CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 17 février 2003
¸ | 1405 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)) |
M. Jacques Tousignant (consultant; vice-président, Ligue des droits et libertés) |
¸ | 1410 |
¸ | 1415 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Jacques Tousignant |
¸ | 1420 |
¸ | 1425 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
M. Jacques Tousignant |
¸ | 1430 |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
¸ | 1435 |
M. Jacques Tousignant |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
M. Jacques Tousignant |
¸ | 1440 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Diane Ablonczy |
M. Jacques Tousignant |
Mme Diane Ablonczy |
¸ | 1445 |
M. Jacques Tousignant |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
M. Jacques Tousignant |
¸ | 1450 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Jacques Tousignant |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Jacques Tousignant |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Jacques Tousignant |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
¸ | 1455 |
M. Jacques Tousignant |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
¹ | 1500 |
M. Jacques Tousignant |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.) |
M. Jacques Tousignant |
Mme Hélène Scherrer |
¹ | 1505 |
M. Jacques Tousignant |
Mme Hélène Scherrer |
M. Jacques Tousignant |
¹ | 1510 |
Mme Hélène Scherrer |
M. Jacques Tousignant |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Jacques Tousignant |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
¹ | 1515 |
M. Yves Côté (vice-président, Concept e Sécurité Technologie inc.) |
¹ | 1520 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Gregory McConnell (directeur de comptes, Développement des marchés, "LABCAL Technologies Inc.") |
¹ | 1525 |
¹ | 1530 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Diane Ablonczy |
M. Gregory McConnell |
Mme Diane Ablonczy |
M. Gregory McConnell |
Mme Diane Ablonczy |
¹ | 1535 |
M. Gregory McConnell |
Mme Diane Ablonczy |
M. Gregory McConnell |
Mme Diane Ablonczy |
M. Gregory McConnell |
¹ | 1540 |
Mme Diane Ablonczy |
M. Gilles Gravel (vice-président, Technologies, Concept e Sécurité Technologie inc.) |
Mme Diane Ablonczy |
M. Gilles Gravel |
¹ | 1545 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Hélène Scherrer |
M. Gregory McConnell |
Mme Hélène Scherrer |
¹ | 1550 |
M. Gregory McConnell |
M. Serge Ferland (président et chef de la division financière, "LABCAL Technologies Inc.") |
M. Gregory McConnell |
M. Serge Ferland |
Mme Hélène Scherrer |
Gregory McConnell |
¹ | 1555 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Christiane Gagnon |
M. Serge Ferland |
Mme Christiane Gagnon |
M. Serge Ferland |
º | 1600 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Gilles Gravel |
Mme Christiane Gagnon |
M. Gilles Gravel |
Mme Christiane Gagnon |
Mme Hélène Scherrer |
Mme Christiane Gagnon |
M. Gilles Gravel |
º | 1605 |
Mme Diane Ablonczy |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Diane Ablonczy |
M. Gilles Gravel |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Gregory McConnell |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Gregory McConnell |
º | 1610 |
Mme Diane Ablonczy |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Gregory McConnell |
º | 1615 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Gregory McConnell |
º | 1620 |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
M. Gregory McConnell |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
Mme Diane Ablonczy |
º | 1625 |
M. Gregory McConnell |
Mme Diane Ablonczy |
Le vice-président (M. Jerry Pickard) |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 17 février 2003
[Enregistrement électronique]
¸ (1405)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.
Comme témoin aujourd'hui nous avons M. Jacques Tousignant de la Ligue des droits et libertés du Québec. Il a présenté un mémoire. Il y a d'autres mémoires que nous aimerions faire circuler si le comité nous en donnait la permission. Ils sont rédigés en français. Nous avons expliqué par le passé que nos engagements de voyage ne sont décidés que quelques semaines d'avance et, bien que normalement nous n'acceptions que les mémoires rédigés en anglais et en français, nous avons fait de nombreuses exceptions à cette règle en raison du court préavis qu'ont reçu les intéressés. J'aimerais connaître l'opinion du comité sur cette question et, si les membres sont d'accord, je serais très heureux de présenter ces mémoires, car il est toujours mieux d'avoir du matériel écrit que de ne pas en avoir du tout. Merci beaucoup.
Monsieur Tousignant.
[Français]
M. Jacques Tousignant (consultant; vice-président, Ligue des droits et libertés): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de me recevoir cet après-midi. Je le fais comme citoyen et je le fais aussi à titre de membre de la Ligue des droits et libertés du Québec et de membre de la Ligue des droits et libertés, section Québec.
Concernant les consultations qui sont menées par le gouvernement canadien à certaines occasions à propos de dossiers importants, permettez-moi, en tant que membre d'un organisme communautaire, de souligner que très souvent, et c'est un peu le cas présentement, nous trouvons que les consultations ne reçoivent pas la publicité qu'elles devraient avoir pour alerter tous les groupes qui peuvent être intéressés à exprimer leur opinion ou leur position. Très souvent, également, les délais sont trop courts pour des organismes qui ne disposent pas d'équipes de chercheurs pour les aider à monter un bon dossier, surtout quand il s'agit de questions complexes comme le projet de loi C-36, cette loi omnibus sur l'antiterrorisme, ou le projet de loi C-17, et maintenant le projet de loi C-18.
Je vais commencer par vous dire très simplement quelle est la position de la Ligue des droits et libertés du Québec à propos de ce projet de carte d'identité. Nous croyons qu'il est préférable de s'en tenir au passeport actuel pour ce qui est de l'utilisation de papiers d'identité à l'international. Pour la circulation à l'intérieur du pays, nous pensons que nous pouvons très bien continuer à nous en tenir aux cartes d'assurance sociale et aux permis de conduire.
Quant à la carte de résident permanent, qui a été instituée l'année dernière, je pense que, d'une part, elle représente une amélioration pour les Canadiens qui étaient obligés de se contenter d'une feuille de papier friable à titre de pièce d'identité par excellence. Donc, il y a là une amélioration, mais nous demandons qu'on contrôle de façon très stricte les renseignements qu'on insérera dans cette carte à l'intention des résidents permanents canadiens.
Pourquoi préférons-nous qu'on n'aille pas vers une carte d'identité? Je répéterai deux raisons que nous appuyons et que vous avez déjà dû entendre plusieurs fois. D'une part, sur le plan technologique, cette carte ne sera pas aussi sûre qu'on veut le croire et elle sera encore l'objet de falsifications possibles. D'autre part, elle risque de coûter très cher, encore plus cher que que les vols d'identité qu'on peut constater actuellement.
Nous avons d'autres raisons. D'abord, nous pensons que cette carte n'est pas nécessaire, même s'il est vrai qu'elle pourrait être parfois utile. Également, nous comprenons qu'elle puisse être, d'un point de vue technologique, extrêmement intéressante. Cependant, comme vous le savez et comme nous le savons, elle ouvre la porte à des possibilités d'accumulation de renseignements.
¸ (1410)
Mais justement, nous pensons qu'il est temps de rétablir un équilibre entre des mesures de sécurité suffisantes contre les activités terroristes, et la défense et la promotion des valeurs canadiennes de société démocratique, de société libre et de société qui s'est donné la Charte des droits et libertés, qui est là et dans laquelle on a inséré une liste de droits qui font à la fois le bonheur des Canadiens et l'envie des étrangers.
Donc, nous croyons que l'adoption d'une carte numérisée qui sera bien différente des cartes d'identité que bien des pays comme la France possèdent actuellement... On n'est plus dans la même catégorie de cartes d'identité: il s'agit d'une carte numérisée. Nous savons également que des instances comme la GRC ont demandé que les dossiers criminels des citoyens qui en ont soient insérés dans cette carte. Il est vrai qu'une centaine de pays utilisent la carte d'identité, mais nous savons également que d'autres pays ont refusé des projets plus récents d'adoption d'une carte d'identité. Sauf erreur, l'Australie et la Nouvelle-Zélande font partie de ces pays. Et même aux États-Unis, dans le contexte actuel, le Congrès et le Sénat refusent l'adoption d'une carte d'identité nationale.
La raison principale pour laquelle nous nous opposons à cette carte d'identité, c'est que ce projet vient s'ajouter à une série de mesures qui ont toutes pour objet de mettre à nu le comportement quotidien non seulement des criminels, non seulement des gens qui sont suspects, mais de toute la population, et de soumettre ces informations au Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS et peut-être au CST, et d'en faire bénéficier les corps policiers et même les ministères.
Nous pensons par exemple à ce fichier sur les voyageurs internationaux qui a été lancé l'automne dernier comme une initiative par l'Agence des douanes et du revenu du Canada sur la base d'une loi extrêmement étroite qui a été adoptée en vitesse à l'automne 2001. Ce fichier s'est étendu. Il comprend maintenant les personnes qui voyagent par avion, et au cours de la présente année, il va englober les voyageurs qui traversent les frontières par bateau, par autocar et par train.
Il y a également le CANAFE, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. C'est un service de surveillance secret mis sur pied légalement il y a un peu plus d'un an, qui est chargé d'analyser toutes les transactions financières canadiennes de 10 000 $ et plus. Il visait les transactions internationales en 2002 et maintenant, progressivement, il englobe les transactions nationales de toutes formes qui se font dans les banques, dans les fiducies, bref dans tous les bureaux où il se fait des transactions financières.
¸ (1415)
Encore là, on a affaire à une agence qui agit dans le secret et qui fait l'analyse pour le compte de la GRC et des services de renseignement canadiens.
Dans le cadre du projet de loi C-17, il y a le projet d'établir un fichier sur les gens qui utilisent les vols à l'intérieur du Canada aussi bien que les vols internationaux. Il y a a également ce fameux projet d'accès légal. On donnerait à tous les services policiers du pays et aux services de renseignement un accès aux renseignements sur toutes les activités de tous les citoyens canadiens qui se trouvent dans les systèmes informatiques.
Je pourrais ajouter que déjà, par exemple, la GRC a constitué un fichier avec les photos numérisées des 10 millions de passeports canadiens. Également, on annonce que les corps policiers vont demander que soit légalisée l'utilisation des caméras vidéo dans les voies publiques.
Combien de minutes me reste-t-il? Trois ou quatre minutes encore?
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Nous essayons de limiter les exposés à une durée de 5 à 10 minutes. À l'heure actuelle, vous en avez utilisé presque neuf, alors 3 ou 4 minutes de plus devraient suffire.
[Français]
M. Jacques Tousignant: Très bien. Donc, il y a tous ces systèmes de renseignement. Je pense en particulier au projet d'accès légalisé à la circulation sur Internet, qui équivaut à de véritables perquisitions dans la vie privée de chacun de nous.
Je vous ferai remarquer que tous ces projets visent beaucoup plus que la lutte antiterroriste et même la lutte contre les criminels et le crime. Ce sont des fichiers d'information qui englobent tous les citoyens du pays. Également, ce sont des activités d'information qui sont exercées dans le silence, à notre insu, sans que jamais les gens concernés--nous-mêmes--ne puissent corriger des données qui seraient erronées ou encore même intervenir dans l'interprétation qui peut en être faite.
Je soulignerai également que tous ces pouvoirs, qui devraient toujours être considérés comme des pouvoirs exceptionnels donnés aux services de renseignement et aux corps policiers, sont exercés sans que les lois qui les fondent aient prévu des sanctions contre l'usage abusif de ces modes de surveillance. D'après nous, il y a là quelque chose d'extrêmement dangereux pour la démocratie au Canada.
J'arrive à la conclusion. Nous souhaitons que le gouvernement canadien ne cède pas bêtement et veulement à la pression américaine, alors que les États-Unis eux-mêmes refusent pour les citoyens américains tant la carte d'identité que l'accès légal, comme vous l'avez probablement vu dans les journaux américains la semaine dernière. Autrement dit, ce que notre gouvernement veut nous imposer, le Congrès et le Sénat américain l'ont très majoritairement refusé la semaine dernière pour les citoyens américains. Il nous semble que nous n'avons pas à prendre les devants dans l'adoption de mesures qui vont bien au-delà de ce qu'on peut appeler des mesures de sécurité dans le sens honnête du terme.
Également, s'il est vrai que, d'une part, les possibilités technologiques qui sont offertes pour recueillir des renseignements ne cessent de s'accroître, nous pensons qu'il devient de plus en plus pertinent que nous nous fixions des critères, des balises. Il est important qu'à certains moments, même s'il est possible d'adopter tel type de surveillance ou de cueillette d'information, nous en restions volontairement en-deçà au nom du respect de la liberté des gens, du respect de la vie privée et du grand privilège que nous avons eu dans ce pays, jusqu'à maintenant, de mener nos vies personnelles, non pas sous l'oeil vigilant et silencieux de corps policiers, mais en privé, ce qui permet à chacun de vivre en ayant la possibilité de penser et d'exprimer ses rêves, ses réflexions, ses projets, ses désirs et ses besoins. Si, au contraire, on multiplie tous ces modes de contrôle, comme on s'est engagé à le faire au Canada, progressivement, un mouvement réel, profond et permanent d'autocensure va croître dans la population.
