en rendre compte. Je le dis simplement pour que le comité comprenne la gravité de la situation.

    Nous déployons tous les efforts possibles localement. En fait, nous avons établi de très bons rapports avec le gouvernement provincial qui, en raison d'un récent programme provincial de candidats, s'emploie à amener un nombre important de gens d'affaires immigrants. Le gouvernement provincial s'intéresse à leur établissement et recherche les moyens d'endiguer l'exode des gens d'affaires immigrants puisque, bien sûr, le taux d'exode de l'Île-du-Prince-Édouard est très élevé, comme c'est le cas de nombreuses régions du Canada Atlantique.

    De concert avec le gouvernement provincial, nous faisons actuellement une analyse systématique de ces deux modèles d'allocation afin de faire des recommandations à propos de ce qui, à notre avis, fonctionnerait compte tenu de la situation unique de l'Île-du-Prince-Édouard. Bien que cela se fasse à très petite échelle, et qu'il ne s'agisse pas de grosses sommes, il faut assurer la prestation de ce programme et le cibler de diverses façons. Nous ne pouvons nous appuyer sur ce modèle. Même s'il existe un taux factoriel en ce qui concerne les réfugiés, il ne cadre absolument pas avec les services que nous sommes tenus d'offrir.

    L'Île-du-Prince-Édouard affiche le plus haut pourcentage de réfugiés au pays par rapport au nombre global des nouveaux arrivants immigrants. Même si d'autres compétences reçoivent beaucoup d'argent à cause du nombre global des nouveaux arrivants, elles reçoivent peu de réfugiés, si bien que la demande de services est bien moindre. En fait, d'après une analyse comparative schématique que j'ai faite, nous recevons environ un quart des fonds—et je ne vais pas nommer l'autre ville—en raison des chiffres provinciaux relatifs au nombre global des nouveaux arrivants qui sont pris en compte dans ce modèle d'allocation.

    Le message le plus important que nous désirons transmettre au comité aujourd'hui, c'est qu'il est essentiel que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et d'autres ministères fédéraux participent aux prochaines discussions et négociations avec le gouvernement provincial de l'Île-Prince-Édouard dans un esprit d'ouverture quant au besoin d'adopter des approches flexibles et sur mesure pour l'Île-du-Prince-Édouard. Cela peut ne pas donner lieu à des fonds supplémentaires, mais peut-être à une autre façon d'assurer la prestation de ces services.

    C'est ce qui doit être fait si les modifications requises sont apportées au modèle de financement. Des mesures corrigeant la prestation actuelle de services doivent être prises et le lancement de nouveaux programmes et services est instamment requis si l'on veut combler les lacunes existantes en matière de services.

¸  +-(1420)  

    Nous vous remettons une étude commandée par l'Association des nouveaux arrivants au Canada il y a un peu plus d'un an, qui souligne les lacunes des services offerts aux immigrants et aux réfugiés à l'Île-Prince-Édouard. et qui recommande l'adoption d'une stratégie de collaboration pour les combler.

    Je peux dire du fond du coeur que je n'ai jamais été autant impressionné par l'optimisme et même l'enthousiasme qui se manifestent à propos d'une telle approche de collaboration et, à mon avis, un tel consensus est possible uniquement parce que toutes les parties s'entendent sur le même objectif. Le gouvernement provincial tient absolument à augmenter le nombre d'immigrants et nous nous engageons à faire le meilleur travail possible et à offrir tous les services voulus. La plupart des organisations, des écoles et des universités souhaitent vraiment rendre la population de l'Île-du-Prince-Édouard moins homogène et plus diversifiée culturellement.

    Bon nombre de ces facteurs convergent, mais il faut que le gouvernement fédéral soit au premier plan de ce processus sur l'Île pour assurer la crédibilité du processus, même si beaucoup de ceux qui prennent les décisions relatives au financement, aux modèles, etc. sont loin d'ici. Nous croyons qu'un tel consensus déjà établi ici à propos d'objectifs communs permettra la réalisation de nos efforts.

    J'aimerais conclure en remerciant le comité de nous avoir entendu. Lorsque vous serez de retour à Ottawa et que vous entendrez les représentants des divers ministères parler des plaintes, des soucis et des demandes provenant de l'Île-du-Prince-Édouard, je vous demanderais de les situer dans ce contexte plus complexe, mais toutefois fort encourageant.

    Merci beaucoup.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard) : Merci, Zeke, Joe et Kevin.

    Je cède maintenant la parole à Diane pour les questions, ou à Madeleine, au choix.

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) : Nous vous remercions d'avoir présenté cet exposé aujourd'hui, Joy notamment, qui a si bien exprimé la nécessité pour nous de continuer à lutter contre la discrimination et à aider tout un chacun à comprendre que, comme vous le dites, nous sommes tous des êtres humains, en fin de compte.

    Un de mes beaux-frères qui est originaire du Nigeria est titulaire d'un doctorat après des études faites au Canada; il occupe aujourd'hui un poste important dans une agence au Manitoba. Il me dit que malgré son âge et son expérience, il vit trop de situations où il est dénigré ou n'est pas considéré de la même façon que les autres. Selon lui, c'est à cause de la couleur de sa peau et de son accent.

    Vous êtes le porte-parole non seulement de ceux qui viennent d'arriver au Canada, mais aussi trop souvent de ceux qui, comme vous et mon beau-frère ainsi que d'autres, sont ici depuis très longtemps et sont Canadiens dans tous les sens du terme. Il est bon que vous nous le rappeliez.

    J'imagine qu'on vous demande souvent de prendre la parole dans des écoles, etc., puisque ce que vous avez à dire est si important. Pouvez-vous me dire ainsi qu'aux autres membres du comité comment votre message est reçu et quel en est l'élément le plus convaincant? Que réussissez-vous le plus à faire comprendre?

¸  +-(1425)  

+-

    Mme Joy Ikede: La première chose qui frappe les gens, c'est ce qu'ils se rendent compte qu'ils ont eux-mêmes un accent, alors que par définition, l'accent est ce qui distingue les non-Canadiens. Lorsque vous commencez par dire que tout le monde a un accent, ils se rendent compte que c'est effectivement le cas.

    Par ailleurs, la plupart des gens ne se rendent pas compte du traumatisme émotif que subissent les immigrants qui essayent de s'adapter. On s'attend à ce qu'ils soient pareils aux autres, mais c'est impossible. Même les enfants d'une même famille ne sont pas identiques; mes quatre enfants n'ont certainement pas la même personnalité. En outre, on ne comprend pas toujours que le fait de faire les choses différemment ne signifie pas nécessairement qu'on ne les fait pas bien.

    Ce sont certains des facteurs à considérer; il y a bien d'autres choses auxquelles le Canadien moyen ne pense pas, parce qu'il est d'ici et que selon lui, rien ne doit changer.

    Mes auditeurs pensent donc que je mets l'accent sur ces différences et la plupart du temps, ils réagissent avec enthousiasme à ce que je dis; au bout d'une semaine cependant, tout redevient comme avant et personne ne pose plus de questions.

+-

    Mme Diane Ablonczy: En réalité, souvent nous ne voyons pas que nous avons tous un accent. Il y a quelques années, alors que je voyageais au Texas, quelqu'un m'a dit: «Vous êtes sûrement tous Canadiens, j'adore votre accent.» C'était assez amusant.

    Les remarques faites par Zeke au sujet de la carte d'identité nationale nous paraissent intéressantes. Vous savez sans doute que cette question fait aujourd'hui même l'objet d'un débat à la Chambre dans le cadre du jour des crédits. Vous tous qui habituellement regardez de près la chaîne parlementaire manquez ce débat, malheureusement. Je voulais simplement dire, Zeke, que beaucoup de parlementaires partagent vos préoccupations et si vous lisez le hansard de demain, je suis sûre que vous ne manquerez pas de vous en apercevoir.

