JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38th PARLIAMENT, 1st SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Monday, December 6, 2004
¹ | 1535 |
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)) |
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, PCC) |
¹ | 1555 |
L'hon. Irwin Cotler |
º | 1600 |
M. Vic Toews |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Stanley Cohen (avocat général principal, Section des droits de la personne, ministère de la Justice) |
º | 1605 |
M. Vic Toews |
M. Stanley Cohen |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Michael Zigayer (avocat-conseil, Division des politiques en matière de droit pénal, ministère de la Justice) |
M. Richard Marceau |
M. Michael Zigayer |
M. Richard Marceau |
º | 1610 |
M. Michael Zigayer |
M. Richard Marceau |
M. Michael Zigayer |
M. Richard Marceau |
M. Michael Zigayer |
M. Richard Marceau |
M. Michael Zigayer |
º | 1615 |
M. Richard Marceau |
M. Michael Zigayer |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Joe Comartin |
M. Michael Zigayer |
M. Joe Comartin |
M. Michael Zigayer |
M. Joe Comartin |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
º | 1620 |
L'hon. Irwin Cotler |
L'hon. Paul Harold Macklin |
º | 1625 |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Michael Zigayer |
M. Stanley Cohen |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Stanley Cohen |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC) |
º | 1630 |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Michael Zigayer |
M. Rob Moore |
Le président |
M. Stanley Cohen |
M. Rob Moore |
º | 1635 |
Le président |
M. Stanley Cohen |
Le président |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Michael Zigayer |
º | 1640 |
Mme Diane Bourgeois |
M. Michael Zigayer |
M. Stanley Cohen |
º | 1645 |
Le président |
M. Michael Zigayer |
Mme Diane Bourgeois |
M. Michael Zigayer |
Le président |
M. John Maloney (Welland, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
º | 1650 |
M. Stanley Cohen |
Le président |
M. Michael Zigayer |
Le président |
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC) |
º | 1655 |
L'hon. Irwin Cotler |
Mr. Garry Breitkreuz |
M. Stanley Cohen |
M. Garry Breitkreuz |
M. Stanley Cohen |
» | 1700 |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Garry Breitkreuz |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Richard Marceau |
» | 1705 |
M. Michael Zigayer |
M. Richard Marceau |
M. Michael Zigayer |
M. Richard Marceau |
M. Michael Zigayer |
M. Richard Marceau |
L'hon. Irwin Cotler |
» | 1710 |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Stanley Cohen |
L'hon. Irwin Cotler |
» | 1715 |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Mark Warawa |
» | 1720 |
Le président |
M. Mark Warawa |
M. Michael Zigayer |
» | 1725 |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Irwin Cotler |
» | 1730 |
Le président |
M. Garry Breitkreuz |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Monday, December 6, 2004
[Recorded by Electronic Apparatus]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile. Nous examinons le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale.
Nous accueillons l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice, qui nous exposera le point de vue du gouvernement sur le projet de loi.
Comme d'habitude, nous entendrons la déclaration liminaire du ministre et nous passerons ensuite aux questions.
Monsieur le ministre, voudriez-vous nous présenter les fonctionnaires qui vous accompagnent?
[Français]
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Merci, monsieur le président.
Je suis accompagné par deux témoins qui sont des experts du sujet dont il est question aujourd'hui. Me Michael Zigayer est avocat-conseil à la Division des politiques en matière de droit pénal et Me Stanley Cohen est avocat général principal de la Section des droits de la personne.
Monsieur le président, c'est un plaisir pour moi, comme toujours, de me présenter devant vous pour traiter du projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale.
[Traduction]
La Loi canadienne sur la banque de données génétiques a été adoptée en décembre 1998 et est entrée en vigueur le 30 juin 2000. C'est à cette date que la banque nationale de données génétiques, située au siège de la GRC à Ottawa, est entrée en activité. Celle-ci comprend un fichier,
[Français]
autrement dit, un fichier criminalistique
[Traduction]
qui comporte des profils d'identification génétique tirés de substances corporelles prélevées sur les lieux de crimes non élucidés, ainsi qu'un fichier,
[Français]
c'est-à-dire un fichier de condamnés
[Traduction]
qui comporte les profils d'identification génétique de personnes reconnues coupables d'une infraction désignée.
La banque nationale de données génétiques s'est avérée un outil d'enquête précieux qui a permis de reconnaître des suspects en établissant des liens entre un profil du fichier de criminalistique et un profil du fichier des condamnés, d'éliminer des suspects en l'absence de liens, et de relier des crimes entre eux par la seule consultation du fichier de criminalistique.
Au 22 novembre 2004, la banque nationale de données génétiques avait contribué à plus de 2 400 enquêtes criminelles, dont 173 portant sur des meurtres, 414 sur des agressions sexuelles, 57 sur des tentatives de meurtre et 333 sur des vols à main armée. C'est dire qu'en quatre ans et demi d'existence, cette banque a contribué à préserver la sécurité publique et a nettement renforcé le sentiment de sécurité des Canadiens.
[Français]
Le projet de loi dont nous traitons ici illustre la volonté permanente du gouvernement de réviser et de perfectionner la loi. En effet, les ministres provinciaux responsables de la justice pénale et le commissaire de la GRC demandent un certain nombre d'améliorations qu'ils considèrent prioritaires. Nous croyons qu'au lieu d'attendre les résultats de l'examen parlementaire de l'an prochain, il importe de donner suite à ces propositions dès maintenant.
La Cour suprême du Canada n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur la loi, mais la constitutionnalité de cette dernière a été confirmée par des dizaines de jugements en première instance et en appel.
¹ (1540)
[Traduction]
En ce sens, la constitutionnalité de la loi a fait l'objet de nombreux jugements en première instance et en appel.
Le comité saura notamment apprécier le fait que, selon les tribunaux canadiens, la Loi sur la banque de données génétiques respecte un équilibre approprié entre l'obligation de protéger les renseignements personnels des contrevenants et la nécessité de protéger la société et d'assurer la bonne administration de la justice par la découverte, l'arrestation et la condamnation rapides des contrevenants.
Le reste de mes observations d'aujourd'hui portera sur les modifications proposées au sujet des ordonnances d'inscription à la banque de données génétiques. J'aimerais aussi traiter d'un problème de droit qui sera probablement soulevé par certains des témoins qui seront entendus pas le comité. De fait, la question a également été soulevée par des membres de ce comité dans d'autres contextes. Je fais référence à la question de savoir si la police devrait être autorisée ou non à prélever des échantillons de substance corporelle au moment où les accusations sont portées, tout comme elle peut actuellement prendre les empreintes digitales.
Toutefois, avant de traiter des modifications proposées, j'aimerais dire un mot sur l'examen parlementaire qui aura lieu bientôt au sujet du régime d'identification génétique. Cet examen, prévu pour 2005, a été demandé par les parlementaires, et le gouvernement a cédé à cette demande lors des travaux ayant précédé l'adoption du projet de loi C-3, qui institue la banque de données génétiques.
[Français]
Ce sera l'occasion de jeter un regard global sur les méthodes relatives aux prélèvements et à l'utilisation d'informations à caractère génétique au sein du système judiciaire. Sans nier leur importance ni leur urgence, il faut dire que les mesures que vous étudiez actuellement ne répondent pas à tous les motifs de préoccupation qui ont été exprimés au sujet de l'utilisation des profils génétiques dans les enquêtes policières.
[Traduction]
Par conséquent, le Parlement s'est réservé la possibilité d'envisager une réforme plus ambitieuse, plus globale, dans le cadre d'une démarche spéciale et globale.
[Français]
Je vais maintenant vous parler des modifications proposées. Le gouvernement propose dès maintenant un petit nombre de modifications législatives sur la banque de données génétiques, puisqu'il croit nécessaire de régler certains problèmes urgents qui lui ont été signalés par les procureurs généraux des provinces et par le commissaire de la GRC.
[Traduction]
Le projet de loi C-13 poursuit dans la lignée des modifications proposées dans le projet de loi C-35, qui couvraient toutes les questions prioritaires définies, en 2001, par la Conférence pour l'harmonisation des lois et le problème des ordonnances d'inscription à la banque de données génétiques qui étaient entachées de vice à première vue, problème signalé par le commissaire de la GRC.
Je vais maintenant résumer les principales modifications du projet de loi. Plus précisément, le projet de loi C-13 propose ce qui suit : l'ajout de 13 infractions à la liste des infractions primaires désignées, dont le proxénétisme et l'utilisation de l'Internet pour attirer des enfants.
[Français]
l'ajout de neuf infractions au Code criminel, dont le harcèlement criminel, à la liste des infractions secondaires;
[Traduction]
le changement de liste des infractions de pornographie juvénile, de vol qualifié et d'entrée par effraction dans une maison d'habitation, qui, d'infractions secondaires, deviendront infractions primaires;
[Français]
la possibilité de prendre une ordonnance d'inscription à l'égard d'une personne qui a commis une infraction désignée, mais qui a également été déclarée criminellement non responsable pour cause de troubles mentaux;
[Traduction]
une importante expansion du régime de rétroaction pour les personnes condamnées avant le 30 juin 2000. Cette expansion consistera notamment à élargir la définition d'infractions sexuelles pour y inclure trois infractions historiques abrogées en 1983, comme l'attentat à la pudeur d'une personne du sexe féminin ainsi que l'infraction d'entrée par effraction et la perpétration d'une infraction sexuelle.
Deuxièmement, une nouvelle catégorie de contrevenants pourrait tomber sous le coup du régime de rétroaction, soit ceux qui ont été condamnés pour un meurtre et une agression sexuelle commis à des moments différents avant le 30 juin 2000. La banque de données contient déjà les profils d'identification génétique de 1 881 contrevenants en vertu des dispositions de rétroaction.
[Français]
Mentionnons aussi la création d'un moyen d'obliger un contrevenant à comparaître à un moment et à un endroit précis, pour fournir un échantillon de substance corporelle, ainsi que la possibilité de rendre une ordonnance d'inscription à une banque de données génétiques après la détermination de la peine.
¹ (1545)
[Traduction]
La création d'une procédure d'examen de destruction des échantillons prélevés en vertu d'une ordonnance sur un contrevenant qui, en fait, n'a pas été condamné pour une infraction désignée; et la modification de la Loi sur la défense nationale afin que le système de justice militaire reste compatible avec le système de justice civil.
[Français]
Comme on peut le voir, le projet de loi C-13 ne se substitue pas à l'examen parlementaire de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, qui aura lieu en 2005. Les points qui ne sont pas traités pourront l'être pendant cet examen.
Tous les ministres provinciaux responsables de la justice considèrent que ces modifications sont urgentes et même prioritaires. Plus précisément, ils tiennent à ce qu'on n'attende pas la fin de l'examen parlementaire de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques devant avoir lieu en 2005.
[Traduction]
En termes simples, et je fais ici référence aux discussions que j'ai eues avec mes homologues provinciaux, ils ne veulent pas que ces modifications, qu'ils considèrent prioritaires, attendent la fin de l'examen parlementaire de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques qui, comme je le disais, doit avoir lieu en 2005.
Ces modifications sont conformes à l'esprit de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Tout changement apporté à la banque de données génétiques autres que ceux qui sont proposés dans ce projet de loi modifierait des éléments essentiels de la loi et nécessiteraient un examen minutieux des conséquences budgétaires, des avantages escomptés et de leur conformité à la Constitution. Nous ne devons pas mettre en péril l'excellent système que nous avons maintenant en apportant des changements à la hâte.
On m'a dit que les membres du comité ont été invités à une visite de la banque de données génétiques. Je suis convaincu qu'ils seront impressionnés par la technologie utilisée ainsi que par le professionnalisme du personnel qui l'exploite. Je crois qu'un bon nombre des modifications de détail qui sont proposées dans le projet de loi seront plus faciles à comprendre après cette visite.
[Français]
Je dois dire que faire une tournée peut m'aider aussi, puisque je pourrai mieux comprendre un grand nombre des détails des modifications qui sont proposées dans le projet de loi.
[Traduction]
J'espère donc effectuer un examen semblable de la banque de données.
Permettez-moi maintenant de revenir à la question qui, comme je le disais, a été soulevée par des personnes de l'extérieur du comité, mais également par des membres de ce comité dans des contextes très différents, à savoir,
[Français]
la différence entre une empreinte digitale et une empreinte génétique.
