CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 13 février 2003
Á | 1105 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)) |
Mme Joy MacDonald (coordonnatrice de programmes, Holland College) |
Á | 1110 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Á | 1115 |
Mme Joy MacDonald |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Joy MacDonald |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Joy MacDonald |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
Á | 1120 |
Mme Joy MacDonald |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Joy MacDonald |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Joy MacDonald |
Mme Diane Ablonczy |
Á | 1125 |
Mme Joy MacDonald |
Mme Diane Ablonczy |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Joy MacDonald |
Á | 1130 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Joy MacDonald |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
Á | 1135 |
Mme Joy MacDonald |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Joy MacDonald |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Joy MacDonald |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Á | 1140 |
Mme Karen Rose (commissaire à l'information et à la vie privée, «Legislative Assembly of Prince Edward Island») |
Á | 1145 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Á | 1150 |
Mme Karen Rose |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Karen Rose |
Á | 1155 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Karen Rose |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Karen Rose |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Karen Rose |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Diane Ablonczy |
 | 1200 |
Mme Karen Rose |
 | 1205 |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Karen Rose |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Karen Rose |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Karen Rose |
Mme Diane Ablonczy |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
 | 1210 |
Mme Diane Ablonczy |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
 | 1215 |
Mme Karen Rose |
 | 1220 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 13 février 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Bonjour, tout le monde.
Nous accueillons parmi nous ce matin Joy MacDonald, coordonnatrice de programmes à Holland College. J'ai eu l'occasion de discuter un petit peu plus tôt avec Joy. Elle va nous aider à mieux comprendre les questions entourant la carte d'identité et un certain nombre d'autres choses découlant du projet de loi et susceptibles d'avoir une incidence à Charlottetown.
Joy, vous avez la parole.
Mme Joy MacDonald (coordonnatrice de programmes, Holland College): Merci.
J'aimerais aujourd'hui vous parler du programme CLIC--Cours de langue pour les immigrants au Canada--que nous offrons à Holland College, ici à Charlottetown. Ma présentation se découpe en plusieurs morceaux: tout d'abord un petit historique du programme CLIC à Holland College, puis les forces que présentent selon nous nos programmes, les questions qui nous préoccupent et, enfin, les perspectives futures pour le CLIC.
Holland College est un collège communautaire de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous offrons depuis de nombreuses années des programmes d'anglais langue seconde. Le CLIC est en place au collège depuis dix ans.
Le collège compte à l'heure actuelle 42 places, couvrant tout le programme, depuis les cours pré-CLIC jusqu'au niveau cinq du CLIC. Un CLIC professionnel est également offert chaque année pour une courte période de temps à ceux qui ont atteint au moins le niveau quatre. L'emploi est en effet le but ultime du programme.
Holland College compte à l'heure actuelle dans son programme 33 étudiants à temps plein représentant 13 pays différents. Nous avons dans notre département trois instructeurs en salle de cours à temps plein et un instructeur à temps plein au laboratoire informatique.
Pendant l'année écoulée, Holland College a, en vue d'améliorer ses programmes, élaboré un nouveau cours CLIC avec une aide financière consentie par Immigration Canada. Ce nouveau cours comporte des volets de leçons à difficulté grandissante pour chaque niveau de formation, portant sur le droit canadien, la société canadienne et les services bancaires, par exemple.
La force de notre programme et l'un de nos meilleurs atouts est notre personnel. Tous les membres de l'équipe ont reçu une excellente formation en CALS et, ce qui est plus important encore, sont des personnes tout à fait passionnées et adaptées. Du fait d'être une petite unité, nous sommes devenus une famille très liée, de telle sorte qu'il y a beaucoup d'entraide tant du côté des étudiants que de celui du personnel. Nous avons une étroite relation de travail avec Immigration Canada et la P.E.I. Association for Newcomers to Canada. Ces liens sont essentiels pour que le programme fonctionne bien au quotidien.
Ce centre est sans doute l'un des rares au Canada où le transport des étudiants ne pose pas de problème. La ville étant petite, la plupart des étudiants peuvent se rendre à pied au collège pour leurs cours. Les étudiants disent d'ailleurs qu'ils se sentent très bien et tout à fait en sécurité à Chalottetown parce que c'est une petite ville. Ils disent que l'hospitalité dans l'Île les fait se sentir tout à fait chez eux.
Les liens établis par le collège par le biais de son travail communautaire rendent eux aussi service à chacun car nous pouvons mettre en commun nos ressources pour mieux servir les étudiants. Il arrive souvent que d'anciens étudiants qui ont quitté l'Île-du-Prince-Édouard appellent pour dire qu'ils regrettent de n'être pas restés plus longtemps. Cela en dit long, selon nous, sur les services offerts par Holland College à Charlottetown.
Passant maintenant aux questions qui nous préoccupent, plusieurs viennent à l'esprit. Premièrement, il y a une pénurie d'interprètes pour nous aider lors de situations de crise au sein de notre département. Nous nous débrouillons avec l'aide de la P.E.I. Association for Newcomers et en faisant appel à d'autres étudiants. Cette situation est peut-être particulière aux petites localités comme la nôtre. Nous pouvons à tout moment être appelés à traiter dans une douzaine de langues différentes, et cela pose toujours des problèmes pour notre département.
Une deuxième question qui pose problème est la nécessité constante pour nos instructeurs d'accomplir chaque jour des tâches multiples. Il leur faut être des travailleurs sociaux, des personnes-ressources en puériculture, des traducteurs, des aides-soignants et des fournisseurs de services de soutien communautaire. Le temps est un facteur énorme à cet égard. Les employés font beaucoup plus d'heures que celles qui sont exigées dans leur contrat, ce pour veiller au bon déroulement des affaires de tous les jours des étudiants.
Une troisième question est le financement des contrats. C'est un souci toujours croissant pour Holland College. Ces fonds semblent rétrécir. En 1990, Holland College a reçu plus de 221 000 $. En 2001, nous avons reçu plus de 211 000 $. Nous en sommes rendus à 197 000 $, et il semble que le financement va demeurer à ce niveau. On nous dit que le niveau pour l'année à venir sera le même que pour l'an dernier.
Bien que le financement ait diminué, nous offrons aujourd'hui deux niveaux supplémentaires. La journée d'enseignement a été ramenée de 9 heures à 16 heures à 9 heures à 14 h 30. Holland College est toujours tenu de maintenir ses installations et son personnel avec un financement réduit, et ce alors que les coûts d'exploitation continuent d'augmenter.
Á (1110)
La principale préoccupation de Holland College à l'égard du programme CLIC est, bien sûr, le financement. Il faut, pour maintenir un programme de qualité et des installations de toute première classe et pour conserver son précieux personnel, un financement approprié. Un autre aspect de la question est l'échelonnement des contrats qui sont passés. Très souvent, le collège maintient un programme en comptant que le contrat va venir. Nous savons qu'il y a de nombreux facteurs en jeu susceptibles d'avoir une incidence sur les contrats. Certains, par exemple le nombre de personnes qui arrivent dans la province, la migration secondaire et les services pour enfants, peuvent être réglés par le biais de modifications aux contrats. Nous estimons que des contrats de base devraient être disponibles en temps opportun. Une augmentation du financement consenti est essentielle si nous voulons que notre niveau de formation demeure ce qu'il est aujourd'hui ou augmente face aux besoins variés et toujours changeants de nos clients.
Nous croyons que l'Île-du-Prince-Édouard est un lieu d'accueil idéal pour les immigrants et les réfugiés d'entamer leur transition vers une vie au Canada. Notre taille tout à fait particulière vient appuyer de nombreux autres aspects de la formation, en dehors du simple enseignement d'une langue. Encore une fois, un financement accru nous permettrait d'élargir nos opérations de façon à offrir une formation linguistique à un plus grand nombre de personnes, assurant ainsi leur entrée directe dans la culture canadienne.
Tout cela étant dit, Holland College est très heureux de la collaboration d'Immigration Canada et de sa relation de travail avec le ministère.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup pour cet intéressant exposé. Je pense que vous avez très clairement fait ressortir que le financement est l'une des principales priorités. La réduction du financement limite votre programme et l'absence de planification à long terme pour le financement de base amène l'incertitude quant à l'avenir. Il est donc clair que le financement est dans votre esprit un élément essentiel.