¸ (1420)
Les gens vont craindre de s'exprimer. On pourrait même dire que les gens vont craindre de consulter un médecin, surtout s'ils ont de tel ou tel problème psychologique ou même physique. Sans pouvoir saisir exactement où sont ces renseignements et où sont tous ces yeux qui nous surveillent, nous risquons de nous retrouver avec le sentiment que chacun traîne son passé et que ce passé est soumis à l'interprétation de juges plus ou moins intelligents, plus ou moins judicieux et face auxquels les personnes concernées n'auront pas la possibilité, comme doit l'avoir un bon citoyen, de cerner une accusation s'il y en a une et de rectifier des faits si des erreurs se sont glissées quelque part.
Je vais m'arrêter là. Encore une fois, nous pensons que la carte n'est pas nécessaire. La raison principale, en plus de toutes les autres, en est que nous voulons que le gouvernement mette un cran d'arrêt à ce réseau de systèmes d'information qu'il est lui-même en train d'imposer à la nation canadienne. Je vous remercie.
¸ (1425)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, monsieur Tousignant.
Étant donné que Madeleine doit quitter tôt, je vais lui donner la parole en premier; elle sera suivie de Diane.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Tousignant. Je souscris tout à fait à votre préambule, dans lequel vous dites qu'un débat comme celui-là doit être large. Ce débat sur la carte d'identité doit porter sur le sens que l'on donne comme société et comme membres de cette société aux droits et libertés et au droit à la vie privée.
Depuis les événements de septembre 2001, dans nos différentes circonscriptions, et je pense que tous mes collègues autour de la table peuvent en témoigner, on constate que les citoyens désirent qu'on diminue leur liberté individuelle en échange d'un semblant de sécurité. On a senti ça très clairement. En témoigne la façon extrêmement rapide dont des lois qui diminuaient vraiment les droits et libertés des citoyens ont été adoptées. Certains groupes d'intellectuels se sont prononcés, bien sûr, mais il n'y a pas eu de soutien populaire.
Croyez-vous qu'un débat comme celui sur la carte d'identité peut effectivement entraîner cette sorte de réflexion nécessaire? On est actuellement un peu en crise de démocratie, et il faut peut-être que les citoyens en prennent conscience. Est-ce que la tenue d'un débat là-dessus ne serait pas une façon de poser les vrais problèmes? Voilà ma première question, qui est vraiment tout à fait théorique.
Il y a une chose que je voudrais vous demander. Il y a les coûts qui peuvent être associés à la mise en place d'une carte d'identité. Personnellement, j'ai beaucoup de résistance à l'idée d'une carte d'identité obligatoire. Par ailleurs, pensons à une carte d'identité qui serait facultative et sur laquelle on mettrait un nombre d'informations très précis et très limité. Il ne serait pas question, par exemple, d'y mettre le lieu de naissance de la personne. Après ce qu'on a vu aux frontières américaines, on ne veut pas y mettre le lieu de naissance. Il ne serait pas question non plus d'y mettre le bilan de santé de la personne. On ne veut pas d'une carte fourre-tout, comme la carte de certains pays qui contient beaucoup d'information. Je pense qu'il tenir ce débat.
Mais quand on voit la difficulté que le gouvernement canadien a eu à gérer les simples cartes d'assurance sociale, qui sont bien plus nombreuses que les citoyens canadiens, quand on considère le coût prohibitif et vraiment incroyable de l'enregistrement des armes à feu, qui était bien loin de tous les citoyens, on se demande si on serait capable de gérer une carte d'identité obligatoire de façon correcte.
À mon avis, le fait de ne pas avoir de carte d'identité ne va ralentir en rien les développements technologiques qui font que chacun d'entre nous ici est bien plus connu qu'il ne voudrait l'être. Ça, c'est une réalité. Je ne pense pas qu'avoir une carte ou pas y change quelque chose. Je crois qu'on est tous engagés là-dedans.
M. Jacques Tousignant: Je voudrais faire quelques réflexions à propos de vos questions et de vos observations. Vous dites qu'au cours des deux dernières années, il y a eu un certain soutien populaire aux mesures antiterroristes. Il est facile d'aller chercher ce soutien. Quand on demande aux gens s'ils acceptent que leurs droits soient limités ou que certaines de leurs libertés soient limitées à la condition qu'on leur assure un bon degré de sécurité, les gens disent oui. Quand on demande aux gens s'ils sont contre le terrorisme, ils disent qu'ils le sont, bien sûr, mais quand on va dans le détail...
En ce qui concerne le soutien populaire, rappelons-nous la façon dont se sont passées les discussions concernant le projet de loi C-36 à l'automne 2001. On a pu observer qu'il y avait à la fin de novembre ou au début de décembre une véritable prise de conscience chez le public canadien. Je pense en particulier à ce séminaire organisé à Toronto par les professeurs de la Faculté de droit de l'Université de Toronto sur les différents aspects de C-36, séminaire qui a eu beaucoup de répercussions au Canada anglais. À partir de ce moment-là, il s'est constitué un véritable momentum, et le gouvernement a imposé la clôture des débats. J'ai même vu une chose absolument malheureuse du point de vue de quelqu'un qui souhaite des débats démocratiques: j'ai vu la personne qui présidait le Sénat se moquer des sénateurs qui s'opposaient au projet de loi C-36 et qui demandaient des amendements à ce projet de loi. Donc, le débat a avorté.
C'est certain qu'au Canada, la prise de conscience à l'échelle du pays est assez lente. C'est attribuable à un certain nombre de facteurs dont la dispersion de la population. Cela tient aussi aux moyens de communication, aux journaux que les gens lisent, au type de bulletins de nouvelles auxquels les gens s'alimentent, etc.
Au sujet de la réaction du public, je pense, entre autres, au dossier de l'accès légal. À la Ligue des droits et libertés, nous avons eu 15 jours pour réagir au projet de loi C-36, un projet extrêmement complexe--c'est un dossier de 170 pages si je ne me trompe--qui remettait en question les principes fondamentaux du droit criminel canadien. La Ligue des droits et libertés a eu 15 jours pour préparer le mémoire écrit qu'elle présentait devant le comité mixte. Pour nous, ce sont des exercices de démocratie qui, à certains moments, frisent la parodie. Dans le cas du dossier de l'accès légal, ça a été un peu la même chose. Dans le projet initial du gouvernement, il était prévu de visiter trois villes au Canada. On m'a dit qu'on s'était finalement rendu dans une vingtaine de villes, mais il reste que le projet initial de consultation n'incluait même pas Toronto. Il y avait Montréal, je pense, Vancouver et une troisième ville qui est peut-être Halifax. Je ne m'en souviens pas.
Est-ce que soumettre à la population le dossier de la carte d'identité serait une occasion de sonder la population? Peut-être. Par ailleurs, c'est peut-être le projet le plus innocent en un sens, s'il est détaché du contexte, s'il est détaché des autres. Un projet soumis à l'ensemble de la population canadienne concernant l'accès légalisé donné aux corps policiers et aux services de renseignement à toutes nos utilisations de l'Internet, du courrier électronique, de nos cartes de crédit, de nos comptes de téléphone, de toutes nos transactions bancaires, etc. rejoindrait les gens. Je pense qu'en démocratie, on devrait le faire, et non pas essayer de faire adopter rapidement un projet de cette dimension comme si c'était un projet innocent.
¸ (1430)
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il m'apparaît clair que la démocratie s'exprime quand les gens la prennent en main. Il faut bien savoir que quand un gouvernement décide d'aller de l'avant avec des choses innommables... Rappelez-vous que nous nous opposions fermement au projet de loi auquel vous avez fait allusion, et nous n'étions pas les seuls à le faire, mais dans notre système parlementaire, c'est le gouvernement qui décide. On accepte de vivre avec ça parce que les pressions ne sont jamais suffisantes pour faire reculer le gouvernement. Avec la guerre, peut-être y a-t-il des messages qui sont donnés, mais encore là, M. Bush ne semble pas comprendre.
Je me dis que si on peut faire un débat sur la signification de tout cela, on aura fait un grand pas pour sensibiliser les gens. Les gens sont de plus en plus dégoûtés de la politique. Ils ne veulent pas s'y intéresser; c'est bon pour les autres et de toute façon, ça ne change rien. Je pense qu'il est plus que temps de faire la démonstration que si on prend en main la chose politique, on pourra changer des choses et exiger le respect des opinions et des volontés des personnes.
Vous ne m'avez pas répondu à toute la partie très ennuyante liée aux coûts et à la gestion. Est-ce une partie qui vous intéresse? On peut dire que ce n'est pas utile ou nécessaire, que ça pourrait, à la limite, être extrêmement dangereux pour notre vie privée, mais il y a aussi les coûts. Si on dit aux gens que ça va coûter tel montant et qu'on leur demande s'ils en veulent toujours, il y en a sans doute certains qui vont reculer.
¸ (1435)
M. Jacques Tousignant: Oui. Comme tous les autres citoyens, je pense spontanément aux coûts déjà connus et prévisibles de l'administration du programme d'enregistrement des armes à feu au Canada. C'est certain que cela nous fait réfléchir. Ce n'est pas un aspect du dossier que nous avons étudié spécifiquement, parce que notre contribution s'efforce d'être plutôt dans le domaine de la promotion des droits civils, des droits économiques, sociaux et culturels.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Dans le cas d'une carte qui ne serait que facultative et qui aurait des paramètres très précis, quelle est votre position?
M. Jacques Tousignant: Comme pour bien d'autres choses, nous pensons qu'il vaut mieux ne pas mettre le pied dans la porte. On n'a pas eu cette carte jusqu'à maintenant. On a des passeports et des similicartes d'identité, et ça fonctionne. C'est un peu comme les policiers de Londres qui, jusqu'à maintenant, ont toujours fonctionné sans porter d'armes. Pourquoi se mettraient-ils à porter des armes? À l'occasion de la marche de samedi, devant le consulat américain, il y avait des gens de la GRC, mais ils étaient en costume de ville; ils n'étaient pas habillés en martiens.
Je reviens strictement à votre question. Je pense qu'il vaut mieux ne pas aller dans ce sens-là, une des raisons étant que cette carte sera d'abord facultative, mais qu'elle va devenir obligatoire. Encore une fois, les pressions étant ce qu'elles sont, on sera tenté d'ajouter des informations aux informations de base dont on pourrait se contenter. Je ne veux pas en faire une position absolument inflexible des gens de la Ligue des droits et libertés, mais nous estimons que nous n'en avons pas eu besoin jusqu'à maintenant. Nos voisins américains, qui aimeraient beaucoup que nous ayons une telle carte, n'en ont pas pour eux-mêmes. C'est une raison de plus de ne pas en avoir une. Il y a aussi cette question des coûts que vous avez évoquée. Pourquoi ne pas continuer comme on a fait jusqu'à maintenant?
Le fait de ne pas en avoir une évite que tout le monde nous la demande et que les policiers commencent à nous la demander à tout moment. C'est peut-être beaucoup mieux ainsi. Encore une fois, le fait qu'un policier n'a pas le droit de demander à quelqu'un de s'identifier sans raison fait partie de la bonne tradition qu'on a héritée de la common law britannique quant à nos manières de faire dans notre vie de société. La technologie est là, mais on n'est pas obligés de la prendre. Ce qui importe, c'est de garantir une certaine manière de vivre en société, où la liberté sous toutes ses formes est non seulement...
¸ (1440)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Peut-être puis-je vous amener à répondre un peu plus brièvement. Vous avez répété le même point plusieurs fois.
Je vais maintenant donner la parole à Diane. Il nous reste environ 20 minutes, pour que le temps soit partagé également.
Diane, vous avez la parole.
Mme Diane Ablonczy: Merci beaucoup d'être venu. Je regrette de ne pas parler français suffisamment bien pour pouvoir converser avec vous dans cette langue. Si j'essayais, ce serait une expérience éprouvante pour vous. Je suis certaine que l'interprète fera beaucoup mieux que moi.
J'aime les organismes comme le vôtre qui servent de chiens de garde en matière de droits civils et de vie privée des citoyens. Dans le cas présent, nous avons un débat. Le ministre a dit que qu'il était nécessaire d'avoir un débat au sujet d'une carte d'identité nationale. Il me semble, toutefois, qu'avant d'avoir un débat, nous devrions savoir de quoi nous parlons. Alors, ma question, c'est que pensez-vous que le ministre veut dire par nécessité d'une carte d'identité nationale? À votre avis, quel est son objectif et quel mal essaie-t-il de combattre?
[Français]
M. Jacques Tousignant: Dans son discours, M. Coderre disait qu'il voulait prévenir les vols d'identité. Il souhaite que l'identification de chacun soit plus facile. Nous pensons, à tort ou à raison, que le gouvernement américain donne à penser au gouvernement canadien qu'il sera plus facile pour les citoyens canadiens de passer la frontière s'ils ont une carte d'identité numérisée.
Vous me demandez pour quelles raisons le gouvernement met de l'avant le projet d'une carte d'identité. Je pense que les entreprises technologiques sont de plus en plus présentes pour vendre toutes leurs découvertes, tous leurs produits, tous leurs logiciels; elles laissent entendre que ça va apporter facilement toutes sortes d'informations qu'on n'a jamais eues.
Vous me demandez quelles sont les raisons que je perçois comme citoyen. Je vous les ai données. Je crois que ce sont les quatre motifs qu'a le gouvernement pour mettre de l'avant le projet de carte. Je persiste à penser que ce n'est pas nécessaire, car on a bien fonctionné jusqu'à maintenant.