[Traduction]
Certaines personnes, on le sait, voudraient que la police ait le droit de prélever un échantillon de substance corporelle dès que des accusations sont portées, tout comme elle a le droit de prendre les empreintes digitales sans autorisation judiciaire préalable en vertu de la Loi sur l'identification des criminels. Les tenants de cette ligne de conduite prétendent que le prélèvement de substances corporelles pour une analyse génétique ne viole pas plus la vie privée que le prélèvement des empreintes digitales.
Je crois, cependant, et c'est la position du gouvernement du Canada, qu'il y a une différence entre prélever un échantillon de substance corporelle et prendre des empreintes digitales. Bien que je comprenne les arguments invoqués à ce sujet, il y a une différence, pour les raisons suivantes.
Dans l'arrêt Beare, en 1988, la Cour suprême du Canada a qualifié la prise d'empreintes digitales de procédé anodin qui ne prend que très peu de temps et ne laisse aucune séquelle durable. La cour a ajouté qu'avec ce procédé, rien n'était introduit dans le corps et qu'il n'en était prélevé aucune substance. Bref, la prise d'empreintes digitales sur une personne accusée d'un acte criminel, dont les attentes en matière de protection des renseignements personnels ne sauraient qu'être réduites, ne porte atteinte, selon les tribunaux, que de façon minimale et est reconnue par la loi et par l'usage depuis si longtemps qu'elle ne met pas en cause les garanties constitutionnelles.
Par contre, dans l'arrêt Borden, en 1994, et dans l'arrêt Stillman, en 1997, la Cour suprême du Canada a conclu que le fait de prélever du sang ou des échantillons de substance corporelle constituait une atteinte plus importante que la prise d'empreintes digitales et que ce genre d'atteinte ne relevait pas du genre de fouille qui accompagne une arrestation. C'est une véritable fouille qui doit respecter les exigences de la Constitution.
¹ (1550)
[Français]
Rappelons qu'au Canada, pour respecter l'équilibre souhaité entre l'intérêt du public--selon lequel l'État doit laisser le plus de liberté possible au citoyen--et l'intérêt de l'État--selon lequel celui-ci peut s'immiscer dans la vie privée des citoyens lors de la poursuite de certains objectifs comme l'exécution de la loi--, on passe à un système d'autorisation préalable prenant la forme d'un mandat décerné par un arbitre capable de juger les intérêts en cause dans un cadre judiciaire.
[Traduction]
À cet égard, dans l'arrêt S.A.B., vers la fin de 2003, tout en confirmant la validité constitutionnelle du régime de mandat autorisant le prélèvement pour analyse génétique, la Cour suprême du Canada a statué que :
... les dispositions [...] traitant de ce mandat respectaient un équilibre approprié entre l'intérêt public à l'égard de l'application de la loi et le droit du citoyen à la dignité, à l'intégrité physique et au droit de contrôler la divulgation de renseignements personnels le concernant. |
En particulier, la cour a déclaré ceci à propos de la vie privée d'un suspect :
Le droit à la vie privée dans le contexte informationnel est aussi clairement mis en cause par le prélèvement d'échantillons de substance corporelle dans le cadre de l'exécution d'un mandat ADN. En fait, c'est là la principale source d'inquiétude quant à la collecte de renseignements génétiques par l'État. Le droit à la vie privée dans le contexte informationnel découle du postulat que l'information à caractère personnel est propre à l'intéressé, lequel est libre de la communiquer ou de la taire comme il l'entend. Il ne fait aucun doute que l'ADN d'une personne renferme, au plus haut degré, des renseignements personnels et privés. |
Autrement dit,
[Français]
du point de vue juridique,
[Traduction]
du point de vue juridique, le prélèvement de substances corporelles à des fins d'analyse génétique est considéré comme un acte de fouille au Canada, ce qui n'est pas le cas de la prise d'empreintes digitales parce que cette dernière n'implique aucune pénétration du corps ni aucun prélèvement. On accorde une grande importance à l'atteinte à l'intégrité physique que suppose le prélèvement d'un échantillon corporel, comme l'indiquent les arrêts de cour que je viens de citer; or, la loi protège de façon importante l'intégrité physique et le contrôle personnel des substances corporelles et de l'information qu'elles contiennent.
En terminant, monsieur le président, j'espère que les membres du comité accorderont à ce texte de loi, comme ils ont l'habitude de le faire, toute l'attention qu'il mérite et qu'ils l'approuveront. Les modifications proposées amélioreront sensiblement la Loi sur la banque de données génétiques et contribueront à la sécurité de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes, pour les raisons que j'ai indiquées—et les données sont concluantes à cet égard. J'ajoute que ces modifications faciliteraient même l'application du processus d'examen des condamnations injustifiées.
Monsieur le président, je m'arrête ici.
Je me ferai un plaisir, avec l'aide des fonctionnaires qui m'accompagnent, de répondre aux questions des membres du comité. Compte tenu du caractère technique du sujet et des modifications proposées, les connaissances de mes fonctionnaires seront particulièrement pertinentes et utiles. Je m'en remets volontiers à eux pour vous éclairer sur la teneur du projet de loi et le caractère technique des modifications de forme qu'il contient.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Je donne la parole à M. Toews pour la première ronde, qui durera sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, PCC): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci de votre présence.
Monsieur le ministre, il ressort de ce que vous disiez que le gouvernement a semblé davantage préoccupé, en rédigeant le projet de loi, par le point de vue des juges que par la nécessité d'une application efficace de la loi. Partout au pays, les forces policières ont demandé des pouvoirs plus étendus en matière de prélèvement d'échantillons corporels. Les statistiques leur donnent raison. Vous disiez que la banque de données génétiques avait permis de résoudre 2 400 cas, ou qu'elle y avait grandement contribué. En comparaison, la banque de données d'Angleterre compte plus de 2 millions de profils génétiques et, chaque semaine, elle est consultée 1 700 fois. C'est dire que notre banque de données est minuscule comparativement à ce qu'elle pourrait être, même en tenant compte du fait que la Grande-Bretagne a une population double de la nôtre.
Mais laissons de côté, pour l'instant, la question de savoir si l'inscription à la banque devrait intervenir avant ou après une condamnation. Une des questions qui me préoccupent grandement, et elles sont nombreuses, est le fait qu'après une condamnation criminelle, c'est-à-dire lorsque la culpabilité d'une personne a été établie hors de tout doute raisonnable, il incombe néanmoins à la Couronne de prouver que, dans le cas d'une infraction secondaire, il ne serait pas contraire à l'intérêt public de prélever des échantillons de substance corporelle.
Monsieur le ministre, supposons que le prélèvement de substance corporelle avant une condamnation, comme cela se fait actuellement pour la prise d'empreintes digitales, représente une atteinte à l'intérêt personnel de l'accusé. Dans ce cas-ci, cependant, il s'agit d'une personne qui a été condamnée. En fait, on crée toutes sortes d'obstacles administratifs à la tenue d'audiences, non seulement dans le cas des infractions secondaires mais aussi pour les infractions primaires. Comment peut-on soutenir que, du point de vue constitutionnel, le prélèvement d'échantillons de substance corporelle sur un criminel condamné pour une infraction primaire ou secondaire constitue une atteinte?
Il n'est pas question ici d'une atteinte trop grande. L'extrait que vous avez cité parlait d'« échantillon de sang ». Il n'était question d'aucun autre type d'échantillon, mais on sait que le prélèvement d'échantillons de substance corporelle peut représenter une atteinte aussi minime, si je puis dire, que la prise d'empreintes digitales : il s'agit d'un simple prélèvement dans la bouche. Une personne qui fournit ses empreintes digitales se retrouve les mains pleines d'encre. Elle doit poser les doigts sur un tampon, et se nettoyer ensuite les mains. Dans le cas des substances corporelles, il suffit d'un simple prélèvement buccal. L'opération ne nécessite l'utilisation d'aucune aiguille et ne laisse aucune trace permanente.
Or, même dans le cas d'un condamné, on hésite à répondre aux besoins légitimes des représentants de la loi. On craint que les juges ne trouvent le procédé inconstitutionnel. Pourquoi ne permet-on pas à la police de prélever des échantillons de substance corporelle sur les individus reconnus coupables, non pas d'infractions primaires ou secondaires mais d'actes criminels, comme c'est le cas pour la prise d'empreintes digitales? Je pose de nouveau la question : comment cela pourrait-il être inconstitutionnel dans le cas d'un individu condamné pour un acte criminel? Il ne s'agit pas ici d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité, mais d'un acte criminel. Comment cela pourrait-il être constitutionnel? Si des juges estiment que le procédé est inconstitutionnel, pourquoi ne contesterait-on pas une telle opinion, au lieu de s'y conformer servilement?
Voyez ce que font les Britanniques. Leur régime a une portée beaucoup plus large, il est beaucoup plus efficace et il protège non seulement les innocentes victimes de crimes qui doivent être résolus, mais aussi les personnes qui ont été injustement accusées; elles sont aussitôt exonérées.
¹ (1555)
L'hon. Irwin Cotler: Merci de votre question.
Pour mieux mettre le sujet en contexte, je répondrai d'abord à votre première observation, à savoir que nous semblons nous préoccuper davantage de ce que pensent les juges que de ce que disent les représentants de la loi. Je laisserai mes collègues répondre à la préoccupation que vous exprimiez, à savoir que même dans le cas d'un criminel qui a été condamné, nous voulons opposer des obstacles aux prélèvements de substance corporelle. Ils vous répondront également au sujet de l'affirmation de la volonté du Parlement par opposition au point de vue des tribunaux.
Je vous rappelle simplement les renvois que j'ai faits aux arrêts de la Cour suprême, notamment l'arrêt Borden, en 1994 et l'arrêt Stillman, en 1997. Si vous lisez ces deux jugements, vous verrez que la cour conclut de façon très claire que le prélèvement de sang ou d'autres substances corporelles—aspects sur lesquels elle s'est prononcée dans ce cas—constitue une atteinte plus importante que la prise d'empreintes digitales. Pour la cour, il s'agit d'une atteinte importante.
º (1600)
M. Vic Toews: Je comprends, mais il est ici question de prélèvement après une condamnation.
L'hon. Irwin Cotler: Mis à part la présence de nos deux conseillers, nous avons la chance de pouvoir compter sur M. Cohen, dont la présence m'a beaucoup manqué au cours de la dernière année, et qui a pu examiner la question pendant son congé. Nous nous en remettrons donc à lui.
En ce qui concerne votre première observation, à savoir que, quoi que nous proposions, nous donnons l'impression de nous plier indûment à l'opinion des juges plutôt que d'accéder aux demandes des représentants de la loi. Comme je le disais, je voulais un contexte...
Les modifications proposées dans le projet de loi sont le résultats de résolutions adoptées par la Conférence pour l'harmonisation des lois. On sait que la conférence est, pour les fonctionnaires provinciaux et fédéraux qui s'occupent du système de justice pénale, l'occasion de rencontrer des avocats de la défense, des juges et des représentants de la loi, pour discuter de possibles modifications au droit pénal. Cette tribune est un organisme précieux, qui permet aux participants d'explorer sans cesse de nouvelles idées.
En 2001, la Conférence pour l'harmonisation des lois a adopté des résolutions demandant au ministère de la Justice d'examiner en priorité, de concert avec les provinces, les territoires et d'autres parties prenantes, sept propositions de modification. Je les passerai brièvement en revue, avant de donner la parole à mon collègue.
La première proposition visait les infractions historiques suivantes : attentat à la pudeur contre une personne de sexe féminin, attentat à la pudeur contre une personne de sexe masculin, grossière indécence, et la liste des infractions désignées.
Deuxièmement, l'inscription à la banque de données génétiques de personnes déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux.
Troisièmement, la clarification de la méthode permettant de contraindre un délinquant de comparaître devant un tribunal appelé à se prononcer sur l'opportunité d'émettre une ordonnance d'inscription à la banque de données génétiques.
Quatrièmement, la création d'un processus qui permettrait à un juge de...
M. Vic Toews: Monsieur le ministre, je comprends cela.
Nous devrions peut-être laisser parler les fonctionnaires; ils pourront peut-être me donner la réponse que j'attends.
L'hon. Irwin Cotler: Mais je tiens à mettre les choses en contexte.
En d'autres mots, les sept priorités qui ont été identifiées sont celles qui figurent dans le projet de loi. Elles ont été recommandées non pas par des juges, mais par une tribune représentative. Je voulais définir le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi.