Vous avez également mentionné que la formation linguistique est la principale fonction de votre programme, qui est excellent.
Nous avons entendu d'autres témoins et certains ont dit que dans bien des cas le financement et la formation de base qui sont vraiment requis ne suffisent souvent pas pour faire le travail qui est à faire. Souvent, c'est insuffisant. Pourriez-vous vous prononcer là-dessus?
Et y a-t-il d'autres questions, outre le financement, pour lesquelles Immigration Canada, vous-même et d'autres organisations sociales dans le secteur pourraient poursuivre pour améliorer la situation en matière de perspectives d'établissement? Cela ne se limite pas aux CALS, car c'est toute la question établissement qu'il nous faut examiner. Étant donné votre position unique avec le collège et ce que vous faites dans le cadre du programme de cours d'anglais langue seconde, vous connaissez sans doute très bien les autres problèmes qui existent, peut-être pas forcément pour le collège, mais pour la collectivité et pour les nouveaux immigrants eux-mêmes.
Á (1115)
Mme Joy MacDonald: Je conviens que la formation offerte pendant un certain nombre d'années n'était pas suffisante, et c'est pourquoi nous avons l'an dernier ajouté les deux niveaux de formation dont j'ai parlés. Nous n'assurions autrefois que la formation jusqu'au niveau trois alors que nous allons aujourd'hui jusqu'au niveau cinq, niveau à partir duquel les immigrants et réfugiés se sentent suffisamment à l'aise en anglais pour se lancer sur le marché du travail. Nous trouvons que nous prenions auparavant beaucoup de raccourcis, surtout si les immigrants ou les réfugiés arrivaient ici avec un niveau d'instruction déjà très bas.
J'estime que certaines des préoccupations que nous avons s'agissant de traiter avec des collectivités autres et avec l'immigration nous sont sans doute particulières compte tenu de la taille de la province. Au collège, nous nous sentons tout à fait à l'aise pour appeler Immigration Canada ou l'association des nouveaux Canadiens et nous travaillons très étroitement ensemble dans l'intérêt de chaque étudiant. C'est sans doute le cas ici du simple fait de nos nombres et de notre petite taille.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Pourriez-vous m'aider un petit peu? Que sont les niveaux trois, quatre et cinq? Je n'en ai pas la moindre idée.
Mme Joy MacDonald: Le niveau pré-CLIC et le niveau un correspondent à de la formation linguistique de base. Lorsqu'une personne arrive au pays, elle peut peut-être dire «bonjour» et à ce niveau de connaissances, elle dira sans doute également «bonjour» à la fin de la journée. À partir du niveau deux, l'étudiant commence à élargir un peu son vocabulaire.
Au niveau trois, les étudiants sont suffisamment à l'aise pour discuter entre eux dans la nouvelle langue. C'est à partir de là qu'ils commencent à se chercher un emploi et à s'intéresser au système bancaire, aux aspects sécurité et à élargir leur connaissance du Canada.
Les niveaux quatre et cinq sont assez avancés. Je dirais qu'une personne pourrait, une fois le niveau cinq atteint, assez bien faire la transition à l'université.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Une telle personne aurait donc un assez bon niveau côté lecture, écriture et expression orale?
Mme Joy MacDonald: Oui. Un grand nombre des immigrants que nous voyons ont de très bonnes aptitudes à écrire. Ce sont l'écoute et l'expression qui posent problème, et qui demandent plus de temps.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, Joy.
Diane.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Merci beaucoup d'être venue. Cela nous aide beaucoup d'entendre des personnes qui travaillent véritablement sur le terrain. À Ottawa, cela se passe davantage au niveau théorique. Cela nous a donc été très utile de discuter avec des gens comme vous.
J'apprécie que le président ait tiré au clair les différents niveaux d'instruction, car moi aussi j'en avais une impression plutôt floue.
Nous sommes bien sûr très fiers au Canada d'avoir un pays qui a été bâti par des immigrants et qui continue d'être un rayon d'espoir pour des personnes désireuses de commencer une nouvelle vie et de connaître de nouvelles possibilités. Nous avons cependant constaté au fil de nos déplacements que lorsque vous grattez un petit peu la surface de cette bonne intention, très souvent le soutien dont les personnes qui arrivent chez nous ont besoin pour réussir véritablement est un petit peu branlant, malgré les efforts, comme vous dites, des personnes extrêmement dévouées qui font de très très longues heures, qui travaillent beaucoup plus qu'elles ne le devraient parfois, pour faire tout leur possible pour aider les autres.
Nous tenons à ce que nos bonnes intentions débouchent véritablement sur des mesures opérationnelles pratiques, et les renseignements que vous nous fournissez nous sont donc très utiles.
Je constate que vous avez dit que l'emploi est l'objectif, et d'autres témoins ont souligné que le bien-être des gens et leur capacité de se bâtir une nouvelle vie sont très liés à leur capacité de se trouver un emploi. D'autres nous ont dit que c'est là le but premier.
Vous avez mentionné que votre programme est offert au collège communautaire. En discutant avec des gens à St. John's, nous avons appris que le programme là-bas a été enlevé du collège communautaire. Vous en êtes sans doute au courant. Les gens estiment que cela est dommage, car la possibilité d'insérer les gens davantage dans le tableau général de l'éducation était très utile.
Pourriez-vous nous dire si cette formation a selon vous sa place au collège communautaire?
Á (1120)
Mme Joy MacDonald: Je pense qu'un aspect très important de la formation est de faire partie du principal centre de Charlottetown. Nous avons plusieurs étudiants qui sont allés jusqu'au niveau quatre avec nous pour ensuite passer au programme d'éducation pour adultes pour parfaire leur connaissance de l'anglais, de la chimie ou de la physique avant de s'inscrire à certains de nos programmes postsecondaires, voire même à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard.
Je pense que le fait de les avoir là au centre leur permet de faire connaissance avec les autres étudiants et les instructeurs, à se familiariser avec les programmes qui existent au Canada et avec la façon dont ils fonctionnent, par opposition à des études qu'ils ont peut-être faites dans leur pays.
C'est toute une révélation pour eux au début, mais au bout d'un certain temps avec nous, ils se sentent tout à fait à l'aise pour explorer ces autres avenues. Je trouve que cela est très bénéfique. Nous avons aujourd'hui plusieurs étudiants inscrits dans des programmes postsecondaires au collège.
Mme Diane Ablonczy: Eh bien, c'est une chose à laquelle il faudra réfléchir. C'est quelque chose que nous n'avions pas envisagé auparavant, mais j'apprécie ces commentaires.
Le président a mentionné la question du financement des contrats, et d'autres ont souligné qu'il est extrêmement difficile de stabiliser les programmes et de faire non seulement de la planification à long terme mais également de la planification à moyen terme si l'on ignore d'une année sur l'autre quel sera le financement, voire même quand il viendra, comme vous l'avez souligné. Nous savons maintenant que c'est un réel problème pour vous et, comme l'a dit le président, nous allons certainement communiquer ce message au ministère et au ministre.
J'aimerais également revenir sur cette question des interprètes, surtout en situation de problème de santé, où il est bon de pouvoir compter sur un parent ou un ami qui connaît un petit peu mieux l'anglais que soi-même. Cela entrave parfois la communication car vous filtrez des choses pour des raisons sociales. Pensez-vous que ce soit un problème en ce qui concerne l'interprétation? Quel serait le meilleur moyen d'assurer que l'interprétation soit une chose avec laquelle le nouvel arrivant se sente à l'aise mais qui soit également abordable et gérée de façon efficiente, autrement que de voir le gouvernement fournir, ce qui serait très coûteux, des interprètes en disponibilité, si vous voulez, pour les différents groupes linguistiques?
Mme Joy MacDonald: Je pense que nous avons eu de la chance ici, en ce sens que nous avons dans la collectivité un certain nombre de personnes auxquelles nous pouvons faire appel. D'autre part, les étudiants finissent par se sentir à l'aise les uns avec les autres. Nous avons en règle générale un ou deux étudiants dans le département qui sont à l'aise et qui partagent une langue commune avec un certain nombre d'autres étudiants.