    Je me demande simplement ce que vous disent les gens. Bien sûr, vous nous avez présenté un point de vue. S'agit-il d'une opinion personnelle? En avez-vous discuté avec d'autres? Nous voulons savoir ce que pensent les Canadiens à l'échelle du pays. Nous savons ce que vous pensez. Ce que vous nous avez dit correspond-il à ce que pensent d'autres personnes avec lesquelles vous auriez parlé? Avez-vous parlé à des gens qui sont en faveur d'une telle carte? Pouvez-vous nous dire ce que les gens en général, que vous avez rencontrés, pensent à ce sujet?

+-

    M. Zeke Eaton: Tout d'abord, permettez-moi de dire que cette association des nouveaux arrivants n'est pas le seul groupe auquel j'appartiens; dans mon église, nous avons un groupe de discussion que nous appelons le club des dinosaures, mais peut-être n'est-ce pas l'expression à utiliser.

+-

    Mme Diane Ablonczy: On pourrait parler d'amicale.

+-

    M. Zeke Eaton: C'est effectivement une amicale qui se compose essentiellement de personnes à la retraite ou en semi-retraite. Nous comptons parmi nos membres un ministre à la retraite de l'Église unie, un aumônier de l'Église unitarienne, un enseignant en activité, un enseignant à la retraite, un travailleur social à la retraite et un activiste écologique. Je pourrais poursuivre la liste. C'est un groupe assez diversifié malgré le petit nombre d'adhérents qui se réunissent deux ou trois fois par mois sur l'Île-du-Prince-Édouard.

    Dans le contexte international, compte tenu des initiatives prises en faveur de la guerre et de l'abandon des libertés personnelles, qui semblent relever de l'opportunisme si l'on pense aux événements tragiques des dernières années, nous sommes tous d'accord sur un point  : les cartes d'identité personnelle sont inutiles en matière de sécurité nationale et des plus utiles en matière d'enrichissement institutionnel. Il est pratiquement impossible d'assurer la sécurité et le caractère privé de toutes les données personnelles.

    Nous entendons parler depuis quelque temps de démarches relatives à la divulgation de renseignements personnels. Ainsi, il est proposé de permettre à Douanes Canada de recueillir des renseignements personnels et de les conserver pendant six ans dans l'espoir de pouvoir prouver quelque genre de délit d'action; ainsi, des citoyens nés au Canada pourraient se retrouver en prison, tandis que des citoyens non nés au Canada pourraient se retrouver sans aucun pays. C'est ce que nous trouvons très inquiétant. Comme je l'ai dit, je ne suis pas le seul à penser de la sorte et je n'ai pas entendu beaucoup de gens tenir des propos opposés à ceux que je tiens aujourd'hui.

    En plus de ce groupe, j'ai des contacts avec des gens d'autres régions du monde, comme en Amérique centrale et en Amérique du Sud. J'ai des amis originaires du Moyen-Orient. Je connais beaucoup de gens de divers endroits. En ce qui concerne les cartes d'identité, tous s'entendent pour dire que plus on retrouve de renseignements sur une carte d'identité, moins on jouit de liberté de pensée, de parole, de mouvement, de propriété, de n'importe quoi. Renseignements et liberté sont inversement proportionnels.

    Vous vous souvenez du livre1984; j'oublie toujours s'il a été écrit par George Orwell ou par un autre, mais, dans tous les cas, nous ne sommes plus en 1984. L'auteur pensait que ce qu'il décrivait allait bel et bien correspondre à la réalité de 1984; il s'est trompé; le processus a simplement débuté en 1984 et je pense qu'il va falloir attendre cinq ou dix ans de plus, si nous continuons sur cette voie, avant que sa vision de 1984 ne se réalise, mais en temps géologique, il s'agit d'une période assez courte par rapport à la durée d'une démocratie ou d'un empire. Trente ans représentent une période assez courte, mais il ne faut pas oublier que les empires naissent si la personne jouit de liberté, d'indépendance, d'intégrité et de responsabilité et qu'ils s'écroulent dès qu'une telle atteinte est portée à la personne, à l'humanité. Je pourrais bien sûr poursuivre, mais je risquerais de me répéter. Vous voyez certainement ce que je veux dire.

¸  +-(1430)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: Évidemment.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Nous en sommes à 10 minutes.

+-

    Mme Diane Ablonczy: D'accord; je n'ai plus droit à la parole? J'ai encore tant à dire.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): C'est possible, mais je crois que tout le monde doit avoir la possibilité de poser des questions.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.

    Joy, je vais commencer par vous. Je suis convaincue que vous êtes une excellente pédagogue; vous nous avez obligés à écouter ce que vous aviez à nous dire, ce qui me paraît très important. Félicitations pour votre présentation.

    Vous avez présenté une vision humaniste de ce que signifie accueillir les gens. Pendant que vous parliez, j'ai écrit sur un bout de papier qu'en fin de compte, vous voulez nous dire que vous souhaitez ce que chacun d'entre nous souhaite pour lui-même. On veut être bien traité et la seule façon d'y arriver, c'est de traiter les autres comme on voudrait qu'ils nous traitent. Généralement, ça fonctionne.

    Dans le cas des réfugiés et des immigrants, qui ont de très grands besoins mais qui veulent également participer à la croissance de la société dans laquelle nous vivons, les besoins en termes de soutien dépassent largement les sommes qui sont allouées.

    Si je comprends bien votre message, vous nous dites que vous avez la volonté et les valeurs qu'il faut pour mener à bien votre mission, mais qu'il vous faut cependant les fonds nécessaires. Vous nous demandez en quelque sorte d'être les porte-parole de vos besoins.

    On a déjà entendu, autant à Terre-Neuve qu'en Nouvelle-Écosse, des témoins nous faire part de leurs attentes. À mon avis, les membres du comité vont collectivement porter à l'attention du gouvernement des besoins qui sont réels et qui ont été exprimés de façon très juste. Maintenant, messieurs, c'est à votre tour.

    Je vais très brièvement parler de la carte d'identité. Je comprends tout à fait votre position et, justement, parce que je la comprends et qu'à certains égards je la partage, il m'apparaît essentiel de mener un important débat de société, non pas un débat d'un soir à la télévision ou un discours du ministre, mais un débat beaucoup plus large. À mon avis, cela devrait permettre à la population de faire le point sur les valeurs qu'elle trouve importantes.

    Quant à C-18, c'est une bonne loi dans son ensemble-- ici, c'est la députée de l'opposition qui parle--, mais comme toute loi, elle n'est pas parfaite. Nous avons beaucoup de réserves concernant les articles que vous avez mentionnés. Tout ce qui nous apparaît comme une modification très sérieuse face aux règles de droit qui font partie de notre réalité... Régulièrement, au Canada, que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard, au Québec ou en Ontario, il y a des crimes épouvantables qui sont commis, que tout le monde trouve effrayants. Mais tout le monde reconnaît également que ces personnes qui sont incriminées ont le droit d'avoir une défense pleine et entière, même si cela coûte des dizaines ou des centaines de milliers de dollars que nous devons payer, vous et moi. On sait cela. L'argument voulant que le coût de leur défense soit trop élevé est un faux argument, d'après moi, et c'est avec de tels arguments qu'on détruit un peu des valeurs démocratiques.

    Je pense qu'il va y avoir de beaux débats en Chambre sur C-18. Il y en a déjà eu, et ça va continuer. Allons-nous obtenir ce que nous voulons? Je pense que nous l'obtiendrons si les groupes de pression se font entendre de façon suffisamment forte. Et ça, c'est une responsabilité que vous avez en tant que citoyens.