Même si on institue une nouvelle carte d'identité, il y aura encore de la falsification de cartes. On n'échappera pas complètement à un des problèmes que le gouvernement souhaite régler, et on imposera à l'ensemble de la population un nouveau type de contrôle qui s'ajoutera à plusieurs autres types de contrôle que le gouvernement impose ou veut imposer à la population.
[Traduction]
Mme Diane Ablonczy: À titre de députée et de membre de ce comité, la question n'est pas tout à fait claire pour moi, à quoi nous attaquons-nous au juste ici. Nous ne sommes certainement pas ici pour stimuler les affaires des entreprises de haute technologie. Cela serait tout à fait inacceptable. Nous ne sommes certainement pas ici pour faire des courbettes à nos voisins. Je regardais leur Homeland Security Act, qui a été adoptée l'an dernier, et l'article 1514 précise que rien dans cette loi ne doit être interprété comme autorisant l'élaboration d'un système ou d'une carte d'identification nationale. Alors, je ne suis certainement pas prête à imposer à la population canadienne quelque chose que le gouvernement américain lui-même a rejeté explicitement dans ses propres lois.
Comme vous dites, si le but est la sécurité de l'identité, il s'agit d'une illusion. En fin de semaine, je parlais avec quelqu'un qui fait beaucoup affaire aux Philippines et qui me disait que là-bas, on a l'habitude de dire que si vous pouvez le faire, vous pouvez le contrefaire. Cela est vrai dans de nombreuses régions du globe, y compris au Canada. La technologie à laquelle ont accès les faussaires est aussi raffinée que celle à laquelle ont accès les gouvernements— et à vrai dire, si l'on en juge par les gâchis observés dernièrement dans nos propres ministères, peut-être est-elle même encore plus raffinée.
Je suis aussi confuse que vous, je suppose. Nous essayons de deviner une raison possible, mais ce n'est pas particulièrement clair.
Je veux vous poser la question suivante. Le numéro d'assurance sociale est apparu durant les années 60. Je suis certaine que même à cette époque, vous observiez la situation. Il s'agissait d'un numéro d'identification qui devait servir aux fins du régime de retraite et des programmes gouvernementaux, comme le Programme d'assurance-emploi. Aujourd'hui, on vous demande votre NAS lorsque vous louez une maison ou lorsque vous faites une demande de carte de crédit; presque tous les formulaires qu'il est possible de remplir comportent une section réservée au NAS, même s'il est tout à fait illégal de demander cette information—ce n'est certainement pas la loi qui l'exige. Le Commissaire à la protection de la vie privée de Colombie-Britannique a parlé de cette situation comme d'une multiplication insidieuse des fonctions. En d'autres mots, si vous avez un processus technologique ou bureaucratique, les utilisations tendent à se multiplier. En tant que défenseur des droits civils, vous avez sûrement dû voir cela se produire. J'aimerais connaître votre avis sur le danger de multiplication des fonctions qui existe dans le cas de ce genre d'information.
¸ (1445)
[Français]
M. Jacques Tousignant: Que veut dire function creep?
[Traduction]
Mme Diane Ablonczy: Je suis certaine que nos interprètes s'amusent follement.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): La technologie existe et on crée les besoins.
M. Jacques Tousignant: Vous avez raison de dire que la carte d'assurance sociale joue, dans un certain nombre de cas, le rôle d'une carte d'identité, mais ça fait précisément partie de ce que nous disons présentement. Nous acceptons que cette carte puisse, à l'occasion, jouer le rôle de carte d'identité, et nous la trouvons moins envahissante et moins dangereuse que la carte qu'on veut nous proposer ou nous imposer.
Vous parlez de la carte d'identité nationale, mais on pense aussi à cette difficulté qu'a le gouvernement à la gérer. Il y a plus d'un million de cartes d'assurance sociale au Canada qui sont en circulation et qui n'ont pas de vrai titulaire. Il y en a 1,2 million, je pense. Nous préférons des moyens imparfaits d'identification des citoyens à des moyens plus parfaits qui risquent d'envahir la vie privée des gens dans les faits. Toute la vie des gens sera connue des services policiers et des services de renseignement parce que la carte sera de plus en plus une porte d'accès à l'ensemble des renseignements concernant chaque citoyen.
Donc, nous pensons qu'il est préférable qu'il soit un petit peu plus compliqué pour la police, à certaines occasions, de vérifier et d'authentifier l'identité de quelqu'un. Nous préférons cela à un système policier où tout le monde vit sous l'oeil vigilant et silencieux de gens qui surveillent la vie de tous les jours des gens. Nous préférons ce moyen imparfait, tout en souhaitant que le gouvernement réussisse à mieux contrôler l'émission et la circulation des cartes d'assurance sociale.
¸ (1450)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, monsieur Tousignant.
Je trouve relativement difficile de concilier certaines de vos idées. Vous dites, d'une part, que les Américains ont rejeté la carte et, d'autre part, qu'ils ont forcé les Canadiens à en envisager une. S'agit-il uniquement de spéculations de votre part ou avez-vous de l'information qui vous amène à croire cela?
[Français]
M. Jacques Tousignant: Un premier élément de réponse est que dans le premier PATRIOT Act--parce qu'il semble qu'il y en ait un deuxième qui s'en vient--, le gouvernement américain refuse qu'on aille vers l'adoption d'une carte d'identité pour les citoyens américains.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Ils le savent tous. Vous faites valoir que les Américains l'ont rejetée et qu'ils ont forcé les Canadiens à l'envisager.
[Français]
M. Jacques Tousignant: Non, je n'ai pas parlé de forcer, mais à la lumière de tout ce qu'on entend dire, même de la part d'hommes d'affaires, et de tout ce qui passe dans les journaux, on peut penser qu'il s'agit d'une invitation pressante. Je pense que même les hommes d'affaires canadiens seraient plutôt favorables à cette nouvelle demande américaine pour faciliter le passage à la frontière. Donc, c'est une invitation pressante ou une suggestion de la part du gouvernement américain.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Jacques, cela m'aide à comprendre.
[Français]
M. Jacques Tousignant: Je vais faire une extrapolation. La semaine dernière, le Congrès américain et le Sénat ont refusé qu'on autorise aux États-Unis l'application intégrale du plan Total Information Awareness de l'amiral Pointdexter. Le Congrès et le Sénat ont dit non. Ils ont dit qu'il n'y aurait pas d'accès aux informations que peuvent fournir les services informatiques de toute nature qu'utilisent les Américains, qu'il n'y aurait pas d'accès à l'égard des citoyens américains. Ils font une distinction entre les citoyens américains et les citoyens d'autres pays. Il faut bien se rappeler que le projet d'accès légalisé aux informations contenues dans les systèmes informatiques fait partie de la Convention internationale sur la cybercriminalité. Un des volets est que, dans chaque pays, on constitue des banques de données ou on donne aux policiers l'accès à toutes les informations sur chacun des citoyens contenues dans les systèmes informatiques, mais le dernier volet de la convention prévoit un échange d'informations entre les pays membres, de sorte que les États-Unis pourront éventuellement obtenir des services de renseignement canadiens des informations sur les citoyens américains. Mais la semaine dernière, le Congrès a dit non. Il a dit qu'il n'y aurait pas d'accès légal en ce qui concerne les citoyens américains. Donc, les citoyens d'autres pays pourront être surveillés, mais pas les citoyens américains.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Dans notre pays, nous avons une Loi sur la protection des renseignements personnels qui interdit que de l'information passe d'un ministère à un autre, puis à un autre. Un des problèmes auxquels doit faire face le présent comité, c'est que le ministre a ouvert le débat, sans préciser la nature de cette carte. Le ministre a dit : ayons un débat public; je ne fixe pas d'objectifs, je ne fixe pas de paramètres, je ne dis pas où nous en sommes ni où nous allons, je dis qu'il est temps d'avoir un débat sur la carte nationale. Certains l'on appelée la supercarte, expression que j'ai cru entendre ici aujourd'hui. D'autres la considèrent uniquement comme une carte d'identité faisant appel à certains moyens par lesquels nous pouvons être plus certains de l'identité de quelqu'un. Ce que nous avons aujourd'hui, c'est une carte portant une signature. Vraiment, comme vous l'avez dit, ce n'est pas une carte sûre, et elle ne le deviendra pas non plus dans l'avenir. La technologie change de manière spectaculaire. Je suis d'accord pour dire qu'il y a des gens, dans l'ombre, qui peuvent utiliser la technologie aussi bien que d'autres en plein jour, mais il me semble que si nous utilisons les meilleurs moyens à notre disposition, nous devrions être en mesure d'identifier quelqu'un à l'aide d'une carte.
Je ne sais pas où ce débat va nous conduire. Il y a ceux qui disent que c'est une bonne chose et ceux qui disent, non, cela va trop loin et porte atteinte à nos droits personnels. Je pense que votre position a été très claire, que le débat au Canada devrait se poursuivre, de manière que nous puissions entendre parler de tous les aspects de la question, mais finir par réunir tout cela dans une sorte de forum, qui sera nécessaire, je pense, dans l'avenir. On nous a dit à Halifax, à St. John's, à l'Île-du-Prince-Édouard et à Fredericton—et je suis sûr que l'autre partie du comité s'est fait dire la même chose à Toronto et dans l'Ouest du Canada—, qu'il est nécessaire d'avoir des paramètres pour baliser cette question. Nous avons besoin de savoir exactement de quoi nous parlons. Une des difficultés que nous avons avec un débat qui n'est pas balisé par des paramètres, c'est que toutes sortes de choses viennent s'immiscer dans le débat. Je trouve qu'il est assez difficile de voir la question dans une optique raisonnée, parce qu'elle est beaucoup trop vaste. Nous ne savons pas où nous allons avec cette carte. Mon point de vue, c'est que la carte devrait être un identifiant, et si tel est le cas, elle devrait donner plus de sécurité, mais ne devrait pas empiéter sur les droits ni sur la vie privée des citoyens. Tout le monde peut spéculer sur des centaines de choses différentes, mais tant que les règles n'auront pas été fixées par la législation, je ne sais pas si nous parviendrons jamais à y voir clair dans cette question.
Peut-être pouvez-vous répondre à cela.
¸ (1455)
[Français]
M. Jacques Tousignant: Voici quelques éléments de réponse.
Tout d'abord, nous avons déjà des documents d'identification. Quand nous traversons les frontières, quand nous sommes à l'étranger, il est particulièrement important d'avoir de bons documents d'identification. Le passeport canadien a encore été revu il y a quelques années pour qu'il soit plus sécuritaire. Nous avons déjà un bon document.
Pour ce qui est des résidents permanents au Canada, on a institué la carte, qui est encore une fois une carte d'identité. Au sujet de cette carte, on veut qu'il soit très clairement établi que rien ne devrait y figurer de plus que ce qu'on trouve dans le passeport canadien. Nous pensons, et nous avons encore plus de raisons de le croire, compte tenu de tous les types de contrôle qui se sont multipliés autour de l'ensemble des citoyens canadiens depuis deux ans, qu'il est préférable de nous en tenir à la situation dans laquelle nous sommes actuellement, même si la technologie nous fait miroiter une plus grande sécurité.
Comme on l'a rappelé tout à l'heure, même avec la technologie avancée, il y aura toujours moyen que des gens falsifient les cartes, les volent ou je ne sais quoi.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Si je dis que votre inquiétude concerne ce qui pourrait être ajouté à la carte, et non pas la carte elle-même en tant que mesure de sécurité, est-ce assez juste? Je suis allé en Inde et j'ai vu des passeports empilés sur une hauteur d'un pied qui avaient tous été forgés et confisqués. Nous savons tous que nos documents ne sont pas aussi sûrs que nous aimerions qu'ils le soient. Toutefois, comme je l'ai dit plus tôt, il est possible que d'ici cinq ans, les autres cartes ne soient pas aussi sûres. La sécurité est importante, mais votre préoccupation, c'est que la présence de trop d'information sur une carte qui est partagée par trop de gens finira par causer des problèmes sociaux et personnels touchant la vie privée. Est-ce exact?
¹ (1500)
[Français]
M. Jacques Tousignant: Oui, c'est en partie ça. Il me semble en effet que le projet de carte d'identité... [Note de la rédaction: difficultés techniques] ...une supposée lutte antiterroriste. C'est en partie pour des problèmes à la frontière, ou je ne sais quoi, mais c'est aussi en raison des pressions américaines qu'on accélère ce projet de carte d'identité.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Encore une fois, il s'agit de spéculations. Le ministre n'a pas précisé les paramètres du débat ni sur quoi repose le débat. Le ministre a dit que nous avions besoin d'un débat sur une carte nationale. Je ne vais pas essayer d'en établir les paramètres. Jusqu'à ce que le ministre le fasse, je pense que nous parlons tous en termes généraux. Je pense que c'est une bonne chose.
Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'apprécie particulièrement qu'on mette un projet de loi sur la table et qu'on permette par la suite aux Canadiens d'intervenir, comme vous, monsieur Tousignant. J'apprécie particulièrement aussi qu'on vienne à Québec, parce que les comités ne viennent pas souvent siéger à Québec. Je trouve ça très intéressant. C'est une première pour moi que d'assister à la séance d'un comité qui vient siéger à Québec.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le président, lorsque vous dites que l'objectif du ministre n'était pas de nuire à l'ensemble des Canadiens ou de mettre en place une carte qui serait plus lourde, mal gérée et moins sécuritaire, mais plutôt de mettre en place une carte qui serait facile à gérer, plus sécuritaire et qui répondrait mieux aux besoins des gens, dans la mesure où on aurait choisi les paramètres qu'on souhaite avoir sur la carte d'identité. Je pense que la carte d'identité pourrait simplement porter une empreinte quelconque, que ce soit une lecture faciale, l'empreinte de l'iris ou l'empreinte digitale, qui va simplement indiquer que M. Tousignant est bien M. Tousignant. La carte pourrait simplement vous relier à votre nom, ou il pourrait y avoir une base de données exceptionnelle qui permettrait de connaître vos antécédents médicaux, psychologiques et fiscaux.
D'entrée de jeu, vous avez donné deux prémisses pour expliquer pourquoi vous étiez contre cette carte. La première, c'est qu'elle va coûter trop cher et que son coût sera probablement plus élevé que les coûts reliés actuellement à tous les documents forgés qu'il y a. Je me demandais si vous aviez des données là-dessus.
M. Jacques Tousignant: Non. J'ai dit à ce sujet que je ne faisais qu'endosser des objections à l'instauration de la carte qui ont déjà été mentionnées par d'autres un certain nombre de fois.
Mme Hélène Scherrer: D'accord. On sait qu'actuellement, le certificat de décès, le certificat de naissance et le passeport nous permettent d'avoir accès à l'assurance-emploi, par exemple, et que ça coûte une fortune à l'économie et aux entrepreneurs. Jusqu'à maintenant, on ne connaît pas ces coûts car on ne les a pas évalués.
Votre deuxième prémisse est que cette carte ne sera pas aussi sûre que les autres cartes. Je pense qu'on n'est pas en mesure de dire à l'heure actuelle jusqu'à quel point elle pourra être plus sûre ou moins sûre que les autres cartes.
Je veux revenir sur un argument que vous avez apporté à plusieurs reprises, à savoir qu'on n'en a pas actuellement besoin. Il y a 10 ans, je n'avais pas d'ordinateur et je n'avais pas l'impression d'en avoir besoin. Maintenant, j'en ai un et je ne pourrais pas m'en passer. Je pense que la technologie nous rejoint et j'ai tendance à avoir confiance en la technologie, en une certaine technologie qui nous permettrait de bien cerner ce qu'on veut avoir sur une carte. Actuellement, on remplit des fichiers à l'assurance-emploi, au revenu, chez le médecin, chez les policiers et ainsi de suite. J'ai l'impression que ma vie est encore beaucoup plus à découvert que si on avait une carte dont on choisirait les paramètres. Je ne veux pas qu'on crée de paranoïa en disant que la couleur de nos « bobettes » sera inscrite sur la carte qu'on va transporter, mais j'ai tendance à croire que la technologie nous permet maintenant de choisir de faire un lien entre M. Tousignant et l'empreinte qui est sur la carte pour que son identification soit plus facile.
Vous avez raison de dire qu'on pourra forger cette carte, parce que quelqu'un va certainement trouver le moyen de la fausser. La même chose se produit dans le cas de la monnaie. On a beau y mettre un élément supplémentaire, il y a toujours un petit fin finaud qui réussit finalement à le trouver. Ne pensez-vous pas que la technologie pourrait, avec des méthodes très poussées, contrôler un peu, ou avez-vous vraiment le sentiment que lorsqu'on s'abandonne à la haute technologie, on a l'impression qu'on vient de perdre le contrôle complètement?
¹ (1505)
M. Jacques Tousignant: Ce n'est pas la technologie elle-même qui me fait peur. Je ne pense pas non plus que ce soit la technologie qui fasse peur à mes collègues de la ligue. C'est l'utilisation qu'on en fait. Depuis deux ans, on estime qu'on est échaudés. C'est que notre vie démocratique au Canada, à moyen terme, est menacée par une utilisation secrète de ces pouvoirs par les corps policiers, sans qu'il y ait de contrôle direct par le Parlement et la société canadienne. C'est le contexte dans lequel nous voyons arriver ce projet, un projet de plus qui recourt à la technologie, et nous nous demandons s'il est nécessaire. Ce serait sans doute parfois utile, mais il ne nous semble pas que ce soit nécessaire.
À propos de la technologie, maintenant que l'automobile existe, les policiers font souvent leur ronde dans les villes en voiture. Par ailleurs, il y a un certain nombre de villes qui ont redécouvert les vertus des rondes de police à pied. Autrement dit, la technologie est utile dans certains cas mais ne l'est pas dans d'autres. C'est à nous de voir ce qui va assurer suffisamment la sécurité, mais également ce qui va garantir la vie dans une société libre où on respecte les gens, où on ne les dérange pas pour rien, dans une société où on ne fait pas non plus de perquisitions sans raison. C'est cela qu'il faut protéger maintenant. Nous nous attendons à ce que gouvernement canadien assure un peu mieux qu'il ne le fait maintenant l'équilibre entre les exigences de la sécurité collective, et la promotion, le respect et l'exercice des droits des citoyens libres.
Mme Hélène Scherrer: Là où je vous rejoins, c'est quand vous dites qu'on a l'impression que par différents mécanismes ou critères, le gouvernement vient toujours chercher un peu plus d'informations: sur votre permis de conduire, sur une carte d'assurance-maladie, sur votre relevé d'impôt. Tous ces documents sont requis à un moment ou à un autre: pour passer la frontière ou pour obtenir un passeport, un certificat de naissance, un permis de conduire ou une carte d'assurance-maladie. Cependant, ne pensez-vous pas qu'une carte qui limiterait les informations... Maintenant, chaque fois que je remplis une demande pour obtenir mon permis de conduire, on me demande toutes sortes de renseignements: un certificat de naissance et plein de renseignements. Je vais sortir mon portefeuille et vous montrer les cartes que j'ai dû demander en donnant chaque fois un petit plus de renseignements sur ma famille, sur mes antécédents médicaux, etc. Si on avait une seule carte d'identité numérique dont les renseignements seraient contrôlés, on nous demanderait peut-être moins de renseignements quand nous voulons renouveler les autres cartes.
Le débat devrait peut-être porter sur l'ensemble des cartes d'identité qui sont utilisées actuellement. On montre notre carte de crédit, notre permis de conduire, notre certificat de naissance, notre passeport à droite et à gauche. Quand on fait le cumul de tous les renseignements qu'on a recueillis avant de nous donner nos cartes, on a tout ce qu'il faut pour bien nous connaître.
M. Jacques Tousignant: C'est vrai, mais j'aime mieux que les gens soient obligés de chercher les informations à la pièce sur différentes cartes. Ce que vous évoquez est précisément un des dangers possibles. Vous dites qu'au lieu de traîner une foule de cartes, on en aurait une seule. Mais c'est précisément ça qui pourrait être extrêmement risqué, à mon avis. Je pense qu'on ne devrait pas s'engager là-dedans sans bien examiner toutes les répercussions possibles.
On n'a pas parlé, par exemple, de l'utilisation qui pourrait être faite d'une telle carte par des faussaires ou par des gens intéressés à fournir de l'information plus ou moins clandestine, ou des agences qui se créeraient pour percer les systèmes d'information et fournir des renseignements à des employeurs éventuels, par exemple, ou je ne sais quoi.
¹ (1510)
Mme Hélène Scherrer: Mais ça existe déjà.
M. Jacques Tousignant: Ça existe déjà, précisément, mais sachant ce que nous savons, il faut penser à ce risque que les cartes ne servent pas autant qu'on le souhaiterait à la protection des citoyens, mais qu'elles servent plutôt à donner aux gens qui veulent utiliser les informations privées des citoyens de nouvelles façons d'obtenir ces informations.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, monsieur Tousignant.
[Traduction]
Nous avons légèrement dépassé le temps prévu, mais votre témoignage est très important à nos yeux. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de comparaître et de nous faire part de vos préoccupations. Nous allons certainement les examiner très attentivement. Le beau côté de ce débat ouvert, c'est que nous avons l'occasion d'entendre toutes sortes de personnes sur la question et de tracer un portrait encore plus collectif de ce qui est potentiellement, comme vous l'avez signalé d'entrée de jeu, l'équilibre entre la sécurité et la manière canadienne. Je pense que c'est un énoncé très important que vous avez fait dès le début de votre intervention. Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de l'avoir fait.
[Français]
M. Jacques Tousignant: J'aimerais ajouter deux commentaires. Notre souhait est que le gouvernement canadien se mette à faire la promotion du respect de la liberté civile, des libertés fondamentales au Canada, pour qu'on sorte de ce langage unique de la sécurité comme si c'était le premier et le seul droit que les Canadiens valorisent actuellement.
L'autre souhait, c'est que des commissions comme la vôtre réussissent à publiciser davantage les tournées qu'elles font dans les villes canadiennes et que les organismes aient plus de temps que nous en avons eu pour préparer des comparutions devant des comités comme le vôtre.
Je vous remercie beaucoup de nous avoir reçus.
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Nous allons maintenant accueillir MM. Serge Ferland et Gregory McConnell représentant LABCAL et des témoins de Concept e Sécurité Technologies. Je suis sûr qu'Yves Côté et Gilles Gravel vont nous aider à mieux comprendre la technologie électronique. Je veux vous remercier de votre présence.
Comme nous avons prévu environ une heure de débat sur cette question, j'aimerais vous dire qu'il serait utile que vous limitiez la durée de votre exposé à moins de 10 minutes. Nous allons ensuite donner la parole aux membres du comité pour le reste de la période, pour qu'ils puissent vous poser des questions et obtenir plus de détails.
Je tiens également à remercier LABCAL de nous avoir apporté un mémoire dans les deux langues officielles. Étant donné le peu de temps que vous avez eu, nous vous en remercions beaucoup. Je sais que cela vous a demandé un effort important.
Je vais d'abord donner la parole à M. Côté.
¹ (1515)
[Français]
M. Yves Côté (vice-président, Concept e Sécurité Technologie inc.): Bonjour. Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Le but de ma présentation est de vous annoncer qu'il existe bel et bien une solution qui satisferait vos besoins d'avoir un certificat d'authenticité de la personne tout en respectant vos attentes au niveau de la protection des droits de la personne. D'abord, Concept e Sécurité Technologies Inc. a pour mission de concevoir et promouvoir de nouvelles applications électroniques simples, efficaces et rentables dans les secteurs de la sécurité, de l'authentification et autres intégrations technologiques. Comme notre présentation est en français seulement, je vais essayer de me tenir le plus près possible du texte.
Concept e Sécurité Technologies réunit une équipe multidisciplinaire qui regroupe cinq spécialistes en informatique, en gestion de risques et de sécurité, en gestion et financement d'entreprises. Nous avons déjà à notre actif des démarrages d'entreprises de haute technologie spécialisées en logiciels et en biotechnologie, le développement de systèmes hautement sécurisés pour des transactions financières, des conseils en sécurité pour les grandes entreprises, la commercialisation à l'international et le développement de concepts technologiques.
Présentons d'abord le contexte. Il y a eu une prise de conscience des lacunes en sécurité à la suite des malheureux événements du 11 septembre et depuis, nous sommes en état de crise. Il y a le problème de l'identification aux douanes, et on parle de points chauds. On parle aussi du respect des lois sur la protection des renseignements personnels et de la Charte canadienne des droits et libertés. Enfin, il existe déjà des contrôles aux différents points de vérification.
Les problématiques que nous avons identifiées sont d'abord, bien entendu, la difficulté de certifier la validité des photographies sur les passeports, permis de conduire et autres documents d'authentification. Il y a aussi des problèmes de falsification et de duplication de documents et d'emprunts d'identité. On parle également d'engorgement des points de vérification, aux douanes ou ailleurs. Enfin, il faut tenir compte de la mondialisation; c'est-à-dire que la solution doit correspondre aux normes internationales que sont la compatibilité des technologies et les limites légales qui sont différentes selon les États visés et la démocratisation. On parle de coûts du déploiement technologique, de convivialité, de fiabilité et de disponibilité.
Notre solution est un algorithme d'authentification basé sur l'image permettant de certifier de façon infaillible la validité du document d'authentification, c'est-à-dire de toute carte ou permis comme le passeport, la carte de citoyenneté, le permis de conduire, etc. On parle d'une fiabilité d'environ 7,5 50.
Je vous rappelle les avantages stratégiques. Il y a, bien sûr, l'infaillibilité d'authenticité du document, le coût unitaire du document, carte ou passeport, qui demeure minime, la simplicité d'émission et de validation, ainsi que le coût minimal d'implantation et de déploiement du système. Notre solution peut aussi être jumelée aux autres moyens de reconnaissance de la personne tels que l'utilisation de la biométrie, de la morphologie, etc. Enfin, le propriétaire du document demeure seul propriétaire de ces données. Nous assurons le respect des informations personnelles.
Je vous remercie de votre attention.
¹ (1520)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, Yves.
C'est maintenant au tour de Greg.