Là où cela nous crée le plus de soucis c'est lorsqu'il est question de problèmes de santé. Nous avons déjà été appelés à l'hôpital pour des situations d'urgence dans lesquelles il a été très difficile d'assurer l'interprétation. J'ignore quelle est la réponse. Lorsque vous avez 13 pays représentés par 33 étudiants, c'est assez difficile. Nous avons en règle générale quelqu'un qui parle l'arabe et, comme je le disais, nous avons cette chance de pouvoir faire appel à la P.E.I. Association for Newcomers.
Je ne pense pas qu'il soit possible d'être prêt à fournir le service dans toutes les langues parlées par les personnes qui arrivent. Nous avons récemment accueilli chez nous des étudiants originaires de plusieurs pays africains, et je pense qu'il serait presque impossible de pouvoir faire appel à un interprète pour chacune de ces langues. J'estime que nous faisons notre maximum pour mettre les étudiants à l'aise et je pense que les difficultés s'estompent au fur et à mesure que leurs connaissances linguistiques s'améliorent.
Mme Diane Ablonczy: Est-ce qu'un lien téléphonique serait une possibilité, avec, par exemple, quelqu'un dans un autre centre mais qui connaît au moins la langue de l'intéressé?
Mme Joy MacDonald: Ce pourrait être une possibilité. Ce que nous constatons c'est que lorsque les étudiants arrivent ici ils hésitent énormément à parler avec quiconque, sauf les personnes très proches. Dans le milieu collégial, ils sont plus à l'aise. Ils sont en sécurité. Je crois que nous nous efforçons de faire ce qui est possible sur place. Mais si nous étions vraiment mal pris, s'il nous fallait absolument le faire, ce serait, je pense, une possibilité.
Mme Diane Ablonczy: Oui. Une voix désincarnée ne suffit parfois pas pour établir un lien véritablement humain.
J'aimerais maintenant aborder une dernière chose. Vous avez mentionné dans votre exposé que, pour les nouveaux arrivants, l'Île-du-Prince-Édouard est un endroit idéal pour acquérir les connaissances de base avant de se lancer en quelque sorte dans le monde. J'aimerais que vous me disiez deux choses. Premièrement, pourriez-vous expliquer un peu plus--vous mentionnez certaines choses dans votre mémoire--pourquoi cet endroit est idéal à cette fin? D'autre part, à votre avis que faudrait-il faire pour que l'Île-du-Prince-Édouard soit la destination privilégiée des nouveaux arrivants, s'agissant tout particulièrement de combler des besoins qui existent peut-être ici sur le marché du travail mais que l'on ne satisfait pas du fait que les gens sont attirés vers des centres plus importants?
Á (1125)
Mme Joy MacDonald: Je pense que parce que nous sommes un petit centre nous connaissons tous les joueurs. Il est facile de prendre le téléphone pour appeler l'Immigration ou le centre d'accueil des nouveaux arrivants. Nous connaissons par ailleurs les employeurs dans la collectivité. Nous connaissons les propriétaires d'immeubles à logements. Nous avons des liens avec des gens aux services sociaux et l'on se tutoie même parfois avec certains employés des services médicaux, de telle sorte que nous pouvons obtenir de l'aide tout de suite dès que nous en avons besoin. Les gens savent ce que nous cherchons lorsque nous appelons. Je pense que cela est très important. Nous travaillons tous ensemble. Il n'y a pas une agence qui tire dans le sens contraire des autres. Nous travaillons ensemble pour le bien de cet étudiant que nous avons devant nous et nous nous efforçons tous de faire en sorte que cela fonctionne. Encore une fois, je pense que ce serait un petit peu plus difficile dans un centre plus important, car vous n'avez alors pas ces contacts personnels.
Là où nous réussissons sans doute moins bien ici c'est du côté de certains des problèmes de logement. Je suis sûre que d'autres intervenants qui témoigneront plus tard dans la journée aborderont certaines de ces questions d'établissement. Certains des immigrants originaires de pays d'Afrique trouvent parfois que la base culturelle, la base de leur culture, n'est pas présente ici. Ils ont tendance à se déplacer vers l'Ouest pour s'établir là où vivent déjà des personnes qu'ils connaissent ou avec lesquelles ils ont des liens. Dès qu'ils arrivent là-bas, ils semblent savoir comment s'y prendre pour établir ces liens.
Il est intéressant que nous recevions beaucoup d'appels téléphoniques d'étudiants qui sont venus ici, sont peut-être restés six mois ou un an, puis sont partis pour un centre plus important. Ils rappellent toujours disant qu'ils regrettent d'être partis, parce qu'ils ne savaient pas apprécier les contacts personnels qu'ils avaient et ce que l'on faisait pour eux dans la province. Souvent, dans les plus grands centres, ils ne sont plus qu'un numéro. Ici, nous savons presque tout d'eux, de leur famille, et nous savons où intervenir. Je trouve que c'est là un aspect très important, mais c'est une chose qu'il est difficile de vendre lorsqu'ils viennent tout juste d'arriver ici.
Mme Diane Ablonczy: Cela est intéressant. Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Diane.
J'aimerais simplement enchaîner sur un aspect dont Diane a fait état. Ce qui m'est venu à l'esprit est le fait que vous traitez principalement avec des étudiants et ce corps étudiant est bien sûr tout à fait plongé dans la communauté. De mon point de vue, il me semble que les étudiants passeraient ainsi rapidement du niveau un au niveau deux ou trois, tout cela étant favorisé par le contact social et l'immersion dans la collectivité.
Y a-t-il d'autres membres de leur famille? Dans d'autres régions du pays, on nous a dit que des hommes venaient ou que des femmes venaient et que les conjoints et les enfants étaient parfois isolés au lieu d'être plongés dans la communauté. Ils avaient tendance à rester à la maison. Ils participaient moins à la vie communautaire. Il en résulte d'autres problèmes très évidents qui surgissent si ces gens n'ont pas la possibilité de sortir de chez eux. Si l'on regardait la famille comme formant un tout, cela pourrait peut-être apporter d'autres éléments, qui sont différents de la situation des étudiants avec lesquels vous traitez dans le cadre de vos programmes.
Pensez-vous qu'un tel prolongement de la vie familiale pose problème? Ou bien estimez-vous que dans une société plus petite comme ici ces gens-là peuvent plus facilement intégrer la communauté au sens large et y fonctionner?
Mme Joy MacDonald: Je pense qu'ils peuvent facilement s'intégrer parce que nous sommes une petite communauté. Nous avons dans nos cours beaucoup de couples. Le seul problème que nous ayons connu en la matière est qu'il est parfois difficile de trouver des services de garde d'enfants. Il nous faut parfois financer les services de garde d'enfants, selon le nombre. Encore une fois, l'on ne peut jamais savoir d'une année à l'autre combien d'enfants vont devoir être placés en garderie ou être surveillés après les heures de classe, alors c'est un problème.
J'ai, dans le cas de plusieurs familles, remarqué que les grands-parents avaient tendance à rester à la maison et à ne pas vouloir s'intégrer. Je pense que cela est largement dû à la peur. Nous nous efforçons d'organiser des activités destinées à réunir les familles au collège. Nous organisons des activités plusieurs fois par an. Il y a également des rencontres, des petits thés qui sont organisés par des associations ici dans la province dans le but de réunir tout le monde ensemble pour que les gens puissent apprendre les cultures des autres. Nous sommes très sensibles à cela. Je trouve que c'est un aspect très important. Nous enseignons la langue, mais nous ne pouvons pas le faire à moins que les gens soient installés, heureux et se sentent bien. Nous essayons de réunir tous ces éléments.
Á (1130)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): L'autre aspect de la question concernait la disponibilité au collège de personnes qui soient totalement intégrées. Avec quelle rapidité les gens acquièrent-ils la langue et au bout de combien de temps peuvent-ils communiquer et fonctionner socialement?
Mme Joy MacDonald: Il faut en règle générale compter un an avant que la personne qui arrive au collège au niveau pré-CLIC ou au niveau un puisse participer à une conversation avec d'autres. Dès que l'étudiant passe au niveau deux, il commence à progresser assez rapidement et peut passer au niveau trois au bout de six mois. Aux niveaux quatre et cinq, les étudiants progressent plutôt vite.