    En ce qui concerne toute la question de l'établissement harmonieux des nouveaux arrivants, la volonté des intervenants nous apparaît très réelle. Le comté d'où je viens se trouve dans la région de Montréal qui est, comme vous le savez, un pôle d'attraction pour l'immigration. Dans mon comté, qui est situé juste au nord de Montréal, il y a beaucoup de nouveaux arrivants. Tous les mois, j'écris je ne sais combien de lettres à tous ces gens pour les féliciter de leur courage, non pas pour leur dire bravo parce qu'ils ont obtenu la citoyenneté canadienne, mais pour les féliciter de leur courage et leur dire qu'on a besoin d'eux.

    Il m'apparaît important qu'on puisse le reconnaître collectivement et faire sentir à ces nouveaux arrivants que la société a besoin de leur contribution, et non pas qu'on est bien obligés de les accepter. Il est important de reconnaître qu'ils nous font un cadeau dans le fond. D'habitude, quand quelqu'un nous offre un cadeau, on l'apprécie. En tout cas, il y a toute une réflexion à faire de la part de M. et Mme Tout-le-monde, malgré toutes les autres préoccupations qu'ils ont. Il est clair que ce sont des organismes comme les vôtres qui sont le mieux en mesure d'initier des programmes de sensibilisation. Et pour cela, il faut des sous, toujours des sous. On verra ce que le prochain budget nous réserve. Il est probable que nos séances seront différentes mercredi, après le dépôt du budget.

    Merci de votre participation. Je n'ai pas de questions. Si vous voulez réagir à mes propos, je suis sûre que le président va vous en donner l'occasion.

¸  +-(1440)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, Madeleine.

+-

    M. Zeke Eaton: J'aimerais faire une autre observation.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Allez-y.

+-

    M. Zeke Eaton: J'aimerais rappeler au comité une citation de Benjamin Franklin au cas où il ne l'aurait pas entendue--mais il l'a probablement entendue une douzaine de fois. Il y a bien longtemps, Benjamin Franklin a dit que quiconque est prêt à sacrifier sa liberté pour améliorer sa sécurité ne mérite ni liberté ni sécurité. À mon avis, c'est l'essentiel de ce que nous voulons dire à propos de ces cartes.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Joy.

+-

    Mme Joy Ikede: J'aimerais ajouter quelque chose à ce que vient de dire Kevin. Au début des années 90, j'étais membre du conseil d'administration de l'Association des nouveaux arrivants au Canada de l'Île-du-Prince-Édouard. Je faisais également partie du conseil multiculturel de l'Île-du-Prince-Édouard; je sais donc ce que vivent ces deux organismes actuellement.

    Pour que l'établissement fonctionne comme il le faut, surtout du point de vue de la perception du public face aux immigrants qui arrivent, qui essaient de s'établir pour mener une vie agréable, j'aimerais que votre comité essaie d'instaurer certaines mesures ou propose que le gouvernement lui-même se manifeste. À l'heure actuelle, l'Association des nouveaux arrivants au Canada s'efforce, avec le conseil multiculturel, qui n'arrive presque plus à survivre, de rédiger des propositions de projets. Ces organismes ne disposent pas des fonds voulus pour faire ce qu'ils souhaitent, comme par exemple lancer un programme ou organiser un atelier dans les écoles pour que les enfants fassent connaissance avec tous les nouveaux arrivants ou pour que la collectivité soit en mesure de les accueillir. Ils doivent maintenant rédiger des propositions et peut-être n'utilisent-ils pas le vocabulaire voulu qui leur permettrait d'obtenir des subventions, des fonds.

    Je demande que le gouvernement manifeste son intérêt et se préoccupe du bien-être de tous les nouveaux arrivants afin que ces organismes disposent des fonds voulus; le gouvernement pourrait alors dire: «Voici des fonds, pour le conseil multiculturel et c'est ce que nous voulons que vous fassiez de cet argent.»  Ou, s'adressant à l'Association des nouveaux arrivants: «Voici ce que nous voulons que vous fassiez de cet argent. Faites-nous un rapport des dépenses effectuées afin de sensibiliser les gens à la diversité de la population canadienne.» C'est ce que je demande, plutôt que de voir ces groupes se battre pour obtenir l'argent voulu pour leur travail.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard) : Merci, Joy.

    Kevin, avez-vous quelque chose à ajouter?

+-

    M. Kevin Arsenault: Non, je ne pense pas. Toutefois, la situation est cruciale. C'est comme si vous aviez une très belle voiture, mais que vous n'aviez pas les moyens de faire le plein d'essence. Vous ne pouvez plus rouler, c'est comme si vous n'aviez pas de voiture. Il semble que par moments, nous avons une très bonne voiture, mais qu'il est toujours difficile de faire le plein.

¸  +-(1445)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): D'accord. Peut-être pourrais-je revenir un peu en arrière et vous faire part des témoignages que nous avons entendus sur certains sujets, en plus du vôtre. À mon avis, la question est d'autant plus cruciale lorsqu'il s'agit de zones plus rurales, de provinces plus petites et de secteurs où le nombre global des nouveaux arrivants n'est pas énorme.

    Joy, vous avez très bien souligné les préjugés, le problème relatif aux attentes et le fait que les gens ne disposent pas de la structure d'aide sociale qui s'impose si nous voulons assurer leur réussite et leur progression.

    Je vous félicite tous de participer à l'élaboration d'une telle structure. C'est à mon avis le facteur clé dont dépend la réussite des nouveaux Canadiens. En même temps, beaucoup d'autres mesures s'imposent. Dans des collectivités plus petites comme celle-ci, ou encore à Halifax ou à St. John's, tous les témoins nous ont dit que le problème est causé par une extrême pénurie d'argent. De grands centres urbains comme Toronto, Vancouver et Montréal disposent de beaucoup d'argent, en raison des nombres, ce qui leur permet d'avoir des programmes très clairs, définis et distincts, si bien que toute la structure fonctionne bien.

    En même temps, ils n'ont peut-être pas autant besoin d'avoir recours à des bénévoles, en raison des structures d'aide sociale que l'on retrouve dans ces centres pour aider les nouveaux Canadiens. Par exemple, des gens qui parlent la même langue, qui forment un groupe uni, aident d'autres groupes de même nature dans ces grands centres, tandis que dans une ville comme Charlottetown, nous n'avons pas ce genre de concentration, si bien qu'il faut avoir recours à de nombreux bénévoles pour offrir cette aide, pour faire en sorte que les nouveaux arrivants ne se sentent pas isolés, pour prendre des mesures toutes simples afin que les nouveaux arrivants fassent partie intégrante de la collectivité; c'est pourquoi, les églises et tous ces genres d'organismes unissent leurs efforts dans ce sens.

    De mon point de vue, il faut examiner l'un des aspects cruciaux, c'est-à-dire voir ce que nous pouvons faire de différent dans les régions par rapport à ce qui se fait dans les grands centres qui disposent d'importantes structures d'aide. Il me paraît évident que l'éducation du public est extrêmement importante, comme l'a fait remarquer Madeleine, mais en plus, il faut tout faire pour que les personnes clés soient là pour assurer la coordination de tout cette aide sociale.

    Comme l'a fait remarquer Kevin, il est honteux de voir que le programme prévoit 30 heures de travail, alors qu'il faut probablement deux personnes à temps plein pour offrir l'aide voulue. Il faut comprendre que le programme offert à Charlottetown est très différent de celui proposé à Halifax; il ne s'agit pas seulement de chiffres, comme l'a si bien dit Kevin. C'est important.

    Si nous voulons réussir, je crois que chaque région du pays doit disposer de ces services essentiels. À St. John's, quelqu'un a proposé de prévoir ce soutien de base avant de régler les autres points. Que 20 ou 100 personnes participent au programme, il faut offrir certains services essentiels et supporter certains coûts de base.