M. Vic Toews: Il s'agit d'une recommandation faite par des avocats.
L'hon. Irwin Cotler: Pas seulement des avocats. Tout un groupe de...
Je ne veux pas m'attarder davantage sur le sujet. Je le laisse à mes collègues.
Le président: Je demanderai à M. Cohen de répondre brièvement.
Huit minutes se sont déjà écoulées. M. Toews a mis cinq minutes à poser sa question, et le ministre, trois minutes à la mettre en contexte. Si nous pouvons obtenir l'information...
M. Stanley Cohen (avocat général principal, Section des droits de la personne, ministère de la Justice): J'espère pouvoir donner une réponse adéquate.
Il est toujours possible de concevoir et d'élaborer un régime qui ne dépende pas nécessairement, si j'ai bien compris votre question, de la discrétion des tribunaux mais qui s'applique automatiquement dès qu'il y a condamnation. Vous dites que nous devrions être moins préoccupés par l'opinion des tribunaux, mais je pense que nous n'avons guère le choix parce que ces derniers peuvent statuer qu'une mesure est inconstitutionnelle, et c'est un revers inutile.
Les tribunaux prendront en compte le fait que la discrétion a sérieusement fait obstacle ou non à l'application du régime. Elles se demanderont si la possibilité de demander un mandat, ou la nécessité d'en démontrer le bien-fondé, compte tenu des avantages que possède la Couronne lorsqu'elle présente une requête, fait vraiment obstacle à la bonne administration de la justice.
Le ministre a fait référence aux arrêts Borden et Stillman, qui remontent respectivement à 1994 et 1997, et qui indiquent le moment du début du dialogue.
À l'époque, il n'y avait pas vraiment de régime. La police cherchait à prélever des échantillons de substance corporelle et tentait de le justifier en se fondant sur le droit coutumier, notamment pour procéder à l'arrestation d'une personne. En dépit du fait que l'on croyait que les prélèvements de substance corporelle constituaient un moyen efficace et utile pour le système, ces tentatives étaient désapprouvées par les tribunaux.
Le projet de loi C-104, qui portait sur le régime de mandats, et le projet ce loi C-3, sur la banque de données, étaient le résultat d'une approche prudente et structurée visant à mettre en place des lois conformes aux normes constitutionnelles. Ces mesures n'ont jamais été considérées comme définitives. De fait, un examen parlementaire, d'ailleurs imminent, est prévu dans le processus.
Afin d'assurer la conformité constitutionnelle de la loi, on y a intégré un élément discrétionnaire. À mesure que nous nous familiarisons avec ce genre de chose, il pourrait devenir superflu... Il nous sera peut-être possible de modifier la loi de façon à assurer le respect des objectifs dont vous parlez aujourd'hui. Je ne crois pas, cependant, que l'on puisse s'appuyer sans réserve sur le droit jurisprudentiel dans l'état actuel des choses. Il s'agit davantage d'un art que d'une science.
º (1605)
M. Vic Toews: Tout ce que je veux, c'est que le droit n'interdise pas le prélèvement automatique d'échantillons de substance corporelle après une condamnation.
M. Stanley Cohen: Ce serait évidemment hypothétique parce que nous n'avons pas de régime.
M. Vic Toews: Aucun jugement n'a été rendu à ce sujet.
Le président: Sur ce, nous donnons la parole à M. Marceau.
Monsieur Marceau, c'est votre tour.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre, maître Cohen et maître Zigayer.
Tout comme M. Toews, j'essaye de comprendre la logique qui sous-tend la distinction que vous faites entre les infractions primaires et les infractions secondaires, surtout quand je consulte la liste. Le leurre par Internet, par exemple, est une infraction primaire, mais les voies de fait constituent une infraction secondaire. Pourtant, les voies de fait sont d'une grande gravité puisque l'intégrité d'une personne a été affectée.
Ma première question est donc la suivante: pourquoi faites-vous cette distinction? Je ne suis pas convaincu, maître Cohen, par l'explication que vous avez donnée sur la discrétion judiciaire, selon laquelle il faut absolument en avoir un peu pour faire en sorte que cela soit considéré constitutionnel. On parle--et je suis d'accord avec Vic Toews sur ce sujet--de l'après-condamnation.
Ma deuxième question est celle-ci: selon quels critères a-t-on établi les listes des infractions primaires et des infractions secondaires?
L'hon. Irwin Cotler: Je demanderai à Me Zigayer de répondre.
M. Michael Zigayer (avocat-conseil, Division des politiques en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Je vous remercie. Cette question a été soulevée plusieurs fois au moment de l'étude du projet de loi C-104 et du projet de loi C-3. Plusieurs critères peuvent être invoqués pour inclure une infraction dans la liste des infractions primaires. Premièrement, il peut s'agir d'un crime d'ordre sexuel ou d'un crime très violent. Deuxièmement, il peut s'agir d'un crime pour lequel on peut s'attendre à ce qu'un échantillon corporel soit déposé sur le lieu du crime ou sur la victime. Arrêtons-nous à ces deux possibilités. Il s'agit d'infractions objectivement très sérieuses selon le Code criminel. On parle de violence, d'infractions d'ordre sexuel ou de la probabilité qu'un échantillon corporel ait été laissé par l'agresseur sur le lieu du crime.
M. Richard Marceau: Considérons les critères que vous venez de mentionner. Un leurre par Internet peut évidemment être de nature sexuelle, mais dans un tel cas, il n'y a pas de violence ni de substance laissée par l'agresseur. D'autre part, les voies de fait--que vous avez classées dans la liste des infractions secondaires--impliquent qu'il y ait eu violence et une substance laissée sur place. Selon vos propres critères, que vous venez d'énumérer, il semble s'agir de deux exemples de mauvaise classification.
M. Michael Zigayer: Les voies de fait simples font partie de la liste des infractions secondaires. Les voies de fait simples peuvent inclure le fait de pousser quelqu'un ou de cracher sur quelqu'un. Il s'agit d'un assaut. En prévision d'une telle éventualité, on laisse la possibilité au procureur de la Couronne--puisque c'est une infraction secondaire--de demander à la cour de rendre une ordonnance. Dans un cas très sérieux, la Couronne pourra faire cette demande.
Considérons maintenant la question d'un leurre par Internet de nature sexuelle, ce qui veut dire se rendre coupable de ce délit dans le but de commettre une infraction sexuelle avec une jeune personne. C'est un bon exemple de crime qu'il serait beaucoup plus important d'inclure dans la liste des infractions primaires, car il faudrait consigner cela dans la banque de données nationale d'ADN plutôt que d'avoir recours aux mandats de perquisition d'ADN.
M. Richard Marceau: Vous faites une distinction entre infraction primaire et secondaire parce que vous craignez que si c'était automatique, les cours déclareraient que c'est inconstitutionnel en vertu de la Charte. Ai-je bien compris?
º (1610)
M. Michael Zigayer: Pouvez-vous répéter?
M. Richard Marceau: Je répète ma question. Normalement, quand une personne est trouvée coupable de quelque chose, on pourrait s'attendre à ce qu'il y ait automatiquement un prélèvement d'ADN. Selon ce que j'ai cru comprendre de l'intervention de Me Cohen, vous faites une distinction entre infraction primaire et secondaire parce que vous voulez que les procureurs de la Couronne, et ultimement les juges, aient une certaine discrétion. Le fait de rendre cela automatique violerait la Charte, selon vous. Ai-je bien compris?
M. Michael Zigayer: C'est un des facteurs. Nous croyons qu'il est justifié de classer cette nouvelle infraction, qui n'existait pas au moment de la création de la banque de données nationale d'ADN, avec les autres crimes d'ordre sexuel dans la liste des infractions primaires. Il est logique, de ce point de vue, de l'inclure avec les autres crimes d'ordre sexuel. On dit que le leurre par Internet est un crime d'ordre sexuel.
M. Richard Marceau: Par conséquent, de crainte de voir votre projet de loi déclaré inconstitutionnel en vertu de la Charte, vous avez créé les infractions primaires et les infractions secondaires. Vous avez aussi fait en sorte que le prélèvement se fasse, non pas au moment de l'accusation, mais bien au moment de la condamnation. Finalement, vous êtes aussi parti du principe que le prélèvement d'empreintes génétiques constitue davantage une ingérence que la prise d'empreintes digitales.
Je reviens à une question qui a été posée autrement. J'essaye seulement de comprendre, car je ne suis pas un expert en travail policier. Pourquoi le fait de demander à une personne de cracher sur quelque chose constituerait-il une intrusion plus importante que le fait de prendre des empreintes digitales? Je ne parle pas de sang. M. et Mme Tout-le-Monde constituent mon point de référence. Si je vais rencontrer quelqu'un, en quoi utiliser de l'encre pour prendre des empreintes digitales constitue-t-il une moins grande intrusion que de demander de cracher dans un petit verre ou sur un morceau de papier?
M. Michael Zigayer: C'est une question que Me Cohen pourrait commenter. Cependant, j'aimerais clarifier quelque chose. En ce qui a trait aux échantillons prélevés pour la banque de données nationale d'ADN, on préfère qu'il s'agisse d'échantillons de sang plutôt que de salive ou de matière prise à l'intérieur de la bouche. Premièrement, la conservation est ainsi plus facile. Dans d'autres pays où on a pris des échantillons de salive, on a maintenant des problèmes de conservation. La GRC a fait des études et a comparé notre façon de fonctionner à celle du FBI aux États-Unis. Après avoir consulté les provinces, elle a conclu qu'il était préférable d'avoir recours aux échantillons de sang. Il s'agit de quelques gouttes de sang sur un papier spécial. Cela se conserve plus facilement.
M. Richard Marceau: Expliquez-moi cela, parce qu'on n'a pas encore visité la banque. Ma question est peut-être naïve. Je suis un fan de l'émission de télévision CSI.
Supposons qu'on craigne que la salive en tant que telle ne soit pas conservée. Le papier sur lequel apparaissent les points noirs et qu'on regarde sous la lumière ne se conserve-t-il pas? D'autre part, pourrait-on comparer cela à un autre prélèvement fait plus tard?
Éclairez-moi.
M. Michael Zigayer: Pour quelle raison veut-on conserver l'échantillon? Après avoir effectué une analyse et obtenu le profil génétique--ce qui est essentiellement une série de chiffres--, on conserve l'échantillon.
Je ne parle que de la banque de données et non pas de l'émission CSI, qui n'a rien à voir avec la banque de données, car il y est question d'enquêtes.
Pourquoi conserve-t-on l'échantillon corporel dans la banque de données? Parce que la technologie dont on se sert aujourd'hui pour obtenir le profil génétique pourra être améliorée à l'avenir. Elle s'est déjà améliorée depuis 10 ans.
C'est un peu comme quand on était jeune. Il y avait alors des disques 45 tours.
º (1615)
M. Richard Marceau: Je n'ai pas connu cela.
M. Michael Zigayer: D'accord, je suis beaucoup plus vieux que vous.
Auparavant, il y avait des cassettes huit-pistes. Mentionnons aussi les vidéocassettes de format Beta ou de format VHS. Nous avons abandonné le format Beta et nous avons adopté le format VHS. Quelque chose de mieux va sûrement apparaître. Cela pourrait être plus efficace, plus vite, plus rapide et pourrait être aussi simple que la saisie d'une empreinte digitale.
Toutefois, nous n'en sommes pas encore là.
Le président: Merci, monsieur Marceau.
Monsieur Comartin, vous disposez d'à peu près sept minutes.
[Traduction]
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci de votre présence, monsieur le ministre.
Je voudrais parler davantage de l'emploi du prélèvement. Ce que je comprends, c'est que l'on privilégie le prélèvement de sang. En est-il question dans les deux arrêts auxquels vous faisiez référence, monsieur le ministre? Ces arrêts indiquent-ils si le prélèvement d'un échantillon constituerait une atteinte trop grande ou s'il serait aussi acceptable que la prise d'empreintes digitales?
L'hon. Irwin Cotler: D'après ce que j'ai compris, la cour ne s'est pas penchée sur la question du prélèvement dans ces deux affaires.
M. Joe Comartin: J'aborderai un autre aspect. Les dispositions relatives aux condamnations en vertu de la Loi sur la défense nationale visent maintenant aussi le ministère de la Défense. Avons-nous une indication du nombre moyen d'accusations qui seront incluses? Deuxièmement, le système a-t-il la capacité d'absorber ces cas supplémentaires?