Cela dépend beaucoup de leurs antécédents. S'ils ont fait des études collégiales ou universitaires dans leur pays d'origine, ils ont tendance à avoir les attitudes d'apprentissage requises pour acquérir rapidement une autre langue. S'ils n'ont fait que très peu d'études dans leur pays d'origine, alors c'est un processus très lent. Il nous est déjà arrivé d'avoir des étudiants qui au bout de trois années dans le programme n'avaient pas encore dépassé le niveau deux.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Joy.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour madame.
Depuis le début de ces audiences, c'est-à-dire depuis lundi dernier, on a eu l'occasion d'entendre plusieurs témoins nous démontrer très clairement l'importance de la maîtrise suffisante de la langue pour pouvoir s'intégrer. Tous nous ont démontré que les sommes allouées à cette réalité, à cet objectif, n'étaient pas suffisantes.
Ce qui m'a très intéressée dans votre présentation--et Diane l'a mentionné aussi--, c'est le fait que selon vous, Charlottetown, dans ce petit bijou d'île, est comme un endroit presque fait sur mesure pour favoriser l'apprentissage de la langue. Par contre, vous nous avez dit aussi qu'un certain nombre de gens partaient et qu'ils le regrettaient.
L'Île-du-Prince-Édouard, c'est loin des communautés d'origine des 13 nationalités différentes dont vous parliez. C'est donc loin de leur groupe culturel, et on sait que le soutien de la culture est très important pour les gens qui arrivent dans un nouveau pays.
Est-ce que vous avez déjà utilisé l'expérience de vos étudiants qui avaient quitté avant le temps et qui disaient le regretter pour dire aux gens qui arrivent de tenir le coup, de rester même si c'est difficile, parce que c'est encore ici qu'ils ont la meilleure chance d'apprendre la langue dans un environnement qui n'est pas agressant et très ouvert?
J'aimerais juste savoir cela.
Á (1135)
[Traduction]
Mme Joy MacDonald: Oui. Nous utilisons toujours cela. Je sais que nous discutons toujours avec les gens, les étudiants qui rappellent. C'est parfois comme enseigner quelque chose de nouveau à un enfant. Tant que l'enfant n'a pas lui-même découvert quels sont les dangers, il ne veut pas écouter. Je pense que c'est sans doute l'attrait de la culture, ou bien peut-être que la personne a un parent dans cet autre endroit et qu'il est dans son esprit primordial qu'elle aille le rejoindre. Mais nous utilisons l'expérience des autres. Nous parlons des appels téléphoniques. Cela arrive que des étudiants téléphonent et parlent avec des étudiants que nous avons dans notre région, et c'est là un très précieux outil. Nous avons eu des familles dont un membre partait ailleurs puis rappelait et disait aux autres «Restez encore un peu car c'est là que vous aurez l'attention personnelle nécessaire, avant de passer à autre chose».
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Quelle proportion de vos étudiants persistent, et à quoi attribuez-vous leur capacité de persister? On sait que c'est difficile d'apprendre une langue, que ce n'est pas simple. Est-ce que vous avez réussi à leur fournir une sorte de soutien culturel? C'est quelque chose qui me renverse un peu. J'imagine que si je m'en allais en Afrique dans un endroit où on ne parlerait ni le français, ni l'anglais, je me sentirais loin de ma mère. Je me demande comment vous pouvez réussir à compenser cela, car vous devez réussir s'il y en a qui restent pour compléter leur formation.
[Traduction]
Mme Joy MacDonald: Nous avons au collège un corps professoral très lié. Nous finissons par être très proches des étudiants. Ils savent que nous sommes là pour les appuyer. Nous nous efforçons de nous renseigner au sujet de leurs cultures. Nous organisons de temps en temps des mini-expositions mettant en vedette certains de leurs costumes et nous les invitons à parler de leur pays d'origine aux autres étudiants. Nous faisons beaucoup de travail du genre, car je pense qu'il est extrêmement important qu'ils se sentent valorisés et bien à l'aise. Si nous réussissons sur ce plan-là, alors ils voudront rester. La semaine dernière, un étudiant qui ne parle pas très bien l'anglais a décrit notre faculté comme étant un «endroit très très gai». Je pense que cela est très important.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Joy, je vous remercie beaucoup d'avoir porté vos préoccupations à l'attention du comité et de nous avoir aidés à mieux comprendre votre perspective ainsi que celle de Charlottetown et de l'Île-du-Prince-Édouard. Cela nous donne beaucoup matière à réfléchir et nous offre une autre perspective, qui, je pense, bien franchement, est très positive, et je veux parler du message voulant que le fait de favoriser et d'appuyer des mécanismes dans des petites localités et de petits collèges communautaires puisse créer pour les néo-Canadiens une expérience très positive. Nous n'avions je pense pas encore entendu tout à fait ce message-là, exprimé en ces termes. Nous vous en sommes reconnaissants et nous apprécions beaucoup le temps que vous nous avez accordé pour venir ici aujourd'hui.
La seule chose que nous souhaiterions est que vous fassiez en sorte que le temps se réchauffe un petit peu. Il fait bon à l'intérieur, mais le temps est plutôt frisquet ce matin. Merci donc d'avoir bravé le temps froid et d'être venue ici nous aider.
Mme Joy MacDonald: Tout le plaisir était pour moi. Vous pourriez peut-être tous revenir en juillet. Nos plages sont magnifiques.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Oui, l'on voit beaucoup de publicité pour juillet, pour l'été, au sujet de toutes les belles choses qu'offre l'Île-du-Prince-Édouard en matière de tourisme. Merci beaucoup.
Ce sera maintenant au tour de Karen Rose. Bonjour, Karen, et merci d'être venue pour nous aider à mieux comprendre le travail de commissaire à l'information et à la protection de la vie privée et vos préoccupations quant à certaines questions que nous soulevons relativement à la carte d'identité nationale et, possiblement, avec le projet de loi C-18, bien que je ne sois pas certain en ce qui concerne ce dernier aspect.
Bienvenue au comité. Vous avez la parole, si vous voulez bien commencer. Après votre exposé, nous procéderons de la même façon qu'avec le témoin précédent et certains membres du comité vous inviterons à étoffer un petit peu les préoccupations et les renseignements dont vous nous aurez fait état.
Á (1140)
Mme Karen Rose (commissaire à l'information et à la vie privée, «Legislative Assembly of Prince Edward Island»): Merci beaucoup. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.
[Français]
Bonjour et bienvenue à l'Île-du-Prince-Édouard.
[Traduction]
Je ne vais vous entretenir ce matin que de la carte d'identité nationale. En ma qualité de commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Île-du-Prince-Édouard, je m'oppose à l'instauration d'une carte d'identité nationale, surtout biométrique. J'aimerais vous expliquer pourquoi.
Nous vivons sur une petite île et certains d'entre nous sommes plutôt curieux. Cinq minutes après vous avoir rencontré, je vous demanderai peut-être où vous avez grandi, qui étaient vos parents et pourquoi vous êtes ici dans l'Île. La vérité est que vous choisirez peut-être de ne pas me fournir ces renseignements, non pas parce que cela pourrait vous faire quelque tort, mais tout simplement parce que rien de tout cela ne me regarde. C'est privé.
Nous avons tous le bonheur de vivre dans un pays où, exception faite de certaines circonstances tout à fait exceptionnelles, nous n'avons pas à fournir de tels renseignements sur demande--encore une fois, non pas parce que nous avons fait quoi que ce soit de répréhensible, mais tout simplement parce que c'est privé. Voilà en résumé ce pourquoi je suis contre l'idée de cartes d'identité nationales. La vie privée est un aspect essentiel de notre mode de vie canadien, et je souhaite préserver ce mode de vie.
Si nous étions tous munis de cartes d'identité nationales, la conclusion logique serait que l'on aurait à les utiliser. À l'heure actuelle, au Canada, nous n'avons pas à nous identifier sur demande. Nous pouvons mener nos vies plus ou moins dans l'anonymat. Ce ne serait plus le cas s'il nous fallait porter sur notre personne une carte prouvant notre identité et renfermant sans doute également d'autres renseignements personnels. Un programme de carte d'identité nationale exigerait une base de données nationale, ce qui donnerait au gouvernement des pouvoirs accrus de contrôler nos activités.