    C'est ce que j'ai cru comprendre, mais il me semble que votre groupe ne l'a pas dit aussi clairement.

+-

    M. Zeke Eaton: Le CIC peut peut-être se pencher sur cette question durant les rencontres prévues au sujet de la stratégie d'établissement dans les petits centres. Une de ces rencontres doit se tenir à la fin mars dans le cadre de la conférence Metropolis qui aura lieu à Edmonton.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Premièrement, il est évident que nous ne répondons pas aux besoins et que nous ne cernons pas les besoins dans les différentes régions du pays. Nous affirmons être incapables d'attirer les immigrants dans les régions rurales et les petites villes. Nous n'avons rien compris. Manifestement, il n'y a pas que la dimension sociale.

    Deuxièmement, il y a la question de persuader ceux qui s'y établissent de rester, qui a été aussi soulevée, une question qui à mon avis est également névralgique si je me fie à ce qu'ont dit les témoins. Certains croient toujours que l'herbe est plus verte de l'autre côté de la clôture. Bien que les réseaux d'aide, la nature bienveillante de ceux qui travaillent avec les groupes d'anglais langue seconde et toutes ces choses soient très bons—et j'ai trouvé que le collège avait fait ce matin un bon exposé à ce sujet—, des bruits courent selon lesquels la communauté torontoise offre beaucoup plus.

    Donc, pour ce qui est de garder les nouveaux arrivants, ils s'établissent pour un temps, ils obtiennent le service minimal, ignorants du soutien personnel qu'ils obtiennent et, subitement, ils sont attirés ailleurs. Ce n'est pas bon pour les programmes non plus. Comment persuader ceux qui sont dans le système qu'il s'agit d'un réseau très précis d'aide qu'ils ne trouveront pas ailleurs? Il faut faire valoir les services qui sont offerts à Charlottetown et qui ne sont pas reproduits ailleurs.

    Kevin, vous alliez dire quelque chose.

¸  +-(1450)  

+-

    M. Kevin Arsenault: Ironiquement, et cela montre bien la sagesse de vos propos, la moitié environ des réfugiés parrainés par le gouvernement qui se laissent persuader que c'est mieux ici, de venir ici, une fois réinstallés à Edmonton, à Toronto ou à Vancouver, nous appellent ou communiquent avec nous pour nous demander si nous pouvons les aider à revenir à l'Île-du-Prince-Édouard. Je ne mens pas. Au moins la moitié d'entre eux le font. Ils n'avaient pas apprécié à sa juste valeur le contact personnel—parce que nous sommes une plus petite province—et le genre de services que nous pouvons offrir même si nous sommes à court de ressources. Cependant, nous avons accompli davantage avec les fonds dont nous disposions simplement en raison du besoin et du grand nombre de personnes bien intentionnées et de volontaires.

    Cependant, s'il faut répondre à une demande sensiblement accrue, nous en serons tout simplement incapables. Le problème posé par le bénévolat, c'est qu'il est efficace jusqu'à ce qu'il s'effondre, après quoi il n'y a plus rien parce qu'il n'existe pas d'infrastructure pour le soutenir.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Joe.

+-

    M. Joe Byrne: Au sujet justement de cette question de garder les nouveaux arrivants ici, j'essayais aussi de faire valoir un point quand nous avons parlé d'assouplir la définition de la catégorie des parents. Je ne suis pas trop sûr de la façon dont tout se déroulerait si l'assouplissement se faisait par région. Le groupe de cinq parrains exigés pour un parent qui n'est pas inclus dans la définition de la catégorie de parents est un exemple parfait de la manière dont on pourrait garder les nouveaux-venus dans une petite collectivité comme l'Île-Prince-Édouard Vous auriez toute une famille qui viendrait s'établir et, dès son arrivée, elle aurait du soutien par l'entremise non seulement des organismes communautaires, mais aussi de la famille et des amis qui sont déjà ici. Il est alors facile de convaincre les immigrants de demeurer ici.

    Je vais vous donner un exemple personnel, celui de mon épouse qui vient de la République dominicaine. Depuis que nous nous sommes installés ici en 1993, deux de mes belles-soeurs sont venues s'établir ici et un de mes beaux-frères s'apprête à le faire. Ils ne vont pas ailleurs, ils demeurent ici. Pourquoi? Parce qu'ils ont le soutien dont ils ont besoin ici. Surtout lorsqu'il est question du genre de soutien régional qu'on peut offrir, c'est là un domaine que nous pouvons examiner et nous demander comment nous pouvons assouplir la définition de la catégorie de parents de manière à promouvoir l'immigration dans certaines régions du pays.

    Nous avons déjà été aux prises avec cette situation, particulièrement avec les réfugiés de l'ex-Yougoslavie dont les familles ont été complètement désunies et dispersées un peu partout. Ils s'efforçaient d'établir ce genre de liens. Si nous pouvons offrir cette possibilité, une réunification de la famille plus étendue dans des endroits comme l'Île-Prince-Édouard, l'intégration se fera alors tout naturellement parce que c'est ici que la mesure va être efficace.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Joe, je vous remercie beaucoup.

    Donc, l'éducation du public ici est très importante et elle va au-delà, je suppose, de ce qui se fait actuellement. Il faut en faire beaucoup plus. Il faut faire beaucoup plus à l'appui des services offerts aux immigrants en particulier et au sujet du logement. On semble s'occuper raisonnablement de l'anglais langue seconde, mais d'autres services ne sont pas forcément en place, par exemple le réseau de soutien, les moyens de persuader les nouveaux arrivants de s'établir ici et les fonds nécessaires pour assurer le fonctionnement des programmes.

    Parlons tout d'abord des grandes questions. Je sais qu'il y a un certain désaccord en ce qui concerne la carte d'identité, et ma position diffère de celle de certains témoins. C'est bien évident.

    Le programme de conservation des données pendant six ans que vous avez mentionné, appelé NEXUS, contribue à faire en sorte que les biens franchissent facilement nos frontières et que nous maintenons le cycle économique. Pour cela, il faut approuver à l'avance le passage des camions, approuver à l'avance les entreprises et les camionneurs. Ces trois points gravitent autour de l'approbation préalable. L'inscription est facultative, mais si une entreprise doit assurer le transport d'automobiles et de pièces de Chrysler entre le Canada et le Michigan, elle voudra obtenir l'approbation préalable de manière à ne pas avoir à s'arrêter constamment à la frontière. Il existe donc un programme dans le cadre duquel la question a été examinée très sérieusement, les critères d'approbation préalable ont été fixés, de manière à ce que les biens et les matériaux puissent franchir aisément la frontière.

    Croyez-moi, un des grands problèmes avec lesquels est aux prises le Canada actuellement est la libre circulation des biens entre le Canada et les États-Unis. Le programme NEXUS est destiné à obtenir l'approbation préalable, de manière à ne pas avoir à s'arrêter à la frontière et de ne pas avoir à examiner chaque chargement qui la franchit. Les agents peuvent aller inspecter la marchandise à l'usine ou à bord du camion, les conteneurs sont ensuite scellés et ils peuvent entrer aux États-Unis. De la même façon, ils peuvent être inspectés là-bas, scellés et revenir ici.

    Manifestement, le conducteur du camion ne peut pas avoir un casier judiciaire, ce qui inclut toute sorte de choses, et c'est pourquoi il existe des approbations préalables spéciales, pour faciliter la satisfaction d'un besoin des entreprises en Amérique du Nord.

    J'ai examiné certains programmes qui ont été mis en place. Ils sont destinés à faciliter la libre circulation des biens et des personnes. D'où mon opinion au sujet de la carte d'identité  : elle permet la libre circulation des biens et des personnes et fournit une pièce d'identité convenable.