Je pense que le projet de loi prévoit que le matériel sera transféré, comme cela se fait dans les tribunaux ordinaires, à la GRC. La question de la capacité de la GRC d'absorber cette charge de travail supplémentaire se pose-t-elle?
M. Michael Zigayer: Premièrement, la loi s'applique à la Défense nationale depuis 2000. Depuis les modifications apportées la même année à la Loi sur la défense nationale la justice militaire est responsable du régime de mandat ADN—ou un régime semblable à celui appliqué par la justice civile—et les juges militaires sont autorisés à délivrer une ordonnance d'inscription à la banque de données génétiques en cas de condamnation, par la justice militaire, pour une infraction désignée. Les substances corporelles prélevées seraient envoyées à la banque de données génétiques tout comme le seraient les échantillons prélevés sur un délinquant dans une province ou un territoire.
M. Joe Comartin: La question de la capacité se pose-t-elle? Si l'on suppose un accroissement de capacité, les juges seront beaucoup plus en mesure de délivrer un plus grand nombre d'ordonnances, mais ils seront également en mesure d'accroître la capacité du système. C'est évident.
M. Michael Zigayer: Je pense que les fonctionnaires de la banque de données génétiques nationale sont mieux placés pour parler de la question de la capacité. Je crois savoir que, dans l'état actuel des choses, on sera en mesure de gérer le régime actuel et ce que propose le projet de loi C-13.
M. Joe Comartin: J'ai terminé, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Monsieur Macklin, vous avez sept minutes.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président et merci à vous, monsieur le ministre, d'être venu.
Vous avez ouvert une parenthèse pour parler de l'utilité de la banque de données génétiques dans le cas des condamnations injustifiées. Il y a eu récemment un certain nombre d'affaires célèbres en rapport avec cette question. Premièrement, est-ce que vous ou vos collaborateurs pourriez nous aider à comprendre en quoi la banque de données génétiques pourrait être utile dans les cas de condamnations injustifiées?
Deuxièmement, en quoi les modifications proposées dans le projet de loi pourront-elles être utiles à cet égard?
Troisièmement, en ce qui concerne les autres États intéressés—aux registres de la banque de données génétiques—à qui nous demandons et qui, je suppose, nous communiquent dans certains cas des renseignements de nature génétique, quelles règles s'appliqueraient une fois qu'ils nous auraient communiqué l'information demandée? Autrement dit, appliquerions-nous nos propres normes pour déterminer l'admissibilité de cette information?
Cela m'aiderait à mieux comprendre le fonctionnement de notre système et sa corrélation avec le système d'un autre État qui n'appliquerait pas nécessairement les mêmes critères ou exigences que nous.
º (1620)
L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur Macklin.
Vous avez raison, j'ai bien fait mention du processus d'examen des condamnations injustifiées. Si on jette un coup d'oeil à ce processus, d'après mon expérience, lors d'une demande de révision d'une condamnation injustifiée, pour que le ministre de la Justice se penche sur l'affaire, une fois tous les autres recours juridiques épuisés, il faut effectivement presque en arriver à des résultats, à des faits ou à une conclusion de droit établissant qu'il y a des motifs raisonnables de conclure à une condamnation injustifiée. Pour effectuer l'examen, le ministre se sert de rapports comme le rapport d'enquête publié par le juge Kaufman dans l'affaire Truscott. Le ministre est également appuyé dans cette tâche par un conseiller judiciaire indépendant, dans mon cas, ce conseiller est le juge Bernard Grenier....
Cependant, la question préjudicielle centrale est d'établir s'il y des motifs raisonnables de conclure qu'il y a vraisemblablement eu erreur judiciaire. À défaut d'éléments de preuve à caractère génétique, il faut une audition, une évaluation non seulement des témoignages, mais aussi des preuves documentaires et, très souvent, des présentations opposées du procureur de la Couronne et de l'avocat de la personne injustement condamnée, outre le processus d'examen indépendant comme je l'ai indiqué. Le Code criminel donne au ministre de la Justice et procureur général—en vertu de l'article 696.3 modifié, si je ne m'abuse—deux possibilités.
Premièrement, si je constate qu'il y a des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est probablement produite, je peux soit renvoyer l'affaire au tribunal d'appel du territoire concerné et lui demander de se prononcer quant à l'admissibilité des nouveaux éléments de preuve. Une fois que le tribunal aura pris une décision à cet égard, il devra donner les directives qu'il juge appropriées ou annuler la déclaration de culpabilité et ordonner la tenue d'un nouveau procès.
Si on dispose d'éléments de preuve à caractère génétique qui indiquent de façon concluante l'innocence de la personne accusée et, de ce fait, montrent que la condamnation est injustifiée, il est alors possible d'y remédier en annulant la déclaration de culpabilité et en ordonnant la tenue d'un nouveau procès. Toutefois, si, à défaut d'éléments de preuve à caractère génétique, il est impossible de trancher catégoriquement à cause de contradictions entre les témoignages et les preuves documentaires, y compris dans les cas où il faut, dans un premier temps, décider de l'admissibilité des nouveaux éléments de preuve, alors la solution privilégiée est de renvoyer l'affaire à un tribunal d'appel.
Ainsi, la présence d'éléments de preuve à caractère génétique établirait clairement l'innocence de la personne accusée et permettrait au ministre, peu importe qui occupe cette fonction, d'annuler la condamnation et d'ordonner la tenue d'un nouveau procès—autrement dit, d'utiliser ce recours.
En présence d'éléments de preuve à caractère génétique, ce sont là les deux mesures exceptionnelles possibles, particulièrement l'annulation de la condamnation et l'ordonnance d'un nouveau procès, une des possibilités que le Code criminel offre au ministre.
L'hon. Paul Harold Macklin: Deuxièmement, il faut se demander comment ces modifications vont appuyer le processus. Comment traiter entre États? Par exemple, il a été mentionné plus tôt ici que la Grande-Bretagne possède un système similaire au nôtre mais nettement plus vaste. Comment ce système collabore-t-il avec le nôtre en ce qui concerne la reconnaissance des empreintes génétiques que le Canada peut demander à l'égard d'un crime de droit international? Quelles règles s'appliqueraient dans le cas d'un dossier d'empreintes génétiques transmis au Canada? En pareil cas, devrait-on appliquer nos lois ou prendre une autre décision?
º (1625)
L'hon. Irwin Cotler: Je vais demander aux fonctionnaires de mon ministère, dont la mémoire institutionnelle à l'égard de ces questions dépasse la mienne, de répondre. En ce qui concerne la mesure législative, je peux uniquement dire que, dans la mesure où elle améliore les approches liées aux enquêtes et à la détection de même que la capacité d'établir une correspondance, dont j'ai parlé plus tôt, elle faciliterait l'utilisation des empreintes génétiques dans les cas de révision de condamnation injustifiée.
Toutefois, je vais confier la question aux fonctionnaires de mon ministère.
M. Michael Zigayer: Il peut arriver, pour une raison ou pour une autre, que la polie canadienne croie que la personne qui a commis une des infractions désignées vient d’un autre pays, disons du Royaume-Uni. En pareil cas, c'est la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques—non le Code criminel—qui régit les activités de La Banque nationale de données génétiques puisque cette loi comporte des dispositions prévoyant la transmission à un pays étranger de profils d'identification génétique susceptibles d'être liés à une affaire non résolue. Le commissaire de la GRC, qui gère la Banque nationale de données génétiques, a conclu avec INTERPOL une entente qui sert de mécanisme de contrôle. Certaines dispositions de cette entente assurent le respect des règles établies dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.
La situation inverse peut également se présenter. Disons qu’un crime est non résolu et que la police étrangère dispose d’un profil d’identification génétique lié à cette affaire. La police du pays étranger peut demander au commissaire de comparer le profil qu’elle a en main pays avec le contenu de notre banque de données génétiques. Cet exercice peut permettre soit d’établir une correspondance avec un profil enregistré dans le fichier de criminalistique indiquant de ce fait que le contrevenant qui a commis une infraction au Royaume-Uni, en a également commis une au Canada, soit d’établir une correspondance avec un individu inscrit au fichier canadien des condamnés, auquel cas nous transmettrions le nom de ce contrevenant aux autorités du Royaume-Uni pour leur permettre de poursuivre l'enquête.
Si vous désirez vérifier-j’imagine que vous le voulez-c’est prévu à l’article 6 de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques. Trois paragraphes sont particulièrement intéressants à cet égard.
M. Stanley Cohen: Je vais me contenter d’aborder cette question uniquement en termes généraux. Pour ce qui est de l’admissibilité, de toute évidence, si on traite avec un pays dont les règles et les procédures sont similaires aux nôtres, c’est moins préoccupant. Cependant, lorsque la provenance d’un échantillon et les moyens pour l’obtenir posent véritablement problème, alors les tribunaux du Canada peuvent devoir jouer un rôle de supervision et cela peut avoir une incidence sur l’admissibilité ou sur le poids donné aux éléments de preuve. Je ne développerai pas davantage.
L'hon. Paul Harold Macklin: Mais cette question n’a pas encore été traitée sur le plan judiciaire?
M. Stanley Cohen: Les empreintes génétiques, non, mais les confessions et les autres éléments de preuve, oui.
Le président: Merci monsieur Cohen et monsieur Macklin.
Nous passons à M. Moore qui dispose de trois minutes.
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Merci.
Ma question porte sur les dispositions rétroactives que nous avons ici. On constate maintenant l’élargissement de ces dispositions puisque si quelqu’un a été trouvé coupable d’un meurtre et d’une infraction sexuelle à des moments différents, une disposition prévoit l'utilisation d’un échantillon antérieur. Nous avons vu les avantages qu’offrent les banques de données génétiques, non seulement pour établir des liens entre un crime et son auteur, mais aussi pour blanchir un suspect. Nous voyons également la différence établie entre les infractions primaires et les infractions secondaires de même que les infractions que le ministère considère apparemment comme plus graves par rapport aux moins graves.
Je me demande pourquoi il y a cette distinction. Pourquoi quelqu’un devrait-il avoir été trouvé coupable? Pourquoi empruntons-nous cette voie qui dorénavant exige qu'un individu ait été trouvé coupable d’un meurtre et d’une infraction à caractère sexuel? Pourquoi n’envisage-t-on pas l'utilisation d’échantillons antérieurs dans le cas d'individus trouvés coupables d’une infraction grave, compte tenu de la présence de cet outil pouvant permettre de blanchir un suspect et du fait que des milliers de crimes demeurent non résolus? Pourquoi n’examine-t-on pas cette possibilité de plus près? Je me demande sur quels critères le ministère s'est fondé pour prendre une décision en ce qui concerne la rétroactivité.
º (1630)
L'hon. Irwin Cotler: Si je ne m’abuse les fonctionnaires de mon ministère ici aujourd’hui à titre de témoins ont quelque chose à dire à ce sujet, je cède d'abord la parole à M. Zigayer à ce sujet.
M. Michael Zigayer: J’espérais que vous diriez M. Cohen.
Comme vous le savez, il y a eu une évolution dans les dispositions rétroactives. Lorsque cette mesure législative sur la banque de données génétiques a été présentée pour la première fois au Parlement, le régime rétroactif ne visait que deux catégories de candidats, en l’occurrence les délinquants sexuels récidivistes et les délinquants dangereux. Dans le cas des délinquants dangereux, les tribunaux ont entendu des témoignages psychiatriques et établi que ces individus présentent un danger permanent pour la société. Ce sont les délinquants sexuels qui présentent le taux de récidive le plus élevé et, lors de l’élaboration de la présente mesure législative, en 1996-1997, le taux de récidive était le principal facteur pouvant être invoqué comme justification advenant une remise en question de la constitutionnalité de ces dispositions. Le Parlement a étudié cette mesure législative et y a ajouté une autre catégorie de délinquants.
Pour simplifier les choses, je mentionne Clifford Olson, auteur de plusieurs meurtres commis à des moments différents, avant l’entrée en vigueur de cette mesure législative. Ce genre d’individu présente un taux de récidive plus élevé que celui qui n’a commis qu’un seul meurtre, avant l’entrée en vigueur de cette mesure législative. Évidemment, l'individu qui est l’auteur d’un seul meurtre présente l’un des plus bas taux de récidive. Ainsi, il aurait été très difficile de justifier le bien-fondé d’une telle disposition si la portée en avait été plus vaste.