Le comité a demandé quels devraient être les principes directeurs d'une stratégie nationale en matière de papiers d'identité. Il a également fait état de la préservation des valeurs canadiennes. J'ai lu cela sur votre site Web. Nous autres de la génération plus jeune, et je pense que cela englobe toutes les personnes présentes dans cette salle, oublions souvent ce que cela a coûté de préserver nos libertés, mais nos anciens combattants pourraient nous le rappeler. À mon sens, les principes qui devraient guider le comité sont que nous vivons dans une société libre, que nos libertés ont été durement gagnées et qu'il nous faut veiller à ne pas choisir une route qui soit susceptible de porter atteinte à ces libertés.
Je comprends que certaines des raisons d'introduire une carte d'identité nationale seraient la prévention du vol d'identité, la prévention du terrorisme et la prévention de l'immigration illégale. Ce sont là des objectifs tout à fait louables que tous les Canadiens, me semble-t-il, appuieraient. Ce qui me soucie c'est qu'une carte d'identité nationale ne permettrait pas de réaliser ces objectifs.
Les criminels et les terroristes trouveront toujours des moyens de contourner les exigences et d'obtenir une fausse carte d'identité. Une telle carte d'identité serait d'autant plus précieuse pour les terroristes et autres criminels comparativement à ce qui existe aujourd'hui du simple fait que la nouvelle carte d'identité serait considérée comme étant beaucoup plus sûre et infaillible. En un sens, cela nous donnerait une fausse impression de sécurité.
Je recommanderais plutôt que le gouvernement continue de contrer ces problèmes en matière de criminalité et d'immigration en recourant à des méthodes qui ont déjà fait leurs preuves--par exemple, sanctions pénales, augmentation des ressources policières consacrées aux enquêtes et établissement de meilleures mesures de sécurité pour les bases de données afin d'empêcher le vol d'identité. Je ne suis pas experte en matière de sécurité, mais je dirais que des moyens moins intrusifs seraient sans doute tout aussi efficaces et seraient, de loin, préférables, du point de vue protection de la vie privée.
Les types d'activités criminelles que le gouvernement essaie ou essaiera peut-être d'enrayer avec une carte d'identité nationale continueront sans doute d'exister, qu'une telle carte existe ou non. Bien que cela soit certainement frustrant, l'un des coûts d'une société libre est que les criminels ne se font parfois pas arrêter. L'un des principes fondamentaux de notre système judiciaire est que cette situation est de loin préférable à une société dans laquelle des innocents seraient incarcérés ou privés de leur liberté.
Le comité a déclaré qu'il entend se pencher sur l'expérience d'autres pays en matière de cartes d'identité nationales. Je pense qu'il est très utile de tirer des leçons de ce que d'autres ont vécu. Prenons les États-Unis, par exemple. Je pense que nous pouvons convenir que les États-Unis sont un pays qui a toujours été préoccupé par sa sécurité nationale. Pourtant, les Américains ont toujours rejeté l'idée d'une carte d'identité nationale. Cela a également été le cas ces dernières années de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, de Taiwan et de la Corée. Je pense que c'est à cause de l'opposition du public, mais également parce qu'il y a de trop nombreuses raisons de ne pas imposer une carte d'identité nationale.
J'exhorte le comité à mener une enquête approfondie sur l'expérience vécue par d'autres pays et à se pencher également sur le cas de pays qui ont une carte d'identité nationale, ce pour cerner l'effet de tels programmes sur la criminalité et sur les libertés individuelles.
Á (1145)
Pour ce qui est des identificateurs biométriques, j'estime que leur intégration à une carte d'identité nationale nous sortirait du domaine de l'atteinte à la vie privée pour nous verser dans celui du dictateur. L'utilisation de technologies de reconnaissance faciale, de lecture d'empreintes rétiniennes ou de cartographie peptidique pour chaque Canadien est certainement sans précédent et est un chemin que nous ne devrions pas emprunter. Élargir la base de données de dactyloscopie pour englober chaque Canadien relèverait d'après moi d'un état policier. Nous ne vivons pas ni ne souhaitons vivre dans une telle société.
Il nous faut présumer que Citoyenneté et Immigration ainsi que votre comité sont mus par de très bonnes intentions dans leur lancement de ce débat sur une carte d'identité nationale, mais imaginons qu'une telle carte vienne à exister. Le plus inquiétant serait de savoir de quelle façon la carte évoluerait à partir de là.
De futurs gouvernements pourraient s'en servir pour augmenter les pouvoirs de la police et pour compiler pour chaque Canadien un vaste profil prêt à être utilisé contre nous ultérieurement. De telles idées peuvent paraître tout à fait invraisemblables aux yeux de certains, mais ce ne serait pas le cas si le Canada était par exemple ébranlé par un attentat terroriste et adoptait une mentalité axée sur la sécurité quel qu'en soit le coût. Je pense que c'est là quelque chose dont on a eu un petit avant-goût au cours des dernières années.
La mise en oeuvre d'une carte d'identité nationale ouvrirait grand les vannes. Quant à l'utilisation qui pourrait être faite de la carte, rien ne serait exclu.
La dernière question que le comité a posée est celle de savoir ce que coûterait une carte d'identité nationale. Bien évidemment, je ne le sais pas, mais il me semble que le prix serait tel qu'aucun Canadien ne voudrait le payer. Sur le plan monétaire, il nous suffit de regarder un autre système d'enregistrement national, celui des armes à feu, pour avoir une petite idée du coût. N'oublions pas non plus que le système d'enregistrement des armes à feu ne s'applique qu'aux propriétaires d'armes à feu et non à chaque Canadien et qu'il n'est assorti d'aucune base de données biométriques. Plus important encore, le coût pour les Canadiens, s'agissant de leur droit à la protection des renseignements personnels et de leurs libertés fondamentales, serait, à mon sens, incommensurable.
En tant que commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Île-du-Prince-Édouard, voilà quelles sont mes opinions. En tant que Canadienne et membre d'une société libre, je ferai tout mon possible pour empêcher que l'on en arrive à un régime de port de carte d'identité nationale.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, Karen. Nous vous sommes bien sûr très reconnaissants d'être venue et d'avoir ainsi témoigné devant le comité. Le comité est en ce moment en train d'examiner très attentivement les préoccupations et les questions entourant l'idée d'une carte d'identité nationale, et vous avez certainement abordé un certain nombre d'aspects qui devront à un degré ou un autre être étudiés. J'apprécie beaucoup le fait que vous soyez venue.
Je pense que de mon point de vue... et j'ai eu l'occasion au cours des douze et quelque derniers mois de parcourir le monde et d'examiner certaines des mesures de sécurité utilisées pour identifier les gens, par exemple passeports. Les types de fraude commis relativement aux passeports sont tels qu'il y a beaucoup moins de sécurité qu'il y a 20 ans. Les gens peuvent aujourd'hui enlever les photos de certains de nos passeports et les remplacer par d'autres. Il y a des problèmes.
L'idée est qu'avec une carte d'identité nationale nous pourrions, nous appuyant sur la technologie, identifier les personnes qui auraient, pour quelque raison, fourni de faux renseignements au sujet de leur identité véritable.
Beaucoup d'hypothèses ont été avancées. Cela m'intrigue que vous disiez que cela puisse déboucher sur un état policier, dans lequel les services de police pourraient faire différentes choses à l'égard de la société. Premièrement, je ne vois rien dans le projet de loi qui aille dans ce sens-là. Deuxièmement, bien franchement, il s'agit à mon sens là d'une question tout à fait différente. Je suis peut-être naïf, mais j'apprécierais que vous m'aidiez à comprendre. Si l'on veut parler état policier, pourquoi ne ferait-on pas la même chose avec les permis de conduire, une carte d'assurance-maladie nationale, une carte d'assurance-maladie provinciale ou une quelconque autre carte identifiant la personne et fournissant des renseignements sur elle?
Je vous entends soulever beaucoup de questions et de problèmes auxquels cette carte pourrait contribuer, mais personne n'a à ce jour fourni d'indications quant à l'existence de ces liens ou à l'existence de tels liens avec une quelconque carte qui existe aujourd'hui dans notre société.
Á (1150)
Mme Karen Rose: Vous soulevez plusieurs questions.
Je pense que vous aurez pu deviner, à entendre mon exposé, que c'est pour l'avenir que je m'inquiète, et que je ne suis pas tant préoccupée par l'objet visé en ce moment avec des cartes d'identité nationales.