[Français]
M. Gregory McConnell (directeur de comptes, Développement des marchés, "LABCAL Technologies Inc."): Bonjour. J'aimerais tout d'abord me présenter. Je m'appelle Gregory McConnell et je suis de Labcal Technologies.
Labcal est une compagnie qui se spécialise dans les technologies d'authentification de l'identité. On combine les empreintes digitales, ou la biométrie, les technologies de cartes à puce et la cryptographie à clé publique pour authentifier l'identité des gens, que ce soit pour accéder logiquement à des ordinateurs ou physiquement à des endroits.
Le but de notre présence ici est de démystifier ou de clarifier le contexte dans lequel la biométrie pourrait être utilisée pour authentifier une carte d'identité nationale, parce qu'il y a beaucoup d'idées fausses à ce sujet.
[Traduction]
J'aimerais débuter mon exposé par une explication du concept d'attribution nominative de bénéfices. Il s'agit d'une expression utilisée dans d'autres industries, mais il s'agit aussi d'une expression consacrée que nous utilisons pour parler d'une carte d'identification qui permet à son porteur de recevoir des services, de l'argent ou tout autre avantage qui pourrait être offert. J'en parle parce que dans le cas des cartes d'identité nationales, nous ferons évidemment face à une distribution de l'identité canadienne. Lorsque nous disons identité canadienne, nous parlons, implicitement, de toutes sortes de services gouvernementaux et sociaux qui sont uniques à notre pays, une certaine qualité de vie qui est offerte aux Canadiens, aussi bien au pays qu'à l'étranger. Alors, lorsque l'on considère l'attribution nominative de bénéfices ou une carte d'identité qui assurerait cette attribution, j'aimerais insister sur deux points. Le premier, c'est l'authentification de l'identité du porteur de la carte et, deuxièmement, la validité et l'intégrité du document ou de la carte d'identification elle-même. Si nous ne pouvons pas maîtriser ces deux facteurs, nous ne pouvons prétendre avoir un système de carte d'identité crédible.
[Français]
J'aimerais maintenant présenter rapidement la biométrie digitale et expliquer dans quel contexte elle pourrait être utilisée dans le cadre d'une carte d'identité nationale.
Dans ce cas-ci, elle serait utilisée, et j'insiste là-dessus, pour authentifier le document, donc dans un but d'authentification et non de surveillance. J'y reviendrai un peu plus tard.
Le principe, c'est qu'on n'utilise pas l'image de l'empreinte digitale, mais une fois qu'on a lu l'empreinte digitale, on en extrait des caractéristiques uniques qui sont appelées des minutiae. C'est un principe qui est reconnu dans le monde, entre autres par les milieux juridiques. On en extrait des caractéristiques uniques comme des fins de lignes sur votre empreinte, des croisements de deux lignes, des îlots, des caractéristiques uniques qui nous permettent ensuite de les positionner dans un axe XYZ et nous donnent des coordonnées de ces caractéristiques.
Bref, on a une référence mathématique de votre empreinte, qu'on peut appeler un profil biométrique. Je répète que ce n'est pas l'image de l'empreinte. C'est ce qui va être stocké en référence sur une carte pour ensuite authentifier son utilisateur.
[Traduction]
J'aimerais également expliquer un autre concept, à savoir celui de signature électronique. Je ne veux pas entrer dans les détails—évidemment, je pourrais étoffer ce que nous disons ici rapidement par un discours beaucoup plus technique—, mais l'idée, c'est que nous utilisons la signature numérique ou électronique pour protéger l'intégrité, le deuxième point dont j'ai parlé. Par la signature électronique de toutes les données consignées sur cette carte au moment de l'inscription, nous garantissons l'intégrité de la carte. Il s'agit d'une sorte de sceau ou de cachet placé sur les données contenues sur une carte, y compris les données concernant les empreintes digitales. Si quelqu'un cherche à manipuler ces données, à changer ne serait-ce qu'un octet d'information sur la carte, le sceau est automatiquement brisé et le système détecte la fraude. Cela règle la question de l'utilisation frauduleuse ou de la reproduction de la carte.
De plus, ce sceau est unique et permet d'identifier précisément le fonctionnaire qui a délivré cette carte. Alors je peux, chaque fois que je lis la carte, retracer l'origine de la carte jusqu'à une autorité compétente. De toute évidence, si ces cartes sont faciles à copier et que n'importe qui peut les délivrer, encore une fois, je suis en présence d'un système d'attribution des cartes déficient. Je dois m'assurer que ces cartes ne sont délivrées que par des personnes ou des centres d'inscription autorisés si je veux pouvoir me fier à l'information contenue sur la carte.
¹ (1525)
[Français]
Poursuivons sur l'utilisation de la biométrie digitale. On se rapporte au principe d'authentification. Partout où on vérifiera cette identité, on aura tout simplement un lecteur qui, d'une part, lira l'empreinte digitale et qui, d'autre part, la comparera à une carte.
Je vais vous donner un exemple. Voici un appareil mobile qu'on appelle en anglais handheld. D'un côté, il lit la carte; de l'autre côté, il lit l'empreinte. Il y a une comparaison qui se fait, donc un match. Si ce match est positif, on a une identification valide. Si le match est négatif, il y a quelqu'un qui a peut-être essayé de reproduire une carte et une mauvaise photo, mais il n'a pas pu changer la référence biométrique. Donc, on a un mauvais match en raison d'une utilisation frauduleuse.
Je veux souligner l'importance de l'authentification sur place, parce qu'une base de données centrale, qui est un mauvais concept quand on parle de biométrie, n'est pas nécessaire. Il s'agit ici d'authentifier les certificats ou les documents d'identité qu'on met en circulation dans le système. Au même titre qu'une personne vérifie aujourd'hui une carte photo visuellement en la comparant à la personne qui est devant elle, la transaction se fera sur place. On n'a pas besoin d'une base de données pour vérifier cela. C'est la même chose dans le cas d'une carte: on vérifie l'empreinte sur la carte ou la référence biométrique mathématique qui est sur la carte et on la compare à celle qu'on vient de lire chez l'utilisateur. On n'a pas besoin d'interface avec une base de données centrale. C'est une authentification que l'on fait, et non une surveillance.
On n'a pas besoin de savoir où vous faites la transaction, quelle transaction vous faites et qui vous êtes. On a besoin de s'assurer que la carte qui est présentée veut dire que son détenteur est un citoyen canadien qui réclame les bénéfices et les avantages qui en découlent, et que ce détenteur veut aussi prouver que c'est lui, le citoyen canadien qui est sur cette carte et non pas quelqu'un d'autre. Donc, c'est l'authentification et non la vérification.
On met des empreintes digitales dans des bases de données pour des applications à l'usage des forces de l'ordre. Ce sont, par exemple, des bases de données sur des criminels. Si le gouvernement désirait, par exemple, vérifier les antécédents des futurs employés des aéroports, il pourrait, comme il le fait aujourd'hui s'il le désire, vérifier les bases de données sur les criminels pour s'assurer qu'on ne confie pas à un criminel un travail clé dans un aéroport, par exemple.
C'est une tout autre chose. En termes de technologie, c'est même un autre système. Il y en a un qui s'appelle AFIS, Automatic Fingerprint Identification System. Ce sont des bases de données centrales. Nous, nous parlons d'un one-to-one matching. On parle d'une vérification sur place de la référence biométrique qui se trouve sur la carte.
¹ (1530)
[Traduction]
Je vais tracer rapidement un portrait de ce qui pourrait exister et indiquer où en est rendue la technologie. En définitive, j'aimerais que les Canadiens et le présent comité considèrent l'authentification biométrique comme un moyen de garantir l'identité canadienne. De toute évidence, nous sommes fiers de nombreux programmes que nous avons élaborés et que d'autres pays ne peuvent s'offrir. L'identité canadienne signifie beaucoup de choses en ce qui a trait à l'argent du gouvernement et en ce qui a trait au respect de l'identité personnelle. Le ministre Coderre a fait état de nombreux problèmes liés au vol d'identité au Canada. Cette empreinte digitale est là pour protéger mon identité, pour faire en sorte que personne, d'ici ou de l'étranger, ne vienne voler cette identité et obtenir, en mon nom, les avantages qui sont rattachés à cette identité. Alors, nous proposons la biométrie comme moyen de protéger l'identité de quelqu'un et de protéger, dans leur ensemble, les services et les systèmes qui nous tiennent à coeur et que nous jugeons si précieux dans ce pays.
Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, Greg.
Diane.
Mme Diane Ablonczy: Merci de votre exposé. Il y a quelques questions pratiques que j'aimerais explorer avec vous.
Vous avez une carte sur laquelle on trouve une empreinte digitale et sur laquelle on peut lire «Gregory McConnell». Qu'est-ce qui empêche quelqu'un d'utiliser la même carte, et le même nom, mais avec sa propre empreinte digitale?
M. Gregory McConnell: Copier ma carte ou simplement en créer une autre?
Mme Diane Ablonczy: Créer une autre carte en votre nom.
M. Gregory McConnell: C'est ici que nous entrons dans les détails très techniques. Le système s'accompagne d'une infrastructure de clé publique. Il y a une autorité centrale qui possède ces longues clés créées par des algorithmes qui sont propres à cette identité particulière. Nous avons des dispositifs d'inscription qui émettent ces cartes et qui transfèrent ces clés sur les cartes. Je pourrais installer ce système en Chine ou dans différents pays sans que ces clés soient compatibles avec le système utilisé ici. Vous pourriez utiliser la même technologie sur une carte d'identité italienne, mais dès que vous lisez la clé, elle vous indique que la carte n'a pas été produite par la même autorité.
Ce que je veux dire ici, c'est qu'il serait très difficile d'utiliser ou de créer un dispositif qui émettrait des cartes exactement identiques à celles qui sont émises par le gouvernement canadien à cause de ces techniques de clé publique électronique que nous utilisons, mais également parce que tous ces dispositifs sont brevetés au nom de LABCAL et qu'ils doivent être déverrouillés par un agent d'inscription autorisé, avec empreinte digitale et certificat de clé publique. Vraiment, je ne veux pas ennuyer personne ici, mais il y a beaucoup de mesures reconnues qui sont utilisées pour rendre une autorité centrale, comme le gouvernement canadien, unique et pour relier à cette autorité toutes les cartes qu'elle a émises. Alors, il serait très difficile pour quelqu'un de reproduire une carte comme celle-là dans son sous-sol.
Mme Diane Ablonczy: Je comprends cela, mais nous vivons à une époque où des pirates qui fréquentent encore l'école secondaire parviennent à s'introduire dans les ordinateurs du Pentagone, un monde dans lequel les gens vendent de l'information. L'espionnage industriel est un crime dont les enjeux sont énormes. Alors, ce n'est pas impossible. Évidemment, plus notre carte sera perçue comme sécuritaire, plus on s'intéressera à la reproduire. Nous savons qu'une carte impossible à reproduire n'existe pas. On peut rendre le processus très difficile, mais nous savons que ce n'est certainement pas impossible et nous savons que la motivation pour la reproduire sera très forte.
Vous avez dit que l'utilisation de cette carte ne nécessiterait pas une base de données.
¹ (1535)
M. Gregory McConnell: Pas une base de données d'empreintes digitales. Cela ne veut pas dire que vous ne voulez pas une base de données contenant le nom et le numéro de carte des Canadiens; j'imagine que vous avez aujourd'hui une base de données contenant les noms et les numéros de passeport.
Mme Diane Ablonczy: Si deux personnes disent être Gregory McConnell et présentent une carte, il doit bien exister un genre de base de données qui permette de faire des recoupements, n'est-ce pas?
M. Gregory McConnell: Exactement.
Mme Diane Ablonczy: Vous avez dit également que les services policiers pouvaient vérifier qu'une personne n'est pas recherchée, n'a pas de dossier criminel. Il faut là aussi avoir accès à une base de données.
M. Gregory McConnell: Tout d'abord, j'aimerais dire à ce sujet que le piratage est toujours possible. Lorsque je parle des principes de cryptographie à clé révélée que nous utilisons, il faut savoir que chaque année, des concours sont organisés dans le monde entier pour déterminer le code de signature qu'il est impossible de percer. Les pirates utilisent la capacité de traitement pour ce faire. Il existe des normes et on a déterminé que dans le cas de la toute dernière norme, par exemple, il faudrait peut-être 30 années avant que toute la capacité de traitement du monde réussisse à trouver l'unique clé signature de l'algorithme. C'est donc pratiquement très difficile. Je ne dis pas que d'ici deux ans on n'y arrivera pas, mais les pirates ont récemment essayé de le faire.
Comme vous l'avez dit, rien n'est à l'abri du piratage. Il s'agit donc en fait de choisir ce qu'il y a de plus sûr qui soit disponible sur le marché. Je ne peux pas me porter garant de l'avenir, mais nous avons actuellement un système de certificats de naissance, de cartes d'identité très simples qu'une imprimante de 25 000 $ peut facilement copier, avec des images holographiques, etc., et des passeports qu'il est de toute évidence facile de reproduire. Nous vendons ces systèmes à ceux qui se demandent ce qui pourrait arriver si quelqu'un leur coupait le doigt. Ce que je dis, c'est que vous utilisez un système de passeport actuel et que je le rends plus sûr. Je ne dis pas qu'il est impossible de le pirater, mais nous essayons de sauvegarder les renseignements personnels d'identité et de faire en sorte que n'importe qui ne puisse profiter d'un système pour lequel nous aurons dépensé de l'argent.