M. Rob Moore: C’est justement sur les critères que je m’interroge. Nous parlons d’un outil qui permet de savoir qu’un individu est l'auteur de nombreuses agressions sexuelles ou un délinquant sexuel récidiviste ou que cet individu est Clifford Olson. On peut savoir que quelqu’un a commis un meurtre dans le passé et a été trouvé coupable, mais on ne sait pas si c’est un Clifford Olson en puissance parce qu’on ne peut le lier à aucun crime, peut-être parce qu’on ne dispose d’aucun échantillon d'empreintes génétiques prélevé antérieurement. C’est là-dessus que je m’interroge. Pourquoi ne pas élargir ces dispositions pour permettre de repérer les Clifford Olson en puissance et les délinquants sexuels récidivistes, avant que ce critère ne soit appliqué dans un cas dont nous sommes informés par les méthodes traditionnelles? Il pourrait être possible de débusquer ces délinquants dès maintenant, l’information est peut-être disponible, mais parce que les choses évoluent lentement et que les règles ne sont pas élargies aussi vite qu’elles le devraient, nous sommes toujours dans le mystère.
Le président: Quelqu’un veut-il intervenir?
M. Stanley Cohen: Je peux continuer à parler de ces questions et j’espère, du moins partiellement, aborder les points qui vous intéressent.
Je crois que M. Zigayer et moi étudions la question depuis la première présentation de la Loi sur les empreintes génétiques dans l’histoire parlementaire. Nous nous préoccupions du principe opposé à une mesure législative rétroactive et nous interrogions sur l’incidence qu’aurait la rétroactivité sur la Constitution. En fait, la mesure que nous examinons ici n’est pas vraiment rétroactive dans le pur sens du terme. Les gens qu'elle vise sont encore, dans une certaine mesure, dans le système. Ils ont été reconnus coupables et n’ont pas complètement purgé leur peine. Dans un régime purement rétroactif, quiconque a un casier judiciaire et présente de l’intérêt pour l’État peut faire l’objet de prélèvements de substances corporelles pour analyse génétique. Le but recherché était d’élaborer une mesure législative durable qui deviendrait un outil efficace. Ainsi, lors de son élaboration, il a fallu tenir compte de l'alinéa 11g) de la Charte qui dispose que nul ne peut être trouvé coupable d’une infraction qui n'avait pas de caractère criminel au moment où elle est survenue, et de l'alinéa 11h) qui dispose essentiellement que nul ne peut être puni de nouveau pour une même infraction. Voilà au moins deux des éléments de la Charte qui auraient pu s’appliquer.
M. Rob Moore: Je ne vois pas comment ces éléments pourraient s’appliquer. La plupart des infractions dont nous parlons ont toujours été des violations de la loi—le meurtre notamment—avant que ces dispositions n’entrent en vigueur. La question est de faire le lien entre un délinquant connu à ce titre et d’autres infractions. C’est à cette fin que cette mesure peut s’avérer un outil précieux. Je me demande simplement pourquoi nous n’avons pas élargi ces dispositions.
º (1635)
Le président: Vous pouvez répondre très brièvement, puis nous devrons poursuivre. Nous avons vraiment dépassé le temps prévu.
M. Stanley Cohen: Il faut effectivement se demander si la Charte s’applique à cet aspect en termes de rétroactivité. Il existe peut-être un principe de non-rétroactivité qui ne se limite pas uniquement aux dispositions de l’article 11 dont j’ai parlé.
Je souligne de nouveau, en conclusion, que les contraintes qui ont entouré l’élaboration de la loi donnent au comité la confiance de songer à élargir la portée de cette mesure législative. Nous serions dans une situation fort différente si nous avions été trop loin et que des décisions judiciaires nous aient forcés à reprendre toute la mesure législative.
Le président: Merci. Monsieur Cohen.
Madame Bourgeois.
[Français]
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Cotler, messieurs, bonjour.
J'aimerais vous poser quatre questions en rafale. J'apprécierais que vous me donniez des réponses bien précises.
Tout d'abord, si je comprends bien la loi, vous avez créé des infractions primaires et des infractions secondaires. En ce qui a trait aux nouvelles infractions relatives à des crimes sexuels, dans un résumé législatif qui provient de vos bureaux, il est écrit que dans le cas de chacune de ces nouvelles infractions, le tribunal devra, conformément au Code criminel, rendre une ordonnance de prélèvement des empreintes génétiques. Toutefois, le tribunal ne sera pas tenu de rendre une ordonnance de prélèvement des empreintes génétiques s'il est convaincu que l'intéressé a établi que cela aurait, sur sa vie privée et la sécurité de sa personne, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt public.
Si je comprends bien, cela veut dire qu'on pourrait tout simplement se soustraire à une ordonnance de prélèvement des empreintes génétiques--des prélèvements d'ADN, par exemple--si on estime que cela pourrait nuire à la vie privée de quelqu'un. Je vous rappellerai qu'on parle d'infractions au Code criminel et d'infractions sexuelles. Si c'est le cas, comment peut-on expliquer cela aux mouvements de femmes?
Ma deuxième question porte sur le projet de loi C-10, que ce comité a déjà étudié et qui a trait aux personnes incarcérées en raison de troubles mentaux ou qui souffrent de troubles mentaux. Il est écrit que dans le cas des personnes qui ont des troubles mentaux, une substance corporelle ou un échantillon de substances corporelles pourra être prélevé. Je n'ai pas tellement d'expérience dans ce domaine car je ne suis pas une juriste. Qu'arrive-t-il dans le cas d'une personne qui est inapte à subir son procès? Fait-on le prélèvement quand même? J'essaie de faire le lien entre les projets de loi C-10 et C-13.
Voici ma troisième question: avez-vous demandé une analyse comparative entre les sexes? M. le ministre m'en voudra peut-être, car chaque fois qu'il vient ici, je lui pose la même question. J'espère que je n'obtiendrai pas toujours la même réponse. Si on n'a pas d'analyse comparative entre les sexes, quand en aura-t-on une, relativement à ce projet de loi? Il y a des dispositions relatives aux troubles mentaux et on sait que ce sont les femmes en majorité qui sont incarcérées pour délits alors qu'elles ont des troubles mentaux.
Finalement, qu'entend-on par harcèlement criminel? Pouvez-vous m'expliquer cela? D'après moi, le harcèlement est toujours criminel. De plus, si on ne légifère pas, on commet un crime d'État. J'attends votre réponse, monsieur le ministre.
L'hon. Irwin Cotler: Je vous remercie de vos quatre questions. Je vais demander à mes experts de répondre à chacune d'entre elles.
Michael, voulez-vous commencer, s'il vous plaît?
M. Michael Zigayer: Pour répondre à la première question, il faut préciser que c'est seulement pour les fins de la banque nationale de données génétiques et non pas pour les mandats d'ADN. Après une condamnation pour une infraction primaire, le juge a l'obligation de rendre une ordonnance, à moins que la personne puisse prouver que cela porte gravement atteinte à sa vie privée. Dans un tel cas, le fardeau de la preuve serait très lourd. En fait, lorsque le projet de loi a été rédigé, nous nous attendions à ce qu'il soit rare qu'une ordonnance ne soit pas rendue.
Un exemple de cas d'exception aurait pu être celui de M. Latimer, qui a tué sa fille. Il s'agissait d'une infraction primaire, selon ce texte législatif. Le juge aurait eu l'obligation de rendre l'ordonnance, mais M. Latimer, ou son avocat, aurait pu essayer de se soustraire à cette obligation.
Deuxièmement, dans le cas d'un procès où la preuve aurait été faite qu'une personne a commis un acte criminel, mais où elle n'aurait pu être jugée coupable à cause de troubles mentaux, il est recommandé par la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada ainsi que par les procureurs généraux des provinces d'accorder au juge un pouvoir discrétionnaire. Dans un tel cas, s'il s'agissait d'une infraction primaire, ce serait exactement comme dans le cas de M. Latimer: le juge aurait l'obligation d'émettre une ordonnance si l'avocat de la défense ne pouvait pas le convaincre qu'il s'agit d'un cas exceptionnel. Cette personne qui aurait commis un acte criminel ne pourrait pas être déclarée coupable à cause de ses troubles mentaux.
En ce qui a trait à votre troisième question, malheureusement, je n'étais pas là lors de l'étude du projet de loi C-10. Toutefois, cette loi s'applique aux jeunes contrevenants, aux garçons et aux filles également. Votre question porte-t-elle seulement sur les cas de personnes jugées non responsables ou sur tous les cas?
º (1640)
Mme Diane Bourgeois: Elle porte sur tous les cas.
M. Michael Zigayer: Prenons le cas d'une femme qui tue son époux. S'il n'était pas question de troubles mentaux, elle se trouverait dans la même situation, en vertu de la Charte, qu'un homme qui serait trouvé coupable.
Mon collègue, Me Cohen, a peut-être quelques mots à dire à ce sujet. L'article 15 de la Charte impose effectivement au juge l'obligation de traiter toute personne qui se présente devant lui d'une façon égale.
[Traduction]
M. Stanley Cohen: Ce que je peux dire au sujet de l’incidence des questions de genre et des effets néfastes possibles de la mesure législative c’est que le ministère évalue tous les projets de loi ayant un lien avec la Charte.
Au ministère de la Justice, je travaille à la Section des droits de la personne qui est entre autres chargée d’évaluer avec précision tous les éléments d’une mesure législative ayant des liens avec la Charte. Ainsi, je peux dire que cet aspect serait pris en compte. Par surcroît, le ministre de la Justice a bien sûr l’obligation, en vertu de la Loi sur le ministère de la Justice, de faire rapport au Parlement de toute mesure législative comportant des éléments inconstitutionnels. Autrement dit, le ministre a le devoir de certifier la mesure législative.
Oui, ces questions sont étudiées dans le cadre du travail régulier que le ministère effectue.
Pour ce qui est de votre première question, en ce qui concerne la notion d’effet nettement démesuré, je développe simplement la réponse de M. Zigayer en disant que l'effet nettement démesuré, la norme sur laquelle vous avez mis l'accent, est la norme la plus élevée et la plus exigeante en droit criminel et que c’est le contrevenant qui en porte la charge dans le processus dont il est question. De cette façon, comme M. Zigayer l’a indiqué, nous estimons très improbable de trouver une mesure pour contourner cette disposition.
º (1645)
[Français]
Le président: La dernière question portait sur le harcèlement criminel.
M. Michael Zigayer: L'article 264 du Code criminel définit ce qu'est le harcèlement criminel. Le paragraphe 264(2) stipule:
(2) Constitue un acte interdit aux termes du paragraphe (1), le fait, selon le cas, de: |
a) suivre cette personne ou une de ses connaissances de façon répétée; |
b) communiquer de façon répétée, même indirectement, avec cette personne ou une de ses connaissances; |
c) cerner ou surveiller sa maison d'habitation ou le lieu où cette personne ou une de ses connaissances réside, travaille, exerce son activité professionnelle ou se trouve; |
d) se comporter d'une manière menaçante à l'égard de cette personne ou d'un membre de sa famille. |
Mme Diane Bourgeois: Et il s'agit maintenant d'une infraction secondaire!
M. Michael Zigayer: Cela veut dire que dans un cas approprié, la Couronne peut demander à la cour de rendre une ordonnance. Je ne veux pas vous dire comment faire votre travail, mais si votre comité trouve que ce devrait être une infraction primaire, il lui sera possible d'apporter un amendement plus tard.
Nous avons cru que la Couronne devrait avoir le loisir de décider si elle demande au juge de rendre une ordonnance pour ce genre d'infraction. Par la suite, le juge aussi a le loisir de rendre ou non une ordonnance.
Le président: Merci, monsieur Zigayer et madame Bourgeois.
[Traduction]
Monsieur Maloney, vous disposez de trois minutes.
M. John Maloney (Welland, Lib.): J’ai deux questions à poser. La première concerne le retard dans les analyses. On a laissé entendre qu’il y avait une accumulation de travail et qu’il faut davantage de temps pour analyser ce genre d’échantillons. De toute évidence, cette mesure législative fera augmenter la quantité d’échantillons à analyser. Disposez-vous des ressources nécessaires pour traiter le volume actuel et celui qui pourrait découler de l’application de cette mesure législative?