J'ai parlé d'ouvrir les vannes. Ce qui m'effraie le plus en ce qui concerne une carte d'identité nationale, et je pense que vous l'aurez deviné à m'entendre, est l'aspect indicateurs biométriques. Nos passeports et nos permis de conduire ne comportent pas d'indicateurs biométriques.
Je pense qu'il nous faut être vigilants tôt dans le processus. Le fait que l'on crée un identificateur biométrique pour chaque Canadien, même si cela devait au départ se faire de façon volontaire, ouvrirait une porte qui n'a jamais encore été ouverte ici. Et l'on n'empêchera pas pour autant le vol d'identité, même avec ces indicateurs biométriques. Les renseignements continueraient d'être stockés dans une base de données informatique et, comme nous le savons, les bases de données peuvent être victimes de piratage. Et il serait toujours possible de trafiquer une carte d'identité de telle sorte que ce soit mon identité mais votre identificateur biométrique. Ces craintes sont donc, je pense, bien fondées.
Je peux vous dire quelle serait la crème de la crème en matière de carte d'identité. Si vous étiez agent de police et que vous me demandiez mes papiers, et que je pouvais vous montrer mon permis de conduire, ne préféreriez-vous pas avoir une carte d'identité nationale assortie d'identificateurs biométriques? Vous auriez alors la certitude qu'il s'agit bien de moi. Étant donné que ce serait la crème de la crème en matière de papiers d'identité, il serait tout à fait logique que les services de police et responsables de programmes gouvernementaux et autres préfèrent cette carte à toutes les autres. Ce serait alors cette carte qui serait exigée dès lors que vous demanderiez un service ou vous identifieriez en vue...
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je suppose que je ne vois aucun problème en matière d'identification si une personne dit qu'elle s'appelle Paul Dupont et qu'elle a de solides preuves qu'elle est bien Paul Dupont. Bien franchement, nombre des autres questions sont à mon sens tout à fait différentes.
Je ne vois pas le lien entre ce qui est proposé et un état policier. Vous pourriez peut-être m'aider à comprendre ce lien. Si vous disposez de quelque moyen d'identifier les gens et que vous ramenez toujours cela à la police, il me semble que c'est là quelque chose de négatif. Quel mal y a-t-il à avoir une carte qui identifie fidèlement la personne? Voilà quel est mon problème.
Mme Karen Rose: Parce que cela ouvre la porte à quantité d'autres possibilités. J'ai parlé d'état policier lorsque je parlais d'avoir une base de données nationale d'empreintes digitales ou d'un système de lecture rétinienne ou autre méthode d'identification biométrique. Il existe à l'heure actuelle une base de données renfermant les empreintes digitales des personnes accusées d'actes criminels, jugées coupables de crimes et membres d'un certain nombre d'autres petits groupes. Il n'y a aucune base de données nationale d'empreintes digitales.
Lorsque j'emploie l'expression «état policier», je songe tout simplement au fait que la police serait bien sûr très intéressée à avoir une base de données renfermant les empreintes digitales de tous les Canadiens. Cela ouvrirait la porte non seulement à l'établissement de telles bases de données, mais également à leur utilisation--or, il s'agit là de renseignements personnels--en faisant des recoupements avec toutes sortes d'autres renseignements personnels fournis par la carte d'identité nationale.
Á (1155)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je ne vois pas le rapport. Comment intégrez-vous tous ces autres renseignements devant servir à identifier quelqu'un? Vous sautez à mon sens beaucoup d'étapes avec votre hypothèse.
Mme Karen Rose: Je ne fais que regarder ce qu'il sera possible de faire avec la carte. Cette technologie nous offre la capacité de faire certaines choses. Très souvent, l'on tentera d'y recourir tout simplement pour des raisons de facilité. Il serait plus facile de fournir un service.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Voyagez-vous souvent?
Mme Karen Rose: Assez souvent. J'ai déjà voyagé.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Avant de monter dans un avion, on vous demande aujourd'hui une carte d'identité avec photo pour vérifier que vous êtes bien la personne que vous dites être, en tout cas d'après le billet. J'imagine qu'il pourrait y avoir quantité de permis de conduire, de cartes d'assurance-maladie et d'autres cartes d'identité avec photo qui pourraient être trafiquées, mais je me sens en tout cas beaucoup plus en sécurité sachant que l'on vérifie ces choses de plus près.
Je n'ai pas forcément l'impression que l'on empiète sur mes droits en me demandant de leur montrer qui je suis. Selon moi, si l'on vérifie plus attentivement chaque personne qui monte à bord de l'avion, il y a moins de risque qu'il y ait des problèmes. Je suppose que le facteur qui intervient là c'est la sécurité, et cela équilibre en quelque sorte les choses.
J'essaie tout simplement de voir comment l'on peut lier un si grand nombre de choses, pour lesquelles je n'entrevois aucun lien, à une carte d'identité nationale confirmant qui est la personne en question. Mais je suppose qu'en bout de ligne l'on pourrait lier n'importe quel acte avec n'importe quelle base de données, et ainsi de suite.
Vous avez parlé plus tôt du fait que la société ne permet pas ce genre de choses au Canada, mais n'est-ce pas là l'évolution qu'a suivie le Canada pour devenir ce qu'est le pays aujourd'hui? C'est une question intéressante.
J'ai peut-être pris trop de temps, alors je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Diane.
Mme Karen Rose: Puis-je faire un commentaire? Je pense que vous avez tapé dans le mille lorsque vous avez dit que c'était un équilibre. Je suis moi aussi préoccupée par la sécurité. Je pense que c'est le cas de chaque Canadien. La façon dont vous percevez cet équilibre est vraiment une question de perspective. Lorsque vous regardez les choses à ma façon, vous pouvez conclure que la nécessité d'une carte d'identité nationale n'est pas en équilibre avec mon désir de voir respectée ma vie privée, tandis que d'autres Canadiens verront les choses d'un autre oeil.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Diane.
Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur le président.
J'ai beaucoup apprécié votre mémoire très clair et très bien écrit. Vous savez peut-être que, par coïncidence, la question d'une carte d'identité nationale fait aujourd'hui l'objet d'un débat à la Chambre du fait d'une motion des voies et moyens déposée par le NPD. Il y a motion de jour de l'opposition lorsqu'un parti donné de la Chambre peut choisir un sujet de débat. Vous verrez sans doute quelque chose là-dessus au journal télévisé de ce soir.
Je suis députée depuis neuf ans, et je suppose que j'ai vu des écarts plutôt troublants dans notre approche à l'égard et de la protection de la vie privée et de la sécurité. Par exemple, lorsque je m'occupais du dossier de DRHC, il est ressorti un peu par accident que le ministère avait créé une base de données du genre «dictateur». Cette base de données réunissait des renseignements de Revenu Canada en matière de fiscalité, des renseignements en matière d'accès à des programmes sociaux et d'autres données sur les citoyens. Lorsque cela s'est su, il y a eu tout un tollé. C'est ainsi qu'au bout d'un jour ou deux le ministre s'est levé et a annoncé que la «base de données dictateur» allait être démantelée.
Il y a eu beaucoup de débats à la Chambre au sujet d'une base de données ADN pour les personnes jugées coupables de crimes graves de telle sorte qu'on puisse à l'avenir faire des comparaisons d'ADN pour voir s'il y a un lien entre des personnes déjà jugées pour crimes graves et de nouveaux actes criminels.
Il a récemment été question d'une base de données pour les délinquants sexuels. Cela a été instauré après beaucoup de retards et de discussions, mais pas rétroactivement. Il n'y aura pas moyen de faire le lien entre des agressions sexuelles futures, surtout à l'endroit d'enfants, et des délinquants sexuels connus, car l'on ne conserve pas ces renseignements, le gouvernement ayant cité des problèmes du fait de la protection de la vie privée.
Nous avons également eu une séance de breffage au sujet d'un nouveau passeport dont on disait qu'il serait à toutes fins pratiques à l'abri des contrefaçons. Au lieu qu'une photo soit apposée sur le passeport, l'image serait dorénavant intégrée numériquement au papier du passeport de telle sorte que l'on ne puisse pas l'arracher et la remplacer. L'on a donc vanté ce passeport à la fine pointe ici au Canada, passeport qui jouirait de respect et de crédibilité et qui ne pourrait pas être utilisé de façon frauduleuse.