Votre autre question porte sur une base centrale de données sur les criminels et sur l'authentification. J'aimerais faire la distinction entre les deux, car la vérification des antécédents des criminels se fait actuellement. Je ne propose pas de système. C'est au gouvernement de décider si cela convient. Toutefois, le FBI et la GRC sont actuellement dotés de systèmes informatisés de dactyloscopie. Si je ne me trompe, le FBI en a 300 millions, la NSA en a un et la GRC aussi, comme je l'ai déjà dit. Par conséquent, si l'ACSTA ou Transports Canada embauche aujourd'hui un contrôleur aérien ou un autre employé d'aéroport, ils vont vérifier les titres de cette personne avant de l'employer. Si cette personne doit jouer un rôle essentiel, ils vont faire une vérification et c'est ce qui se fait actuellement dans de nombreux cas.
Il est donc facile de faire des recoupements à partir des empreintes digitales, puisque de toute façon, on les prend dans le cas du personnel essentiel; la présentation graphique et la technologie pourraient être différentes. Il n'existe aucun lien permettant à la technologie que je propose d'authentifier le document. Je voulais simplement faire la distinction entre surveillance et contrôle des antécédents d'une part, et authentification des pièces d'identité, d'autre part.
Lorsque vous signez un chèque ou une opération de carte de crédit dans un restaurant, vous n'avez pas à dire qui vous êtes ni ce que vous faites. Vous confirmez effectivement qu'il s'agit de vous-même, que c'est votre carte et que vous signez. Si vous avez une plainte au sujet de cette opération, on vous répondra que vous avez signé.
¹ (1540)
Mme Diane Ablonczy: Cela m'est déjà arrivé.
Soit dit en passant, j'ai quelque chose de très intéressant—je ne sais pas si d'autres membres du comité en ont eu vent—il s'agit d'une société qui fait des analyses faciales et qui explique pourquoi ce système est beaucoup plus utile qu'une empreinte digitale.
Mais avant d'examiner ce point plus en détail, j'ai une question à poser à M. Côté. Vous avez dit dans votre exposé que la technologie respecterait les renseignements personnels. Je me demande si vous pouvez développer, car beaucoup de témoins que nous avons entendus et beaucoup de députés également, sont très inquiets face à l'accumulation des renseignements personnels, se demandent qui pourrait les utiliser et comment leur utilisation pourrait s'étendre. J'aimerais donc connaître votre réaction à ce sujet.
[Français]
M. Gilles Gravel (vice-président, Technologies, Concept e Sécurité Technologie inc.): Je vais répondre à la question. Nous aurions aimé pouvoir vous donner beaucoup plus de détails sur la technologie. Malheureusement, cette semaine, nous avons parlé avec nos avocats et ils nous ont recommandé de garder certains secrets, parce que nous sommes en voie de faire breveter notre principe technologique, qui est relativement simple. C'est d'ailleurs ce qui fait son originalité et contribue à sa performance. C'est un système qui peut se greffer à des systèmes existants. Donc, c'est un système très peu coûteux.
Par contre, en ce qui a trait à son fonctionnement exact, je dois malheureusement attendre avant de vous communiquer de l'information, étant donné que nous sommes en séance publique. Toutefois, il nous ferait plaisir de nous asseoir avec des gens et avec nos avocats, afin d'expliquer notre technologie. Nous aurions alors une couverture juridique qui nous permettrait d'aller beaucoup plus en profondeur. Donc, malheureusement, je ne peux pas répondre à fond à toutes les questions de nature technologique. Ce que je peux dire maintenant, c'est que le système est efficace.
[Traduction]
Mme Diane Ablonczy: Je le comprends et si malgré tous les efforts déployés, cette proposition va plus loin, nous l'examinerons de près.
Permettez-moi de vous poser une autre question. Vous avez dit que le coût unitaire de ces cartes serait minime. Vous avez dit que l'implantation en serait minime et rapide. Je suis députée depuis neuf ans et je n'ai encore jamais vu de programme gouvernemental dont les coûts soient minimes et dont la mise en place soit rapide; je suis donc un peu sceptique. Si vous essayez de prendre l'empreinte digitale de 20 millions de personnes et d'encoder ces renseignements afin de pouvoir les authentifier, avec ou sans base de données--je suis un peu sceptique lorsque l'on me dit qu'il est inutile d'avoir une base de données car, à mon avis, il en faut bien une--peut-être pourriez-vous dire au comité pourquoi à votre avis ce sera rapide et peu coûteux.
[Français]
M. Gilles Gravel: La réponse facile que je peux vous donner, c'est que nous utilisons un principe très simple qui réutilise ce qui existe actuellement, par exemple le passeport. On a un passeport; il y a un coût associé à ce passeport actuellement. Le coût de l'inclusion de notre technologie serait relativement minime. Je ne peux pas l'expliquer. Si je vous l'explique, je vais vous donner la recette. Donc, il y aura sûrement un certain coût de déploiement, et on ne peut pas vous le cacher. Si on fait 20 millions de passeports et qu'on ajoute un élément à chacun d'eux, qu'il coûte 5 ¢ ou 5 $, cela ajoutera des frais quelque part, mais on peut facilement contrôler ces coûts de manière à ce qu'ils soient répartis, et pas seulement au niveau canadien. Cela peut donner à d'autres pays l'idée d'utiliser cette technologie. Ce moyen deviendrait beaucoup plus mondial, beaucoup plus international. Lorsqu'on désire avoir beaucoup plus de sécurité, notre système permet entre autres, comme on l'a mentionné précédemment, d'ajouter de la biométrie ou de la morphologie. Ce sont des ajouts qui permettraient des des vérifications beaucoup plus approfondies.
Si on voulait aller au niveau extrême, l'ADN est le test ultime, mais on n'en est pas là. On cherche toujours les moyens les plus simples qui feront à la fois l'affaire du gouvernement et celle du citoyen. C'est ce qui est important et c'est ce qu'on a visé. Je crois qu'on oublie parfois les technologies les plus simples. Nous cherchions la méthode la plus simple et la plus efficace.
¹ (1545)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Thank you, Gilles.
Hélène.
Mme Hélène Scherrer: Je reviens au témoignage de M. Tousignant. On sait que les trois irritants majeurs étaient le coût, la confidentialité et tout ce qui était relié à la fraude. Ma première question s'adresse à ceux qui ont déjà une carte.
Ne faudrait-il pas, pour l'obtention de la carte, que je fournisse d'autres documents d'identification? Or, en fournissant ces autres documents d'identification pour obtenir ma carte, est-ce que je n'ouvrirais pas encore la porte à une fraude possible, puisque que ces documents que je fournirais pourraient être un faux permis de conduire, une fausse carte de ceci, une fausse carte de cela? C'est ma première question.
Deuxièmement, j'aimerais que vous me parliez des coûts qui pourraient être associés à une telle carte.
Troisièmement, j'aimerais qu'on réponde à l'argument de M. Tousignant quant à la confidentialité. Est-ce que cela donne effectivement accès...?
M. Gregory McConnell: La première question était celle de la poule ou de l'oeuf. Nous proposons un système pour authentifier le document qui est donné à l'utilisateur final. Le processus de vérification de l'identité pourrait faire appel à ceci. La transaction qui se fait souvent est la vérification de ce document final. On ne refait pas chaque fois la vérification complète de l'identité. Nous proposons une méthode sûre de vérifier ce document final qui est la carte d'identité nationale. Je suggérerais au gouvernement d'utiliser le système qui est utilisé présentement pour l'émission d'un passeport pour vérifier l'identité originale de la personne. Bien entendu, si je veux obtenir un passeport aujourd'hui ou une carte d'identité nationale, j'espère que les fonctionnaires vont me demander d'être là en personne, qu'ils vont me demander mon certificat de naissance et peut-être d'autres cartes avec photo. Le processus initial d'authentification doit exister et il doit être très rigoureux. Une fois qu'on a établi cette identité hors de tout doute, on émet un document qui peut préserver cette identité établie hors de tout doute. Nous suggérons une méthode pour l'authentifier. Si le Bureau des passeports émet un passeport pour garantir l'identité de la personne, mais que ce document n'est pas infaillible, on a un problème. On certifie que le citoyen à qui on émet le passeport est bel et bien Gregory McConnell, mais ce document peut être falsifié. À ce moment-là, le processus antécédent devient caduc.
Mme Hélène Scherrer: Je veux m'assurer d'avoir bien compris. Quand je recevrai la carte sur laquelle sera écrit mon nom et sur laquelle se trouvera mon empreinte, il n'y aura plus de problème. Mais pour à l'obtention de la carte, je pourrais utiliser un faux passeport.
¹ (1550)
M. Gregory McConnell: Exactement. Le processus d'identification de l'individu avant l'émission de la carte doit être aussi rigoureux, sinon plus, que le processus utilisé présentement pour émettre un nouveau baptistaire ou un nouveau passeport. La chaîne est toujours aussi forte que son maillon le plus faible maillon. Si le maillon initial est très faible, la chaîne aura une faille.
M. Serge Ferland (président et chef de la division financière, "LABCAL Technologies Inc."): Évidemment, aujourd'hui, on ne peut prouver notre identité de façon irréfutable. On n'est même pas capables de le faire présentement, car le système ne nous le permet pas. Il n'existe même pas de documents qui peuvent... Donc, il faut commencer quelque part.
M. Gregory McConnell: À part le passeport et le baptistaire, mais le jour où tout le monde va devoir traîner son baptistaire un peu partout... Mais encore là, pour les gens de l'industrie de l'authentification de l'identité, c'est un document qui est très facilement falsifiable.
Pour ce qui est des coûts, il est très difficile d'avancer des chiffres aujourd'hui. Je dirai comme mes collègues que ça va dépendre de beaucoup de processus. Souvent, le gouvernement s'engage dans des consultations très longues, et le coût va devoir être amorti. Il faudra délivrer des cartes à puce à des dizaines de millions de citoyens. Cela peut coûter moins de 10 $ la carte; cela coûterait peut-être 5 $, 3 $ ou 7 $. Ce n'est pas ce qui coûte le plus cher. Je crois que ce sont les processus professionnels et administratifs reliés à la carte qui vont coûter le plus cher.
On connaît tous le grand scandale de la carte du port d'arme. C'est un grand problème, mais pourquoi est-ce un problème? Ce n'est pas la carte de plastique qui coûte cher; c'est le processus administratif. Je suis un chasseur et j'ai dû enregistrer mon arme à feu et obtenir un permis de port d'arme. J'avais déjà une carte de chasseur du gouvernement du Québec. Maintenant, pour une arme à feu, j'ai trois cartes, dont deux du gouvernement fédéral: une qui me dit que j'ai le droit de chasser et l'autre qui me dit que telle arme a le droit d'être enregistrée. Si je veux acheter une autre arme, je dois avoir une autre carte. Si j'ai huit armes, j'ai huit cartes. Dites-moi où est le problème de coût. Est-il dans le processus ou dans la carte?
De plus, chaque fois que je demande une nouvelle carte, je dois envoyer tout ça dans un système centralisé. Je ne me présente pas sur place. Je dois faire parvenir une foule de documents qui doivent être validés, signés par un agent de la paix, etc. C'est un processus très lourd.
Par contre, le processus d'émission des passeports, qui pourrait servir de modèle pour un processus d'émission de carte d'identité nationale, est très simple. On se rend à un endroit qui est autorisé à émettre une preuve d'identité. À cet endroit, on prend une photo de la personne après avoir validé ses documents d'identité et on émet quelques semaines plus tard un passeport, qui est une preuve d'identité.
M. Serge Ferland: L'émission d'une carte va coûter de 5 $ à 10 $. Ce n'est pas ça qui va coûter cher; c'est tous le processus nécessaire pour vérifier l'identité de quelqu'un. C'est ça qui va coûter cher.
Mme Hélène Scherrer: En quoi cette carte-là pourrait-elle être avantageuse si j'ai besoin de tous les autres documents d'identification pour obtenir cette carte, pour me faire identifier? En quoi cette carte-là me serait-elle plus utile que tout ce que j'ai déjà dans mon portefeuille?
Gregory McConnell: Premièrement, il n'y a pas de document officiel qui soit portable et qui valide l'identité d'un Canadien. De manière formelle, c'est le passeport. De manière plus quotidienne, au Québec, c'est le permis de conduire. Je suis certain que c'est le même cas dans plusieurs provinces, où quand on demande une carte d'identité avec photo, c'est le permis de conduire qu'on demande. J'obtiens toutes sortes de services en présentant mon permis de conduire. Si je perds ma carte d'hôpital ou ma carte d'assurance-maladie, on me demande deux preuves d'identité avec photo. Ce sont des documents comme ceux-là, aussi peu formels que le permis de conduire, que je donne.
J'ai déjà parlé à des gens de la Société de l'assurance automobile du Québec qui disent que c'est un rôle qu'ils jouent de manière informelle et qu'ils ne veulent pas avoir, parce qu'il y a une responsabilité légale de rattachée au fait de produire le document d'identité de référence.