Pour ce qui est de ma deuxième question, je me rappelle que lorsque le comité a été saisi de mesure législative, il y a plusieurs années, on envisageait sérieusement une application rétroactive plus large. D’autre part, les liens avec la Charte suscitaient très peu de préoccupations. Maintenant, nous avons ouvert la porte un peu plus grand, mais encore une fois, l’application est limitée. Sommes-nous en train de ramper avant de marcher? Allons-nous voir quelque chose dans l’analyse de la mesure législative en 2005? Allons-nous voir un léger élargissement? Ne pouvons-nous pas l'élargir dès maintenant? Tout le monde conviendra qu’il s’agit d’un outil formidable pour le maintien de l’ordre et qu’il offre certains avantages, tant pour la défense que pour la poursuite. Les infractions primaires sont maintenant incluses et les infractions secondaires le seront probablement aussi. Pourquoi ne pouvons-nous pas aller un peu plus loin-peut-être commencer à accélérer le rythme dans ce secteur-en incluant les infractions primaires et même les infractions secondaires?
L'hon. Irwin Cotler: Je passe la parole à M. Cohen, mais, avant, je précise que nous avons adopté une approche visant à traiter en priorité les propositions contenues dans les amendements dont vous êtes saisis, tel que nous l’ont recommandé la Conférence pour l’harmonisation des lois et les intervenants, lors les consultations publiques. Ces propositions sont considérées comme des priorités urgentes. En 2005, dans le cadre d’un examen complet, il faudra adopter une approche plus complète et plus globale prenant en compte soit les préoccupations liées à la Constitution, soit le point de vue d’autres intervenants au sujet de certaines de ces questions, de même que les coûts et les ressources mis en cause.
Je cède maintenant la parole à M. Cohen.
º (1650)
M. Stanley Cohen: Je peux comprendre—j’utilise ce terme délibérément-la frustration que suscite le fait que les choses n’avancent pas aussi rapidement qu’elles le pourraient à certains égards. Néanmoins, pour être juste, il faut dire que la Cour suprême du Canada n’a pas encore été saisie de façon substantielle de la question de la rétroactivité. Pour l'instant, certaines décisions d’appel montrent que nous n’avons pas transgressé les normes établies dans la Charte. Évidemment, dans le cadre de son examen, le Parlement aura le loisir d’examiner cette question plus attentivement.
Certaines des suggestions présentées aujourd’hui ne concernent pas simplement la rétroactivité, elles vont jusqu’à proposer une rétroactivité complète, qu’il s’agisse d’infractions primaires ou secondaires, et jusqu'à inclure tous les actes criminels. Un tel élargissement déclencherait certainement une contestation fondée sur l’inconstitutionnalité de la portée excessive, parce que les moyens choisis par le pouvoir législatif pour atteindre un objectif légitime ne sont pas suffisamment précis et qu'ils ont une trop large portée et, de ce fait, rendent la loi arbitraire ou d'une trop grande portée. Si nous procédons ainsi, nous risquons, essentiellement, d'anéantir le travail déjà réalisé pour faire de cette mesure législative un outil approprié et efficace. Je ne dis pas qu’on arriverait nécessairement à ce résultat, mais je pense que les progrès réalisés illustrent la sagesse de l’approche adoptée.
Pour en revenir à votre première question dans laquelle vous demandiez si le système est en mesure de faire face à une accumulation de travail et si nous disposons des ressources nécessaires-je suis convaincu que M. Zigayer vous fournira une réponse plus détaillée-et il pourrait également y avoir une incidence à cet égard. Il est possible que, en définitive, on obtienne un outil de portée très large et très vaste, mais un système incapable d’absorber convenablement ce qui est prévu à l'étape actuelle de son élaboration.
Le président: Monsieur Zigayer.
M. Michael Zigayer: Il n’y a pas d’accumulation de travail à la banque nationale de données génétiques-c’est une affirmation catégorique, claire et nette. La banque possède une capacité plus que suffisante pour traiter les données qui y sont actuellement transmises et peut même absorber un volume accru.
C'est la capacité des laboratoires qui effectuent les enquêtes et les analyses de cas, non les activités de la banque de données, qui suscite des préoccupations-vous avez peut-être entendu certaines des préoccupations des associations policières. Les laboratoires et la banque de données ont deux types d’activités bien distinctes. Par exemple, la Sûreté du Québec possède un laboratoire provincial à Montréal, il y a également un laboratoire provincial à Toronto, pour l’Ontario, et je crois que la GRC compte six laboratoires un peu partout au pays. Ces laboratoires effectuent des analyses de cas. Advenant un meurtre ou une entrée par effraction, ces laboratoires se chargent de l’analyse d’enquête de tous les éléments trouvés sur les lieux et du travail technique de la police. La banque de données, elle, ne traite que les éléments qui lui sont transmis, accompagnés d’une ordonnance d’après condamnation visant l’inscription à une banque de données génétiques. Ainsi, à cet égard, la capacité est pleinement suffisante. Pour ce qui est de l’exploitation, il faut en discuter avec d’autres intervenants, pas avec nous. Si j’ai bien compris, la situation est satisfaisante à la banque de données.
Le président: Merci, monsieur Maloney.
Monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci.
Je vous remercie beaucoup de témoigner devant le comité. Je fais un bref aparté pour dire que si vous manquez de ressources, je crois savoir où vous pouvez en trouver qui ne sont pas vraiment bien utilisées pour le moment. Je parle plus précisément du registre des armes à feu qui s’est révélé plutôt inefficace.
º (1655)
L'hon. Irwin Cotler: Nous prenons officiellement note de votre commentaire.
Mr. Garry Breitkreuz: Merci.
Ma question illustre le sentiment qu’éprouvent de nombreux Canadiens. Je reviens au problème que pose le prélèvement de salive, apparemment plus intrusif que la prise d’empreintes digitales qui permettent d’analyser une substance corporelle. Je connais très bien le système mis en place en 1995 en vertu duquel toutes sortes de renseignements recueillis-antécédents financiers, sexuels, matrimoniaux et mentaux-devaient être fournis au gouvernement. Ces renseignements étaient versés dans une base de données disponible partout au Canada. Ce système n’est pas considéré comme une intrusion grave dans la vie privée des gens alors qu'un prélèvement de salive l'est?
Je ne vois tout simplement pas comment on peut soutenir qu’un système peut s’appliquer uniquement à des propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi et qu'un autre peut viser des gens ayant commis un acte criminel. J'ai l'impression que vous faites des pieds et des mains pour défendre le droit à la protection des renseignements personnels pour des individus accusés ou trouvés coupables d’actes criminels alors que vous n’admettez pas qu’un outil perfectionné de lutte contre le crime protège les droits de citoyens respectueux de la loi.
Voilà réellement la préoccupation que la plupart des Canadiens essaient d’exprimer par l’entremise de leurs représentants élus. La Charte ne prévoit-elle pas, entre autres, le droit à la sécurité de la personne? De plus, pourquoi n’y a-t-il pas un meilleur équilibre entre les droits des criminels et ceux de leurs victimes? N’est-ce pas là une question d’équilibre?
M. Stanley Cohen: Votre argument concernant la distinction entre les empreintes digitales et les empreintes génétiques alimente les discussions depuis la présentation initiale de la mesure législative. D’une part, il semble s’agir d’une simple comparaison. En surface, c’est une comparaison. Toutefois, lors de l’examen-je vous rappelle la discussion que nous avons eue en 1997-1998- on a demandé à trois éminents juristes canadiens d’exprimer chacun une opinion indépendante. Chacun de ces juristes, indépendamment des autres, est arrivé à la conclusion que la prise d’empreintes génétiques au moment d’une accusation serait contraire à la Constitution.
Je crois que les cas sur lesquels ces juristes se sont fondés font encore autorité aujourd’hui dans la jurisprudence. En outre, ces juristes ne se sont pas tellement préoccupés de la question de l’intrusion physique. Néanmoins, lorsqu’on parle de prélèvement de salive par opposition à la prise d’empreintes digitales, c’est une observation pertinente. Les juristes estiment que, dans les cas examinés, l’intrusion à l’intégrité physique est relativement peu élevée. La Cour suprême du Canada a émis la même opinion.
La Cour suprême a même ajouté récemment, dans l’arrêt S.A.B., qu’il n'en est pas de même à l’égard des préoccupations entourant la protection des renseignements personnels. Le ministre, dans ses propos d’ouverture, a cité l’extrait ci-après de l’arrêt S.A.B. :
Le droit à la vie privée dans le contexte international est aussi clairement mis en cause par le prélèvement d’échantillons de substances corporelles dans le cadre de l’exécution d’un mandat ADN… Il ne fait aucun doute que l’ADN d’une personne renferme, au plus haut degré, des renseignements personnels et privés. |
Ainsi, le problème ne vient pas tant de l’intrusion physique et de la violation de l’intégrité physique, mais essentiellement du fait qu’on s’immisce dans l’histoire de toute une vie. Une telle pratique peut ne pas avoir de limites temporelles. Elle doit évoluer au fur et à mesure que nous nous adaptons à la technologie et à ses effets.
M. Garry Breitkreuz: Mais ne comprenez-vous pas ce que j’essaie de dire? Certaines personnes dans la société sont des victimes en puissance. Ne devons-nous pas établir un équilibre entre leurs droits à une protection adéquate, à la sécurité de la personne, et ce que vous essayez de défendre actuellement?
M. Stanley Cohen: Je n’essaie pas de dire que la nécessité de protéger la société ne revêt pas une importance primordiale. En fait, les tribunaux ne cessent d’en réaffirmer l’importance. Néanmoins, les tribunaux disent également que pour respecter la Constitution, si on veut présenter les choses de cette façon, les intérêts de la société doivent constituer un élément de l’équation. Ils ne sont pas mis de côté. Il ne s’agit pas uniquement d’établir s’il y a eu violation d’un droit, purement et simplement. Il s’agit plutôt d’essayer de trouver l’équilibre approprié.
Il faut se rappeler que, dans certains cas, des mandats autorisent le genre de prélèvements pour analyse génétique qui vous préoccupent. En présence de motifs raisonnables et probables, on envisage un régime qui prévoit le prélèvement de substances corporelles sur tout individu trouvé coupable d’infractions primaires et secondaires, tel que prévu dans la présente mesure législative. De plus, l’aspect rétroactif a également été élargi dans cette mesure législative.
Par conséquent, ce n’est pas une question de protection par opposition à absence de protection.
» (1700)
Le président: Merci beaucoup monsieur Breitkreuz.
Monsieur le ministre, au nom du comité, je me demande s'il est possible d'obtenir le texte des avis dont a parlé M. Cohen.
L'hon. Irwin Cotler: J'aimerais seulement souligner que nous avons tenu le même débat en 1998, lorsque nos fonctionnaires sont venus témoigner au Parlement. Ces représentants du ministère de la Justice ont dit au comité permanent que prélever des substances corporelles sur un suspect équivalait à le fouiller. Même si le gouvernement fédéral a endossé notre position constitutionnelle d'alors, le ministre de Justice de l'époque, dans le but de régler cette question et peut-être d'accélérer l'adoption du projet de loi par la Chambre des communes, a demandé leur avis juridique — avis auxquels M. Cohen a fait allusion — à Martin Taylor, ancien juge à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, à Charles Dubin, ancien juge en chef à la Cour d'appel de l'Ontario, et à Claude Bisson, ancien juge en chef à la Cour d'appel du Québec. Fait intéressant, ils ont conclu chacun de leur côté que prélever des substances corporelles comme on prélève des empreintes digitales, au moment de l'accusation, ne subirait pas avec succès un examen minutieux fondé sur la Charte.
Il me fait plaisir de vous communiquer ces avis. À l'époque, ils ont été communiqués aux parlementaires. Nous vous les remettons aujourd'hui volontiers. Vous verrez qu'ils traitent précisément des questions et des notions que vous avez soulevées en ce qui concerne la vie privée et la sécurité du suspect. Indépendamment l'un de l'autre, les trois juges en chef ont étudié ces questions d'un point de vue plus général, mais aussi certains aspects propres à la protection des victimes.
M. Garry Breitkreuz: Les observations et les réponses que vous venez de formuler sont-elles susceptibles d'évoluer et d'être modifiées? Devrions-nous tenter d'approfondir ces avis? Les choses ont pu évoluer considérablement au cours des six dernières années.