Voici que tout d'un coup on nous vante une nouvelle carte d'identité qui, d'après ce que j'ai compris, nécessiterait une base de données. En d'autres termes, si vous utilisiez cette carte d'identité au lieu d'un permis de conduire, d'une carte d'assurance-maladie, d'une carte d'assurance sociale, de documents de voyage ou de carte de citoyenneté, tout y figurerait. Tous ces renseignements auraient alors à être versés dans une seule et même base de données qui identifierait ainsi chaque personne.
Nous savons que tout juste la semaine dernière la base de données du programme d'assurance du gouvernement a été volée en Saskatchewan. On a volé le disque dur. Les renseignements personnels de tous les prestataires d'assurance fichés dans cette base de données sont aujourd'hui entre les mains de l'on ne sait qui.
Étant donné tous ces morceaux très troublants du puzzle, pourriez-vous nous dire à quel point les Canadiens devraient se sentir à l'aise quant à la sécurité des renseignements personnels qui seraient compilés, et nous indiquer également quels principes nous devrions suivre. Comme je le disais, le gouvernement s'est montré hésitant face à l'idée de compiler des bases de données d'ADN de personnes coupables de crimes graves et d'agressions sexuelles contre des enfants, mais voici qu'il veut créer une base de données pour le reste de la population. Ce manque de logique me paraît très troublant. Je sais que vous vous êtes penchée là-dessus, et je vous invite à faire des commentaires sur ces deux questions.
 (1200)
Mme Karen Rose: Il semble en effet qu'il y ait là un certain illogisme. Je suis heureuse que le gouvernement ait décidé d'adopter le nouveau passeport, qui réglera certainement nombre des préoccupations en matière de sécurité qu'ont à l'heure actuelle beaucoup de Canadiens.
Nous vivons dans une société très axée sur la technologie et je pense que nous conviendrions tous qu'il y a sans doute une empreinte électronique de nombre des choses que nous faisons dans une journée. Qu'il s'agisse d'envoyer des courriels, de surfer sur l'Internet, d'utiliser son téléphone cellulaire ou d'utiliser une carte de crédit, toutes ces choses sont enregistrées quelque part par quelqu'un.
Je pense que nous autres Canadiens, lorsque nous rentrons chez nous le soir, tirons les rideaux et vivons en privé. Si l'on commence à réfléchir à tous les renseignements que l'on compile à notre sujet, l'on se sent assez mal à l'aise. Je pense que les Canadiens sont d'autant plus mal à l'aise que ces renseignements sont partagés entre entreprises et entre ministères gouvernementaux, et c'est pourquoi nous avons la nouvelle loi, la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques, et que toutes les provinces et tous les territoires du pays se sont également dotés de lois en matière de protection de la vie privée.
Certains d'entre vous ne le savent peut-être pas, mais l'Île-du-Prince-Édouard a tout juste proclamé cette loi en la matière le 1er novembre 2002. Nous avons été la dernière province à le faire. Je pense que cela révèle à quel point les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par la façon dont les renseignements personnels sont recueillis et utilisés et par la question de savoir s'ils sont divulgués à d'autres ministères gouvernementaux.
Je pense que le gouvernement et que le comité ici réuni devraient être guidés par ces faits.
 (1205)
Mme Diane Ablonczy: Vous recommandez que le comité examine d'autres pays qui ont des cartes d'identité nationales et qu'il détermine leur incidence sur la criminalité et sur les libertés individuelles. Avez-vous inscrit cela dans votre mémoire parce que vous disposez de renseignements qui pourraient nous être utiles ou bien est-ce tout simplement parce que vous pensez que quelqu'un devrait explorer un peu cela?
Mme Karen Rose: Oui, et je ne sais pas ce que vous trouverez. Je ne peux qu'essayer de deviner, mais je ne sais vraiment pas ce que vous trouverez.
Bien sûr, si vous voulez prendre une décision éclairée, il serait utile d'examiner non seulement les pays qui ont rejeté l'idée d'une carte d'identité nationale mais également ceux qui ont mis en place un tel programme. Vous découvrirez sans aucun doute qu'il y a dans ces pays des personnes qui sont toujours très en faveur de la carte d'identité nationale et d'autres qui s'y opposent. Vous pourrez cependant également voir si les objectifs visés ont été atteints et si les libertés individuelles ont été de quelque façon entamées.
Mme Diane Ablonczy: Je sais que notre recherchiste meurt d'envie d'entreprendre un tel projet, mais cela pourrait être intéressant.
J'aurais une dernière réflexion, et cela nous ramène à la crainte exprimée par le président--que je vais paraphraser--et le président pourra me corriger si j'ai tort--que l'on saute trop vite à des conclusions en disant qu'une carte d'identité nationale déboucherait sur un état policier. Il a souligné qu'en ce moment l'on peut vous demander une carte d'identité: une carte bancaire si vous voulez sortir de l'argent de la banque, un permis de conduire si vous dépassez la limite de vitesse et une carte d'assurance-maladie si vous demandez des soins de santé.
J'aimerais que vous essayez de nouveau de répondre à cette question. Pourquoi les cartes d'identité que je viens de mentionner et que nous utilisons chaque jour sont-elles acceptables mais qu'une carte d'identité nationale biométrique ne le serait pas?
Mme Karen Rose: J'associe protection de la vie privée et liberté. Vous êtes libre d'obtenir ou non un permis de conduire; même chose dans le cas des cartes bancaires. Il est bon d'avoir une carte d'assurance-maladie si vous voulez avoir accès à des soins de santé, mais vous savez également que les renseignements auxquels donne accès votre carte d'assurance-maladie ne concernent que vos antécédents en matière de santé et tout n'y est même pas, en vérité.
À l'heure actuelle, le seul objet de la carte envisagée est de nous identifier. Mais pour que cette identification soit aussi fiable que possible, l'une des idées est d'y mettre des indicateurs biométriques. La carte comporte donc déjà des renseignements très personnels. L'inquiétude quant à cette carte, du fait qu'elle soit si fiable ou qu'elle soit en tout cas considérée comme l'étant, est qu'elle serve également à renfermer d'autres renseignements à votre sujet, ce qui serait une atteinte à votre vie privée.
Mme Diane Ablonczy: En passant, j'ai remarqué que le gouvernement avait parlé d'intégrer des éléments biométriques dans la nouvelle carte feuille d'érable, la carte de résident permanent, mais qu'il a décidé de ne pas le faire. Avez-vous participé à la discussion là-dessus? Savez-vous ce qui a été dit au sujet de la biométrique dans ce contexte-là?
Mme Karen Rose: Je n'ai pas suivi cette discussion du tout.
Mme Diane Ablonczy: Il nous faudra nous renseigner, car cette idée a pour quelque raison été abandonnée, mais voici que cela surgit à nouveau. Je suis tout simplement intéressée par l'historique de la chose. Nous nous renseignerons à un moment donné.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Oui, nous tirerons au clair le point soulevé par Diane.
Mon problème est que je ne vois rien dans la loi qui se rapporte à un état policier, à une énorme cueillette de données qui serait à la portée de tout le monde. Il n'est pas du tout question de cela.
J'aimerais par ailleurs souligner que le comité a également discuté du fait que d'autres pays ont des cartes d'identité et qu'il serait bon que le comité se rende à l'étranger pour y examiner l'incidence de ces cartes d'identité. C'est là quelque chose qui pourrait bien être envisagé à l'avenir également.
L'exercice que nous menons ici à l'heure actuelle a davantage pour objet de recueillir les impressions des gens, d'examiner les faits et de faire un lien avec les préoccupations qu'ont les gens à l'égard de toute loi qui pourrait venir. C'est un processus en évolution constante et beaucoup de choses devront être examinées dans ce contexte.
 (1210)
Mme Diane Ablonczy: Juste un éclaircissement, monsieur le président.
Vous avez parlé de loi. Est-ce qu'une loi a été rédigée? Je ne l'ai pas vue.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Non, je dis que c'est là le processus. En tant que comité, nous nous penchons sur la question des cartes d'identité. Bien évidemment, il faudrait qu'une loi soit adoptée avant qu'une quelconque carte d'identité ne puisse être mise en place. Du point de vue administration, du point de vue du ministère, du point de vue du ministre, il est sage de sonder le public pour déterminer quelles sont les préoccupations des gens avant de bouger. Il me semble que cela fait partie de la façon de faire canadienne, du processus canadien. C'est pourquoi nous travaillons de la manière que vous voyez ici aujourd'hui.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.