    Je sais que bien d'autres choses ont été dites à son sujet, mais je n'ai jamais pu faire le lien entre certains commentaires entendus et le véritable motif pour lequel ont été instaurées les approbations préalables, les cartes d'entrée et ainsi de suite.

    Je suppose que vous nous avez fourni de bonnes raisons d'examiner certaines questions qui sont soulevées. Nous vous en sommes très reconnaissants. Nous tiendrons compte de ce que vous avez dit.

    Je tiens à remercier vivement les membres du comité. Quelqu'un aimerait prendre une photo du groupe. Un autre témoin est prévu à 15 heures, de sorte que nous n'avons pas pris de retard. Je suis désolé de n'avoir pas pu vous donner plus de temps, mais nous disposions chacun de 10 minutes, ce qui a absorbé tout le temps dont nous disposions. Si nous ne travaillons pas rondement, nous allons manquer notre avion.

    Merci beaucoup, tout le monde.

¸  +-(1458)  


¹  +-(1513)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je tiens à vous remercier vivement de vous être présentés devant le comité. Ce fut un exercice fort intéressant que d'entendre diverses personnes nous exposer leurs idées et réflexions au sujet non seulement du projet de loi C-18, mais également de la carte d'identité.

    Je vois que vous avez un exposé à nous faire. Je pourrais peut-être vous demander de commencer, puis quand vous aurez fini, nous essaierons de dégager du temps pour que chaque membre du comité puisse vous poser quelques questions à son sujet.

    Noel Ayangma.

+-

    M. Noel Ayangma (À titre individuel): Merci.

    Comme l'a mentionné le président, je me nomme Noel Ayangma. Je suis président du P.E.I. Multicultural Council. C'est avec plaisir que je me présente devant votre comité pour exposer mes vues concernant la carte d'identité nationale. Je remercie également le comité de m'en fournir l'occasion.

    Étant originaire du Cameroun, en Afrique centrale, où une carte d'identité nationale est depuis longtemps utilisée, je peux comprendre ce qu'on tente de faire.

    La carte d'identité camerounaise est un document officiel imprimé sur du papier officiel. Elle est un peu plus petite que le passeport canadien et impossible à contrefaire. La carte d'identité nationale porte l'emblème du pays, ainsi bien sûr qu'un numéro de série tout aussi unique que le numéro d'assurance sociale l'est au Canada.

    En plus des empreintes digitales du porteur, elle inclut aussi la signature du commissaire de police qui est autorisé à la signer. Chaque citoyen de plus de 18 ans doit avoir une carte d'identité nationale et il commet une infraction s'il ne l'a pas constamment sur lui.

    Pour obtenir une carte d'identité, il faut passer par certaines étapes : d'abord en faire la demande, donc faire prendre ses empreintes digitales, puis attendre deux ou trois jours avant qu'on la délivre.

    La carte d'identité nationale est émise en fonction d'un certificat de naissance et sert à produire d'autres documents officiels comme le passeport, le permis de conduire ou les titres de compétence. Le document est aussi présenté lors d'examens officiels, pour les transactions financières effectuées dans les banques et ailleurs, durant des vérifications policières de routine et durant le couvre-feu. Tout le reste serait couvert par votre propre carte d'identité. Ce serait votre alter ego pour tout, partout.

    Il y a des années de cela, c'est-à-dire durant les années 60, en plus de la carte d'identité, il fallait aussi avoir un autre document, le laissez-passer, qui autorisait les citoyens à se déplacer d'une province à l'autre, d'une région à l'autre et d'un département à l'autre. Une fois que vous aviez votre carte d'identité, il ne fallait jamais partir sans elle. Si vous le faisiez, c'était à vos propres risques. Si la police vous arrêtait pour quelque raison que ce soit et que vous ne l'aviez pas sur vous, vous passiez la nuit en prison et aviez une amende à payer pour le privilège. Même là, ç'aurait été facile. Quelqu'un qui vous connaît aurait pu vous faire libérer en versant la caution.

    Bien que je puisse comprendre l'importance d'une carte d'identité nationale, j'ai de graves préoccupations au sujet du moment choisi pour l'instaurer et des raisons sur lesquelles s'appuient la durée et l'âge préconisés au Canada, notre pays.

    Au Canada, nous avons déjà un certificat de naissance et, dans le cas des Canadiens naturalisés, une carte de citoyenneté comprenant une photo. Ceux qui voyagent peuvent se procurer un passeport, et nous avons aussi le numéro d'assurance sociale comme identificateur. Il y a alors lieu de se demander pourquoi il nous faut en plus une carte d'identité nationale. Je n'en vois pas la nécessité.

¹  +-(1515)  

    La seule différence que je vois entre la carte d'identité camerounaise et celle du Canada en ce qui a trait à la sécurité est le fait qu'on ne prend pas les empreintes digitales des Canadiens lorsqu'on leur émet une carte d'identité. Pourtant, tout fonctionnait bien avant le 11 septembre. Il ne faudrait pas réagir à ce tragique événement en nous imposant des mesures contraires à nos valeurs.

    Nous sommes des Canadiens, non pas des Américains. Notre pays est un leader. Il jouit de beaucoup de sympathie partout dans le monde. Pour moi, c'est ici que tout s'arrête. Il n'existe pas d'autre pays où j'aimerais vraiment vivre. J'ai roulé ma bosse un peu partout, et c'est ici que j'ai décidé de m'établir. Je ne veux pas aller m'établir au sud. J'étais habitué au climat, en Afrique. Rien ne m'attire en Europe. Le seul endroit où je souhaite vivre, c'est ici.

    Je ne vais pas pousser plus loin, mais si vous voulez avoir une bonne idée de ce qu'est une carte d'identité et de ce que notre pays peut faire avec cette carte, vous n'avez qu'à vous reporter à ce que je viens de dire.

    Bien qu'en théorie, tout pourrait se faire sur papier, ne vous laissez pas leurrer. Il y a des ordinateurs dans tous les locaux d'accès restreint d'un immeuble où seul le personnel autorisé peut consulter les données et travailler à notre identité. Avons-nous vraiment besoin d'une pareille atteinte à notre vie privée?

    Bien sûr, les micropuces d'ordinateur, y compris les échantillons d'ADN, servent déjà à trouver les criminels. Aux États-Unis, on implante des micropuces dans les animaux. Oracle est prête à fournir au gouvernement la technologie sans frais, du moins le moins cher possible. En avons-nous vraiment besoin au Canada?

    Avant d'adopter le projet de loi à l'étude, il faudrait se demander s'il est nécessaire, par souci de sécurité et de sécurité personnelle, d'utiliser tous les langages de programmation et appareils disponibles sur le marché pour violer notre vie privée. Si l'on répond par l'affirmative, il faudrait alors se demander si de pareilles mesures représentent un bon moyen de dissuasion face à l'actuelle menace.

    Ce que j'ai vécu au fil des ans--les cartes d'identité nationales, les tragiques événements du 11 septembre et ainsi de suite--me font croire le contraire. En dépit des frontières lourdement gardées aux États-Unis, des gens continuent d'y entrer illégalement. Les gens continuent de tuer ou de se faire tuer d'une façon ou d'une autre. Il y a encore des terroristes aux États-Unis et ils continuent de représenter une menace pour la sécurité nationale. Des crimes sont commis avec toutes sortes d'armes qui ne sont pas des armes à feu. Des études le prouvent.

    Personnellement, je n'ai rien à cacher et rien de particulier contre le principe d'une carte d'identité nationale. Néanmoins, je suis contre le projet de loi à l'étude parce qu'il n'est pas bien justifié et qu'il vient davantage d'une réaction que d'un véritable besoin. Par ailleurs, il n'identifie pas clairement les personnes qui sont visées. Si c'est vrai, son objet premier serait donc tout autre.