L'hon. Irwin Cotler: C'est une bonne question. Voici les réponses que je vous ferais. J'affirme sans hésiter que les modifications que nous proposons dans le projet de loi à l'étude sont constitutionnelles. Pour les raisons évoquées, adopter le modèle des empreintes digitales serait franchir un pas considérable. Pour le franchir - et je n'exclue pas cette option —, il nous faudrait consulter plus avant les divers intéressés. Nous aurons peut-être l'occasion de le faire à la prochaine conférence des procureurs généraux des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Nous devons recueillir le point de vue des différents intéressés.
Les consultations auxquelles nous procéderons pour dresser le bilan quinquennal de 2005 pourraient être l'occasion, il me semble, d'examiner les points que vous avez soulevés. Peut-être aurons-nous alors une meilleure idée de la façon de procéder. À l'heure actuelle, je ne serait pas en mesure d'affirmer que la mesure envisagée est conforme à la Constitution.
Le président: Pour le moment, le greffier peut sans doute nous remettre ces avis.
L'hon. Irwin Cotler: Oui. J'ai apporté des exemplaires.
Le président: Alors nous pouvons les distribuer. Merci.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci beaucoup.
Lorsqu'on parle de prélèvements d'ADN, l'information que ces prélèvements contiennent est fort importante et fort précise. On s'entend pour que les prélèvements d'ADN soient faits exclusivement dans le but de lutter contre la criminalité et contre une récidive possible.
Avez-vous la conviction qu'il y a suffisamment de protection contre tout mauvais usage des empreintes génétiques? Les mesures de sécurité dans les laboratoires sont-elles assez sévères pour s'assurer que l'utilisation des empreintes génétiques soit pertinente et limitée aux buts énoncés dans le projet de loi?
» (1705)
M. Michael Zigayer: Ces protections sont importantes. La loi contient des prohibitions clairement énoncées et des sanctions importantes. C'est à peu près tout ce qu'on peut dire.
Lors de leurs discussions sur le caractère raisonnable de l'ensemble de cette loi, les cours ont fait des commentaires sur ces éléments de la loi actuelle. La protection de l'ADN est un enjeu très important pour les cours sur le plan international
M. Richard Marceau: À votre avis, monsieur le ministre, le financement de la banque de données est-il suffisant?
M. Michael Zigayer: J'ai déjà mentionné plusieurs fois que c'était surtout au commissaire de la GRC de répondre à cette question, puisqu'il est responsable de l'administration de la banque nationale de données génétiques.
Je crois comprendre que la GRC possède des ressources suffisantes pour faire l'analyse des échantillons corporels envoyés à la banque nationale de données génétiques à la suite d'une ordonnance de la cour et d'une condamnation pour une infraction désignée.
M. Richard Marceau: Je vais demander avec plaisir l'avis de la GRC.
Je n'ai pas lu cet article moi-même, mais voici à peu près ce qu'aurait écrit le National Post en 2003. Selon cet article, Joe Buckle, commissaire adjoint du Service des laboratoires judiciaires de la GRC, aurait dit que celle-ci n'avait pas été capable d'analyser, dans son propre délai de 15 jours, 74 p. 100 des cas les plus sérieux. Il a été signalé qu'en octobre 2004, l'arriéré avait atteint 1 733 cas. Le sergent d'état-major à la retraite de la GRC, M. Dave Hepworth, a indiqué que l'arriéré dans l'analyse des empreintes génétiques pourrait être éliminé avec aussi peu que cinq millions de dollars.
M. Michael Zigayer: Comme je l'ai déjà dit, cet article ne traite pas de la banque nationale de données génétiques. Je crois qu'il parle surtout de ce qui arrive aux échantillons et de l'analyse qui doit être faite dans le contexte d'une enquête.
C'est un peu comme dans le cas de l'émission CSI, qui n'a rien à voir avec la banque nationale de données génétiques. Il s'agit d'enquêtes individuelles: une entrée par effraction, un vol par effraction, un meurtre ou quelque chose comme cela. Dans le cas de ces infractions, les enquêtes et l'analyse des échantillons corporels se font dans les laboratoires régionaux.
Comme vous le savez, il y en a à Montréal, à Toronto, et la GRC en a une série partout au pays. Je crois que c'est peut-être de cela qu'on parle cet article.
M. Richard Marceau: J'en suis à ma dernière question.
Dans sa présentation initiale, le ministre a dit que le projet de loi C-13 élargissait l'étendue de la banque nationale de données génétiques. Si on en élargit l'étendue, cela veut dire plus de cas, et cela veut nécessairement dire plus d'argent.
Prévoyez-vous, monsieur le ministre, ajouter de l'argent pour le fonctionnement, ce qui correspondrait à l'élargissement que vous prévoyez du rôle de la banque nationale de données génétiques?
[Traduction]
L'hon. Irwin Cotler: À mon avis, cette question doit être portée à l'attention de la ministre de la Sécurité publique, qui est chargée de l'application de la loi par l'entremise notamment de la GRC, et à l'attention de l'ensemble du gouvernement. Si les besoins le justifient et si des ressources sont nécessaires, alors nous devons veiller à ce que les ressources soient proportionnelles aux besoins, le projet de loi autorisant l'accroissement du nombre d'ordonnances.
Je signale au comité que la Cour d'appel de l'Ontario est saisie de deux causes, R. c.Briggs et R. c. Hendry, qui portent sur certaines des questions soulevées aujourd'hui. Je n'ai pas le temps de les exposer, mais nous pouvons vous en communiquer la teneur. Selon moi, ces causes nous éclairent sur la façon dont il faut interpréter et appliquer ces dispositions du projet de loi et, comme j'ai dit, elles portent sur certaines de ces questions.
» (1710)
Le président: Merci. Nous l'apprécions.
Merci, monsieur Marceau.
Madame Neville, vous disposez de trois minutes.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci. Je vais être très brève.
Si je comprends bien, certains échantillons de substances corporelles versés dans la banque nationale de données génétiques ont été prélevés sur des contrevenants qui n'ont pas été déclarés coupables d'une infraction primaire ou désignée. Qu'advient-il de ces échantillons et le processus législatif prévoit-il quelque chose à leur sujet?
En deuxième lieu, voici une question abordée par M. Maloney et à laquelle vous avez réagi, je crois, monsieur le ministre. Moi aussi, je me demande pourquoi il n'y a pas d'autres sujets abordés dans le projet de loi, sans attendre le bilan à venir; pourquoi le projet de loi C-13 n'aborde t-il pas d'autres sujets et ne comporte-t-il pas d'autres modifications?
L'hon. Irwin Cotler: Je vais répondre à la première question. J'ai tenté de répondre à la deuxième, il me semble, mais peut-être n'y suis-je pas bien parvenu; alors je vais demander à mes collègues de le faire.
Au 22 novembre, 506 échantillons de substances corporelles prélevés sur des contrevenants à la suite d'ordonnances apparemment entachées de vice ont été déposés à la banque nationale de données génétiques; vous vous reportiez à ces cas, selon moi, dont le contrevenant n'a pas été déclaré coupable d'une infraction désignée. Conformément à l'intention du législateur, la banque n'a pas analysé ces échantillons mais elle les a soigneusement conservés. Lorsque vous visiterez la banque - j'espère que vous en aurez l'occasion -, vous verrez avec quel soin elle traite les ordonnances et veille à respecter la loi et l'intention du législateur.
Le projet de loi C-13 prévoit l'instauration d'un processus qui aboutirait soit à l'établissement d'une version corrigée d'une ordonnance, notamment si un tribunal a commis une erreur d'écriture, soit à la destruction des échantillons de substances corporelles, lorsqu'une ordonnance n'a pas été légalement autorisée. C'est au procureur général de chaque province, puisqu'il est chargé d'administrer la justice, qu'incombe de telles mesures correctrices.
À présent, Stan va répondre à la deuxième question, à savoir pourquoi le projet de loi ne porte pas sur un plus grand nombre de sujets.
M. Stanley Cohen: Je vais être bref. À mon avis, votre question en est une de politique. Ma préoccupation est la suivante : le projet de loi peut-il soutenir un examen en vertu de la Charte? Je reviens sur un point que j'ai déjà abordé. Plus on ajoute de la matière à une réforme, à une révision législative, plus la compatibilité du projet de loi avec la Constitution est une affaire complexe. Si on inclut une rétroactivité complète, si on inclut un processus de prise de décision automatique plutôt que discrétionnaire, si on inclut un grand nombre de dispositions, on obtient en bout de ligne une variété de modèles. On s'écarte alors de ce que les tribunaux ont reconnu comme étant — et les termes sont importants — un régime législatif soigneusement élaboré et sans intervention excessive; lorsqu'on entreprend de modifier le fondement de sa démarche et qu'on adopte un autre modèle, par exemple fondé sur les empreintes digitales plutôt que celui du projet de loi, les complications constitutionnelles s'accumulent. De mon point de vue, il ne faut pas modifier le projet de loi; mais je suis sûr que, question de politique, M. Zigayer a autre chose à dire.
L'hon. Irwin Cotler: Si vous me le permettez, je vais tenter de situer les réponses dans leur contexte.
Comme je l'ai dit, la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada 2001 a proposé, à l'époque, par le biais de résolutions, sept modifications au ministère de la Justice ainsi qu'aux provinces, aux territoires et aux autres intéressés. Sans entrer dans les détails, je signale que, en 2002, nous avons consulté les Canadiens au sujet de ces modifications. Je le reconnais, la consultation a été quelque peu retardée en raison de la Loi antiterroriste et du projet de loi sur le crime organisé, adoptés à la suite des événements du 11 septembre. La consultation ayant porté sur les sept priorités retenues dans les résolutions de la Conférence, le projet de loi C-13 apporte toutes les modifications recommandées. Le document rédigé à l'époque en vue de la consultation énonçait cinq questions censées refléter les priorités retenues par la Conférence, mais leur libellé était assez général pour permettre des réponses diverses.
Sans plus de précisions, je vous fais part des questions, car elles sont à l'origine de la rédaction du projet de loi dont vous êtes saisis. Les voici : est-il nécessaire de modifier les listes actuelles d'infractions désignées à l'article 487.04 du Code criminel? nous les avons modifiées; devrait-on modifier le Code criminel pour permettre que des empreintes génétiques soient prélevées sur des personnes ayant obtenu un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux afin de les inclure dans la banque de données génétiques? devrait-on modifier le Code criminel pour élargir la portée [rétroactive] de la législation relative à la banque de données génétiques? devrait-on modifier le Code criminel afin de corriger certaines questions de procédures? doit-on prévoir la possibilité d'un nouveau prélèvement dans les cas où le profil d'identification génétique a été retiré de façon permanente de la Banque nationale de données génétiques par effet de la loi?
La réaction à ce questionnaire a été pas mal intéressante. Les répondants se sont prononcés en faveur d'additions à la liste des infractions désignées, et nous en avons tenu compte. Ils ont également souhaité que les tribunaux soient habilités à ordonner qu'on prélève un échantillon des substances corporelles d'une personne non déclarée pénalement responsable et qu'on le dépose à la banque de données génétiques. Ils ont réclamé que le régime rétroactif s'étende aux infractions sexuelles « historiques »; c'est là que ce sujet est revenu et nous avons donné suite. Ils nous demandé de nous attaquer à certaines questions de procédure. Enfin, ils nous ont demandé de résoudre le problème que pourrait poser le retrait de la banque du profil génétique d'une personne ayant été déclarée coupable, qui a été déclarée coupable par la suite d'une nouvelle infraction désignée.
Nous le reconnaissons, les modifications que nous avons proposées au comité parlementaire relèvent du champ plus restreint des consultations tenues en rapport avec les sept recommandations prioritaires de la Conférence pour l'harmonisation des lois. Elles se fondent sur le cadre législatif existant, elles portent sur des questions opérationnelles soulevées et nous sommes affirmons qu'elles sont conformes à la Constitution. À notre point de vue, il serait prématuré, à l'heure actuelle, d'aller au-delà des sept recommandations de la Conférence et du large processus de consultation, à partir de quoi ont été formulées les recommandations auxquelles nous devions donner suite de toute urgence. Pour les raisons déjà évoquées, nous n'excluons pas d'autres modifications; nous disons que ces modifications n'ont pas encore fait l'objet d'un examen en vertu de la Constitution et n'ont pas été soumises au processus de consultation nécessaire. Nous n'étions pas en mesure de donner suite à ces recommandations; elles ne seraient pas nécessairement invalides, mais elles sont prématurées.
» (1715)
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Monsieur Warawa a la parole.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
Je remercie de leur présence le ministre et les témoins.