Bonjour Karen. D'entrée de jeu, je tiens à vous dire que le débat sur la carte d'identité m'apparaît à la fois très important et très utile. C'est un débat au cours duquel un large éventail de points de vue pourront être exprimés et transmis par la suite à la population dans son ensemble. Cela va prendre du temps; il est clair qu'on ne pourra pas tout faire dans un mois. En outre, les gens auront l'occasion de prendre la mesure de ce qu'ils veulent.
Après le 11 septembre, j'ai eu le sentiment--et mes collègues ont probablement ressenti la même chose--que le citoyen préoccupé de gagner sa vie et d'élever ses enfants était prêt à troquer certaines libertés fondamentales pour arriver à se sentir en sécurité. Cela m'a profondément troublée, parce qu'enfin, comment peut-on être sûr qu'on est en sécurité? La vie, c'est justement le contraire que d'être en sécurité.
Les mentalités ont changé, raison de plus pour que le débat soit exhaustif et bien mené. Dans les circonstances, l'avocat du diable et l'avocat de la Couronne me semblent tous deux importants.
Certaines choses ont changé. Vous avez fait référence à la biométrie. Pour ma part, je ne peux pas prétendre appartenir au club des jeunes; il reste que je me rappelle très bien, il y a 40 ou 50 ans, les débats portant sur la nécessité de posséder une carte avec photo pour avoir accès à certaines institutions. Cela semblait épouvantable. Or, tout le monde a accès à l'hôpital. Il y a des heures de visite, et certains hôpitaux sont même ouverts 24 heures par jour. Il y a eu des cas de substitution, et la sécurité des parents est devenue la règle. Ainsi, aujourd'hui, je ne sais même plus combien de photos se trouvent dans mon portefeuille .
Il y a aussi le développement de la science. Selon moi, chaque progrès accompli par la science porte en lui un revers de la médaille; il s'agit de la capacité de contrôler. Karen a fait référence à l'ADN. Il y a 40 ans, on n'était pas en mesure d'identifier une personne par ce moyen. C'est maintenant chose faite.
Or, on se rend compte que les compagnies d'assurances, par exemple, pourraient très bien être tentées d'exiger un échantillon d'ADN. Ce serait facile; il ne s'agirait que de prélever une goutte de sang ou une petite cellule, et le tour serait joué. Ils pourraient ainsi déterminer si, à l'âge de 20 ans, une personne est porteuse d'un petit gène déficient qui risquerait de générer une maladie risquant de leur coûter éventuellement très cher. Dans ces conditions, on refuserait à cette personne de l'assurer ou on exigerait d'elle des primes exorbitantes. Quel choix aurait alors cet individu?
Tout cela fait que nous sommes dans une société changée. Après les évènements du 11 septembre, des mesures législatives ont été adoptées très rapidement, notamment la Loi antiterroriste.
Les gens étaient presque contents qu'on applique cette loi. Cela les rassurait. Je suis d'avis qu'il est temps d'engager un débat sur cette question. Cela étant dit, l'idée qu'on utilise la biométrie ne me dérange pas particulièrement. Je suis sûre qu'à votre naissance, on a pris l'empreinte de votre pied de façon à s'assurer que le bon bébé soit donné à la bonne mère. Je ne sais pas si cela se fait encore; il y a trop longtemps que j'ai accouché.
Ce n'était non pas une tragédie, mais une mesure normale étant donné que les petits bébés finissent toujours par se ressembler entre eux et que, lorsqu'ils sont en très grand nombre, il y a risque d'erreur.
Il ne faut donc pas exagérer et présenter la biométrie comme une chose d'absolument épouvantable. En ce qui me concerne, je ne peux pas jouer ce jeu-là. Par contre, il faudrait aller vérifier dans les pays qui utilisent la biométrie depuis plusieurs années les changements qu'ils ont apportés à l'application de cette technique.
Les pays qui ne l'ont pas adoptée et que vous avez mentionnés plus tôt sont tous anglo-saxons. On sait que nos amis anglo-saxons sont bien différents de nous. Taiwan n'est pas anglo-saxonne, mais on sait que l'éducation de son élite s'est faite beaucoup aux États-Unis et au Canada. L'influence anglo-saxonne y est par conséquent tout à fait évidente.
 (1215)
Selon moi, il faut s'enquérir des raisons d'une telle résistance, mais il faut aussi aller vérifier la situation qui prévaut dans d'autres sociétés développées reconnues comme étant très démocratiques.
Il y a un jour ou deux, on a rencontré un journaliste qui avait vécu plusieurs années en France et qui disait que là-bas, l'ultime preuve d'identité est le passeport. Voilà qui est assez intéressant.
Il vaut la peine d'aller voir de près comment se passent ces choses. Pour ma part, je dois vous dire que lorsque je me fais chiper--sans toutefois qu'on me la vole--ma carte de crédit et qu'on y ajoute certaines données, ça me contrarie. Je déteste cela. Par contre, je ne voudrais pas d'une carte fourre-tout. Je parle ici d'une carte qui révélerait qui je suis vraiment. Pour ceux qui veulent ce genre de carte, ça va. La rendre obligatoire, c'est une autre histoire. Il faudrait être très prudent à cet égard.
Je ne sais pas si quelque chose dans ce que j'ai dit a heurté vos convictions profondes, mais j'aimerais entendre vos commentaires.
[Traduction]
Mme Karen Rose: Vous avez couvert beaucoup de choses.
Moi aussi j'ai des enfants, un fils de trois ans et une fille de 16 mois. Elle est en fait née quatre jours après le 11 septembre. Il me faut convenir avec vous que j'aurais sans doute été en faveur de toutes les mesures que le gouvernement aurait voulu prendre suite au 11 septembre, inquiète que j'étais pour l'avenir de mes enfants et pour l'avenir du pays. Comme l'a dit le président tout à l'heure, il s'agit vraiment de trouver un équilibre entre ce qui compte le plus pour vous et la part de ce que vous entrevoyez comme étant la réalité qui deviendrait vraiment réalité.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, tout est une question de perspective. Pour en revenir à ma prémisse de départ, l'élaboration d'une base de données nationale sur les Canadiens nous permettrait de compiler n'importe quel genre de renseignements personnels au sujet de Canadiens. En tant que commissaire à la protection de la vie privée, je ne me sens pas à l'aise avec cela, car cela est une violation de la vie privée de recueillir des renseignements dont nous ne voulons pas qu'ils soient recueillis. Comme vous le disiez, oui, vous êtes à l'aise si c'est volontaire, mais lorsque cela devient obligatoire, alors tout d'un coup c'est une toute autre situation. Je partage votre point de vue, mais je ne suis même pas à l'aise avec l'idée d'un système volontaire, à cause de cet argument selon lequel on ouvre les vannes.
D'après ce que je comprends, la carte d'identité en France est volontaire. Cela m'étonne que cette carte ne soit pas la crème de la crème en matière d'identification, et que ce soit plutôt le passeport qui soit l'instrument privilégié, mais je comprends également qu'en France la carte d'identité est nécessaire si vous voulez bénéficier de nombre de programmes gouvernementaux. C'est pourquoi il me semble que près de 90 p. 100 des citoyens français ont une carte d'identité nationale. Je ne pense pas manquer de réalisme en pensant que si nous avions une carte volontaire, elle serait dans les faits obligatoire ou presque.
 (1220)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): J'aimerais vous remercier très sincèrement. Vous nous avez certainement exposé très clairement votre opinion et vos préoccupations, et le comité en tiendra sérieusement compte dans ses discussions. Il est clair qu'il y a des opinions divergentes et il nous faut entendre toutes les opinions et traiter des questions qui sont soulevées. Vous avez certainement fait votre part, et nous vous en sommes très reconnaissants.
Mesdames et messieurs les membres du comité, il est important que vous sachiez que vous devez quitter vos chambres pour 13 heures. Notre réunion reprend ici à 13 h 30. Nous allons cet après-midi entendre trois témoins. Lorsque nous terminerons à 16 h 30, ce sera très serré pour nous rendre à Fredericton, alors il faudra faire le plus vite possible.
Merci beaucoup.
Mme Karen Rose: Merci.
La séance est levée.