    C'est tout ce que j'avais à dire. Je répondrai maintenant volontiers aux questions.

¹  +-(1520)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Monsieur Ayangma, je vous remercie.

    Je suppose que Diane sera la première à prendre la parole.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Oui. Merci, monsieur Ayangma. J'espère que je prononce bien votre nom.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): C'est M. Ayangma.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Ayangma, je vous remercie d'avoir pris la peine de venir témoigner ici aujourd'hui. Vous êtes le premier témoin qui a de l'expérience dans un pays où il existe une carte d'identité nationale. C'est très intéressant.

    Pouvez-vous me dire si, selon vous, la carte a contribué à la sécurité publique ou a empêché la commission de fraudes ou la dissimulation d'identité? A-t-elle fait baisser la criminalité au Cameroun? Pouvez-vous simplement nous donner une idée de ses effets?

+-

    M. Noel Ayangma: Comme je l'ai déjà dit, cette carte est une pièce d'identité très importante. Le Canada essaie de faire le contraire de ce que nous avons fait chez nous. La carte d'identité visait, à l'origine, à protéger les gens et à trouver les criminels. C'est la raison pour laquelle on doit prendre vos empreintes digitales pour vous remettre une carte d'identité. Personne ne s'y oppose, parce que le message est bien clair. Tout le monde l'accepte parce qu'on veut tous avoir une carte d'identité.

    Au Canada, je ne sais pas si nous avons tous besoin de cette carte, parce que nous avons déjà des pièces d'identité. Pour en avoir une, il faut accepter de faire prendre ses empreintes digitales. La carte d'identité va servir à d'autres fins, comme je l'ai dit. Donc, on a déjà vos empreintes digitales. Si on vous cherche pour une raison ou pour une autre, on peut vous trouver grâce à la carte d'identité. On peut se servir des empreintes digitales de la carte pour vous identifier. Sur le plan de la sécurité, c'est un document très important.

    La carte d'identité est très importante au Cameroun. On peut vous arrêter n'importe où et n'importe quand, et vous avez alors besoin de votre carte d'identité. Avec cette carte, on peut vous retrouver. Vous en avez aussi besoin pour obtenir un permis de conduire. Même si vous présentez votre permis de conduire, ce n'est pas suffisant. Vous devez avoir votre carte d'identité et elle doit correspondre à votre permis de conduire. Elle doit confirmer l'identité de tous les autres documents que vous avez. La carte d'identité est votre document de référence. Elle est très importante.

    Comme je l'ai dit, comment expliquer à nos concitoyens que c'est l'objectif de la carte d'identité? Je pense que beaucoup de gens considèrent qu'elle est proposée en réaction à quelque chose et non pour montrer que la sécurité est importante. C'est là le problème. Je ne suis pas entièrement contre, mais je ne sais pas quelle est l'idée derrière l'établissement de cette carte d'identité. C'est la question de la communication qui m'inquiète. Qui vise-t-on maintenant en proposant cette carte?

¹  +-(1525)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: Dites-vous que la carte d'identité permettrait à des gens de consulter une base de données leur donnant accès à toutes sortes de renseignements?

+-

    M. Noel Ayangma: Tout à fait. Comme je l'ai dit, la seule différence qui existe entre la situation actuelle ici et la situation au Cameroun, ce sont les empreintes digitales. C'est la preuve dont on a besoin. Avec cela, on peut vous retrouver. Si on vous cherche, c'est la première information qu'on va vérifier. Ici, au Canada, on a des passeports, sans empreintes digitales. On a un numéro d'assurance sociale, sans empreintes digitales. Depuis que je suis arrivé au Canada, on n'a jamais pris mes empreintes digitales.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Ne pourriez-vous pas dire que, si vous aviez fait quelque chose de répréhensible, il faudrait vous arrêter?

+-

    M. Noel Ayangma: Je suis tout à fait d'accord. C'est la raison pour laquelle je ne m'oppose pas à l'établissement d'une carte d'identité. Qui ciblons-nous, c'est là le problème. S'il est vrai qu'on cible seulement un petit groupe de gens, alors pourquoi imposer cela au reste de la population?

+-

    Mme Diane Ablonczy: Seriez-vous favorable à des banques d'ADN pour ceux qui ont commis des crimes graves?

+-

    M. Noel Ayangma: Je n'y vois pas d'inconvénient parce que je viens d'un pays où on doit accepter de faire prendre ses empreintes digitales à l'âge de 18 ans. Je crois également que ceux qui commettent des actes répréhensibles doivent être arrêtés. Notre pays est considéré comme un chef de file. Nous ne devrions pas laisser les criminels en liberté. Vous vous préoccupez seulement du respect de votre vie privée quand vous avez peur de quelque chose. Si vous me demandiez de vous montrer mes diplômes aujourd'hui, je n'aurais pas d'objection à le faire. Si je cache quelque chose, cela me poserait un problème.

    C'est la raison pour laquelle je dis que ce n'est pas la carte d'identité comme telle qui pose un problème. Il faut se demander pourquoi nous en avons besoin maintenant, et je pense qu'il faut l'expliquer aux gens.

¹  +-(1530)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: Pensez-vous que les gens au Cameroun se sentent plus en sécurité parce qu'ils ont une carte d'identité?

+-

    M. Noel Ayangma: Oui, parce que vous ne savez jamais quand on va vous arrêter. Il peut arriver qu'on m'arrête pour me demander ma carte d'identité et je ne réagis pas. C'est la même chose au Canada. Quand je vais à l'aéroport aujourd'hui et qu'on me demande ma carte d'identité, je ne réagis pas. Je suis heureux parce que les événements du 11 septembre ont eu cela de positif, étant donné que tout le monde est traité sur le même pied d'égalité. Que vous veniez de l'Europe de l'Est, de l'Irak ou de l'Iran, on demande à tout le monde de présenter sa carte d'embarquement comme pièce d'identité. Je la présente, je suis fouillé comme tout le monde et je n'ai pas d'objection. J'ai des objections quand on fouille un groupe de personnes et pas un autre. C'est ce qui cause des problèmes. La carte d'identité ne me pose pas de problème grave.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je suis un peu déroutée parce que vous semblez dire, dans votre exposé, ne pas vouloir que le Canada adopte une carte d'identité nationale.

+-

    M. Noel Ayangma: Non, ce n'est pas ce que je dis. Mon exposé a été bien clair. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il y ait une carte d'identité, mais je conteste sa raison d'être. Pourquoi avons-nous besoin d'une carte d'identité maintenant? C'est l'essentiel de mon exposé, parce que je ne pense pas qu'on l'ait expliqué clairement.

    Quand je suis arrivé au Canada, j'avais déjà une trentaine d'années et je n'avais jamais eu d'objection à avoir une carte d'identité. C'est un document que nous utilisons pour tout. Pour moi, ce n'est pas un problème, dans la mesure où elle est utilisée pour le bon motif.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Si sa raison d'être était la même au Canada, vous seriez en faveur d'une carte d'identité nationale pour tous les citoyens?

+-

    M. Noel Ayangma: Oui, bien sûr.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Vous êtes président d'une société multiculturelle. Je vous en félicite. Je sais que c'est un poste de confiance qui inspire le respect. Avez-vous parler de cette question aux autres membres de la société? Y a-t-il d'autres observations dont ils vous auraient fait part?