Il va donc falloir, à un moment donné, avoir une preuve d'identité réelle que le gouvernement est prêt à endosser et à accepter comme preuve d'identité. On mettra en place un système de vérification de l'identité très stable car ce qu'on a présentement, c'est une foule de documents informels qui peuvent être falsifiés, même le passeport. On a vu que les terroristes qu'on attrape ici et là ont quatre ou cinq passeports de quatre ou cinq pays différents, et aussi des visas. Je ne sais pas si certains d'entre vous ont déjà vu ce que représente la paperasse d'un immigrant reçu ou d'un résident permanent, mais il y a très peu de méthodes d'authentification dans ces documents-là.
¹ (1555)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: J'aimerais poser des questions plus techniques, mais je comprends que vous soyez tenus à la confidentialité sur l'algorithme et la biométrie, les deux développements technologiques qui semblent assurer l'authenticité d'un document et qui existent déjà.
Vous avez parlé de la carte d'assurance-maladie, du passeport, du permis de conduire. Mais s'il s'agit d'un document qui est déjà falsifié, votre carte va rendre authentique un document faux, par exemple un faux passeport. Donc, il y a déjà un problème. Est-ce qu'il faut refaire tout le processus d'authentification des données qui sont sur ces documents? Prenez-vous un document et l'authentifiez-vous en disant que cette personne-là est vraiment Christiane Gagnon, qu'elle habite à tel endroit, ou bien prenez-vous tous les documents...? J'ai un peu de mal à comprendre qu'on ne fera pas de gestion des données qui seront rassemblées pour émettre ce document-là, peu importe la technique que vous nous soumettez aujourd'hui. J'ai un peu de difficulté à comprendre qu'il n'y aura pas de gestion des données qui sont dans l'un ou l'autre de ces documents. Vous pourrez peut-être m'expliquer cela.
Peu importe la technique, l'autre chose qui me pose problème, c'est que finalement, on inverse l'approche qu'on a toujours eue en croyant à la bonne foi de tous les citoyens du Québec et du Canada. Nous sommes des gens de bonne foi, et nous allons maintenant avoir une preuve d'identité qui dira si oui ou non nous sommes de bons citoyens. Je ressens presque une sorte de culpabilité, parce que c'est comme si nous seuls en avions besoin, alors que les autres pays n'en ont pas besoin. Les États-Unis, par exemple, sont nos voisins, et les Américains n'auront pas besoin de démontrer qu'ils sont de bons citoyens. C'est justement à cause d'un argument de ce genre qu'on a refusé d'approuver un document d'authenticité.
M. Serge Ferland: Il faut aussi inverser le problème. Moi, Serge Ferland, je n'ai pas intérêt à ce qu'on utilise mon identité. Une carte qui est bonne, valide, qui a été vérifiée, authentifiée et qui assure mon identité me protège. Elle empêche aussi les autres d'utiliser mon identité, ce qui est un élément important de protection pour moi.
Mme Christiane Gagnon: Ne pensez-vous pas que le fait qu'on ait un document d'authenticité fera qu'on sera moins vigilants? Ce document pourrait aussi être falsifié. Je suis certaine qu'on va trouver un mécanisme pour déjouer tous les contrôles que vous pensez avoir mis sur pied, et à ce moment-là, on va baisser les bras et on va dire qu'il y avait un document d'authenticité.
Depuis le 11 septembre, on veut faire la lutte au terrorisme. Si on avait été plus vigilants, on aurait pu savoir que tout cela était organisé et on aurait pu connaître les noms bien plus tôt, mais il y a eu une espèce de laisser-aller parce qu'on pensait qu'on ne serait jamais touchés ici, en Amérique du Nord. J'ai un petit peu de difficulté face à cela.
M. Serge Ferland: Vous avez raison. On voudrait établir une carte d'identité aujourd'hui et on ne sait même pas quels documents utiliser pour l'établir. Finalement, on s'attarde au problème comme ça et on n'a même pas de documents qu'on pourrait utiliser comme référence et qui confirmeraient avec certitude l'identité d'une personne. Donc, on risque encore d'émettre des cartes à quelqu'un qui n'est pas là, parce qu'il n'y a pas de règles. Mais un jour, il va falloir arrêter la machine. Il va falloir dire qu'on adopte une procédure, un mécanisme qui va nous permettre de vérifier avec le plus d'assurance possible l'identité de quelqu'un. Dès que ce sera fait, on pourra geler son identité avec une carte qu'on émettra et qui prouvera l'identité de la personne. Il va falloir le faire un jour.
On n'a pas de documents qui nous permettent de le faire à l'heure actuelle. On n'a rien et on en parle depuis tout à l'heure. C'est vraiment là qu'est le problème. Si on voulait émettre une carte aujourd'hui, on n'aurait pas les documents nécessaires pour le faire. On ne sait pas quel processus on va adopter.
º (1600)
[Traduction]
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.
Gilles, avez-vous des observations à faire à ce sujet?
[Français]
M. Gilles Gravel: Moi, je vais toujours au plus simple. Je pense qu'on a ici deux problèmes. D'abord, on a le problème de la mondialisation. Il y a les gens qui s'en viennent ici et ceux qui sont ici. Je pense que tout de suite en partant, l'authenticité se traite comme un problème. À la base, ce problème est entre l'émetteur et la personne qui désire faire authentifier son identité.
Quand on demande un passeport, on apporte avoir soi une photographie qu'on remet au Bureau des passeports, mais comme notre confrère le disait tout à l'heure, il n'y a pas de procédure permettant de dire si la personne en face est la bonne personne. Donc, on ne parle même pas d'un problème technologique; on parle d'un problème d'émission.
Par ailleurs, quand on regarde du côté de la mondialisation, c'est la même problématique. Qui me certifie que la personne en provenance du Moyen-Orient a un nom, une adresse, une citoyenneté et un passeport valides? Il faut un moyen simple et efficace pour le faire. Malheureusement, je ne vous donnerai pas ma recette aujourd'hui, parce que ça fait partie de notre brevet, mais il faut toujours tenir compte du fait que la première problématique qu'il faut régler se situe entre l'émetteur du document et le citoyen. Le bon citoyen a une façon de s'authentifier, et je pense que la première chose qu'il doit faire, c'est de présenter lui-même ses papiers. Lorsqu'on va chercher notre passeport, on doit être présent. C'est le premier acte d'authentification à la base, nonobstant tous les papiers qu'on remplit. Est-ce la bonne personne qui est en face de moi? J'ai une photo et je regarde la personne. Il faut que je me demande si elle correspond à la photo sur le passeport actuel.
Lorsqu'on revient au pays, les douaniers regardent la photo et les papiers de la personne. Donc, cela se passe toujours entre deux individus. Il y a des moyens d'aller au-delà de cela pour vérifier si la personne qui est là a eu une chirurgie esthétique, si elle s'est maquillée ou quoi que ce soit. On a des moyens, comme la biométrie, pour certifier qu'une personne est réellement celle qu'elle prétend être.
Mais le problème de base ne se trouve pas là; il se trouve au niveau de l'émission du premier document. Il ne faut pas l'oublier.
Mme Christiane Gagnon: Qu'en est-il des engorgements aux points de contrôle de l'authentification? Avec une carte comme celle-là, l'engorgement n'est pas attribuable à la présentation d'un document, mais bien aux fouilles. On fouille maintenant les portefeuilles, on fouille partout.
M. Gilles Gravel: Ça va toujours demeurer.
Mme Christiane Gagnon: Vous avez parlé de l'engorgement, mais cet engorgement n'est pas attribuable à la pièce d'identité. C'est tout ce qui est à côté de la pièce d'identité qui fait que ça prend plus de temps maintenant pour passer à travers tout le processus de vérification. Mettons qu'une personne ait une carte d'identité. Cette carte d'identité ou le décryptage que vous pouvez en faire pour savoir si elle est authentique ou pas ne sera pas la preuve que cette personne ne présente pas un potentiel terroriste, car les organisations terroristes envoient des gens qui ne sont pas connus. Ces derniers vont passer les frontières, et je suis certaine qu'on va baisser les bras parce qu'on va se dire...
Je trouve que la carte qui témoignerait de l'authenticité de l'identité de la personne ne va pas nous faire atteindre notre objectif de lutter contre le terrorisme. Ce ne sera pas une espèce de passeport qui nous procurera la béatitude. C'est une fausse sécurité.
Mme Hélène Scherrer: C'est une fausse sécurité.
Mme Christiane Gagnon: Ça ne sera peut-être pas votre cas, mais cela va permettre aux gouvernements et à la police d'avoir un maximum d'information sur beaucoup d'individus qui n'ont rien à voir avec le terrorisme.
M. Gilles Gravel: Vous avez raison: ça ne remplacera jamais les bons vieux moyens comme les fouilles, etc. Quand on parle d'engorgement, on parle de gens qui circulent régulièrement. Quand on cherche un terroriste, en général, on ne cherche pas monsieur Tout-le-Monde; on les connaît. Le problème est de savoir qui a falsifié le document, qui entre avec un faux passeport, qui on n'est pas en mesure d'authentifier avec certitude. Cela n'empêchera jamais les fouilles de bagages qu'on fait parce qu'on soupçonne des gens de transporter de la drogue ou de l'alcool. Le problème n'est pas là. Ce qui pose un problème, c'est lorsqu'on veut savoir si la personne qui entre ici est réellement la personne qui est sur le document. C'est cela qu'on cherche à savoir.
Si j'étais Arabe et que j'arrivais du Moyen-Orient avec un passeport canadien... Actuellement, il y a des problèmes et on le sait. On veut savoir si la personne est réellement canadienne et non pas quelqu'un qui a pris un passeport canadien, qui l'a falsifié et qui entre avec cela. C'est une des premières choses que l'on fait, mais cela ne remplacera jamais l'ensemble des mesures de protection que l'on a dans les aéroports. J'espère qu'on ne deviendra pas insouciants même si on a une carte de citoyen ou un passeport authentique dont on peut confirmer qu'il n'est pas falsifié. Si c'est le cas, on va avoir des problèmes. Cela ne changera pas le problème de base de la fouille et de l'engorgement; cela va diminuer l'engorgement et faciliter le passage rapide des gens. Cela va peut-être faciliter aussi le passage aux douanes des Canadiens d'origine arabe. C'est ce qu'il faut viser. Je crois que c'est ainsi qu'il faut voir la carte d'authentification.
º (1605)
[Traduction]
Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, j'ai une question rapide.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je n'ai pas encore posé de questions, mais allez-y, Diane.
Mme Diane Ablonczy: Vous mourez d'envie de poser la même question, probablement. Si vous authentifiez mon permis de conduire, mon passeport ou toute autre carte, cette authentification serait-elle reliée à un genre de base de données?
M. Gilles Gravel: Je ne peux pas aborder ce sujet, désolé.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Dans sa réponse, Gregory a dit que oui, probablement à une liste de noms et de numéros.
M. Gregory McConnell: Exactement.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Si j'ai bien compris, il existe déjà d'autres listes, comme celles des services policiers, ainsi que des listes de criminels. Grâce à son organisation, la police peut établir un lien entre un nom et une identité. Ces listes existent déjà; on ne va donc pas plus loin et on suppose simplement que cette personne est bien celle qu'elle déclare être. Il existe également des listes dans le domaine des soins de santé. On ne crée pas de nouvelles listes, on n'en ajoute pas non plus; on peut simplement dire que cette personne est bien celle qu'elle déclare être. C'est tout du moins ce que j'ai compris. Est-ce que je me trompe, Greg?
M. Gregory McConnell: Je tiens à souligner deux points. Il existe déjà des bases de données d'empreintes digitales utilisées pour des vérifications criminelles. Il y aurait une base de données pour ce système de cartes d'identité, mais pas pour les empreintes digitales. L'empreinte digitale ne sert pas à gérer les identités, mais à authentifier l'identité au moment de la vérification. Par conséquent, j'ai besoin de l'empreinte digitale sur la carte et j'ai besoin de l'empreinte digitale de votre doigt, ce qui sont deux empreintes que vous avez toujours sur vous.
Dans la base de données, tout ce dont j'ai besoin, c'est un renvoi à votre identité--votre numéro de passeport, votre adresse--peut-être ne voulons-nous pas inclure l'adresse--votre date de naissance, n'importe quelle donnée d'identité. Si je décide un jour que Diane est maintenant une criminelle ou qu'elle est déportée vers l'Espagne et qu'elle n'est plus citoyenne canadienne, elle est rayée de cette liste. Même si vous avez toujours votre carte et votre empreinte digitale, nous ne les acceptons pas, car ce numéro de carte et ce nom ne paraissent plus dans la liste des citoyens canadiens. Nous n'avons pas besoin de l'empreinte digitale. Au moment de la vérification, vous validez l'identité qui figure sur la carte par votre empreinte digitale. Il est inutile d'avoir une base de données d'empreintes digitales dans un système de cartes d'identité. Il faut absolument gérer les identités, vous avez raison sur ce point. Il faut les supprimer ou les les inscrire. Il faut connaître le statut des nouveaux demandeurs, etc. Contrairement à d'autres systèmes qui centralisent les empreintes digitales, celui-ci vise à ne pas utiliser les empreintes digitales de la base de données, entre autres choses, car lorsqu'on gère toutes ces empreintes digitales dans la base de données, il devient très difficile au plan logistique de supprimer et d'inscrire de nouvelles données; il y a des chevauchements et beaucoup de problèmes se posent. Notre système est donc conçu de manière à ne pas avoir d'empreintes digitales dans une base de données.