J'ai pris connaissance du mémoire remis à chaque membre du comité. Selon la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, on a constaté que la banque de données génétiques est un moyen d'enquête extrêmement précieux et, sauf erreur, monsieur le ministre, vous avez dit la même chose; dans les faits, elle a amélioré la sécurité publique. Le mémoire contient des renseignements fort intéressants et on y suggère même certaines questions. En les lisant, je me suis dit que ce n'était peut-être pas le moment idéal pour les poser, mais j'espère tout de même que le ministre pourra y répondre à notre satisfaction. À vrai dire, monsieur le président, je ne suis pas entièrement satisfait des réponses que nous avons obtenues, mais j'apprécie que vous ayez tenté de répondre.
Si l'on se fonde sur les décisions rendues dans les causes Borden et Stillman, prélever du sang serait contraire à la Constitution et équivaudrait à une pénétration du corps humain. Ai-je raison d'avoir compris qu'un prélèvement de sang équivaut à une pénétration du corps?
L'hon. Irwin Cotler: Oui, selon ces cas, vous avez raison.
M. Mark Warawa: Monsieur le président, selon les questions et les propos formulés autour de la table, nous avons intérêt à tirer tout le profit possible de ce procédé technique. C'est extraordinaire de pouvoir établir avec une grande précision si le profil génétique d'un accusé correspond aux empreintes génétiques relevées sur la scène d'un crime. C'est un moyen très précieux pour établir la culpabilité ou l'innocence d'une personne. C'est le résultat que nous obtenons, selon moi. Toute personne raisonnable dirait, à mon avis, « c'est un procédé technique, d'accord, mais employons-le ». Voilà pourquoi, d'après moi, une personne raisonnable dirait : « qu'y a-t-il de répréhensible à prélever sans pénétration les empreintes génétiques d'un accusé comme on le fait pour ses empreintes digitales ? » D'après moi, une personne raisonnable dirait que c'est raisonnable. La raison pour laquelle ce procédé a été jugé possiblement non compatible avec la Constitution, c'est qu'il comporte la pénétration du corps. S'il existe un moyen de prélever les empreintes génétiques sans pénétration, nous devrions sérieusement envisager de l'employer. Aujourd'hui, un tel moyen existe.
Estimons-nous que les empreintes génétiques sont adéquatement protégées? Nous devons nous en assurer. Nous sommes saisis d'un projet de loi et nous avons également besoin d'un financement adéquat, comme l'a mentionné mon collègue. En réponse, je dois dire qu'il n'y a peut-être pas un financement suffisant pour traiter les échantillons prélevés par la GRC, la police chargée de l'étude des dossiers. Dans 74 p. 100 des cas les plus graves traités par la GRC pour des empreintes génétiques, celle-ci n'a pu respecter son propre délai de 15 jours pour les analyser. Le ministre a dit que les cas les plus importants d'empreintes génétiques auraient priorité, mais que les cas exigeant une analyse plus poussée devraient attendre. Or, dans 74 p. 100 des cas, les analyses ne sont pas réalisées dans le délai voulu, nous dit-on. C'est très préoccupant, et nous devons fournir le financement adéquat pour ce procédé technique. En accord avec mon collègue de droite, j'affirme qu'il y a des secteurs au sujet desquels nous pouvons nous demander : « Où est-il le plus rentable d'investir l'argent des contribuables ? » J'estime que c'est dans ce procédé technique d'une grande précision que nous devons investir davantage. Il y a d'autres secteurs où l'on constate de graves lacunes et un piètre résultat, nous pourrions récupérer une partie de leur financement.
» (1720)
Le président: Pouvez-vous poser votre question, monsieur Warawa?
M. Mark Warawa: Il y a des façons non intrusives d’obtenir cette ADN. Nous pouvons protéger la vie privée et les renseignements personnels de ces personnes. Elles ont droit à un appel avant le prélèvement d'une substance corporelle. Elles sont donc protégées.
Estimez-vous que le projet de loi sur l’ADN fournit des sauvegardes suffisantes pour les Canadiens?
M. Michael Zigayer: Je crois qu’il y a un danger de confusion entre deux interventions, l’émission d’un mandat pour prélèvement d'une empreinte génétique et la constitution d’une banque de données génétiques.
Le prélèvement d’empreintes au moment de l’accusation est une question totalement distincte de la constitution d’une banque de données génétiques. La police peut maintenant obtenir une empreinte génétique d’un suspect, pour utilisation dans les poursuites contre ce suspect pour une infraction désignée. Il suffit de présenter à un juge d’une cour provinciale une demande de mandat d’obtention d’un prélèvement de substance corporelle. Dans une affaire qui s’y prête, cette possibilité existe. À ma connaissance, il n’y a pas de cas où on ait refusé à la police un mandat de prélèvement d’une empreinte génétique.
Le processus de prélèvement d'une empreinte est le même que celui qui s’applique pour le prélèvement d’une empreinte aux fins d’une banque de données, mais il y a une procédure à suivre. Elle figure dans le Code criminel et elle existe depuis 1995. Dans l'arrêt S.A.B., la Cour suprême du Canada a jugé à l’unanimité que c’est une question d’équilibre approprié entre les intérêts de la société et l’application de la loi, d’une part — la protection de la société — et les intérêts du particulier, du suspect qui est présumé innocent et dont les intérêts en matière de protection des renseignements personnels sont touchés par l’État, étant donné que l’État veut un accès au corps de cette personne.
La procédure porte sur la nécessité d’une autorisation judiciaire, d’un mandat, car il y doit exister un arbitre impartial entre les intérêts de l’État et les intérêts du particulier. Nous laissons au juge la responsabilité de prendre cette décision. La réalisation d’un prélèvement au moment de l’accusation sans autorisation judiciaire préalable constitue ce qu’on appellerait une violation de la Constitution. Vous prélevez un échantillon d’une substance corporelle d’un particulier et le fait de permettre que cela arrive est une intrusion. Jusqu’à ce jour, nous avons le sentiment que cela ne peut se faire sans autorisation judiciaire.
Après la condamnation, vous obtenez cela, après que la personne eut été reconnue coupable d’une infraction désignée. Le juge est en mesure, au moment du prononcé de la sentence — vous avez été condamné — de décider à ce moment-là, oui ou non, s’il devrait rendre une ordonnance pour que vous figuriez dans la banque de données. Si le juge rend une décision affirmative, il émet l’ordonnance et c’est fait. Et la procédure régissant le prélèvement de l'empreinte est la même que celle prévue par le mandat. La seule différence, c’est que l’empreinte n’ira pas au même endroit. Dans le cas du mandat, elle il ira au laboratoire judiciaire local ou régional. Dans le cas de l’empreinte destinée à la banque de données génétiques, il viendra à Ottawa, à la banque nationale de données génétiques.
» (1725)
Le président: Merci, M. Warawa.
Monsieur Macklin, vous aviez une question.
L'hon. Paul Harold Macklin: Oui, merci, monsieur le président.
Simplement pour commenter la discussion en cours, je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit de plus fondamental en jeu ici que le plan directeur de notre structure génétique. Nous ne donnons pas seulement quelques lignes de notre main à l’occasion de la prise d’empreintes digitales. Je crois que c’est un élément fondamental de notre identité.
Les membres ont eu récemment une occasion de voir ce que fait Génome Canada en matière de recherche génétique. Cela a été présenté aux parlementaires ces deux dernières semaines. Cela nous éclaire vraiment et nous fait comprendre l’importance de cette démarche. Je ne sais pas s’il y a une autre façon d’exprimer cela que de parler d’un plan directeur de la structure génétique de votre identité. Ce qu’ils arrivent à trouver à partir cela — je veux dire, les enquêteurs — est assez incroyable. Je crois qu’on ne peut comparer une empreinte digitale et un plan directeur génétique.
Mais là n’est pas ma question. Ma question nous ramène au départ, lorsque vous avez prononcé votre allocution initiale, monsieur le ministre. Vous avez indiqué que les procureurs généraux provinciaux souhaitaient assez vivement que nous adoptions ces mesures assez rapidement. J’aimerais que vous nous informiez sur le degré d’urgence qu’y attachent les procureurs généraux des provinces, de façon à ce que nous puissions avoir une idée de la rapidité avec laquelle nous devrions traiter ce projet de loi.
L'hon. Irwin Cotler: Je ne peux partager avec vous que ce qu’ils ont eux-mêmes affirmé et cela remonte au rapport publié il y a trois ans par la Conférence pour l’uniformisation des lois au Canada. Plus précisément, elle a établi que les sept amendements proposés à l’époque — ils figurent dans le projet de loi que nous étudions — constituaient des priorités et les procureurs généraux ont recommandé leur adoption à titre urgent. En d’autres termes, nous intervenons aujourd’hui trois ans après qu’on les eut qualifiés d’urgents.
Je recommanderais au comité… et c’est la raison pour laquelle nous nous sommes rassemblés aujourd’hui au lieu d’attendre le Forum parlementaire en 2004 pour considérer ces questions dans une optique plus globale. Nous pouvons maintenant cerner et homologuer, du point de vue de leur constitutionnalité, sept amendements précis qui sont recommandés à titre prioritaire et comme méritant un examen d’urgence.
J’ajouterais que j’ai fait allusion plus tôt à l'arrêt R. v. Briggs, qui est très intéressant, parce qu’il aborde la finalité de ce type de loi. Il affirme que l’intérêt de l’État, lorsqu’il obtient un profil ADN d'un délinquant, ne réside pas simplement dans la valeur de l’application de la loi en faisant en sorte qu’il soit possible de découvrir d’autres crimes commis par le délinquant. Le fait est plutôt que, comme cela a été avancé dans cette affaire — et c’est peut-être un moment approprié pour le faire, car nous nous rapprochons de la fin —, les dispositions ont des buts beaucoup plus larges.
Je vais simplement énumérer ce qu’on qualifie de caractère axé sur une finalité du projet de loi, qu’il faut apprécier sous l’angle des recommandations précises que nous mettons de l’avant à titre prioritaire :
(1)dissuader les récidivistes potentiels; (2) promouvoir la sécurité de la communauté; (3) détecter le moment où un délinquant en série est à l’œuvre; (4) contribuer à l’élucidation de crimes non résolus; (5) rationaliser les enquêtes; fait le plus important, (6) venir en aide aux innocents en leur permettant d'être écartés très tôt comme suspects dans le processus d'enquête (ou en exonérant les personnes reconnues coupables à tort. |
J’ai parlé du processus de la condamnation injustifiée. Nous ne devrions pas oublier que le prélèvement d’une empreinte génétique tôt dans le processus d’enquête peut exonérer un suspect à ce moment-là. Cela est très important aux fins de la validation de l’innocence tôt dans le processus, ainsi que la condamnation injustifiée qui survient plus tard, après que tous les appels ont été épuisés.
Donc, nous devrions apprécier le caractère axé sur une finalité, large et global de ce projet de loi, ce que nous cherchons à aborder par l’intermédiaire de sept recommandations précises que nous soumettons au comité.
» (1730)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
M. Breitkreuz m’assure qu’il a une brève question qu’il va formuler directement
M. Garry Breitkreuz: Ceci me vient de personnes qui oeuvrent dans le domaine de l’application de la loi.
En 1995, le bureau de l’Association canadienne de la police professionnelle a conclu un accord en coulisses avec le ministre de la Justice. Elle a convenu d’appuyer le registre des armes à feu des libéraux et, en contrepartie, le ministre de la Justice a promis que le gouvernement présenterait un projet de loi sur l’ADN lui permettant d’effectuer des prélèvements génétiques au même moment où les policiers prennent les empreintes digitales des personnes accusées d’une activité criminelle.
Le bureau de l’Association canadienne de la police professionnelle a respecté sa partie du marché. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas respecté la sienne?
L'hon. Irwin Cotler: Ma réponse à votre question est que je ne suis au courant d’aucune entente en coulisses. Je suis venu ici aujourd’hui pour vous saisir d’un projet de loi que vous considérez urgent. Je ne peux commenter aucune soi-disant entente en coulisses dont je ne suis pas au courant.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Merci beaucoup de votre présence ici aujourd’hui, vous et vos fonctionnaires.
Merci au comité de ses travaux d’aujourd’hui. Nous allons ajourner. Nous nous réunirons à nouveau demain matin à onze heures.
[Français]
à la pièce 701 de l'édifice La Promenade. Il s'agit d'une réunion avec les maires de la région des Cantons de l'Est.
Merci.
La séance est levée.