+-

    M. Noel Ayangma: Notre société lutte toujours pour l'égalité et la justice. C'est ce que j'ai dit. Si la carte d'identité est utilisée pour de bonnes raisons, pas pour cibler des groupes précis de la société, je ne pense pas que notre organisme aura d'objection. Il aura les mêmes inquiétudes que celles que j'ai exprimées aujourd'hui. Essayons-nous, avec cette carte, de poursuivre un petit groupe de personnes? L'objectif est-il d'assurer la sécurité nationale et non de cibler une minorité visible en provenance de l'Europe de l'Est? Je ne veux pas que cette carte d'identité serve à ce genre de choses.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Si le gouvernement affirmait qu'elle ne va pas servir à cela, l'accepteriez-vous? Est-ce que cela vous satisferait? Vous n'auriez pas d'autre crainte?

+-

    M. Noel Ayangma: Je n'aurais pas de crainte, pourvu qu'il y a un commissaire indépendant. Je travaille pour les Premières nations et j'ai accès à toutes les informations sur elles. Je n'ai pas besoin de ces informations. Je ne vais pas les consulter parce que je respecte le fait qu'elles sont là dans un but précis. Même si j'ai accès à ces informations n'étant pas moi-même autochtone, les gens et même les membres des Premières nations me font confiance parce qu'ils savent que je ne vais pas m'en servir. C'est le manque de confiance qui va créer un problème avec la carte d'identité.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Peut-on dire que vous seriez en faveur d'une carte d'identité si son utilisation était limitée de façon claire et si des mesures de protection étaient établies pour prévenir les abus à ce sujet?

¹  +-(1535)  

+-

    M. Noel Ayangma: Tout à fait.

+-

    Mme Diane Ablonczy: C'est ce que vous craignez.

+-

    M. Noel Ayangma: Oui.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Merci beaucoup. Je sais que d'autres ont des questions à poser, et je vais leur laisser la parole.

+-

    M. Noel Ayangma: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Diane.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Bonjour, monsieur. Vous avez fait une présentation intéressante parce que vous avez vécu avec une carte d'identité. La question que vous posez est assez importante: pourquoi à ce moment-ci? 

    J'avoue que lorsque le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a amené ce débat au mois de novembre, beaucoup de gens se sont posé cette question. Certains, dont je suis, se demandent si le débat qui est entamé ces jours-ci n'est pas la réponse à une demande des États-Unis. Il y a eu, aux frontières canadiennes, un certain nombre d'incidents très clairement dus au profil racial de gens qui étaient des citoyens canadiens. Moi, je peux passer la frontière sans qu'on me demande des choses extraordinaires, mais si je paraissais venir du Moyen-Orient, on pourrait le faire. Le Canada s'est donc retrouvé avec deux types de citoyens traités différemment à la frontière américaine, ce que le ministre des Affaires étrangères a dénoncé, ainsi que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

    Pensez-vous que le fait de souscrire aux demandes des Américains en mettant sur pied une carte d'identité obligatoire pour tout le monde ou pour tous ceux qui veulent aller aux États-Unis et dont on n'exige pas qu'ils aient un passeport pourrait être une décision qui va diminuer l'indépendance du Canada vis-à-vis des États-Unis?

+-

    M. Noel Ayangma: Je pense que vous posez des questions très importantes. On en revient encore à ma présentation. Je pense qu'on ne devrait pas réagir à ce qui s'est passé aux États-Unis, mais qu'on devrait quand même être en alerte parce que ça pourrait aussi arriver ici, au Canada. Je ne pense pas qu'une carte d'identité nationale résoudrait le problème de ce qui se passe à la frontière. Ce problème va toujours exister, que vous ayez une carte d'identité nationale ou non. Quand vous allez à la frontière américaine, on va savoir si vous êtes noir, car on vous voit. Vous n'avez pas besoin de carte d'identité parce que vous avez quand même votre passeport quand vous passez, et votre photo est là.

    Je pense donc qu'on ne devrait pas réagir à cause de ce qui s'est passé aux États-Unis parce qu'une carte d'identité nationale ne va pas corriger le problème de la frontière ou les relations qu'on a avec les États-Unis. Au contraire, ça pourrait donner aux États-Unis une autre façon d'obtenir de l'information sur des individus très rapidement. Quand ces individus donnent leur passeport, par exemple, il n'y a pas l'information voulue à l'intérieur.

    Allons-nous faire une carte d'identité nationale pour pouvoir trouver l'information et la partager avec nos voisins? Si c'est pour ça, ça n'en vaut pas la peine. Si c'est pour la sécurité nationale des Canadiens et que ça n'a rien à voir avec les Américains, cela ne me cause aucun problème. Mais si c'est pour réagir aux événements du 11 septembre ou à d'autres situations, je pense que ça n'en vaut pas la peine.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Quel est votre sentiment sur la capacité de la bureaucratie de gérer un tel projet? On a entendu toutes sortes d'histoires d'horreurs, notamment sur le numéro d'assurance sociale. Il y a bien plus de cartes émises qu'il n'y a de citoyens canadiens qui existent réellement, et elles ne contiennent pas beaucoup de données biométriques. Ce qui s'est passé dans le cas du contrôle des armes à feu est assez inquiétant à cause de l'argent que ça a coûté. Est-ce que vous pensez que l'expérience des États qui ont une carte d'identité depuis des décennies--il y a plusieurs États qui en ont une--pourrait être utile au Canada? Comment peut-on gérer cela de façon correcte?

¹  +-(1540)  

+-

    M. Noel Ayangma: Je pense que c'est une question très importante. Comme je l'ai dit dans ma présentation, pourquoi la carte d'identité? À quoi ça sert? Au Cameroun, par exemple, la carte d'identité a servi à produire les autres documents. Mais ici, les autres documents ont déjà été produits et maintenant, on veut une carte d'identité. C'est un peu mettre les vaches avant... Quel est le proverbe?

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Mettre la charrue devant les boeufs.

+-

    M. Noel Ayangma: La carte d'identité nationale est très importante parce qu'on identifie les gens à partir des empreintes digitales aussi. Dans le cas du numéro d'assurance sociale, on peut le donner, car il n'y a rien. Quelqu'un peut quitter un endroit et aller travailler dans une autre province avec le numéro d'assurance sociale de quelqu'un d'autre. Mais quand on a une carte d'identité nationale avec les empreintes, on peut voir que le Jean-Marc qui est aujourd'hui à Vancouver est le même Jean-Marc qui est né tel jour à Charlottetown de tel père. Voilà l'importance de cette carte. Mais la carte ne doit pas être imposée seulement à cause de choses qui se passent ailleurs. Elle doit être imposée à cause des objectifs que nous poursuivons et à cause de nos problèmes personnels ici, à l'intérieur du pays, et non pour résoudre les problèmes d'autres pays comme les États-Unis.

    Je pense que pour pouvoir gérer ça et avoir la confiance du public, on a besoin d'un organisme à l'extérieur de la bureaucratie gouvernementale. Moi, je travaille au gouvernement. J'ai regardé toute la bureaucratie qu'il y a là et je pense que pour que ça marche, il va falloir qu'il y ait une troisième partie, quelque part entre le gouvernement, la population et l'information qu'il faut gérer. C'est la même chose dans le cas des premières nations. Dès que vous dites aux premières nations que vous êtes du gouvernement, vous éveillez la méfiance. Ce sera la même chose ici avec la carte d'identité. Je pense qu'il faudrait trouver un gérant autre que le gouvernement.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce que vous croyez que c'est un débat qui est important et qui doit être tenu de façon large?

+-

    M. Noel Ayangma: Exactement. Le problème ici, c'est qu'on ne sait pas vraiment pourquoi on a besoin de cette carte. On a laissé planer l'idée que c'est à cause des problèmes aux États-Unis. Si c'est ça, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Mais je pense quand même qu'il y a des problèmes sérieux à l'intérieur de notre pays et qu'une carte d'identité pourrait les résoudre si le processus était suivi comme il l'a été dans d'autres pays. Même aux États-Unis, une carte nationale d'identité serait utile car certains des terroristes sont aux États-Unis.