º (1610)
Mme Diane Ablonczy: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Certains ont dit qu'il suffisait d'améliorer le passeport. Voici ma première question: Qu'est-ce qui changerait si nous améliorions le système actuel?
Deuxièmement, nous avons parlé du débordement insidieux de l'information figurant sur les cartes. Si je comprends bien, il existe des listes distinctes et vous vous bornez à faire des recoupements pour établir l'identité des gens. Par conséquent, un tel débordement de l'information fait-il vraiment partie du processus, d'après vous?
Le troisième point qui a été soulevé par de nombreux témoins, c'est que cela crée un État policier. J'aimerais savoir si vous pensez que cela donne plus de pouvoir à la police où s'il s'agit simplement d'établir l'identité des gens.
Quatrièmement, peut-être pourrions accepter une participation volontaire, plutôt que d'imposer la carte à tout le monde. Que pensez-vous d'une liste de participation volontaire?
Cinquièmement, lorsque le gouvernement émet des cartes, il en assume la responsabilité. Par exemple, si ma carte bancaire est utilisée de façon frauduleuse, c'est la banque qui en assume la responsabilité. Y a-t-il pour le gouvernement des questions de responsabilité à l'égard de ce genre de carte, qui pourraient se poser à l'avenir?
M. Gregory McConnell: Pour ce qui est de l'amélioration du système des passeports, je pense qu'il faudrait commencer par examiner le système actuel pour déterminer s'il faut le repenser ou le consolider afin de permettre l'authentification de l'identité. Peut-être qu'une étude s'impose, mais pourquoi instaurer tout un nouveau système si vous avez déjà délégué aux bureaux des passeports ou à des autorités compétentes dans l'ensemble du pays la responsabilité d'émettre des pièces d'identité, avec photos et tout le reste? Le gouvernement dispose déjà de personnel, d'installations, de caméras, etc., déjà payés. À mon avis, il faudrait absolument s'appuyer sur des installations ou des infrastructures qui existent déjà.
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la deuxième question, mais en ce qui concerne l'État policier, à mon avis, il faut adopter les lois qui s'imposent. C'est véritablement une question de nature législative. Nous proposons un système permettant d'authentifier l'identité des détenteurs de cartes d'identité nationales. Je pourrais décrire en détail les dispositifs de traitement intégrés qui permettent de faire en sorte qu'aucun renseignement biométrique ne puisse être intercepté; toutefois, si le gouvernement qui contrôle ce système décide d'y avoir recours comme s'il était un État policier, et qu'il monte des bases illégales de données, je crois alors que c'est aux Canadiens d'exiger l'adoption de lois établissant de bonnes pratiques. Il existe déjà de nombreuses lois visant à protéger les citoyens canadiens, je veux parler de l'utilisation et de la non-utilisation des renseignements personnes par le gouvernement. À mon avis, cela devrait faire l'objet d'un débat public. Quelles sont les règles relatives à l'utilisation de cette carte? Quels sont les véritables pouvoirs du gouvernement? Dans quelle mesure peut-il se servir des renseignements pour autre chose? À mon avis, étant donné que notre système n'est relié à aucun autre, il serait très difficile d'utiliser ces renseignements, mais ce n'est pas impossible. Si en fait le gouvernement utilise ces renseignements avec malveillance, ce serait, à mon avis, tout un autre problème pour le Canada.
Pour ce qui est d'une participation volontaire, je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée. Nous en avons discuté à plusieurs reprises au sein de notre société et, en fait, la Commission d'accès à l'information a discuté du recours à la biométrie. On a dit que ce serait acceptable, dans certaines conditions, si la participation était volontaire. Aujourd'hui, le passeport n'est pas obligatoire, n'est-ce pas? Vous ne voulez pas que n'importe qui prenne votre photo et dispose de vos renseignements personnels. Je dirais qu'un certificat de naissance est une bonne pièce d'identité pour tout le monde. Vous n'êtes même pas obligé d'avoir une carte de santé, si vous ne le voulez pas. Par contre, si vous voulez avoir le privilège de voyager aux États-Unis à l'automne 2004, par exemple, vous devez savoir qu'une loi y a été adoptée stipulant que tout document de voyage doit comporter des données biométriques. D'autres pays n'exigent pas de données biométriques, mais exigent certainement un passeport; il vous en faudra donc un. Sinon, restez au Canada où les systèmes ne l'exigent pas.
Dans le monde où nous vivons, vous devez savoir que si vous voulez voyager, vous devez disposer de meilleurs documents permettant d'authentifier votre identité. Si vous voulez jouer à la bourse ou avoir une licence de pilote ou un permis de voyage, vous devrez éventuellement vous inscrire dans ces systèmes; vous avez toutefois le choix de ne pas le faire. Je ne vois pas pourquoi ma grand-mère de 86 ans qui n'a plus l'intention de voyager devrait avoir un document de voyage comportant des données biométriques. Elle ne veut pas aller aux États-Unis en ce moment et n'a pas besoin de s'y rendre. Par conséquent, il s'agit, à mon avis, d'une participation volontaire. Les grands voyageurs en Europe, aux Pays-Bas, notamment, doivent déjà avoir des cartes biométriques pour pouvoir rapidement passer la douane. Leurs cartes comportent des données biométriques. Si vous ne voulez pas passer rapidement la douane, si vous ne voulez pas que vos empreintes digitales figurent sur une carte, ne vous inscrivez pas au programme des grands voyageurs. C'est à peu près tout.
À mon avis c'est donc possible, mais si le gouvernement décide un beau jour que tous les citoyens canadiens qui veulent voter doivent être détenteurs d'une carte d'identité, ce sera toute une autre question. Faites-vous de la discrimination contre certains, qui ne veulent pas du système biométrique, mais qui veulent voter? À mon avis, ces questions doivent être débattues au Canada. Je ne prévois certainement pas de problème si ce système est à participation volontaire.
º (1615)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): J'ai fait allusion au débordement insidieux de l'information. Certains parlent d'une supercarte à laquelle seraient reliés toutes sortes de renseignements, si bien que le détenteur perdrait toute protection de sa vie privée. C'est la question et je crois que presque tous les témoins que nous avons entendus, les commissaires à la protection de la vie privée, les défenseurs des droits de la personne, l'ont soulevée. C'est donc un premier point.
Le second point vise la responsabilité du gouvernement. Le gouvernement assume-t-il une responsabilité lorsqu'il émet et authentifie des cartes? Existe-t-il, d'après vous, des mécanismes susceptibles de protéger le gouvernement d'éventuels problèmes causés par la biométrie?
M. Gregory McConnell: Je crois qu'il s'agit à peu de choses près de la même responsabilité qu'en ce qui concerne la délivrance d'un passeport ou de n'importe quel autre document officiel d'identification. Le gouvernement achète à l'heure actuelle d'Entrust beaucoup de certificats d'infrastructure à clé publique. Il se porte garant de l'identité de ses employés. Je suppose donc qu'à un certain moment quelqu'un doit répondre d'une identité canadienne. Si ce n'est pas notre gouvernement, je ne sais pas qui s'en chargera. Nos mères le feront, mais elles ne sont pas le don d'ubiquité. Il faut à un moment donné qu'il y ait une certaine responsabilité et, par conséquent, un système de vérification très solide.
En partant de l'idée d'une carte qui servirait pour tout, je crois qu'il faut partir de quelque part si l'on veut délivrer un document d'identification digne de foi. Par la suite, c'est une question de projets proposés. Si vous voulez commencer par ficher le permis de conduire sur cette carte à puce, cela peut se faire, mais si les gens estiment qu'inclure tous les services sur une seule carte enfreint grandement liberté individuelle, ce ne sera pas accepté. La technologie de la carte à puce offre de nombreuses possibilités. Je crois cependant que le problème ici serait l'identité nationale et que le gouvernement ne pourrait l'intégrer dans d'autres systèmes existants comme les régimes des soins de santé ou de la sécurité sociale, sans consulter au préalable la population.
º (1620)
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Pour terminer, il y a beaucoup de gens dans le monde qui viennent au Canada comme nouveaux Canadiens. Le fait est que dans de nombreux pays du monde il n'existe pas de documents qui identifient clairement les personnes et qui précisent l'endroit d'où ils viennent, de dossiers de naissance, de documents se rapportant au développement des personnes, aux années d'Étude, au statut religieux ou que sais-je encore. Ces personnes viennent d'Afrique, d'Asie, de Chine et d'endroits où il n'existe pour ainsi dire aucun document. Nous sommes toujours tenus à bien des égards de délivrer une carte. Comment pouvez-vous ou le gouvernement peut-il garantir la sécurité dans beaucoup de régions où la situation est très difficile aujourd'hui? Les employés qui sont en poste à l'étranger peuvent repérer certains de ces problèmes mais la partie n'est toujours pas gagnée. Est-ce que cette carte sera de quelque utilité?
M. Gregory McConnell: Je ne crois pas qu'elle aide à obtenir leurs antécédents dans leur pays d'origine. C'est de toute évidence un problème auquel nous devons faire face aujourd'hui. Des personnes arrivent. Nous leur remettons un jour ou l'autre une carte de résident permanent ou leur accordons la citoyenneté canadienne en nous fondant sur l'information que nous pouvons recueillir. Je suppose que le gouvernement pose ce geste lorsqu'il a recueilli suffisamment de renseignements pour établir l'identité de la personne et vérifier qu'il ne s'agit pas de quelqu'un d'autre. Certains pays, je crois comprendre, mettent en oeuvre des systèmes de cartes d'identité sans connaître les dates exactes de naissance. Ils doivent à un certain moment deviner et fixer une date. Les gens ne connaissent même pas leur date de naissance.
Il est évident que nous n'avons aucune prise sur le passé. Si ces immigrants viennent au Canada, nous devons engager des processus qui nous permettront d'établir, au meilleur de notre connaissance, leur identité comme nous le faisons lorsqu'il s'agit d'accorder la citoyenneté canadienne aujourd'hui. Tout ce que fait notre système c'est de faire en sorte, par exemple, qu'une fois que nous l'avons accordée, elle ne serve qu'à cette personne et qu'elle ne soit pas prêtée à un ami ou un cousin dans un autre pays ou que le document soit reproduit pour servir à la famille de le pays d'origine. Il est arrivé à tellement de reprises au Québec que la carte santé soit reproduite d'une façon ridicule—la photo d'une femme utilisée par un homme. À un certain moment, si vous accordez ces services et ces privilèges aux citoyens, vous devez authentifier la personne à qui ils sont destinés. Nous payons tous, par l'entremise de nos taxes, la qualité de vie dont nous jouissons en tant que Canadiens. Si nous commençons à payer pour l'accorder à des gens qui ne sont pas légalement admissibles, un problème se pose alors. Il d'agit donc également d'une question de coûts.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Mesdames et messieurs, j'ai demandé au chauffeur d'autobus d'attendre un peu. Je vais permettre à Diane de poser une dernière question. Nous allons ensuite ramasser nos choses le plus rapidement possible. L'autobus nous attend à l'extérieur et le personnel doit emballer le matériel et sortir de la salle immédiatement. John a fait preuve de beaucoup de patience en n'exerçant pas trop de pression sur nous. Ne l'oubliez simplement pas.
Diane.
Mme Diane Ablonczy: Merci monsieur le président. Je m'excuse auprès du comité, je viens tout juste de me familiariser avec ces choses, mais ma question est très simple.
En ce qui concerne la base de données qui permettrait d'authentifier les cartes—je sais je reviens constamment à la base de données, mais comme c'est le plus grand sujet de préoccupation dont j'entends parler, nous devons prendre une décision—est-ce qu'elle est conservée par l'entreprise ou vendue au client?
º (1625)
M. Gregory McConnell: L'entreprise ne la conserve pas à coup sûr. Même la création de ces paires de clés uniques sous forme de certificats doivent incomber entièrement au gouvernement ou au client que nous servons. Sinon, nous serions responsables. Nous aurions une porte d'entrée à tous ces systèmes. Nous ne le voudrions pas. Par conséquent tout incombe au créateur de la banque de données. On commencerait probablement avec les bases de données existantes au Canada. Je fais constamment allusion au passeport. Je ne sais pas si le numéro d'assurance sociale conviendrait mieux, mais il existe des bases de données à partir desquelles vous pourriez travailler. La société n'en serait pas le créateur. Elle vous donnerait les outils pour le développement, l'inscription des empreintes digitales et l'extraction des références mathématiques, comme je l'ai déjà dit, mais elle essaierait de se tenir le plus possible à l'écart de tout cet exercice.
Mme Diane Ablonczy: D'accord. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.
Gilles, Yves, Greg et Serge, nous vous sommes très reconnaissants d'être venus témoigner devant nous. Le comité tiendra compte de tous vos témoignages. Je crois que vous nous avez aidés à tout le moins à mieux comprendre la technologie dans ce domaine. Il y a de toute évidence une large place pour un débat à l'échelle du pays et je suppose qu'il aura cours pendant un certain temps. Je veux toutefois vous assurer que le comité saura très bien utiliser tous les points de vue que avez exprimés. Merci beaucoup.
La séance est levée.