    Je pense donc que c'est quelque chose d'important. Ça a marché au Cameroun, ça continue et il n'y a pas de plaintes. Au contraire, quand on perd sa carte d'identité, on court vite au commissariat pour dire qu'on a besoin de sa carte. On n'est pas réticents parce qu'on sait à quoi ça sert.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup à vous, Madeleine et monsieur Ayangma.

    Je vais vous exposer un scénario que je trouve possible. Je n'essaie pas d'indiquer à quoi la carte peut servir ou non, mais je vois beaucoup d'utilités à bien identifier les gens.

    Le Canada a lancé le programme NEXUS, qui permet d'autoriser au préalable des entreprises à expédier des produits d'un côté et de l'autre de la frontière entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. En fait, le programme pourrait s'étendre à l'Amérique centrale et à l'Amérique du Sud. Ce n'est pas encore le cas, mais les déplacements entre le Canada et les États-Unis sont importants.

    Aujourd'hui, les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis représentent environ 1,5 milliard de dollars par jour. Si on voulait éliminer la congestion à nos grands postes frontières, il faudrait avoir les moyens de garantir que les entreprises sont fiables, responsables et efficaces. Il faudrait savoir qui sont les gens qui traversent la frontière et ce qu'ils font, et savoir que les transporteurs, les propriétaires des camions, sont des gens honnêtes et fiables.

    Trois genres d'approbation seront nécessaires dans le cadre du programme NEXUS. Un chauffeur de camion détenant une carte d'identité nationale pourrait être autorisé au préalable à traverser d'un côté et de l'autre de la frontière, et je crois comprendre qu'il n'y aurait que des contrôles ponctuels. Il n'y aurait pas de contrôle chaque fois que vous traversez la frontière, mais peut-être seulement une fois sur vingt. Il suffirait de présenter sa carte d'identité nationale pour traverser. Ces technologies facilitent le contrôle sécuritaire de l'identité et vont être nécessaires si nous voulons effectuer les échanges commerciaux dont nous avons besoin.

    Il n'est pas question ici de ceux qui traversent la frontière à l'occasion. Je parle des gens qui peuvent la traverser trois, quatre et cinq fois par jour. Nous n'avons pas les installations voulues pour contrôler tous les camions, les chauffeurs et les produits. Nous devons envisager l'autorisation préalable des chauffeurs. Nous savons qu'ils sont honnêtes et fiables, nous savons qu'ils vont faire ce qu'ils sont censés faire, et nous connaissons leur identité.

    Pour moi, c'est une utilisation très concrète de la carte d'identité nationale. Les gens ne sont pas obligés de s'en procurer une, mais s'ils veulent traverser la frontière dans le cadre du programme NEXUS, c'est peut-être une bonne façon de gérer temps, ressources et énergies pour faciliter les échanges commerciaux avec les autres pays. Je crois que c'est le genre de problème que notre société doit régler en tant que grand marché commercial en Amérique du Nord ou ailleurs. Et nous devons nous assurer que les gens à qui nous avons affaire sont bien ceux qu'ils disent être.

    Si vous aviez eu l'occasion de visiter certains services des douanes dans les pays où Madeleine et moi sommes allés, vous auriez vu des piles de passeports modifiés de toutes sortes de façons. On a enlevé les photos pour en mettre de nouvelles et fait un tas d'autres choses. Nous n'avons pas les moyens technologiques que nous voudrions pour assurer la sécurité des passeports. Il y a beaucoup de gens qui falsifient des passeports aujourd'hui.

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    La carte d'identité nationale, comme vous l'avez dit, est sûre et peut représenter une mesure de sécurité, du moins pour l'instant. On pourra toujours dire que, dans dix ou cinq ans, quelqu'un aura trouvé le moyen de la trafiquer. Il me semble que la raison l'emporte dans notre société, et nous avons une bonne raison de vouloir assurer l'identité de ceux qui doivent se déplacer comme nous en avons besoin. Voilà ce dont nous parlons. C'est ce que la carte d'identité nationale représente pour moi. Franchement, je pense que c'est une mesure de sécurité pour nous tous.

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    M. Noel Ayangma: Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. J'en ai parlé dans mon exposé et j'approuve cela sans réserve, pas seulement pour les chauffeurs de camion qui traversent la frontière, mais pour tous les citoyens. Encore une fois, quand nous parlons de passeports, il est important de se demander qui nous ciblons.

    J'ai déjà enseigné au secondaire et j'avais organisé un voyage en Europe avec 12 de mes étudiants. Ils étaient tous Blancs. C'était leur premier voyage, mais ils étaient toujours en avant de moi. Ils ont commencé à me demander ce qui se passait, pourquoi je restais toujours en arrière. J'ai répondu que c'est ainsi que les choses se passent. J'avais un passeport camerounais et le statut d'immigrant reçu au Canada. Mais j'étais retenu à la douane, et c'est moi qui emmenais ces 12 étudiants en Europe. C'est simplement un exemple de ce qui peut se passer.

    Si c'est ce qui se passe aux États-Unis, le problème va persister et les cartes d'identité ne vont pas régler cela. Si c'est pour régler ce dont vous parlez, je suis 100 p. 100 en faveur. Il faut expliquer clairement aux gens pourquoi nous avons besoin de cette pièce d'identité. Si nous savons qu'elle n'est pas proposée en réponse à ce qui s'est passé là-bas, je serais tout à fait en faveur parce qu'elle va vraiment corriger ce que le Canada n'a pas fait autrefois—c'est-à-dire identifier clairement les gens à partir de leurs empreintes digitales. Il n'y a aucun problème.

    Nous le faisons, et les gens continuent de le faire. Cela n'a jamais été un problème peut-être parce que nous nous considérons tous pareils. Mais ici, dans un pays multiculturel, où il y a beaucoup de gens qui viennent de partout dans le monde, cela peut causer un problème si les raisons ne sont pas expliquées aux gens.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Il y a beaucoup de raisons auxquelles je pense. Madeleine a très justement souligné qu'il y a eu des incidents liés à l'établissement de profils raciaux à nos frontières après le 11 septembre. Les Canadiens qui se rendent aux États-Unis peuvent être visés par ces profils raciaux. Je pense qu'une carte d'identité nationale serait utile à cet égard.

    Notre comité devrait en toute honnêteté commencer à énumérer toutes les raisons pour lesquelles une carte d'identité nationale assurerait l'équité et la cohérence et éliminerait la discrimination, ce qui serait le cas, je pense. Le système ferait en sorte qu'on vérifierait seulement si vous êtes bien qui vous dites être. C'est la raison pour laquelle je suis un ardent partisan de la carte, et je crois que la plupart des Canadiens qui considèrent les choses de cette façon vont l'approuver.

    Il y a toujours des questions connexes. Recueille-t-on toutes sortes d'informations pour d'autres fins? Il y a des lois dans notre pays qui interdisent ce genre de chose. Si des gens veulent tenir des dossiers, c'est possible, nous le savons. Je dois penser que nous faisons certains choix dans le but d'éliminer certains problèmes, et nous ne l'avons pas fait.

    Je crois que le ministre a proposé cette mesure, pas pour régler un problème en particulier, mais pour enclencher un débat ou une discussion dans l'ensemble du pays et connaître l'opinion des gens sur la question.

    Vos commentaires nous ont été très utiles, notamment le fait qu'il ne faut pas établir la carte parce que c'est quelque chose à faire. Nous devons avoir des raisons précises de l'adopter, et il est très important de bien expliquer ces raisons à la population du pays. Je pense que votre point de vue est très pertinent.

    Merci beaucoup d'être venus apporter votre témoignage.

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    M. Noel Ayangma: Merci. Je vous en prie.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): La séance est levée.